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26 novembre 2024
Opinions
PAR Ibra Pouye
CRÉPUSCULE D’UN TYRAN
Quand il veut quelque chose, il l’obtient de gré ou de force. Il se fout des règles de bienséance de la société. Il tue enfants et vieux. Il viole la Constitution. La police et la gendarmerie sont à ses pieds
Il se susurre dans les lambris dorés du palais de Roume que le tyran veut prolonger son règne. Il se dit qu’il a déjà commencé à déménager valises et cartons dans ce doux royaume chérifien où il a ses habitudes. Il se dit qu’il est un talibé cheikh et qu’il aimerait aller souvent prier à Fès, ville calme et où vivre fait revivre.
Avec cet homme, le peindre nécessite des précautions. Avec cet homme, parler de lui nécessite des pincettes. Parce que simplement il est un cas clinique. Un cas rare dans sa spécialité. Il est clivant et il désarçonne. Il a cet art de dévisser son auditoire. Un art de réveiller un mort parce que le mensonge est son fonds de commerce.
En plein chaos, il s’est permis de se faire interviewer par une chaîne de télévision étrangère. Etrange tout de même. Ceci est du théâtre et qu’il sait bien jouer d’abord. Le tyran n’est pas un cabotin. Le tyran n’est pas un guignol. Il sait jouer de la tragi-comédie. Il maîtrise son personnage et le personnage est lui-même. Il l’épouse et le joue pleinement devant le peuple sonné tel un rat de campagne.
En effet, pour lui, le pouvoir est ce qu’il incarne. Depuis qu’il a mis son gros derrière sur le trône, tout sujet du royaume doit manger dans sa main. Il use et use encore, se moquant des qu’en-dira-t-on. Il se moque du peuple. « Plutôt crever que de donner mon pouvoir aux civils », dit-il en substance. Ceci serait sa dernière chanson qu’il nous sert. Il est dans la menace permanente. Il déteste la paix et la paix le hait. Il se nourrit de conflits permanents et le peuple le lui rend assez bien.
Etrange personnage de théâtre. Il aime l’enfer et ses Cerbères. Il déteste le paradis. Mais il aimerait s’y retrouver seul avec sa famille qu’il chérit le plus au monde. Et surtout sa douce moitié. Femme dévouée et mère de ses trois gros moutards.
Etrange crépuscule d’un tyran à l’aune de ses forfaits et de ses forfaitures immaculés du sang des martyrs de la révolution. Quand il veut quelque chose, il l’obtient de gré ou de force. Il se fout des règles de bienséance de la société. Il tue enfants et vieux. Il viole la Constitution. La police et la gendarmerie sont à ses pieds dodus.
Son jeu favori au crépuscule de son règne, servir aux forces de défense et de sécurité (Fds) le peuple comme de la chair à canon. « Tirez sur ces gens agaçants, il ne vous arrivera que nenni ».
Pour lui, le verbe mentir fait et refait ce monde où nous vivons. Et il en fait un usage très excessif. En effet, il nous a toujours menti. Un sacerdoce. L’art de tromper son peuple ayant bon dos et qui plie sans jamais rompre. Il est un artiste dans son monde mais a une peur bleue de terminer sa vie en prison. Il n’a pas encore fini avec nous.
Il essaiera davantage de nous mener dans l’inconnu. Un plongeon dans le vide, poings et pieds liés. Il est un artiste des mauvaises surprises. Parce que pour lui, purement et simplement, il est la Constitution, l’assurance-vie de nos vies dans un pays qui se réveille comme un malentendu. En tous les cas, l’issue de cette bataille à mort ne dépend que du peuple.
Les jours qui viennent et où le droit sera dit par le Conseil constitutionnel, seront très décisifs. Le tyran a pour compagnon d’infortune le temps mais faisons-le lui comprendre autrement et avec subterfuges. Du fond de sa bulle, faisons cet adage le nôtre ; à force de bassines d’eau de lessive, le rat finira toujours par sortir de son trou. Notre prière à lui, vu sa jeunesse et une santé chancelante, il peut encore endurer d’une belle souffrance les rigueurs carcérales. De Charybde en Scylla, tel est le destin de l’homme qui se voyait empereur à vie dans ce Sénégal-là.
LA JUSTICIABILITÉ INCONTESTABLE DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE N° 04/2024 DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Il appartient exclusivement au Conseil constitutionnel de décider de l’opportunité du report de l’élection présidentielle. Plus que jamais, il doit restaurer l’autorité attachée à ses décisions pour sauver la démocratie sénégalaise
L ’Assemblée nationale du Sénégal en sa séance du 5 février 2024 a adopté, dans une atmosphère très conflictuelle, la loi constitutionnelle n° 04/2024 portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution. Ce vote fait suite à l’abrogation par le Président de la République du décret n° 2023- 2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral. Ces deux actes remettent en cause les fondements de notre République et la longue tradition démocratique sénégalaise. Ils violent de surcroît la Charte fondamentale qui dénie au président de la République et à l’Assemblée nationale toute prérogative pour interrompre le processus électoral déjà enclenché. Seul le Conseil constitutionnel, dans des circonstances d’ailleurs limitativement précisées par les articles 29 et 34 de la Constitution, détient ce pouvoir.
La loi constitutionnelle sus-évoquée, en raison de l’effet d’allongement incident de la durée du dernier mandat du Président sortant par l’artifice d’un report du scrutin électoral, encourt assurément la censure dans la mesure où elle viole les dispositions intangibles de la Charte fondamentale qui restent hors de portée de toute modification. Elle prend donc ses distances avec la nature des réformes constitutionnelles traditionnellement promues par le pouvoir constituant originaire ou dérivé. À d’autres époques, d’autres mœurs !
Lorsque la nomenclature des clauses d’éternité s’élargit comme il a été donné d’en constater la teneur à la suite de la réforme constitutionnelle de 2016, elle restreint fatalement le domaine classique d’invocabilité de la jurisprudence sur l’injusticiabilité des lois constitutionnelles devant le Conseil constitutionnel brandie comme une antienne par les censeurs autoproclamés de la doctrine constitutionnelle. Actant comme susmentionné la prorogation illicite du terme du mandat en cours du Président sortant avec la reprogrammation de la prochaine élection présidentielle au 15 décembre 2024, la loi constitutionnelle viole la clause d’intangibilité en rapport avec la durée du mandat.
Or, le même Conseil constitutionnel avait fini de convaincre les plus sceptiques qu’il ne se déroberait pas de sa mission de contrôle de la constitutionnalité des lois fussent-elles constitutionnelles si les circonstances de la cause l’exigeaient. Le considérant 3 de la décision n° 3/C/2005 du 18 janvier 2006 rendue par le Conseil constitutionnel règle clairement et définitivement la question de la justiciabilité de certaines catégories de lois constitutionnelles :
«Considérant que le pouvoir constituant est souverain ; que sous réserve, d’une part, des limitations qui résultent des articles 39, 40 et 52 du texte constitutionnel touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut être engagée ou poursuivie et, d’autre part, du respect des prescriptions de l’alinéa 7 de l’article 103 en vertu desquelles la forme républicaine de l’État ne peut faire l’objet d’une révision, il peut abroger, modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée et introduire explicitement ou implicitement dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle, que cette dérogation soit transitoire ou définitive ». Ce rappel ne pouvait être plus explicite en ce sens que la seconde réserve développée par le Conseil constitutionnel concerne précisément la situation actuelle du report de l’élection qui a pour effet de prolonger la durée du mandat du président et qui, par conséquent, touche à une matière non révisable prévue à l’alinéa 7 de l’article 103.
Au-delà de l’entorse portée à l’intangibilité de la durée du mandat, la nouvelle rédaction de l’article 31 de la Constitution postulée par la loi constitutionnelle remet en cause le caractère impersonnel et général attaché à une norme constitutionnelle. Une disposition constitutionnelle doit être neutre et permanente. Là encore, les initiateurs de la réforme constitutionnelle semblent avoir manqué de clairvoyance dans la mesure où le Conseil constitutionnel, dans sa décision 1/C/2016 du 12 février 2016, avait fait montre d’une certaine maîtrise de la légistique formelle pour éviter aux normes constitutionnelles quelques improvisions lors de leur rédaction : « Considérant(20) en outre qu’il est inséré dans ledit article 27, un alinéa 2 qui, pour régler une question de droit transitoire, prévoit que la nouvelle disposition sur la durée du mandat du Président de la République s’applique au mandat en cours ; Considérant (21) que la règle énoncée à l’alinéa 2, destinée à fixer une situation dont les effets sont limités dans le temps et par essence temporaire, va cesser, une fois son objet atteint, de faire partie de l’ordonnancement juridique ; Considérant (22) qu’en tant que telle, elle est incompatible avec le caractère permanent attaché à l’article 27 que le pouvoir constituant entend rendre intangible en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision ; Considérant (23) que cet alinéa au caractère personnel très marqué est inconciliable avec le caractère général des règles par lesquelles la Constitution organise les Institutions de la République et protège les droits fondamentaux ainsi que les libertés individuelles des citoyens ; Considérant (24), en effet, que les règles constitutionnelles adoptées dans les formes requises s’imposent à tous et, particulièrement, aux pouvoirs publics, lesquels ne peuvent en paralyser l’application par des dispositions qui, en raison de leur caractère individuel, méconnaissent, par cela seul, la Constitution (…) ».
La justiciabilité de la loi n° 04/2024 portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution devant le Conseil constitutionnel ne souffre ainsi d’aucune contestation.
Il ne fait dès lors aucun doute que l’espoir d’une sortie de crise repose sur le Conseil constitutionnel dont les prérogatives ont été usurpées par les pouvoirs politiques. En réalité, il appartient exclusivement au Conseil constitutionnel de décider de l’opportunité du report de l’élection présidentielle en vertu des articles 29 et 34 de la Constitution.
Plus que jamais, le Conseil constitutionnel doit restaurer l’autorité attachée à ses décisions par l’article 92 de la Constitution et être au rendez-vous de l’histoire pour sauver la démocratie sénégalaise, préserver la stabilité et la paix.
- Abdel-El Kader Boye, Professeur titulaire de classe exceptionnelle, Ancien Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Ancien Recteur de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.
- Serigne Diop, Professeur titulaire de classe exceptionnelle, Agrégé de droit public et de science politique, Ancien ministre de la justice, Ancien Médiateur de la République, Ancien Chef de Département de Droit public de l’UCAD.
- Babacar Gueye, Professeur titulaire de classe exceptionnelle, Agrégé de droit public et de science politique, Ancien Chef de Département de Droit public de l’UCAD.
- Alioune Sall, Professeur titulaire de classe exceptionnelle, Agrégé de droit public et de science politique, Membre de la Commission du Droit International de l’ONU, Ancien juge de la CJCEDEAO, Ancien Chef de Département de Droit public de l’UCAD.
Notre pays ne sera une dictature ni éclairée, ni lugubre, ni tyrannique. Les Sénégalais ne l'accepterons pas, malgré l'« excellent travail » de dispersion des rassemblements fait par la gendarmerie nationale
Le communiqué du Conseil des ministre du 7 février 2024 publié sur le site du gouvernement du Sénégal dit ceci : « A l'entame de sa communication, le Président de la République est revenu sur le vote par l'Assemblée nationale, de la proposition de loi fixant la nouvelle date du scrutin présidentiel au 15 décembre 2024 en réaffirmant sa décision de ne pas prendre part à l'élection. »
Ruse 1 : monsieur le président, cette pommade ne passe pas. Vous nous l'avez administré lors de votre discours à la Nation du samedi 3 février 2024, et vous nous la ramenez encore dans ce communiqué. Votre décret 2024-106 du 3 février 2024 viole la Constitution du Sénégal, et sachez que le fait de nous promettre de ne pas commettre un deuxième viol en vous présentant à l’election présidentielle de 2024, ne vous absout pas de ce péché républicain.
Le communiqué, donc Macky, poursuit en versant de l'eau sur le feu qui couve à cause du différend qui existe entre lui et son Premier ministre sur la question du report de l’élection : « Le chef de l'État a notamment renouvelé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba et à l'ensemble des ministres, et demandé au gouvernement de prendre toutes les dispositions requises, pour l'organisation dans les meilleures conditions du scrutin présidentiel à la nouvelle date fixée. »
Ruse 2 : En très bon combattant, Macky Sall, afin de ne pas se disperser et mieux concentrer toute son énergie sur la réduction de l'opposition radicale, adopte la stratégie qui consiste à éteindre d'abord le foyer de tension qui couvait dans son camp, alimenté par les récentes sorties de certains proches d’Amadou Ba, et par les différentes humiliations que Macky lui a fait subir devant les caméras ces dernières semaines. Amadou, fais gaffe !
Le problème interne mis en veilleuse, le communiqué, donc Macky, se penche sur les contradictions externes en ces termes : « le président de la République a particulièrement réitéré sa détermination à poursuivre le dialogue avec tous les acteurs politiques et les forces vives de la Nation, en vue de renforcer, d'une part, notre démocratie à travers un processus électoral transparent, libre et inclusif et, d'autre part, la crédibilité de nos institutions.
Dans ce contexte, le chef de l'Etat, a décidé d'engager les voies et moyens de mettre en œuvre un processus pragmatique d'apaisement et de réconciliation pour préserver la paix et consolider la stabilité de la nation. »
Ruse 3 : Macky se présente encore une fois en homme de paix, ouvert au dialogue. Très bonne approche pour qui veut dresser l'opinion nationale et internationale contre tous ceux qui rejettent les arrangements et réclament le respect de la Constitution et la tenue des élections le 25 février.
Opinions faites gaffe !
Pour emporter la confiance des Sénégalais par l'expression de gages de bonne foi, le communiqué, donc Macky, nous fait miroiter la libération des détenus politiques comme suit : « Dans cette dynamique, le président de la République, garant de l'unité nationale et du fonctionnement régulier des institutions, a demandé au gouvernement, notamment au Garde des Sceaux, ministre de la Justice de prendre les dispositions nécessaires pour matérialiser sa volonté de pacifier l'espace public dans la perspective du dialogue national et de l'organisation de la prochaine élection présidentielle. »
Ruse 4 : Ayant toujours les yeux ouverts sur son adversaire comme tout bon sportif de combat, Macky sait que l'emprisonnement d'un nombre jamais égalé de citoyens pour des raisons politiques contribue beaucoup à son impopularité au sein de la population et de l'opinion internationale.
Annoncer donc, en termes voilés, la libération des prisonniers politiques pourrait contribuer à baisser la tension. Prisonniers politiques faites gaffe !
Le journal L'Observateur du 8 février 2024 annonce que, lors du même Conseil des ministres, le président de la République aurez avancé l'argutie qu'un chef de famille ne lâche pas ses enfants en pleine crise pour expliquer le report.
Ruse 5 : Macky nous aime tellement que, même si les Sénégalais souhaitent majoritairement qu'il rende le pouvoir, il ne nous lâchera pas pour nous éviter de mettre notre vie en péril. Monsieur le président, au cas où vous auriez tenu les propos que vous attribue le journal l'Observateur, je voudrais vous signaler que c'est une grossière erreur de vous comparer à un chef de famille, pour justifier votre entêtement à rester à la tête du Sénégal au-delà de la durée légale. Laissez-moi vous rappeler que vous n'êtes le père que de vos propres enfants, et que vous n'êtes le père ni des institutions, ni des citoyens sénégalais. Ceci est une lecture erronée du contrat qui vous lie au peuple sénégalais. Nous vivons dans une société organisée qui, à tour de rôle, confie la coordination de ses activités à un de ses membres, appelé président de la République. Ce dernier peut et doit régulièrement changer de corps, d'esprit et d'âme. Préparez-vous donc à céder la place.
Monsieur le président, même si je nourrissais le rêve du contraire, je fais partie de ceux qui avaient prédit que vous alliez annoncer le report de l’élection et chercher à dresser l'opinion publique contre l'opposition radicale en vous positionnant comme le chantre de la paix et du dialogue. Je ne me sens aucun mérite pour avoir vu venir car vous avez fourni assez de données sur votre personnalité entre 2011 et aujourd'hui pour que, même un profane en analyse politique comme moi puisse prédire avec justesse vos actions futures.
Vous êtes un combattant hors pair, et tout adversaire qui ne vous reconnaît pas cette qualité risque de mordre souvent la poussière devant vous. Cependant, malgré vous, vous avez contribué à la formation de la conscience politique du Sénégalais. Vous avez mis à nu et souvent exploité toutes les failles de notre République et finalement amené le Sénégalais à lire ce que vous écrivez sur les lignes, mais surtout ce qui se dissimule entre les lignes. Je vous suggère donc d'arrêter avant qu'il ne soit trop tard, car le Sénégalais a fini de comprendre votre câblage mental monsieur le président.
Si seulement vous aviez mis votre sens très poussé du combat et de la compétition au service du développement économique, social et culturel du Sénégal... Ce pour quoi le peuple sénégalais vous a élu et réélu. Hélas !
Monsieur le président, dans votre fameux discours du 3 juillet 2023 vous disiez « J'ai un code d'honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole. » Rappelez-vous de ce code d'honneur proclamé et organisez-nous la grande fête de la démocratie le 25 février au lieu de fabriquer des arguments pour continuer à diriger le Sénégal.
Notre pays ne sera une dictature ni éclairée, ni lugubre, ni tyrannique. Les Sénégalais ne l'accepterons pas, malgré l'« excellent travail » de dispersion des rassemblements fait par la gendarmerie nationale. Le Sénégalais n'est pas fait pour être obséquieusement soumis, et je vous invite à vous renseigner sur l'histoire de Daou Demba, 6ème Damel du Cayor, qui, il y a presque quatre siècles, a été obligé de fuir le royaume pour échapper à la colère de la population qu'il avait soumise à une tyrannie sans nom, pendant sept longues années.
Force reste à la loi, oui, mais que force reste à la Justice d'abord !
Abdou Sène est professeur de mathématiques appliquées, Université numérique Cheikh Hamidou Kane.
par Aliou Lam
ET SI LE PRÉSIDENT MACKY SALL AVAIT RAISON
Le sort du Sénégal est plutôt lié à une bonne élection de son prochain président, qu’à un scrutin organisé vaille que vaille le 25 février 2024
La galaxie politique sénégalaise et son astre électoral étaient depuis un certain temps truffés de nuages denses qui indiquaient que l'orage allait éclater. Pire, il s'est transformé en une tempête tropicale, trempant ou, du moins, noyant de vastes contrées sur son passage. Et le processus électoral 2024 s’arrêtât net. Pourtant, on aurait pu sauver beaucoup de meubles car le coup de tonnerre n’est pas survenu dans un ciel serein. Au contraire, la météo n’a cessé d’annoncer les couleurs du temps à venir.
Le président de la république décida contre toute attente de tout arrêter.
En plus clair, on ne lève pas les voiles quand l'orage menace. Notre bateau, le Sénégal, est lourdement menacé par la tourmente et sa mer agitée. Nous sommes pris dans notre propre piège. Réfléchir pour s’en sortir reste la seule voie de salut. Cela nécessite du calme et un peu de retenue, pour ne pas dire de la patience, mais dans l’action. Soit on se fâche tous davantage, on perd la raison et on plonge tous dans l’abîme que l’on pensait avoir creusé pour y ensevelir les soi-disant coupables de nos misères. Qui mieux que le capitaine du bateau est habilité à prendre les mesures salvatrices quand rien ne semble plus aller normalement. « Haay dou yem thi bopou borom ». Et en plus, « mana mana dou moom » a-t-on l’habitude d’entendre.
Ces proverbes bien de chez nous sont assez explicites pour servir de repères. Le rappel est bon et souvent nécessaire pour cerner un fait ou une situation donnée. Beaucoup de nos concitoyens suivent les événements du processus électoral mais ne comprennent pas ce qui se passe. Hélas, l’esprit partisan du système de collecte et de diffusion de l’information dessert mal le public dont il se réclame dépositaire de l’opinion.
Comment en est-on arrivé là ?
Toutes mal préparées au scrutin du 25 février 2024, les différentes forces en présence : le bloc Benno Bokk Yakaar - APR - Macky d'une part et le bloc Yewwi Askan Wi - Pastef - Sonko, auquel s’ajoutent les non-alignés d'autre part, pour différentes raisons, ne sont pas prêtes pour en découdre loyalement et utilisent tout ce qui leur passe entre les mains pour s’entretuer. Focalisés sur leurs intérêts immédiats, rien en dehors de ce contexte ne les engage. Après le 3 juillet 2023, les choses sont allées très vite. Une partie de l’opposition a accepté de rejoindre BBY APR, au gré d’intérêts manifestes pour faciliter leur participation aux élections de 2024. Sous le regard abusé de toute une classe d'intellectuels, de décideurs, d'autorités coutumières et confessionnelles, les manœuvres du dialogue et des retrouvailles politico-politiciennes ont engendré la confusion constatée depuis les opérations de parrainage. Les impairs et les responsabilités des uns et des autres sont bien connus et cernés. Mais on continue de berner tout un peuple abreuvé aux mensonges et manipulations, semant volontairement le doute sur toutes les institutions.
- Comment peut-on organiser des élections d’emblée contestées par une majorité de candidats qui menacent ouvertement, soufflent le chaud et le froid, et sèment en cachette les graines de la non-tenue du scrutin ou, le cas échéant, du chaos le jour du scrutin ?
C’est le cas du collectif des recalés et ou groupe des spoliés renforcé par le PDS secondairement victime, dont une bonne partie ne peut se résoudre à ne pas participer aux élections du 25 février 2024 et ne cache pas ses intentions.
- Comment organiser sans réfléchir un scrutin qui sera vivement contesté par les acteurs en jeu qui accusent le Conseil Constitutionnel de légèreté, de manipulation, de corruption, de concussion, quand l'affaire des doubles nationalités très mal traitée, atterrit à la DIC, et que d’autres, peut-être par défaut pour le moment, ne sont pas inquiétés ?
- Comment peut-on organiser des élections inclusives également non contestables quand le problème du fichier avec le million d'électeurs susceptibles de ne pas voter n'est pas élucidé par un audit et un consensus ?
Réalité ou fiction, partagée ou non par les différentes parties prenantes que sont : les recalés ; les spoliés ; les validés ; le CC ; la DGE ; la CENA et le peuple témoins, cette question reste fondamentale et jusqu’ici sans réponse.
- Comment peut-on admettre, par le principe de la séparation des pouvoirs, que ceux conférés à l’Assemblée nationale par la constitution soient ignorés ou minimisés ?
Alors même que la mise en place d’une commission et l’ouverture d’une enquête parlementaire pour éclairer le peuple sur les tenants et aboutissants d’accusations extrêmement graves contre le cœur et les yeux de la République qu’est le Conseil Constitutionnel devraient être bien accueillies ne serait-ce que pour punir, en cas de diffamation ou d’accusations non fondées, les auteurs à l’instar du procès du Prodac qui a justement valu à Sonko d’être invalidé pour la présidentielle de 2024 et potentiellement celle même de 2029. Si les faits ne sont pas avérés, les auteurs, dont monsieur Karim Wade lui-même, ne peuvent pas s’en tirer sans conséquences. Et qu'on aille à des élections sans tenir compte des résultats de cette enquête parlementaire semble un peu limite, mais aussi manquer de rigueur. Les résultats de cette enquête vont rendre beaucoup de bien à la République, à la démocratie et à la justice sénégalaises, qu’ils aboutissent ou non, à des conclusions compromettant la sincérité du processus électoral incriminé.
Devant l’opinion publique interloquée, comment admettre que « cela ne fait rien », le calendrier électoral est sacré, il faut absolument choisir un président et « ensuite on verra ». Et si par hasard l'enquête épingle le président élu ou son challenger du 2e tour ou n'importe lequel des candidats en lice et ayant participé à l'élection présidentielle, qu’en sera-t-il de sa présidence ? Et d’abord, quelle valeur aura le serment va-t-il tenir ? Devant quel CC ? Ou simplement doit-on fermer les yeux et nous boucher les oreilles sur ces accusations, nous disant : les chiens aboient, la caravane passe ?
On entend évoquer le cas du Président Nixon et le Watergate aux USA, le cas du juge Sèye au Sénégal. Mais on oublie que le Sénégal n’est pas les États-Unis à tout point de vue. Et que dans l’affaire Me Sèye, les élections étaient déjà tenues, il ne restait plus qu’à proclamer les résultats définitifs. Encore pire, que sait-on réellement aujourd’hui des commanditaires et pourquoi le juge Kéba Mbaye avait démissionné ? N’apprenons pas à nos enfants des histoires tronquées.
Avec autant de nœuds sur le processus électoral enclenché, peut-on tout bonnement se dire, qu'il n'y a pas le feu, faisons fi de ce qui se passe, de la réalité sur le terrain et organisons les élections après on verra ? Nous allons voir quoi ? Des contestations sans fin toutes légitimes ? Des émeutes ? Des lendemains sombres que le fauteuil vacant de président à compter du 2 avril ne pourra plus gérer ?
À mon humble avis, le président Sall a fait ce qu'il fallait faire. A-t-il raison ?
Au moins, il a pris à temps ses responsabilités. Aux autres d’en faire autant dans l’intérêt supérieur de la nation et non des intérêts partisans et ambitions personnelles d’organiser quoi qu’on risque, des élections dans un pays déchiré qu’on ne pourra même pas gouverner après. Macky est un homme déjà averti. Il n'a certainement plus envie de ce pouvoir piégé pour ne pas dire assez puant. Heureusement, il reste conscient que sa responsabilité est engagée sur le présent et dans les suites de ce qui pourra arriver. Il semble vouloir l’assumer. En effet, le scrutin du 25 février 2024 étant mal engagé, mieux vaut prévenir que guérir.
Le sort du Sénégal est plutôt lié à une bonne élection de son prochain président, qu’à un scrutin organisé vaille que vaille le 25 février 2024. À sa place, beaucoup, sinon tous ceux qui briguent le fauteuil présidentiel aujourd'hui, feraient de même. Ou bien, simplement incapables de prendre une décision, ils laisseraient s'installer d’emblée le chaos ou l'instabilité sans véritables autres acteurs pour y remédier que les forces armées, qui n'ont point besoin de se mêler de problèmes que d'autres, par égoïsme ou narcissisme, ont volontairement ou inconsciemment créés. C’est facile quand on n’assume aucune responsabilité de donner des leçons.
Le savoir et l’action ne sont utilement solidaires que dans la bonne pratique là où le temps apprend à se bonifier mais non à se hâter vers l’incertain. Macky ne se présentera plus. Il a sûrement envie de partir le plus rapidement possible de ce volcan en éruptions que nous avons tous activé. Nous, populations qui nous laissons facilement embarquer depuis longtemps par des politiciens parfois malhonnêtes et calculateurs, usurpateurs à outrance de la voix et de l’opinion du peuple, politiciens professionnels de tous bords qui ne pensent qu’à leurs dividendes, enfin société civile et médias partisans qui ne savent même plus s'en cacher. C’est dommage que beaucoup de personnes de l’entourage du président et ses détracteurs ne le croient plus pour des raisons diverses. Seulement, ils n’ont pas été confrontés comme il l’est aujourd’hui, et certainement aussi fréquemment, des années durant, à la solitude et à la responsabilité de devoir décider pour l’avenir et la sécurité de tout un peuple.
Qu’à cela ne tienne, c’est son destin, comme il l’avait lui-même choisi. Maintenant, il doit faire, en son âme et conscience, ce qu’il pense être le mieux pour ce pays. Personne ne le fera à sa place. Le temps du peuple et le temps de la République peuvent logiquement et lucidement s'accorder, du temps minimum utile pour se mettre en phase, se rattraper et avancer durablement, plutôt que de faire un forcing aveugle, se casser les dents et rentrer dans le giron des incertitudes. C’est important d’avoir un nouveau président et il le faut absolument. Mais restons lucides et ne sous estimons pas nos capacités à résoudre nos problèmes. Les soi-disant démocraties majeures dont on se réfère, qui nous regardent et qui nous jugent, ne vont pas assumer nos erreurs et nos errements. Que tous les acteurs de l'élection présidentielle du 25 février 2024 dont les candidats validés ou non validés à la candidature, prennent un peu de recul, reconsidèrent pour certains leur position et leur responsabilité dans ce qui se passe et que le processus soit relancé sur de meilleures bases. Quel serait leur choix, leur décision face aux multiples problèmes soulevés et vécus s’ils avaient en charge les destinées du Sénégal ?
Qui peut le plus peut le moins.
Si le souci du président Sall est d’être l’arbitre d’un processus électoral transparent, que tous les acteurs se mobilisent pour l’organisation et la maitrise de l’élection présidentielle reprogrammée. Politiquement majoritaires, si tous les anti-reculs se réunissent et décident de travailler pour un consensus, ils mettront encore davantage le bloc BBY-APR -Macky en minorité et lui imposeront, dans l’intérêt véritable du peuple, la meilleure voie de s’offrir un président incontestable, élu sur la base de règles engageant tout le monde. Cela est possible si c’est vraiment la démocratie que nous voulons consolider et non des agendas personnels, au détriment du peuple partagé entre des centaines de prétendants dont chacun devrait connaître ses véritables limites. Qui peut le plus peut le moins. Que les forces politiques de ce pays profitent de cette brèche ouverte par le président Sall et l’obligent à tenir un dialogue sincère en vue seulement d’organiser des élections transparentes, inclusives et incontestables que lui-même, après avoir démissionné de la présidence l’APR pour montrer sa bonne foi, en soit le garant, es-qualité de gardien de notre souffrante Constitution qu’il faut, après coup, songer à bien soigner.
C’est à cela que nous appelons aujourd'hui, tous les acteurs qui concourent pour offrir une vie en harmonie à notre nation, pour qu'ensemble, épaule contre épaule, nous relevions le défi de la stabilité socio-économique, le défi de la maturité politique et institutionnelle et enfin celui de la résilience nationale fondatrice des libertés et du développement. C’est en cela que nous interpellons aussi le président de la République du Sénégal et non à celui de l’APR BBY, pour qu’il ne se donne plus dans le court terme d’autres priorités que celles de bien restaurer, avant qu’il ne mette pied à terre, le gouvernail de notre bateau que la tempête a bien endommagé.
Aliou Lam est président du Mouvement Ensemble pour le Vrai Changement.
par l'éditorialiste de seneplus, pierre sané
MACKY SALL SE REND-IL COMPTE DE CE QU’IL A DÉCLENCHÉ ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Le président a réussi l’exploit de susciter la création d’une union sacrée de la société civile, des partis politiques et de tout l’écosystème des campagnes électorales. Sa place, c’est dans le prétoire pour haute trahison
Macky Sall semble s’être auto convaincu que sa “renonciation”au troisième mandat et son bilan soit disant “prestigieux” avaient établi sa crédibilité en tant que démocrate et en tant que président “travailleur”. Il pouvait donc à nouveau puiser dans la besace de ses magouilles sans risque majeur car “il mérite au moins une petite dérogation “. Ce que ses députés se sont empressés de lui accorder en violation flagrante de la Constitution. Tel à un mendiant ! C’est tout simplement pathétique.
Et bien non !
D’abord, il faut absolument l’aider, le pauvre, à s’extirper de son fantasme et à atterrir :
Renonciation ? Que non. On ne peut pas renoncer à ce qui ne vous appartient pas. Doit-on le féliciter pour avoir respecté la Constitution ? Doit-on féliciter un délinquant de ne pas vous avoir dépouillé ? Ou un violeur de ne pas avoir agressé sa voisine ? On l’a plutôt contraint à se soumettre à la loi sous peine d’endurer la vindicte populaire. Il a piteusement courbé l’échine en invoquant un fumeux “code d’honneur “.
Infrastructures ? Tous les dirigeants africains dans le cadre du NEPAD/UA
se sont engagés à doter le continent d’infrastructures. L’initiative a été financée par le système bancaire international en contrepartie de marchés accordés à des compagnies étrangères et de retro commissions, bien entendu. Tous les présidents africains ont construit. Ce qu’il faut évaluer et comparer, c’est le coût, la pertinence et la rentabilité. Lá on pourra parler de bilan ! Ça viendra.
Non on ne lui doit rien si ce n’est une fiche de paie. Et un procès !
Le tacle de Sonko
Son magistère aura été caractérisé par des magouilles indignes, une corruption généralisée et une violence sans fards habillés du manteau de l’impunité. Ses thuriféraires ont chanté son invincibilité (le grand stratège politique) et sa toute puissance (n’est-il pas au dessus des lois et des décisions de justice ?).
Son premier échec cuisant est venu du rejet populaire et ferme de sa candidature à ce troisième mandat qu’il convoitait avec tant de concupiscence depuis 2019. La panique quant à elle s’est installée (y compris dans son camp) quand la candidature de Diomaye Faye (alter ego de Sonko emprisonné) a été validée par le Conseil constitutionnel malgré le recours déposé par son Premier ministre/candidat.
D’où la fronde ignoble contre le Conseil et l’annulation de l’élection. Du jamais vu au pays de la “vitrine démocratique”. D’ailleurs, gardez-vous bien de pénétrer dans le magasin parce que beaucoup des produits sont soit avariés soit des fakes.
Le coup d’État
S’en vient donc cet auto coup d’État de la traîtrise, une manœuvre pour gagner du temps pour éliminer Diomaye Faye avec l’aide de Karim Wade dans le rôle de l’idiot utile. Et aussi pour pouvoir encaisser les premiers chèques des pétroliers.
Un coup d'État peut être considéré comme : « un acte d'autorité consistant dans une atteinte réfléchie, illégale et brusque, aux règles d'organisation, de fonctionnement ou de compétence des autorités constituées, atteinte dirigée, selon un plan préconçu et pour des raisons diverses, par une personne ou par un groupe de personnes réunis en un parti ou un corps ; dans le but soit de s'emparer du pouvoir, soit d'y défendre ou d'y renforcer sa position, soit d'entraîner une simple modification de l'orientation politique du pays » (1)
La différence avec nos parents maliens (burkinabè et nigériens) ce n’est pas que les auteurs du coup d’État étaient vêtus d’uniformes, mais qu’ils ont été massivement soutenus par le peuple alors que Macky Sall utilise le mensonge, la ruse et la violence répressive pour essayer d’imposer son coup de force
La riposte
Alors maintenant que va-t-il se passer puisque son incompétence continue de l’enfermer dans l’improvisation au détriment de l’anticipation ?
Voilà ce qui est en route (avis gratuit)
Une réaction internationale musclée .
Les États-Unis ont tout de suite donné le ton en exigeant l’annulation du décret et le maintien de l’élection. Suivi de son allié le plus proche et le plus puissant de l’Union européenne, l’Allemagne, puis l’Union européenne elle-même alors que d’habitude on attendait la France pour articuler la réponse. Celle-ci s’est finalement alignée et a lâché Macky Sall. La préoccupation majeure étant de stopper l’épidémie des coups d’États, la prolifération jihadiste et les flux migratoires, la France ayant perdu pied en Afrique. Paradoxalement, c’est Macky Sall lui-même qui a inlassablement crié au loup et martelé « terroristes, islamistes, chaos ». Voilà pourquoi j’ai toujours douté de son niveau d’intelligence.
Sous l’impulsion des États-Unis, on va en arriver à une mise sous surveillance par les organisations internationales des Droits de l’homme (pays prioritaire selon le jargon consacré), un classement “pays à risque”pour les investisseurs et une activation préventive de la justice internationale. Voilà un chef d’État qui déroule son coup de force alors que viennent d’être déployés des centaines d’observateurs internationaux, d’Europe et d’ailleurs ainsi que la presse internationale à la recherche d’un nouveau flashpoint. Quel timing !
La diaspora revigorée comme jamais et rejoint par les patriotes africains et militants français va le harceler au point où ses hôtes vont s’y reprendre à deux fois avant de l’inviter : Qui veut s’afficher avec un putschiste ?
Au pays, la mobilisation populaire va dérouler et sera ininterrompue. Macky Sall a réussi l’exploit de susciter la création d’une union sacrée de la société civile, des partis politiques et de tout l’écosystème des campagnes électorales (les candidats et leurs militants, familles, amis, équipes, parrains, électeurs en plus de leurs cagnottes de campagne).
La CEDEAO et l’Union Africaine vont suivre, lentement mais sûrement, secrètement ravis de “moucher” ce Sénégal arrogant qui se targue d’”exception démocratique”. Des les premières victimes de sa répression, les sanctions vont tomber, à commencer par l’immobilisation de son jouet préféré, l’avion présidentiel, qui sera cloué au sol du fait des interdictions de voyages suivi du gel de ses avoirs.
Immanquablement, il va faire face à des démissions dans son gouvernement, des lâchages dans sa coalition (transhumance oblige) et à une riposte et révolte des juges.
Risque de coup militaire ? Pour ma part, je n’y crois pas sauf si les victimes des violences policières s’accumulent et que le chaos s’installe. Entre-temps, il y aura certainement des conversations dures et franches entre les colonels et le chef de l’État.
Impasse
Comment va-t-il s’en sortir ? Ah oui ! Dialogue ! Tel un disque rayé.
Sauf que lui, il n’écoute pas. Tel un forcené, il fonce droit dans le mur. Or nul ne peut convaincre un forcené d’agir contre sa vraie nature. Peine perdue. Donc dialogue c’est niet ! Que tous les “dialogueurs”soient indexés.
Nous, nous savons quoi faire. Macky Sall a rompu le contrat qui le liait au peuple. Son renversement est donc légitime et inéluctable. C’est tout.
Sa place, c’est dans le prétoire pour haute trahison. Bien piètre fin de règne d’un incompétent au pouvoir. Il ne mérite pas autre chose.
Bon débarras.
(1) Brichet, Olivier. Auteur du texte, « Étude du coup d'État en fait et en droit : thèse pour le doctorat / présentée... par Olivier Brichet... ; Université de Paris, Faculté de droit [archive] », sur Gallica, 1935 (consulté le 31 octobre 2018).
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
SALE TEMPS POUR MACKY
EXCLUSIF SENEPLUS - Le report de l'exploitation pétrogazière pourrait aussi être une raison du report de l’élection. Pendant que Karim se prélasse dans son Qatar, Macky construirait son « Qatar » au Sénégal afin d’y régner
Samedi 3 février 2024, avec 2 heures de retard sans aucune excuse, le président Macky Sall s’est adressé à la Nation dans un message télévisé. Quand je l’ai vu, dans sa façon de se tenir sur le pupitre dans le petit écran, je me suis dit qu’il portait la mine sombre qu’il arborait quand il était venu nous annoncer la requalification des 5 ans promis en 7 ans.
La scène était d’une tristesse infinie et presque insoutenable. Voilà la lourde signature qu’il portait sur ses épaules affaissées dans cette allocution aux Sénégalais. En 3 minutes à peine, on a senti le regard - je ne regarde que les yeux – fuir, s’engloutir puis disparaitre. Ce fut ensuite la voix, qui avait quelque chose de pas assurée et qui, tout en se dérobant, éructa sans la nommer une annulation de décret de convocation de la date de vote au 25 février 2024.
Nous fûmes effondrés.
Et voilà comment le Parti Démocratique Sénégalais, un parti qui représente 7% des inscrits aux dernières élections, c’est-à-dire pas grand-chose, arrive à faire repousser la date électorale du pays, car leurs petits intérêts rencontrent les gros intérêts du président Sall. Voilà où on en est !
La question que tout le monde se pose est comment en est-on arrivé là ? Pourquoi diantre le président Sall a-t-il choisi d’annuler l’élection présidentielle à la veille du lancement de la campagne ?
Plusieurs réponses simples répondent à cette question.
La première réponse est que le président n’a jamais, en son for intérieur, voulu quitter le pouvoir, malgré la renonciation faite un certain 3 juillet 2023. Secrètement, il tenait à son troisième mandat et ceux qui le connaissent, ne sont guère surpris qu’il ait trouvé un moyen détourné de le prolonger. La vraie question en filigrane est : cette annulation de dernière minute, ferait-elle partie et précéderait-elle un scénario longtemps écrit à l’avance et minutieusement préparé ? Avec lui, tout est possible. Rien ne garantit qu’au 15 décembre, il ne sorte une autre entourloupe de son cabas pour repousser derechef l’échéance de l’élection. Ceux qui diront que ce n’est pas possible, resteront gros-jean comme devant, tout comme ceux qui s’étaient dit qu’il ne reporterait pas l’élection ce 3 février 2024. Même ceux qui ne le connaissent pas, mais qui l’écoutent attentivement, auront noté qu’il ne résiste pas, à chaque fois qu’il en a l’occasion, de rappeler son droit à se représenter selon la Constitution : « Bien que j’en ai le droit », ânonne-t-il régulièrement, après avoir dit « je ne me représenterai pas ». Cet art de conjuguer les contraires et d’endormir la méfiance des gens.
La deuxième réponse réside dans ce qui l’a irrité au plus haut point : la présence inattendue de Bassirou Diomaye Faye et compagnie dans la liste définitive publiée par le Conseil constitutionnel (CC). Comment avaient-ils pu passer à travers les mailles d’un piège savamment orchestré ? Il avait pensé avoir réglé le cas du Pastef en empêchant Sonko, par tous les moyens, y compris les plus illicites, de se présenter et voilà que ses services poreux « laissent passer » ses lieutenants. Il sait mieux que quiconque et ses sondages sont venus l’étayer, que le cheval de l’APR désigné par ses soins et escorté d’une escouade de lièvres se ferait déborder par n’importe quel canasson de Pastef. Il lui fallait donc créer un faux départ et changer les acteurs. Les Sénégalais ne doivent pas pouvoir choisir un membre ou un sympathisant de Pastef. Telle est la conception de la démocratie de Macky Sall.
La troisième raison est un corolaire de la raison précédente. La faiblesse du candidat qu’il a choisi ou qu’on lui a imposé. Amadou Ba n’arrive pas à décoller dans l’opinion publique. Le président ne fait pas confiance au candidat qu’il a pourtant fait investir en grand show. C’est d’ailleurs cela qui fait dire, qu’on lui aurait tordu le bras dans d’autres sphères. Il n’a eu dès lors de cesse de l’affaiblir davantage, en lui opposant des membres de son propre camp, en le marquant à la culotte, ne lui laissant aucune marge d’exister en tant que soi. Amadou Ba, affable, sans aspérité aucune, sans base politique réelle est tel que les aime Macky. Un homme à sa main, qui élu ferait ce qu’il voudrait. « AB est le candidat de MS », devrait être le slogan de campagne !
Son poulain encalminé dans les bas sondages, il lui fallait trouver un moyen de changer de voilier, trouver d’autres vents favorables pour humer le grand large.
La quatrième raison est celle dont on parle le moins peut-être parce que le lien est moins évident. Elle pourrait être économique pour ne pas dire « affairiste ». La sortie des premiers barils de pétrole n’arrêtant pas d’être repoussée, cela embêterait le président Sall de rater ce rendez-vous. Une grosse nébuleuse continue d’entourer la signature de ces contrats pétroliers. Nombre de ses desseins pourraient être contrariés si cette phase cruciale de l’exploitation pétrolière et gazière tombait sous le magistère de quelqu’un d’autre. Il lui faut impérativement assurer cette couverture de la phase de démarrage. Ce report d’exploitation pourrait aussi être une raison du report de 10 mois de la date de l’élection présidentielle. Le rêve d’être un émir d’un État gazier reste toujours vivace. Pendant que Karim se prélasse dans son Qatar, Macky construirait son « Qatar » au Sénégal afin d’y régner.
Évidemment, ces raisons sont des hypothèses toutes plausibles. Lui seul connait la principale raison ayant conduit à sa malheureuse décision. Elle est à trouver parmi les 4 exposés plus haut ou plus probablement une combinaison de ces quatre raisons. Pour mieux cerner la bonne réponse, il faudrait pouvoir répondre à une autre question :
À quoi croit le président Sall ? À rien serait la réponse triviale qu’on serait tenté de donner au vu des décisions chaotiques de son magistère. Après réflexion, on opterait pour : difficile à dire. Une grosse énigme l’entoure.
Souvent décrit comme froid, hermétique, taiseux et parfois même pleutre, il surprend toujours dans son comportement. Avec lui, c’est souvent l’inattendu. Aucun obstacle intérieur que les communs appellent conscience ne l’arrête. Son bon vouloir guide la plupart de ses décisions.
Le 25 janvier dernier, après avoir reçu le « comité des spoliés » du Conseil constitutionnel, il évoquait dans une note de compte-rendu émanant du palais, son incapacité à changer le cours des choses l’eut-il voulu, car cela révélait du CC dont les décisions, martelait-il à juste titre, sont hors de sa portée et susceptibles d’aucun recours.
Jadis, il invoqua le même CC pour justifier son incapacité à faire 5 ans comme promis et il fit ses 7 ans comme l’imposait la constitution.
Voilà Macky, légaliste !
Le voilà aujourd’hui qui remet en cause les décisions du Conseil constitutionnel, en évoquant une pseudocrise institutionnelle qu’il fabrique de toute pièce entre le CC et l'Assemblée nationale (AN) pour justifier son forfait de report de l’élection présidentielle à date échue. Cette fois, il passe par l’AN pour « proroger » son mandat, ignorant royalement le CC.
Voilà Macky, pourfendeur de la Constitution.
Jadis, il fut renvoyé de l’AN pour avoir convoqué Karim Wade pour s’y expliquer, aujourd’hui, il convoque l’éviction de Karim Wade pour repousser l’élection présidentielle.
Voilà Macky, joueur, conspirateur et adepte de politique politicienne.
Avec cette énième volte-face, la sympathie qu’il avait regagnée en partie avec son annonce d’abdication au troisième mandat, en prend un sévère coup. Décidément, la porte de l’Histoire est trop grande pour ce petit homme. Les nombreuses VAR le montrent dans des situations peu à son avantage, le propos d’aujourd’hui contredisant ceux d’hier. On a toujours à peser ses paroles et veiller à ce qu’elles soient belles car elles restent.
En annulant cette élection, il croit surement partir pour l’empire, mais dans ces circonstances le gibet n’est jamais loin et c’est ce qui le guette lui et ses acolytes. Comme le disait V. Hugo, à la rue Saint-Florentin à Paris, il y avait un palais et un égout. Dans ce palais vivait Talleyrand, tout-puissant et brillant esprit qu’il fut, à sa mort son cerveau finit dans le caniveau.
Dr Tidiane Sow est coach en communication politique.
par Fary Ndao
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DOIT DIRE LE DROIT
EXCLUSIF SENEPLUS - Honorables magistrats, votre responsabilité est historique. Le peuple vous célébrera ou continuera de se déverser dans la rue pour défendre sa Constitution et réaffirmer sa souveraineté
Il est dans l’histoire d’un peuple des moments où la Justice, en tant qu’idée mais aussi sous l’incarnation de ses institutions, peut épargner à une nation bien des convulsions. Nous sommes dans un de ces moments. Le samedi 3 février 2024, à la veille de l’ouverture de la campagne d’une élection présidentielle dont la date est encadrée par la Constitution, le président de la République, Macky Sall, a sonné le peuple sénégalais en annonçant abroger le décret qui convoquait le corps électoral, prélude à un report de l’élection. Avec comme principal argument, fallacieux au demeurant, l’existence d’une crise institutionnelle dont le point de départ est la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire remettant en cause votre intégrité, il a non seulement créé une grave crise politique mais a également foulé aux pieds votre présomption d’innocence ainsi que le caractère définitif conféré à vos décisions par la Constitution.
Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Honorables magistrats,
Les accusations du candidat parjure dont vous avez rejeté la candidature en disant le droit, lui qui devait selon les dispositions du Code civil français en son article 23-4, effectuer une demande de perte de nationalité et attendre la publication d’un décret pour que ladite demande soit effective et ainsi être exclusivement de nationalité sénégalaise, n’honorent pas la classe politique et fragilisent davantage l’image d’une justice qui a souvent été décriée, à tort et à raison, dans notre pays.
L’allocution du 3 février 2024 a été suivi du vote au forceps d’une loi de révision constitutionnelle portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de notre Constitution afin d’acter le report de la présidentielle et ainsi de prolonger, de facto, le mandat du président de la République. Ceci, comme vous le savez, en tant que spécialistes académiques et praticiens de la Constitution, est contraire aux dispositions de l’alinéa 7 de l’article 103 de la Constitution que vous me permettrez de reproduire in extenso :
« La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ».
En proposant l’allongement de fait de la durée du mandat du président du 2 avril au 15 décembre 2024, la loi de révision constitutionnelle votée par les députés BBY et Wallu constitue une violation de l’article 103 de notre charte fondamentale en son alinéa 7 mais aussi un coup d’Etat constitutionnel. Ni plus ni moins.
Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Honorables magistrats,
Le sort de cette loi scélérate attaquée depuis ce 8 février 2024 par le recours d’au moins 1/10e des députés de l’opposition comme le leur permet l’article 74 de notre Constitution est désormais entre vos mains. À travers vos avis et décision N° 3/C/2005 du 18 janvier 2006 et N° 1/C/2016 du 12 février 2016, vous avez rappelé votre compétence pour juger les lois constitutionnelles sous certaines conditions aujourd’hui réunies et que « le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle ».
Ainsi, le respect de la Constitution, l’intangibilité de la durée du mandat en cours du président de la République, l’impossibilité au nom du jeu politique d’introduire dans notre Constitution des dispositions transitoires, le souci de cohérence juridique par rapport à vos avis et décisions antérieurs vous placent dans une position historique pour vous déclarer compétent et censurer cette loi de révision constitutionnelle. Cela permettrait d’affirmer, une bonne fois pour toutes, l’indépendance de l’Institution judiciaire vis-à-vis du pouvoir siamois exécutif et législatif, habitué aux stratégies les plus retorses pour se maintenir au pouvoir mais aussi vis-à-vis de tous ceux et celles qui s’accommodent des décisions de justice uniquement lorsqu’elles vont dans leur sens. Des juges kenyans ont fait reprendre tout un scrutin présidentiel sur la base d’un recours introduit par l’opposition, le président xénophobe américain Donald Trump a vu certaines de ses décisions rejetées par des juges américains. Vous avez l’opportunité de dire à nouveau le Droit et de défendre votre honneur souillé par un candidat parjure qui dispose du soutien de la majorité politique d’un président auteur d’un coup d'État constitutionnel et irrespectueux de la séparation des pouvoirs. Cette coalition d’intérêts particuliers permise par les alliances politiques contre-nature d’aujourd’hui et d’hier, souhaite nous priver, nous Sénégalais, d’un des droits que bien de nos frères et sœurs africains nous envient jusqu’ici : celui de pouvoir choisir librement notre président selon les règles intangibles définies par notre charte fondamentale.
Votre responsabilité est historique. Le peuple, qui vous écoute avec tout le respect qui vous est dû, vous célébrera ou continuera de se déverser dans la rue pour défendre sa Constitution et réaffirmer sa souveraineté.
par Amadou Tidiane Wone
À QUI PROFITERAIT LE DÉSORDRE ?
Assumer la responsabilité historique de faire le deuil d’une démocratie grâce à laquelle Macky Sall est parvenu au pouvoir, frise l’inconscience du temps qui passe, la vanité des illusions de puissance…
« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Montesquieu.
« Nous étions au bord de l’abime ? Eh bien nous venons de faire un gros pas en avant ». Tel est, hélas, le sentiment le mieux partagé au Sénégal depuis l’annonce inattendue, donc surprenante, de l’annulation d’une élection présidentielle, le jour même prévu pour le démarrage de la campagne électorale… Surréaliste !
Depuis des années et, de plus en plus précisément ces derniers mois, la crise politique majeure que nous traversons était prévisible, voire attendue par les plus lucides d’entre nous. Les signes avant-coureurs d’une fuite en avant des tenants du pouvoir se manifestaient de partout. Des indices évidents de nervosité, face au calme olympien des sénégalais malgré toutes sortes de provocations, étaient visibles. De guerre lasse, il ne restait plus qu’à abattre, brutalement, les dernières cartes et à dire l’indicible. Car, assumer la responsabilité historique de faire le deuil d’une démocratie grâce à laquelle le Président sortant, Macky Sall, est parvenu au Pouvoir, frise l’inconscience du temps qui passe, la vanité des illusions de puissance…
Alors ne feignons surtout pas la surprise !
Disons-le sans ambages : un coup d’état, constitutionnel ou institutionnel selon, vient d’être opéré dans notre pays sous le couvert d’un juridisme tropical indigent. Il n’y a pas à se lancer dans des contorsions verbales, prétendument savantes, pour qualifier un fait qui nous fait mourir de honte : Un président à qui il ne reste, constitutionnellement, moralement et véridiquement, que quelques jours pour organiser des élections présidentielles et remettre le pouvoir au peuple, vient d’abattre une dernière carte, de désespoir ( ?), pour se maintenir en fonction au-delà du délai légal imparti. C’est le seul effet, la seule conséquence de tout ce raffut actuel. Il n’y a pas un autre enjeu qu’individuel, personnel et clanique, même si la manœuvre assassine est enrobée dans un narratif cousu de fil blanc.
En vérité, le Sénégal vient de toucher le fond de la détresse morale qui, depuis des années, se manifeste à tous les niveaux de la société. La transhumance politique en était un des symptômes les plus purulents. Les retournements de vestes inattendus, les discours convenus et intéressés des laudateurs impénitents, nous ont donné plusieurs fois, le tournis et établi que la « politique », au sens sénégalais du terme, était sous l’emprise d’entrepreneurs sans foi ni loi. Et que l’imagerie populaire a bien raison de n’en retenir que la dimension fallacieuse et les raccourcis amoraux de l’enrichissement rapide, donc bien des fois illicite !
Retour en 2012. Le président Macky Sall accède au pouvoir en prenant pied sur les décombres du PDS son parti d’origine, par l’achèvement, sans états d’âme, de son président fondateur Abdoulaye Wade. Celui qui lui aura tout donné. Plusieurs lignes de son CV portent l’empreinte de celui dont il fut l’un des plus proches collaborateurs. Il est celui qui aura bénéficié le plus, en termes de postes occupés, des deux mandats du président Wade à la tête du Sénégal ! Indubitablement !
On aurait dû prendre, déjà, la pleine mesure de l’homme et de sa nature profonde. Car, au-delà de toute attente, le président Macky Sall s’était acharné, à l’entame de son mandat, sur la famille politique à laquelle il doit toute son ascension sociale et politique. Au point de faire condamner pour 5 ans de prison, le fils unique de son mentor, par un tribunal d’exception ressuscité pour l’occasion et retombé dans l’oubli depuis… Au bout de trois ans de détention, et par on ne sait encore quel tour de passe-passe, Karim Wade sera élargi et exilé, ou plus exactement déporté, au Qatar… Une séquence qui devra livrer tous ses secrets, car incompréhensible pour le commun des mortels parmi lesquels je me compte.
Ceci dit, juste pour marquer mon étonnement, que dis-je ma stupéfaction, face au rôle que joue, dans la séquence actuelle de notre Histoire, le groupe parlementaire PDS. Allié de la majorité dite présidentielle, au détriment de l’opposition parlementaire, à qui il doit la dynamique victorieuse qui, pour la première fois de l’histoire de notre parlement, faisait jeu égal avec une majorité étriquée, obtenue au forceps. Le PDS rame à contre-courant de l’Histoire ! Il faut en effet être de bien mauvaise foi pour ne pas reconnaitre le rôle de locomotive joué par Ousmane Sonko et le Pastef dans l’ascension de l’opposition à l’Assemblée Nationale du Sénégal. Contribuer à une tentative de mise à mort de la dynamique du Pastef et de ses sympathisants, mais aussi s’associer à une tentative ultime de « réduction de l’opposition à sa plus simple expression » est incompréhensible ! Au regard des douze années de sacrifices subis. Une « sénégalaiserie » de plus…
Disons-le clairement : les motifs pour lesquels le PDS contribue, activement à mettre la démocratie sénégalaise en berne, ne tiennent pas la route. A tout le moins ils ne tiennent pas compte des intérêts supérieurs de la Nation sénégalaise. Ils mettent en avant, exclusivement, la candidature de Karim Wade, absent du territoire national depuis des années, au détriment de candidats maintenus dans les liens de la détention au Sénégal et de tous les candidats ayant satisfait à toutes les conditions d’éligibilité ! Si la politique se réduit à l’art de comploter, il va falloir restaurer l’Honneur de la politique dans ce pays ! Au demeurant, ce qui est véritablement en jeu, c’est l’Avenir du Sénégal ! Le devenir de 18 millions de citoyens qui veulent vivre en paix et dans le bien-être. Dans les moments cruciaux que traverse le pays, aucun repli sur soi ne doit être toléré. Aucun égoïsme partisan étriqué ne doit empiéter sur l’impérieuse nécessité de sauver notre Nation de la montée des périls. Toutes les forces vives de la nation doivent converger vers la construction d’une digue pour protéger notre pays des risques de basculement tragique vers l’inconnu.
Encore plus étrange, la manière expéditive par laquelle le Conseil Constitutionnel a été installé au cœur d’une polémique, suite à des allégations jusqu’ici non fondées ! Aucune preuve, aucune procédure : Que des allégations que n’importe qui peut proférer sans suite… Combien de propos peu amènes sont déversés au quotidien sur des personnalités et des Institutions sans suite ? Dans un contexte de surchauffe électorale, bloquer le pays sous le prétexte de l’honneur entaché de deux juges, et mettre conséquemment tout un pays en danger, mérite réflexion, retenue et discernement !
Ne jouons pas avec le feu !
En un mot comme en mille, le Sénégal n’appartient pas aux politiciens. Leurs jeux et leurs joutes ne valent pas la mise en péril de siècles de construction d’un sentiment national fort. Un sentiment fortement agressé par des esprits chagrins qui, jonglant avec des mots destructeurs, donnent des coups de canifs, méthodiquement, à notre légendaire Teranga… Qui n’a pas vu dans les réseaux sociaux, sous la plume de courageux anonymes, le venin ethniciste ou régionaliste, distillé en doses sournoises, pour poser les détonateurs d’une déflagration sociale irréversible ?
Face à ces sujets cruciaux, les ambitions personnelles des uns ou des autres devraient passer au second plan.
L’urgence est à la réparation de notre pays si abîmé ! Et que personne ne vienne convoquer des infrastructures que les supporters rentrés de la Côte d’ivoire voisine regardent avec beaucoup de détachement tant les réalisations, de ce point de vue, dans le même temps (12 ans) sont exponentiellement incomparables au pays des éléphants !
Revenons sur terre ! Il nous reste tant de choses à accomplir pour frapper aux portes de l’émergence !
En attendant, et pour commencer, il nous faut organiser une élection présidentielle. Un défi collectif à relever. Une élection qui doit être ouverte, inclusive, transparente et régulière. Ce défi doit être relevé par une administration républicaine, consciente d’incarner les missions régaliennes de l’État. Avec une haute conscience des missions de service public, dans la perspective de servir et non de se servir.
Vider les prisons de tous les détenus politiques serait un pas nécessaire pour amorcer le dialogue et aussi la réconciliation.
Prendre conscience que la politique ce n’est pas un jeu de massacre mais juste la capacité de produire des idées, de les mettre en pratique pour réaliser le mieux-être des populations sans discrimination ni parti pris.
Enfin, méditons et méritons le troisième couplet de notre hymne national, et que beaucoup de nos compatriotes ignorent :
« Sénégal, nous faisons nôtre ton grand dessein :
Rassembler les poussins à l’abri des milans
Pour en faire, de l’est à l’ouest, du nord au sud,
Dressé, un même peuple, un peuple sans couture
Mais un peuple tourné vers tous les vents du monde. »
Ce faisant, demandons-nous constamment : à qui profiterait le désordre ?
Il est impératif, monsieur le président de la République, que vous preniez des mesures urgentes pour garantir le respect de la liberté de la presse. Le petit écran ne s’éteint jamais
Monsieur le président Macky Sall, le petit écran ne s’éteint jamais. La liberté de la presse est un pilier fondamental de toute société démocratique. Cependant, au Sénégal, cette liberté est actuellement compromise suite au retrait de la licence de Walf TV par le ministre de la Communication, monsieur Moussa Bocar Thiam, et l'interruption de sa diffusion le 4 février 2024. Cette décision draconienne prive les citoyens d'une source d'information cruciale et met en péril le pluralisme médiatique dans notre pays.
Le retrait de la licence de Walf TV intervient après des menaces et des pressions exercées sur la direction de la chaîne. Le Directeur Général, monsieur Cheikh Niasse, a été contraint d'interrompre la diffusion d’une édition spéciale, et la licence de la chaîne a été révoquée. Cette action autoritaire est non seulement préoccupante pour la liberté d'expression, mais elle est également contre-productive. En effet, bien que la chaîne ait été coupée, le Groupe Walf continue d'émettre via ses plateformes digitales. Seul le personnel travaillant pour le groupe se retrouve désormais au chômage, ce qui aggrave la situation sociale de notre pays.
En cette période de crise politique grave, il est impératif, monsieur le président de la République, que vous preniez des mesures urgentes pour garantir le respect de la liberté de la presse et que le signal de Walfadjri soit rétabli.
Le Sénégal est une République, ses citoyens aimables et respectueux mais il faut respecter leur liberté. Au nom de ce principe, je vous demande monsieur le président de la République, de respecter nos droits. En premier lieu, le droit de Walf d’émettre, dans notre République ou personne n’est au-dessus de l’autre.
Oumou Wane est présidente de Citizen Media Group-Africa 7.
Par Assane Gueye
LE JOUR D’APRÈS, SORTIE RATÉE
«Dès qu’on entre, il faut penser à la sortie», prévenait un ancien chef d’État. Il ne savait pas si bien dire. Le plus grand échec pour un président n’est pas tant de ne pas avoir d’actifs dans son bilan. Il consiste à rater sa sortie.
«Dès qu’on entre, il faut penser à la sortie», prévenait un ancien chef d’État. Il ne savait pas si bien dire. Le plus grand échec pour un président n’est pas tant de ne pas avoir d’actifs dans son bilan. Il consiste à rater sa sortie. Un soin particulier doit être mis dans la transmission du pouvoir. Les déboires passés en sont effacés. Ça a été dit et redit. Le président Macky Sall a occupé son fauteuil avec compétence et efficacité. Il n’a pas moins fait que ses trois prédécesseurs. Mais en ce début février de cette année bissextile, tout semble avoir été remis en cause. Huit mois auparavant, avec le discours sur le code d’honneur, on avait relevé avec emphase les paroles en or qu’il avait prononcées. Aujourd’hui, au dedans comme au dehors, on n’entend plus que des paroles de réprobation. Le report inédit de la Présidentielle ne peut avoir qu’une seule signification. Le Sénégal n’est pas arrivé à bon port. Ses totems sont devenus les problèmes. S’en prendre au dogme du scrutin présidentiel est l’illustration qu’on n’a jamais changé de paradigme. La décision de remettre les compteurs à zéro est une forme d’amateurisme. Elle met brutalement fin à l’exception sénégalaise en ajoutant de la confusion aux quiproquos. En termes d’image et de respectabilité, on laisse aussi beaucoup de plumes. La pilule de l’annulation est traumatisante et impopulaire. Elle passe mal. Celle de l’extension du mandat encore moins. Un pouvoir qui arrive à son terme doit fatalement cesser. Le bonus de neuf mois est moralement atterrant. Il va mettre à terre et balayer 12 ans de magistère. La décadence efface bien souvent la grandeur.
Amadou Ba doit se barrer
S’effacer, se taire et souffrir le martyre. On ne va pas jusqu’à dire qu’il est masochiste. Amadou Baraka, écrivait-on après sa désignation comme candidat de la majorité. Il n’en est plus rien. Ça sent la bérézina. Il n’a de cesse d’être humilié ou de s’humilier lui-même. Le don de soi frise la haine de soi. On peut bien vouloir laisser l’impression d’un homme d’État mais un personnage sans état d’âme est un dissimulateur. Pour son manque de magnétisme et de spontanéité, beaucoup le décrivent comme un politique pas magnifique. Les reproches qu’on lui fait peuvent être sévères aussi. Sa délicate position n’est pas celle des autres prétendants. Paradoxalement, il est plus vulnérable. Ce faisant, il doit se protéger et se blinder davantage. Mais s’agissant des derniers développements, c’est son honneur qu’il doit laver et réparer. La corruption est la pire des ignominies. Un corrupteur est toujours plus ignoble que le corrompu. Il pervertit le monde entier. Montré du doigt avec une telle violence, il ne peut plus faire la politique de l’autruche. Quand sa propre famille politique se montre bipolaire face à la déconvenue d’un de ses membres, il faut se rendre à l’évidence. On n’en est plus tout à fait membre. Il est temps qu’il se barre. C’est une question de dignité et de courage. «Le courage n’est pas l’inverse de la peur. C’est le contraire du cynisme», constatent les observateurs avertis.
La réalité nous rattrape
On aura donc observé qu’il n’est plus question de scrutin le 25 février. La fièvre électorale a été pulvérisée par la fébrilité démocratique. Le tirage au sort faisait déjà office de tombola hasardeuse. L’inflation de candidats est à la quantité qui témoigne de la baisse de qualité un peu partout dans le pays. Dans les normes, les 2/3 des prétendants ne devraient même pas aspirer à diriger une boutique. Une présidentielle est un choc de titans et de fortes personnalités. Autre point d’inquiétude, le Rubicon a été allégrement franchi avec le Conseil constitutionnel, bastion imprenable dont le nom a été mêlé à une affaire présumée et rocambolesque de corruption. On est tombés bien bas. De 62 à aujourd’- hui, des crises multiformes ont vu le jour. Les derniers développements sont l’aboutissement de plusieurs décennies de fuite en avant. De pays-pilote bien parti au début des indépendances, le Sénégal est aujourd’hui en totale rupture d’équilibre. Gangrené par la corruption. Ravagé par la mort de l’intérêt général et la misanthropie. Sculpté par le chômage. Sans goût de la discipline sur fond de crise d’autorité, on marche à tâtons depuis long- temps. Le climat d’anarchie actuel a des racines trop profondes.