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19 avril 2025
Opinions
Par Ibrahima FALL
FAISONS DE L’ARITHMETIQUE ENTRE L’ETAT ET LES MEDIAS
L’Etat du Sénégal réclame près de 40 milliards de nos francs à la presse, menaçant ainsi la survie financière des médias. - Le secteur de la presse au Sénégal traverse une crise financière sans précédent
Le secteur de la presse au Sénégal traverse une crise financière sans précédent. La Direction générale des impôts et des domaines (Dgid) a engagé des procédures de recouvrement pour des arriérés fiscaux qui s’élèvent à près de 40 milliards de francs Cfa. Ce montant colossal a entraîné le blocage des comptes bancaires de plusieurs entreprises de presse, plongeant ainsi le secteur dans une situation de précarité extrême.
Cette situation critique a des répercussions directes sur la capacité des médias à fonctionner. Les entreprises de presse, déjà fragilisées par une conjoncture économique difficile et une baisse des revenus publicitaires, se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs employés, de régler leurs factures ou d’investir dans de nouveaux contenus. Ce marasme financier menace non seulement la survie de ces entreprises, mais aussi la liberté de la presse et la qualité de l’information diffusée au public.
Face à cette crise, une proposition émerge pour éviter l’effondrement du secteur : l’émission d’avoirs fiscaux. Cette stratégie innovante permettrait de réduire la pression fiscale sur les médias tout en soutenant le budget de l’Etat. Concrètement, les avoirs fiscaux seraient utilisés pour des ordres d’insertion et de publicité, que l’Etat mettrait à la disposition de ses différentes structures. Ces ordres de publicité permettraient aux médias de recevoir des fonds tout en promouvant les initiatives et les communications gouvernementales.
Pour l’Etat, cette solution présente plusieurs avantages. Premièrement, elle permet de maintenir les recettes fiscales sans exiger des paiements immédiats en numéraire, ce qui pourrait être difficile à obtenir dans le contexte économique actuel. Deuxièmement, en finançant ses campagnes de communication par le biais d’avoirs, l’Etat optimise son budget tout en soutenant les médias. Enfin, cette approche favorise un climat de coopération entre l’Etat et les entreprises de presse, essentiel pour une gouvernance transparente et une information fiable.
Certaines dispositions du code des marchés imposent aux structures de l’Etat de faire des publications au niveau des médias. De plus, l’Etat a un besoin constant de mener des campagnes de sensibilisation dans le cadre de l’appropriation de ses politiques publiques. Une évaluation sans complaisance des besoins de communication de toutes les structures permettrait de solder le passif des organes de presse et de permettre un assainissement de la médiatisation des actions de l’Etat.
Cette évaluation permettrait également de rationaliser et de professionnaliser la communication de l’Etat. Actuellement, la médiatisation des actions de l’Etat se fait souvent pour valoriser le ministre ou le Directeur général, au détriment des actions elles-mêmes. Une approche plus stratégique et centrée sur les besoins réels de communication permettrait de mieux informer le public sur les politiques publiques et leurs impacts, tout en soutenant financièrement les médias.
Pour les médias, l’émission d’avoirs offre une bouffée d’oxygène indispensable. En recevant des fonds via des ordres de publicité, les entreprises de presse peuvent surmonter leurs difficultés financières immédiates. Cela leur permet de continuer à payer leurs salariés, d’assurer la production de contenus de qualité et de maintenir leur rôle de contrepouvoir démocratique. De plus, cette solution renforce les relations entre les médias et l’Etat, ce qui peut favoriser un environnement plus stable et prévisible pour l’avenir.
Bien que l’émission d’avoirs semble être une solution viable à court terme, la question d’une amnistie fiscale complète reste d’actualité. Une telle mesure pourrait offrir une solution plus durable en annulant les arriérés fiscaux des médias, leur permettant ainsi de repartir sur des bases saines. Cependant, cette option nécessite un consensus politique et des garanties de la part des médias quant à leur gestion financière future..
La mise en œuvre de l’émission d’avoirs n’est pas sans défis.Il est crucial de définir des mécanismes transparents et équitables pour l’allocation des ordres de publicité. De plus, il faut veiller à ce que cette solution ne crée pas de dépendance excessive des médias vis-à-vis de l’Etat, préservant ainsi leur indépendance éditoriale. Un suivi rigoureux et une évaluation régulière de cette mesure seront nécessaires pour en assurer le succès.
La crise des dettes fiscales des médias sénégalais appelle à une réponse rapide et concertée. L’émission d’avoirs fiscaux apparaît comme une solution pragmatique qui pourrait équilibrer les besoins financiers de l’Etat et la survie des entreprises de presse. Cependant, cette solution doit être accompagnée de réformes structurelles pour garantir la viabilité à long terme du secteur médiatique. Le dialogue et la collaboration entre l’Etat et les médias seront essentiels pour surmonter cette crise et renforcer le rôle crucial de la presse dans notre société. Une approche réfléchie et collaborative permettra non seulement de résoudre la crise actuelle, mais aussi de construire un environnement médiatique plus robuste et résilient pour l’avenir du Sénégal.
Par Hamidou ANNE
LA MEMOIRE CORRECTIVE DE PSK
Pape Samba Kane croque les personnalités de la scène publique sénégalaise avec justesse, précision, sans jamais verser dans la vulgarité ni la grossièreté, qui sont hélas devenues des pratiques journalistiques au pays de Mame Less Dia.
Mon ami Pape Samba Kane m’a fait l’amitié de me faire parvenir, il y a quelques mois, son dernier ouvrage publié en deux tomes, Mémoire corrective, aux éditions Harmattan Sénégal. Depuis, je picore régulièrement des pépites sur les 750 pages du livre écrit avec un soin particulier apporté à la langue et au style. Il s’agit d’un recueil de portraits satiriques publiés dans un grand journal qui marqua l’histoire de la presse africaine, le défunt Cafard Libéré, sous sa rubrique Profil. Le journaliste a fait un travail méticuleux d’archiviste pour exhumer ces textes parus entre 1987 et 1996 afin de les proposer à l’édition pour le plus grand bonheur de son lectorat.
Pape Samba Kane croque les personnalités de la scène publique sénégalaise avec justesse, précision, sans jamais verser dans la vulgarité ni la grossièreté, qui sont hélas devenues des pratiques journalistiques au pays de Mame Less Dia.
Certains des textes, comme le souligne le préfacier du premier tome, le regretté Mame Less Camara, sont prémonitoires. Il donne l’exemple de Idrissa Seck que l’auteur avait vu comme futur directeur de Cabinet du Pape du Sopi quand ce dernier arriverait au pouvoir. Ce fut chose faite, avant le déchirement, la disgrâce et les péripéties policières puis judiciaires. Du fait de mes inclinations, certains textes m’ont parlé plus que d’autres. Ceux sur Jean Collin, Fara Ndiaye, Mamadou Puritain Fall, par exemple. J’ai été touché par le portrait de feu Mbaye Diack, marxiste brillant et rigoureux. PSK relate sa réponse «Très loin» à la question de savoir où il habitait. Ces deux mots vagues et imprécis disent beaucoup des gens de cette époque, de ces hommes politiques, qui en plus d’avoir lu leurs classiques, avaient un sens de la répartie qui renseigne sur leur finesse. Ils avaient du fond et savaient discourir de manière élégante et raffinée.
Les portraits de PSK peuvent être très drôles et obliger le lecteur à marquer une pause pour un rafraîchissant éclat de rire. L’art de faire rire est un talent, parmi ceux qui certainement me touchent le plus. Les idées d’une personne peuvent être haïssables mais l’humour reste pour moi une qualité supérieure à presque toutes les autres. PSK est de cette race de journalistes à la plume vive et caustique. On n’en fait plus dans notre pays, hélas et le débat public s’en trouve dévitalisé. Pour citer à nouveau Mame Less Camara, PSK sait être «féroce» sans jamais être «méchant». Dans sa tâche, il est aidé dans cet ouvrage par les coups de crayon de TT Fons, Joop et Odia. Odia, ce talentueux dessinateur dont je remarque avec tristesse qu’il a perdu ce plaisir aristocratique de déplaire. Un dessinateur qui par couardise cherche à plaire aux Princes perd ce sentiment jouissif qu’est l’irrévérence.
Le livre de PSK est un immense musée représentatif d’un monde d’hier dont notre pays ne veut pas se souvenir car il lui rappelle sa grandeur d’antan et son niveau d’abêtissement actuel. Certains personnages disparus, que PSK ressuscite, étaient l’incarnation d’un Sénégal de tenue et de retenue. On pouvait ne pas partager les orientations politiques de Jean Collin, Fara Ndiaye, Me Babacar Niang, etc., mais ils avaient un sens de l’Etat et une haute idée de ce que devait être la politique. Elle ne doit jamais se départir de la dignité.
La tenue du monde d’hier tranche avec l’outrance et les injures désormais sacralisées et installées comme règle de conduite. Les héritiers ne sont pas dignes de l’héritage politique du Sénégal. Et le pire est à craindre…
PSK nous conte une histoire que notre génération n’a pas bien connue. J’en garde personnellement des bribes et des tranches de récits, car je voyais, enfant, le Cafard régulièrement traîner chez moi. C’est aussi là la pertinence de ce travail de mémoire pour garder des traces d’un passé que beaucoup ignorent car notre structure démographique fait que le Sénégal est un pays très jeune. Certes la politique a toujours été pratiquée avec violence. Notre histoire politique est ponctuée de morts. Mais le Sénégal a connu un débat public de qualité, que l’Afrique entière nous enviait. Entre les hommes et les femmes politiques d’une époque hélas révolue, il y avait, malgré les différences programmatiques et de vision idéologique, une estime réciproque. La hauteur de vue, l’urbanité, l’intelligence, l’érudition et la tenue sont des qualités essentielles pour un homme politique. Sinon, comme dirait l’autre saltimbanque Ibou Fall, voix et plume féroces, c’est la foire à la racaille.
J’ai adoré l’ouvrage de PSK dont le talent de portraitiste est sans égal. Les deux tomes n’ont pas quitté depuis plusieurs mois ma table de chevet. Je continuerai à picorer ces petites merveilles pour ne pas désespérer du Sénégal et des Sénégalais…
Dans le portrait «L’albatros», PSK dit du lumineux Asak «Il est agaçant de talent». Je lui fais le même reproche.
Par Thierno Bocoum
SONKO A DÉCIDÉ DE GOUVERNER ET DE S'OPPOSER EN MÊME TEMPS
Comment peut-on traiter certains magistrats de corrompus quand on décide de s’immiscer dans l’enclenchement de l’autosaisine du procureur à travers son ministre de la justice ?
Le Premier ministre Ousmane Sonko est en retard. Le plan d’action gouvernemental qu’il annonce pour bientôt lui a été demandé depuis très longtemps.
Dans le premier communiqué du conseil des ministres en date du 09 avril 2024, il a été dit ceci : « le Président de la République a demandé au Premier Ministre, sur la base du PROJET et des orientations présidentielles sus indiquées, de finaliser, avant la fin du mois d’avril 2024, le Plan d’actions du Gouvernement, avec un agenda précis de réalisation des objectifs fixés. »
Il est en retard de plusieurs mois mais trouve le temps de faire de la politique politicienne en mettant en exergue une compétence qui a déjà montré ses limites.
Comment peut-on traiter certains magistrats de corrompus quand on décide de s’immiscer dans l’enclenchement de l’autosaisine du procureur à travers son ministre de la justice ?
Pourquoi ne pas demander au procureur de faire son travail sur son propre dossier pendant devant la justice ?
Encadrer la justice et la presse selon ses propres orientations est la pire des dérives d’un apprenti dictateur.
S’attaquer à une opposition qui a décidé de laisser le temps de l’observation est une belle preuve d’incapacité face aux nouvelles charges étatiques.
L’ingénieuse prouesse a été de trouver le temps de faire de la politique politicienne après avoir demandé du temps pour faire des résultats.
À défaut de projet et de visions, les objectifs sont maintenant clairs :
1 - Anticiper sur l’après Diomaye en muselant la presse non inféodée à sa doctrine, en intimidant certains peureux d’une opposition hésitante pour les dissuader dans l’exercice de leur droit et en accaparant un appareil politique à travers un discours populiste renouvelé.
2 - Faire croire que le nouveau pouvoir est menacé dans sa volonté de prétendues éformes systémiques pour divertir les sénégalais sur un combat contre le néant et ainsi échapper à la récurrence des demandes de respect des engagements et de satisfaction des besoins majeurs des populations.
Ousmane Sonko a décidé de gouverner et de s’opposer en même temps. Gouverner contre ses adversaires, s’opposer à ses adversaires.
Celui qui était prêt à déloger du palais de la république un président légalement élu pour prendre sa place fera tout pour remplacer son poulain.
Son temps sera dédié à la politique politicienne. La correcte prise en charge des intérêts majeurs des populations attendra malheureusement.
Qu’il sache que ceux qui ne sont pas dans le soutien aveugle, le fanatisme et la recherche de sinécures connaissent bien ce proverbe qui dit que « bien dire fait rire, bien faire fait taire. »
Malheureusement, il ne cherchera pas à faire taire en bien faisant mais plutôt en usant de formes d’intimidation ridicules, obsolètes et inopérantes.
Nous espérons que certaines ruptures annoncées et attendues survivront dans cette mare de populisme.
Les sénégalais sont fatigués. Ils ne rempliront pas leur ventre par des paroles futiles et de l’arrogance.
Par Momar Dieng
DIVERSION ET RÉALITÉS
Les propos d’Ousmane Sonko à l’endroit de la presse, tenus le 9 janvier sur l’esplanade du Grand Théâtre lors d’un meeting de son parti, ont soulevé l’ire de beaucoup de journalistes…
Les propos d’Ousmane Sonko à l’endroit de la presse, tenus le 9 janvier sur l’esplanade du Grand Théâtre lors d’un meeting de son parti, ont soulevé l’ire de beaucoup de journalistes… Pour certains d’entre eux, le chef du Pastef (et Premier ministre) est coupable d’avoir proféré des menaces et mises en garde contre les professionnels des médias dans l’exercice de leurs fonctions. D’autres l’accusent - sans avoir tort - de tirer sur cette corde « populiste » qui semble lui avoir bien réussi dans sa déjà fulgurante carrière politique. Pourquoi changerait-il de méthode, se disent-ils ? Des ‘’Unes’’ de la presse quotidienne de ce lundi 10 juin renseignent sur l’impact d’un discours sur le personnel du « 4e Pouvoir », sans langue de bois, direct mais pourtant précisément…ciblé sur une catégorie identifiée de patrons de presse. Un point crucial qui n’a pas semblé digne d’intérêt pour tout le monde. Cela, c’est sur la forme.
Dans le fond, que retenir d’essentiel du discours véhément d’Ousmane Sonko ?
Primo : que les journalistes ont l’obligation professionnelle, éthique et morale de respecter les principes sacro-saints qui fondent et légitiment l’exercice de leur profession, qui plus est dans un environnement démocratique où ils ne sont clairement pas les seuls acteurs. Nous publions et diffusons chaque jour des centaines d’articles qui touchent à tous les secteurs de notre vivre-ensemble quotidien et sur tous les supports disponibles. Prenons-nous toujours le temps de le faire comme nous devons le faire? La perfection n’existant nulle part, la réponse est non. Le faisons-nous en toute bonne foi ? La déontologie est une matière variable, à chacun sa conscience. Prenons-nous le temps de rectifier ce qu’il y a à rectifier ? Sans doute mais il reste du travail.
Il nous faut le reconnaître : nous avons - bien malgré nous - fourni des munitions à des gens extérieurs à notre profession pour qu’ils viennent nous rappeler le ba.ba de notre métier en brandissant des pièces à conviction qui nous envoient au tapis. La présumée « affaire Kandé » qui vient de défrayer la chronique est un désastre monumental en termes de crédibilité qui nous frappe tous. Elle montre ce que peut être un journalisme ombrageux dont la mécanique éditoriale carbure aux racolages, rapiéçages et ajustages aux fins de fournir des produits livrables à d’obscures officines en embuscade dans une arrière-scène en Antarctique. On ne le dira jamais assez : « l’indépendance du journalisme est la première garantie d’une information loyale. Pas de quêtes de vérités sans autonomie de leurs chercheurs » (Edwy Plenel).
Deuxio : que les entreprises de presse ont le devoir d’être en règle avec la loi, notamment au plan fiscal. Personne ne le conteste. Les difficultés que vivent les patrons de presse, le stress des fin de mois et des autres périodes ‘’sociales’’ qui appellent des dépenses, les sacrifices immenses que certains d’entre eux consentent jusque sur leurs propres biens pour faire vivre leurs médias et leurs personnels sont des réalités incontestables. Il faut leur en rendre hommage. Mais c’est leur choix d’avoir investi dans un secteur impitoyable, concurrentiel, budgétivore et sans garantie de retour sur investissement. La réalité est têtue mais incompressible. Des patrons de presse acceptent les règles du jeu, déroulent leurs stratégies, font preuve d’inventivité et d’innovations en tenant compte de leurs moyens et limites. D’autres, par contre, font semblant de jouer le jeu, rusent, transforment une présumé capacité de nuisance en une institution permanente de lobbying qui finit par discréditer la véritable institution que doit être le média. C’est ce vagabondage égoïste avec des « bailleurs de fonds » non philanthropes qui ramène au ‘’Primo’’ ci-dessus. Dans un post en date du 27 mai 2024, Hamadou Tidiane Sy, fondateur du site « Ouestafnews » et directeur de l’école de journalisme E-jicom, écrit: « l’indépendance du journaliste n’a pas de prix mais a un coût. Celui de n’être souvent « l’ami » de personne : ni pouvoir, ni opposition, ni opérateurs économiques, ni chefs coutumiers ou religieux…»
Au delà de la tonalité du discours d’Ousmane Sonko, ce sont les réalités que voila que les organisations et entreprises de presse devraient s’attacher à combattre pour protéger l’honneur d’une profession indispensable au contrôle démocratique du pouvoir politique, de sa gouvernance, des ‘’tromperies d’Etat’’ (Edwy Plenel) et des pratiques oligarchiques autour de l’économie et des secteurs stratégiques lucratifs de la vie nationale. C’est la voie royale pour assurer à la presse cette qualité de contre-pouvoir qui a été détruite par la cupidité manifeste dont font preuve certaines de ses figures.
S’accrocher aux propos d’Ousmane Sonko pour ne pas en voir le fond ne nous avancera en rien. Exigeons par exemple du pouvoir la suppression des peines privatives de liberté pour les journalistes ! C’est le Président Bassirou Diomaye Faye qui en a pris l’engagement. Mais apparemment, une loi de protection pour les lanceurs d’alerte semble plus prête d’être déposée à l’assemblée nationale. Ça, c’est un beau défi et une vraie réalité ! Sus à la diversion.
Par Mamadou Ndiaye
CHOC D’AMBITIONS
Sonko renoue avec la parole. Fait-elle oublier les promesses de grand renversement à l’origine de la chute du précédent régime ?
Sonko renoue avec la parole. Fait-elle oublier les promesses de grand renversement à l’origine de la chute du précédent régime ?
En retrouvant les foules et les chaudes ambiances, il entretient le souffle et s’aperçoit que l’obsession partisane et les calculs d’appareil sont toujours au beau fixe. Les Sénégalais étaient nombreux à répondre à son appel sur l’esplanade du Grand Théâtre.
Ils ont applaudi à tout rompre leur leader subjugué par le spectacle « Woodstock » dont il était la star. Sa fraîcheur physique, son gabarit et son aisance flattent le regard. Autant dire qu’il impressionne par sa maîtrise des codes de sympathie. Loin de lui donc l’apparence « old school ».
Il privilégie plutôt un style jeune adopté comme un signe de ralliement de cette catégorie de la population qui, semble-t-il, a été déterminante dans le triomphe d’avril dernier. En vainqueurs, ils sont encore submergés par l’optimisme. Cela va de soi.
Néanmoins, deux mois après la victoire et l’installation au pouvoir, la magie du temps fort opère encore. A Diomaye, Président de la République, le Grand dessein. A Ousmane Sonko, l’action avec sa double casquette de Premier ministre et de Président du Pastef. Naturellement, ils se concertent pour se répartir les rôles et les tâches dans un bel esprit de complicité et de fraternité qu’affectionnent les militants.
En revanche, une partie de l’opinion, peu persuadée, voit dans le discret chevauchement de prérogatives, une potentielle source de conflit à la tête de l’exécutif. Or face aux doutes, Sonko affiche sa confiance et rassure son monde que rien ne le distrait, il travaille d’arrache-pied et se montre très peu réceptif aux critiques dénuées de fondement.
Les chantiers qui l’attendent sont nombreux et pressants : l’hivernage, les inondations, la campagne agricole, la cherté des prix des produits de consommation courante, l’énergie, la baisse des prix, la sécurité et la lancinante question de l’emploi des jeunes. Sonko en Hercule pour tant de travaux !
Dans son adresse au public venu l’écouter, plusieurs sujets ont été abordés dans un ordre de priorité noyé par des effets oratoires. Sa longue tirade de reproches à l’égard de la presse a certes retenu l’attention mais a irrité plus d’un. Dans ce qu’il évoque à propos des médias, il n’y a ni crise, ni crispation, ni scandale. Pas même de menace pour justifier une mise en quarantaine.
Pour autant, sa sortie contre les journalistes constitue un mystère à élucider. Le Premier ministre avait le pouvoir de tuer la discordance dans l’œuf et de chasser les odeurs. Il ne l’a pas fait. Son entêtement frise une débordante amertume qu’il a envie de déverser pour se calmer. En s’attaquant à toute une corporation ne jette-t-il pas le discrédit à une profession alors qu’il a en tête bien des noms.
Un effort de discernement aurait permis de désamorcer cette querelle maladroitement provoquée et amplifiée par les réseaux sociaux très prompts à lancer des attaques au vitriol contre la presse. Il est à craindre une certaine solitude du Premier ministre lorsque surviendra inéluctablement le temps faible.
Une hostilité prononcée augmenterait l’aversion à sa personne et accentuerait la méfiance des médias qui, quoi qu’il advienne, couvriront les activités du gouvernement avec le même naturel qui sied en toutes circonstances. En revanche la rigidité de la communication du Premier ministre peut transformer son QG en une forteresse muette.
Ce qui serait un comble pour la Primature où la volonté de transparence est érigée en dogme de gouvernance. Mais gouvernance rime avec subtilité, voire une réelle dose d’habileté pour surmonter les écueils en jalonnement. S’il en a conscience, Ousmane Sonko a intérêt à ramollir sa posture politique pour une bonne fluidité de sa fonction à la Primature, siège de l’action, et par extension, d’un réel pouvoir d’influence dans la vie de la nation.
Il n’ignore pas que le raidissement de sa démarche vis-à-vis de la presse peut décourager des vocations ministérielles. Après tout, cette même presse, sans s’en glorifier, a contribué à son ascension depuis la création de son parti, aux péripéties endurées en passant par sa remuante trajectoire jusqu’à l’exercice actuel du pouvoir. Lequel tient-il sur sa seule cime ?
La période qui s’ouvre est pleine d’incertitudes tant au pouvoir que dans l’opposition. Cette dernière d’ailleurs peine toujours à se remembrer au lendemain de sa déroute à la présidentielle. Aucune figure de consensus n’émerge pour le moment. Derrière les rideaux les tractations se poursuivent sur fond de concessions mutuelles qui n’apparaissent pas au grand jour. Pour le moment. Une recomposition politique pointe du nez.
En revanche, la presse n’est pas exempte de reproches. Au contraire, la pratique de certains dirigeants contrarie les rédactions appelées à « garder le temple » en veillant à l’orthodoxie éditoriale. La ligne n’est guère tenable quand les compromis et les compromissions foisonnent à l’abri des regards.
Le soupçon projeté sur les médias par les nouvelles autorités trouble la quiétude des salles de rédaction déjà gagnée par la psychose fiscale agitée par les services des Impôts. Les redressements fiscaux infligés sont hors de portée des groupes de médias ciblés. L’empressement cache une intention ambiguë. Il dénote par la même occasion la méconnaissance de la réalité de l’écosystème des médias.
L’information a cessé depuis longtemps d’être une « denrée périssable » comme le lait ou la tomate. Elle acquiert de la valeur en contenu et en densité. Un regard sur les opportunités renseigne sur le gisement de solvabilité que renferme le secteur. Mais personne ne veut creuser pour inverser les revers de fortune et donner aux médias l’occasion de se redresser, de prospérer et de devenir indépendants par les moyens propres qu’ils génèrent.
Plus grave, certains acteurs n’aident pas la presse à se ressaisir puisque selon eux, elle n’est jamais rentable ni profitable. Alors s’il en est ainsi pourquoi ne la quittent-ils pas pour d’autres prairies ?
Le pouvoir d’influence que diffuse la presse est-il pris en compte dans la modélisation de l’imposition ? Prélève-t-on des taxes sur les Géants du Web Google, Apple, Facebook, Amazon, les fameux GAFA ?
Ces opérateurs d’Internet disposent de puissants véhicules qui transportent à une vitesse stratosphériques les productions de contenu des médias sénégalais et africains. Ils engrangent de faramineux gains issus de la commercialisation de ces flux de données.
La réflexion n’est guère menée au sein de la Direction des Impôts pour adapter une fiscalité flexible aux médias. Ce paiement exigible sonne-t-il le glas de la presse globalement accusée -et souvent à tort- d’être de connivence avec le « pouvoir oppresseur » ?
En d’autres termes, le pays a-t-il besoin de cet épisode. Dans son ensemble, elle rejette l’accusation et s’offusque de devoir payer quand l’écart de conduite n’est le fait que d’une poignée d’acteurs. La presse reste un secteur particulier.
L’ignorer c’est entretenir l’amalgame et la confusion qui lui valent aujourd’hui des mises en demeure et des broncas d’indignations sélectives d’affidés qui « hurlent » avec des loups faméliques. D’un mal sort un bien. D’une difficulté jaillissent des opportunités !
Par Mbagnick DIOP
UN AMOUR CIRCONSTANCIEL ET UNE MEFIANCE PERMANENTE
Dans un environnement économique morose, le paysage médiatique a connu une expansion des publications à partir d’une certaine complicité avec des milieux d’affaires ou des hommes politiques à la conscience troublée.
Entre la presse et l’Etat, c’est l’histoire d’un amour circonstanciel teinté d’une méfiance permanente. La cause nationale, présentée comme leur dénominateur commun, est aussi le diviseur qui atteste de l’impossibilité d’une vision partagée sur l’ensemble des questions qui rythment la vie de la République et de la Nation.
L’autorité de l’État souffre difficilement qu’il puisse exister un contre-pouvoir à la voix tonitruante et, de surcroît, une voix qui peut être déstabilisante.
Face à cette posture, perçue à tort ou à raison comme de la paranoïa, la presse cède à la tentation de s’ériger en dompteur d’un régime qui entend consolider ses premiers pas dans la gouvernance publique. Elle prend même le risque de porter des batailles par procuration, parce que les intérêts de ses alliés sont menacés au point que sa propre survie devient un enjeu brûlant. Dans un environnement économique morose, le paysage médiatique a connu une expansion des publications à partir d’une certaine complicité avec des milieux d’affaires ou des hommes politiques à la conscience troublée.
Le panorama ainsi établi est tout ce qu’il y a de plus pervers pour la presse. La démultiplication des établissements de formation, au cursus biaisé, a déversé sur le marché de l’emploi des aspirants « journalistes » abandonnés à leur sort. Faute de mieux, ils se bousculent aux portes des groupes de presse où certains dirigeants, plus affairistes que journalistes, les exploitent sans scrupule et les maintiennent dans une médiocrité ambiante. Peu importent les codes du travail et de la presse qui leur confèrent théoriquement des avantages pécuniaires, matériels ainsi que des droits sociaux. Ainsi fragilisés, ces journalistes cherchent à combler le gap des salaires modiques à travers des relations d’intérêts.
Pour corriger cette situation inique et très préjudiciable à la qualité de la presse et à l’objectivité de la relation avec l’État, l’autorité doit nécessairement concevoir et dérouler une meilleure politique de formation et d’emploi pour la presse. Une meilleure politique économique aussi pour faire des entreprises de presse des entités viables qui ne soient pas abonnées tout le temps à la main tendue et aux effacements de dettes fiscales.
Par Kaccoor Bi - Le Temoin
MAIS QUI DONC SE SENT MORVEUX ?
Y en a parmi nos si distingués confrères certains qui veulent le scalp de Oscar Sierra. Le garçon, sans peur et sans reproche, y est allé de sa belle sincérité avec ses jeunes qu’il rencontrait sur l’esplanade d’un théâtre de Dakar pour des échanges
Ça twiste à Dakar. Depuis dimanche, c’est l’hallali. Y en a parmi nos si distingués confrères certains qui veulent le scalp de Oscar Sierra. Le garçon, sans peur et sans reproche, y est allé de sa belle sincérité avec ses jeunes qu’il rencontrait sur l’esplanade d’un théâtre de Dakar pour des échanges sur l’actualité.
Sur la vingtaine de sujets qu’il a abordés face à ses bouillants jeunes patriotes, des sujets très importants car relatifs à la situation actuelle de notre pays, les gens ne se sont intéressés qu’à un passage de son discours où il ne caressait pas certains patrons de presse dans le sens du poil.
Les gens ont sauté sur ce passage pour instruire le procès du leader de Pastef. Les gens et, singulièrement, nous autres journalistes qui prétendons sortir de la cuisse de Jupiter, ce qui nous confère le droit de dire et d’écrire n’importe quoi sur n’importe qui, au nom d’un droit acquis qui nous met au-dessus des lois.
Pour en savoir plus sur la liberté de presse que nous envieraient des aînés, il faut s’attarder sur les réseaux sociaux et y lire les statuts déchaînés de ces journalistes qui se croient tout permis tout en ignorant là où s’arrête leur liberté. C’est un tas d’immondices qu’ils ont versé sur Oscar Sierra avec souvent de perfides allusions. Tout cela au nom de la liberté de presse. Laquelle a décidément bon dos. Ils s’arrogent ce droit que leur conférerait leur statut de journalistes. Quand la mémoire va chercher du bois…
Les annonces sur les mesures à venir pour lutter contre la cherté de la vie. Le retour à la terre pour une souveraineté alimentaire avec les vacances agricoles citoyennes, le conseil donné à ses jeunes de respecter les avis contraires.
La renégociation des contrats miniers et gaziers, la reddition des comptes, l’indépendance de la justice sans que les membres de son parti ne se croient au-dessus des lois, le plan d’action gouvernemental, le document vision Sénégal 2050.
De tous ces brûlants sujets qui ont été évoqués par le leader de Pastef, on n’a retenu que l’injonction faite à des personnes, qui ont toujours profité des pouvoirs, à payer leurs impôts comme tous les citoyens. Ou encore, l’invite faite aux médias à être plus professionnels et responsables dans le traitement de l’information en évitant de trainer dans la boue d’honorables pères de famille. Il y a aussi la volonté exprimée de s’opposer à la liberté d'insulter et de diffuser de fausses nouvelles. Il a donc fallu ce rappel à l’ordre pour que la meute se déchaîne.
Faut-il porter des œillères, feindre d’ignorer que la presse est chargée de scories qu’il faudra épurer. Plutôt que de menaces, la sortie d’Oscar Sierra constitue une invitation à plus de responsabilité et de professionnalisme. Ceux qui l’ont compris ainsi ne se sont pas attardés outre mesure sur ce passage du discours d’Oscar Sierra.
Gardons-nous des combats par procuration ou de ceux de gens qui ont d’autres objectifs que le développement de la presse dont ils se foutent royalement.
Texte Collectif
DE QUOI LES ICS SONT-ELLES LE NOM ?
Depuis leur implantation en 1957, l’entreprise fait preuve d'un mépris total de ses obligations environnementales et sociales vis-à-vis de l’Etat et des populations. Cette société échappe au contrôle de la puissance publique
Jadis fleuron de l’économie sénégalaise, les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) se sont muées aujourd’hui en malédiction pour les populations riveraines. Dans cette boulimie insatiable des exploitants des phosphates et des acides de notre pays, rien ne semble plus arrêter les ambitions démesurées d’expansion des ICS. Animées par une cupidité purement économique et capitaliste, ces industries se sont engagées dans un processus destructeur, de pollution, d'expropriation et d'appauvrissement des riverains. Les intérêts financiers priment sur la santé et le bien-être des communautés, laissant derrière elles un paysage de désolation et de détresse.
Les ICS exploitent aujourd’hui 1 800 000 à 2 000 000 tonnes de phosphates par an, ont fait 566 423 853 591 FCFA de chiffres d’affaires en 2022, dont 15% appartenant à l’Etat du Sénégal, 78%, INDORAMA, 6,78 IFFCO et 0,22% pour le Gouvernement Inde. Et la valeur commercialisée au titre de l’année 2022 était de 56 392 615 820.
Malgré cette situation qui vient d’être décrite, il est regrettable de constater que depuis leur implantation dans la zone en 1957, l’entreprise fait preuve d'un mépris total de ses obligations environnementales et sociales vis-à-vis de l’Etat et des populations locales. Une situation inédite relayée par Confidentiel Afrique vient s’ajouter à ce constat. Il est en effet question du placement des fonds des ICS dans des comptes offshore, notamment à la Exim Bank India, alors que jusqu'à un passé récent, ces fonds étaient placés dans des banques commerciales locales,[1] d’une redevance minière impayée de 200 milliards de FCFA et une taxe superficiaire d’un montant de 305 millions que la société doit verser à l’Etat du Sénégal.[2]
Sur le plan environnemental, l’exploitation et la transformation du phosphate par les ICS ne s’effectuent pas sans incidences majeures sur l’écosystème, la nappe phréatique et l’atmosphère, car impliquant l’utilisation des terres cultivables, le rejet de gaz toxiques, la délocalisation des riverains et l’assèchement de la nappe phréatique. C’est la raison pour laquelle, dans la convention minière de 1999 signée avec l’Etat du Sénégal, la société avait pris des engagements pour le respect et la protection de l’environnement. Mais, le non-respect de ces engagements est aujourd’hui un secret de polichinelle. Les déversements permanents dans l’Océan Atlantique de déchets et résidus chimiques, notamment d’acides sulfuriques, le rejet de gaz et autres produits hautement toxiques par les ICS, entraînent incontestablement une pollution de l’océan, de l’atmosphère et des sols ainsi que de graves risques d’assèchement et d’intoxication de la nappe phréatique de toute cette zone, tuant ainsi les populations riveraines à petit feu.[3] La catastrophe écologique et environnementale que constituent les ICS, dans le silence total et absolu des autorités étatiques, démontre à suffisance que cette société échappe au contrôle de la puissance publique. Aucune politique de réhabilitation et de réaménagement des terres après exploitation, n’est menée pour permettre aux agriculteurs de poursuivre leurs activités agricoles. Les récoltes dans la zone connaissent ainsi une baisse significative entraînant une diminution drastique des revenus des paysans, obligés d’abandonner leurs cultures de rente.
Dès lors, ce phénomène accentue la pauvreté des populations riveraines et engendre la raréfaction des produits maraichers dans le marché et par conséquent la hausse des prix des légumes telles que l’oignon, pommes de terre, etc. En dépit de tous leurs engagements et de tous les rappels à l’ordre, les ICS restent indifférentes aux fuites de gaz et de produits toxiques qui affectent la santé de la population et empoisonnent l’environnement. Face à ce qui peut être qualifié de désastre écologique et social, aucune campagne de reboisement n’est initiée par les ICS pour atténuer ou corriger les dégâts environnementaux, reconstituer les sols et rétablir l’écosystème gravement endommagé, notamment par l’avancée constante de la montagne de phosphogypse vers les terres d’habitat et de culture. La politique environnementale promise par les ICS est inexistante et inefficace parce que les "investisseurs" indiens rechignent à y injecter les moyens financiers nécessaires. Dans la convention les liant à l’Etat du Sénégal, les ICS avaient, à l’origine, une concession de 17 ha pour l’installation de l’usine. Aujourd’hui, leur exploitation s’est étendue jusqu’aux abords des villages jadis très éloignés de l’usine.
Sur le plan sanitaire, les rejets toxiques de gaz, de CO2 et de poussières qui s’échappent de l’usine, en plus des conséquences sur l’environnement et l’écosystème, exposent les populations à des risques sanitaires considérables, car pouvant causer des infections pulmonaires, gastriques ou oculaires. Or, aucune infrastructure sanitaire digne de ce nom et capable d’accueillir les malades de la zone et de leur apporter des soins sanitaires correspondant à ces pathologies, n’est construite par les ICS au profil des populations
Sur le plan social, les ouvriers et journaliers sont payés 3.500CFA/j et même bien en deçà par des prestataires et sociétés d’intérim véreux qui, épargnés de tout contrôle étatique, violent allègrement et impunément les conventions collectives et le code du travail. Quant aux travailleurs (permanents, temporaires), ils sont confrontés à des conditions de travail précaires et insécures, au grand mépris des lois sénégalaises en matière de travail et de protection sociale.
En matière de politique et de responsabilité sociale (RSE), les actions et réalisations des ICS ne dépassent guère la construction de quelques salles de classe, la clôture des écoles, l'octroi d'aides pour le pèlerinage aux lieux saints de l'Islam et du Christianisme, le soutien pendant les fêtes, des dons aux associations sportives, toute chose qui confine les bénéficiaires dans la posture de la dépendance et de la main-tendue, étouffant ainsi les revendications légitimes des travailleurs et des populations.[4]
Quant à la politique de recrutement en vigueur aux ICS, il est regrettable de noter le faible quota réservé aux jeunes et cadres des localités environnantes. Cette situation engendre périodiquement des révoltes pour dénoncer des méthodes de recrutement discriminatoires et opaques, alimentant ainsi les tensions avec les populations locales. De plus, l’entreprise favorise l'importation massive d'ouvriers et de cadres en provenance de l'Inde et d'autres régions, au détriment des jeunes diplômés, des travailleurs qualifiés, des chauffeurs et des ouvriers du département de Tivaouane. Et le nombre de plus en plus croissant de ces travailleurs expatriés fait qu’on parle même de l’existence d’un « village indien » qui serait établi aux abords de l'usine, exclusivement peuplé d'ouvriers indiens.
De la responsabilité de l’Etat du Sénégal
Sous ce rapport et compte tenu de tout ce qui précède, nous, signataires de la présente tribune, engageons l’Etat du Sénégal à se lancer, sans tarder, dans la confection d'un nouveau cahier des charges en vue d’un nouvel appel d'offres international afin de se donner la latitude et le temps d'étudier les meilleures conditions d’attribution, contraintes et engagements tenant compte, de façon stricte, des intérêts du Sénégal et des populations environnantes.
La fin du contrat des Industries Chimiques du Sénégal devant parvenir en septembre 1999, nous estimons qu’elle offre une opportunité unique pour repenser la gestion de cette société, dans le but de promouvoir un développement économique et social plus inclusif et durable dans notre zone.
Ce nouveau cahier de charge devra intégrer les dispositions pertinentes de la loi 2022-17 du 23 mai 2022 relatives au contenu local, qui disposent en ses articles 3 et 4 que les industries minières doivent contribuer au développement du tissu industriel et commercial local. Elles doivent également mettre en place des mécanismes visant à accroitre les emplois locaux dans la chaine de valeur des industries minières et à promouvoir la disponibilité d’une main d’œuvre locale qualifiée (entre autres).
Et compte tenu des manquements graves et répétés constatés dans la mise en œuvre de la précédente convention signée avec les ICS, nous invitons l’Etat du Sénégal à inclure dans le nouveau cahier des charges, la mise en place d’une commission chargée du suivi-évaluation de la future convention d’exploitation qui sera signée.
En nous érigeant en sentinelles de ces nouvelles règles à instaurer avec les éventuels futurs partenaires, nous profitons de cette tribune pour engager l’État du Sénégal à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les ICS et tout futur partenaire respectent leurs engagements envers les populations riveraines et l'État lui-même.
Nous invitons aussi l’Etat du Sénégal à un strict contrôle aussi bien des qualités que des quantités de produits extraits et exportés, et exigeons la protection des droits des communautés locales et de l'environnement, ainsi que la restauration et la revalorisation des terres déjà exploitées.
Nous invitons également l’Etat du Sénégal à introduire, dans le nouveau cahier des charges, des clauses de résiliation et/ou de suspension des conventions minières en cas de non-respect des engagements souscrits ou en raison d'une utilité publique motivée par la nécessité de sauvegarder des vies humaines menacées par les exploitations.
De même, les ressources naturelles appartenant au peuple selon l’article 25-1 de la charte fondamentale du pays, nous encourageons l’Etat du Sénégal à mettre en avant la préférence nationale. Le Sénégal dispose d’une expertise avérée qui, par le passé, a fait ses preuves dans sa capacité à gérer des entreprises de cette envergure sans recourir à des partenaires étrangers.
En ce qui concerne les droits des populations spoliées et déguerpies, nous exigeons des ICS le dédommagement les populations victimes d’expropriation ou de saccage de leurs terres de culture, et le respect, dans la transparence, des règles, directives et engagements sur la Responsabilité sociétale d’entreprise (R.S.E) auxquels elles sont astreintes.
Nous demeurons persuadés que l’Etat du Sénégal tiendra compte de ces remarques et propositions pour être et rester dans la logique des promesses de ruptures systémiques. Ces promesses suscitent, partout, de grands espoirs pour une émergence réelle et un développement bénéfique pour les populations sénégalaises. Tout ceci s'inscrit dans le cadre et l’esprit du PROJET de rupture et d’inspiration souverainiste conduit par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, à travers le JUB-JUBAL-JUBANTI.
Ont signé :
Arame Kébé, Juriste, Chargée de projets
Dr Ibrahima Seydi Ba, Professeur de Lettres Modernes au Lycée de Mboro
Dr Mohamed Lat Diop, Enseignant chercheur en SIC à l’EBAD-UCAD
Ngagne Thiam, Ingénieur de conception en Informatique
Massamba Sall Seck, Manager Qualité et Performance des organisations
Ousmane Ciss, Professeur de Philosophie, Socio-anthropologue
Khalifa Ababacar Sarr, Ingénieur en Géomatique et Spécialiste en Gestion des déchets solides et assimilés, Directeur Général de la SONAGED
Association pour la défense des intérêts de l’arrondissement de Méouane (ADIAM)
Dr Mouhamadou Moustapha Sarr, Enseignant chercheur en Génie mécanique et productique à l’ENSEPT-UCAD
Guilaye Guèye, Ingénieur en Mécanique et Matériaux, expert en transformation numérique
Dr Moustapha Diop, Enseignant chercheur à l’UCAD
Dr Sidy Dièye, Directeur Associé et Consultant international AXLEY Bankers Sénégal
Ngouda Seck, Ingénieur en Génie Civil
Dr Mamadou Bamba Seye, Pharmacien
Dr Mamour Ndao, Médecin urgentiste
Aliou Dia, Comptable à Orange et Chef d’entreprise
Babacar Diop, Professeur au Lycée Technique de Thiès
Lamine Niang, Enseignant
Ousmane Faye, Professeur de Philosophie
Momar Dieng, Professeur de Philosophie
Babacar Sarr, Ingénieur agronome
Alé Ndiaye, Juriste
Aminata Sow, Professeure de Mathématiques au Lycée de Mboro
Youssou Kébé, Professeur de Français au CEM de Mboro
Malick Ousmane Diop, Professeur de Lettres au Lycée de Darou Khoudoss
Babacar Diedhiou, Professeur de Philosophie, conseiller à la Marie de Mboro
Cherif Assane Ndiaye, Professeur d’économie
Ousmane Thiam Ndiaye, Professeur en Techniques Industrielles,
Mouhamadou Hady Dieng, Consultant en santé, Chargé de programme Communication et Partenariat
Mbaye Samb, Professeur environnementaliste et Doctorant
Khadim Mbacké Diop, Professeur de Mathématiques au Lycée de Mboro
Cheikh Ndoye, Directeur de l’Institut Hibroul Oumma pour l’éducation et l’enseignement Franco-Arabe de Ndiop Sao, conseiller à la mairie de Darou Khoudoss,
Cheikh Atab Goudiaby, Professeur de Mathématiques
Cheikh Mbaye Ndiaye, Informaticien/Echantillonneur Mine et Conseiller Municipal
Dame Djité, Professeur de SVT au BST de Tivaouane,
Gortil Mar, Enseignant en langue Arabe à l’IEF de Thiès
Moussa Diakhaté, Ingénieur en informatique
Mme Aîchétou Ser, Assistante au Bureau national CEDEAO,
Mbaye Diongue, Enseignant
Djiby Khoulé, Ecologiste, professeur de SVT
Djibril Sadio, Professeur de Lettres au Lycée de Mboro
Amadou M. Seck, Professeur de Mathématiques au Lycée Ababacar Sy de Tivaouane
Thierno Baldé, Professeur,
Amadou Moustapha Seck, Professeur de Mathématiques au Lycée Ababacar Sy de Tivaouane
Cheikh Tidiane Gaye, Entrepreneur
Papa Malick Ndiaye, Technicien supérieur en Géomatique
Papa Gaye Sarr, Professeur de Philosophie au Lycée de Darou Khoudoss
Abdoulaye Diomaye Diouf, Professeur Titulaire de Sciences Physiques, Chef de bureau au MEN
NOUS AVONS BESOIN D'UN CHEF DE GOUVERNEMENT, PAS D'UN CHEF DE GUERRE
L’Etat c’est le prestige et il n’y a pas de prestige sans distance. Apparemment il est impossible à Monsieur Sonko de se hisser à la hauteur qu’exige la fonction de Premier ministre. Un gouvernement agit. La parenthèse de l’élection est fermée
« Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Encore une fois Sonko a été excessif dans ses attaques contre les magistrats et la presse. Ce sont les excès de l’opposant Monsieur Ousmane Sonko qui rendent insignifiants la quête de respectabilité et de prestige du Premier ministre Ousmane Sonko. L’Etat c’est le prestige et il n’y a pas de prestige sans distance et apparemment il est impossible à monsieur Sonko de se hisser à la hauteur qu’exige la fonction de Premier ministre. Il a failli devenir président par accident et il est devenu Premier Ministre par inadvertance.
Comment le Premier ministre peut accuser les magistrats de corruption parce qu’ils ont pris des décisions qui ne lui sont pas favorables quand il était opposant. Donc les bons magistrats sont ceux qui ont pris les décisions qui lui ont été favorables. Ce n’est pas une attitude de chef de gouvernement mais de chef de clan. On comprend maintenant l’idée initiale d’organiser des « assises de justice pour redorer le blason terni de la justice » dans le discours du président le 3 avril. Heureusement que le président a mis beaucoup d’eau dans le bissap.
Nous n’avons pas un chef de gouvernement mais un chef de clan, un chef de guerre qui va plus se préoccuper de vendetta politique, judiciaire et médiatique, de règlement de comptes que de régler les préoccupations de Sénégalais. C’est quand même inquiétant avec l’ampleur des urgences du pays que notre Premier ministre ait le temps de s’occuper du détail de la fiscalité de la presse qui au mieux doit relever d’un inspecteur des impôts. On ne demande pas à notre Premier ministre de faire des conférences publiques mais de prendre des décisions, bref de gouverner au lieu de faire un « one man show ».
Un gouvernement agit. Monsieur le Premier ministre, la parenthèse de l’élection est fermée. Vous n’êtes plus dans l’opposition. Agissez. Votre croisade contre la presse est perdue d’avance. Malgré les excès et les dérives qu’il faut corriger, le Sénégal doit beaucoup à sa presse. La presse nous a permis d’atteindre des « seuils de démocratisation » en contribuant à l’élargissement de la base de la démocratie avec l’ouverture médiatique des années 90 et à la transparence électorale qui a permis à notre pays de rompre avec le cycle des violences post électorales.
Le régime de Macky Sall assume l’aide qu’il a toujours apportée à la presse parce qu’il n’y a pas de démocratie sans presse. Thomas Jefferson le 3e président des Etats Unis disait « La base de nos gouvernements étant l’opinion du peuple, le premier objectif devrait être de préserver ce droit ; et s’il m’appartenait de décider si nous devrions avoir un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je n’hésiterais pas un seul instant à choisir la dernière hypothèse. » « L’amnistie » fiscale que nous assumons est une façon d’aider la presse pour qu’elle se hisse au niveau de notre grande démocratie par contre votre politique d’asphyxie fiscale est une façon de tuer la presse pour avoir un gouvernement sans presse comme chez les nazis et les fascistes dans les années 30. Monsieur le Premier ministre, les Sénégalais ont ouvert les yeux et ce sont vos excès et l’hubris du pouvoir qui seront les freins de votre « résistible ascension » vers la fonction suprême. Heureusement pour notre République qui n’aura pas à sa tête quelqu’un qui a menacé les généraux, insulté les juges et demandé aux jeunes de transformer notre président en Samuel Doe.
Autant d’excès que rappellent les VAR au quotidien et qui rendent insignifiante votre quête de prestige d’homme d’Etat. Un homme d’Etat prend de la hauteur, ne s’époumone pas dans les détails et ne réduit pas l’Etat à sa personne ou à des règlements de comptes crypto-personnels, ce qui est le propre d’un chef de clan ou de guerre. Les urgences sont ailleurs. Cette conférence publique est une diversion, une autre arme de distraction massive.
Par Madi Waké TOURE
FAUT -IL CRIMINALISER L’HOMOSEXUALITE ?
La visite de Jean Luc Mélenchon a ravivé la polémique relative à l’homosexualité, une pratique aussi vieille que le monde. Les textes sacrés des différentes religions révélées parlent de ce phénomène qui n’est pas nouveau.
La visite de Jean Luc Mélenchon a ravivé la polémique relative à l’homosexualité, une pratique aussi vieille que le monde. Les textes sacrés des différentes religions révélées parlent de ce phénomène qui n’est pas nouveau.
La véritable nouveauté est qu’il est objet de débats épiques voire de fractures profondes entre les nations occidentales qui prônent la permissivité totale en matière de sexualité et certains peuples qui ont une conception pas très libérale sur la question compte tenu de leur histoire, de leur mœurs, de leur culture voire de leur religion.
Et là où le bât blesse, c’est que les sociétés d’abondance qui exercent leur suprématie un peu partout dans le monde et installées dans cette logique du « tout pour le plaisir des sens » veulent imposer certaines de leurs modes de vie et de leur façon de penser à d’autres régions du monde aux conceptions philosophiques, culturelles voire religieuses totalement opposées. Quitte à leur imposer même des sanctions économiques et autres ?
Tout le problème est là !
Que recouvre alors ce vocable qui charrie tant de passion ?
D’après le dictionnaire Webster, l’homosexualité est “l’activité érotique avec un membre de son propre sexe, (...) la satisfaction de la libido [désir sexuel, sensuel] recherchée avec des individus de son propre sexe”.
Par conséquent, les baisers, les caresses et les câlineries destinés à éveiller les passions d’un individu de son propre sexe sont autant de pratiques homosexuelles. En outre, bien que la plupart des gens s’imaginent que seuls des hommes sont homosexuels, le terme s’applique également aux femmes qui s’adonnent à cette pratique. Toutefois, il existe un autre mot pour désigner ces femmes inverties ; on dit qu’elles sont lesbiennes.
Nous n’allons pas nous arrêter à cette définition. Nous ferons appel à Amadou Lamine Sall pour cerner la problématique dans ces facettes les plus intimes. Sa réflexion avec une forte teneur socio-anthropologique, sonne éminemment juste et interpelle l’humanité entière en ce sens qu’elle prône le respect des autres . Des autres qui voient autrement le phénomène: « Les gens ont la liberté de faire ce qu’ils veulent, mais ils n’ont pas la liberté d’imposer aux autres ce qu’ils sont. » « Les fondements de la nature humaine, susceptibles de conduire à l’homosexualité sont bien connus dans les cultures africaines, mais cette pratique a été contenue dans des proportions qui ont empêché d’en faire un problème social. Les cultures africaines reconnaissent la dualité de l’être humain, selon laquelle, chaque personne porte en elle une dimension du sexe opposé. Les mythes cosmogoniques dogon et bambara, entre autres, sont sur ce plan, très explicites. » écrit Raphaël Ndiaye dans un solide article intitulé « Homosexualité et dualité de l’être humain. » Donnons du respect à tout combat qui préserve la vie humaine et sa dignité mais sans rien céder sur nos valeurs primordiales de défense d’une identité sociale et spirituelle forte, non négociable. Au Sénégal, l’homosexualité constitue un délit puni par la loi. Sa nature nous l’interdit. Mais nous ne devons pas nous substituer à la justice et franchir l’infranchissable : agresser et donner la mort ! Inacceptable ! À ceux qui, librement, la défendent, l’Ambassadeur de Tombouctou dit ceci : « Ne confondons pas liberté coupable et droit de l’homme ! » Je recommande vivement la lecture de ce texte majeur intitulé : HOMOSEXUALITÉ : SAUVEZ NOTRE IDENTITÉ !
Cette pratique, l’homosexualité qui est source de tensions et de discussions rageuses dans le pays doit-elle continuer à mobiliser nos énergies en nous engageant dans des querelles sans fin ?
Voilà une question fondamentale que tous les Sénégalais, soucieux de l’avenir de ce pays doivent se poser. Doit-on évacuer totalement la problématique des mœurs pour des pays comme les nôtres, confrontés à de multiples défis ?
Je ne le pense pas au motif que les mœurs interfèrent quelque part dans le champ du développement. Pour autant, on ne doit pas s’y focaliser à tout bout de champ.
Pour dire vrai, la question de l’homosexualité ne sera pas réglée par des mesures administratives, réglementaires et autres. La criminalisation qu’appellent de tous leurs vœux certaines organisations de lutte contre certaines formes de déviances, ne changera en rien dans l’évolution de ce fait social. Absolument rien !
N’a-t-on pas criminalisé la drogue au Sénégal ? Les lois qui sanctionnent les trafiquants de drogue sont devenus plus sévères. Cela a-t-il arrêté les bandits qui s’adonnent à ce honteux trafic. Non ! La preuve, la Une des journaux de la place est souvent barrée par des titres du genre : arrestation de trafiquants de drogue. Tout cela pour dire que des questions de ce type ne se règlent pas uniquement par la répression.
Le phénomène qui a pris une ampleur insoupçonnée ces dernières années n’est pas né ex nihilo. Il est révélateur de dysfonctionnements graves dans la société. Quand une société est complètement déréglée au point que ses assises morales, sociales, religieuses voire culturelles sont totalement fragilisées, alors là, tous les possibles en termes de régression morale sont possibles.
C’est faire preuve de courte vue que de penser qu’en brandissant le bâton, cela pourrait avoir des effets dissuasifs. Au contraire !
Cela dit, qu’on se comprenne bien ! Je ne défends pas l’homosexualité ! J’essaie seulement en tant que technicien du social de comprendre et d’indiquer la démarche idoine à même de nous permettre de nous protéger de ce fléau qui est entrain de gangrener la société sénégalaise.
Me revient en mémoire une discussion que j’ai eu avec un activiste pour lequel j’ai beaucoup de respect il y a de cela deux ans. L’homme qui a des positions tranchées sur la question de l’homosexualité avait fait à l’époque une sortie médiatique dans laquelle il promettait la géhenne aux homosexuels. Je m’arrange pour avoir son numéro de téléphone.
Mon intention, c’était de le convaincre sur la nécessité de rompre avec sa position extrémiste sur la question. Je dois dire que j’ai échoué dans ma tentative de le convaincre.
Avant de clore la discussion, je lui demande de méditer sur ce mot : « Si Dieu devait choisir entre ces deux possibilités, laquelle prendrait-il selon vous : tuer l’homosexuel à coup de pierres ou tout autre objet comme vous le préconisez ; ou aider l’homosexuel jusqu’à ce qu’il rompe définitivement avec son passé et revenir prendre sa place dans la société » ? Je crois que le Dieu que partage toutes les religions monothéistes est un Dieu de tolérance et de pardon et qu’il aurait choisi la seconde option à savoir aider l’inverti à reprendre sa place dans la société.
A ce que je sache, il n’y a pas un individu au monde qui aimerait vivre la situation d’un homosexuel sénégalais. Ces derniers font l’objet de mépris et de rejet dans la société. Et les choses se sont corsées ces dernières années pour les homosexuels du fait de discours et de sermons à relents religieux assez musclés, répétés à longueur d’antenne et très critiques à leur encontre. Ces imprécations survenant dans un contexte de pauvreté généralisée ne pouvaient qu’ouvrir la voie à l’intolérance !
Ces hommes et femmes qui sont désignés à la vindicte populaire et qui subissent des traitements dégradants doivent-ils être pris pour cibles ? Ne faudrait-il pas questionner la société dans ses pratiques, dans son fonctionnement pour savoir comment ce phénomène a pu connaitre ce développement fulgurant ces dernières années. ? Comment cette société a pu créer tous ces éclopés moraux ?
A mon humble avis et là je me répète- celle-ci a des vertus pédagogiques- : ce n’est pas la répression qui va régler ce problème de société. Notre société déréglée dans ses fondements ne peut que fabriquer toutes sortes de déviances.
Qui s’intéresse présentement à l’éducation des enfants dans nos familles ? Pratiquement personne ! Dans les quartiers populaires, des jeunes de 12 -13 ans squattent les rues jusqu’à 4heures, 5heures du matin et cela ne dérange personne. La famille qui se devait être un milieu de socialisation et d’épanouissement pour la jeunesse est devenue malheureusement ces dernières années un cadre de fabrique d’hommes et de femmes totalement déstructurés au plan moral et social. Dans ces conditions, ne soyons pas surpris de la progression des comportements en déphasage avec nos bonnes mœurs.
Rien, absolument rien ne prépare le jeune sénégalais à pouvoir s’affranchir de comportements qui heurtent la morale sociale. L’école sensée jouer un contrepoids face aux défaillances de la famille, est dans un état moribond.
Cet environnement porteur de déséquilibres de tous ordres dans la société a été amplifié par une gouvernance étatique faite de rapines, de vols, de pratiques occultes en tous genres. Tout cela ne peut que déteindre négativement dans la société.
A vrai dire, ce qui se passe aujourd’hui dans la société sénégalaise en terme de dissolution des mœurs ne doit nullement surprendre personne. Toutes les conditions sont réunies dans notre groupement humain pour faire basculer quelqu’un dans les travers qui flirtent avec l’immoralité.
Nos enfants, livrés à eux même vivent dans un désert affectif terrifiant. Et là bonjour les dégâts ! Suivons ce chercheur américain, Irving Bieber, autorité internationale en la matière et auteur de plusieurs ouvrages sur l’homosexualité : ‘Un père qui ne s’intéresse pas à ses enfants et une mère autoritaire sont une combinaison parfaite pour produire un fils homosexuel.’ Il a ajouté : “Il est impossible à mon avis qu’un père produise un fils qui se prostitue s’il se montre affectueux envers sa femme et son fils, et favorise la masculinité de celui-ci ».
Les propos de ce psychothérapeute, Irving Bieber ne déparent pas de celui de son collègue, Joseph Nicolosi, spécialiste des troubles mentaux quand il affirme que l’homosexualité masculine est “presque toujours le résultat de relations familiales anormales, particulièrement entre le père et le fils”.
Ces affirmations qui portent la signature de scientifiques reconnus, doivent nous pousser à la retenue. Au fait derrière beaucoup de masques, se cachent des douleurs, des traumatismes indicibles qui ont pu façonner une personnalité. Une personnalité déstructurée !
Quand vous ignorez tout de l’histoire d’une personne, il faut se garder de faire dans les jugements faciles, hâtifs et intempestifs. C’est là le point de vue du Professionnel du social que je suis. Lequel a compris qu’en matière de lutte contre certains « dérèglements sociétaux », la démarche la meilleure n’est pas toujours la sanction.
Ce qu’il nous faut véritablement, c’est refonder notre société sur des bases plus justes, plus égalitaires avec des dirigeants qui donnent le bon exemple ; le tout combiné avec une éducation de qualité dans nos écoles. Une société qui surfe dans la Justice, la Vérité sur la longue durée peut espérer produire des hommes et femmes de grande valeur morale. Autrement ce n’est pas possible : ne nous leurrons pas !
Ecoutons à ce propos cette vérité, signée d’un savant sénégalais en l’occurrence, Abdoulaye Sokhna Diop. Ces mots prononcés en 1981 lors d’un colloque n’ont pas pris une seule ride. Ils transcendent le temps par la charge de vérité d’airain qu’ils charrient : « Après vingt ans dans une société souveraine, le citoyen sénégalais reste désabusé devant ce qu’il continue de vivre au plan de la moralité et des valeurs morales. Il a l’impression bien réelle qu’une sorte d’invite permanente lui est lancée pour qu’il tourne le dos à la moralité et à la vertu. Cette impression le pousse à admettre de façon cruellement malheureuse, que « pour être bon citoyen », pour faire partie de la frange enviée des « boroom daraja », de l’« élite », il lui faut « vendre son âme au diable » en pactisant de façon zélée avec celui-ci qui incarne, sous tous les rapports possibles, le vice, la tare, le défaut. Si le citoyen sénégalais résiste à cette invite permanente, il risque de se marginaliser (l’expérience est là qui le prouve) par rapport aux exigences de la société corrompue, travestie, bafouée du fait de la mise à l’encan de ce qu’elle avait de plus sacré : ses vertus ». In ETHIOPIQUES, 1981, préfacé par le président poète, Léopold Sedar Senghor
Ce papier, c’est comme s’il l’avait écrit aujourd’hui. Mais c’est le propre des grands esprits de faire des réflexions qui transcendent le temps. Que de turpitudes, vécues entre 2000 et 2024. Les tenants du pouvoir entre 2000 et 2024 ont démoli la société sénégalaise, côté, valeurs morales.
Et résultat des courses : le développement phénoménal des anti-valeurs.
Le mot de la fin, je vais l’emprunter à deux brillants esprits qui ont dû projeter de la lumière sur ce sujet qui fait l’actualité. Il s’agit de Vieux Savané et Amadou Lamine Sall. Pour le premier nommé, brillant philosophe, reconverti au journalisme, il est temps de passer à autre chose de plus essentiel : « « Wax ji doy na sëkk », a-t-on envie de scander puisque le temps est à l’action. A ce titre, faut-il le souligner, il est rassurant de voir que, loin des agitations de tous ordres, le plus jeune président de la République du Sénégal semble résolument se focaliser sur les problèmes qui taraudent les populations en situation de précarité. La cherté de la vie. La pauvreté en milieu rural. La mal gouvernance, etc. Les chantiers qui sont énormes et en attente de solutions invitent le président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye et son gouvernement à ne pas se laisser divertir ni se laisser entrainer sur des terrains sans horizons. ».
Dieu sait qu’il a raison ! Les peuples qui veulent caracoler vers le sommet ne s’attardent pas sur des considérations qui les tirent vers le bas. On a trop discutaillé sur ces questions. Il est temps d’aller vers des préoccupations fondamentales à même de faire secouer et de faire bouger les lignes. Le progrès n’attend pas. Et merci à Amadou Lamine Sall pour nous avoir rappelé cette vérité irréfutable : pour grandir et gagner la bataille contre le sous-développement, il y a plus urgent à faire :
« L’homosexualité n’est pas notre projet, pour utiliser un mot à la mode au Sénégal ! Il y a plus urgent d’autre à affronter et vite : cette apocalypse sénégalaise plus destructrice que tout : l’indiscipline, l’incivisme, l’insolence, l’illettrisme, la médisance, la jalousie, la haine, l’impunité, la défiance et la bravade, la corruption qui gangrène tout ! Voilà le mal dominant qui affronte avec panache un État hésitant, comme désarmé et toujours sur la défensive. Voilà le vrai combat de ce cher pays que nous aimons tant et que nous regardons s’effriter si, très vite, nous ne réinventons pas un nouveau citoyen !»