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26 novembre 2024
Opinions
Par Ndiaga LOUM
LE CODE D’HONNEUR
L’oraison funèbre de « l’exception démocratique en Afrique » a été prononcée dans un lieu symbolique, l’Assemblée nationale, après un vote sous haute surveillance policière d’une majorité mécanique
Ainsi donc, ce 5 février 2024, le Sénégal marque son adhésion officielle au « bloc » des dictatures bananières. L’oraison funèbre de « l’exception démocratique en Afrique » a été prononcée dans un lieu symbolique, l’Assemblée nationale, après un vote sous haute surveillance policière d’une majorité mécanique, après que des hommes de tenue (le GIGN, pardon !!!) aient chassé de l’Hémicycle les députés de l’opposition.
La vilaine image fera le tour du monde. Elle agira comme une empreinte psychologique. Notre fierté en souffrira à jamais. Les rides de la honte ne s’effaceront pas. Le président a osé. « Il n’oserait pas » disaient les éternels optimistes dont je fais partie. On lui a souhaité d’entrer dans l’histoire, il a refusé. Il ne se croit pas digne de laisser l’image d’une démocratie livrée à l’histoire dans laquelle serait aussi confondue celle de son pays qui a longtemps entretenu le mythe de posture reluisante et sublimée de la « vitrine démocratique de l’Afrique ».
Rien de surprenant me direz-vous! S’il ne veut pas une sortie honorable pour lui-même, il n’en a que faire de l’héritage démocratique de son pays et de son image exemplaire pour le reste du continent. Il préfère qu’on lui dise ordinairement que vous êtes comme tous les putschistes, plutôt que de revendiquer le statut spécial du démocrate.
La méchanceté habite l’esprit, l’inélégance marque les relations avec les adversaires, la violence abrite les actes envers le peuple, surtout la frange la plus jeune et donc la plus récalcitrante. Le calvaire chauffé au menu des humeurs du chef n’épargne même pas les collaborateurs les plus proches, le premier ministre, contraint de contresigner un acte qui va déclencher le début des preuves d’une future culpabilité de « corrupteur de juge »; le pauvre, on compatit! C’est le manuel complet du parfait dictateur.
Voilà malheureusement ce que l’histoire retiendra de lui, un code du déshonneur qui ouvre les chapitres des grandes premières les plus honteuses, les unes et les autres.
1. Le premier depuis l’instaura on du multipartisme au Sénégal (avant même que l’assemblée pourtant « instrumentalisée ne se prononce) à acter de facto et non ipso jure, sa propre volonté de prolonger un mandat octroyé par le peuple et limité irrémédiablement par la sacrée Constitution adoptée après référendum.
La première fois qu’on « assiste » à la disparition mystérieuse de deux gendarmes : le corps sans vie de l’un a été retrouvé dans un état qui, nous dit-on, ne permet pas de déterminer les causes de la mort tandis l’autre est non encore retrouvé ; on compte ainsi sur l’oubli imprimé par le temps. Le premier pays au monde (je dis bien au monde) où une condamnation à une peine de prison en sursis pour un simple délit de diffamation supposé être commis sur un ministre, entraine systématiquement la déchéance des droits civiques et donc l’inéligibilité du chef de l’opposition.
4. Le premier gouvernement à rentrer « définitivement avec effet immédiat » la licence octroyée à une chaîne de télévision privée (Walfadjri) à qui l’on reproche simplement de montrer des images que tout le monde voit déjà en direct sur les réseaux sociaux et livrées sans filtre, contrairement au traitement professionnel qu’en fait le média ciblé et désigné comme un « ennemi à abattre » au même titre que les opposants politiques, et qui hier vous offrait une tribune d’expression lorsque la TV publique vous fermait l’accès.
L’ingratitude n’est pas que vilaine et monstrueuse, elle est parfois cruelle, digeste que pour les faibles d’esprit. Dix mois encore! Et l’ère des grandes premières n’est peut-être encore clôturée, des plages encore restantes pour écrire des pages sombres d’une république déjà abîmée par la vanité et la cupidité des hommes de pouvoir, ou d’un HOMME enfermé dans le piège tentaculaire d’un pouvoir solitaire sans fin.
Par Mamadou Barro
A NOS BRAVES SEPT SAGES : HIC RHODUS HIC SALTA
Dans « L’honneur et l’argent », François Ponsard écrivait: «Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites ». Le Sénégal en est-il arrivé là ? Le décodage des codes d’honneur est-il perturbé ? Que se passe-t-il ? Je cherche.
Dans « L’honneur et l’argent », François Ponsard écrivait: «Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites ». Le Sénégal en est-il arrivé là ? Le décodage des codes d’honneur est-il perturbé ? Que se passe-t-il ? Je cherche.
Il me souvient, cependant, un éditorial d’une densité remarquable fait par un grand journaliste du nom de Madiambal Diagne. Cet éditorial était inspiré par le sentiment de colère suite à la décision du Conseil Constitutionnel de Janvier 2012, validant la 3 ème candidature de Maitre Wade.
Madiambal y relatait le courage et l’empathie d’un « bon petit juge » qui avait refusé de condamner une dame qui avait volé un morceau de pain pour se nourrir, au motif que si dans une société, une personne est obligée de voler du pain pour ne pas mourir de faim, la condamner serait une injustice. Admirons la frontière entre le droit et la justice !
Madiambal brocardait les 5 juges d’alors et sous le titre de son édito, citait Alexandre Dumas fils en ces termes « Les grands hommes perdent à être vus de près »
Que c’est vrai ! Que c’est actuel ! Par ces temps de crises et de tensions, où sont les Grands hommes ?
Les hommes des grands moments. Heureusement qu’au Sénégal nous avons sept sages. La loi constitutionnelle votée par 104 députés leur sera soumise bientôt. Se déclareront-ils incompétents puisque c’est une loi constitutionnelle ou bien vont-ils apprécier les effets de l’application de cette loi sur l’ordre ou le désordre constitutionnel ?
Ils ont rendez-vous avec eux-mêmes et avec l’histoire. Ici c’est Rhodus, il faut sauter
Dans l’une des fables d’Esope, (le voyageur vantard), il raconte le récit d’un homme qui se plaisait à décrire ses propres exploits surhumains dans un coin éloigné (Rhodus) avec des témoins qu’il se vantait de pouvoir faire venir pour confirmer. Il s’est trouvé un passant pragmatique qui lui lança : Ici c’est Rhodus, saute comme tu le proclames!
Le Sénégal doit aussi remercier Dieu de nous avoir offert sept sages, sept sauveurs d’une démocratie débranchée qui a perdu ses codes. Ils sont supposés être des juristes chevronnés, pleins de sciences, équipés d’un code d’honneur et conscients de la dignité de leur fonction.
A la requête qui leur sera bientôt soumise pour invalidation de la loi constitutionnelle, les membres du CC ont déjà répondu depuis 2016.
Les membres du CC savent aussi sûrement qu’ils n’ont pas le droit d’imposer à l’armée de rendre le 4 Avril 2024 les honneurs à un quelconque citoyen autre que le Président de l’Assemblée Nationale, assurant la fonction suite à la vacance du pouvoir, le cas échéant.
Les membres du CC savent aussi qu’ils ont une dette vis-à-vis d’un ancien vice-président du Conseil assassiné il y a 30 ans, par des hommes liés au PDS, au demeurant, initiateur de cette loi funeste.
On ignore les raisons du silence de certaines autorités comme les Professeurs Serigne Diop, Kader Boye ou El Hadj Mbodje.
Notre espoir pour sauver le pays repose sur le considérant no 32 de la décision 1/C/2016 du 12-2- 2016 qui interdisait de toucher à la durée du mandat.
« Considérant en effet que ni la sécurité juridique ni la stabilité des institutions ne serait garantie; si la durée des mandats en cours régulièrement fixéeau moment où ceux-ci ont été conférés pouvait être réduite ou prolongée.
Le Conseil indique sans équivoque que la durée d’exercice du mandat est fixée au moment de prêter serment. Fixée veut dire fixée. Aucune dérogation ne peut changer ce qui est fixe à moins de vouloir verser dans les calembredaines de notre sympathique ministre de la justice qui cherche à se convaincre elle-même que si le Président continue à exercer ses fonctions jusqu’à l’installation de son successeur en 2025, il aura exercé un mandat de 5 ans fixé par l’article 27 de notre Constitution et respecté l’article 103 de la même constitution.
Autrement dit pour notre ministre, si le Président qui a prêté serment en 2019, reste en fonction jusqu’en 2025, il aura exercé un mandat de 5 ans. L’intelligence artificielle fait des miracles ! Messieurs Les Sages.
Le 27 janvier 2012, le CC avait validé la 3 ème candidature de Maitre Wade. Le 29 janvier 2024, vous avez écrit et signé ceci : Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Le CC, fidèle à ses principes de rigueur et de transparence, entend exercer toutes les missions qui lui sont dévolues par la Constitution et les lois de la République.
Vous êtes indépendants ? Prouvez le ! Ici c’est la Constitution, sauvez-la !
Mamadou Barro
Juriste et Economiste d’entreprise,
Sacré-Cœur 1, Dakar
Par Kaccoor Bi
LES DERNIERS JOURS DES CRAPULES
Par quel bout devons-nous le prendre ? Tout se trouve entrelacé comme des fils difficiles à démêler. Un véritable embrouillamini. Un peuple qui se réveille avec la gueule de bois.
Par quel bout devons-nous le prendre ? Tout se trouve entrelacé comme des fils difficiles à démêler. Un véritable embrouillamini. Un peuple qui se réveille avec la gueule de bois.
La paix à laquelle il aspirait compromise par une personne qui, jadis, ne voulait pas autoriser une seule journée de plus sur la durée du mandat de son prédécesseur, promettant le chaos face à une telle éventualité.
Et qui se retrouve à présent, au bout de 12 ans d’un pouvoir absolu, à vouloir jouer les prolongations face à une communauté internationale médusée qui multiplie les communiqués pour exprimer au mieux sa préoccupation face à la manière dont la démocratie est maltraitée dans notre pays.
Tous les partenaires et amis du Sénégal appellent au respect du calendrier électoral comme ils le demanderaient à des putschistes. Car un véritable coup d’Etat constitutionnel s’est produit lundi dernier, plongeant nos compatriotes dans une grande confusion. Tout cela par la petitesse d’esprit de gens plus préoccupés par le maintien de privilèges indus que par le respect des règles du jeu électoral, au risque de pousser leur Champion dans le gouffre.
Lui qui espérait sortir par la grande porte pourrait se retrouver exfiltré par une porte dérobée de l’Histoire. Ses faucons ont commencé à envahir les plateaux des télévisions pour expliquer l’inconcevable. Avec le peu de dignité qui leur reste, ils font montre d’une arrogance qui frise la provocation, regardant de haut leurs contempteurs.
Vous avez entendu le ministre de la Communication délivrant des notes de bonne conduite et décernant des points pour qui mériterait de solliciter nos suffrages. Lui, l’avocat, aurait plus de valeur que ceux qui n’ont pas fait l’école française ou ceux qu’il appelle avec dédain des vendeurs de poulets. Pendant qu’il jouit des revenus d’un Etat et existe aux yeux des autres grâce à ce même Etat, ces capitaines d’industrie qu’il toise participent à la vie économique du pays et créent des milliers d’emplois. Lui, on ne lui connaît aucun emploi créé, aucun mérite si ce n’est d’avoir été choisi par le griot du Président pour être là où il est aujourd’hui. Son excès de zèle l’a poussé à priver des centaines de travailleurs de revenus. Ses déclarations résument l’étroitesse d’esprit de personnes comme lui qui ne devraient jamais se retrouver aux stations qu’ils occupent et qui empestent l’air par leur arrogance.
Le drame, c’est qu’ils sont nombreux à souffler à l’oreille du Chef pris dans les entrelacs d’une fin de règne qui l’empêche de voir qu’on le pousse dans un gouffre. Et ce sont les mêmes qui viendront danser joyeusement après et célébrer sa sortie par la petite porte. Avant d’aller se mettre au service de son ou ses tombeurs!
KACCOOR BI - LE TEMOIN
Par Mamadou Oumar NDIAYE
QUELLE TRANSITION APRÈS LE 2 AVRIL ?
D’ici le 02 avril, la résistance des Sénégalais et les pressions internationales contraindront l’autiste Macky Sall à nous rendre bien gentiment ce pouvoir que nous lui avions confié en 2012
Tout d’abord une question : le 04 avril prochain, jour anniversaire de notre accession à l’indépendance, le président de la République pourra-t-il tranquillement présider le grand défilé militaro-civil — ou la prise d’armes — de ce jour-là et, surtout, en sa qualité de chef suprême des Armées, passer en revue des troupes qui lui rendront les honneurs. Ce tout en sachant, ces troupes, que cet homme à qui sont destinés ces honneurs a terminé son mandat deux jours plus tôt ? Si ça se trouve, Macky Sall ne sera là que par la seule volonté des députés de son camp et non par celle du peuple souverain, celui-là même qui est source de légitimité dans toute démocratie. Gageons que les militaires regarderont d’un drôle d’œil ce Président qui était venu en grande pompe leur faire ses adieux aux Armées quelques mois plus tôt, ce président qui jouera à ce moment-là les prolongations et qui, toute honte bue et en se grattant la tête sans doute, reviendra lors de la prochaine Journée des Armées leur expliquer que « finalement dématouma fène » !
Ainsi, le Président Macky Sall a décidé de jouer les prolongations. Il ne quittera le pouvoir — auquel il tient tant ! — et ses délices qu’au début de l’année prochaine si bien sûr il n’invente pas de nouveau prétextes pour rester aux commandes de notre pays ad vitam aeternam. L’élection présidentielle qui devait se tenir dans moins de trois semaines est reportée au 15 décembre prochain au motif de risques de troubles et de la nécessité d’organiser un scrutin inclusif donnant la possibilité de réintroduire dans le processus électoral les candidats éliminés — ou spoliés — par le contrôle des parrainages au Conseil constitutionnel. Il s’agit surtout de remettre dans le jeu Karim Meïssa Wade, le candidat du Parti démocratique sénégalais (Pds). Le parti au pouvoir de 2000 à 2012 a rué très fort dans les brancards après l’invalidation de son candidat pour cause de binationalité et a accusé deux membres du Conseil constitutionnel de « corruption », de « collusion » et de « conflits d’intérêts ». Il a réclamé l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur ces soupçons. De manière fort étrange, le président de la République a demandé à ses députés godillots d’appuyer cette proposition qui a été adoptée en mode fast-track par l’Assemblée nationale.
Et puis ne voilà-t-il pas qu’il apparaissait de manière fort opportune que le Conseil constitutionnel avait laissé passer entre les fines grilles de son tamis une candidate qui disposait de la double nationalité franco-sénégalaise ? Sans compter qu’une quarantaine de candidats s’estimant injustement spoliés et regroupés dans un Collectif réclamaient à corps et à cris la reprise du processus électoral certains d’entre eux demandant même le report de la présidentielle. Cela faisait beaucoup et le président de la République, prenant prétexte de ces graves dysfonctionnements du processus électoral à l’actif surtout du Conseil constitutionnel et des accusations de corruption contre deux magistrats de cette institution mais aussi de la crise institutionnelle ouverte par le refus des deux accusés de déférer à une convocation du Parlement, a décidé d’annuler le décret qu’il avait signé convoquant le corps électoral.
Soyons justes : ces dysfonctionnements sont réels et tout observateur de bonne foi se doit de les reconnaître. L’auteur de ces lignes lui-même s’était fendu d’un éditorial pour clouer au pilori le Conseil constitutionnel dans sa décision injuste et scandaleuse d’écarter Karim Wade sur des bases plus que légères. Avant même que le Pds ne formule de graves accusations contre deux de ses membres, nous avions dit son fait à cette institution. De même, l’élimination de certains candidats de poids et la validation d’autres qui n’avaient même pas pu atteindre le quotient requis pour disposer d’un député à l’Assemblée nationale avaient ajouté à la nébulosité et donné l’impression que le Conseil fonctionnait finalement comme une loterie au petit bonheur la chance. Toutes choses qui font que, pour moi, franchement, le Conseil constitutionnel dans sa composition actuelle est disqualifié pour conduire le processus électoral. Il s’y ajoute que ses membres ont tort de refuser de déférer à la convocation de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale dans la mesure où, en démocratie, la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par l’intermédiaire de ses représentants. Or, où siègent donc ces représentants si ce n’est au Parlement ? C’est donc à tort que les membres du Conseil constitutionnel, soutenus en cela par leurs pairs de l’UMS, veulent engager un bras de fer avec l’Assemblée nationale car eux ne sont pas élus mais sont des fonctionnaires nommés par le président de la République. Cela n’a rien à voir avec la séparation des pouvoirs puisque les juge eux-mêmes ont le pouvoir de convoquer et même d’écrouer des députés mais aussi n’importe quel citoyen ! Contrairement à ce qui se passe aux USA où les juges sont élus, et où la Justice est donc un Pouvoir, ici ils sont nommés et ne sauraient donc se soustraire au contrôle des représentants du peuple. Surtout qu’il ne s’agit pas de les juger mais juste de les entendre pour éclairer la lanterne du peuple sur des accusations gravissimes les visant.
Pour me résumer, oui donc à la disqualification du Conseil constitutionnel dans sa composition actuelle non pas pour corruption (parce que là je n’en sais rien) mais pour incompétence manifeste dans la conduite du processus électoral. Ce n’est pas pour rien que dans mon éditorial j’écrivais que le Conseil constitutionnel a foutu le bordel dans le pays. Oui aussi pour le report de la présidentielle pour permettre à certains candidats recalés et surtout à Karim Wade de faire partie de la compétition.
Rester dans le temps règlementaire et ne pas permettre à Macky de jouer les prolongations
A partir de là, rien ne va plus car si le président de la République ne reporte le scrutin que pour prolonger son mandat, alors là je dis non. On me reprochera de vouloir une chose et son contraire ! Sans doute mais ce bazar est dû aussi en grande partie au président Macky Sall qui a quand même nommé ces juges constitutionnels incapables de conduire un processus électoral correct. Sans compter que certains le soupçonnent derrière cette profusion de candidatures qui frôlait la centaine au départ ! En réalité, il s’est saisi de ces prétextes nobles consistant à mettre fin à la crise institutionnelle, permettre à l’Assemblée de mener à bien les travaux de sa commission d’enquête et de donner une seconde chance aux candidats recalés, pour se donner le temps d’éliminer les candidats Bassirou Diomaye Faye et Cheikh Tidiane Dièye. Le premier, surtout, risquait de battre à plate couture son candidat visiblement à la traîne dans les intentions de vote. En réalité, la colère du président de la République contre le Conseil constitutionnel a surtout été provoquée par la validation de la candidature des deux porte-étendards du Pastef. Ça, c’était la ligne rouge à ne pas franchir, les membres du Conseil l’ont franchie et se sont attirés les foudres du Président. Qui leur a donc déclaré la guerre et profité de l’occasion pour remettre à plat le processus électoral. Cela passera-t-il par la mise à l’écart d’Amadou Ba au profit d’un autre candidat. Car en réalité, le plan de Macky Sall, c’est l’élimination de tous les candidats de l’opposition radicale au profit de profils « macky-compatibles » ou « benno-solubles ». Exactement comme en 2019 où tous les candidats validés étaient en réalité avec lui. De manière à ce que le bon peuple n’ait pas de véritable choix lors de la prochaine présidentielle.
Tout cela serait bien beau si ces manœuvres n’avaient pas pour but de permettre à Macky Sall de rester au pouvoir au-delà du 02 avril prochain, date légale de la fin de son mandat. Ce jour-là, à minuit, en effet, il ne sera plus président de la République et l’Assemblée nationale ne peut absolument pas prolonger son mandat d’une seule heure. Les députés représentent certes le peuple qui les a élus pour, en son nom, voter des lois, contrôler l’action du gouvernement et évaluer les politiques publiques mises en œuvre par ce dernier. Seulement voilà : l’élection du président de la République au suffrage universel direct ne fait pas partie des mandats donnés par le peuple souverain qui a conservé pour lui ce pouvoir de choisir tous les cinq ou sept ans l’homme ou la femme chargé de présider aux destinées de la Nation. Et les députés ne peuvent pas se substituer aux Sénégalais pour opérer ce choix. Ce qu’ont fait les députés de la majorité soutenus par leurs collègues du Pds avant-hier lundi c’est donc de l’usurpation et ils ont été les instruments du président de la République pour faire son coup d’Etat lui permettant de continuer à conserver le pouvoir au-delà de la date d’échéance de son mandat. Or, on sait tous qu’il ne faut jamais interrompre un processus électoral comme le disait le président François Mitterrand lorsque les généraux algériens conduits par l’alors chef d’état-major Khaled Nezzar avaient pris le pouvoir entre les deux tours des élections législatives de janvier 1992 pour s’opposer à la victoire annoncée du Front Islamique du Salut (FIS). Cela avait marqué le déclenchement de la « décennie noire » au cours de laquelle des milliers d’Algériens avaient été tués dans les affrontements entre l’Armée et les islamistes particulièrement ceux du GIA.
Eviter à tout prix une transition anti-démocratique
Fermons la parenthèse et retour au Sénégal. Même à supposer que le report de l’élection présidentielle voté en toute illégalité (en ce qu’elle prolonge de fait le mandat de l’actuel Président d’un an au moins comme l’avait réussi l’ancien président de la Rdc Joseph Kabila après l’accord de la Saint Sylvestre signé avec l’Opposition sous les auspices de l’Eglise le 31 décembre 2016 et qui lui avait permis d’opérer un « glissement » d’un an supplémentaire) à supposer donc que le report par l’Assemblée nationale soit acté, et qu’il faille mettre en œuvre des réformes du code électoral destinées à améliorer le processus électoral et à rendre le jeu plus inclusif, il reste entendu que l’actuel président de la République serait disqualifié pour conduire la période transitoire allant du 03 avril à l’installation de son successeur. Par conséquent, l’idéal serait de trouver une personnalité civile consensuelle pour diriger le pays pendant cette période tampon. Pour rappel, en 1997, au Congo-Brazzaville, c’est à l’expiration du mandat du président Pascal Lissouba que Denis Sassou Nguesso, son prédécesseur, puissamment soutenu par le groupe pétrolier Elf et aussi la Françafrique, avait accéléré la cadence des affrontements et fait monter en puissance ses milices « Cobras ». Lesquels, avec l’aide décisive de l’armée angolaise, avaient fait fuir Lissouba. Aux yeux de la France, il n’y avait pas eu de coup d’Etat vu que le mandat de ce dernier avait expiré…
Bien évidemment, ma préférence va à une solution civile et je suis convaincu que, d’ici le 02 avril, la résistance des Sénégalais et les pressions internationales contraindront l’autiste Macky Sall à nous rendre bien gentiment ce pouvoir que nous lui avions confié en 2012 pour sept ans avant de lui signer un nouveau bail de cinq ans. Un pouvoir que nous lui serions reconnaissants de bien vouloir nous rendre gentiment…tchi njekk rek.
PAR Ciré Clédor Ly
LE COURRIER D'UN MANDATAIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Conseil constitutionnel devrait constater que non seulement les décisions qu’il a rendu s’imposent à tous, mais encore, la fixation d’une date pour la présidentielle n’est pas du domaine du parlement
L'étonnement et l'horreur s'emparent de nombreux Sénégalais, face à l'attitude du chef de l'État, fidèle à sa doctrine de maintien au pouvoir et de pérennisation d'un système marqué par la prédation, la vassalité et la répression. Cette posture s'est clairement dévoilée dans son discours incohérent du 3 juillet 2023, conforté par le soutien de la Cour de Justice de la CEDEAO, qui a légitimé la violence d'État exercée contre un patriote souverainiste et panafricaniste.
Durant deux longues années, sous le joug d'une répression aveugle et d'une arrogance des forces de défense et de sécurité ; le silence complice et intéressé de l'Europe, de l'Amérique, et du syndicat des chefs d'États d'Afrique, notamment ceux de l'Ouest, a prévalu.
Dès 2014, les liens avec l'État de droit et la démocratie ont été rompus. Le mandat à vie, timidement théorisé et planifié à travers le code électoral, a bénéficié de la complicité d'une classe politique se complaisant dans un dialogue politique fallacieux, complotiste au mois d’août 2023,opposé à Ousmane Sonko le choix irréversible du peuple sénégalais et la bête noire des sangsues de l'Afrique.
Le coup d'État institutionnel a commencé avec l'Assemblée nationale, s'empressant en mars 2021, de lever l'immunité de celui pour qui le peuple est toujours prêt à verser jusqu'à la dernière goutte de son sang. Que l'on ne s'y méprenne pas, ce peuple reste fidèle et n'a pas non plus abdiqué, car il est uni à son leader par un amour sincère et pur.
Ousmane Sonko et son peuple sont liés par un programme inébranlable, résistant aux parjures de magistrats, aux abus des fonctionnaires de l'État, et au renforcement des forces de répression, car ils approchent de la fin d'un système en agonie, qui se consume de l'intérieur.
Chaque institution de la défunte première République a joué son rôle dans cette tentative vaine, de liquidation par les compradores de l'idylle entre le peuple sénégalais et, désormais, le peuple africain uni autour d'un idéal africain.
Le pouvoir exécutif, judiciaire, le Conseil constitutionnel – jouant au trapéziste pour écarter mon mandant de la compétition – et le pouvoir législatif, portent tous une responsabilité pleine et entière dans le traumatisme actuel du peuple sénégalais, aspirant seulement à la paix, la démocratie et l'État de droit.
Un décret ne peut différer une échéance ni interrompre un processus électoral fixé par la Constitution et régulé par la loi. L'enquête parlementaire n'est qu'une mascarade de mauvais goût. Pastef demeure vivant, et parler d'ex-Pastef est un abus de langage car, le décret, actuellement contesté devant la chambre administrative de la Cour Suprême, n'a pas encore autorité.
Mon client, Bassirou Diomaye Faye, jouit de la présomption d'innocence avec un casier judiciaire vierge. Aucun prestidigitateur ne pourra invoquer un article de droit interne ou international interdisant à un détenu provisoire d'être candidat à une élection présidentielle.
En définitive, la violation d'un serment constitue une haute trahison et un parjure pour un magistrat de l’ordre judiciaire, tout comme la violation d'un droit ou d'une liberté fondamentale par un fonctionnaire de l'État constitue une forfaiture.
La violence, sous toutes ses formes, exécutée sur ordre manifestement illégal et au mépris de la baïonnette intelligence, engage la responsabilité pénale de son auteur et de son commanditaire.
À l'exception de l'Allemagne, la communauté internationale, par des communiqués laconiques, n'a pas soutenu la démocratie et l'État de droit en exigeant le respect du calendrier électoral. En suggérant qu'une nouvelle date soit « rapidement » fixée, elle a tacitement adhéré au coup d'État institutionnel et s'est abstenue de condamner la violation du sanctuaire des députés.
Le Conseil constitutionnel saisi devrait constater que non seulement les décisions qu’il a rendu sur l’élection présidentielle s’imposent à tous les pouvoirs publics, dans leurs motifs et leurs dispositifs, mais encore, la fixation d’une date pour l’élection présidentielle n’est pas du domaine du parlement.
Tout peut encore être sauvé, le mal conjuré et l’élection présidentielle se tenir dans les 35 jours avant le 2 avril.
Ousmane Sonko reste résolu. La tempête de sable se dissipera, le baobab sera déraciné avec toutes ses racines, et le roseau plié se redressera, stoïque, pour une nouvelle ère. Le pays doit rester une démocratie ouverte et un havre de paix.
par Moustapha Dieye
AUX DÉPENS DE LA RÉPUBLIQUE, LES SOUPÇONS DE LA HONTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette brèche créée par le PDS et exploitée par Benno, en soi, n’est pas surprenante. Elle souligne que le PDS empêché de transformer la République en monarchie n’a pas rompu avec ses vieilles habitudes
Sur la base de ‘‘soupçons’’ de corruption pesant sur certains membres du Conseil constitutionnel, Wallu, coupablement appuyée par Benno, vient de faire adopter une loi pour la reprise du processus électoral afin de rétablir Ndiombor fils, dans la course à la présidence. Le Watchacha lui, abroge par décret, le décret portant convocation du corps électoral pour remédier à un ‘‘conflit institutionnel ouvert’’ à l’aide un dialogue. Un coup qu’il ne fallait surtout pas porter à l’Etat de droit et à la démocratie sénégalaise.
Ce report à peine assumé parce que juridiquement lourd dans sa forme initiale (révision constitutionnelle oblige) est d’une grande violence symbolique. Il éloigne du Sénégal, le droit le plus apprécié de son électorat, celui qui lui permet de choisir son président.
La raison majeure qui avait calmé Samba Ndoumbélane qui en avait déjà marre de vivoter et de voir ses droits fondamentaux bafoués par le tyran en herbe du Plateau, c'est qu'il ne s'imaginait pas dealer avec lui au-delà du 25 février 2024. Le sentiment de la colocation forcée est ravivé par ce poignard que les voix du peuple viennent d’enfoncer dans son dos et en son nom à l’Assemblée nationale. Le Watchacha, chef agonisant de parti, en mal de repères dans une coalition Tass Yaakaar qui échappe à son autorité et acculé par une opposition qu’il sait à la hauteur de l’échéance à venir, s’agite. La pilule ‘‘Diomaye moy Sonko’’ ne passe pas et le cheval Amadou a du mal à amadouer au sein de l’écurie marron beige.
‘‘Le guddël jell’’ ou le report de la déchéance électorale est le propre du président Ndoumbélanien. Père Léo qui est d’ailleurs l’exception qui confirme cette règle, avait cette phrase à la bouche : ‘‘Nguur kenn du ko ñedd’’ (On ne s’accroche pas à un pouvoir fini). Le Watchacha, sur les traces de ses prédécesseurs Ndioufa et Ndiombor, se déploie de toute son envergure pour se maintenir en tant que chef d’une République au sein de laquelle, il ne dispose plus que de la courtoisie constitutionnelle qui l’autorise à occuper le Palais jusqu’à l’expiration de son mandat, ce 2 avril 2024. Au-delà, Macky Gassi, et sans regrets !
L'alternance fait partie de l'ADN de l'électorat sénégalais et l'histoire démontre qu'elle se veut de plus en plus courte : Parti socialiste 40 ans, Parti Démocratique Sénégalais 12 ans. Plus un régime s'entête dans ses tentatives de se pérenniser au pouvoir, plus l'électorat alourdit la sanction à son égard. Les dernières élections législatives et locales sont un excellent laboratoire pour analyser cette tendance. Le bassin électoral de Benno a énormément régressé et son capital sympathie ne s’est pas renfloué auprès de l’opinion publique.
Cette brèche créée par le PDS et exploitée par Benno, en soi, n’est pas forcément surprenante. Ultimement, elle souligne la non dislocation de la grande famille libérale malgré sa fragmentation. Elle souligne par ailleurs que le PDS d’Abdoulaye Wade que l’on a empêché de transformer la République du Sénégal en monarchie avec la sur-promotion de Ndiombor fils ou K-Qatar, n’a pas rompu avec ses vieilles habitudes. Et le fait que Benno se soit greffée de façon intéressée à l’initiative de Wallu peut être une bonne chose.
En effet, cela éclaire la lanterne du Ndoumbélanien dont le subconscient avait déjà commencé à blanchir le candidat Karim Meissa Wade dont la délinquance a été constatée et sanctionnée par la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Et plus largement, cela donne une vision assez claire de la position du Parti Démocratique Sénégalais dont les méthodes de conquête et d’exercice du pouvoir laissent à désirer.
Cette élection présidentielle, spécifiquement, doit être symboliquement chargée. Benno mérite une sanction électorale qu’aucun régime n’a connue jusqu’ici. Il faut qu’à la lecture du résultat des urnes, chaque aspirant ou détenteur du pouvoir, puisse comprendre que la sacralité du suffrage universel ne se monnaie ni ne se négocie à Ndoumbélane.
par Ndeye Astou Ndiaye et Saliou Ngom
L’ÉTHIQUE EST-ELLE ENCORE POLITIQUE AU SÉNÉGAL ?
Lorsqu’il relève de la politique en Afrique, la ruse et un degré surélevé de machiavélisme suffisent à décrire ceux et celles qui l’incarnent. A contrario, le pouvoir sans éthique dénude l’image d’un État, de ses institutions et de ses socles de cohérence
Ndeye Astou Ndiaye et Saliou Ngom |
Publication 06/02/2024
La récente décision du président Macky Sall de reporter l'élection présidentielle, initialement prévue pour le 25 février 2024, et que plusieurs observateurs ont qualifié de « putsch institutionnel », pose de sérieuses questions quant aux acquis démocratiques du Sénégal.
Cette sortie du chef de l’État engage l’éthique, l’histoire politique et la sociologie politique du Sénégal sans pour autant omettre la part belle du droit, cet instrument fondamental garantissant l’ordre, la justice et le fonctionnement harmonieux d’une société. Au Sénégal, depuis quelques années, il est légitime de se demander où se trouve le droit ? Cette voie sacro-saint, par laquelle passent les normes jusqu’ici, hiérarchisée.
Toute politique devrait reposer sur l’éthique ; ce domaine qui constitue le cadre cruciforme qui explore les fondements moraux et les principes qui sous-tendent l'organisation et la gouvernance des sociétés humaines. À la croisée de la morale et du pouvoir, l'éthique interroge la justice, la légitimité, la responsabilité, la vertu, mais surtout la redevabilité dans la gestion des affaires publiques. Très souvent, lorsqu’il relève de la politique en Afrique, la ruse et un degré surélevé de machiavélisme suffisent à décrire ceux et celles qui l’incarnent. A contrario, le pouvoir sans éthique dénude l’image d’un État, de ses institutions, et de ses socles de cohérence.
Depuis 2012 au Sénégal, et de façon crescendo, le régime en place ne cesse de dégarnir le droit, la science, les libertés individuelles, l’éthique et la justice. Cette gouvernance anti-démocratique se fonde sur le régime de la peur, des intimidations, des menaces et de l’emprisonnement. Ipso facto, deux camps ont fini par se dessiner: celui des pro qui sont à l’abri de toute poursuite, et celui des opposants dont tous les droits sont bafoués. Cette rupture de l’égalité républicaine a fini par affaiblir la confiance aux institutions. Cette volonté de contrôle exclusif de l’espace politique, qui remet en cause le pluralisme, est la caractéristique essentielle qui différencie les régimes autoritaires des régimes démocratiques.
Le pouvoir en place outrepasse toutes les normes, mêmes les plus fondamentales, pour conforter sa position, pour que le président Macky Sall soit l’homme fort, celui que tout le monde craint. L’interdiction systématique des manifestations, la restriction des libertés d’association et d’expression, , des lois votées sans débats au sein de l’Assemblée nationale, symbole du palabre, qui devient un lieu d’aisance des forces de l’ordre et de défense sans compter une presse brimée, sont devenues des modalités courantes d’étouffements de la volonté populaire. Où est donc le droit et l’éthique dans cette façon de gouverner?
Au centre de l'éthique, surtout politique, se trouve la question fondamentale de la manière dont le pouvoir devrait être exercé et réparti dans une société. Le Sénégal s’en éloigne en empruntant la voie de l’injustice, du déséquilibre à outrance, du non-respect du droit international, et de la répression du mouvement social. Ce régime en place, a travaillé à languir de façon ostentatoire, les institutions, partant de la première à savoir la famille jusqu’à la suprême, l’État. L’image que reflète le Sénégal est au plus mal.
Jamais dans son histoire politique, le Sénégal n’a connu autant d’émeutes, de situations de crises qu’entre 2012 et 2024. Jamais la crédibilité des institutions n’a été aussi viciée.
Les populations n’ont jamais été aussi désespérées, tristes, dépressives, même craintives. Il n’est pas besoin de s’interroger sur le départ accru des jeunes même leur violence.
Monsieur le président de « ce qui reste de la République », les Sénégalais souffrent au plus haut point. Vous ne semblez néanmoins pas être ébranlé. Les valeurs et normes qui symbolisaient le Sénégal, anciennement vitrine de stabilité politique et de démocratie en Afrique, se meurent. La morale examinant les obligations des individus envers l'État et envers la société, ainsi que les limites du pouvoir politique et celle de l’autorité envers la société n’a plus d’audience. Où sont donc la justice, l’équité et le respect voué de jure au peuple, seul détenteur de la souveraineté et tant défendu par le contractualiste Rawls. Qu’en est-il de l’empathie qui relève de l’essence d’une gouvernance ? Gilligan la magnifie mais sans doute en n’ayant aucune idée du proverbe wolof qui dit que l’autorité doit se munir de commisération pour être dignement reconnu par les siens.
L’emblème par essence de l’éthique au Sénégal est le trépas ! Elle est morte après avoir reçu les foudres du vote sans débat de la loi sur le parrainage, l’élimination des candidats en 2019, toutes les morts de jeunes activistes lors des différentes manifestations, l’emprisonnement du leader de l’opposition dans des conditions déplorables et encore floues. Les défenseurs des droits n’ont jamais cessé de dénoncer, avec vigueur, les centaines d’ arrestations arbitraires de manifestants, de politiques et de journalistes. C’est le cas de l’un des candidats à la présidentielle dont le processus est malheureusement suspendu contre vents et marrées par la seule volonté d’un groupuscule de Sénégalais. À cela, s’ajoutent des violations flagrantes du droit à l’information avec la coupure de l’Internet mobile et la fermeture de groupes de presse. En 12 ans de gouvernance, la démocratie sénégalaise n’a jamais été aussi bousculée. Elle agonise.
Qui nous avait dit que jamais, il ne toucherait à la date de l’élection présidentielle, inscrite dans la Constitution ? L’annonce d’une suspension du processus électoral fut pourtant faite, ce 3 février 2024, après avoir fait attendre des millions de Sénégalais et de Sénégalaises pendant près de deux heures. Quelle inélégance !
Qui est Karim Meïssa Wade ? Ce Sénégalais si particulier, qui de loin, il arrive à perturber un système déjà à terre et que certain.es ont espoir de reconstruire. L’injustice supposée subie par Karim mérite-t-elle qu’on vous accorde un mandat supplémentaire ? Quelle est cette crise si profonde dont vous parlez et qui justifierait votre décision? Plus obscure que les émeutes et l’année blanche de 1988, que l’assassinat de Maitre Babacar Seye en 1993, la démission du Juge Kéba Mbaye, en mars de la même année ? Convainquez-nous ! La politique n’est pas un jeu, une suite de ruses.
L’absence de concertation, la façon dont la loi a été votée à l’Assemblée nationale avec cette majorité mécanique, comme tout le dispositif policier et de renseignements généraux mis en place pour museler les manifestants, montrent qu’il s’agit d’un véritable coup de force anti-démocratique, un coup d’État , tout bonnement.
Si des changements doivent être apportés à la Constitution, ils doivent être effectués conformément aux procédures prévues par celle-ci. Le respect du texte fondamental implique donc le respect des actions de modification constitutionnelle et le respect des principes de démocratie et de représentativité lors de ce processus.
Toute le monde le sait ! Une loi, jusqu’ici ne supplante pas les dispositions de la Constitution, telle est la logique de la pyramide Kelsenienne. C’est d’autant plus inadmissible que la Constitution ne permet une quelconque modification du mandat présidentiel en cours.
Au-delà de la dimension juridique, c’est surtout une atteinte à l'éthique en politique. Nous sommes témoins d'une triste réalité où les valeurs démocratiques et les principes moraux sont persiflés au nom d'intérêts et de calculs personnels et politiques. Ces actes contournent les règles les plus élémentaires de la démocratie et sapent la confiance du peuple en ses institutions.
Il est temps de reconnaître que nos dirigeants actuels, loin de respecter les valeurs et les coutumes qui ont forgé notre société, ne pensent qu'à servir leurs propres intérêts et leur ego démesuré. Nous devons rester vigilants face à de telles dérives et engager de vraies réflexions et actions pour conserver la primauté du droit et les acquis démocratiques. Les politiques modernes devraient s'inspirer des rois qui ne manquaient pas une occasion d’honorer leur parole. Il leur suffisait juste de jurer sur la ceinture de leur père. Le « ngor » n’a pas besoin d’être dit. Il se prouve et se vit. Souvenons-nous en !
Nous devons nous interroger sur l'avenir de notre démocratie et sur les valeurs que nous voulons défendre en tant que nation. Il est temps de réaffirmer notre engagement en faveur de l'éthique en politique, du respect des normes démocratiques et de la parole donnée. Enfin, ces différentes controverses montrent que quelle que soit la qualité de nos institutions, leur efficacité dépend de la valeur des hommes qui les incarnent.
Ndeye Astou Ndiaye est Maitresse conférences titulaire en science politique.
FSJP/UCAD
Saliou Ngom est chargé de recherche titulaire en sociologie politique.
IFAN/UCAD
PAR Massamba Diouf
LE SÉNÉGAL EN SITUATION DE MORT CÉRÉBRALE
Nous avons tous compris que le simulacre de "crise institutionnelle" relève de la ruse. Difficile pour notre pays de recevoir ce cadeau rempli de poison, toute honte bue, pour notre démocratie et notre vivre-ensemble
Huit ans de pouvoir avec l’ancien régime, 12 ans de pouvoir avec son propre régime, soit 20 ans de pouvoir absolu. Comme si cela ne suffisait pas, il est toujours assoiffé de pouvoir. Un vrai « pouvoiriste » qui est prêt à ravaler son engagement moral, à trahir sa parole et travestir son serment constitutionnel pour s’éterniser encore au pouvoir. Diantrement étrange !
Nous avons tous compris que le simulacre de "crise institutionnelle" relève de la ruse. C’est plutôt une démarche machiavélique, longtemps recherchée avec moult provocations du peuple qui a su rester stoïque puisque ne voulant pas tomber dans un piège « prétextogene » pour lui donner l’occasion de justifier un report et poursuivre la destruction de notre cher pays déjà en situation de mort cérébrale. Comment a-t-il osé, impitoyablement, user de son instinct inquisitoire et créer dans son vil esprit une situation qui peut déboucher sur un chaos politique, économique et social ? Un vrai coup de Jarnac ou de tabac qui ne sera pas sans conséquences pour lui-même puisque le peuple en mesurera sans délai la gravité et en apportera indubitablement la réplique.
Difficile pour notre cher pays de recevoir ce cadeau rempli de poison, toute honte bue, pour notre démocratie et notre vivre-ensemble et venant d’un homme qui a tout reçu de ce même peuple.
Tristes nous sommes pour ce beau pays jadis respecté et cité en exemple par la communauté internationale et donné en exemple par les autres pays africains. Qui pourra bomber le torse et se présenter comme Sénégalais lors des rencontres scientifiques internationales ? Nous universitaires, étant par ailleurs ambassadeurs itinérants de notre cher pays, aurons le masque désormais surtout au regard de la situation apocalyptique de notre université qui continue de subir.
L’une des conséquences, évidente et fâcheuse de ce report reste la fermeture prolongée de notre espace de travail qui certainement n’ouvrira pas de si tôt. Autrement, la descente aux enfers de l’université va aller crescendo. Les organisations de défense des intérêts matériels et moraux des PER et PATS sont interpellées. Elles ne resteront probablement pas muettes et sauront prendre leurs responsabilités puisqu’elles sont le peuple.
Qu’Allah sauve le Sénégal !
PAR El Hadji Malick Sy Camara
IL FAUT SAUVER LA RÉPUBLIQUE EN ARRÊTANT SES FOSSOYEURS
L’actuel locataire du palais de la République se distingue par sa boulimie du pouvoir. Notre client affectionne l’arbitraire. Mais nul n’est tenu d’obéir à une loi arbitraire. L’heure de la désobéissance a sonné
El Hadji Malick Sy Camara |
Publication 06/02/2024
La décision du président de la République d’abroger le décret convoquant le corps électoral le 25 février 2024 est la énième forfaiture de celui qui est considéré comme la clé de voûte des institutions. En réalité, après le wax waxeet sur la réduction de son premier mandat de 7 à 5 ans, les Sénégalais ne devraient plus accorder du crédit au désormais champion des iniques volte-faces politiciennes. Comme son prédécesseur Wade- qui soutenait sans vergogne que les promesses n’engagent que ceux qui y croient- l’actuel locataire du palais présidentiel a encore choisi une mauvaise porte d’entrée dans l’histoire en prétextant un simulacre de crise institutionnelle qui aurait frappé le Conseil constitutionnel. Pourtant, cette même institution, au nom de la Charte fondamentale, qui lui avait permis de trouver une porte dérobée pour qu’il revienne sur sa parole donnée « j’ai pris l’engagement de réduire mon mandat ». Hélas, il faut s’attendre au pire quand joue avec un faux-amoureux qui n’hésite à donner à ses prétendants un « baiser de Juda ».
Mais qui est le premier fossoyeur de République ?
L’actuel locataire du palais de la république se distingue par sa boulimie du pouvoir. Notre client affectionne l’arbitraire. Pour rappel, c’est celui qui, en sa qualité de ministre de l’intérieur, s’était permis de façon cavalière, de voter en présentant une carte d’électeur désuète. Du reste, il a été élu comme maire de commune. Il n’est pas donc à son premier coup d’essai. Il croit foncièrement à ce qu’écrit Rousseau dans Du contrat social : « le plus fort ne restera jamais fort tant qu’il ne transforme sans force en droit et l’obéissance en devoir ». Mais je dois ajouter que nul n’est tenu d’obéir à une loi arbitraire. L’heure de la désobéissance a sonné parce que le contrat social a été rompu par celui qui devait en être le premier garant qui, en se drapant des habits de Prudhomme dans sa conquête des suffrages des Sénégalais en 2012, a abusé d’honnêtes citoyens imbus de valeurs démocratiques et républicaines.
Chers députés, je vous invite solennellement à placer au-dessus de tout l’intérêt du peuple pour lequel et par lequel vous avez été élus !
Chers compatriotes, chers citoyens d’ici et de la diaspora, il faut arrêter les fossoyeurs de la République.
En effet, arrêter les fossoyeurs, c’est sauver la République. Sauver la République, c’est la préserver contre ceux qui ont capturé l’État en développant des stratégies funestes de prédation et de patrimonialisation des ressources et de personnalisation du pouvoir.
Il n’existe pas de destin forclos chers compatriotes.
Restons debout pour arrêter le « roi nu » et sauver la République !
Dr. El Hadji Malick Sy Camara est sociologue, FLSH
par Alioune Dione
DE LA DÉMOCRATIE À LA DÉROUTE
L’absence de progrès moral dans la sphère politique sénégalaise entrave tout progrès de justice et de paix dans une société en pleine dégénérescence
Le Sénégal est devenu une nation soumise à la volonté d’un tyran qui n’aspire ni à gouverner par voies et moyens légaux ni à être gouverné par ces derniers. Cette gabegie institutionnelle instaurée au plus haut sommet de l’État pour des intérêts crypto-personnels et politiques sonne le glas de l’agonie d’une démocratie mal en point depuis quelques années.
L’abrogation du Décret n°2023-2283 portant convocation du collège électoral pour l'élection présidentielle du 25 février 2024 est un outrage envers le peuple sénégalais. Dans une société qui aspire à une prétendue démocratie, à une harmonie collective et à la paix sociale, y respecter le calendrier électoral est un principe sacro-saint pour garantir son idéal social.
Comment peut-on concevoir dans une société régie par des lois et règlements définis dans une charte fondamentale qui fixe l'organisation et le fonctionnement du pays qu’un président sortant dépourvu de toute légitimité sociale et politique puisse confisquer la volonté du peuple de choisir son successeur ? Une première pour le Sénégal dixit l’historien Mbaye Thiam. Depuis 1960, aucun président n’a repoussé une élection présidentielle nous révèle le professeur. Cet acte indigne d’un digne souverain marque une régression lamentable du Sénégal dans la quête de son idéal social.
L’absence de progrès moral dans la sphère politique sénégalaise entrave tout progrès de justice et de paix dans une société en pleine dégénérescence. Le nombrilisme des hommes politiques sénégalais est un cancer qui corrode le corps et l’esprit de cette nation jadis vitrine d’un modèle politique et social dans la sous-région. On ne saurait comprendre comment un imbroglio de binationalité et un supposé corruption de magistrats peuvent entraver tout un processus électoral jusqu’à imposer un règne non défini ?
Un chaos faussement instauré pour refuser de faire face à ses opposants sur le terrain politique et qui permet au Président sortant de se maintenir illégalement au pouvoir. La volonté du président sortant de continuer à gouverner un peuple qui ne l’a pas choisi par voie de suffrage est une spoliation du droit le plus élémentaire des citoyens. Gouverner par la force sans le mérite et la légitimité d’être choisi ne rend pas plus puissant un Président de République mais vil à l’égard du peuple souverain.
Chaque action entreprise par ce régime dans sa posture totalitaire montre cette flétrissure que ses partisans essayent de dissimiler sous l’arrogance et la condescende. Montesquieu affirmait dans : De l’esprit deslois : « il vaut mieux dire que le gouvernement le plus conforme à la nature est celui dont la disposition particulière se rapporte mieux à la disposition du peuple pour lequel il est établi », Ce qui traduit que le peuple sénégalais vous a choisi pour deux mandats pas plus, il n’a encore souhaité ni vous réélire ni prolonger votre mandat donc ayez la grandeur de lui rendre son dû. Tripatouiller la loi électorale pour des intérêts éphémères n’est pas digne d’un souverain.
Le mépris que le gouvernement et ses partisans ont à l’égard du peuple sénégalais montre juste leur échec envers une nation qui s’est battue farouchement en 2011 pour leur donner aisance et opulence. Mais, de par l’ingratitude, ils oublient le devoir de mémoire, l’amnésie est le pire ennemi du mnémo. Depuis son instauration, ce régime n’a excellé que dans une chose : la rétrogression des acquis démocratiques. Son irrévérence envers la justice et les justiciers rend impossible la séparation des pouvoirs, indicateur fondamental de la démocratie.
Depuis son vœu d’instaurer l’oppression comme système de gouvernance, l’État est devenu un monstre aliéné dont l’incrédulité se projette dans toutes ses actions et réactions. Sous ce régime, la politique est devenue une arène stratégique où les acteurs les plus rusés et les moins scrupuleux réussissent le mieux.
L’État à travers le président de la République a failli à ses responsabilités car il n’y a d’échec plus abominable pour un souverain que celui qui consiste à se faire avilir par son peuple. Vous avez fait du Sénégal un cimetière où reposent tous les espoirs. « Le Sénégal est plus grand que ma personne », disiez-vous, une expression dont le sens vous fait défaut.
D’ailleurs, une emphase sarcastique qui montre votre écart à adjoindre l’acte à la parole. Cette forfaiture ne manifeste qu’une chose : le peuple sénégalais fait face à un gouvernement qui joue avec la vie de ses citoyens, un conglomérat de suprémacistes qui n’ont cure de l’avenir du pays. Monsieur « le président de la République », renoncer à cette forfaiture avant qu’il ne soit trop tard. Penser aux conséquences de vos actions avant qu’elles soient irréversibles. Référez-vous à l’ouvrage du professeur Boubacar Ly, La morale de l'honneur dans les sociétés Wolof et Halpulaar traditionnelles où il affirme que : « L’homme d’honneur a beaucoup de respect pour lui-même. Le sentiment qu’il a de sa dignité personnelle est puissant. Il craint par-dessus tout, la honte ».
Ne pas craindre la honte pour un souverain conduit au dénouement de Charles VI.
Alioune Dione est socio-anthropologue, auteur : Afrique et Contemporanéité.