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26 novembre 2024
Opinions
PAR LE CHRONIQUEUR DE SENEPLUS, JEAN-PIERRE CORRÉA
AUDIO
INCONCEVABLE AMNISTIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Je ne peux me résoudre à ce que deux filles brûlées vives dans un bus, voient leurs assassins libérés, sans autre forme de procès. J’ai le droit de ne pas voir ma justice bafouée sur l’autel d’un deal honteux
"Priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité même" - Nelson Mandela, militant sud-africain des droits civiques.
Rien ne nous empêchera de penser que l'amnistie est l'expédient des gouvernements faibles. Ceux qui ne savent reconnaître leurs responsabilités dans les actes qu’ils veulent dissiper de nos mémoires.
Serions-nous moins dignes que les afrikaners qui ont reconnu leurs errances de l’apartheid en Afrique du Sud ou que les Rwandais qui ont su mettre face à face bourreaux et victimes, pour que les uns se repentent et que les autres pardonnent ? En Afrique du Sud, les auteurs des crimes qui ont confessé toute la vérité sur les crimes politiques qu’ils ont commis, y compris des violations graves des droits de l’homme, à la Commission vérité et réconciliation ont bénéficié de l’amnistie. Dans la région de Diffa au Niger, les communautés ont proposé que les ex-membres du groupe armé Boko Haram puissent être réintégrés pour autant qu’ils demandent pardon et jurent sur le Coran de renoncer à la violence.
Macky Sall a fait déposer un projet de loi d’amnistie des actes commis au cours des troubles traversés par notre pays depuis trois ans, qui visera les faits survenus au cours de différents épisodes de troubles survenus depuis 2021. Cette loi d’amnistie se veut une main tendue du président sortant à la principale force de l’opposition, l’ex-Pastef. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye croupissent en prison pour, entre autres charges, appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, actes et manœuvres propres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves.
Alors ? On efface tout et…On recommence ? Ma bagne !
Dans un Sénégal qui avait pourtant des enjeux majeurs à définir pour surtout mettre sa jeunesse hors de portée des requins de l’Atlantique et des esclavagistes libyens, dont on espérait de ses élites politiques qu’elles disposent enfin notre pays dans « le temps du monde », nous fûmes convoqués à notre corps et à notre cœur défendant, à être les spectateurs d’un combat politicien entre deux hommes qui avaient décidé qu’ils étaient les maîtres de notre temps et les seuls à pouvoir magnifier notre avenir. Trois années durant, de « Sweet Beauté » à « Shit Botté », à coups de Mortal Kombat, de « Gatsa Gatsa », et de « Tocc sa Gatt » à faire se retourner Mamadou Dia, Lamine Guèye et Senghor dans leurs tombes, Macky Sall et Ousmane Sonko, ont par la violence de leur affrontement, pulvérisé ce qui faisait la singularité et la particularité du Sénégal, à savoir sa légendaire concorde, enviée par toute l’Afrique et voilà qu’à présent, ils veulent signer leur deal puant sur 70 linceuls souillés par leurs prétentieuses désinvoltures…
Ma bagne ! J’ai le droit de savoir si 70 personnes sont mortes parce qu’un leader n’a pas su assumer son appétence pour la gaudriole, et a préféré se draper dans la posture du martyr, se servant d’une jeunesse avide de son projet, comme écran de fumée dissipant sa légèreté.
Ma bagne ! J’ai envie de savoir s’il y a eu un complot contre le leader de Pastef, quels sont les personnes qui le faisant ont participé à semer l’Apocalypse dans le pays.
Ma bagne ! J’ai envie, comme tous mes compatriotes pourquoi notre économie s’est dissoute devant leurs incuries et s’est transformée en gouffre financier.
Ma bagne ! J’ai le droit de savoir pourquoi des vandales et des pillards, dont les comportements ont été validés par les politiques ont cramé des biens privés, installé une telle insécurité, que des années scolaires et universitaires furent vendangées et perdues.
Ma bagne ! J’ai le droit de savoir si ce sont des forces de défense et de sécurité ou des forces obscures qui ont tué par balles des dizaines de jeunes. C’est facile à savoir. Je ne peux me résoudre à ce que deux filles brûlées vives dans un bus, voient leurs assassins libérés, sans autre forme de procès qu’une indemnisation de leurs parents.
Ma bagne ! Je veux comme des millions de compatriotes, qu’avant de pardonner, certains boutefeus se repentent et ramènent à la raison leurs militants fanatisés, bouffis de haine et perclus des raccourcis les plus stupéfiants.
Ma bagne ! J’ai le droit de ne pas voir ma justice bafouée sur l’autel d’un deal honteux qui n’honorera pas celui à qui il sensé profiter, et qui veut tout de même garder son image de héros prométhéen, pour qui sait, à sa sortie, faire cortège victorieux vers le Palais enfin libéré de son gladiateur complice et favori.
Ma bagne ! Que ceux qui ont tenté d’assassiner Maïmouna Ndour Faye, n’imaginent pas qu’ils pourront aussi bénéficier de ces amnisties de pacotille, puisque prime est à présent donnée aux bandits déguisés en prisonniers politiques.
Ma bagne !!! Ma lank !!!
Ceux qui feront de ces linceuls des cache-sexes de leurs turpitudes, en votant cette loi d’amnistie, auront la mort de ces jeunes martyrs, sur la conscience.
Conscience avez-vous dit ? En sont-ils seulement pourvus ? La réponse est dans la question.
par Ousseynou Touré
DIALOGUE NATIONAL : CAPACITÉS DYNAMIQUES EN MOUVEMENT
Dans un contexte démocratique fragile, seul un dialogue ouvert et sans a priori permettant de concilier les différents paramètres semble en mesure de sortir de l’impasse
Les acteurs du dialogue national ont usé des ressources-compétences pour enclencher un processus d’échanges. Avec un réel risque, sur un horizon non-maîtrisé, dans un contexte conflictuel très changeant. Notre parti-pris s’analyse à l’aune d’une meilleure prise en compte de l’agir sociologique et des intelligences locales.
UN : les propos liminaires du chef de l’État n’ont pas exercé une influence positive dans le camp des candidats validés par le Conseil constitutionnel. En l’espèce, le seul usage des ressources tangibles et intangibles (présence des acteurs institutionnels, secret des délibérations, code électoral, Constitution, posture étatique…) et des compétences clefs (maîtrise des éléments de langage, de la stratégie politique, de la posture cognitive…) ne suffisent plus pour atteindre des résultats. Il y a lieu de prendre en considération l’artefact psychologique des différentes parties prenantes. Dès lors, la question qui se pose est celle du lien qui existe entre l’adoption d’un Considérant qualitatif (vérité des faits et des dires) et l’atteinte des résultats. En d’autres termes, en quoi la fixation sur un Considérant qualitatif peut influencer les résultats attendus ?
Le Considérant qualitatif projeté par le chef de l’État envers l’opinion publique, renvoie d’une part, particulièrement à l’exploitation du contenu des textes juridiques (Code électoral et Constitution) et, d’autre part, à la gestion des relations transversales avec plusieurs acteurs institutionnels comme politique. Le résultat est connu ; il s’agit de retenir une date et une gestion de l’après 2 avril 2024, à la suite d’une décision unilatérale. Or, il me semble que le contenu des textes juridiques s’avère incomplet, pour servir d’arbitre, et de surcroît, pour être à la base d’une manifestation d’un fort consensus, même si les décisions du Conseil constitutionnel s’appliquent à Tous. C’est pourquoi, dès le départ, la lettre du dialogue est biaisée. Et dans l’esprit, le « Je » présidentiel est à l’opposé du « Nous » rassembleur de l’Opposition (16/19 candidats validés). La conséquence immédiate est que les autres candidats spoliés ont produit des éléments de langage spoliés, et du coup, une apnée cognitive mettant tous les corps constitués ainsi que les citoyens, très mal à l’aise et donnant l’impression de fragments et bribes de messages insuffisamment reliés, à l’image d’une improvisation. La prise de décision issue du dialogue sur la base d’un léger consentement ne fera que craqueler notre démocratie. Pourquoi alors provoquer un capharnaüm de mauvais aloi ?
Surement le Considérant qualitatif s’adosse sur des transformations permanentes. La cristallisation sur le développement des relations transversales avec une bonne partie de l’Opposition (les recalés) et quelques membres de la société civile, sont des exemples de ces transformations permanentes. A y voir de près, ce Considérant qualitatif maladroitement élaboré renseigne sur la fragilité du processus. Il est liberticide et pernicieux. Dès lors, le dialogue qualitatif devra être porté par le prochain Président pour accorder plus d’importance à l’évaluation et à l’amélioration des points d’attention dans leur ensemble.
DEUX : Le Considérant quantitatif est relatif au poids numérique des participants au dialogue. Certains protagonistes politiques misent sur une pluralité de participants, pour, (peut-être ?), crédibiliser les résultats qui en sortiront. Les tenants de cette option semblent vouloir passer par le plus long chemin, au-delà des délais prévisionnels, pour ne pas aller, au plus vite, aux élections. D’autres acteurs ont fait émerger la notion de la quantité gratuite, avec l’idée que les 19 candidats validés qui devraient être au cœur du dialogue risquent de saper l’obtention de consensus. Dans ce prolongement, la non-participation de 17 candidats validés, au dialogue, par un contournement tactique, dénature les enjeux des échanges. Il en résulte donc que la mise en place d’un dialogue inclusif provoquerait, à l’état des choses, des changements dans la tenue des élections, les prises de décisions et les perspectives au sein de l’État et des états-majors politiques. Ce dialogue inclusif affecterait certainement les objectifs attendus, c’est-à-dire, la tenue des élections avant 02 avril. Cette affectation, difficilement mesurable, se ressent immédiatement dans le fonctionnement normal de nos institutions, la plupart, en hibernation. Ainsi, l’on peut dire que le fait de miser sur la quantité, en termes de participation, serait une projection d’une contre-performance future. Ici, la qualité doit être de rigueur, au détriment de la quantité. La tenue d’un dialogue avec les 17, permet de sublimer leurs efforts fournis lors des parrainages, de valoriser leur statut social d’homme/femme politique et de valider leurs contenus programmatiques. Toute chose parmi tant d’autres qui repose réellement sur un agir social dans ce contexte de frugalité politicienne.
TROIS : Le Considérant financier et économique n’a pas été convoqué pour mobiliser les acteurs socio-politiques au dialogue. Et pourtant, me semble-t-il, c’est le plus important. Une invite articulée autour des enjeux financiers et économiques avec des impacts réels sur notre PIB (risque de chute), sur les conditions de vie des populations, sur le rétrécissement du pouvoir d’achat, apparaît opportune. C’est pourquoi, une nouvelle intelligence collective basée sur les impacts économiques et financier s’impose. Comment réunir tous les acteurs sans positionner, de façon tranchée, la donne économique et financière, de la tenue urgente des élections ? Privilégier les considérants outre qu’économique et financier me paraît réducteur, en termes d’approche et de stratégie de sortie de crise. Porter des œillères n’incluant pas la donne économique et financier obère l’action de développement que le dialogue pourrait charrier. Pour mieux mesurer les effets de ce statut quo politique, une approche qui mobilise à la fois, le qualitatif, le quantitatif et le financier, c’est-à-dire qualimètrique serait indispensable. Cela sera d’autant plus utile qu’il permettra de mesurer les impacts et surtout d’intégrer tous les éléments véridiques inhérents à la gestion des hommes, des femmes et de leurs humeurs. Le plus court chemin doit être une ligne droite vers la vérité, rectiligne vers les élections et sans anicroche vers le développement économique. Cela paraît simple non ! Toute autre approche serait superflue et nous mènera vers le chaos. Qu’Allah nous en préserve.
Au total, ici, le paradoxe d’une prise de décision unilatérale, en porte-à-faux avec la normalité d’une entité démocratique, requiert, pour sa solution, des capacités dynamiques. Celles-ci devraient mettre l’accent sur le caractère instable de la position politique avantagée des uns et des autres dans un environnement qui change rapidement et de façon continue. Ainsi, les chapelles politiques doivent s’appuyer sur des capacités dynamiques pour apprendre du processus et modifier leurs bases et ressources dans le temps, afin de maintenir le pays dans un environnement apaisé. Réfléchissons Sénégal.
par Mouhamadou Moustapha Dièye
AU CHAPITRE DES OUBLIS FORCÉS
Les lois d'amnistie au Sénégal ont toujours privilégié les intérêts partisans. En ouvrant la voie à la répétition d'exactions contre les citoyens, elles ont placé les calculs politiciens au-dessus de la dignité humaine
De 1960 à 2005, à chaque fois que l’Assemblée nationale a voté une loi d’amnistie, des autorités dépositaires de la puissance publique ou appartenant à des formations politiques au pouvoir d’une part et des particuliers d’autre part, ont commis de graves violations des droits de l’homme. L’essentiel de ces violations des droits de l’homme a eu des motivations d’ordre politique comme l’ont révélé les infractions visées par beaucoup de lois d’amnistie.
- Octobre 1960 : Ordonnance concernant les incidents de Tivaouane de juin 1959 et ceux de Fatick de Juillet 1960.
- Janvier 1964 : Loi d’amnistie visant des atteintes à la sureté intérieure et extérieure de l’Etat.
- Février 1967 : Loi d’amnistie visant l’atteinte à un intérêt politique de l’Etat ou à un droit politique des citoyens.
- Mars 1976 : Loi d’amnistie visant des crimes et délits politiques.
- Mai 1981 : Loi d’amnistie visant des délits commis pour des motifs politiques.
- Juin 1988 : Loi d’amnistie visant des crimes et délits commis pendant les évènements dits de Casamance.
- Juillet 1991 : Loi d’amnistie visant des crimes et délits en lien avec les évènements dits de Casamance.
- Juillet 2004 : Les évènements dits de Casamance toujours…
- Février 2005 : La loi Ezzan qui a amnistié de graves infractions en lien avec les élections générales ou locales et qui effaça entre autres, de la mémoire du greffe, l’assassinat de Me Babacar Seye.
Les lois d’amnistie, dans leur esprit, sont des lois de pardon et d’oubli qui profitent entièrement à des sociétés qui vivent de violents clivages qu’il leur faut dépasser et sont votées qu’exceptionnellement. Dans le cas du Sénégal, elles sont votées de façon plus ou moins régulière et profitent essentiellement à des groupuscules qui ont commis de graves infractions à des fins politiques. Il ne faut donc pas s’étonner que certaines énormités contre l’humain, en lien ou non à des faits politiques, nous suivent jusqu’en 2024.
Pardonner et oublier c’est continuer d’assurer l’impunité à des gens qui, avec la seule majorité parlementaire mécanique, peuvent se permettre de faire tuer et humilier l’homme pour ensuite s’auto-pardonner. C'est enlever aux victimes l'autorité du pardon qui ne doit revenir en principe, qu'à elles. C’est une bonne chose que la question soit agitée maintenant parce que cela nous permettra, avec le prochain gouvernement, de prendre les mesures nécessaires pour que ceux qui jouent avec la vie de leurs concitoyens soient mis entièrement et avec toute la rigueur qui sied, en face de leurs responsabilités.
Le fait que la loi d’amnistie ne préjudicie pas aux droits des tiers est insignifiant à mon avis au regard de la gravité des torts que ces derniers peuvent subir. Il faut lire les témoignages des victimes des évènements dits de Casamance pour s’en rendre compte. Des témoignages disponibles d’ailleurs sur le site d’Amnesty International (Notre armée n’est pas si charmante qu’on le pense).
Au-delà des victimes qui ont le droit de ne pas pardonner, il y a toute une société qui souffre lorsque des actions délictueuses et criminelles qui sont commises sur ses propres membres, continuent d’être ‘‘pardonnées.’’
Cela revient simplement à garantir à n’importe qui la possibilité de faire n’importe quoi à la société et l’obliger à oublier. Ce n’est ni acceptable ni cautionnable humainement.
par Samba Barry
DIALOGUE PARTISAN OU DÉFIANCE CONSTITUTIONNELLE ?
L’impasse constitutionnelle à laquelle nous conduit les migmags du président est pleine de danger pour notre continuité démocratique, la stabilité du pays et la poursuite de nos efforts de développement
Le dialogue de Diamniadio, convoqué par le président de la République pour statuer sur la date de l’Élection présidentielle, est tout sauf national. 17 des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel et l’écrasante majorité des Organisations de la Société Civile (OSC) ont refusé d’y participer. Même, certains des recalés du parrainage ont dit niet à l’appel du chef de l’État. Seuls les partisans de Macky Sall dans « Benno Bokk Yakar » (BBY), quelques laudateurs (des marabouts politiciens, des Chefs traditionnels qui vivent sur le dos de l’État, un soi-disant représentant de la société civile casé à l’OFNAC) et quelques personnes dignes de confiance, comme le représentant des laïcs de l’église catholique qui a ouvertement exprimé l’opinion de l’église en faveur du respect de la décision du Conseil constitutionnel (CC) sans que le Président en tienne compte dans sa synthèse, ont participé à cette mise en scène. La série de monologues sur les « réalisations » et les « hautes qualités » du chef de l’État, totalement en déphasage avec l’objectif de ce simulacre de dialogue, montre à souhait qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une opération de caution et de validation de ce que Monsieur Macky Sall a l’intention de faire. D’ailleurs, in fine, après avoir écouté plus d’une cinquantaine d’orateurs, le Président a donné la direction à suivre en sortant les propositions qu’il avait lui-même préparées:
Déterminer une date qui va aller au-delà du 02 avril (probablement en Mai 2024 et en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel [CC]) tenant compte du ramadan, du carême, de l’hivernage…
Faire des propositions sur la vacance du pouvoir, à la suite de la fin de mandat du Président en exercice sans qu’un nouveau Président ait été élu. A ce sujet, sans en avoir l’air avec des propos tels que « J’ai hâte de quitter ; je finis le 2 avril », il compte encore rester au pouvoir au-delà de la durée légale si le CC lui en donne la caution.
Amnistier tous les faits liés aux manifestations de 2021 et 2023, y compris les tueries attribuées aux nervis, les bavures des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les actes repréhensibles des membres de son propre camp susceptibles d’être poursuivis, en prenant la libération de Sonko et de Diomaye comme couverture pour se faire.
Reprendre le processus électoral pour surtout réintégrer Karim Wade dans la course à la présidentielle.
A la lumière du format de ce dialogue et des propositions émises sous forme de directives aux deux (20 Commissions dirigées par les personnes[1] avec lesquelles il a bien préparé son dialogue, plusieurs constats s’imposent :
Les conclusions tirées de ce dialogue seront tout sauf consensuelles. Comment un dialogue auquel ne participent pas la quasi-totalité des candidats retenus (qui sont les premiers concernés par l’objet du débat) et la quasi-totalité des forces citoyennes peut-il produire des décisions consensuelles ? Il s’agirait plutôt d’un forcing du chef de l’État qui voudrait imposer son agenda en faisant fi du respect de la Constitution, de la décision du CC et du droit des citoyens à choisir leur mandataire au palais.
Le gardien de la Constitution et garant du bon fonctionnement des institutions décide, de son propre gré, de fouler au pied les dispositions pertinentes de la Constitution et la décision No1/C/2024 portant annulation de la loi constitutionnelle No 4 /2024 du 5 février 2024 portant dérogation aux dispositions de la constitution sénégalaise. La décision du CC demande au chef de l’État d’organiser l’élection à une date inscrite dans le cadre légal et temporel qui ne dépasserait pas le 02 avril 2024. Or en prônant l’organisation de l’élection au mois de mai 2024, le Président sort carrément et délibérément de la temporalité constitutionnelle. Il sait, en plus, qu’il ne sera plus Président de la République. Mais, il espère trouver une fenêtre d’opportunité avec la caution du CC pour rester encore au pouvoir.
Il espère exploiter le vide juridique et institutionnel provoqué par son attitude de défiance vis-à-vis du juge électoral suprême et de violation de la loi constitutionnelle, qu’il est sensé respecter scrupuleusement, pour rester encore au pouvoir jusqu’aux environs de juin ou juillet 2024 si le CC décide dans le sens qu’il veut. Il serait même tenté de lui imposer ce choix. Qui sait ? Là, il serait cependant étonnant que le CC ravale sa décision qui a force de loi et se dédise pour satisfaire les désidérata du chef qui reste dans son obsession de « coup d’État constitutionnel ou électoral». La liste des candidats déjà arrêtée ne saurait, en aucune manière, être remise en cause, même si le président est dans cette dynamique. Et il voudrait le faire de deux façons : soit reprendre intégralement le processus électoral à partir d’une nouvelle convocation du corps électoral (ce que le président Macky Sall compte faire si on suit son raisonnement d’hier), soit maintenir la liste en y rajoutant d’autres candidats (option implicitement défendue par le candidat Boune Abdallah Dione) par le truchement d’un « processus réajusté ». Tout cela concoure au non-respect de la décision du CC.
Avec le projet de loi d’amnistie à soumettre à l’Assemblée nationale dès mercredi 28 Février 2024, le président a un double objectif : protéger ses arrières et ses affidés qui ont commis pas mal d’atrocités et créer les conditions de la dislocation de PASTEF. Quelle est la pertinence d’une loi d’amnistie pour des faits ou accusations aussi grave de « terrorisme », « d’ insurrection », de « destruction de biens d’autrui » sans jugement préalable ? parmi les faits visés, c’est les tueries commises par des nervis de BBY ou des FDS sous l’ordre et le haut commandement de leurs Chefs qui sont impardonnables. Plus d’une cinquantaine de jeunes tués par balle (parfois à bout portant !) sans enquête, ni jugement à oublier et à enterrer ! quelle injustice et violation flagrante des droits de l’homme ! Une telle tuerie mériterait un procès à la guinéenne ou une justice transitionnelle (Commission vérité et réconciliation) dans ce Sénégal de tradition démocratique qu’on a transformé, en si peu de temps, en un mouroir politique pour des jeunes qui exprimaient leur citoyenneté et leur réprobation de l’injustice. Aucune amnistie ne saurait effacer de la mémoire collective les actes ignobles perpétrés contre la couche la plus importante de notre communauté ; notre jeunesse ! cette tuerie restera inoubliable quels que soient les mesures législatives prises pour absoudre leurs auteurs. Sortir Sonko de prison pour lui donner l’opportunité de se présenter comme candidat face à la candidature déjà actée de Diomaye Faye n’a pour unique but que de poser les germes de la division au sommet de l’élite dirigeante de ce parti Pastef dissous qui offre la meilleure alternative en terme de changement de régime. Si ce jeune parti (de par ses membres et la durée de son existence) ne fait pas preuve de maturité et de capacité de résilience, comme il l’a toujours démontré contre les assauts répétés du régime de Macky Sall, il va succomber aux derniers coups de marteaux de BBY et briser l’espoir de toute une génération qui n’a que le « projet » comme alternative aux souffrances, brimades, accaparements des ressources publiques par l’élite au pouvoir.
Chers concitoyens, je vais emprunter au président MS son expression tirée de nos discours estudiantins : « L’heure est grave ». Par l’incurie, la cupidité, la roublardise et la soif de pouvoir des politiciens, le Sénégal risque d’être entrainé dans un abime profond dont il aura du mal à s’en sortir. L’impasse constitutionnelle à laquelle nous conduit les migmags du président MS est pleine de danger pour notre continuité démocratique, la stabilité du pays et la poursuite de nos efforts de développement. La gravité de l’heure appelle des Sénégalais un sursaut citoyen pour sauver notre République et notre trajectoire démocratique. Les Sénégalais, de quelque bord qu’ils soient, doivent se mobiliser et agir comme un seul homme pour faire face à cette forfaiture en gestation depuis quelques mois, en multipliant les initiatives et les actions contre la destruction et de déstructuration de notre commun vouloir de vie commune.
Nous en appelons au Conseil constitutionnel pour sauver notre pays de l’impasse ou de l’abîme vers lequel on l’entraine. Nous savons qu’il n’y a aucune décision du Conseil constitutionnel qui serait sans risque. Les enjeux liés aux décisions que ses membres seraient appelés à prendre les exposeraient à des menaces sérieuses. L’État doit leur garantir, eux et les membres de leur famille, une protection sans faille contre toutes sortes de menaces auxquelles ils seraient exposés. Nous n’accepterons pas qu’il leur arrive quoi que ce soit dans l’exercice de leurs fonctions dont dépendra l’avenir de ce pays. Œuvrons ensemble pour sauver notre pays !
Quelqu’un s’est interrogé sur le comportement des politiciens ces derniers temps. «Dans quel pays somme nous ?» Mais dans un «non pays». Dans un «non droit», «non liberté». Une négation. Comme ce ou ces barbares agresseurs d’une journaliste
Quelqu’un s’est interrogé sur le comportement des politiciens ces derniers temps. «Dans quel pays somme nous ?» Mais dans un «non pays». Dans un «non droit», «non liberté». Une négation. Comme ce ou ces barbares agresseurs d’une journaliste.
Au-delà de Maïmouna Ndour Faye, c’est le droit du Sénégalais d’être informé, formé, sensibilisé et outillé sur les enjeux politiques économiques, sociaux et culturels qui est poignardé. Mais cet invité indésirable de MNF, a choisi le couteau pour empêcher à MNF de mettre «le couteau (ou la plume) dans la plaie», pour reprendre Albert Londres. Un autre Albert (Camus) a bien conseillé au journaliste, dans son «Combat», d’«élever ce pays en élevant son langage».
MNF contribue à élever ce pays avec des hommes et des femmes qui lui vouent une confiance et un respect à la hauteur de sa personnalité. De son émission. Qui, de l’opposition ou du pouvoir ne répond pas à ses invitations ? Elle sert la parole de l’équilibre et participe, ainsi, à l’équilibre de la nation. C’est la mission de tout journaliste d’ailleurs.
A travers la journaliste, c’est chaque Sénégalais qui saigne. Difficile d’avoir encore son sang-froid dans cette chaude atmosphère. MNF ne mourra pas. Elle se relèvera. Par elle-même. Ou par d’autres. Femme forte, femme puissante. Ce mars est pour toi.
Par Pr Macoumba Gaye
AUX NOSTALGIQUES DE LA « GRACE AMNISTIANTE » DE SENGHOR
Le Président Senghor la convoque en 1964 suite aux tragiques événements politiques qui ont conduit à la mort de quarante sénégalais.
En 1879 et 1880, deux lois inaugurent, en France, la longue tradition de la « grâce amnistiante » qui prévoit que toute personne graciée par le président, dans un délai déterminé et habituellement court, bénéficie d'une amnistie. A l’origine, cette disposition avait l'ambition de vider les maquis de leurs occupants et profitait prioritairement aux personnalités les plus symboliques Le Président Senghor la convoque en 1964 suite aux tragiques événements politiques qui ont conduit à la mort de quarante sénégalais. Au nom de la Sûreté de l’État, la puissance publique avait usé de la violence, dont il a le monopole, pour réprimer la révolte. Il faut rappeler que, nous étions à l’ère du parti unique, pour ne pas dire « Parti-Etat ». Le parrainage de dix députés sur les quatre-vingt était nécessaire et suffisant pour être candidat à l’élection présidentielle. Naturellement, en 1963, les « élus nommés par le parti » n’avaient autorisé que le candidat poète pour un plébiscite électoral programmé.
Depuis lors, nous avons fait des progrès dans la protection et l’encadrement des libertés qui sont essentiels à la démocratie. Du reste, cet intermède historique nous éveille sur nos acquis: la liberté de s’exprimer, marcher, manifester, choisir librement nos dirigeants et revendiquer une justice équitable. Et ces droits consacrés vont avec des obligations ; surtout celles consignées dans la loi fondamentale qui les supporte. Il en est ainsi du respect des institutions, du bien public et de la vie autant que la dignité des hommes.
Dans le déroulé de la vie républicaine , les textes juridiques ne peuvent avoir une qualité exhaustive et éternelle, à moins que l’on ne soit dans le corpus canonique. Il sont surtout un gardefou à l’intime conviction des juges. La société en confie la garde à un homme choisi à intervalle régulier, dans l’espoir et la bonne foi, pour sa vision et sa vertu : Il est le gardien de la constitution.
Sa personne se confond dès lors avec l’institution présidentielle dont le respect est forcé même quand la personne qui les incarne ne force plus le respect. Ainsi nous n’avons le droit de nous tromper dans le choix de l’homme qu’à des intervalles prédéfinis par le calendrier républicain. Et qu’advient-il quand il ne respecte plus les institutions ou le terme de son mandat, abuse de la violence d’état, bride les libertés, réprime mortellement la révolte que cela engendre et prêche pour l’impunité quand la reddition approche ?
Alors, la conscience des nations consacre des régulateurs qu’elle se fait le devoir d’écouter quand la morale s’enivre : guides religieux restés vertueux, intellectuels courageux, notables et personnalités rendues remarquables par les péripéties de l’histoire et dont la parole vaut encore. Leur silence les couvrirait de la réprobation publique comme celle qui s'attache à une action condamnable. Qui sait où leur mutisme peut mener: à la dissolution d’institutions qui refusent d’être inféodées, à des lois iniques sur le parrainage de candidats à l’élection, à une assemblée muselée d’élus, ou au pouvoir conféré d’une « grâce aministiante»?
Prenons alors garde ; le cri étouffé de la révolte réveille parfois les conscrits et rarement pour le progrès des sociétés humaines.
Pr Macoumba Gaye
Cancérologue UCAD
Par Fadel DIA
GAZA ET LA FORFAITURE DES DIRIGEANTS ARABES
Personne n’en a parlé ou presque, et c’est une raison pour en parler, le 25 février, un soldat de l’armée de l’air des Etats-Unis, Aaron Bushneck, 25 ans, s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington aux cris de « Free Palestine !»
Personne n’en a parlé ou presque, et c’est une raison pour en parler, mais le 25 février dernier, un soldat de l’armée de l’air des Etats-Unis âgé de 25 ans, Aaron Bushneck, (retenez ce nom !) s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington aux cris de « Free Palestine !»
On en a parlé un peu, même si c’était souvent dans les pages intérieures des grands journaux, voire à la rubrique des chiens écrasés : l’Afrique du Sud a pris le risque d’attraire Israël devant la plus haute juridiction internationale pour actes de génocide et de crimes contre l’Humanité. La CIJ a bien prononcé un verdict qui impose à Israël de prendre « des mesures pour empêcher tout acte interdit par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide », mais il ne s’est rien passé depuis car le gouvernement israélien a pour règle d’ignorer toutes les résolutions votées à son encontre.
On en a parlé un peu plus, parce que c’était Lula, parce qu’au dernier sommet de l’Union Africaine le président brésilien a osé dire que « ce qui se passe à Gaza ne s’est produit à aucun autre moment de l’histoire »…sauf « lorsque Hitler a décidé de tuer les juifs ».Contrairement à ce que prétendent les autorités israéliennes, il n’a jamais évoqué l’Holocauste ,mais l’état moderne d’Israël considère que l’Holocauste est la seule et unique Naqba de l’histoire de l’Humanité, son gouvernement s’abrite toujours sous le paravent de ce crime pour exercer un chantage et pour commettre d’autres crimes. Plutôt que de se justifier, il a pris une mesure dérisoire compte tenu de l’enjeu en déclarant Lula persona non grata sur son territoire, encore faudraitil que ce dernier ait l’envie ou le besoin de fouler le sol du pays de Netanyahu!
Lula n’est pas seul, en Amérique Latine, à défendre la cause palestinienne puisque le gouvernement de la Colombie a décidé de renoncer à effectuer ses commandes d’armes en Israël, ce qui est sans doute la première vraie sanction que subit ce pays.
On pourrait poursuivre cette énumération qui n’a d’autre objet que de montrer que les plus ardents défenseurs de Gaza, et de la cause palestinienne en général, ne sont pas les dirigeants arabes. Alors que partout ailleurs, et l’exemple de l’Ukraine en est une parfaite illustration, les nations se coalisent pour défendre leurs voisins et ceux qui partagent leur culture, les rois, émirs et présidents arabes, à une ou deux exceptions près, manquent à leur responsabilité humaine, à la solidarité culturelle et aux fondements qui ont présidé à la création de la Ligue Arabe. Comme si de rien n’était, les pays arabes sont restés au service des fournisseurs d’armes à Israël, Doubaï est leur boite de nuit, pour ne pas dire leur lieu de débauche, Bahreïn, les Emirats, l’Arabie Saoudite leurs terrains de jeu préférés. Aucun de ces pays n’a eu la décence de demander, pour cause de deuil, le report du « Dakar », des tournois de tennis ATP ou des courses automobiles de Formule 1 qui s’y tiennent, pour le seul plaisir des Occidentaux. Le Qatar, non content de verser un salaire de près de 50 milliards CFA à un footballeur qui ne porte pas ses couleurs et ne joue pas sur son territoire, offre à la France 10 milliards d’euros (presque l’équivalent du budget annuel du Sénégal !), quand il y a tant de miséreux dans le monde, y compris dans les pays arabes.
Jusqu’où les pays arabes laisseront-ils aller Israël ?
On croyait avoir atteint l’horreur quand l’armée, la plus sophistiquée du monde, démolit au canon tous les hôpitaux de Gaza et suspend leur ravitaillement en électricité et en oxygène, sur un territoire qui est, dans le monde, celui qui compte le plus de mutilés, d’estropiés, de traumatisés et d’oisifs ! Voilà que survient le « massacre de la farine » qui aurait fait plus de 100 victimes, tuées par les tirs à balle réelle de l’armée israélienne. Qui peut croire que les soldats israéliens super armés, casqués et protégés par des gilets pare- balles, puissent être mis en danger physiquement par un groupe d’affamés qui tiennent à peine sur leurs jambes, dont certains n’ont pas pris un repas depuis des jours, qui ne bénéficient d’aucun soin de santé, qui n’ont pas pris un bain depuis des mois ?
Un ministre israélien avait dit que les Gazaouis étaient des bêtes et qu’il les traiterait comme telles et l’armée israélienne en a donné une nouvelle illustration en bombardant la petite enclave ( à nouveau plus de 100 morts !) quelques heures seulement après le « massacre de la farine » dont les morts n’avaient pas encore tous trouvé une sépulture ! Il en est ainsi depuis quatre mois, au vu et au su des pays arabes, et la énième offensive militaire israélienne contre la population de Gaza a fait déjà plus de 30.000 victimes civiles, en quatre mois, des femmes et des enfants en très grande majorité, soit trois fois plus que la guerre en Ukraine qui dure depuis deux ans et qui, elle, oppose deux armées !
Gaza est un désert médiatique interdit aux journalistes étrangers et où déjà 122 journalistes arabes ont été tués par l’armée israélienne. Le seul témoin de sa désintégration c’est son bourreau mais, désormais sûrs de leur impunité, ce sont les soldats israéliens eux-mêmes qui, comme le révèle Le Monde, diffusent sur TikTok notamment, les images des exactions des tortures, des violences et des humiliations qu’ils font subir aux populations locales et qui traduisent, selon le même journal, une « forme de déshumanisation de la population palestinienne. » Si cela ne rappelle pas les crimes commis par les nazis, comme le disait Lula, cela en ressemble fort et si les gouvernements arabes se taisent devant cette tragédie, qui parlera à leur place ?
par Amadou Tidiane Wone
ODEURS DE GAZ
Tout ce qu’il nous est donné de voir depuis la signature du décret annulant l’élection du dimanche 25 février ressemble, étrangement, aux événements du 17 décembre 1962. Ne manque au tableau que la mise aux arrêts du Premier ministre
Lorsque l’on assiste à une représentation théâtrale, les scènes se succèdent en plusieurs actes dans un déroulement pensé, réfléchi pour accrocher notre attention et nous mener, par le bout du nez, jusqu’à l’acte final. Au moment où le rideau tombe, la salle applaudit à tout rompre pour rendre hommage au jeu des acteurs, saluer le moment enchanteur qu’ils viennent de vivre. A ce moment-là, nul ne pense à l’immensité du travail des petites mains dans les coulisses : machinistes, éclairagistes, maquilleuses, costumiers, sonorisateurs etc. Toute une armée de compétences sans lesquelles la magie n’aurait jamais opéré… Et, au-dessus de tout ce beau monde, il y’a l’auteur de la pièce et le metteur en scène. Ils ont inventé, créé et livré un moment de joie à des centaines de spectateurs. À quelques exceptions près, l’unanimité étant impossible en la matière. Certains sortiront en grommelant, déçus ou frustrés que telle ou telle partie du spectacle ne fut pas à la hauteur de leurs attentes… Ainsi va la vie !
A l’identique, la scène… politique nous offre, mais rarement, des spectacles de haute qualité frisant la perfection. Au point où l’on ne se demande jamais le pourquoi du comment, tant la magie opère ! On se fait mener par le bout du nez, les scènes et les actes se succèdent et l’on se retrouve à la fin d’un… mandat sans en avoir saisi le fil conducteur découvrant, stupéfait le dénouement d’une intrigue savamment menée. Ceci dans l’hypothèse d’une mise en scène réussie, au service d’une histoire bien écrite et qui connait un dénouement heureux. Dans le cas contraire, d’une histoire dont les actes s’enchainent sans inspiration, laissant deviner la fin de l’intrigue dès le premier acte, les spectateurs ont une boule au ventre. Ils n’applaudissent pas. Ils subissent le jeu des acteurs, eux-mêmes stressés par le ressenti des spectateurs qui leur renvoient des ondes négatives par des soupirs désapprobateurs.
Revenons à la réalité !
Je le dis tout de go : Tout le long des douze années de règne du président Macky Sall, les sénégalais assistent, médusés, à une pièce de bien mauvais goût dont, tant la mise en scène que les acteurs se montrent bien en deçà des promesses du générique.
Au début était la promesse d’une gouvernance sobre et vertueuse… Le film annoncé, à fort budget de communication, tournera progressivement au film d’horreur. Et la chute, à laquelle nous assistons depuis le 03 février, date initiale du début de la campagne électorale pour l’élection présidentielle prévue le 24 février, dévoile progressivement les coulisses où s’activent tant de petites mains, que dis-je tant de petits esprits… La fin du spectacle approche et il y a comme un air de plagiat dans l’air. Tout ce qu’il nous est donné de voir depuis la signature du décret annulant l’élection du dimanche 25 février ressemble, étrangement, aux événements du 17 décembre 1962. La qualité de la mise en scène faisant la différence, ainsi que le jeu des acteurs, mais surtout en raison des enjeux colossaux, notamment économiques, sous-jacents.
Tout y est : Un président de la République qui fragilise le chef du gouvernement, Une assemblée nationale encerclée par les forces de l’ordre et vidée des députés de l’opposition, une judiciarisation de la politique, des guides religieux complices de fait ou par leur silence, la mise en berne de la Constitution, la domestication de l’administration, une presse qui concoure à assurer le service après-vente de toutes les dérives du pouvoir…
Il ne manque au tableau que la mise aux arrêts du Premier ministre comme ce fut le cas du président Mamadou Dia, chef du gouvernement en 1962, le contrôle total du pouvoir par un parti unique dit unifié pendant des dizaines d’années.
Ce qu’il me semble intéressant de remarquer et que les nombreux analystes de notre pays devraient scruter à la loupe lorsque je convoque ces similitudes, c’est la méthode Foccart qui semble être la trame de tout cela. Jacques Foccart, tout puissant « Monsieur Afrique » du temps du Général De Gaulle, était un expert en déstabilisation des régimes africains à peine sortis de la colonisation. Avec ses armées de mercenaires et de barbouzes, il mettait son ordre dans tous les pays africains dotés de leaders aspirant à une vraie décolonisation, plutôt qu’à une indépendance formelle. Tous les premiers coups d’Etats qui se sont déroulés en Afrique, autrefois sous domination française, portent l’empreinte de Jacques Foccart. La force de Jacques Foccart résidait dans le fait qu’il était invisible du grand public. Il ne cherchait pas la gloire pour sa personne. Il servait exclusivement le Général de Gaulle dans son idée du rayonnement de la France. Foccart inspire et continue d’inspirer une catégorie de nostalgiques de la France conquérante, « sûre d’elle-même et dominatrice » comme le disait le Général De Gaulle parlant de l’Angleterre… Malheureusement les héritiers de la Françafrique de Jacques Foccart n’ont ni son génie ni son talent. Et l’Afrique a tellement changé !
Cette digression juste pour indiquer une direction vers laquelle nous devrions porter nos regards : l’hyperactivité de Monsieur Robert Bourgi, qui se revendique fils adoptif de Jacques Foccart, doit etre interrogée et mise en contexte. Quel rôle joue-t-il auprès du président Macky Salldont il se dit familier ? On l’a vu aussi, sur une photo qui aurait dû rester privée, attablé au domicile du Premier Ministre-candidat Amadou Ba. De temps à autres Il se répand en interview suggestives sur les enjeux cruciaux de notre pays dont il aurait la nationalité, non exclusive ! J’ai vu à la une d’un site internet qu’il prétend nous apprendre ce que le président Macky Sall compte faire après le 2 avril 2024, date de son départ de la présidence de la République…
En vérité, Robert Bourgi n’a ni l’envergure de son mentor ni, surtout, sa légendaire discrétion. Il est amateur de costumes sur mesure, fait l’étalage de ses relations … Il révèle les confidences qu’on lui fait pour se faire mousser et séduire. Il n’est pas un homme de l’ombre, ce qu’il aurait dû rester ! Et c’est pourquoi la pièce en cours au Sénégal, et dont il prétend être un acteur, dévoile presque totalement l’identité des véritables auteurs de la mise en scène ! De plus, l’acteur principal est sujet, de plus en plus, à des accès d’énervement qui dévoilent des faiblesses coupables dont des dérapages verbaux incompatibles avec le prestige de la fonction… Cela pousse les souffleurs à élever la voix pour se faire entendre de lui lorsqu’il sort du texte… Malheureusement les spectateurs attentifs les entendent aussi, ce qui est le comble pour un souffleur.
Tout cela fait passablement désordre !
Espérons qu’à son retour du sommet des pays exportateurs de gaz où il se rend aujourd’hui, le 01 mars 2024, le président Macky Sall, qui va rencontrer du beau monde dans le cadre de la reconfiguration des partenariats stratégiques pour la mise en valeur de nos ressources gazières et pétrolières, nous reviendra avec des contrats signés avant la fin de son mandat prévu le 02 avril 2024.
« Heureusement que l’élection a été annulée à temps ! » pensent les mauvais esprits !
Ah ! Cette odeur de gaz !
par Pape Ndiogou Mbaye
QUAND L’ÉTAT TRANSIGE AVEC LES DROITS DE L’HOMME
La loi d’amnistie introduirait une discrimination entre les victimes de la répression lors de ces manifestations selon leur nationalité. Certains pourront obtenir justice tandis que d’autres non
Le 26 février 2024, le président de la République du Sénégal, Monsieur Macky Sall a annoncé la préparation, pour mercredi 28 février « d’un projet de loi d’amnistie qui va couvrir les manifestations de 2021 à 2024 ».
Ces manifestations auraient occasionné entre 60 et 80 morts et seraient à l’origine de plusieurs détentions, de même que des images montrant des voitures pick-up, des nervis et policiers bastonner et violenter des manifestants. Cette allégation est étayée par de nombreuses vidéos circulant sur les téléphones et réseaux sociaux. Suite à ces actes d’une particulière gravité, des prisonniers ayant été interpellés, certains en manifestant d’autres affirmant vaquer tranquillement à leurs occupations, lors de leur interpellation, ont exposé dans les médias, à leur sortie de prison, des cas de tortures, de mauvais traitement, de mutilations etc. Lors des libérations en masse de prisonniers dits politiques mi-février 2024, leurs témoignages confirment les maltraitances alléguées, avant leur interpellation et à l’intérieur même de la maison d’arrêt.
Les récits rappellent Nelson Mandela qui disait : « personne ne peut prétendre connaître vraiment une nation, à moins d’avoir vu l’intérieur de ses prisons. Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles ».
L’Assemblée nationale a adopté un projet de loi fixant la date des élections présidentielles au 15 décembre 2024, alors que celles-ci étaient prévues par décret pour le 25 février 2024, ce dernier ayant été annulé par décret du 3 février 2024 qui fut censuré par la conseil constitutionnel en date du 15 février 2024 (N°1/C/2024). Cette annulation n’a pas abouti à la fixation d’une nouvelle date d’élection, mais à l’instauration d’un prétendu dialogue et la préparation d’une loi d’amnistie.
La question porte sur la pérennité d’une telle loi d’amnistie et son efficience, autrement dit l’amnistie a-t-elle pour vocation d’absoudre de tels faits ?
Le rôle du législateur sénégalais : le parlement a-t-il pour fonction de valider un tel projet, dans un contexte particulier ?
Cette interrogation est d’autant pertinente qu’en cas de vote d’une loi d’amnistie, celle-ci introduirait une discrimination entre les victimes de la répression lors de ces manifestations selon leur nationalité. Les faits dénoncés par les personnes ayant la nationalité sénégalaise seront frappés par la loi d’amnistie.
Ceux ayant une autre nationalité pourront contourner cette loi d’amnistie et ceux ayant une nationalité française, américaine ou européenne ne seront nullement concernés par cette loi d’amnistie.
Trois exemples illustrent cette postulation.
D’une part, les victimes de nationalité française pourront, dans le cadre de la compétence internationale des tribunaux français, saisir les juridictions de leur pays, pour ce qui concerne l’aspect pénal (visant les articles 689 à 689-14 du code de procédure pénale) ou exciper de la compétence internationale des tribunaux (visant l’article 14 du Code civil) pour obtenir réparations pour l’aspect civil et ainsi échapper à la Loi d’amnistie.
Les Français ne seront donc pas concernés par cette d’amnistie.
Ensuite, les personnes de nationalité américaine pourront invoquer les dispositions sur l'extraterritorialité du droit américain les protégeant de toute loi d’amnistie votée hors des USA.
Ainsi les personnes détenteurs d’une nationalité américaine ne seront pas concernés par d’amnistie.
Puis, les autres personnes ayant une nationalité européenne-hors la France- n’auront qu’à exciper de l'extraterritorialité du droit de l'Union européenne, pour écarter cette amnistie.
Les personnes détenteurs d’une nationalité européenne ne seront pas concernés par cette Loi d’amnistie.
Les personnes détenteurs de la seule nationalité sénégalaise seront concernés par l’extinction des poursuites si poursuite il y a et une impossibilité d’évoquer ces faits sous peine d’amende, puisqu’il est interdit de faire référence à des faits amnistiés.
Certaines victimes pourront obtenir justice tandis que d’autres n’auront aucun arsenal juridique les soustrayant aux effets de cette amnistie.
Il y a donc là une discrimination dès lors que la loi d’amnistie aura pour conséquence de traiter des situations identiques de manière discriminée et cela sur le seul fondement de la nationalité.
D’une part, les engagements internationaux ont une primauté sur le droit national d’autre part aucun Etat ne peut se soustraire de ses obligations internationales en votant une loi d’amnistie, a fortiori si cette dernière a pour but de passer outre une infraction relevant de traités internationaux des droits de l’homme et du droit humanitaire, par exemple la torture qui ne peut être couverte par une loi nationale. Au surplus, les faits objet de l’amnistie ont fait l’objet de saisine de la CPI (Cour Pénale Internationale), des juridictions française et canadienne.
Une loi d’amnistie est incompatible avec les instruments relatifs aux droits de l’homme, par exemple la torture.
La loi d’amnistie n’entraînera donc des conséquences qu’à l’égard des seuls Sénégalais. Ce qui illustre le fait que le législateur sénégalais n’a pas opéré la transposition - puisque les dispositions juridiques sont issues d’une transposition artificielle des lois françaises - des mécanismes de protection de ses citoyens de la même manière que la compétence internationale de certaines juridictions étrangères place leurs ressortissants dans une position qui les protège des lois des pays étrangers.
Pape Ndiogou Mbaye est Docteur en droit, avocat au Barreau de Paris.
par tidiane sow
ÉLOGE FUNÈBRE DE SANOU MBAYE
Sanou était un homme plein de sciences et de talents. Il fut un panafricain, un penseur, un écrivain. Je puis dire, avec les nombreux témoignages que j’ai reçus, que tu laisseras aux tiens une mémoire honorée
Il y a 12 ans que les hasards de la polémique politicienne m’ont mis en rapport avec l’ami dont nous déplorons aujourd’hui la perte. Nous nous trouvions l’un et l’autre autour du micro d’Alassane Samba Diop pour une émission de remue-ménage. Nous étions censés nous opposer, mais nous nous comprîmes sur tout.
Depuis lors nous ne nous sommes plus quittés.
Il était dans sa période « stagnante », retraitée dans son paradis de la Somone comme il aimait à l’appeler.
Sanou était un homme plein de sciences et de talents. Il fut un panafricain, un penseur, un écrivain.
J’adorais nos longues conversations sur la littérature, la politique, l’Afrique, la jeunesse, la beauté, le sport. Tout était prétexte à discuter. Sanou m’a souvent dit ce qu’il savait, ce qu’il pensait. Il est parti en grande intelligence.
Cher ami, je ne sais plus quel poète (tu m’aurais dit qui) a dit « les morts vivent tant qu’on les aime ». Tu vivras alors toujours, parce que nous t’aimerons toujours.
Puisse cette assurance adoucir, quand la blessure de ta perte sera moins cuisante, l’affreuse douleur d’une famille unie frappée de coups cruels en ces derniers mois.
Je sentais en toi les blessures de la calamité qui te marquèrent profondément avec la disparition de tes fils. Quelle épreuve ! Depuis lors tu t’es détaché, peu à peu, du monde actif et changeant.
Entouré d’une famille magnifique, apprécié de tous tes amis, soutenu par l’affection inaltérable d’une épouse dont tu parlais avec amour, tu as pu t’acheminer doucement vers ce terme où nous allons tous.
Sanou je puis dire, avec les nombreux témoignages que j’ai reçus, que tu laisseras aux tiens une mémoire honorée.