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26 novembre 2024
Opinions
GAZ DU SENEGAL : QUEL ARBITRAGE ENTRE LE CASH DES EXPORTATIONS ET LES BESOINS DOMESTIQUES ?
Les rideaux viennent d’être tirés sur le Forum des pays exportateurs de gaz (Gecf) à Alger, avec l’admission du Sénégal et de la Mauritanie comme membres de cette organisation.
Les rideaux viennent d’être tirés sur le Forum des pays exportateurs de gaz (Gecf) à Alger, avec l’admission du Sénégal et de la Mauritanie comme membres de cette organisation. Fondée en 2001 et regroupant 12 pays, le Gecf revendique 70% des réserves prouvées de gaz et plus de la moitié des exportations mondiales de Gaz naturel liquéfié (Gnl), à l’aune de la transition énergétique.
Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (Aie), d’ici 2050, la demande de gaz naturel devrait croitre de manière soutenue, de l’ordre de +34 %, faisant considérablement augmenter sa part dans le mix énergétique mondial, cela même dans le contexte de volatilité sur les marchés du gaz depuis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne. Ce trend haussier du gaz place nombre de pays africains, parmi lesquels le Sénégal, devant le dilemme d’un arbitrage. Un choix est à opérer entre, d’une part, des exportations rémunératrices sur les prochaines décennies ; et, d’autre part, le nécessaire réarmement industriel en relevant les défis en termes de réduction des facteurs de production comme l’accès équitable à une énergie bon marché (électrification rurale, baisse du coût des importations de fuel, gaz-to-power). Dit de manière plus triviale : doit-on utiliser notre gaz pour le vendre à l’étranger et profiter ainsi d’un marché haussier en engrangeant de substantielles devises, rééquilibrant au passage notre commerce extérieur, structurellement déficitaire ? Ou alors, doit-on utiliser notre gaz pour accélérer l’accès à une énergie bon marché pour tous les Sénégalais.es, partout sur le territoire national, en atteignant par exemple un taux d’électrification de 100% des villes et villages ?
Cet arbitrage est hautement stratégique dans le sens où se dessine ainsi une amorce de l’industrialisation qui manque tant à l’économie duale du Sénégal – un secteur primaire très peu compétitif et productif, mais qui emploie près de 70% de la main d’œuvre ; un secteur tertiaire boursoufflé, dominé par les services et l’informel (97% de l’économie selon l’Ansd) ; un secteur secondaire encore embryonnaire, alors qu’il demeure le gisement légitime de l’emploi massif. Cet arbitrage se fera également sur l’opportunité d’investissement dans les infrastructures de transport du gaz, véritable nœud gordien du secteur gazier. En effet, le besoin en infrastructures gazières pour l’Afrique est estimé à 250 milliards US ; rien que le coût des gazoducs, ces énormes pipelines transportant le gaz, est de 90 milliards US, sachant que la mobilisation de financements pour des projets fossiles reste ardue. Pour le Sénégal, dans le cadre du projet Grand Tortue Ahmeyim (Gta), partagé à moitié avec le voisin mauritanien, il est prévu une production de 2,5 millions de tonnes de mètre cube de Gnl dans la première phase. Celle-ci serait entièrement dédiée à l’exportation. En revanche, le projet de la Centrale à Gaz du Cap des Biches de 350 millions de USD justement ambitionne de baisser le coût de l’électricité en convertissant les centrales de la Senelec au gaz. On attend de voir les prochains pions avancés pour décrypter où le curseur sera placé.
Par Mansour GUEYE
POURQUOI UN HOMMAGE A PAPE FALL ?
Voici 12 ans que notre ami Pape Fall nous a quittés à l’âge de 58 ans !
Voici 12 ans que notre ami Pape Fall nous a quittés à l’âge de 58 ans !
Né le 24 Septembre 1953, Pape Abdoulaye FALL, de son vrai patronyme, est l’ainé d’une grande famille de six enfants (4 garçons et 2 filles). Son père Bassirou Fall, normalien, était un grand éducateur. Plusieurs fois directeur d’école à Wassadou (région de kolda), Taïba Ndiaye, Biscuterie, Ecole Médina, il est devenu, au début des indépendances, directeur du CFP (Centre de Formation Pédagogique) l’école qui formait les instituteurs dont le Sénégal avait besoin pour face à l’afflux et au besoin d’éducation des enfants, dans un Sénégal nouvellement indépendant.
C’est ainsi que M. Bassirou Fall a été affecté comme directeur du CFP à Sébi Ponti, tout près de Diamniadio. C’est là-bas que Pape Fall a fait sa classe de CM2
L’année suivante, le CFP a été transféré à Rufisque au Camp Xavier Lelong, un camp militaire colonial, récupéré par l’Etat du Sénégal, pour y installer 3 écoles primaires à côté du Centre de Formation Pédagogique. Il s’agit des écoles primaires Application, Cité Radio et une annexe de l’école Fass.
M. Fall, fût un grand directeur du CFP à Rufisque
Malheureusement parti trop jeune à l’âge de 38 ans, M. Bassirou Fall laissa dernière lui une femme formidable et courageuse, Adja Dieumbe Ndiaye, et six enfants à bas âge qu’il fallait encadrer.
C’est suite au décès du père que la famille Fall, a déménagé en 1967 à la Sicao Baobab, dans la maison que les parents, tous les deux fonctionnaires, venaient d’acquérir.
Au Lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque où Pape Fall a fait son entrée en 6ème et sa 5ème , et où sa maman était l’assistante du Proviseur, on se souvient du brillant élève qu’était Pape Fall.
La fin des classes de6ème et5ème , Pape Fall a raflé tous les 1er prix de français, de lettres modernes, de lettres classiques, d’histoire et de géographie
Lorsque la famille a déménagé à Dakar en 1967, Pape Fall, comme beaucoup de gamins à l’époque, a été confié à un ami de son père Ismaïla Mbaye qui était proviseur du lycée Gaston Berger à Kaolack.
C’est ainsi que Pape Fall, s’est retrouvé à l’Internat du Lycée Gaston Berger pour entamer la classe de 4ème secondaire.
Kaolack est une étape importante dans la vie de Pape Fall !
On peut dire que c’est à Kaolack que s’est forgé en Pape Fall, un esprit rebelle.
A l’Internat, Pape Fall ne supportait pas l’attitude des surveillants qui, pour lui, se comportaient comme de véritables roitelets.
Notamment les sieurs M. Diokhané et H. Fall qui lui ont mené la vie dure.
Un régime quasiment militaire, diner à 18h00, coucher et extinction des lumières à 19h00, réveil à 5h30, autant dire que pour l’enfant Pape Fall, épris de liberté, ça ne pouvait pas passer.
Régulièrement, Pape Fall faisait alors le mur et se retrouvait « collé » le week-end.
Sa relation avec les surveillants était tellement tendue qu’au milieu de l’année scolaire, son oncle maternel, Mandikou Sall, est venu le sortir de l’Internat pour l’installer chez lui au quartier Casenac.
Après la 3eme, l’ami de son père, le proviseur Ismaïla Mbaye est affecté au Lycée Blaise Diagne, à Dakar. C’est donc tout naturellement qu’il ramenât avec lui, Pape Fall, qui pouvait alors retrouver le cocon familial à la Sicap Baobab, avec sa maman et ses frères et sœurs qui commençaient à grandir et qui étaient tous heureux d’avoir avec eux, leur grand frère. Enfin !
En classe de seconde, au Lycée Blaise Diagne, Pape Fall fît la rencontre d’autres élèves déjà très politisés. A cette époque le Lycée Blaise Diagne était un réservoir de talents où la gauche maoïste, recrutait beaucoup.
Pour Pape Fall, jeune contestataire venant du Lycée Gaston Berger de Kaolack, le terreau était déjà favorable. C’est donc, naturellement qu’il s’est lié d’amitié avec une bande de lycéens, tous maoïstes.
Rapidement, avec la traque du régime socialiste de Senghor, Pape Fall est entré dans la clandestinité et militait à AJMRDN. Leur maison à Baobab était alors, un lieu de repli avec des camarades de la même obédience. Sa chambre, que la famille avait surnommée « POUKOUS BI » ne désemplissait pas.
Cette bande de jeunes révolutionnaires, en quête de liberté et grand changement politique au Sénégal, en Afrique et dans le Monde où les masses prolétaires auraient toute leur place sinon seraient à la tête, avait quasiment élu domicile à Baobab chez Pape Fall.
Bien entendu le régime réactionnaire de Senghor veillait au grain et Pape Fall s’est ainsi retrouvé plusieurs fois en prison, du fait de son implication dans les piquets de grève au Lycée et plus tard à l’UCAD, à la faculté d’histoire et géographie.
En terminal, Pape Fall s’est retrouvé en prison au Camp pénal et n’a pas pu passer son Bac, en juin. C’est à la session d’octobre en 1974, qu’il a pu passer et obtenir son Baccalauréat.
Les années à la faculté d’histoire et de géographie à l’UCAD n’étaient pas de tout repos non plus. Co-leader de la contestation étudiante dans cette faculté, le doyen Ndaw s’est finalement résolu à les dénoncer et Pape Fall a été de nouveau arrêté mais cette fois-ci l’Etat du Sénégal a voulu frapper fort.
Son procès fût expéditif. Il s’est tenu dans un Tribunal spécial où officiait Christian Valentin et Samba Ndiaye qui siégeait au nom du gouvernement de Senghor.
La sentence fût très sévère !
Pape Fall a été condamné à être enrôlé, sans délai, dans l’armée nationale et transféré à la frontière bissau-guinéenne où la guerre d’indépendance faisait rage entre le PAIGC de Cabral et les Portugais.
Ce fût alors la stupeur dans la famille Fall et dans tout le quartier à Baobab
Mais, 48 heures après le jugement, une clameur s’est emparée du quartier, lorsque les gens ont vu Pape Fall ramené à la maison par les Forces de Défense et de Sécurité. Il venait alors d’être réformé car Pape Fall était sourd d’une oreille, à cause d’otites à répétition lorsqu’était enfant.
Quel soulagement pour la famille et surtout pour la maman qui prît aussitôt la décision de l’exfiltrer et de l’envoyer à Lyon ou vivait un de ses oncles.
A Lyon, l’exilé Pape Fall, comme il se considérait, s’est inscrit à la faculté d’histoire où il fait de brillantes études. Mais Pape est resté avec ses convictions et son idéal de vie. Il adhéra alors à l’AESF (Association des Etudiants Sénégalais decFrance) / section Lyon, dont il devient assez rapidement un des piliers dans cette ville universitaire
Les étudiants sénégalais passés par Lyon à la fin des années 70 et début 80, peuvent en témoigner
Pape a été de tous les combats pour les défenses des intérêts des étudiants étrangers et des travailleurs immigrés en France.
Les foyers Sonacotra n’avaient pas de secrets pour lui. Pape a été en premier dans le combat pour l’alphabétisation des immigrés adultes qui étaient paumés face à une administration française sans concession.
Sa vocation d’éducateur et ses qualités de pédagogue, Pape Fall les tient certainement de son père Bassirou Fall, normalien, et grand éducateur.
Son jeune frère Zacaria, le benjamin de la famille, vit à Londres et a emprunté le même chemin, celui d’enseignant.
La générosité de cette famille, s’est irriguée jusqu’à ce dernier de la fratrie, Zac, qui n’a pas connu son père, arraché à l’affection de la famille, l’année de sa naissance, en 1967. Cette générosité a conduit Zac, durant la période du COVID 19, à s’inscrire à Londres parmi les enseignants volontaires, chargés de donner des cours particuliers aux enfants des parents travaillant à l’hôpital. C’est ainsi aussi qu’il a chopé 4 fois le Covid, mais a toujours réussi à s’en débarrasser. Respect Zac !
L’affection de la famille de Lyon, en région parisienne, Pape Fall au Lycée d’Aubervilliers en Seine Saint-Denis (93) et son épouse Martine Fall à l’INSSEP à Vincennes, coïncide avec la création du Forum Res Publica Disso, à Paris.
Une Association de la Société Civile sénégalaise en France, créée 3 ans après la première alternance démocratique en 2000, au Sénégal.
C’est donc naturellement que Pape Fall a intégré cette association dont il fût le trésorier jusqu’à la fin de ses jours.
En fin2007, au moment des discussions à Dakar entre les partis d’opposition (PS, AFP, LD, PIT, RTA/S, TEKKI, MDRS, RND etc… ) et la Société Civile, pour élaborer les Termes de Références des Assises Nationales du Sénégal, feu Mohamed Mbodji, alors Président du Forum Civil s’est rapproché du Forum Res Publica-Disso.Sa démarche avait pour but, d’associer la Diaspora sénégalais à la rédaction des TDR des AN et plus tard à ses travaux
C’est ainsi que le Forum Res Publica-Disso fût la première organisation de la Diaspora à être partie prenante des ANS, ayant elle-même participé à la rédaction des TDR et à toutes les étapes du processus.
Pape Fall, a été le Trésorier du Comité France des Assises Nationales avec une rigueur absolue dans la gestion des fonds collectés et un engagement total.
Malgré sa maladie que très peu d’entre nous savait, Pape a été un artisan important du Comité France des Assises Nationales du Sénégal et un pilier indispensable.
Entre juin 2008 en Décembre 2008, date de production et de remise du rapport du comité France des Assises Nationales, Pape Fall a été présent à toutes nos réunions et consultations citoyennes.
Depuis Paris, en passant par les différentes villes de banlieue comme Saint-Denis, Mantes-LaJolie, Cergy Pontoise etc, Pape a sillonné la France avec nous, du Nord au Sud, d’Est en Ouest.
A Lille, Rouen, Bordeau et Marseille avec souvent un ou deux membres du Bureau National des Assises au premier desquels le Doyen Amadou Mahtar Mbow, Général Mansour Seck, Général Keita, feu Mansour Kama ou Mohamed Mbodji etc, Pape a toujours été là, discret, espiègle, mais oh combien pertinent dans ses prises de parole.
Régulateur des débats lorsqu’il sentait que ça pouvait partir en vrille, Pape avait cette expérience de la gestion des dynamiques de groupe.
En 2012, après avoir pris connaissance des résultats du 1er tour de l’élection présidentielle de février 2012 qui a qualifié Abdoulaye Wade et Macky Sall pour le 2eme tour, Pape Fall nous confiait, le 3 mars 2012, à l’hôpital Saint Antoine à Paris : “Les gars, ils nous ont eus.”. Il s’est ensuite retourné avec son drap le visage face au mur.
Sa maladie avait alors pris le dessus et malgré qu’il gérait tout ça avec courage, beaucoup de pudeur et de dignité, Pape Fall savait certainement qu’il nous voyait pour la dernière fois.
Trois jours après, le 6 mars 2012, Pape Fall s’est éteint laissant dernière lui une famille aimante avec Martine, son épouse, Nguiraan son fls ainé et Rémy, le benjamin.
Puisse la Terre de Yoff, lui soit légère et qu’Allah SWT l’accueille au Paradis Firdawsi. Amine
A travers, les témoignages qui suivent, vous pourrez juger de la dimension de l’Homme, Pape Fall. Vous verrez combien il était aimé et respecté.
Tout cela méritait, que nous lui rendions un vibrant hommage, en ce 6 mars 2024, 12ème anniversaire de son décès et où le Sénégal vit des moments incertains, comme en 2012.
A dieu, l’ami !
par Cheikh Tidiane Sow
IL EST ENCORE TEMPS
J’attendais de vous sincèrement, comme d’autres, en parallèle de vos « constructions infrastructurelles » un assainissement et un renforcement de nos institutions pour que le « plus jamais ça » après votre prédécesseur soit en effet « plus jamais ça ! »
Prenez le temps pendant qu’il est encore temps, d’organiser nos élections avant votre fin de mandat qui est fixée par la loi au 2 avril.
Prenez le temps pendant qu’il est encore temps de dénouer la crise que vous avez créée. Vous le savez sûrement comme moi, qu’une crise peut accoucher du pire comme du meilleur et j’ose espérer que vous ferez tout pour qu’advienne le meilleur pour le futur de notre chère République.
Puis-je vous rappeler ces paroles d’une chanson de Bob Dylan « waaw, ñaata néew wara tëdd ngir moom mu xam ni nit nu bëri saay nanu fii » « Yes, and how many deaths will it take 'til he knows, That too many people have died?” “Oui, et combien de morts faudra-t-il jusqu'à ce qu'il sache, Que trop de gens sont morts ? »
Je ne peux me résoudre à admettre que vous n’avez pas une part d’humanité et de conscience civique qui vous ferons lever tard la nuit pour penser et repenser à la situation dramatique dans laquelle vous vous êtes empêtré.
Je suis même convaincu que dans la solitude de votre station, vous vous dites « mais que diable ai-je fait à dieu pour me retrouver dans ce pétrin ? » Vous en êtes le principal responsable.
Ne faites œuvre de parjure, vous qui avez juré de respecter et de faire respecter la Constitution en étant l’un des garants, le principal garant. Quelle image, quelle leçon, quelle trace, quel exemple donnez-vous et laisserez-vous à notre jeunesse ?
J’attendais de vous sincèrement, comme d’autres, en parallèle de vos « constructions infrastructurelles » un assainissement et un renforcement de nos institutions pour que le « plus jamais ça » après votre prédécesseur soit en effet « plus jamais ça ! »
J’attendais de vous sincèrement que la patrie soit bien au-dessus du parti, que votre gouvernement soit vertueuse, que la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de manifester, ne fasse plus l’objet d’inquiétude.
J’attendais de vous qu’au seuil de votre non-éternité aux plus hautes fonctions de la République sénégalaise vous puissiez partir la tête haute, le conscience tranquille d’une mission hautement bien remplie pour qu’une fois enfin s’ouvre une séquence d’une fin de mandat paisible, harmonieuse, célébrée dans une communion et une émotion populaire et républicaine. Une séquence qui aurait permis de dire à tout le peuple sénégalais : Jaaraama mister président !
Hélas. J’attendais trop !
Je ne vous en veux pas. Il parait que les promesses n’engagent que ce qui y croient.
En tout cas, il est encore temps de prendre le temps dans le temps qu’il vous reste au sommet de l’État d’organiser nos élections suivant l’avis de notre Conseil constitutionnel.
Par Mamadou Ndiaye
AMNISTIE SUR FOND D’AMNÉSIE
Sans doute, Macky Sall avait du talent politique ! Sans doute il s’en délectait tant que le temps ne lui était pas compté. Rattrapé par ce même temps, il s’aperçoit qu’il n’en dispose plus à sa guise pour se jouer des situations et des évènements.
Sans doute, Macky Sall avait du talent politique ! Sans doute il s’en délectait tant que le temps ne lui était pas compté. Rattrapé par ce même temps, il s’aperçoit qu’il n’en dispose plus à sa guise pour se jouer des situations et des évènements. Ces derniers paraissent même lui échapper.
Il se voulait maître des horloges ! Le voilà qui se révèle spectateur, ce qu’il n’a jamais aimé ou en voyageur d’un train qui entre en gare, ce qu’il a toujours détesté. Dans les derniers instants d’une longue odyssée, Macky Sall multiplie les adresses à la nation et sature son image et sa parole tout en cumulant des maladresses qui l’exposent davantage.
Les pressions de toutes sortes auront fini par l’agacer ou le contrarier. Car contre son gré, il cède ou concède, opine des yeux (et des épaules), fait la moue et enchaîne des grimaces qui l’enfoncent. Il assiste impuissant à la succession de faits et de phases, d’actes et de jeux d’ombres sur une scène ou, pour être plus nuancé, sur un échiquier rempli de silhouettes pas ou peu familières.
Devant la presse nationale une semaine plus tôt ou face à l’audience du dialogue national plus récemment, le président de la République s’écartait souvent de son discours, de sa naturelle trajectoire pour se risquer à des propos oratoires, certes révélateurs de ses sentiments profonds, mais inappropriés et aux effets dévastateurs.
Le président avait exprimé son courroux à l’égard des partenaires au développement qui osaient s’exprimer sur la situation politique intérieure sénégalaise. Non seulement il n’approuve pas la démarche mais il la trouve « inélégante » et la pourfend en haussant le ton en direct à la télévision devant une opinion publique quelque peu indifférente.
Puis, il récidive en laissant entendre son empressement à s’esbigner au plus vite. Il ajoute devant un public surpris et médusé qu’il pourrait même ne pas voter ! Un Président ne « devrait pas dire ça ! »
Alors que cachent ou révèlent ces déclarations présidentielles ? Reflètent-elles une ligne de pensée, un excès d’impatience ou un manque de confiance ? Trop tôt pour détecter d’éventuelles failles. En revanche, le pays découvre l’autre facette, au demeurant compréhensible, d’un président habitué aux haies d’honneur qui, de fait, cesse d’être le chef d’orchestre, l’unique détenteur de l’initiative.
En un mot, son pouvoir s’érode à vue d’œil. La crainte de rentrer dans les rangs l’irrite et le hante au plus haut point. Tout acte qu’il pose désormais est pesé et soupesé.
Il en est ainsi de son projet de loi d’amnistie soumis au vote à l’Assemblée nationale. Celle-ci décidément n’a pas le temps de respirer. Avant même d’être examiné en commission et en plénière, le texte suscite déjà la controverse.
Pourquoi effacer de la mémoire de gravissimes faits qui ne sont pas encore jugés ? A qui veut-on faire plaisir en s’empressant de mener aux pas de charge ce « dossier chaud et fumant » ? « Macky Sall transcende les égos et met le Sénégal au-dessus de la mêlée », dit, admiratif, un élu partisan de la magnanimité présidentielle.
Derrière les faits à amnistier se faufilent des « têtes brûlées » dont les actes commis s’apparentent à des crimes méritant le châtiment, plaident des militants des droits humains très remontés contre ce « faux angélisme » que le pouvoir veut servir pour apaiser le climat socio-politique dans le pays. Les mêmes décèlent une faiblesse coûteuse dans les semaines à venir.
Selon eux, le pays pourrait se diviser à l’occasion entre partisans et adversaires farouches de cette amnistie qui frise l’amnésie… Car pour beaucoup, les crimes de sang commis par des combattants du MFDC et l’assassinat de Maître Babacar Sèye ont, en tant que faits, été amnistiés après un jugement définitif ayant conduit plus tard à un examen circonstancié des implications de telles mesures.
Les esprits sont encore dans l’effroi devant les violences inouïes, les violations et les vols, les dégradations corporelles infligées à de pauvres gens, la mort d’homme et le climat de terreur instauré ici ou là.
Sabre au clair, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck se démarque. Il fulmine même contre le dessein que véhicule cette loi d’amnistie censée blanchir des hommes et effacer des condamnations.
Dès lors, pourquoi ne pas recourir plus simplement à la grâce présidentielle en nommant individuellement les concernés ? Après tout, ils sont connus et reconnus. Les derniers soubresauts politiques sont à cet égard très édifiants.
Ces souvenirs, toujours frais, dénotent une amertume susceptible de se transformer en colère de masse devant ce qui pourrait être perçu comme une funeste faute politique ou une erreur judiciaire alors qu’aucune innocence n’est véritablement établie. S’achemine-t-on vers le réveil d’une gronde sévère encore assoupie ? Une déchirure profonde ? Il est à craindre…
D’ordinaire lisible, l’action du président Macky Sall l’est moins à mesure que se rapproche la fin de son mandat. Le 2 avril, aime-t-il à rappeler, son magistère va se terminer. Et il n’entend pas y rester un jour de plus. Mais jusque-là, il ne dit pas qu’il va quitter la fonction et ainsi céder le fauteuil à son successeur à l’issue d’une élection dont le report est à l’origine justement de cet imbroglio politique sans fin.
Or dans le refus d’ajouter cette ultime précision, gît une relative ambiguïté, signe probable d’une volonté de prolonger le supplice. Jusqu’à quand ? Personne ne sait. Pour le moment tout au moins.
Néanmoins, Macky sait mieux que quiconque que le passage du témoin s’est toujours déroulé avec la solennité requise entre le président sortant et le nouvel élu. Au-delà des divergences, l’esprit républicain prévaut et s’impose aux acteurs qui s’en réclament. De ce fait, l’actuel président est tenu à l’agencement protocolaire d’Etat. Ne serait-ce que pour la postérité, en un mot pour l’histoire.
Autant il a hérité du relais, autant il doit le transmettre dans des formes convenues pour finir en beauté et sortir par la grande porte. Les hommes partent les institutions demeurent…Tout est devenu complexe alors que tout était simple au départ. Les imprudences dans la manipulation des leviers masquent de fugaces intentions. L’opinion commence à les dépiauter.
Nul doute que les spéculations vont reprendre de plus belle puisque le président sortant ne sera plus là pour défendre son bilan, projeter la lumière sur ses réalisations et flétrir les esprits grincheux et malveillants qui se délectent déjà de cette atmosphère (délétère) de fin de règne.
Le vieux sage Kabirou MBodji, sort, à 95 ans, de l’ombre (et rompt le silence) pour asséner ses vérités à une classe politique sans âme, sans repères, sans boussole, sans socle, sans attaches…
Par Hamidou ANNE
LE SENEGAL AU GCEF : CONTINUER L’HISTOIRE
Depuis ce 1er mars, le Sénégal est membre observateur du Forum des pays exportateurs de gaz (Gcef). Ce cercle très fermé de vingt pays membres producteurs de gaz soutient les Etats parties à planifier et gérer de manière indépendante leurs ressources
Depuis ce 1er mars, le Sénégal est membre observateur du Forum des pays exportateurs de gaz (Gcef). Ce cercle très fermé de vingt pays membres producteurs de gaz soutient les Etats parties à planifier et gérer de manière indépendante leurs ressources en gaz naturel. Grâce à cette adhésion, le Sénégal pourra asseoir une politique plus transparente et efficace de ses ressources en vue de transformer structurellement notre économie. A travers la stratégie «Gas to Power», notre pays vise l’accès universel à l’électricité d’ici 2026 et la réduction des coûts de production en vue de son industrialisation.
Les ressources gazières découvertes depuis 2014 peuvent et vont changer qualitativement le destin de notre pays. Il s’agit de ressources récupérables estimées à 910 milliards de mètres cubes dont 50% des ressources du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim que nous avons en partage avec notre voisine la Mauritanie, en plus des blocs propres de Yakaar-Téranga et Sangomar.
Les hydrocarbures ont fait passer de petites provinces bédouines dans le Golfe à des Etats économiquement prospères et politiquement puissants. Le Qatar aujourd’hui pèse et compte sur la scène internationale grâce à sa puissance financière issue notamment de son gaz. Ce petit pays, qui a la taille d’une grande métropole européenne, est désormais au cœur des dynamiques géopolitiques. L’exemple de Gaza est éloquent, car le Qatar est la seule entité à pouvoir faire le lien entre les belligérants, Israël et le Hamas, en plus des Etats au cœur de la crise, l’Egypte, la France, l’Allemagne ou les Etats-Unis. D’ailleurs, les seules trêves obtenues pour faire passer l’aide humanitaire et libérer des otages ont été négociées et signées à Doha.
Sur la scène internationale, et notamment au sein de la diplomatie multilatérale, chaque pays est censé représenter une voix. Mais il ne faut se faire aucune illusion ; le poids politique est souvent tributaire du poids économique. Donne-moi le poids de ton Pib et je te dirai quelle valeur a ton vote aux Nations unies pourrait-on arguer. C’est sous ce rapport que notre adhésion au Gcef est importante, car elle nous propulse encore plus sur le chemin de l’émergence, gage de prospérité inclusive et durable, mais aussi de poids et de représentativité sur le plan diplomatique. Un pays compte autant qu’il pèse.
J’ai déjà relevé dans ces colonnes les «bonnes notes diplomatiques de Macky Sall». Cette adhésion au Gcef en est une autre, tant elle caractérise un leadership, une vision et une ambition pour notre pays. Ceux-ci vont au-delà des mandats, des arguments juridiques, des péripéties constitutionnelles et du vacarme ambiant. Avoir l’ambition d’inscrire durablement notre pays sur la carte géopolitique mondiale relève de cette mystique républicaine qui promeut l’intérêt national au détriment des postures, de la politicaillerie et des bravades sur fond de manipulation. Cette ambition rend dérisoires voire pittoresques certaines images que relaient la presse et les réseaux sociaux, qui jamais ne permettent une élévation à la dignité et la décence que confère l’exercice de l’Etat.
Comme dans toutes les organisations internationales dont nous sommes membres, le Sénégal jouera un rôle majeur au sein du Gcef. Nous avons des ressources humaines compétentes et une tradition diplomatique forte.
Le Président Sall a eu raison de souligner que nous y défendrons «la juste rémunération de la ressource gazière dont la consommation mondiale a atteint environ 4089 milliards de mètres cubes en 2023 et une transition énergétique juste et équitable»
Le Sénégal, à l’instar des autres pays africains membres, promouvra une exploitation sans fard des ressources naturelles pour garantir l’industrialisation du continent et relever le défi de l’emploi, de l’inclusion sociale et de la souveraineté énergétique. Pour rappel, 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, qui est un droit fondamental. Notre ambition de progrès se heurtera à la pression et au chantage des grandes puissances sur le climat. Et c’est là où le leadership politique et le sens de la responsabilité historique commanderont d’agir dans le sens des intérêts vitaux du Sénégal. Le Président Sall est sur le départ, en laissant un bilan économique et diplomatique exceptionnel, mais le Sénégal est appelé à continuer car nous ne sommes en ce moment que les légataires et les continuateurs d’une histoire longue et vieille héritée de nos pères fondateurs. Adhérer au Gcef est un grand pas franchi par le gouvernement. Il incombe à ceux qui arrivent d’en assurer la pérennité tout en défendant partout et quelles que soient les vicissitudes de la vie politique interne le prestige du Sénégal ainsi que la finesse et la puissance de son outil diplomatique.
En devenant membre observateur du Gcef, le Sénégal du Président Sall perpétue une tradition de présence là où les grandes questions du monde se discutent. C’est ça le Sénégal, différent de celui que veulent imposer les oisifs errants et les personnages grossiers, volubiles et vulgaires des plateaux télé et des réseaux sociaux
Le prochain régime devra poursuivre l’histoire afin que celle-ci soit toujours porteuse de grandes transformations. L’Etat est une continuité vers un horizon commun, celui de tous les possibles dans le respect des fondamentaux de l’Etat et de la République, et dans le souci d’être un phare de la lumière et du progrès social.
Grâce à nos ressources pétrolières et gazières, notre pays peut, en plus de son poids politique, devenir une puissance économique capable de peser davantage dans une géopolitique mondiale complexe, incertaine et porteuse des germes du meilleur, mais surtout du pire.
Par Ousmane BADIANE
LES CANDIDATURES A L’ELECTION PRESIDENTIELLE AU SENEGAL
Maintenant le problème qui se pose est de s’interroger sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de contrôle et de vérification de l’exclusivité de la nationalité des candidats à l’élection présidentielle.
Parmi les neuf (09) dossiers de candidature à l’élection présidentielle figure : «Une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste que sa candidature est conforme aux dispositions des articles 4 et 28 de la Constitution, qu’il a exclusivement la nationalité sénégalaise et qu’il sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle» (Art. L.121) du Code électoral La Constitution de 2001 mise à jour en 2022 a réaffirmé et consolidé cette disposition en son article 28 : «Tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de trente-cinq (35) ans au moins et de soixante- quinze (75) ans au plus le jour du scrutin. Il doit savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle». C’est dire que la question de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise à l’élection présidentielle a une histoire. Les autres élections, législatives ou locales, ne sont pas concernées par cette disposition. On peut donc considérer que l’exclusivité de la nationalité sénégalaise ne concerne que les candidats qui aspirent à exercer la charge d’une fonction éminente et très élevée, celle présidentielle considérée comme la clé de voûte des institutions. Il ne faut donc pas la diluer dans des considérations générales sur la bi- nationalité, la double nationalité, l’attachement à une patrie. Il ne s’agit pas non plus de l’étendre à tous les autres corps de l’Etat et des institutions de la République, comme le suggèrent certains. Le patriotisme, la contribution des binationaux au développement économique, social, culturel ou sportif de notre pays ne fait l’ombre d’aucun doute.
A la lumière de la trajectoire de notre histoire politique on s’aperçoit que l’exclusivité de la nationalité à l’élection présidentielle n’a pas toujours existé. De 1960 à 1992, il n’existait pas de juridiction constitutionnelle autonome. C’est la Cour suprême qui, en sus de ses compétences en matière civile, pénale, sociale et administratives, était compétente en sections réunies en matière constitutionnelle. C’est pourquoi la loi constitutionnelle n°92-23 du 30 mai 1992 initiée par les pouvoirs publics sénégalais, a profondément réformé la justice constitutionnelle en créant une juridiction constitutionnelle chargée de dire le droit constitutionnel et de contrôler les élections nationales, dénommée Conseil constitutionnel (CC). De 1960 à nos jours la question de la nationalité sénégalaise est inscrite dans la Charte fondamentale du pays. Mais, elle n’était pas exclusive. C’est sans doute la raison qui faisait que la question de la double nationalité du président Léopold Sédar Senghor qui a dirigé le pays pendant vingt (20) ne s’est jamais posée (1960- 1980). Mais c’est à partir de 1991 que l’exclusivité de la nationalité sénégalaise pour tout candidat à l’élection présidentielle a commencé à se poser. Elle a été réaffirmée par le Code électoral consensuel de 1992, plus connu sous le nom de Code Kéba Mbaye, fruit d’un consensus entre les acteurs politiques. On peut donc considérer qu’une des conditionnalités pour pouvoir briguer les suffrages des Sénégalais à l’élection présidentielle, figure la Déclaration sur l’honneur de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise. Cette disposition qui régit depuis lors le processus électoral dans notre pays est devenue un acquis historique irréversible.
Les articles 4 et 28 de la Constitution du 22 janvier 2001, adoptés sous le magistère du président Abdoulaye Wade, ont réaffirmé à nouveau et consolidé cette disposition. Mais, dans la pratique, on peut s’interroger sur l’application effective de ce principe depuis son adoption en 1992, à savoir pour les élections présidentielles de 1993, 2000, 2007, 2012 et 2019 ? La simple Déclaration sur l’honneur qui est prévue par l’article LO. 114 du Code électoral, selon laquelle le candidat atteste qu’il «a exclusivement la nationalité sénégalaise» est- elle suffisante pour prouver le bienfondé de l’effectivité réelle de la renonciation à d’autres nationalités ? Une renonciation purement verbale estelle suffisante ? Assurément pas. Mais la notion «Déclaration sur l’honneur», pour quelqu’un qui aspire à exercer la fonction présidentielle qui, par excellence, est la plus élevée dans un Etat moderne, même si elle n’est pas efficace, revêt tout de même une signification symbolique de haute portée. Les citoyens, peuvent-ils accorder leur confiance à un candidat qui dès la phase préliminaire de constitution de dossier de candidature ne leur dit pas la vérité. Cela renvoie à la notion de parjure, qui est un délit sévèrement puni par la Charte fondamentale de notre pays.
Maintenant le problème qui se pose est de s’interroger sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de contrôle et de vérification de l’exclusivité de la nationalité des candidats à l’élection présidentielle. L’idéal aurait été que le C.C. puisse se rendre dans les 198 pays au monde pour procéder au contrôle et à la vérification de l’exclusivité de la nationalité des candidats. Mais en raison du nombre restreint des membres du C.C. (07) et en raison des délais extrêmement courts entre le dépôt et la publication des listes de candidature, une telle modalité de contrôle ne peut se faire au regard de l’article 29 de la Constitution qui dispose : «Les candidatures sont déposées au greffe du Conseil constitutionnel, soixante jours (60) francs au moins et soixante-quinze (75) jours francs au plus avant le premier tour du scrutin.»
Qu’en est-il du cas du candidat Karim Wade qui suscite tant de passion et de polémique ? En effet, les dossiers de candidature de ce dernier ont été déposés le 26 décembre 2023. La date de clôture des listes par le C.C. a eu lieu le 20 janvier 2024. C’est dire que la déclaration sur l’honneur de Karim Wade a été faite sans la production de l’acte de justice qui devait la valider. Comme le prévoit le Code électoral en son article L. 127, «le droit de réclamation contre la liste des candidats est ouvert à tout candidat. Le C.C examine ces recours et statue sans délai». C’est ainsi que le candidat Thierno Alassane Sall président du Parti Républicain des Valeurs a été le premier à se manifester le 22 décembre 2023, en déposant un recours conformément à la loi électorale, pour demander l’invalidation de la candidature de Karim Wade au motif que ce dernier détient une double nationalité (sénégalaise et française), alors que la Constitution exige la nationalité exclusivement sénégalaise pour être éligible. Le candidat de la coalition Karim 2024 réagit à l’interpellation qui lui a été adressée en fournissant un document prouvant la renonciation à sa nationalité française. Le décret portant rupture du lien d’allégeance de Karim Wade à la nation française a été signé le 16 janvier 2024 et publié le 17 janvier de la même année, soit trois (03) jours avant la publication de la liste définitive des candidats à la présidentielle dont la date était fixée au 20 janvier 2024. C’est dire que le décret de perte d’allégeances était arrivé tardivement par rapport à la Déclaration sur l’honneur de renonciation de Karim Wade à la nationalité française. Comme chacun le sait, les délais en matière de procédure sont fondamentaux en Droit. C’est la raison pour laquelle, le C.C a considéré que lorsque le candidat Karim Wade faisait sa Déclaration sur l’honneur, il n’était pas exclusivement de nationalité sénégalaise. C’est pourquoi, le C.C a donné raison à Thierno Alassane Sall qui a visé la fausse Déclaration sur l’honneur du candidat du PDS. Celle-ci, par définition, n’est rien d’autre que la perte du lien d’allégeance qui suppose la perte de la fidélité et de la soumission à une nation. Mais, cette perte de la nationalité française, pour être validée devait être accompagnée par un acte administratif qui en atteste l’effectivité. Or, le décret de renonciation de Karim Wade signé par le Premier ministre français en date du 16 janvier 2024 est postérieur à la date à laquelle il a fait sa Déclaration sur l’honneur. De nombreuses critiques ont été formulées à l’endroit du Conseil constitutionnel. Si certaines d’entre elles sont parfaitement recevables, d’autres le sont moins, et par conséquent doivent être relativisées. Nous devons tenir compte de la nature et des limites de cette institution qui est née dans un contexte particulier de l’évolution de notre système politique. Du fait de sa composition très réduite (07 membres), le mode de désignation des membres du C.C doit être revu et augmenté. Il en est de son mode de saisine et de désignation des membres qui composent cette prestigieuse institution. La procédure contentieuse doit être également réexaminée et réformée en profondeur pour s’adapter aux exigences de notre époque. Le Conseil constitutionnel a des compétences d’attribution, c’est-à-dire des prérogatives limitativement énumérées par la loi. Mais en attendant, nous devons avoir un profond respect en notre justice dont le Conseil constitutionnel est partie intégrante. Ce n’est pas avoir une attitude citoyenne que de jeter en pâture la justice de son pays en passant tout son temps à la dénigrer. C’est encore bien moins de faire preuve d’une attitude républicaine et citoyenne en cherchant coûte que coûte à jeter par-dessus bord la justice de son pays en la défiant perpétuellement par des accusations fallacieuses contre les juges qui sont chargés de dire le Droit, afin de créer les conditions d’une déstabilisation institutionnelle de notre pays
Ousmane BADIANE
Expert électoral
Par Vieux SAVANÉ
À SERIGNE BABACAR MBOW
Adepte du développement endogène, ancien soixante-huitard reconverti au Mouridisme, Serigne Babacar Mbow est décédé dans la nuit du vendredi au samedi 2 mars. On ne pleure pas un tel homme qui épouse l’éternité à travers ses œuvres.
Adepte du développement endogène, ancien soixante-huitard reconverti au Mouridisme, Serigne Babacar Mbow est décédé dans la nuit du vendredi au samedi 2 mars. Il a été inhumé à Mbacké Kadior où il s’était retiré avec sa famille et ses disciples pour les besoins d’une mission d’aménagement que lui avait confiée Serigne Cheikh Dieumb Fall, Khalif général des « Baye Fall ». Rendre hommage à Serigne Babacar Mbow est forcément continuer de s’émerveiller pour ce qu’il a pu construire et s’interroger sur ce que le Sénégal aurait pu devenir avec la démultiplication par les autorités politiques de l’expérience initiée à Ndem, un petit village du Baol, sis à quelque 12 kms de Bambey. Loin des gesticulations déclamatoires, il a su avec simplicité, pragmatisme et audace, transformer le foyer ancestral en terre d’opportunités. On ne pleure pas un tel homme qui épouse l’éternité à travers ses œuvres.
Aussi, pour lui rendre hommage, nous proposons aux lecteurs un article désespérant d’actualité, publié en Novembre 2012, qui nous rappelle le surplace dans lequel ne cesse de patauger le Sénégal. A force de calcul. A force de ruse. Bien loin de la prise en charge concrète et soutenue des besoins fondamentaux des populations, notamment les plus démunies, dont Serigne Babacar Mbow a été un exemple achevé..
L a pire des malédictions qui puisse s’abattre sur la tête d’une communauté humaine est de se voir interdit d’avenir. En somme, être dans l’impossibilité de bénéficier d’un horizon capable de se jouer du présent pour l’installer dans une espérance qui donne sens à la vie en l’actualisant dans un devenir. Et c’est justement de ne pas sentir une telle perspective qui fonde nombre d’esprits à chercher des réponses à leurs interrogations, à savoir : Où va le Sénégal de Macky Sall ? Quel en est le cap ? C’est parce que la dimension du sens se pose avec acuité, dans sa double acception de signification et de direction que, 7 mois après la gouvernance inaugurée par le nouveau chef de l’Etat, il est loisible de se rendre compte de l’impatience qui sourde de partout. Aucune couche sociale, aucun secteur n’est épargné. Tous désespèrent de n’entrevoir aucun échéancier dans les réponses à apporter aux multiples problèmes qui les assaillent. Et cette attente est d’autant plus difficile qu’elle ne rencontre aucune mesure hardie susceptible de tempérer ses ardeurs. Pourtant, on aurait pu imaginer, dans un pays où l’on a tendance à penser que la richesse est fonction de la proximité entretenue avec le pouvoir politique, que le nouveau président donne le la, en diminuant de façon drastique ses fonds spéciaux. En réduisant son salaire et ceux des ministres, en réduisant de façon drastique le parc automobile et la gamme des voitures. Au lieu de cela, il revient sur une promesse de rupture en faisant passer le gouvernement de 25 à 30 ministres, comme si ce renoncement à la parole donnée pouvait être gage d’ « efficience » et d’ « efficacité ».
On l’aura compris, Macky Sall, aurait pu frapper un grand coup en délivrant un message fort, du genre : « le pouvoir n’est pas une galette sucrée que l’on distribue aux amis et à la famille mais une mission dont le credo tient en un seul engagement ; servir plutôt que se servir ». Cela est d’autant plus impératif sous nos cieux qu’il y a une foultitude de combats à mener contre le chômage des jeunes, la vie chère. Contre l’insécurité en Casamance, la dépendance alimentaire, etc. Sûr qu’on ne se bousculerait certainement pas aux portillons du pouvoir comme de coutume, avec l’espoir de s’enivrer de ses effluves, si la problématique se posait à l’aune de ces batailles à mener.
Faut-il donc être décalé pour ne pas s’apercevoir que ce pays qui vient de réussir démocratiquement deux alternances politiques, a un fol appétit de vivre et de réussite. Une réussite qu’il sent à sa portée et qu’on ne cesse de lui voler, 52 ans après avoir recouvré sa souveraineté nationale, en favorisant l’émergence d’élites prédatrices et extraverties engluées dans des problématiques corruptogènes. Tout en étalant leur incapacité à s’incruster dans les plis d’une modernité critique susceptible de faire la part des choses et d’en finir avec les invectives faciles consistant notamment à se défausser sur un Occident accusé de tous les péchés.
RECENTRAGE
Le président se rend-t-il compte que ce pays n’en peut plus de se voir voler le désir d’y croire. Qu’il a envie de basculer dans une prise en charge de soi sans laquelle nulle autonomie n’est envisageable. C’est ce recentrage dont il question pour aller à la conquête de l’émergence économique. Il convient par conséquent de matérialiser l’idée des pôles de développement en partant de la gestion des potentialités régionales. A l’image de l’Ong des villageois de Ndem qui a inauguré la semaine dernière à Yoff, « l’Espace Commerce équitable d’artisanat et hébergement solidaire ». Y seront exposées les créations de la coopérative « MAAM SAMBA » du village de Ndem, sis à quelque 12 kms de Bambey, dans le Baol. Grâce à la foi et à la détermination d’un homme, Ababacar Mbow, et de son épouse, Soxna Aïcha, l’exode rural des jeunes n’est plus d’actualité dans cette contrée. Ils travaillent sur place dans la confection artisanale de toiles, de vêtements et de tissus d’ameublement, en coton cultivé par leurs soins. Ils s’adonnent au maraîchage doté d’un système de goutte à goutte, participant à leur autosuffisance alimentaire. Des écoles et postes de santé ont été construits, de même qu’un forage sans compter l’utilisation de l’énergie solaire.
Il faut se rendre sur place pour se rendre compte des multiples initiatives qui ont complètement transformé le quotidien du village de Ndem et ses environs. En fait, Ndem n’est qu’un exemple, disons… un esprit, et des initiatives similaires ne manquent certainement pas à travers le pays. Pourquoi alors ne pas s’imprégner de cet esprit, le diffuser partout en tenant compte des spécificités et des particularités de chaque localité ? Au lieu de cela, les services publics continuent d’être sourds et aveugles à toutes ces initiatives, préférant aller voir des expériences exogènes pour les besoins de leur Stratégie de croissance accélérée. Et pourtant, non loin de là, réside un exemple endogène sur lequel s’inspirer, comme l’a reconnu un de ses responsables. En tout état de cause, aucun pays ne peut véritablement se développer en refusant de s’appuyer sur ses propres forces, sur l’esprit de sacrifice et d’inventivité de ses populations tout en exigeant de ses dirigeants qu’ils soient eux-mêmes irréprochables. C’est à cette audace qu’est invité le premier Président du Sénégal né après l’indépendance.
*In Sud quotidien du 5 Novembre 2012
par Lamine Niang
LA LOI D’AMNISTIE DE MACKY SALL, UN CRIME MÉMORIEL
Le contenu du bref exposé des motifs du projet de la loi qui sera présentée à l’Assemblée nationale est assez édifiant. Le champ lexical de la politique y est foisonnant. Aucune mention du ressenti ou de la souffrance des familles des victimes
Je garde une photo de profil spéciale sur mon compte Telegram depuis deux ans. C’est l’image de deux sandales bleues décrépites, la moitié du talon de l’une d’elles, marquée par l’usure, est complètement arrachée. La poussière et les taches de sang qui couvrent ces savates donnent une idée de la fin fatidique du propriétaire. Elles appartenaient à Cheikh Wade.
C’est une photo saisissante qui illustre l’étendue de la condition sociale du jeune manifestant abattu et l’atrocité de ses derniers instants sur terre. C’était le 8 mars 2021.
Après son décès tragique, une courte vidéo devenue virale montre clairement un élément des forces de sécurité caché derrière une voiture avec une arme à feu. Il tire à bout portant sur Cheikh Wade et on entend la voix de celui qui filmait la scène du haut d’un immeuble crier que la tête de la victime a explosé. Quelques instants après, une voiture de la police est venue jusqu’à la hauteur du corps gisant sur le sol, avant de poursuivre tranquillement sa route.
Je m’étais fait la promesse de conserver cette photo jusqu’à ce que les coupables de cet acte barbare soient un jour identifiés et sévèrement punis. Comme Cheikh Wade, ils sont plusieurs autres dizaines de jeunes qui ont perdu la vie alors qu’ils exerçaient un droit constitutionnel. Celui de pouvoir manifester librement.
Aujourd’hui, c’est une loi d’amnistie sous le couvert d’une volonté de pacification de l’espace sociale et politique, qui nous invite à effacer de notre mémoire collective cette sauvagerie sanguinaire à laquelle les Sénégalais ont tristement assisté de 2021 à 2024. Quelle duperie politique de la part de Macky Sall ! Sentant la fin si proche, il veut s’offrir une nouvelle virginité morale. À qui profite ce nouveau crime mémoriel ? Comment peut-on absoudre aussi facilement les auteurs de tous ces graves crimes ? L’homme et son entourage sont encore dans leurs basses manœuvres politiques pour se tirer d’affaire.
Ce n’est point le sort et l’affliction des familles éprouvées qui importent pour Macky Sall. Le contenu du bref exposé des motifs du projet de la loi qui sera présentée à l’Assemblée nationale est assez édifiant. Le champ lexical de la politique y est foisonnant. Rien qui rappelle ou qui fait mention du ressenti ou de la souffrance des familles des victimes. Un texte à l’image de l’homme dans sa froideur.
Nous n’avons jamais eu droit à un mot de dénonciation des crimes commis ou l’expression d’une pensée compatissante envers les familles des victimes. Au contraire, ses différentes tribunes étaient toujours l’occasion pour poursuivre les menaces sur les manifestants avec cette forme d’arrogance pathologique qui le caractérise.
Ce qui s’est passé ces trois dernières années dépasse le cadre politique et les bas calculs politiciens de l’instant présent. Que pèse la libération de tous les détenus politiques sur la balance de la tristesse d’une mère comme celle de Fallou Sène dont le récit de la peine éprouvée est sans aucun doute partagé par tous ceux qui ont perdu des êtres chers, assassinés le plus souvent à la fleur de l’âge. «Fallou était mon fils cadet. Je l’ai eu à un âge avancé (47 ans). Il est parti comme une comète en laissant un grand vide autour de moi, mais je m’en remets à Dieu. Il était mon ami, mon intime, je l’aimais beaucoup et fondais beaucoup d’espoir en lui», témoigne dans un journal la mère de ce garçon de 15 ans qui a reçu une balle à la poitrine le 1er juin 2023 aux Parcelles Assainies.
Que pèse une libération sans procès après une arrestation souvent humiliante, doublée parfois de tortures, de conditions carcérales inhumaines, de familles disloquées et de séquelles physiques et mentales à vie, si elle n'est pas assortie d'une détermination des responsabilités et des justes sanctions et réparations ?
Il est certes possible d’oublier lorsque la demande de pardon est sincère et de bonne foi. Le Sénégal peut retrouver sa paix et sa sérénité d’antan. Les cœurs peuvent également être apaisés un jour et nos colères surmontées.
Mais cela ne saurait être possible en l’absence d'un tantinet de transparence et d’un minimum d’humanité dans la démarche.
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
SANOU MBAYE, UN AMI S’EN EST ALLÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Sanou a été bon. C’était un juste. Il y a des amis pour une page seulement, d'autres pour un chapitre entier, et puis il y a les vrais présents pour toute l'histoire. Le livre s’est refermé. A mon grand regret
Sanou Mbaye demeure un inconnu pour beaucoup de Sénégalais, surtout parmi les jeunes et même les quadragénaires. Il n’était pas un héros public dans notre petit Sénégal, ni un dirigeant politique médiatisé, ni un footballeur de la Ligue 1. Il était banquier africain de la Banque Africaine de développement et il a tôt fait de parcourir l’Afrique au point d’en tomber amoureux. C’est d’ailleurs en Afrique qu’il a rencontré Danielle son épouse de 43 ans maintenant. Sanou avait un attachement charnel avec son continent avant que l’allégeance intellectuelle ne se cristallise. Il nous laisse son livre : ”L’Afrique au secours de l’Afrique”en témoignage de cet amour qu’il portait à l’Afrique.
Sanou et moi nous nous sommes connus en 1981 à Nairobi et depuis nous avons maintenu avec bonheur notre compagnonnage jusqu’à son départ prématuré comme tous les départs. Il a été victime d’un arrêt cardiaque sévère auquel il n’a pas survécu .Il est parti dans la sérénité entouré de sa famille qui s’était retrouvé à Marrakech où il rendait visite à sa fille, son mari et ses petits enfants. Je les ai rejoint dès son hospitalisation. Il a succombé après 8 jours de coma.
Sanou était un vrai gentil, ouvert et confiant. Il était à l’aise dans tous les contextes sociaux, de la mosquée aux restaurants, des réunions de famille aux amphithéâtres de salles de conférences, des conclaves intellectuels à ses compagnons de pèlerinage. Tout en restant lui-même. Entier, parfois candide, toujours malicieux. Sanou a été bon. C’était un juste.
Sanou et moi étions de vrais amis. L'amitié vraie est très rare, c'est une chance si elle nous accompagne toute la vie. J’ai eu cette chance. D’autres amis communs sont partis trop tôt bien sûr, nous nous sommes consolés mutuellement. Cela a été plus éprouvant quand il a perdu deux enfants (un adolescent Babou et un adulte Mohamed) l’un après l’autre. Malgré le soutien de sa famille et de ses amis, ces tragédies l’ont toujours habité. Mais jamais, malgré cela, son optimisme et son sourire sincère ne l’ont quitté. Soutenu par une foi profondément ancrée.
Nos nombreuses discussions étaient toujours enflammées, surtout quand mes arguments n’arrivaient pas à le faire changer d’avis. Ce que je mettais toujours sur le compte de son refus d’écouter, de la mauvaise foi plutôt que de reconnaître mon incapacité à le convaincre, pour se terminer dans de grands éclats de rire, avant d’aborder d’autres sujets, politiques de préférence. « L'amitié véritable pense tout haut, parle toujours vrai, et ne garde jamais rancune. » A part quelques petites fâcheries bien sûr.
Nos enfants ont grandi ensemble et se sont liés d’amitié. Nos deux épouses Danielle et Ndeye sont très proches. Après Nairobi, à Londres nous habitions pas loin les uns des autres. Puis Dakar et la Somone nous ont accueillis ainsi que la politique au Sénégal. La politique, la gouvernance, les relations africaines du Sénégal ont toujours suscité chez nous frustrations au quotidien, emois et indignations lorsqu’on espère tant pour notre pays.
Quand j’étais membre du Secrétariat national du PS, il a fréquenté distraitement le parti étant lui-même rétif à tout ce qui est organisation, structure, procédures réunions. C’était son côté anarchiste non reconstruit. Quand j’ai rejoint le Pastef, il s’est exclamé « Voilà, maintenant tu as rejoint ta bande de militants comme à Amnesty, mais on est vieux maintenant » ! Je lui répondais que la vieillesse est un état d’esprit. Non, répondait-il : c’est un état du corps. N’empêche le plus bel âge de l'amitié c’est la vieillesse, le temps où on accueille et savoure le calme et l’ordinaire.
On dit aussi que l'amitié est un peu comme un livre, il y a des amis pour une page seulement, d'autres pour un chapitre entier, et puis il y a les vrais qui sont présents pour toute l'histoire. Le livre s’est refermé. A mon grand regret.
Sa dépouille sera confiée à la terre de la Somone, village qu’il
aimait tant, mercredi 6 mars à 14h.
Adieu vieux frère.
Par Madiambal DIAGNE
MAÏMOUNA, NOTRE MAUVAISE CONSCIENCE
Les autorités gouvernementales doivent bien être dans leurs petits souliers pour n’avoir rien fait pour protéger MNF et d’autres également dans le collimateur de ces assassins qui cherchent à éradiquer du Sénégal toute personne qui ne pense pas comme eux
Le Sénégal est en émoi, suite à la tentative d’assassinat, dans la nuit du jeudi 29 février au vendredi 1er mars 2024, dont a été victime notre consœur et amie, Maïmouna Ndour Faye, Directrice générale de la chaîne de télévision 7Tv et présentatrice de l’émission à succès «l’Invité de MNF».
Un acte d’un vulgaire détrousseur de dames ? Cela arrangerait bien de monde !
Je n’ai pas voulu me faire compter parmi ces personnes qui, avec hypocrisie ou lâcheté, ne veulent pas voir que les militants de l’ex-parti Pastef de Ousmane Sonko n’ont eu de cesse de la menacer de mort publiquement, à travers les réseaux sociaux et même à travers des médias qui ont pignon sur rue. Des personnes dûment identifiées comme des responsables de ce parti dissous l’ont pourfendue, vilipendée et ont menacé de la tuer. Personne au Sénégal n’ose dire ignorer de telles menaces qui courent depuis plusieurs mois. La semaine dernière, les menaces étaient devenues plus pressantes, plus acharnées, quand Maïmouna Ndour Faye a eu le culot de dire son opposition à la libération de plusieurs centaines de personnes, arrêtées pour des actes de vandalisme et de sédition, et surtout contre le projet d’une loi d’amnistie concocté par le gouvernement. Ces libérations procèdent de négociations politiques entre Ousmane Sonko et le Président Macky Sall, et dont les moindres détails ont été révélés par les médias. Des personnes élargies de prison à cette occasion, se sont fait le devoir de menacer de tuer Maïmouna Ndour Faye, ainsi que quelques autres journalistes opposés à cet étonnant arrangement politique. Personne au Sénégal ne peut prétendre ignorer cela. Mieux, après cet ignoble attentat, qui a failli coûter la vie à celle que j’appelle amicalement la Oprah Winfrey du Sénégal, les mêmes personnes se sont félicitées, avec jubilation, de cet acte et ont même regretté qu’elle n’ait pas pu être tuée, et qu’il faudrait aller la trouver pour l’achever. L’assaillant n’en aurait pas assez fait, à leur goût ! D’autres ont voulu banaliser les litres de sang qu’elle a perdus, les prenant, avec une ironie macabre ou morbide, pour du jus de bissap (oseille rouge) versé sur son corps ! Comble de cynisme et de bestialité ! Personne au Sénégal, encore une fois, ne pourra dire ignorer ces réactions d’apologie d’un crime. Sur le plateau de Futurs Médias, Diop Taïf, un extrémiste militant du parti Pastef dissous, vient d’exhiber avec assurance le calepin dans lequel il répertoriait, depuis sa cellule de prison, les noms des journalistes et de toutes les personnes qui avaientl’outrecuidance de parler en mal de son parti et de son leader Ousmane Sonko. Ces ignobles vidéos de ce gus, élargi de prison il y a quelques jours à la faveur de l’arrangement entre Ousmane Sonko et Macky Sall, circulent partout. On regrettera toujours que des médias, au nom d’un équilibrisme de mauvais aloi, continuent d’élever à la dignité d’interlocuteurs ce genre de personnes. Vous me direz que Amadou Clédor Sène, assassin du juge constitutionnel Me Babacar Sèye en 1993, se compte parmi les «personnalités» nuitamment reçues par le Président Macky Sall ! Farba Ngom en a fait la révélation, dans la dernière émission de Maïmouna Ndour Faye. Les partisans de Ousmane Sonko continuent de passer leur temps à chercher à salir la réputation de MNF et à la traîner dans la boue. Les rares personnes de leur camp qui se feraient violence pour fustiger cet acte criminel, le font sur les réseaux sociaux avec, à l’appui, une de leurs propres photos sur laquelle ils affichent un sourire gai, comme satisfait. On peut bien croire que c’est pour mieux la narguer, alors que ces proches de Ousmane Sonko sont pourtant des habitués de son émission ! Personne ne pourra, non plus, déclarer ignorer les récurrentes et insistantes menaces proférées par Ousmane Sonko, exhortant ses fidèles à s’en prendre physiquement aux journalistes. Oui, le crime contre Maïmouna Ndour Faye est signé par Ousmane Sonko et ses partisans ! Où étaient ces personnalités, qui ont vite accouru sur les plateaux de télévision pour dire leur indignation, suite à l’attentat au couteau, quand Ousmane Sonko et ses partisans insultaient et menaçaient de mort MNF ? Où étaient ces gens quand le siège de Futurs Médias avait été mis à sac etles véhicules des journalistes incendiés par les sbires de Ousmane Sonko. Depuis le 16 avril 2021, Maïmouna Ndour Faye, qui vient de subir la furie assassine d’un homme qui s’est acharné sur elle, à coups de poignard, continue d’alerter sur les menaces de mort qu’elle reçoit directement des militants du parti Pastef. Déjà, le 15 avril 2021, un étudiant, militant du parti de Ousmane Sonko, Ansou Gallas Diédhiou, a posté un message sur Twitter pour dire : «Maïmouna saytané bou mague nga (Ndlr : Tu es un esprit maléfique, entendez une grande salope). Elle joue la carte. C’est une femme dangereuse. On doit l’abattre.» Ce message était ignoré et c’était le début d’un déferlement de haine et de violence contre la journaliste. L’Etat du Sénégal a failli, pour ne pas lui avoir assuré une protection à laquelle elle avait bien droit. On a vu le Président Macky Sall s’émouvoir de cet ignoble attentat. Assurément, son message sur le réseau social «X» aurait été, à quelques mots près, le même si MNF avait perdu la vie dans cette attaque. Le Premier ministre Amadou Ba a été à son chevet, à la tête d’une délégation de plusieurs ministres. Il aurait fait de même auprès de sa famille et rien de plus si MNF était morte. Les autorités gouvernementales doivent bien être dans leurs petits souliers pour n’avoir rien fait pour protéger MNF et d’autres également dans le collimateur de ces assassins qui cherchent à éradiquer du sol sénégalais toute personne qui ne pense pas comme eux. Le ministre de l’Intérieur dont la mission est de veiller à la sécurité des personnes, a le devoir d’offrir une «protection d’office» à toute personne qui se trouve confrontée à une grave menace réelle quant à sa sécurité physique. D’ailleurs, une telle disposition a été prise pour assurer la sécurité de Adji Raby Sarr, menacée de mort par des partisans de Ousmane Sonko, depuis qu’elle avait déposé une plainte pour abus sexuels contre le leader du parti Pastef. MNF n’a pas eu droit à autant d’attention, peut-être qu’on a considéré, avec désinvolture, qu’elle pourrait se payer des services pour sa propre sécurité ! Cette carence embarrasse bien certains milieux de l’Etat qui ont voulu faire croire, à travers certains canaux, que MNF n’aurait pas voulu d’une garde rapprochée qui lui aurait été proposée. C’est un gros mensonge, cela ne lui a jamais été proposé. C’est seulement le 31 mai 2023, jour de l’attaque du domicile du maire de Dakar, Barthélemy Dias, que quelques éléments de la gendarmerie avaient été mis en faction devant le domicile de MNF et devant le siège de sa télévision, du fait de menaces d’attaques planifiées par des militants du parti Pastef. D’autres responsables de médias avaient également bénéficié du même dispositif qui sera levé au bout de trois jours. Finalement, nous nous sommes transformés en de légendaires cow-boys du Far-West, obligés de sortir avec un pistolet chargé.
Par ailleurs, Maïmouna peut aussi susciter de l’inimitié, de la jalousie même. C’est une jeune femme, une professionnelle aguerrie, qui a relativement réussi dans un secteur des médias sénégalais dans lequel la gent féminine ne joue pas les premiers rôles. Elle peut aussi avoir le tort de vivre dans une société où l’indépendance, le pouvoir ou une parcelle d’autorité ne sauraient être reconnus ou acceptés à la femme. On ne pouvait pas éviter un sourire triste, en apercevant certains journalistes, dans un rassemblement organisé par les professionnels des médias pour dénoncer cet attentat. Dire que parmi eux, il y en a qui ont cherché à nous vendre la piste d’un crime crapuleux, d’un banal fait divers, d’une agression comme une autre. En effet, penser que MNF a été victime d’un malfrat qui chercherait à la détrousser peut soulager bien des consciences.
Les circonstances de la tentative d’assassinat
Il est d’abord à espérer que cette affaire ne finisse pas dans une vulgaire omerta, comme cela avait été le cas par exemple, de l’enquête judiciaire sur l’attaque des journaux L’AS et 24 Heures en 2008, et de l’attaque contre le leader politique Talla Sylla en 2003. Les premiers éléments de l’enquête conjointe de police et de gendarmerie révèlent que l’ignoble acte contre MNF a été prémédité et planifié. Les habitudes de la victime semblent avoir été bien cernées. Elle rentre tous les soirs, sur les coups de 3 heures du matin car, à la fin de son émission à 1 heure du matin, elle prépare avec ses équipes le menu du jour. La journaliste ne parvenait plus, depuis quelque temps, à faire entrer sa voiture dans son garage du fait de travaux de pavage sur la voirie. L’assaillant l’attendait à quelques mètres de son domicile. Il a été aperçu, dans des vidéos, en train de communiquer au téléphone, à dix minutes de l’arrivée de la journaliste sur les lieux. Parlait-il avec un complice qui l’alertait de l’arrivée de sa proie ? Maïmouna était au téléphone au moment où elle garait sa voiture. Elle en sortit tranquillement, le téléphone toujours collé à l’oreille, prit ses affaires pour refermer la voiture derrière elle et se dirigeait vers sa demeure. Elle ne pouvait avoir de raison de nourrir la moindre crainte, à quelques mètres de son domicile. Le quartier est calme et le moindre acte de banditisme n’y a jamais été auparavant déploré. Les lumières de la rue lui renvoyaient une ombre d’un homme, brandissant un poignard et qui se dirigeait vers elle à pas de loup. Elle retourna la tête pour faire face à son assaillant qui la placarda au sol. La journaliste, pugnace, se débattit et se releva, mais elle sera à nouveau placardée. L’assaillant lui asséna trois coups de couteau avec l’objectif manifeste de la tuer, et elle criait en perdant beaucoup de son sang. C’est ainsi qu’il ramassa le sac à main qu’il reviendra déposer plus tard derrière la voiture, non sans avoir pris l’argent qui s’y trouvait. Il est curieux qu’un vulgaire malfrat, détrousseur de dames non accompagnées, laisse sa victime gisant dans du sang, sans lui ôter ses bijoux de valeur et ses téléphones portables. Les voisins ont pu accourir et porter assistance à la victime.
MNF se remet de ses graves blessures. Des amis souhaitent lui organiser une convalescence dans un lieu plus tranquille mais, combative plus que jamais, elle refuse systématiquement, tenant à retourner reprendre immédiatement l’antenne, faire le boulot qu’elle a choisi et pour lequel elle a risqué sa vie. J’admire ton courage et ta ténacité, ma chère !
Oserait-on toujours amnistier ces crimes terroristes ?
Peut-on espérer que l’attentat terroriste contre MNF sonne le glas de la loi d’amnistie concoctée par le Président Sall pour justement effacer des crimes de terrorisme, de sédition et d’atteinte à la sécurité de l’Etat ? Le projet de loi a été transmis à l’Assemblée nationale après son adoption assez curieuse à la réunion du Conseil des ministres du mercredi 28 février 2024. Les membres du gouvernement ont adopté un projet de loi qu’ils n’auront pas vu. Pourquoi autant de cachotteries ? Cette situation et surtout l’inopportunité de l’initiative mettent bien des ministres mal à l’aise. Pour autant, ils se sentent prisonniers du contexte. «On ne peut même pas protester, encore moins démissionner, pour éviter de passer pour des rats qui quittentle navire. Nous avalons cette couleuvre de la loi d’amnistie sans broncher», déplorent plusieurs ministres. Le président Macky Sall ne semble avoir cure des états d’âme de ses proches. Le vendredi 1er mars 2024, il a reçu les députés pour les exhorter à voter la loi d’amnistie. C’est après avoir fait un message de compassion à l’endroit de MNF, quelques instants plus tôt. C’est dire que sa volonté d’amnistier est on ne peut plus inébranlable ! Cette loi, si elle est adoptée, va effacer ce nouveau crime terroriste dont MNF est victime, car l’amnistie est prévue dans le texte pour courir «la période allant de l’année 2021 à l’année 2024».
Bizarrement, on se mettrait aussi dans une logique d’amnistier potentiellement jusqu’à des faits qui ne sont même pas encore commis ! Dire que les Forces de défense et de sécurité, et des autorités du Parquet ont eu à exprimer leurs réserves, pour ne pas dire leur désapprobation de la vague de libérations de centaines de détenus, mais elles ont été obligées de se plier à la volonté politique !