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26 novembre 2024
Opinions
Texte Collectif
DE QUEL DIALOGUE PARLE-T-ON ?
Ni de farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes. Se diviser en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la « confusion » qu’évoque Macky pour justifier son décret d’abrogation
Dans le combat contre le coup d’État de Macky Sall intervient un débat : les forces qui luttent contre cette forfaiture doivent-elles répondre ou non à l’appel au dialogue du président Sall ? Rappelons qu’une telle question a déjà servi à casser dans un passé récent un large et dynamique front de lutte contre le pouvoir En sera-t-il de même cette fois-ci encore ou les forces en lutte auront-elles l’intelligence de tirer les enseignements des erreurs commises afin de les éviter ?
Bien poser les termes du débat
Si la question posée est d’être pour ou contre le dialogue en principe, elle est abstraite et vide de sens, donc mal posée. Nous ne sommes ni de farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes disposés à dialoguer quelles que soient les conditions. Se diviser sur cette base en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la « confusion » qu’évoque Macky Sall pour justifier son décret d’abrogation. Le vrai débat est de savoir de quel dialogue sommes-nous partisans ou adversaires dans le contexte actuel.
La stratégie de Macky Sall
Macky Sall et ses complices ont annoncé et déroulé une stratégie dont la feuille de route est limpide : i) accusations de corruption du PDS contre deux juges du Conseil Constitutionnel, ii) appui de la majorité présidentielle à la demande du PDS pour la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire, iii) signature du décret n° 2024-106 du 3 février 2024 abrogeant le décret n° 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral par le président Sall sous le prétexte d’une crise institutionnelle, iv) vote par la majorité présidentielle et les députés du PDS de la loi constitutionnelle reportant les élections présidentielles du 25 février au 15 décembre 2024 et prolongeant du même coup le mandat présidentiel jusqu’en début 2025.
La réponse du peuple sénégalais
Face à ce coup d’État constitutionnel de Macky Sall, tous les secteurs du peuple sénégalais sensibles à la démocratie, mouvements citoyens, syndicats de travailleurs, organisations patronales, universitaires, juristes, artistes, … se sont levés pour dire non, jusques et y compris dans les propres rangs du pouvoir en place. Autant donc le président Sall a terni l’image d’un Sénégal démocratique, autant la mobilisation exemplaire de notre peuple rejetant massivement l’atteinte portée contre sa souveraineté suscite fierté et espoir. Nous sommes ainsi présentement engagés dans une lutte dont l’enjeu majeur et l’objectif fondamental consistent à sauver notre système démocratique et notre État de droit, plus spécifiquement la souveraineté de notre peuple dont l’expression libre pour le choix à date échue de ses dirigeants vient d’être confisquée.
Alors de quel dialogue est-il question dans un tel contexte ?
Ce dialogue a été annoncé par le président Sall en même temps que la signature du décret suspendant le processus électoral. Il fait donc partie du package conçu et mis en œuvre pour réaliser le coup d’État constitutionnel. Il est à son service et sa fonction est manifeste : briser l’élan actuel de lutte notamment en divisant le front démocratique, créer un rapport de forces plus favorable à la forfaiture que présentement, faire entériner de fait le coup d’État dans un processus dit de dialogue mais dont seuls Macky et ses complices sont maîtres des objectifs, de l’ordre du jour, du calendrier et de la prise de décision finale.
Du dialogue pour la démocratie, l’État de droit et la souveraineté du peuple…
Tout d’abord, tout dialogue sérieux avec Macky Sall exige dans la situation actuelle de nécessaires préalables : libération de tous les détenus politiques, arrêt de toutes les restrictions et violations contre l’exercice des libertés publiques, retour à l’ordre démocratique. Ensuite, ce dialogue ne peut se dérouler que dans le respect strict de la Constitution qui doit se traduire par le retrait des mesures constitutives du coup d’État constitutionnel (le décret et la loi en cause) et la pleine reconnaissance des attributions du Conseil constitutionnel dans son rôle d’arbitre du processus électoral. Une fois que celui-ci aura fixé la nouvelle date de l’élection présidentielle tenant compte de la date-limite du mandat actuel (2 avril 2024), l’objectif du dialogue national sera alors de discuter des modalités de la poursuite du processus électoral et, éventuellement, des mesures à prendre pour rassurer les différentes parties prenantes.
…Ou alors vers un dialogue alternatif ?
Si Macky Sall ne veut pas s’engager dans ce dernier dialogue, tous les secteurs essentiels du peuple actuellement engagés dans la lutte pour la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit pourront et devront promouvoir ensemble un dialogue alternatif. L’objectif sera, dans une première étape, de soutenir le Conseil Constitutionnel afin qu’il puisse dire le droit. Si pour une raison ou pour une autre, celui-ci refuse de dire le droit ou que Macky refuse d’appliquer la décision de droit prise, alors l’objectif sera de préparer et de conduire la transition à la fin du mandat du président Sall, c’est-à-dire à partir du 2 avril 2024. Il s’agira notamment de mettre en place une assemblée constituante dont les membres seront les représentants de ces différents secteurs. Elle tiendra lieu de Parlement national et sera chargée de définir le cadre légal de la transition, d’élire la direction qui gouvernera le pays durant la période de transition et d’organiser les élections présidentielles.
Malado Agne, juriste, UCAD, Dakar
Félix Atchadé, médecin, Paris
Hawa Ba, sociologue et journaliste, Dakar
Elhadji Alioune Badara Ba, journaliste, Dakar
Mame Penda Ba, professeur de science politique, UGB, Saint-Louis
Selly Ba, sociologue, universitaire, Dakar
Cheikh Badiane, haut fonctionnaire international, Genève
Abdoulaye Barry; linguiste, maître de conférences titulaire, Université de Gambie.
Samba Barry, juriste, membre fondateur d’Aar Sunu Election, Dakar
Abdoulaye Bathily, professeur des universités à la retraite, UCAD, Dakar
Alymana Bathily, écrivain, sociologue des médias, Dakar
Kader Boye, juriste, ancien recteur de l’UCAD, ancien ambassadeur à l’Unesco, Dakar
Thiaba Camara Sy, administrateur de société, Dakar
Youssouf Cissé, conseil stratégie et développement, Dakar
Alioune Diatta, journaliste, Dakar
Oulimata Diatta Tricon, docteur en chirurgie buco-dentaire, La Cadière d’Azur
Sékouna Diatta, enseignant-chercheur à la faculté des Sciences et Techniques, UCAD, Dakar
Paul Dominique Corréa, sociologue, Dakar
Demba Moussa Dembélé, économiste, Dakar
Mamadou Diallo, historien, doctorant, Columbia University, New York
Abdoulaye Dieye, juriste, professeur à l’UCAD
Abdoulaye Dieng, sociologue, enseignant-chercheur à la retraite, Fastef, UCAD, Dakar
Babacar Buuba Diop, chercheur, professeur des universités, Dakar
Bachir Diop, agronome, Saint-Louis
Moustapha Diop, informaticien, Dakar
Massamba Diouf, enseignant chercheur à la faculté de médecine de l’UCAD, Dakar
Thierno Diouf, géographe, Bruxelles
Amadou Fall, historien, professeur à la retraite, UCAD, Dakar
Babacar Fall, haut fonctionnaire à la retraite, Dakar
Rokhaya Daba Fall, agropédologue, New York
Dior Fall Sow, ancienne avocate générale, TPI pour le Rwanda, Dakar
Diomaye Ndongo Faye, consultant en stratégie développement politique, Princeton, New Jersey
Makhily Gassama, écrivain, ancien ministre
Mansour Gueye, informaticien, Paris
Thierno Gueye, expert en droit international et en gestion des conflits, Dakar
Annie Jouga, architecte, Dakar
Falilou Kane, consultant en finances, Dakar
René Lake, journaliste, Washington
Mohamed Nabi Lo, informaticien, Paris
Mohamed Ly, médecin, spécialiste de santé publique, Grand Mbao
Pierre Thiam, chef et expert en gastronomie, auteur et chef d'entreprises, New York
Samba Traore, professeur des universités, ancien Directeur UFR SJP, UGB, Saint-Louis
PAR Mamadou Lamine Sarr
L’EXIGENCE D’UN RENOUVEAU SOCIÉTAL ET POLITIQUE
Au-delà de la dégradation de la confiance des citoyens envers les institutions de ce pays, le report de cette élection constitue également un échec de toute la classe politique de ces deux dernières décennies
Il arrive souvent dans l’histoire ou dans l’évolution d’une Nation des moments où sa devise est mise à l’épreuve, contestée, remise en cause par ses propres citoyens. Le Sénégal a connu cela à plusieurs reprises et se retrouve une nouvelle fois dans cette situation. Notre belle et grande devise « un peuple, un but, une foi » a traversé différents moments historiques qui ont participé — pour le meilleur et pour le pire — à la consolidation de notre Nation. La crise politique de 1962, les évènements de 1968, la crise de 1988, les évènements de 1989, les alternances politiques en 2000 et 2012, pour ne citer que ceux-là, sont autant de moments pendant lesquels notre devise a été mise à l’épreuve. Malgré les importantes pertes humaines, matérielles et immatérielles qu’elles ont causées, ces différentes crises ont été gérées dans le temps grâce essentiellement aux éléments suivants : le sens aiguisé du dialogue de la société sénégalaise, le sens de la responsabilité des différents acteurs politiques et de la société civile, la responsabilité d’une armée républicaine et le rôle majeur de régulateur — ou de facilitateur — de la sphère religieuse et traditionnelle. Ainsi, malgré les difficultés et les problèmes de différentes natures, le pays a su se reposer sur ses fondements pour s’ériger une image d’une démocratie — du moins électorale — et d’un pays relativement stable.
Seulement, tel un lion rassasié, nous nous sommes reposés sur nos lauriers et avons cru qu’une devise, aussi belle soit-elle, est un assemblage de mots. Au-delà des mots et de leurs significations, une devise représente une quête, une volonté commune, un idéal qui doit être entretenu par toutes les composantes de la Nation. Depuis des décennies, nous n’avons pas su extirper de notre devise toute la force qu’elle recèle pour combattre les fortes inégalités économiques qui gangrènent la société sénégalaise ; de la politisation de la fonction publique ; de l’injustice sociale ; des imperfections et des tares de notre système judiciaire ; de l’explosion d’internet et des réseaux sociaux et de leurs impacts sur notre jeunesse ; du clientélisme et du favoritisme notamment dans la classe politique.
Toutes ces dimensions de la crise sociétale que traverse notre pays ces dernières années se sont ainsi cristallisées dans le champ politique, notamment dans la relation entre le pouvoir et l’opposition. On a alors assisté de plus en plus à une polarisation de la société sénégalaise en général et du monde politique en particulier. Les évènements de mars 2021 et de juin 2023 ont été les points culminants de cette polarisation et de la tension politique et sociale au Sénégal. Cette tension avait un peu baissé avec la décision du Président de la République de ne pas briguer un troisième mandat, mais sa récente décision de reporter le scrutin du 25 février prochain a complètement replongé le pays dans l’incompréhension et dans l’inquiétude.
En effet, l’annonce ce samedi 3 février par le président de la République du report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 constitue non seulement un antécédent dans la vie politique de notre État, mais aussi une preuve du recul démocratique de notre nation. Au-delà de la remise en cause légitime de sa légalité, une telle décision reflète l’état de notre système politique et de notre démocratie. La prétendue crise institutionnelle entre les membres d’un parti politique et le Conseil constitutionnel sous des soupçons de corruption ne constitue pas à notre sens une raison solide et valable pour reporter une des élections les plus importantes de notre histoire politique. Un système politique et démocratique ne peut être mis en branle uniquement sur des soupçons et ceci ne fait que participer à la fragilisation de notre système politique et de notre socle démocratique. La souveraineté du peuple doit être au-dessus de toute considération personnelle ou partisane et il est nécessaire que tous les acteurs politiques soient pleinement conscients de cela et qu’ils agissent et parlent avec une grande éthique.
L’élection présidentielle est le plus important rendez-vous électoral de notre pays. C’est un rendez-vous entre le peuple et son destin, un rendez-vous entre le peuple et son guide pour une durée déterminée. Ces dernières années, les Sénégalais ont subi des crises politiques et sociales qui ont menacé la stabilité de ce pays et ils considéraient ce scrutin du 25 février comme une occasion pour exprimer clairement leur volonté, leurs ambitions et pour renouveler la souveraineté populaire. Le report de cette élection constitue indubitablement une violation de la volonté du peuple d’exprimer sa souveraineté par les urnes. Ce report a surtout de graves conséquences sur la confiance des citoyens sénégalais envers leurs institutions. On a assisté ces dernières décennies à une dégradation de cette confiance et la décision du chef de l’État est loin de favoriser la réhabilitation de cette confiance. La base du contrat social de tout État, plus particulièrement pour un État comme le Sénégal qui se trouve dans un processus de démocratisation, est la confiance des citoyens envers les institutions.
Au-delà de la dégradation de la confiance des citoyens envers les institutions de ce pays, le report de cette élection constitue également un échec de toute la classe politique de ces deux dernières décennies. La stabilité politique et sociale, la consolidation de l’État ainsi que le renforcement du processus de démocratisation ne peuvent avoir lieu sans un esprit républicain et un sens de la responsabilité de l’ensemble des acteurs politiques. Nombre de ces acteurs, plus particulièrement les partis politiques, n’ont pas eu cet esprit républicain et n’ont pas eu le sens de la responsabilité dans les différentes crises de ces dernières années qui nous ont conduits à cette situation sans précédent. Les acteurs politiques n’ont pas eu la bonne lecture de la tension politique et sociale que traverse notre pays que la décision du président vient renforcer.
Cette tension politique et sociale est une résultante de ces différentes menaces dont nous n’avons pas pu (ou voulu ?) faire face. Il serait simpliste et irresponsable de croire que la situation actuelle est uniquement une opposition entre partisans de différents mouvements ou coalitions politiques. Les causes sont plus profondes que cela et actuellement le pouvoir comme l’opposition ne semblent pas avoir la bonne lecture. D’une part, le pouvoir considère les différentes manifestations comme étant l’œuvre de l’opposition ou « de forces occultes » avec qui il ne semble pas vouloir traiter. D’autre part, l’opposition pense que ces expressions populaires sont de son fait et qu’elles traduisent l’ambition et la détermination de ses partisans.
Le pouvoir et l’opposition n’ont pas compris que ces revendications sont le fait d’une jeunesse frustrée et sans espoir d’un avenir meilleur. Ils n’ont pas compris que les contestations sont l’expression d’une partie de la population qui n’a pas d’étiquette politique et dont les aspirations vont au-delà d’une personne du pouvoir ou de l’opposition. Ils n’ont pas compris qu’il y a une bonne partie de la population qui est peut-être silencieuse, mais qui est prête à sanctionner durement le pouvoir comme l’opposition à travers les urnes. Le pouvoir et l’opposition n’ont tout simplement pas compris que l’enjeu les dépasse et qu’il concerne les hommes et les femmes qui composent cette Nation, qui la chérissent.
Les acteurs politiques n’ont pas saisi que la jeunesse sénégalaise a énormément évolué ces dernières décennies. Les jeunes sont de plus en plus exigeants et ils sont des acteurs d’une transformation sociale enclenchée depuis les années 2000. Le développement de la technologie, l’explosion d’internet, la dynamique des réseaux sociaux sont des éléments qui ont modifié la nature et l’action de la jeunesse, ainsi que leur rapport avec l’État. On peut regretter le manque d’engagement politique de beaucoup d’entre eux, mais une grande majorité d’entre eux a une conscience politique qu’ils expriment à travers d’autres canaux que l’engagement politique classique. Les jeunes sont dans les associations de toute nature ; ils sont dans les mouvements culturels et religieux ; ils militent pour des enjeux locaux comme globaux ; ils sont parties prenantes de la communication et de l’information à l’ère du numérique ; la jeunesse sénégalaise tente de créer, d’entreprendre, de s’adapter à la nouvelle réalité mondiale et en ce sens elle est porteuse d’une dynamique sociétale à laquelle nos gouvernants devraient accorder une attention toute particulière.
Le report ou l’annulation du scrutin présidentiel du 25 février nous interpelle également sur l’avenir de notre régime politique. Le présidentialisme au Sénégal garanti par la Constitution fait du chef de l’État l’acteur central ou principal de la vie politique avec des prérogatives extrêmement importantes. Du processus électoral à la nomination de certains juges et magistrats, en passant par la politique étrangère, le président de la République détient entre ses mains un pouvoir décisionnel qui marginalise le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, même si ces derniers ont des prérogatives de contrôle prévues par la constitution.
Le régime politique d’un État comme le nôtre n’est pas appelé à être figé, il doit être en évolution, questionnée en cas de nécessité au grès de certains bouleversements nationaux et internationaux, mais toujours au nom d’une éthique que nous devons tous observer et développer. La situation actuelle du pays et du monde doit nous amener à interroger notre système présidentiel afin de l’améliorer ou de le remplacer par un autre et ceci uniquement pour le peuple et par le peuple. Ce n’est donc pas un tabou de remettre en question un régime politique en place depuis notre indépendance afin de consolider la souveraineté du peuple.
Il y a des choses qu’un pays en phase de démocratisation comme le Sénégal ne peut se permettre au moment où l’Afrique de l’Ouest traverse des turbulences dont notre pays est loin d’être épargné. Dans un pays démocratique qui se respecte, les débats entre les acteurs politiques ne se concentrent pas sur le fichier électoral, sur un point de la constitution, sur la participation d’un candidat du pouvoir ou de l’opposition. La responsabilité, l’éthique et l’intérêt national doivent être au cœur de l’engagement des acteurs politiques, tout comme le dialogue permanent et le consensus sont les crédos de la société en général et de la sphère politique en particulier. Pour cela, il est donc important que l’éthique et la morale soient les bases des actes et des paroles des acteurs politiques et sociaux. De plus, le chef de l’État, garant de la constitution, ne doit pas laisser le moindre doute sur sa posture qui doit être au-dessus de toute partisanerie.
Dans un pays démocratique qui se respecte, on ne restreint pas les libertés individuelles et collectives et on ne limite pas les activités des citoyens pour une affaire de justice. De même, les citoyens ne doivent pas avoir le sentiment d’une justice partiale ou à deux vitesses. Dans un pays libre et ambitieux, les acteurs politiques s’affrontent à travers des propositions de projets sociétaux avec comme seul juge le peuple. Oui, le peuple, car c’est de lui et de son avenir dont il s’agit. Les présidents et les opposants viennent et passent, mais le peuple demeure.
En tant qu’intellectuels (même si ce terme nous parait galvaudé de nos jours), nous faisons un rappel sur ce qui nous unit et nous interpellons la Nation entière sur son état et son avenir. En tant qu’intellectuels, nous ne pouvons que rappeler au pouvoir qu’en 1998, le président d’alors avait confié l’organisation et la supervision des élections à des militaires respectés, patriotes et républicains. En tant qu’intellectuels, nous ne pouvons que rappeler à l’opposition que durant cette même période, l’opposition avait accepté cette main tendue du pouvoir et que ceci a permis la première alternance du pays. Nous ne pouvons que rappeler au pouvoir qu’un des grands regrets du premier Président de ce pays aura sans doute été le sort de son ami et compagnon de lutte à la suite d’accusations de coup d’État. Nous ne pouvons que rappeler à l’opposition que malgré les évènements de 1988 et de 1993, le troisième président de ce pays a conquis le pouvoir par les urnes après 26 ans de lutte, de marginalisation, d’emprisonnement. Ce pays a besoin d’une majorité qui prend de la hauteur face aux situations de tension et d’une opposition responsable qui propose une alternative à la société.
La décision du président la République de reporter l’élection présidentielle est un épisode marquant de notre histoire politique et elle présage de lendemains incertains pour notre Nation. Il nous plait de croire qu’il y a des hommes et des femmes qui se réveillent chaque matin au Sénégal et dont l’unique ambition est de servir la Nation dans leurs différents domaines d’activités. Il nous plait de croire qu’il y a des hommes et des femmes de ce pays dont l’objectif unique est d’assurer la sécurité et le bien-être des Sénégalais. Il s’agit donc d’hommes et de femmes qui ont pour ambition de faire vivre la devise de ce pays « un Peuple, un But, une Foi ».
Dr. Mamadou Lamine Sarr est Enseignant-chercheur en Science politique à l’Université Numérique Cheikh Hamidou Kane (UNCHK)
Signataire du Manifeste des 117+
Par Hamidou ANNE
ON NE DISCUTE PAS AVEC UN FASCISTE, ON LE COMBAT
Les politiciens comme les foules n’ont pas de mémoire. Les uns parce qu’ils préservent des intérêts ponctuels, les autres car elles cèdent trop souvent aux fantasmes changeants.
Parcourir récemment l’œuvre de Robert Badinter, qui vient de nous quitter, m’a raffermi dans mes convictions sur ce que devrait être un Etat et comment devraient être les hommes d’Etat. Quand en 1981, dans la ferveur de l’arrivée de la Gauche au pouvoir, il porta l’abolition de la peine de mort, c’était une conviction qui se faisait homme. En lisant son discours devant l’Assemblée nationale avec éloquence et force conviction, il savait que 62% de ses compatriotes étaient favorables à la peine capitale. Mais, l’humanisme et les valeurs s’élèvent au-dessus des contingences d’un temps. La politique, c’est l’action transformatrice, parfois en dépit du bruit des commentateurs et des foules nombreuses de pétitionnaires. Préserver son pays d’un saut fatal vers les abîmes vaut d’ignorer les rodomontades de ceux qui jamais ne se sont salis les mains, campant sur une pureté factice et une neutralité douteuse. Un Etat n’a pas à se faire l’écho des désidérata des foules. Au nom de la raison d’Etat, et parce que celle-ci aussi injuste qu’elle n’y paraît, est gage de notre sécurité collective et de notre pérennité comme Nation, il nous faut toujours agir pour préserver le sacré : la République.
Dans un temps complexe où les houles font tanguer le navire, où tout ne peut être dit car tout ne saurait être dit au nom encore une fois de la raison d’Etat, le pouvoir s’exerce dans une grande solitude. C’est cette solitude qui confère une tendresse parfois pour les hommes d’Etat, en ce sens qu’ils doivent décider devant des injonctions et intérêts contradictoires et face à des menaces que le commun des citoyens ignore.
Le pouvoir est un lieu qui attire les curieux, les courtisans, les ambitieux et les intrigants. Il agrège tous les fantasmes du dehors. C’est également une station précieuse d’observation des vanités du monde et du temps qui passe, des retournements et des ingratitudes des hommes et de l’inanité finalement du politique face aux imprévus et aux insatisfactions propres aux peuples. Ma proximité avec des hommes d’Etat m’a aussi appris une autre chose, peut-être plus touchante que le reste : le pouvoir est un lieu de la solitude. Les palais ne sont pas des lieux de faste, ou que peu ; ils sont des cercueils dans lesquels un Homme se meut face à un peuple et à ses responsabilités. La nuit, quand les collaborateurs sont retournés à leur quotidien, quand les courtisans sont partis imaginer des mots de flatterie du lendemain, on est seul face aux fantômes du monde de ceux-là dont le métier est de décider. Et qui savent que de leur décision dépendent des vies. Ils sont seuls, étrangement seuls, et sauf quand il faut se partager les privilèges. Gouverner tient en une fatale responsabilité : décider sans pouvoir dire ce qui de toute façon n’est guère disable et ensuite affronter le vacarme des uns et les postures des autres.
Aussi dure soit-elle cette responsabilité précieuse, fille du suffrage universel, est à assumer jusqu’au bout. C’est à l’histoire ensuite d’acquitter les gouvernants. Elle saura dire si nous avons été à la hauteur des défis de notre temps. L’acte de gouverner est indétachable de la responsabilité grave de prendre des décisions impopulaires mais indispensables pour préserver le sacré : la Répu¬blique.
Gouverner ainsi c’est ne céder ni à la jacasserie politicienne, ni aux furies des masses, ni à l’injonction des foules, même sous le chantage facile du mot démocratie galvaudé par toutes les bouches. «La Constitution, rien que la Cons¬titution et toute la Constitution.»
Les politiciens comme les foules n’ont pas de mémoire. Les uns parce qu’ils préservent des intérêts ponctuels, les autres car elles cèdent trop souvent aux fantasmes changeants. Le président du Conseil constitutionnel français disait récemment, les yeux dans les yeux, au chef de l’Exécutif que le Conseil constitutionnel n’était pas «une chambre d’écho des tendances de l’opinion». L’opinion, je m’en suis toujours méfié, comme du reste des universitaires opportunistes qui brandissent les grands principes, en usent et en abusent pour cacher une misère intellectuelle qui a gagné les facultés, une absence de colonne vertébrale et une attraction pour les ors du pouvoir.
Une convergence entre les foules, les politiciens, les opportunistes et les membres d’une vile Société civile est toujours dangereuse pour la République. Car au fond, s’enchevêtrent un affairisme et des arrangements douteux sur le dos des intérêts vitaux du Sénégal. Par exemple, à chaque fois que Pierre Goudiaby Atepa et Alioune Tine sont dans une pièce, il faut fuir car n’y seront débattus que les modes d’emploi de l’intrigue et des basses œuvres. Ils ne sont que dans la conspiration contre le Sénégal.
C’est au fond pour tout cela qu’il est douloureux d’être républicain dans notre pays. On est seul, cible des tireurs embusqués de chaque camp et de ceux qui n’ont aucune peine à verser dans les compromissions. Je n’évoque même plus les jugements sots du tribunal des réseaux sociaux et des caprices de gens qui tueraient leur mère pour cinq minutes d’attention et une gloire numérique fugace.
Notre pays est fracturé. Il nous faut refaire nation autour d’un nouveau récit collectif. Les morts, les blessés, les jeunes emprisonnés parfois pour des motifs d’une grande légèreté ne peuvent constituer une fatalité. La religion de mon temps est faite depuis longtemps : toute discussion doit être restreinte au sein de l’arc républicain. Les membres d’un parti dissous dont le projet était insurrectionnel ne peuvent être des interlocuteurs.
Ousmane Sonko dont je m’étais interdit de parler depuis son placement en détention, est un fasciste. Et un fasciste, on ne discute pas avec lui, on le combat avec toute la vigueur que propulse en nous notre attachement à la République.
Effacer ses forfaits, c’est autoriser désormais quiconque a une ambition nationale de brûler, piller, saccager, diffamer, injurier et multiplier les outrages aux juges, généraux, représentants de l’Etat. C’est provoquer un ressac de l’Etat et un effacement de ce qui spirituellement nous unit : la République.
Or, je pensais, et je le pense toujours, qu’être digne du Sénégal, c’est de marcher sur les traces des lois existantes pour obtenir les suffrages de ses concitoyens. L’insurrection au nom d’ambitions personnelles déshonore ses auteurs et devrait recouvrir sur eux le voile de l’indignité nationale.
Normaliser dans l’espace public la présence de fascistes, c’est assécher la République de sa crédibilité et lui soustraire cette mystique immanente qui nous fait nous émouvoir quand l’hymne résonne et qui nous touche devant les armoiries de la Nation.
Personnellement, je ne m’opposais au projet populiste, séparatiste, islamiste et insurrectionnel des amis de M. Sonko ni pour plaire ni pour déplaire. Je m’oppose à eux par un devoir et au nom de l’anti fascisme qui est le combat de ma vie.
Pour d’autres, en revanche, même dépositaires d’une responsabilité gouvernementale, le combat contre les membres d’un parti insurrectionnel relevait de la stricte logique politicienne, mais ni de divergences principielles ni même de conflits de valeurs. D’ailleurs de hauts responsables fondateurs d’un parti fasciste, donc antirépublicain, heureusement dissous, ont ensuite migré rapidement dans un autre parti, qui se dit alliance, c’est-à-dire creuset, pour accueillir les différentes rivières républicaines du pays.
«Si l’on n’est plus que mille, eh ! bien, j’en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !»
Je ne les combats ni pour les titres ni pour les honneurs de cette vie dont la finitude est la fatalité. Je ne les affronte que pour cette gloire silencieuse, qui est celle, après ma mort, de laisser le souvenir d’avoir aimé mon pays.
Par Ousseynou TOURE
IL A MAL, TOI AUSSI
En tout état de cause, le bissap est tiré, il faut en prendre deux gorgées et se mettre très vite autour de la table du dialogue. Nul doute que des préconisations actionnables en sortiront
C’est vrai, il est mal pensé d’avoir des maux mal pansés ; mais ne pas pouvoir les extérioriser, engendre, souvent, un profond soupir, synonyme de douleur. L’intériorisation d’un mal crée, froidement, un raidissement dans le corpus humain, et par ricochet, social. En antinomie de la raison, le mal est le signe de l’absurdité du monde ou de l’histoire et du caractère insensé des conduites humaines. Ce sentiment d’avoir mal, provoqué par les comportements successifs de quelques acteurs de la classe politique, - à la suite du délibéré par le Conseil constitutionnel, annonçant les heureux invités à la campagne présidentielle, - est un lit factice gavé d’immondices sulfureux pour la nation sénégalaise. Quelques scénarii se dessinent de façon orthogonale et dont le point de jonction se situe au cœur de la dimension politicienne de cette crise (réelle ou latente ?), qui se donne à lire dans des concepts clefs : actes, comportements, défiance, simplification et stratégie. Décryptage.
UN : les actes. Certes, les actes posés ici et là, sont expressifs, mais je m’en éloigne, au risque de tomber dans du juridisme évanescent ; en revanche, il apparaît clairement qu’il existe une exploitation plurielle annexée d’une « hyperbolisation » excessive que l’on peut faire des textes juridiques. Personne n’est blâmable, tout le monde a raison. Ce nœud inextricable, avec un ordre de densité croissante, de jour en jour, à la solde des citoyens, complexifie les actes posés. Pèle-même, des instruments réglementaires et communicationnels sont convoqués (commission d’enquête parlementaire, l’adoption du projet de Loi par l’Assemblée nationale ; réunion de l’Union des Magistrats du Sénégal, communiqué assurant protection et solidarité de corps, discours du Chef de l’État et décret abrogeant le processus électoral, sortie d’éminents constitutionnalistes, surdose communicationnelle dans les réseaux sociaux, retrait et remise de licence d’un organe d’informations). Des actes, de part et d’autre, conflictogènes, à prendre très au sérieux. En ce moment précis, notre construction État-nation repose sur de frêles épaules, soutenue par un cratère, avec, en dessous, un magma en fusion. Une architecture bien craquelante qui ne résiste point aux premiers soubresauts. Il y a manifestement fissure. Les lignes de notre territoire national bougent, avec un écart d’amplitude proche du seuil critique. Malheureusement.
A supposer que l’enquête parlementaire valide que le Conseil constitutionnel a dit la vérité, toute la vérité, c’est-à-dire s’appuyant sur la plénitude de son rôle, et de son outil de travail (le droit) pour lire et dire rien que le droit. Ce cas nous renvoie, alors, à des juges exempts de tout acte corruptogène, qui aménagent subrepticement des haies d’honneur dans la sacralité de leur conscience, pour éviter l’opprobre, à tous instants. Nous allons conclure que du haut de leur manteau d’éthique et de responsabilité, ces sages d’état si chevillés, de manière intangible, aux principes sacro-saints de l’administration, ont une haute perception de la « régalienneté » de leur mission
DEUX : le comportement de toute une corporation (juges, magistrats,), (journaliste, technicien des media) a été synchrone, avec une auto-défense des pairs (communiqué et édito commun), de manière urgente, claire et nette. Il s’agit là, d’un rapport objet/sujet assez saisissant de la théorie du comportement humain au fondement de l’intervention sociale. Si l’ombre d’un doute n’a pas plané sur leur comportement exprimé, à contrario, le comportement implicite d’un côté (probable refus de répondre à une instance législative d’égale dignité ?) et d’un autre côté (menace d’une journée sans presse), trahit souvent son porteur.
Dans ce prolongement, à l’hémicycle, lors du vote du projet de Loi, le comportement ostracisant et aphone des parlementaires des deux coalitions (Bby et Wallu) si clivants d’habitude, face à une extase verbale des parlementaires de l’autre camp, renvoie, à la surface, un message très bruyant. J’emprunte à Nietzsche son propos selon lequel « le corps est d’une grande intelligence ». Un seul organe lui confère une supériorité sur l’animal, c’est son cerveau, instrument de l’esprit et de l’intelligence. Ce qui se trame sous nos yeux repositionne, de manière coordonnée, un jeu d’esprit, avec des corps habiles, drapés dans des oripeaux d’une intelligence comportementale. Voilà justement où se situe la complexité du jeu qui relève d’une approche stratégique. Personne n’y gagne et tout le monde y perd. Cruel destin, j’allais écrire.
TROIS : Si les exigences s’élèvent tandis que les degrés de satisfaction déclinent, suivant un mouvement sinusoïdal, alors une défiance des lois de la République surgit, avec des discours haineux et violents, facilitée par l’existence d’un environnement digital ouvert à tous les risques qui s’y attachent. En vérité, à l’heure de l’intelligence artificielle, et de la superposition de plusieurs outils digitaux, marqués par des standards de la communauté, nous allons droit vers une défiance digitale, même avec une réduction de l’accès aux débits des données mobiles. Le « e-citoyen » étant déjà confortablement installé dans notre territoire national, l’amplification de la crise (réelle ou latente ?) se fait avec une aisance déconcertante. Par prolongement, cette situation aboutit à une défiance institutionnelle assez pernicieuse et porteuse de ravalement du rang de l’Autorité à une atomisation de son statut. Ici, les motifs argumentatifs de la non-confiance et de la défiance institutionnelle sont faiblement saisissables. Il y a simplement un effet de mode et surtout d’attirance vers de nouvelles options politiques plus inclusives et en phase avec les préoccupations réelles des populations. Le rapport de non-confiance ou de défiance unissant les citoyens à la politique se nourrit d’une variété de facteurs relatifs à la position sociale des citoyens, à la mise en cause de leurs intérêts par les politiques publiques comme à leur perception normative de l’univers politique. Ce qui, sans doute, participe à un rapport au politique construit de façon endogène, à dimension fortement normative et manifestant une capacité argumentative fondée sur différents types de principes.
Dans cette perspective, la relation de défiance politique est d’abord fonction du rapport dynamique entre efficacité de l’action publique et exigences du respect des lois et règlements, par les citoyens. On peut en envisager que la défiance augmente sous l’effet d’une érosion cumulative des politiques publiques et d’une réponse limitée face aux réels problèmes qu’elles sont supposées traiter et générant ainsi un sentiment manifeste de déception. Mais cette défiance peut également résulter d’une augmentation des exigences des citoyens à l’égard du politique, selon une logique mercantiliste, les “bénéficiaires” de l’action publique espérant toujours davantage, à performances égales ou même croissantes.
A y voir de plus près, autant la situation est complexe, autant l’on note une simplification des motifs argumentatifs dans plusieurs prises de parole. Il est courant de lire et d’entendre une fixation sur une date butoir : le 02 avril 2024. C’est méconnaître les arcanes technico-institutionnelles et juridiques de la charge présidentielle. Le « Je » présidentiel est trop chargé et charrie des décrets. Le fait de convoquer les articles de la Constitution rien qu’en misant sur l’article 52, en termes de pouvoirs exceptionnels, démontre à suffisance, le fil tenu qui lie le président de la République et le Peuple. Ce qui se passe, dans notre pays, exige la combinaison d’une agilité collective et l’inventaire d’une intelligence émotionnelle, pour créer une catharsis apte à sauvegarder notre territoire craquelé et chahuté, par des balafres visibles. L’avantage de la simplification des faits politiques complexes permet de trouver un consensus et de faire naître une évidence. Au moins, à ce niveau, c’est souhaitable. En revanche, ne peut avoir une approche simplificatrice, c’est faire preuve d’une gestion des risques internes et externes pour parer à toute éventualité.
QUATRE : il demeure constant que cette situation nécessite plus qu’une simple démarche opérationnelle, faite de « marche » et de « méthodes scolaires ». Le comment qui est utilisé pour chercher « qui » ou « quoi » me paraît limité ? Il faut inventer une véritable stratégie politique portée par un leadership éclairé. Les différents protagonistes politico-sociaux élaborent une stratégie pour avoir une adhésion du peuple, seul destinataire de politique publique et seul capable de sanctionner un candidat à la présidentielle. Que les spins doctes en communication et les stratèges en politiques publiques entrent en jeu, la seule constante qu’est le peuple sera l’arbitre, lorsque la tension sera estompée. Heureusement, ici, d’autres ressorts culturels et cultuels existent. Ils sont actionnables en tout temps et en tous lieux. Toute stratégie non actionnable ne permet pas d’impacter l’issue de cette crise (réelle ou latente). La meilleure des stratégies doit se baser sur la vérité. Vérité des différentes parties prenantes, dans l’appréhension des problèmes, la mise en avant du contenu de la Constitution et la quête de sortie du dilemme.
A contrario, à supposer que le Conseil constitutionnel n’a pas dit et lit le droit ; autrement, a grugé les Sénégalais d’une contre-vérité féroce et stupide. En ce moment, les conséquences peuvent être fâcheuses et très fâcheuses. C’est tout un pan de l’Administration publique qui va s’écrouler. Car, “si tu ne sais pas porter ton péché, ce n’est pas la faute de ton péché : si tu renies ton péché, ce n’est pas toujours ton péché qui est indigne de toi, mais toi de lui.” C’est un scénario catastrophe sans limite et fin.
En tout état de cause, le bissap est tiré, il faut en prendre deux gorgées et se mettre très vite autour de la table du dialogue. Nul doute que des préconisations actionnables en sortiront. Il a mal, toi aussi !
Par Mohamed GUEYE
LES VRAIES VICTIMES D’UNE INSTABILITE POLITIQUE
Hier, à la suite de l’annonce de la manifestation prévue par Aar Sunu élection, même si elle a été interdite et que l’organisation a décidé de se soumettre à la décision du Préfet, la ville de Dakar avait des airs de week-end.
Hier, à la suite de l’annonce de la manifestation prévue par Aar Sunu élection, même si elle a été interdite et que l’organisation a décidé de se soumettre à la décision du Préfet, la ville de Dakar avait des airs de week-end. La circulation était fluide aussi bien au centre-ville qu’en banlieue, et beaucoup de commerces avaient baissé leurs rideaux à l’avance. La veille déjà, plusieurs établissements scolaires avaient prévenu les parents que les cours ne pourraient avoir lieu, au grand dam des tout-petits qui étaient impatients d’étrenner leurs tenues de «Mardi Gras»
Le Train express régional (Ter) également avait prévenu ses usagers la veille que ses rotations risquaient de connaître de fortes perturbations, tout en demandant à ses abonnés de prendre des mesures de rechange. Le Brt, qui devait commencer sa circulation commerciale, a dû la repousser. Sur l’autoroute à péage, entre Dakar et Diamniadio, il n’y avait quasiment pas de bouchon, chose assez inhabituelle à certaines heures. Quant à la société de transport en commun Dakar Dem Dikk, elle avait déjà suspendu ses rotations dès le lundi, et n’a pas non plus repris hier mardi, en attendant de voir comment la situation allait évoluer. On ne parle pas ici de l’interruption des données mobiles d’internet et des désagréments occasionnés aux usagers. C’est dire qu’il suffit de peu, parfois juste une annonce de manifestation, pour bouleverser la vie des Sénégalais.
Depuis 2021, on a déjà pu se rendre compte que les manifestations, même dites pacifiques, entraînent souvent des dégâts importants. Chaque fois que des leaders politiques, en particulier de l’opposition ou de la société dite civile, genre Y’en a marre ou F24, en appellent à un rassemblement ou une marche, si elle n’a pas été autorisée, ce sont des échauffourées qui font souvent des victimes. Entre 2021 et 2024, ce sont près de 60 personnes qui ont perdu la vie du fait des confrontations violentes avec les Forces de défense et de sécurité. Pour la plupart, des jeunes gens dans la fleur de l’âge, et porteurs de bien d’espoirs pour leurs familles et proches. Et surtout, des vies perdues pour des raisons que bien des victimes n’ont pas comprises.
Cela ne peut se comparer à rien d’autre, et surtout pas à des biens matériels. Il n’empêche que certaines victimes vivantes se sont senties mourir devant l’ampleur de leurs pertes matérielles. Que dire de ces tenanciers d’échoppes dont les commerces sont emportés dans les flammes de la furie de certains manifestants, incapables d’atteindre les «forces de l’ordre» trop puissamment armées pour eux ? Que penser de ces employés de stations-services, qui se retrouvent quasi systématiquement en chômage technique chaque fois que les pillards s’en prennent à leur commerce ? Ce sont des variables d’ajustement, quand le patron doit faire la part de ce qu’il va passer par pertes et profits, sachant que les assurances ne bougeront pas le petit doigt pour des pertes occasionnées par des émeutes.
On a souvent parlé des conséquences économiques des manifestations violentes. Toutes les sociétés de services qui se retrouvent en panne d’internet à la suite de la décision de l’Etat de suspendre les données mobiles, ou carrément internet, comme on l’a vu en juin 2023, ratent parfois des marchés cruciaux pour leur survie. Et perdent même des moyens d’une future expansion.
L’instabilité politique engendre une insécurité sociale et économique. Face à un avenir instable, quel investisseur viendrait s’engager dans des projets économiques dans un environnement incertain ? A moins qu’il ne soit un vendeur d’armes ou de drogues, ce qui est loin d’être bénéfique pour aucun pays. A une époque, les Sénégalais ne s’en inquiétaient pas trop, dans l’idée que leur pays est trop pauvre pour attirer de gros investissements. On ne cassait pas grandchose, parce qu’il n’y avait pas grandchose à casser par ailleurs. Mais les choses ont considérablement changé depuis quelques années. Le Sénégal est en train de sortir de l’économie agricole pour entrer dans l’économie extractive. Et c’est un domaine où les retours sur investissements se calculent en milliards.
Dans un environnement pacifique, il est facile de faire en sorte que tous les partenaires profitent de la manne. Mais si l’instabilité est grande, ce sont les populations locales qui perdent doublement. Elles n’ont pas la paix et voient leurs ressources leur filer sous le nez, les laissant encore plus pauvres. Et les exemples ne manquent pas que l’instabilité dans nos pays pauvres ne chasse pas les requins de la finance. La guerre contre les djihadistes n’empêche pas l’exploitation de l’or du Mali et du Burkina. L’instabilité chronique et les morts du Nord Kivu et de l’Est du pays n’empêchent pas les grandes compagnies étrangères de trouver leur chemin vers les nombreuses richesses minières du Congo Kinshasa. Nous pouvons aussi être sûrs que même si nous brûlons ce pays, les compagnies étrangères continueront à venir exploiter notre zircon, notre or et notre fer au Sud-Est, ainsi que le pétrole et le gaz de notre littoral.
Les seuls vrais victimes dans une instabilité du pays seront les Sénégalais.
Par Macoumba GAYE
QUAND SONNE L’HEURE DES SAGES
On en oublie que pour l’escalade du mont démocratique, le harnais est accroché à l’ordre républicain. Ses règles doivent être gravées sur les tablettes de la conscience collective
On officie dans le secret pour la paix que le peuple excédé réclame. On discute, louvoie, négocie, cède et concède. Le sang de dizaines de victimes sèche sur l’autel de la Raison d’État. Sous les lambris de la République s’étouffe la clameur de tous les citoyens meurtris. Ainsi soit la volonté des hommes unis par le commun vouloir de vivre ensemble !
On en oublie que pour l’escalade du mont démocratique, le harnais est accroché à l’ordre républicain. Ses règles doivent être gravées sur les tablettes de la conscience collective. Au-delà de la dissuasion de la force publique et des équilibres précaires dont nos guides politiques religieux sont des orfèvres, il nous faut condamner. Car nous ne bâtirons durablement que dans la vérité.
Rien, ni personne, ne saurait justifier que l’on amnistie d’odieux crimes sans les avoir jugés. La vertu pédagogique et salutaire du pardon trouve aussi son sens dans le repentir du condamné.
Les suspects sont désignés : ceux-là qui ont tué ; brulé vif des hommes dans des bus ; saccagé des universités ; recruté des nervis ; embastillé des innocents sans jugement ; menti au juge constitutionnel ; trahi leurs électeurs ; sacrifié des forces de sécurité républicaines, prie des libertés avec la constitution. Qu’ils se reconnaissent, ces hommes et femmes qui ont foulé à nos pieds l’ordre républicain.
C’est maintenant le temps des bonnes volontés, des apprentis sorciers et des véritables escrocs qui prêchent l’oubli et le pardon intégral. A leurs yeux, Il suffirait, pour sauver La République, de nous rappeler les joyaux de notre histoire : notre sens de la concertation, notre cohésion et notre art de vivre pluriséculaires. Ainsi, on devrait, unanimes et sans réserve, emprunter le chemin du dialogue et de la paix, à tout prix ; à n’importe quel prix !
Ils peuvent se tromper de bonne foi. Mais, à la vérité, s’il est envisageable de déroger à la règle de droit au nom de l’intérêt commun mais il est bien impossible d’obtenir une paix qui ne soit précaire en faisant fi de la justice. Qui a donc l’autorité pour arrêter ces acteurs quand ceux qui ont déjà eu la garde de la loi fondamentale s’accordent avec eux ?
Il ne reste plus que les « derniers des mohicans » pour sauvegarder la vertu : « les sages » qui doivent rétablir, en toute vérité le cours de l’histoire de nos institutions et inscrire définitivement dans nos gènes, les augustes valeurs fondatrices de ce pays auquel nous serons tous fiers d’appartenir. Il leur revient de sonner l’heure du choix. Peu importe lequel des justes méritera nos suffrages. Son impérieuse mission sera la reconstruction de l’âme d’une nation.
Par Fadel DIA
LA DANSE DU FOU
L’aventure que vit le président rappelle un peu la danse du fou, non parce qu’il est fou lui-même, mais parce que malgré sa longue expérience du pouvoir, il a manqué de finesse politique et n’a pas pu deviner jusqu’où il pouvait aller loin
La littérature orale pulaar, riche en dictons et proverbes, évoque souvent la tragique histoire de la danse du Fou. Le Fou danse, le public admire d’abord ses pirouettes s’étonne qu’il les ait réussies, l’applaudit, s’amuse de ses chutes et les pardonne. Le public, bonne fille, se dit qu’après tout sa danse ne durera que quelques instants et qu’il finira par céder la place car d’autres danseurs, plus frais, s’impatientent au bord de la piste.
Mais, voilà le Fou ne sait pas que le temps lui est compté pour cet exercice, il continue donc à tourner sans s’apercevoir qu’il n’amuse plus le public, que celui-ci a besoin de changement, alors que non seulement il ne se renouvelle pas, mais qu’il fait de plus en plus de faux pas. Il est victime de l’usure et sa glande de vanité est si grosse qu’il fait plus attention aux applaudissements qu’aux sifflets. On le chahute d’abord, puis on s’exaspère, on veut le forcer à quitter l’arène, mais inconscient du danger, il résiste et on finit par l’expulser en le trainant par les pieds !
L’aventure que vit le président de la République rappelle un peu la danse du Fou, non parce qu’il est fou lui-même, mais parce que malgré sa longue expérience du pouvoir, il a manqué de finesse politique et n’a pas pu deviner jusqu’où il pouvait aller loin. Il a gouverné pendant douze longues années, en exerçant la plénitude des pouvoirs déraisonnablement attachés à la fonction, il a fait de bonnes choses, en a fait d’autres moins bonnes, et tout comme le Fou ratait de plus en plus ses pirouettes, il faisait de plus en plus de mauvaises choses.
Alors on s’impatiente, sa prestation devient de plus en plus insupportable à la majorité de ses concitoyens et la colère gronde dans le pays. Il y a déjà plus de deux cents prétendants qui se pressent aux portes du palais, ils sont même si nombreux que la compétition tourne à la foire d’empoigne. Mais, alors que la tension atteignait son paroxysme, voilà que se produit un miracle : comme si le Fou avait réussi une belle pirouette qui avait désarçonné les gros bras qui s’apprêtaient à le sortir de l’arène, le président de la République fait une annonce qui retourne la situation en sa faveur. Ses adversaires se retrouvent sans voix, perdent leur principal argument de campagne, on trouve soudain des poux à certains d’entre eux, on accuse d’autres de traitrise ou d’inexpérience ou de n’avoir comme programme que de prendre sa place. L’opinion nationale et internationale applaudit, des offres de reconversions prestigieuses se multiplient, ses collègues lui font une standing ovation, bref il a remonté la pente…
Alors que tout le monde était convaincu qu’il va pouvoir sortir par la grande porte, patatras, au retour d’un voyage et comme s’il était incapable d’être à la hauteur de l’évènement, il improvise une déclaration qui rebat les cartes et plonge le pays dans la tourmente ! Qu’il ait raison ou non, au plan juridique (et la majorité des spécialistes jugent qu’il a tort) n’a guère d’importance si l’on tient compte de l’enjeu, mais aussi de ses propres prises de position sur ce sujet, fermes et définitives, exprimées publiquement il y a plus de dix ans, et qu’on lui a cruellement rappelées. Ses mots étaient alors très forts, il parlait d’engagement personnel et « solennel », fustigeait les « subterfuges » et « l’imposture », réfutait « tous les prétextes, quels qu’ils soient » et affirmait qu’il ne laisserait pas le président sortant rester « une minute de plus » au pouvoir après l’achèvement de son mandat légal ! Ce discours lui revient comme un boomerang et pour en atténuer la portée, il prône le dialogue, mais dialogue pour dialogue, pourquoi n’a-t-il pas eu lieu précisément avant cette décision aux conséquences imprévisibles avec, notamment, les candidats qui avaient franchi l’étape du dépôt de candidatures ?
La rupture est si profonde que ce seul et tardif dialogue ou la caution que lui ont apportée les deux anciens présidents de la République, dont le crédit est du reste très limité, ne suffiront pas à ramener la paix. Il faudrait une réaction à la hauteur de l’affront porté aux espérances du peuple souverain et quelle que soit sa décision, le président qui sortirait de ce guêpier qu’il a construit de ses mains serait un mutilé de guerre.
Car ce qui lui arrive aujourd’hui n’était arrivé à aucun de ses prédécesseurs. C’est la première fois au Sénégal qu’un chef d’état fait l’unanimité contre lui ,que se dressent contre lui, tous à la fois et du même mouvement, les chefs d’entreprises et les syndicats de travailleurs, l’Eglise catholique et les imams et oulémas , les chefs traditionnels et les intellectuels, les éditeurs de presse et les journalistes, les handicapés, le monde rural, celui des villes et de la diaspora, ses alliés politiques, qui l’avaient accompagné pendant plus de douze ans, et même une partie de sa majorité… Sans compter la défiance très claire de ses soutiens traditionnels au Nord, jusque-là très conciliants à son égard, et celle de ses collègues africains qui préféraient habituellement user de la langue de bois ! C’est ce qui s’appelle un gâchis, pour ne pas dire un suicide politique. Mais, pour notre malheur, ce gâchis-là fait des morts !
CONFLIT À L' EST DU CONGO : LA PAIX IMPOSSIBLE ?
Depuis 30 ans, l’ Est du Congo est en proie à des conflits armés interminables qui créent des oppositions et des coalitions au gré des intérêts des belligérants du moment. Dans ce conflit entre armée congolaise et différentes milices
Depuis 30 ans, l’ Est du Congo est en proie à des conflits armés interminables qui créent des oppositions et des coalitions au gré des intérêts des belligérants du moment. Dans ce conflit entre armée congolaise et différentes milices, plus de 6 millions de congolais ont perdu la vie , sans occulter son cortège d’exactions, de viols, de pillages et de déplacés.
La résurgence des tensions dans l’Est du Congo est le reflet de notre impuissance à pacifier cette région du monde, déstabilisée par un conflit armé entre les différentes milices et l’armée congolaise (FARDC) depuis 30 ans. Près de 6 millions de congolais ont perdu la vie depuis la Première guerre du Congo en 1996 et malheureusement, ce drame humain a été accompagné par son lot d’exactions, de viols, de pillages et de déplacés qui font de cette zone de l’Afrique une véritable poudrière.
Un contexte historiquement tendu
L’ Est du Congo apparaît comme l’une des plus grandes poudrières de l’Afrique. Depuis des dizaines d’années, il a été le réceptacle des pressions démographiques et ethniques de la sous-région. À la suite du génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda en 1994, nous avons assisté au déplacement de près de 2 millions de Hutus vers la République Démocratique du Congo avec dans leur rangs une partie des génocidaires. Le Rwanda et l’Ouganda, dans l’optique de protéger les minorités Tutsis au Congo de ces génocidaires, armèrent des milices Tutsis, qui finirent par se coaliser pour écarter Mobutu du pouvoir en 1997 et installer Laurent Désiré Kabila qui était à la tête de cette coalition de guerre. La guerre reprit en 1998 pour les mêmes raisons de protection des minorités tutsis au Congo et déboucha sur des accords de paix signés en 2001 avec Joseph kabila, le fils de Laurent Désiré Kabila, arrivé au pouvoir à la suite de l’assassinat de son père. Accords renforcés en mars 2009 avec les milices résiduelles qui débouchèrent sur une promesse d’intégration des anciens rebelles dans l’armée. Malheureusement une partie de ces milices dénonça le non-respect de ses accords et reprit les armes sous la dénomination du M23.
La balkanisation du Congo
Depuis lors, l’Est du Congo a été le terrain de jeu des milices armées, qui ont agi tels des proxys pour le compte de forces extérieures et des pays voisins. Cette balkanisation du Congo ne peut être acceptée et est aussi la conséquence de la faiblesse de l’armée régulière. Les populations civiles sont en première ligne devant ce désastre. Dix ans après la prise de Goma par le M23, l’histoire se répète. Les évènements des derniers mois nous ramènent inexorablement vers de nouveaux conflits qui entraîneront indubitablement des conséquences néfastes pour les populations.
La MONUSCO, la mission de l'ONU en République démocratique du Congo, forte de plus de 16000 hommes, est souvent considérée par certaines organisations de la société civile congolaise comme un échec en raison de sa difficulté à mettre fin à la violence persistante et à stabiliser la région, malgré sa longue présence et ses ressources importantes. De plus, la mission a fait face à des critiques constantes concernant son efficacité et sa capacité à protéger les civils dans un contexte de conflits complexes et de crises humanitaires. Néanmoins ce constat est à nuancer car la MONUC crée en 1999 puis la MONUSCO en 2010 ont contribué à une pacification du pays et ont permis aux forces régulières de contrôler 90% du territoire et d’organiser des élections dans le pays. C’est l’occasion de rendre un vibrant hommage aux près de 400 hommes morts au cours de ces missions, pour l’idéal de la paix et de la souveraineté de la République démocratique du Congo. La signature d’un plan de retrait progressif de la MONUSCO a été annoncée le 22 novembre 2023.
La multiplication des initiatives de paix dans la région n’a pas pu pour le moment permettre une solution définitive. Le second mandat du Président Félix Tshisekedi à la suite des dernières élections de décembre 2023 sera une occasion pour la paix.
Initiée par la Communauté d’Afrique de l’Est vers la fin de 2022, l’initiative de Nairobi se focalise sur les factions armées, appelant à une cessation rapide des combats, au retour des groupes armés étrangers dans leurs nations respectives, et à l'engagement des groupes locaux dans un nouveau programme axé sur le désarmement et la démobilisation. Elle se distingue également par la permission accordée pour le déploiement d'une force régionale destinée à combattre les groupes qui refusent de se désarmer.
En parallèle, le processus de Luanda aborde les tensions diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, renforçant ainsi l'accord de 2013 qui visait à instaurer la paix, la sécurité et la coopération dans la région.
Nous ne pouvons pas occulter l’engagement du Président français Emmanuel Macron et du secrétaire d’état américain Anthony Blinken qui ont marqué leurs engagements pour soutenir le processus de paix dans ce pays.
Il a été demandé au gouvernement rwandais de stopper son soutien aux groupes armées dans la région et au gouvernement congolais, de faciliter le retour sur son territoire de réfugiés tutsis actuellement dans des camps en Ouganda et au Rwanda.
Des causes économiques
Derrières ces raisons sociales, politiques, ethniques et démographiques, il y a aussi des raisons économiques. L'expression "scandale géologique" est souvent attribuée à Jules Cornet, un géologue belge, qui l'aurait prononcée en 1892 lors d'une de ses expéditions pour décrire l'extraordinaire abondance et la diversité des ressources minières présentes dans la région. L’ Est du Congo est notamment riche en cuivre, cobalt, uranium, Coltan et d'autres minéraux précieux et le contrôle de ces ressources est un enjeu majeur pour toutes ces milices armées qui s’auto financent grâce à elles.
Les frontières poreuses et les réseaux de contrebandes permettent de faire transiter ces ressources pour qu’elles soient exportées dans les pays voisins.
Quelques approches de solutions
La résolution de ce conflit ne peut que passer par des négociations politiques.
En effet il faille que les différentes initiatives, surtout celle de Nairobi puisse inviter le M23 à la table des négociations. Mais un préalable est nécessaire, le M23 doit libérer les zones occupées et laisser tomber les armes. Ce préalable peut être atteint avec l’aide du Rwanda qui devra être entendu sur le retour en paix des refugiés tutsis sur le territoire congolais. La Communauté de l’Afrique de l’Est et la Southern African Development Community (SADC) devront prendre le relai de la MINUSCO dont le mandat n’était pas clair pour les populations et ainsi déployer une force d’interposition qui devra veiller à la démilitarisation des milices armées et au respect des accords de paix. Une force qui recevra le mandat de pouvoir affronter les groupes rebelles.
L'idée de marquer les pierres précieuses extraites de la République Démocratique du Congo (RDC) avec un label spécial est une stratégie potentielle pour lutter contre l'économie de guerre alimentée par le commerce illégal de minéraux. En attribuant un label officiel aux pierres extraites légalement et éthiquement, le gouvernement congolais pourrait aider à distinguer ces matériaux de ceux extraits dans des conditions conflictuelles ou illégales.
Si les pierres non labellisées sont considérées comme provenant de mines sous contrôle rebelle, cela pourrait limiter leur vente sur les marchés internationaux, rendant moins lucrative l'exploitation illégale de ressources. Cette mesure viserait à affaiblir le financement des groupes armés impliqués dans les conflits et l'exploitation minière illégale, contribuant ainsi à la paix et à la stabilité dans la région.
Pour être efficace, une telle initiative nécessiterait une mise en œuvre rigoureuse, un soutien international et un système de certification transparent et fiable.
L'idée d'un "Plan Marshall" pour le Congo, visant à développer des industries de transformation des ressources minières comme le coltan ou le lithium, est prometteuse. Ce plan pourrait désenclaver la région, augmenter la valeur ajoutée des ressources locales, et diminuer l'influence des milices. Il nécessiterait des investissements importants en infrastructures, formation, sécurité, et des politiques solides pour garantir des bénéfices équitables à la population locale.
Faire passer au Conseil de paix et de sécurité des Nations Unies une résolution pour sanctionner tout état finançant une milice armée dans l’Est du Congo.
Faire appel aux Nations Unies, plus précisément au Haut-Commissariat aux Nations Unies pour établir un plan de relocalisation des réfugiés tutsis au Bénin.
L’espoir est permis
Pour la première fois il a été établi par des experts internationaux des Nations Unies que la Milice M23 était financée par des pouvoirs étrangers, conclusions qui ont permis de construire un consensus international autour de la question. L’engagement du Kenya et de l’Angola sera essentiel afin de ramener la paix dans la région. La communauté Internationale joue un rôle historique : faire prendre conscience au Rwanda qu’on peut arriver à la protection des tutsis sans supporter des milices au Congo. Il faudra ressusciter l’accord de coopération économique entre le Congo et le Rwanda qui régira les relations commerciales entre les deux pays afin d’aplanir les tensions.
Sans oublier les Nations unies pour la relocalisation des réfugiés et leur protection le temps de la démilitarisation des milices armées. La balkanisation du Congo ne passera que par la synergie des actions entre les acteurs congolais, régionaux et internationaux. La solution est africaine et nous avons un rendez-vous avec l’histoire : démontrer que l’Afrique a dans son sein les solutions pour une coexistence pacifique préalable à un développement économique.
La Cop 28 a marqué « le début de la fin des ères fossiles ». Une grande partie des ressources nécessaires à cette transition se trouve au Congo. La transition énergétique mondiale ne passera que par la pacification du Congo et l’installation d’infrastructures permettant à ce pays de ne plus être le géant aux pieds d’argile de l’Afrique.
Chabi YAYI est un Homme politique et entrepreneur béninois. Titulaire d’un Bachelor en Sciences Economiques de l’Université de Montréal et d’une Maitrise en Sciences de l’Innovation et de l’entreprenariat de HEC PARIS. Il est actuellement le secrétaire aux Relations extérieures du parti Les Démocrates. Il donne son avis sur les grands enjeux géostratégiques africains à travers des publications sur le continent.
par Thierno Alassane Sall
L'INSUPPORTABLE APPEL À L'IMPUNITÉ
Diouf et Wade sont mal placés pour parler de dialogue et d'amnistie. Les deals en cours vont aboutir à l'impunité généralisée. La paix sans la vérité est une fausse paix qui prépare de futures explosions
Abdou Diouf et Abdoulaye Wade sont mal placés pour parler de dialogue et d'amnistie.
L'assassinat de Babacar Sèye, alors vice-président du Conseil constitutionnel, est l'un des crimes les plus odieux de l'histoire politique du Sénégal. Ce crime est resté en réalité impuni, et ses commanditaires ont pu opérer un braquage sur l'État et la République à cause de leurs dialogues.
Les dialogues et les lois d'amnistie du passé ont créé, non pas les conditions d'un nouveau départ vers le progrès, la justice et un développement économique partagés, mais le pillage à grande échelle de notre pays.
Les cris de ceux qui se noient en mer, dans une fuite incessante et désespérée, ne sont sans doute pas parvenus aux illustres oreilles des "pères de la démocratie sénégalaise". Voici le Sénégal que vous nous avez légué.
Imbus de cette démocratie de l'impunité et de la non-reddition des comptes, voilà les mêmes à l'œuvre pour maintenir un système inique. Hier le père, aujourd'hui le fils gâté, veulent mettre le pays à terre pour avoir refusé de se conformer aux dispositions de l'article 28 de la Constitution. Et dans leur funeste projet, ils ont trouvé en Macky Sall, naguère ennemi irréductible, un allié de circonstances pour leurs ambitions personnelles et claniques.
Prôner la paix devrait commencer par dire la vérité, comme le rappelle l'Archevêque de Dakar.
Le 3 avril 2024 aurait dû constituer un nouveau départ : libérer les prisonniers injustement retenus, juger tous ceux contre qui pèsent de lourdes présomptions, restaurer une justice équitable. Les deals en cours vont aboutir à l'impunité généralisée.
Je le répète : les conditions d'un dialogue sincère et inclusif passent par le respect de la Constitution et le départ de Macky Sall. Soutenir le contraire reviendrait à valider tous les coups d'état perpétrés dans la sous-région ainsi que leurs dialogues sous les bruits de bottes et les détonations des armes.
La paix sans la vérité est une fausse paix qui prépare de futures explosions.
par Makhtar Diouf
CONJUGUONS DIOUF ET WADE AU PASSÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Ils viennent approuver le coup d’Etat constitutionnel en bons connaisseurs, car ils ont été tous deux des forcenés du pouvoir. Personne ne les a entendu sur les exactions commises par Macky Sall
Abdou Diouf et Wade viennent de nous rappeler à eux et pas de belle manière. Ces deux anciens présidents, qui comme leur prédécesseur Senghor préfèrent passer leur retraite chez l’ancien colonisateur, étant les seuls à le faire en Afrique.
Voilà qu’ils viennent approuver le coup d’Etat constitutionnel de Macky Sall en acceptant de prolonger son mandat jusqu’en 2025. Ils le font en bons connaisseurs car ils ont été tous deux des forcenés du pouvoir.
Ils donnent l’occasion de procéder à une brève revisite de l’histoire politique récente du Sénégal.
Abdou Diouf a exercé le pouvoir durant 17 années dans l’illégalité. Le ‘’ très démocrate’’ Senghor lui cède le pouvoir sans consultation populaire. Après avoir terminé le mandat de Senghor en cours, il est ‘’élu’’ en 1983, ‘’réélu’’ en 1988 et en 1993 avec son Code électoral qui autorise à voter sans présentation de pièce d’identité, sans isoloir. Majhemout Diop, président du PAI, candidat à la présidentielle de 1983, est crédité de zéro voix dans le bureau où il a voté en compagnie de son épouse et de quelques amis militants.
Le Code électoral d’Abdou Diouf permet à des militants de son parti PS de se remplir les poches de bulletins de vote pour voter plusieurs fois toute la journée. Au point qu’au lendemain des élections, la blague que des Sénégalais se lancent à Dakar est : « Tu as voté combien de fois ? »
Abdou Diouf a eu ces mots, rapportés par le journal ‘’Sud-Hebdo’’, ancêtre de ‘’Sud Quotidien’’ : « Ce que veut l’opposition, c’est un Code électoral sur mesure qui lui permet de gagner haut la main les élections ».
Ce que voulait l’opposition, c’était un Code électoral républicain, assurant des élections régulières, transparentes. Ce Code électoral obtenu au bout d’années de luttes a régi la présidentielle de 2000 qui a envoyé Abdou Diouf à la retraite.
Son tombeur Wade est le premier président du Sénégal démocratiquement élu. Mais après les deux mandats que lui confère la Constitution, il a voulu s’octroyer un troisième mandat. Pour cela, il loue les services de deux mercenaires juristes (un Américain, un Français) qui viennent à Dakar, à un coût exorbitant sur nos maigres ressources : voyage en première classe, hôtel de luxe, rémunération. Leur mission est de décréter que la Constitution permet à Wade de se présenter une troisième fois. Ce qu’ils font. Comme ce sont des Occidentaux, leur parole doit être d’or auprès des populations. Toujours ce complexe de l’extérieur ! Les cinq membres du Conseil constitutionnel de l’époque les approuvent moyennant des cadeaux luxuriants, selon la rumeur, ‘’Radio Cancan’’, comme disait Senghor.
Les manifestations contre la troisième candidature de Wade sont ponctuées par des morts (mais bien en-deçà du bilan de Macky Sall).
Wade va à la présidentielle pour la troisième fois. Les Sénégalais déçus par sa gestion désastreuse avec sa promesse de ‘’Sopi’’ et indignés par son forcing de troisième mandat l’envoient rejoindre Abdou Diouf à la retraite en France lors de l’élection de 2012.
Personne n’a entendu Abdou Diouf et Wade sur les exactions commises par Macky Sall, et que, eux, n’avaient jamais commises. Ils viennent maintenant essayer de sauver le soldat Macky Sall, le second président du Sénégal élu démocratiquement. Hitler aussi avait été élu démocratiquement.
Ce faisant, ils n’ont fait que s’aligner sur la position récente et scandaleuse de leurs partis PS et PDS qui sont aussi à conjuguer au passé. Des partis politiques avec leurs démembrements AFP, Rewmi, APR, qui ne représentent plus rien dans le pays. Des have been.