SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
2 avril 2025
Opinions
par Ibrahima Thioye
FAITS MARQUANTS ET QUELQUES ENSEIGNEMENTS DE L’ÉLECTION
La communication pour accéder au pouvoir ne doit plus être la même que celle qui sera en vigueur lorsqu’on dirige le pays. Dans sa forme, elle doit être plus pondérée, plus suggestive et plus constructive
L’élection présidentielle du 24 mars 2024 s’est globalement déroulée dans de bonnes conditions. Elle s’est soldée par la victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour. Celle-ci traduit une volonté de sanction d’un régime qui a mis à rude épreuve le corps social et secoué la démocratie, le contrat social ou le vivre-ensemble. Quelques secteurs économiques ont subi des perturbations suite aux différentes crises. On assiste à une ère nouvelle marquée par l’émergence de jeunes leaders et la fin de cycle d’anciens acteurs politiques. Ousmane Sonko a incontestablement joué un rôle de premier plan durant tout le processus électoral. Le peuple sénégalais a réagi magistralement en écrivant de fort belle manière — grâce à ce scrutin — une nouvelle page de notre marche vers unesouveraineté nationale plus complète. Sont décrits ci-après quelques faits marquants et des enseignements qui peuvent être utiles pour la nouvelle équipe dirigeante qui accède au pouvoir.
Faits marquants
1. Victoire de Bassirou Diomaye Faye au premier tour
La coalition Bassirou Diomaye Faye remporte cette élection avec 54,28 % des voix, suivie de la coalition BBY, dirigée par Amadou Ba, qui a obtenu 35,79 % des voix. Ces deux coalitions totalisent 90 % des voix, offrant ainsi une allure de référendum à cette joute électorale. Elles sont suivies par le PUR d’Aliou Dia et Taxawu de Khalifa Sall, qui ont obtenu ensemble 4,36 % des voix ; les quinze autres candidats se partagent 5 % des suffrages.
Ces résultats expriment une volonté du peuple de rompre avec cet état de déliquescence du corps social. La coalition Diomaye a su répondre par un positionnement très clair sous la houlette agissante d’Ousmane Sonko. Amadou Ba s’est positionné comme le candidat de la continuité qui n’a pas bénéficié du soutien complet des membres de son camp. Les autres candidats avaient surtout un problème de notoriété.
2. Fin de cycle pour Idrissa Seck et Khalifa Sall
Les résultats obtenus par Idrissa Seck et Khalifa Sall — respectivement 0,90 % et 1,56 % — ont surpris la plupart des observateurs. Idrissa avait obtenu plus de 20 % des voix lors de l’élection de 2019. Le parti de Kalifa Sall, Taxawu, avait enregistré 14 députés lors des dernières élections législatives. Sont-ils victimes du processus de bipolarisation ou s’agit-il simplement d’un besoin de renouvellement du personnel politique suivant un schéma d’alternance générationnelle ?
3. Résultats très faibles pour les dissidents de BBY
Les quatre candidats dissidents de BBY n’ont pas réalisé des scores significatifs. Idrissa Seck, Boun Abdallah Dionne, Mame Boye Diao et Aly Ngouye Ndiaye ont enregistré respectivement 0,90 %, 0,19 %, 0,33 % et 0,47 %, totalisant moins de 2 % des voix. Ces voix, ajoutées à celles d’Amadou Ba, portent le score de ce dernier à environ 38 % des suffrages.
4. Les gros scores
De gros scores ont été enregistrés pour Bassirou Diomaye Faye à Touba Mbacké, Bignona, Oussouye et Ziguinchor : 79,50 %, 81 %, 79,56 % et 74 %. Amadou Ba a remporté la victoire avec la même tendance dans la région de Matam : 87 % à Kanel, 86 % à Matam et 80,93 % à Ranérou. Le poids électoral de Mbacké étant plus élevé que celui de Matam, le surplus de voix obtenu dans la région de Diourbel — 190 000 — l’emporte sur les voix obtenues par BBY dans la région de Matam.
Quelques enseignements
1. La boucle vertueuse : un bon positionnement, de puissantes marques, une forte coalition
La coalition de Bassirou Diomaye Faye a su capitaliser sur les marques Sonko et Pastef En apportant leur soutien à cette coalition, des leaders, qui ont marqué le landerneau politique, ont inscrit leur action dans une boucle vertueuse. Ousmane Sonko, craignant un rejet de sa candidature, a demandé à plusieurs membres de son parti et même à d’autres alliés de Yewi Askan wi de déposer la leur. En désignant Bassirou Diomaye Faye comme le candidat de repli, porteur de son projet, le Pastef a opéré un transfert d’aura grâce au mot d’ordre : « Diomaye est Sonko et Sonko est Diomaye ». La marque mère Sonko a donné naissance à une marque fille Diomaye qui s’est imposée avec brio sur le marché électoral.
2. Nouveaux rôles pour Sonko afin de réduire la probabilité de frictions
Après avoir contribué à élire des maires et des députés, Sonko a largement joué un rôle dans l’élection de Bassirou Diomaye Faye. Il a su ajuster sa présence ou son absence durant la campagne en laissant à ce dernier la latitude de s’imposer et d’incarner cette posture de candidat de la rupture qu’attendent les Sénégalais. Après son élection, on peut se demander si la meilleure stratégie — celle qui présente une faible probabilité de frictions ou de tensions — ne consisterait pas à offrir plus d’espace à Diomaye. Est-ce que la présidence de l’Assemblée nationale ne serait pas la meilleure station pour Sonko ? Le parti Pastef ayant grandi assez vite et étant appelé à se massifier, Ousmane Sonko pourrait contribuer à parfaire son organisation et en faire un modèle de fonctionnement démocratique capable d’élever le niveau de formation politique de ses membres.
3. Changer les éléments de langage
La communication pour accéder au pouvoir ne doit plus être la même que celle qui sera en vigueur lorsqu’on dirige le pays. Dans sa forme, elle doit être plus pondérée, plus suggestive et plus constructive. Voici quelques éléments de langage utiles, dont certains sont déjà dans le registre de la communication des nouveaux dirigeants :
« Nous n’avons qu’un ennemi, c’est le retard économique du pays. »
« Nous avons besoin de toutes les compétences pour reconstruire le pays. »
« Pas de chasse aux sorcières. Amnistie, et non amnésie ; réconciliation nationale dans la justice et la vérité. »
« Ils ont fourni le maximum de leurs capacités dans le contexte qui était le leur : nous devons pousser plus loin les limites dans ce nouvel environnement plus complexe où tout est urgent et face à des attentes et à des exigences très fortes des populations. »
« Nous ne sommes pas des saints ; nous commettrons certainement des erreurs, mais nous apprendrons très rapidement de celles-ci. »
« Les bonnes intentions ne suffisent pas, nous préférons mettre en place l’organisation, les règles, la discipline qui nous prémunissent contre d’éventuelles dérives. »
4. Dynamique de changement orienté résultat et changement de mentalités
1. Les premiers jours devraient contribuer à bien finaliser la conception des éléments du projet (y compris les conclusions et recommandations issues des rapports des assises et de la CNRI) : déclinaison précise avec des engagements, mise en place des moyens d’évaluation et de suivi, sensibilisation et démarrage.
2. Actions rapides à réaliser pour fixer les esprits et maintenir l’espoir (stabiliser la gouvernance, déploiement des mesures faciles à mettre en œuvre ne requérant pas la validation de l’Assemblée nationale, etc.).
3. Mesures de discipline et d’organisation pour marquer les esprits (attachement viscéral à la ponctualité, déclaration de patrimoine, etc.).
4. Annonce publique de rupture avec les vieilles pratiques d’exhibitionnisme et d’ostentation qui peuvent facilement entraîner des glissements vers le népotisme et la gabegie (griotisme dans sa dimension perverse, patronage de manifestation, « drapeaux », etc.).
5. Lancement, par anticipation, de la campagne de lutte contre les inondations ou actions prioritaires à forte répercussion sociale.
Cette élection marque un tournant décisif dans la vie politique du Sénégal. De nombreux défis économiques et sociaux attendent les nouveaux dirigeants. Des secteurs économiques ont été secoués, le corps social mis à rude épreuve et la démocratie fragilisée. Les nouveaux dirigeants ont obtenu la faveur des populations grâce à leur orientation très claire à propos du patriotisme et de la souveraineté qu’ils s’engagent à parfaire. Le projet autour duquel ils ont mobilisé les Sénégalais est plutôt pertinent, car il répond aux principales questions brûlantes de l’heure. Le plus gros défi est de le mettre en œuvre en faisant face aux obstacles qui ont empêché les deux premières alternances de réaliser leurs promesses de départ.
LANGUES NATIONALES ET FRANÇAIS : QUELLE COHABITATION ?
Evitons les enfermements stériles pour dégager des espaces d’altérité cognitive fécondante auxquels nous convie Goethe dans cette diatribe: «Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue.»
Permets à ton professeur d’hier, et non moins collègue Inspecteur Général aujourd’hui, de te porter la contradiction par le biais de ton post Facebook sur le projet Pastef et langues.
Tu as parfaitement raison sur la subtilité de la nuance entre des enseignements bi-langue et bilingue, celui-ci étant plus complexe que celuilà. Enseigner en Anglais est différent d’enseigner l’Anglais parallèlement avec une autre langue. Cette concession faite, attaquons le vif du sujet en ce qui concerne le français qui, semble-t-il, «sème tous les germes d’échec pour nos apprenants … langue étrangère et à culture exogène» (sic). J’attribue cette assertion aussi imprécatoire qu’abusive, à une dérive de la plume impulsée par une confusion conceptuelle entre le français langue de communication internationale et le français langue du colonisateur français. Ce Français porteur de «germes d’échecs» que tu voues aux gémonies ne saurait s’appliquer, ni à moi ni à toi qui as brillamment fait tes études jusqu’au doctorat en français bien châtié. Qu’est ce qui a changé ? Toi et moi sommes des anglicistes qui manions le français avec bonheur parce que nous avons été éduqués par des instituteurs très bien formés, ni en six mois, ni recrutés expéditivement par des politiciens en quête de popularité. Dans ces conditions, si vous injectez 5000 enseignants dans le système éducatif, sans compter les dégâts incommensurables infligés vingt-cinq ans auparavant à l’école par les Volontaires, Contractuels et «Ailes de dindes» de l’ajustement structurel des années 80, s’en prendre au français devient un déni de réalité, voire une quête de bouc émissaire (Scapegoating).
Les professeurs Mary Teuw Niane, Sakhir Thiam et Cheikh Anta Diop n’ont pas tracé des tangentes, ni appris les intégrales ou dérivées en Wolof ! Ils maîtrisent le français langue d’acquisition et de transmission de ces connaissances fort complexes ! Quand Samba Diouldé Thiam et Maguette Thiam, tous deux mathématiciens, animaient Andd Soppi en français, chacun de leurs articles était un régal littéraire parce que, comme tout bon scientifique, ils maîtrisent le français. Que dire de Pathé Diagne, héraut des langues nationales et leur transcription, fin connaisseur de la langue française dans toutes ses subtilités esthétiques? Je me souviens encore de la remarquable «Volée de bois vert» (titre de son article) qu’il avait administrée sur les langues nationales à Kader Fall, alors ministre de l’éducation. Ma génération a la légitime nostalgie de ces débats de haute facture en français à cette époque où il était ni étrange ni étranger ! Que s’est-il passé entretemps ? On n’ose point supputer une érosion des intelligences ou une altération génétique générationnelle !
Cher collègue, j’ai l’impression que le débat sur le français et les langues nationales est biaisée par l’intrusion furtive de considérations idéologiques surgissant de la mémoire d’un orgueil national meurtri par les canons du colon français qui, selon Cheikh Hamidou Kane, nous a «recensés, répartis, classés, étiquetés, conscrits, administrés.» Il ne faudrait pas enfermer le débat dans une logique de repli identitaire et revanchard tel que le configurent certaines assertions du genre, «aucun pays ne s’est développé dans une langue étrangère !» Soit ! Reprendre à satiété cette assertion péremptoire est révélateur d’un déficit d’historicité et d’approche anthropologique. Ceux qui ont cette posture évoquent de grands pays développés comme la Chine, la Corée et le Japon. La Chine n’a jamais subi une présence coloniale de longue durée comparable à la nôtre. Tout au plus, elle a été brièvement dominée économiquement et militairement par des puissances occidentales qui n’y ont pas laissé leur empreinte linguistique et culturelle ; le même scénario est valable pour la Corée, surtout celle du Sud qui a grassement bénéficié de la présence Américaine pour s’enrichir de la langue anglaise, des dollars et de la technologie des GI’s venus endiguer la déferlante Nord-Coréenne des années cinquante. Comme quoi, les phénomènes d’hybridation sont plus fécondants que les obsessions de la pureté! Quant au Japon, son insularité et sa puissance militaire aidant, il a su préserver son intégrité sociolinguistique. Que dire du Sénégal ? Toute une autre histoire (Another ball game) !
L’histoire coloniale du Sénégal atteste de la présence du français dans notre pays depuis le XVI siècle. En six ou sept cents ans, le français a pensé et structuré l’administration civile et militaire, irrigué le champ éducatif et scientifique de notre pays dont la vulnérabilité était accrue par sa tradition orale. Donc, par un trait de plume, on ne peut ni l’effacer ni le rétrograder au risque de nous heurter au mur épistémologique qui a compromis l’Arabisation dans certains pays arabes. L’adoption accélérée de l’Arabe comme langue de substitution par des revendications nationalistes les a coupés du corpus scientifique universel écrit en français et surtout en Anglais, pour les enfermer dans le ghetto linguistique «d’une métamorphose inachevée» ! Ils ont cessé de maitriser le Français sans acquérir l’arabe classique. De cette impasse est née une nouvelle caste de locuteurs appelés les « Nilingues »! Soyons prudents et opportunistes comme la Grande Royale de Cheikh Amidou Kane. Certes notre rencontre avec l’Occident fut «une naissance qui se fit dans la boue et le sang» (sic); mais par intelligence stratégique écoutons la : «Il faut aller apprendre chez eux l’art de vaincre sans avoir raison… L’école étrangère est la forme de la nouvelle guerre que nous font ceux qui sont venus. Il faut y envoyer notre élite en attendant d’y pousser tout le pays » ! Cette exhortation à assumer son histoire avec réalisme et sans complexe fut le crédo du Japon qui n’hésita pas à envoyer des cohortes d’étudiants en occident pour s’approprier les armes de leur vainqueur !
Cher Collègue, je te félicite pour le travail de pionnier-défenseur de la scolarisation en langues nationales par l’application du Modèle harmonisé d’enseignement bilingue au Sénégal (MOHEBS) qui utilise les langues nationales dans les enseignements-apprentissages en même temps que le français. En didactique de l’Anglais, je prône l’utilisation intelligente des langues nationales et du Français pour faciliter les apprentissages au nom du concept de compétence plurilinguistique qui permet des associations et transferts entre ces langues selon les circonstances. Ma seule crainte est le débat inachevé voire négligé sur la baisse des performances scolaires dues fondamentalement à une mauvaise maitrise du français, aussi bien par les apprenants que les enseignants. Quelle que soit la langue de transmission des connaissances, Mandarin, Anglais, Français ou langue nationale, elle doit être maitrisée. Même si Boileau nous dit que «Ce qui se pense clairement s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément», il faut ajouter à condition que la langue d’énonciation soit maitrisée. Ne pas régler le problème du Français par la formation et le diaboliser pour légitimer d’autres alternatives risque de nous fourvoyer dans des impasses. Langues nationales oui, mais accompagnées par la réhabilitation du Français. Evitons les enfermements stériles pour dégager des espaces d’altérité cognitive fécondante auxquels nous convie Goethe dans cette diatribe: «Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue.»
Mathiam THIAM
Inspecteur Général (Anglais)
Fastef, Département de didactique de l’Anglais
Par Seydina A. NDIAYE
L’IMPASSE ECONOMIQUE HERITEE PAR LE PRESIDENT FAYE
Le nouveau régime devra s’attaquer aux attentes sont très fortes, surtout de la part de la jeunesse, de manière efficiente et probante pour ne pas décevoir les attentes légitimes des électeurs.
Le plébiscite du Président Bassirou Diomaye Faye ne souffre d’aucune contestation suite aux résultats de l’élection présidentielle de ce 24 mars 2024, en ce sens que, pour la première fois dans l’histoire politique de notre pays, un candidat de l’opposition arrive à remporter aussi nettement la mise, dès le premier tour. Il convient de souligner que les attentes sont très fortes, surtout de la part de la jeunesse, majorité écrasante de la population qui, faute de capture du dividende démographique, est devenue une bombe sociale incontrôlable dont même l’espoir d’un meilleur avenir a disparu durant ces dernières années de gouvernance de l’ex-Président Sall. Car, il est des chiffres qui rappellent à dessein le lourd héritage économique particulièrement mitigé que devront porter les frêles épaules du Président Faye. Le nouveau régime devra s’y attaquer de manière efficiente et probante pour ne pas décevoir les attentes légitimes des électeurs.
En premier lieu donc, il s’agit de la détresse de la jeunesse. En effet, le chômage des jeunes en 12 ans de régime Sall a doublé, officiellement passant de 12% à 24% de la population, sachant le caractère très informel de l’emploi au Sénégal (97% selon les derniers chiffres de l’Ansd). Cette situation décrit très concrètement le mal-être de cette jeunesse qui, dans l’espoir de l’atteinte du mirage de l’eldorado européen, se jette dans les flots de l’océan atlantique ou dans le désert saharien.
Deuxième enjeu crucial à adresser : la facture de l’absence de souveraineté alimentaire, avec des importations de 700 Mia FCFA par an, rien que pour le riz (347 Mia FCFA), le blé (238 Mia FCFA) et l’huile ‘127 Mia FCFA). La pauvreté reste très forte au Sénégal, malgré la réduction de sa prévalence de 53% en 2012 à 47% en 2023, selon les données de la Banque mondiale. Le panier de la ménagère est très dégradé, avec une inflation (importée) de près de 30% et un pouvoir d’achat sinistré, malgré les promesses des retombées du pétrole et du gaz. La fracture sociale est en effet béante dans le Sénégal de 2024, avec un lumpenprolétariat diffus dans tous les segments de la société.
Enfin, troisième enjeu économique du lourd héritage : l’endettement massif. Sur un PIB de 17 000 Mia F CFA à fin 2023, le taux d’endettement est de l’ordre de 13 000 Mia FCFA, soit un ratio de +76%, largement au-dessus de la norme communautaire. Le mirage d’un développement tiré par des infrastructures de prestige, sur fond d’un endettement massif par un financement conditionné lié, a servi d’éperon à cette folle spirale de la dette : Eurobonds, recours quasi systématique au marché financier, etc. Rien que cette année 2024, le service de la dette est de 1 248 Mia FCFA, pour ainsi dire que, cette poussière sous le tapis de la dette risque d’être un véritable goulot d’étranglement pour un revirement stratégique dans le cadrage macro, car cela demande beaucoup de souplesse de la part de nos créanciers, surtout dans ce contexte de hausse du dollar US et de retour de la belligérance entre l’Occident Collectif et le Sud global, pour paraphraser les penseurs de la géopolitique.
Ce trépied d’enjeux, adossés à la future exploitation du pétrole et du gaz, fait des premiers 100 jours du nouveau régime un moment charnière de notre histoire collective. Il est dès lors à souhaiter que la promesse électorale de travailler avec les meilleures compétences d’ici et d’ailleurs ne se fracassera pas à la Realpolitik du pouvoir au Sénégal, pour une réussite du quinquennat.
par René Lake
POUR UN GOUVERNEMENT RÉDUIT SUR LA BASE DE L’HÉRITAGE DE MAMADOU DIA
EXCLUSIF SENEPLUS – Moins de 25 ministres comme recommandé par la CNRI. Une équipe restreinte, expression d’un engagement en faveur d'une gouvernance d'efficience, de responsabilité, d'équité pour être fidèle au Projet de Pastef
Le 7 septembre 1960 marque un tournant historique pour le Sénégal avec la nomination de son premier gouvernement par le président Léopold Sédar Senghor. Sous la direction de Mamadou Dia, ce gouvernement pionnier fut structuré autour de quatorze ministères clés, établissant ainsi les fondations d'une gouvernance efficace et rationnelle.
Ces ministères incluaient :
Ministère des Affaires étrangères
Ministère de la Justice
Ministère de l’Intérieur (chargé provisoirement de la Défense)
Ministère du Plan, du Développement et de la Coopération technique
Ministère des Finances
Ministère de l’Économie rurale
Ministère de l’Éducation nationale
Ministère de la Fonction Publique et du Travail
Ministère de la Santé et des Affaires Sociales
Ministère des Travaux Publics, de l’Habitat et de l’Urbanisme
Ministère des Transports et des Télécommunications
Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation des Cadres
Ministère de la Jeunesse et des Sports
Ministère de l’Information, de la Radiodiffusion et de la Presse
Ce choix reflétait une volonté de concentrer les efforts gouvernementaux sur des axes prioritaires, favorisant ainsi une prise de décision rapide, une meilleure coordination, et une réduction significative des coûts opérationnels.
En limitant le nombre de ministères, Dia cherchait également à combattre le clientélisme politique, en veillant à ce que chaque poste ministériel soit justifié par de véritables besoins administratifs et sociaux.
Dans le sillage de cette tradition de gouvernance réfléchie, Pastef et le nouveau président Diomaye Faye doivent proposer une vision similaire pour le Sénégal contemporain.
En s'engageant à ne pas dépasser un maximum de 25 ministères, conformément aux recommandations de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI), ils aspireront à instaurer une administration efficace, transparente, et résolument tournée vers le service du peuple sénégalais comme suggéré dans leur Projet. Ne pas le faire, serait déjà une première indication d’une forme de reniement.
Un gouvernement réduit s'inscrit dans un contexte où la bonne gouvernance est un pilier essentiel de la démocratie et du développement durable. Elle traduit une ambition de renforcer la confiance entre les citoyens et leurs représentants, de rationaliser l'usage des ressources publiques et d'optimiser la réponse gouvernementale aux enjeux contemporains.
En envisageant un gouvernement restreint mais dynamique, le Sénégal se positionnera comme un modèle de réforme administrative en Afrique et dans le monde. Cette vision héritée de l’époque de Mamadou Dia, au-delà de ce qu’elle symbolise sera l’expression d’un engagement sans faille en faveur d'une gouvernance qui privilégie l'efficience, la responsabilité et l'équité.
Ainsi, en regardant vers l'avenir avec un œil critique sur le passé, le Sénégal continuera de forger un chemin vers une gouvernance de rupture, renouvelée, inspirée par les leçons de l'histoire et animée par une volonté de servir au mieux ses citoyens.
Par Hamidou ANNE
LE CONCLAVE DE SAVANA
Le conclave de Savana : une brève histoire du parti socialiste (L’Harmattan-Sénégal, 2024) offre une vue panoramique sur plus de cinquante ans d’un courant qui a façonné l’histoire politique du Sénégal
Philosophe, romancier, essayiste, Abdoulaye Elimane Kane vient de publier un ouvrage remarquable sur la vie du parti socialiste sénégalais. Le hasard du destin, malicieux comme toujours, fait que ce livre est sorti à quelques encablures d’un scrutin présidentiel qui efface le camp socialiste de la carte électorale du Sénégal. Le conclave de Savana : une brève histoire du parti socialiste (L’Harmattan-Sénégal, 2024) offre une vue panoramique sur plus de cinquante ans d’un courant qui a façonné l’histoire politique du Sénégal. De la scission issue de la Sfio jusqu’au Ps, en passant par le Bds, le Bps et l’Ups, que de chemin parcouru par ce désormais «grand cadavre à la renverse» ! Le Ps a conduit notre pays à l’indépendance sous la houlette d’un leader charismatique. Il a bâti une Nation, un Etat et conçu la République comme synthèse de diverses aspirations et influences avant de passer dans l’opposition le 19 mars 2000 après 40 ans de règne sans partage.
Le livre de Abdoulaye Elimane Kane est essentiel dans ce contexte de confusions et de brouillage des lignes et des pistes idéologiques, et dans un moment de ferveur électorale à la suite du scrutin du 24 mars dernier. Il nous permet de prendre du champ, d’investir encore notre histoire politique dans le long terme et dans une temporalité plus large et plus complexe.
On parle d’alternance concernant ce qui se passe en ce moment. Justement, l’auteur déconstruit le mythe de l’alternance de 2000 et montre avec des références et des exemples précis qu’il y a déjà eu des alternances avant l’arrivée de Wade au pouvoir. Il cite entre autres la fin de l’hégémonie de la Sfio au profit du Bds en 1951 et le changement de cap de 1981 avec l’avènement de Diouf à la faveur de l’article 35 de la Constitution.
Ministre dans le dernier gouvernement de Abdou Diouf, Abdoulaye Elimane Kane revient sur cette période et surtout sur les jours d’après, quand le Ps, vaincu et groggy, devait panser ses plaies dans la douleur des lendemains de défaite. Il évoque avec pudeur et distance le phénomène de la transhumance, les querelles internes, les règlements de comptes et surtout la désignation de Ousmane Tanor Dieng comme responsable de la débâcle. Cette période tendue donne son nom au livre, car le conclave de Savana fut le premier acte d’une réconciliation (de façade ?) pour sauver les meubles dans une formation défaite et obligée de se remettre sur pied et en marche.
Tout en reconnaissant les limites de l’action et la responsabilité de l’ancien Premier secrétaire du PS, le professeur Kane consacre de longues et belles pages à la notion d’opposition républicaine comme choix du Ps en 2000, qui mêlait exigence sur les principes et responsabilité dans la démarche.
Ce choix rétrospectivement est à saluer au regard de la tournure des événements plus de deux décennies plus tard. Le Ps est resté, malgré douze années difficiles en dehors du pouvoir, un parti de gouvernement, même face aux méthodes scabreuses du Pds au pouvoir et aux injonctions de jeunes cadres et militants radicaux.
Acteur au cœur de la vie du parti socialiste qu’il a rejoint en 1990, Abdoulaye Elimane Kane y a assumé plusieurs responsabilités : coordonnateur du Groupe d’études et de réflexion, membre du Bureau politique, secrétaire national, porte-parole, etc. C’est donc de l’intérieur, sans jamais verser dans le déballage ni dans le règlement de comptes, qu’il nous parle de l’histoire de cette formation politique pendant et après l’exercice du pouvoir.
Ce livre arrive à son heure, quand toute la gauche est subitement propulsée dans l’opposition. Il permet d’expliquer certaines difficultés face auxquelles elle a eu à faire front commun entre 2000 et 2024, dans des unités d’actions comme le Front Siggil Senegaal ou ensuite le Benno bokk yaakaar. Ces divergences, qui demeurent tenaces, malgré l’arrivée au pouvoir de libéraux, au sein de la gauche historique - des socialistes aux communistes- est expliquée par l’auteur avec une grande finesse dans l’analyse. Il offre ainsi des clés pour agir collectivement et recoudre les liens afin d’affronter les défis complexes et majeurs à venir au regard de la nouvelle configuration du champ politique.
Le professeur Kane nous dit qu’un autre conclave est possible. Le basculement actuel rend ce propos davantage pertinent et même urgent. Cet ouvrage offre déjà une réflexion sur la table de ceux pensent se relever, penser et agir sur la suite.
Le socialisme démocratique offre une intuition et un cadre pour penser les retrouvailles de l’ensemble de la famille progressiste.
Abdoulaye Elimane Kane enfin consacre de sublimes pages à la mystique qui nécessairement fait penser à Jean Jaurès et aux théoriciens du socialisme. Il fait un emprunt à la mystique socialiste pour panser le Ps et au-delà toute la gauche à l’instar du kintsugi, cet art japonais de la réparation qu’il cite à de nombreuses reprises.
Abdoulaye Elimane Kane dédie cet essai majeur à feu Aboubacry Kane et aux Sages du Ps qui ont agi pour apaiser les cœurs et les esprits dans une période difficile. Il s’agit d’une dédicace qui m’a personnellement touché pour des raisons que l’auteur, s’il venait à me lire, saura décrypter car de génération en génération, nous avons tous bu à la même source du maayo éternel.
Par Pape Ndiaye
DEVANT LE PEUPLE SOUVERAIN, LE PRESIDENT BASSIROU DIOMAYE FAYE VA PRETER SERMENT…
Bassirou Diomaye Faye de « Pastef », cinquième président de la République du Sénégal. Ça y est ! Les Pastefiens et alliés y ont cru jusqu’au bout des dépouillements au bout desquels leur candidat a été élu avec 54,28 % des voix. Et dès le premier tour !
Bassirou Diomaye Faye de « Pastef », cinquième président de la République du Sénégal. Ça y est ! Les Pastefiens et alliés y ont cru jusqu’au bout des dépouillements au bout desquels leur candidat a été élu avec 54,28 % des voix. Et dès le premier tour ! Une victoire confirmée par les résultats définitifs publiés par le Conseil Constitutionnel marquant la fin d’un long processus électoral déclenché par le directeur général des élections (Dge), le général de Police Tanor Thiendella Fall sous la supervision du ministre de l’Intérieur Mouhamadou Macktar Cissé. Une fin de processus ayant deux conséquences institutionnelles : l’installation du nouveau président de République Bassirou Diomaye Faye et le départ du président Macky Sall.
Justement, pour matérialiser cet épilogue, le président élu Bassirou Diomaye Faye va prêter serment ce mardi 02 avril 2024 au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio devant le Conseil constitutionnel pour un nouveau mandat de 5 ans. La cérémonie sera tenue en présence de plusieurs chefs d’État, chefs de gouvernement et éminentes personnalités venues du monde entier mais principalement de la sous-région ouest-africaine.
A l’endroit du peuple souverain, le président Bassirou Diomaye Faye va prononcer la formule qui suit : « Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité territoriale et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ».
Un serment qui sera acté par 21 coups de canon. A cet instant-là, le tout nouveau président de la République Bassirou Diomaye Faye va mesurer la gravité de sa mission et la fierté de son élection à la tête de la magistrature suprême. De même que la responsabilité que le peuple sénégalais lui a confiée en portant son choix sur sa personne pour présider aux destinées de notre pays pendant cinq ans. Car le serment présidentiel est une promesse solennelle de fidélité et de dévouement unissant le président de la République et la Nation sénégalaise. Un serment de nature à restaurer la confiance et le respect réciproques. Parce que, dans une République comme la nôtre, le président nouvellement élu s’engage solennellement à remplir fidèlement ses fonctions de président de la République.
Autrement dit, il s’agit d’une promesse voire d’une parole d’honneur visant à respecter et à défendre la Constitution que le peuple sénégalais s’est librement donné. Et dans ce cadre, le président Bassirou Diomaye Faye sera appelé à consacrer toutes ses forces à résoudre les problèmes des Sénégalais ce qui suppose de réduire la pauvreté, réorganiser les systèmes de santé et de l’éducation et à lutter contre la corruption. De respecter l’agenda électoral républicain en organisant, à échéances régulières et fixes, des élections libres et transparentes. Et surtout, surtout de rendre justice aux nombreuses victimes de l’ancien système. N’est-ce pas Monsieur Bassirou Diomaye Faye ? « Oui, je le jure ! » dira-t-il devant la Nation tout entière heureuse d’avoir un nouveau président de la République.
Par Alpha Amadou SY
DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE : À QUAND LE GRAND BOND EN AVANT ?
Eu égard à son histoire, à sa culture et à ses ressources humaines, ce pays peut nourrir l’ambition de cesser de faire de « la respiration démocratique » une exception d’un jour de vote pour en rythmer le quotidien des citoyens
Selon les vœux du ministre de l’Intérieur, Mouhamadou Makhtar Cissé, le 24 mars a été « un jour de respiration démocratique ». Des efforts conjugués dans une seule et même symphonie des citoyens motivés, des instructions à l’âme républicaine, d’une presse d’un professionnalisme toujours impressionnant et d’une classe politique responsable a résulté un verdict sans appel et sans la moindre contestation. Aussi, l’écrasante majorité des Sénégalais a-t-elle retrouvé le sourire, le rire voire les éclats de rire,
Et pourtant, malgré cette embellie, qui redore intensément le blason si terni du système politique sénégalais, il est très difficile de parler d’avancées démocratiques notoires.
Les différentes péripéties, qui ont caractérisé la situation du pays depuis au moins 2021, ont fini par convertir en référendum la présidentielle de mars 2024. Partant, sans revenir ici sur les considérations déjà formulées dans nos articles précédents, la présidentielle s’est traduite par le dégagisme. Or celui-ci, même s’il est sans pareil pour se défaire d’un prince, il est aussi générateur de deux effets pervers pour la démocratisation.
La première perversion réside dans la focalisation autour du départ, laquelle hypothèque l’organisation des débats sur les programmes. Sous ce rapport, la présidentielle de mars 2024 est une répétition des législatives de 2023. En optant de mener sa campagne par la défense et l’illustration des réalisation infrastructurelles du président Sall, BBY a été fort vulnérable à la stratégie de l’opposition dont le mot d’ordre fera mouche : « Votez massivement, afin de mettre fin au pouvoir en place !»
Dans ce contexte, même AAR (Alternative pour une Assemblée de Rupture), quoique créditée d’une intéressante campagne, n’a eu qu’un seul député. L’explication en est la suivante : cette élection a été le point de cristallisation du vote utile et du vote -sanction.
Pareillement, la présidentielle, tenue dans des conditions les plus rocambolesques, n’offrait pas l’opportunité d’un débat sur les programmes, condition de leur appropriation. Avec une campagne écourtée pour une raison institutionnelle et un candidat libéré pratiquement à une semaine du scrutin, le temps pour convaincre était quasi inexistant. Ainsi, comme lors des législatives, les citoyens ont sanctionné le pouvoir en place. La seconde perversion est que le dégagisme jette l’opacité sur le landerneau politique. Les forces coalisées pour faire triompher le dégagisme, en faisant prévaloir le vote utile, s’interdisent de se compter pour évaluer le poids réel de chaque composante. Ce faisant, avec la stratégie « du marcher ensemble », tant qu’elle est payante, prédomine la fraternité, mais au moindre soubresaut « le marcher séparément » survient avec souvent un déchirement inouï. Ainsi, YAW, dont le coude à coude, au sortir des législatives, préfigurait un séisme politique au cœur de l’hémicycle, avait caressé le rêve d’opposer à la majorité mécanique de la mouvance présidentielle son unité mécanique, a vite déchanté. Sa dynamique unitaire a souffert de la controverse née du dialogue auquel les conviait le président Macky Sall. Cette divergence atteindra son summum avec la décision surprenante du groupe parlementaire PDS de s’allier avec les députés issus de la majorité présidentielle pour accuser le dauphin, choisi par le chef de l’État en personne, de corruption de deux membres du Conseil Constitutionnel.
Force est alors de reconnaitre que cette présidentielle de mars 2024, pas plus que celle de mars 2012, n’atteste d’une avancée significative de la démocratie sénégalaise. Elle est plutôt la défense et l’illustration de l’engagement des Sénégalais à préserver les acquis arrachés de haute lutte à la faveur de la première alternance politique survenue au Sénégal le 19 mars 2000
Il est même loisible de considérer que, sous les trois alternances politiques, les gouvernants n’ont pas su mettre à profit l’importante architecture institutionnelle héritée du président Abdou Diouf. Au contraire, le tripatouillage constitutionnel, la question de la dévolution monarchique du pouvoir et la promotion du clientélisme sous ses formes les plus abjectes ont confiné le système politique dans un état de danse sur place. Le nombre de morts, les peines d’emprisonnement surréalistes, les immenses dégâts matériels et le lourd tribut payé par la presse restent suffisamment révélateurs du fait que les « biens immatériels » ont constitué le ventre mou de la gestion du Sénégal par les pouvoirs issus des alternances politiques. Aujourd’hui, la sérénité avec laquelle les citoyens-électeurs se sont acquittés de leur devoir confirme la pertinence de la thèse selon laquelle les Sénégalais sont en avance sur leur classe politique. Aussi revient-il au pouvoir et à l’opposition politique de combler ce retard en faisant du coup réaliser à la démocratie un bon en avant.
Avec ce nouveau défi, il serait rassurant de se rendre compte que la bourrasque, qui a emporté les terribles accusations d’atteinte à la sécurité de l’État du Sénégal, n’a pas drainé sous son sillage les dossiers ayant trait au soupçon de détournements des deniers publics. Et s’il est vrai qu’il faut du temps pour avoir droit à des reformes substantielles, il reste que le nouveau peut, à moindre frais, lancé des signaux forts
Participeraient de ces initiatives immédiates, la réduction du train de vie de l’État, la protection des ressources naturelles et la promotion du consommer local. L’interdiction du sponsoring politique qui oblige les ministres et Directeurs à user de deniers du contribuable pour entretenir la clientèle politique feraient partie de ces signaux. le nouveau serait aussi bien inspirée en préconisant cette pratique bien connue des Ivoiriens : inviter les ministres à séjourner chaque week-end chez eux. Ce faisant, ils ne se déconnecteront pas du quotidien de leurs électeurs. En outre, ce séjour les inciterait à améliorer le cadre de vie de leur terroir où ils ne s’y rendent en général qu’à l’occasion des décès et des meetings politiques. La perspective est d’autant plus intéressante que le travail en ligne et la desserte par voie aérienne de certaines localités du Sénégal militent en sa faveur.
En tout état des cause, l’espoir suscité est tel que tout dévoiement pourrait faire le lit de courants politiques aux finalités les plus regrettables.
Dans cette quête de l’amélioration qualitative du système politique, l’opposition est, elle aussi, à interpeller. Alors que, en bonne démocratie, les opposants s’inscrivent dans le double axe de l’amélioration qualitative des condition de vie des citoyens et de la consolidation de l’État de droit, au Sénégal ces derniers marchent sur une jambe, la lutte pour le pouvoir. Et pour cause, les manifestations contre le pouvoir ne réussissent le plus souvent que quand elles sont interdites !
Par ailleurs, tout étant conscient que, en démocratie, aucun acquis n’est irréversible, l’opposition politique ferait avancer la démocratie en cessant de se focaliser sur la question de la fiabilité du fichier électoral et de la disqualification du ministre de l’Intérieur pour l’organisation des élections.
Pour rappel, le soupçon sur la fiabilité du fichier avait amené l’opposition politique à boycotter les législatives de 2007. Pourtant, c’est pratiquement le même document qui sera utilisé lors des législatives de 2009. Et le revers électoral subi par le PDS avait préfiguré le déclin fatal du pouvoir libéral. Enfin, au regard des enseignements de cette présidentielle, la contestation du fichier électoral peut-elle continuer à polluer l’espace politique ?
Dans le même esprit, un regard plus circonspect sur la question du parrainage est nécessaire. Le principe de la participation inclusive ne doit pas déboucher sur un nombre surréaliste de candidats. Hormis les coups financiers aux frais du contribuable, il y va de la qualité de l’écoute citoyenne que requiert le vote. Le Sénégal compte suffisamment de compétences capables de soumettre à la classe politique des solutions à cette délicate équation.
Finalement, débordant le jour de vote, le Sénégal profite de conditions exceptionnelles d’une très bonne « respiration démocratique ». Seulement, eu égard à son histoire, à sa culture et à ses ressources humaines, ce pays peut nourrir l’ambition de cesser de faire de « la respiration démocratique » une exception d’un jour de vote pour en rythmer le quotidien des citoyens.
Une telle utopie tient sa positivité en ce qu’elle incite chacune et chacun à ne ménager aucun effort pour le développement du Sénégal. Car d’une économe de rente ne peut que résulter des perversions démocratiques, conséquences de la faiblesse des forces sociales censées animer le jeu démocratique. Dès lors, l’urgence est de créer les conditions pour enclencher des dynamiques à même de faire émerger de grands agriculteurs et des capitaines d’industries.
Cette perspective est solidaire d’un engagement conséquent pour diffuser les lumières et promouvoir les sciences et tous les arts, y compris la comédie intelligente. Le succès de cette option politique reste fondamentalement tributaire de la valorisation des langues nationales, du patrimoine culturel et de tout ce que l’humanité a créé de meilleur au cours de sa longue et tumultueuse histoire. Alors, l’instruction civique, une fois mise à contribution, permettra chaque citoyen de faire prévaloir une subjectivité pleine et entière l’autorisant à être électeur et/ou éligible
Par Vieux SAVANÉ
L’ANTISYSTÈME FACE À LUI-MÊME
« France Dégage ». « A bas l’impérialisme ». « A bas le néocolonialisme », etc. Si mobilisateurs qu’ils soient, les slogans même dopés par la puissance performative qu’on semble leur prêter, n’ont en effet aucunement vocation à transformer le réel
Suite à sa prestation de serment aujourd’hui, mardi 2 avril, devant le Conseil constitutionnel et des homologues de l’espace CEDEAO et de la Mauritanie, il est attendu de Bassirou Diomaye Faye, président nouvellement élu, qu’il porte sans tarder l’ambition de faire avancer le Sénégal, et par ricochet le continent, en rectifiant certains errements qui ont cours aux plans politique, économique, culturel et social.
Il doit avoir à cœur de le transformer au mieux, en y injectant un possible adossé à la valeur travail, à l’éthique, à l’engagement, au don de soi, à la volonté de servir sa communauté.
Avec un pays fort de quelque 75% de jeunes, continuer de comptabiliser des rêves d’avenir de centaines voire de milliers de filles et de garçons engloutis dans les profondeurs océanes, calcinés par le brûlant soleil du désert, interroge forcément sur le mode de gouvernance. Surtout qu’au bout de leur témérité, scintille l’urgence de s’en sortir. A croire d’ailleurs que pour une bonne frange d’entre elle, céder à de telles pulsions suicidogènes est l’expression subliminale du besoin de voir la politique ne pas s’abîmer à capter les ressources nationales à des fins personnelles, familiales et claniques.
Sans ergoter sur les engagements déclinés dans le projet « Pastefien » et repris lors de la campagne électorale, il convient de rappeler que la parole donnée, après avoir été fortement malmenée par le « wax-waxeet » de Wade et décrédibilisée sous Sall par une plurivocité qui en dilue le sens, mérite de retrouver sa sacralité, en l’occurrence l’univocité qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Dans cette perspective, l’antisystème tant chantée est la mise sur orbite d’un président de la République qui ne pense pas à sa réélection et organise sa mandature autour de la Souveraineté, à savoir une prise en main de soi par soi. Il consiste aussi à veiller au bon fonctionnement des institutions en respectant les prérogatives de chacune d’entre elles et à se donner les moyens de son indépendance. Loin d’être déclamatoire, la Souveraineté dont il est fait cas ne saurait être figée dans des slogans, fussent-ils les plus disruptifs. « France Dégage ». « A bas l’impérialisme ». « A bas le néocolonialisme », etc. Si mobilisateurs qu’ils soient, les slogans même dopés par la puissance performative qu’on semble leur prêter, n’ont en effet aucunement vocation à transformer le réel. Prise en main de soi par soi, la Souveraineté incite au contraire à se doter des moyens de son indépendance autour d’une vision soucieuse de se mettre au service des besoins et des attentes des populations
Un préalable toutefois : savoir rompre avec des pratiques endogènes, négatives voire corruptogènes, organisées autour d’un narratif intériorisé par une grande majorité de nos compatriotes. Ce qui fait dire àIbrahima Thioub qu’« il suffit que vous soyez nommé à un poste ou que vous accédiez à une position de pouvoir quelconque pour qu’on vous submerge de félicitations et qu’on s’attende en retour à ce que vous en profitiez pour vous enrichir et procéder à une redistribution » (in Sud quotidien . Mars 2014). Et de souligner que « cette conception du pouvoir qui accouple prédation et clientélisme a profondément pénétré nos sociétés » (ibidem). Ce que fustige d’ailleurs la jeunesse lorsqu’elle se désole du « toog muy dox » (s’enrichir à ne rien faire)
En réalité, il n’est pas demandé l’insurmontable au président Bassirou Diomaye Faye, sinon d’inaugurer une nouvelle aube qui s’illumine dans le travail bien fait. A défaut d’avoir réussi à mettre en place le Sénégal de nos rêves, il est maintenant question de faire la place à toute une énergie souterraine qui se déploie loin du clinquant médiatique, dans des domaines aussi divers et variés que les finances, l’agriculture, les services, les sciences et techniques.
Durant la pandémie de la Covid 19 les médias avaient ainsi relayé moult innovations propulsées par une jeunesse pétrie de talents sans que les pouvoirs publics ne capitalisent sur cela. Aussi, face à cette jeunesse désabusée, mue par une forte défiance, essayant vaille que vaille de s’en sortir, il convient justement de lui redonner confiance en réconciliant la politique avec son sens étymologique, à savoir se mettre au service de la cité. Pressés par un présent entêtant, les jeunes ne se projettent pas dans le futur et ne sont nullement nostalgiques d’un âge d’or révolu qu’ils n’ont pas connu. Ils se retrouvent plutôt dans le désir brûlant de se réaliser. Désir de boulot. Désir d’équité. Désir d’excellence. Désir de justice sociale, économique. Désir d’une République qui couve ses enfants de la même manière en leur offrant les mêmes opportunités.
Il est donc attendu de Bassirou Diomaye Faye qu’il ne se laisse pas happer par les signes extérieurs du pouvoir tel qu’il se donne à travers des voitures de luxe construites autour de longs cortèges qui désertent les bureaux, perturbent la circulation des personnes. Déjà, pour l’avenue Léopold Sédar Senghor dont le trottoir longeant le palais présidentiel a été confisqué de manière disproportionnée, pour la sécurité d’une seule personne, il est attendu qu’elle se libère. Ce faisant, le palais redeviendra cette maison où le citoyen lambda peut s’arrêter pour admirer à travers les barreaux son imposante façade, ses beaux jardins. Se promener librement et prendre des photos avec les gardes rouges tout autant que les touristes, sous le regard vigilant des gendarmes en charge de la sécurité. Ce qui est encore attendu c’est qu’on torde le cou à l’ « heure sénégalaise », cette drôle d’incongruité pour dire le laxisme, le laisser aller, contrairement à la ponctualité, l’ordre et la discipline, gages de performance et de sérieux. Certes il n’est question que de la partie lilliputienne de l’iceberg puisqu’il est des problèmes autrement plus importants déclinés sous les tons, ayant trait à l’emploi, à la reddition des comptes, à la refondation des institutions, etc.
Seulement voilà, parce que le diable est dans le détail, il faut précisément être regardant par rapport aux insignifiances qui changent la vie. Et il en est tant d’autres. Aussi, au-delà d’une vigilance tatillonne, la rupture attendue est-elle de voir le président Bassirou Diomaye Faye déjouer les pièges qui aspirent, avalent et enferment à bas bruit dans le « pouvoirisme », en épousant une posture, un état d’esprit capables de faire front.
Par Emile Victor Coly
LES FEUILLETONS POLITIQUES CRÉÉS POUR LA CONSERVATION DU POUVOIR
Le Sénégal, une démocratie majeure - devant la montée en puissance du leader incontesté de l’opposition sénégalaise, le régime de Macky Sall a tout fait pour barrer la route à son ascension politique et sociale – ce dernier étant considéré comme un messie
Depuis 2021, le Sénégal a connu des périodes sombres de son histoire politique avec la «série Ousmane Sonko». En effet, devant la montée en puissance du leader incontesté de l’opposition sénégalaise, le régime de Macky Sall a tout fait pour barrer la route à son ascension politique et sociale – ce dernier étant considéré comme un messie par la jeunesse.
Le «feuilleton Adji Sarr» avait fini de convaincre le peuple sénégalais que c’était une machination orchestrée et entretenue par le régime en place
S’en est suivi le «feuilleton Mame Mbaye Niang» qui devait ferrer plus facilement le leader de l’opposition, pour in fine, l’empêcher d’être candidat à l’élection présidentielle de 2024. C’était sans compter avec le génie politique de Sonko et de ses camarades qui ont, malgré l’emprisonnement de ce dernier, réussi à dribbler le pouvoir en proposant une multitude de candidatures dont celle de Bassirou Diomaye Faye, lui-même incarcéré.
Les manifestations politiques de 2021 à 2024 ont occasionné des dizaines de morts. Le climat politique devenait de plus en plus délétère, surtout après le coup fourré des parlementaires de la coalition Wallu Sénégal encouragés par certains de leurs collègues de la majorité présidentielle. Ces derniers souhaitaient mettre sur pied une commission parlementaire pour enquêter sur un soi-disant soupçon de corruption de membres du Conseil constitutionnel. Le but visé était de retarder, voire reporter l’élection présidentielle fixée au 25 février dernier et l’inscrire aux calendes grecques. Le président Sall a ensuite initié un dialogue largement boycotté par l’opposition significative.
LE REFUS DES INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE D’ETRE MANIPULEES
Cependant, les conclusions du dialogue ont permis d’élargir de prison bon nombre de militants de Pastef, parmi lesquels le leader Ousmane Sonko et son adjoint Bassirou Diomaye Faye, candidat de Sonko inéligible, un tandem « Diomaye Mooy Sonko ». Entre-temps, le Conseil constitutionnel avait fermement demandé au chef de l’Etat d’organiser l’élection présidentielle non pas en juin 2024, mais dans les meilleurs délais, finalement le 24 mars 2024
De son côté, la Cour suprême a conforté les décisions du Conseil constitutionnel, rejetant ainsi la requête de la coalition Wallu Sénégal demandant l’annulation du décret fixant la date du scrutin au 24 mars 2024.
Nous profitons de l’occasion pour féliciter les membres du Conseil constitutionnel, ainsi que ceux de la Cour suprême, d’avoir permis au Sénégal d’être un Etat debout. Ces juges ne pouvaient pas faire moins que leurs prédécesseurs, à l’image du Président Kéba Mbaye – paix à son âme.
LA MOBILISATION DU PEUPLE SENEGALAIS POUR IMPOSER SON DESIR DE CHANGEMENT
Tout le monde est témoin du climat apaisé qui a entouré le scrutin du 24 mars dernier. Les sénégalais, debout comme un seul homme, sont allés voter, sans bruit, mais déterminés à bouter dehors ce régime qui avait fini de piétiner les libertés les plus élémentaires d’une démocratie.
Au soir du 24 mars 2024, après le décompte des voix au niveau des premières localités, une tendance lourde se dessinait en faveur du poulain d’Ousmane Sonko. À 23 heures, la messe était dite malgré le scepticisme de certains leaders du parti présidentiel. Même Amadou Ba, le protagoniste de Bassirou Diomaye Faye, pensait certainement aller au 2nd tour. C’est le lundi 25 février vers 16h00 qu’il s’est décidé à féliciter son adversaire. Geste éloquent !
En votant pour le changement, le peuple sénégalais a souhaité un nouvel ordre de gouvernance et un nouvel ordre moral. Cela m’a rappelé les paroles fortes du Président Mamadou Dia qui, après son élargissement de prison, a sillonné le pays pour sensibiliser les populations sur cette nécessité de changement et surtout sur l’impérieuse nécessité de remodeler l’Homo Senegalensis pour pouvoir aller résolument vers le développement.
En effet, ce qui nous empêche d’emprunter la route de l’émergence, c’est que la plupart de nos politiques ne gèrent que leurs intérêts personnels et ceux de leurs clans. Cette élection présidentielle va permettre d’envoyer à la retraite bon nombre de politiciens déjà très âgés, mais en majorité peu soucieux du bienêtre des populations. Le peuple sénégalais a fait montre d’une maturité politique sans égal afin de prendre son destin en main. Il a compris qu’il n’y a pas d’hommes providentiels.
LES CHANTIERS DU NOUVEAU REGIME
L’élection présidentielle est maintenant derrière nous. Le peuple met Pastef devant ses responsabilités et est prêt à sévir dès la prochaine élection, en cas de manquements. En effet, le peuple souhaite que Pastef gouverne seul avec sa coalition. En aucun cas il n’acceptera l’idée d’un gouvernement d’union nationale qui n’est nullement justifié, car les résultats du scrutin sont éloquents. Aussi, ne va-t-on pas repêcher des malfrats de l’ancien régime pour les caser dans le prochain gouvernement ou à des postes stratégiques. Les membres du prochain gouvernement devront être irréprochables. Pas une minute de répit. Donc, il faudra faire focus sur les urgences. Il s’agira dans un premier temps d’opérer des économies sur certaines lignes pour en subventionner d’autres. Sans être exhaustif, on peut rappeler la nécessité de :
1. Réduire la taille du gouvernement et le train de vie dispendieux de l’Etat.
2. Veiller à une bonne lisibilité du budget de l’Etat (toutes les dépenses doivent être clairement affichées).
3. Réduire le prix des denrées de première nécessité en vue de soulager les populations.
4. Engager une large campagne de sensibilisation et d’écoute pour une meilleure lisibilité et une appropriation du Programme Pastef par les populations.
5. Vu toutes les récriminations soulevées lors du déroulement du processus électoral, le Chef de l’Etat élu pourrait initier un vrai dialogue national après son installation afin d’arriver à une réconciliation véritable. Ce dernier pourrait parfaire la constitution pour régler entres autres, les questions liées à l’indépendance de la justice et l’hyper-présidentialisme qui risque de faire éclater un jour la cohésion nationale et le bon vivre ensemble. Il faudra également engager une réflexion sur la nécessité de réformer certaines institutions comme le Haut Conseil du dialogue social, le Conseil économique social et environnemental, le Haut conseil des collectivités territoriales, entres autres.
6. Prévoir dans les meilleurs délais d’organiser des élections législatives en vue d’asseoir une majorité permettant de dérouler le programme Pastef.
7. Bannir définitivement le phénomène de transhumance de nos pratiques politiques et refuser les passe-droits et autres trafics d’influence, car tous les citoyens sont égaux devant la Loi.
8. Poser sans précipitation et sans a priori un regard particulier sur les derniers actes (nominations et autres) posés par le président sortant qui défient toute logique, ainsi que sur les contrats de concession sur les ressources naturelles.