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24 novembre 2024
Opinions
Par Pathé NDOYE
L’ACCIDENTOLOGIE DES POIDS-LOURDS EN QUESTION
Les nombreuses vies laissées sur la route défrayent la chronique et hantent la nuit des Sénégalais. Quelles en sont les causes ? Quelles mesures envisagées pour atténuer ce fléau faute de pouvoir l’éradiquer pour de bon. Avis d’un expert !
Les nombreuses vies laissées sur la route défrayent la chronique et hantent la nuit des Sénégalais. Quelles en sont les causes ? Quelles mesures envisagées pour atténuer ce fléau faute de pouvoir l’éradiquer pour de bon. Avis d’un expert !
Dans le monde, les accidents de la route tuent environ 1,3 million de personnes chaque année, soit plus d’une personne toutes les deux minutes. Plus de 90 % de ces décès ont lieu dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Ce phénomène, qui représente la deuxième cause de mortalité pour la tranche d'âge 5-29 ans et la troisième pour celle des 30-44 ans, touche essentiellement des jeunes adultes à 73 % masculins.
Si aucune mesure efficace n’est prise immédiatement, les experts de l’OMS estiment, dans le Plan mondial de la Décennie d’action pour la sécurité routière 2021-2030, que les accidents de la circulation entraineront 2,4 millions de décès par an, devenant ainsi la cinquième grande cause de mortalité dans le monde.
Le Sénégal, à l’instar d’autres pays, est confronté au phénomène de l’insécurité routière. Pour preuve, plus de 700 décès sont enregistrés par an sur les routes avec des conséquences économiques et socioculturelles impactant les politiques de développement durable du pays. Selon les statistiques de l’OMS sur les accidents routiers en 2021, le Sénégal fait partie des pays dont le taux de mortalité sur les routes reste le plus élevé avec 21 décès pour 100.000 habitants contre une moyenne de 15 dans le monde et 19,4 en Afrique avec 11,6 au Rwanda. Pour ce même indicateur, l’Europe enregistre 6,7 décès pour 100.000 habitants avec 4,7 en France et 2,4 en Suisse. Entre 2021 et 2024, cet indicateur n'a cessé de se dégrader.
Au Sénégal, plus de 40 décès, à la suite d’accidents routiers, sont comptabilisés durant ces quatre derniers mois :
- 29 juillet 2024 : 12 morts à Kébémer, à la suite d’une collision entre un minibus et un camion ;
- 25 juillet 2024 : 06 morts à Ndouloumadji, à la suite d’une collision entre un minibus et un camion ;
- 17 juin 2024 : 08 morts lors des départs liés à la célébration de la fête de Tabaski sans compter les accidents sur les trajets de retour ;
- 25 avril 2024 : 14 morts à Kounghuel, à la suite d’un renversement de bus en surcharge de passagers.
Pourtant, les statistiques existent, le diagnostic de ce phénomène a été fait et les principales causes sont connues mais la fréquence des accidents de la route semble défiée les autorités en charge du transport et de la sécurité routière.
Outre la tragédie humaine, les accidents de la route enferment les pays dans un cercle vicieux de pauvreté. Selon la Banque mondiale, le coût des accidents de la route représente 8 % du PIB annuel du Sénégal (7,8 % de celui de la Côte d'Ivoire)
La recrudescence des accidents impliquant des poids lourds (PL) au Sénégal devient de plus en plus inquiétante en raison des impacts socio-économiques qui se déclinent en termes de pertes de vie humaine, de dégâts matériels importants, etc.
Dès lors, cette situation interpelle tout un chacun dans la double perspective de l’analyse et de la recherche de solutions. Les causes de ces accidents sont certes multiples, mais, pour l’essentiel, sont à retenir au regard de leur récurrence :
• les facteurs humains à l'origine de la majorité des accidents PL (plus de 90% des cas enregistrés) : incompréhension ou non-respect du code de la route, somnolence, mauvaise répartition du chargement, dépassement des limites de charges autorisées, défaut de maitrise du véhicule, accumulation de fatigue, absence de feux de circulation, conduite en état d’ivresse, téléphone au volant, non port de la ceinture de sécurité, etc.
• les facteurs matériels, notamment les défaillances techniques qui conduisent inévitablement aux accidents graves (plus de 7% des accidents) : éclatements de pneumatiques généralement usés, défaut du système hydraulique de freinage, panne subite des organes, etc.
• les facteurs liés à infrastructure (+2%) tels que la conception, la construction et la qualité d’entretien de la voie: nids de poules sur la chaussée, absence d'équipements de sécurité (signalisation horizontale et verticale, dispositifs de retenue), problème de géométrie de la route (manque de visibilité, pentes transversales inversées, largeur de voirie insuffisante dans les virages, etc.), etc.
• les autres facteurs, relatifs aux conditions météorologiques et phénomènes exogènes, totalisent : moins de 1% des accidents : animal errant sur la route, piétons distraits, etc. Il ressort de l'analyse de ces facteurs :
• un problème du niveau de formation des apprenants à la conduite des poids-lourds formés sur le tas sans certification reconnue. Cette situation découle principalement de la cherté des coûts de formation, de la rareté des structures de formation agréées et des moniteurs d’auto-écoles non expérimentés, etc.
• l’enseignement du code de la route dispensé le plus souvent à des concitoyens pas ou insuffisamment alphabétisés. Ce faisant, il est essentiellement centré sur l’apprentissage des panneaux de signalisation au détriment de la sensibilisation sur la responsabilité des conducteurs et les dangers inhérents au non-respect des règles de sécurité.
• le manque de rigueur à la délivrance des permis de conduire poids-lourds dont la refonte des process d’évaluation devient urgente. Il s’y ajoute que les conditions d'attribution des certificats de visite technique encouragent la circulation d'épaves roulantes exposant dangereusement l'intégrité physique des usagers et des riverains de la route. Plus de 30% des véhicules en circulation n’effectue pas le contrôle technique. Aussi, un certificat de contrôle technique, valide en un temps, ne l’est pas forcément pendant tout le reste de l’année.
• l’insuffisance des contrôles réglementaires : nous croisons fréquemment sur la route des poids-lourds en infraction (défaut de chargement, niveau de vétusté inquiétant, remorque déséquilibrée, etc.) ayant dépassé des postes de contrôle.
Pourtant, en cas de verbalisation à la suite d’une infraction (surcharge, mauvaise répartition des marchandises, feux défectueux, etc.), le conducteur a tendance à poursuivre son trajet avec le véhicule en état d’infraction après s’être acquitté de l’amande.
Pour limiter ce fléau dévastateur, la situation actuelle nécessite forcément, de la part des usagers de la route, l’acquisition et l’adoption d’un comportement civique. Dans cet esprit, ces mesures ci-dessous sont très fortement recommandées:
− régulation et suivi des autoécoles pour l’encadrement de la formation des apprenants à la conduite;
− durcissement des conditions d’attribution du certificat de visite technique et du permis pour les poids- lourds, en sanctionnant, avec toute la rigueur requise, tout un passe-droit ;
− augmentation de la fréquence des contrôles de la régularité administrative (permis, assurance, certificat de contrôles technique, etc.), de l’état des véhicules (pneumatiques, freins, feux, etc.) et des écarts de comportement (tests d’alcoolémie, de prise de substance inappropriées pour la conduite, etc.) ;
− attention plus soutenue vis-à-vis de la politique de renouvellement du parc national de poids-lourds pour éradiquer la circulation des véhicules en état d’épave ;
− professionnalisation du secteur de la mécanique automobile de poids-lourds et appui à l’installation d’entreprises de vente de pièces détachées certifiées et de réparation mécanique avec des technologies de diagnostic avancées ;
− formalisation des contrats de travail des conducteurs de Poids-lourds avec la mise en place d’un système de protection sociale garantissant de bonnes conditions de travail et permettant d’éviter aux chauffeurs âgés d’emprunter les routes pour subvenir aux besoins primaires;
− l’implantation d’aires de services sur les axes routiers privilégiés par les conducteurs de Poids-lourds. Ces aménagements doivent offrir toutes les commodités aux acteurs de la route pour leur permettre de poursuivre leur trajet dans de bonnes conditions (salles de repos ou de détente, baies d’entretien et de réparation, point de restauration, etc.).
Ces mesures devraient être prises en urgence, afin de lutter de façon durable contre la recrudescence des accidents de circulation des poids – lourds fort coûteux pour le Sénégal.
Sur les moyen et long termes, il sera nécessaire de revoir la stratégie de transport des marchandises. Cette revue devra privilégier la réalisation de lignes ferroviaires de fret reliant les ports existants et les divers points de distribution du territoire national. Ces infrastructures ferroviaires, pour être efficaces requièrent l’implantation de plateformes logistiques au niveau des gares stratégiques. Sur le plan financier, des économies importantes pourront être comptabilisées car le trafic de marchandises par voie routière coûte trois fois plus cher que par voie ferroviaire.
par Samba Buri Mboup
CONTRIBUTION AU DÉBAT SUR LE PANAFRICANISME COMME IDÉOLOGIE-DOCTRINE POUR LA RENAISSANCE AFRICAINE
Examen critique certains éléments soulevés par Félix Atchadé dans sa réflexion sur le panafricanisme, notamment le caractère historique plus large de ce mouvement
Cette réaction à l’article intéressant de Félix Atchadé, publié le 8 juillet dans les colonnes du quotidien YoorYoor est une contribution citoyenne au débat sur le panafricanisme ; il a été écrit par simple souci didactique à l’endroit de ces valeureuses cohortes de jeunes Africains et Sénégalais patriotes ayant contribué pour beaucoup au changement politique en cours dans notre pays. À l’endroit de cette jeunesse parfois en mal de repères historiques, culturels ou théoriques, notre rôle en tant qu’ainé(e)s est de les aider autant que nous pourrons, à combler les manques et vides constatés sur ce plan, afin de mieux les armer à remplir leur noble, élevée, difficile mission de parachever ou tout au moins de faire progresser de manière significative le combat pour la libération, l’unification, la souveraineté de l’Afrique et des Africains – « ceux/celles à la maison et ceux/celles à l’étranger », pour reprendre une formule chère à Marcus Garvey, pour l’avènement d’une ère durable de dignité recouvrée, de prospérité, d’équité, de justice, de paix pour tous/toutes, ce en restant ancrés à nous-mêmes et dans le respect de notre environnement.
Ce souci didactique me semble, du reste, partagé par Félix Atchadé, dont le moindre des mérites n’a pas été, entre autres : 1. de rappeler les conditions difficiles ainsi que le contenu, la signification, la portée du changement intervenu au Sénégal et en Afrique avec l’élection à la magistrature suprême du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, en tant qu’expression d’une « véritable révolution citoyenne, marquant une rupture décisive avec le passé et ouvrant la voie à un avenir plus juste » ;
2. de clarifier le rôle joué dans ce processus de changement par le Panafricanisme comme doctrine ayant permis de cibler les principaux objectifs, de définir et d’acter les modalités du changement en question ;
3. Tout en s’orientant sur « les valeurs de solidarité, d’unité et d’auto-détermination africaines » porteuses de « la vision d’une Afrique unie et prospère, libérée des contraintes néocoloniales ».
À mon avis, on pourrait également retenir :
4. l’alternance générationnelle opérée au niveau du leadership (et qui n’est pas réductible à une question d’âge stricto sensu) ; en sus
5. du souffle de fraîcheur dans le renouvellement de la culture organisationnelle ; et 6. de la maturité politique dont a fait montre notre peuple, son adhésion à des degrés divers, selon diverses modalités, à un projet politique qu’il comprend, qui lui ressemble ; avec 7. l’espoir que ce qui se passe chez nous a suscité et continue de susciter en Afrique et au-delà.
Cela dit, je souhaiterais revenir sur quelques inexactitudes voire des erreurs décelables dans le texte de Dr Atchadé, ainsi que sur un certain nombre d’assertions me paraissant discutables pour une raison ou une autre. Je commencerai par discuter la pertinence de l’assertion de Félix Atchadé concernant ce qu’il appelle « Le panafricanisme de Gauche » proposé comme « théorie révolutionnaire » pour le processus de changement intervenu récemment au Sénégal, notamment pour la vision politique sous-jacente à ce processus et au projet de société que Pastef, ses principaux leaders dont le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko entendent construire, avec le soutien des autres forces et protagonistes du changement en question.
Premièrement – je l’ai dit sur d’autres plateformes – non seulement je ne me retrouve pas dans ces dénominations de « Gauche », « Droite », « Centre » etc. venues d’ailleurs, et qui ne me semblent pas être d’une grande pertinence dans notre contexte socio-culturel sénégalais-africain, même si des leaders respectables des combats de notre peuple pour la liberté, la justice, le progrès social s’en sont réclamés. Je ne me souviens pas non plus – mon information ou ma mémoire pouvant être déficientes - d’avoir jamais entendu les dirigeants ou militants de Pastef se définir comme « panafricanistes de Gauche ».
Par contre, je me souviens avec amusement de la gêne manifestée une fois par un de mes amis tribun hors pair, communicateur avéré et qui est aussi l’un des adeptes et théoriciens avisés du « panafricanisme de Gauche », lorsqu’il a voulu s’essayer, lors d’une de ses interventions publiques, à la traduction en Walaf de ce concept à son auditoire ; finissant d’ailleurs par y renoncer, en réalisant le caractère ardu et surtout, les risques d’incongruité de son exercice de traduction, en rapport avec la gêne que sa traduction aurait pu causer au sein de son auditoire, pour des raisons propres au contexte socio-culturel sénégalais-africain de sa prise de parole publique…
Deuxièmement, à l’exception des protagonistes et leaders de la Révolution Tooroodo [graphie correcte] dans le Fouta sénégalais tel Abdel Kader Kane, les références citées par l’auteur comme repères historiques dans l’élaboration des théories du changement sont, pour l’essentiel, des auteurs occidentaux : Karl Marx, Anna Arendt, John Locke, Rousseau, Montesquieu dont certains contemporains du Siècle dit des Lumières, et dont la pensée est empreinte de nationalisme et/ou de racisme. Pour illustrer le contenu révolutionnaire, la portée opératoire de la pensée des auteurs occidentaux susmentionnés, Dr Atchadé cite des expériences de révolutions qui s’en sont inspirées, à l’instar de « la Révolution américaine, la Révolution française et la Révolution russe ».
Troisièmement, ce que l’auteur appelle le « panafricanisme identitaire et culturel » qui se concentre sur « la Renaissance culturelle » est présenté dans le même article comme une forme de panafricanisme moins pertinente, moins significative, plus limitée dans ses buts et ses exigences, et par conséquent, dotée d’une moindre capacité opérationnelle de transformation sociale et politique, pour ce qui concerne la prise en compte des besoins, des intérêts, des aspirations de l’Afrique et des Africains.
La tendance à accorder sans le recul critique nécessaire, certain crédit voire à privilégier des références et sources venues d’ailleurs notamment des sources occidentales empreintes à un degré ou un autre d’eurocentrisme, peut nous exposer au risque de tomber dans certains pièges voire nous mener à des errements au plan épistémologique et théorique auxquels l’auteur de l’article n’échappe pas toujours dans son propos et dans le traitement de faits cités ou évoqués à l’appui de ses thèses ou analyses. Pour ce qui concerne, par exemple, les références aux Révolutions française et américaine, je me bornerai à rappeler en substance, ce que j’en ai dit dans certains de mes travaux et publications, y compris lors d’un récent forum de dialogue avec la jeunesse organisé par l’Institut Mandela pour les Études de Développement (Mandela Institute for Development Studies/MINDS) de Johannesburg ; forum au cours duquel j’ai eu le privilège d’intervenir comme orateur principal (keynote speaker), et où fut largement débattue la récente alternance ou alternative politique survenue dans notre pays.
Qu’il s’agisse de l’expérience française de 1789, du modèle américain établi après la guerre d’Indépendance ou de la démocratie athénienne, il est indéniable que ce qui s’y est passé a été le résultat de luttes politiques et sociales dotées d’un contenu révolutionnaire et d’une portée historique incontestable. Néanmoins, chacune de ces expériences historiques présentées comme modèles de « démocratie à l’Occidentale » comporte des limites que nous gagnerions à mieux cerner en tant que panafricanistes. Par exemple, pour ce qui est du principe de « l’égalité entre tous », il faut rappeler qu’en réalité, dans le contexte de la France ou de l’Amérique en question, il s’agit essentiellement sinon exclusivement d’une égalité civile, et non point économique, sociale ou raciale. Autre fait marquant : ceux dont la devise était Liberté-Égalité-Fraternité sont les mêmes qui avaient tenté de rétablir l'esclavage dans la Caraïbe y compris dans la République Noire Indépendante d'Haïti, dont l'existence fut solennellement proclamée a Gonaïves le 1er janvier 1804, suite à la brillante victoire de l’armée de libération nationale dirigée par le général Jean-Jacques Dessalines, avec le soutien de toutes les forces militaires patriotiques mobilisées lors de la bataille de Vertières, le 18 novembre 1803, et qui a abouti à la capitulation du général français Rochambeau.
Toutefois, les premiers moments de l’existence de la jeune nation haïtienne sont loin d’avoir été un long fleuve au cours tranquille, pour avoir eu, notamment, à faire les frais de la Loi du plus fort, en l’occurrence celle d’une France esclavagiste impénitente, pourtant considérée par beaucoup – ce jusqu’à présent - comme “Patrie des Droits humains”. Pour ainsi dire, après l'indépendance d'Haïti, les colons français ont exigé des Réparations en invoquant le « préjudice » que leur faisait subir “la liberté nouvelle conquise par les esclaves”. En 1825, Charles X a donc envoyé une flotte de guerre de 14 navires. Pour éviter que son peuple ne retombât en esclavage, le président Boyer a dû alors se résoudre à « accepter » de payer un « tribut » de 150 millions de Francs-or imposé par la France : montant ramené ensuite à 90 millions (ce qui équivaudrait à environ 30 milliards € aujourd’hui) ; le peuple haïtien ayant dû s'endetter jusqu'en 1946 pour payer cette somme.
Au même forum, j’avais aussi réitéré mes réserves concernant une autre expérience de « démocratie à l’Occidentale » : le modèle athénien au sein duquel la majorité de la population était exclue de jure comme de facto du jeu démocratique, à en juger par les proportions démographiques dans cet ancien État-cite grec, et qui étaient de l’ordre d’un citoyen pour deux esclaves, ainsi que souligné par Cheikh Anta Diop qui rappelle que dès le VIème siècle av. J.C., Athènes s’était orienté « vers l’achat massif d’une main d’œuvre esclave, essentiellement importée de l’actuelle Russie (voir Civilisation ou Barbarie, Présence, 1981, pp. 139-267 ).
Quant à la Révolution américaine, Elizabeth Maddock Dillon & Michael Drexler, coéditeurs de The Haitian Revolution and the Early United States: Histories, Textualities, Geographies, publié en 2016, notent l’existence d’un « lien intime entre les histoires d'Haïti et des premiers USA » aux plans politique, économique et de la géographie ; ce en dépit de l’effet d’épouvantail (les auteurs n’hésitent pas à parler de « spectre terrifiant ») que le succès de la Révolution haïtienne exerçait notamment sur « les forces esclavagistes là-bas [et au-delà] .
Généralement célébrée comme la première révolution anti-esclavagiste, anticoloniale réussie dans l'hémisphère occidental, Haïti fut aussi la deuxième république indépendante, après les États-Unis, dans les Amériques ; mais contrairement à Haïti, les USA resteraient une république esclavagiste jusqu'en 1865. Et pourtant, la Révolution haïtienne était une source d’inspiration pour les Africains-Américains insurgés contre leur condition inacceptable, voire même pour certains abolitionnistes américains. Au niveau gouvernemental et étatique, on note toutefois : plusieurs actes d’hostilité diplomatique et politique à l’endroit de l’État haïtien, et de pillage de ses ressources économiques : le tout couronné par l’invasion de Haïti par les marines américains en 1915 ; par la mainmise sur toutes les réserves nationales d’or. Sans compter la promulgation d’une nouvelle Constitution écrite par F D Roosevelt ; le bradage des terres aux capitalistes américains ; une occupation coloniale marquée du sceau d’un terrorisme militaire sans partage ; par une volonté d’écraser toute velléité de résistance patriotique ; en plus du soutien au fascisme duvaliériste (années 1950/80) ; de l’héritage par les USA de la “Dette de Réparation” initialement imposée par la France ; de la perpétuation d’une tradition marquée par un interventionnisme insolent rythmé par des massacres, des coups d’État, des enlèvements politiques y compris jusqu’aux plus hautes sphères de l’État (enlèvements et exils du Président légitime Jean-Bertrand Aristide en 1990 et 2004) ; ainsi que par des élections truquées et l’imposition de leaders fantoches tels que Michel Martelly (2011), voire Jovenel Moïse (2015), lequel finira d’ailleurs par être assassiné…
Contrairement aux deux « Révolutions à l’Occidentale » citées par Dr Atchadé, la Révolution haïtienne a été une véritable muntucratie dans l’Hémisphère occidental ; le concept de Muntucratie véhiculant, à notre avis, un contenu plus révolutionnaire que celui de Démocratie, bien que la place nous manque ici pour étayer cette assertion sur laquelle nous comptons revenir prochainement.
Après ces quelques précisions et réserves, il est peut-être temps de présenter quelques points pour illustrer notre propre compréhension du concept de Panafricanisme que nous définirons, en accord avec la pensée, l’héritage politiques de Kwame Nkrumah et d’autres panafricanistes, comme « l’expression de la conscience, de la position politiques de l’ensemble des masses africaines dans le monde, dans leur combat pour la défense de leurs intérêts et de leurs aspirations ». En tant que tel, le Panafricanisme trouve son ancrage dans l’expérience historique de combat commune aux peuples africains sur le Continent et dans la Diaspora : combat contre l’oppression et pour la récupération de la souveraineté, de l’initiative historique sur leur propre destin. En ce sens, le Panafricanisme n’est pas seulement héritier « des luttes anticoloniales et mouvements panafricanistes du 20ème siècle », ainsi que noté par Dr Atchadé.
Son origine remonte en effet à des époque(s) beaucoup plus reculée(s) : celle(s) correspondant aux expériences des traites Negrières esclavagistes imposées aux peuples africains pendant de longs siècles d’asservissement et d’exploitation par les Arabes (Traite transsaharienne et sur l’Océan Indien), puis par les puissances occidentales (cas de la Traite atlantique) ; mais également et surtout par l’histoire de la résistance permanente, multiforme des peuples africains et communautés et personnes d’ascendance africaine, contre la domination, l’asservissement, l’exploitation. Il s’agit donc, en premier lieu, d’une prise de conscience d’une communauté de destin entre peuples africains et communautés d’ascendance africaine, qui s’enracine dans l’histoire de la résistance permanente aux agressions multiformes de la part de forces extérieures, tout en se nourrissant de toutes les expériences, tous les efforts d’élaboration de projets et initiatives d’émancipation, d’indépendance et d’unité politique.
En second lieu, et à ce sujet, je serais pour l’essentiel d’accord avec la perspective de Dr Atchadé, le Panafricanisme peut être défini comme idéologie et/ou doctrine pour la Renaissance Africaine ; les termes d’idéologie et de doctrine étant, a notre avis, complémentaires, a défaut d’être synonymes. De ce point de vue, le Panafricanisme constitue un instrument de connaissance de soi, d’identification et d’affirmation collectives permettant aux Africains de comprendre et d’assumer de façon holistique et critique, leur trajectoire historique et leur condition dans le monde ; tout en servant de guide pour l’action transformatrice du réel, pour leur combat commun en vue de retrouver leur souveraineté et leur dignité. En tant que tel, le panafricanisme est à la fois un héritage de lutte et une vision ainsi qu’un ensemble de principes directeurs, de valeurs et d’objectifs stratégiques qui animent la Renaissance africaine.
Un bref aperçu sur l’histoire et la sociologie politique du Panafricanisme, marquées entre autres par le rôle essentiel des femmes africaines, montre, selon Cedric Robinson [cf. Black Marxism, Zed Books Ltd, Londres, 1983], qu’il s’agit en réalité d’un seul et même combat ininterrompu : « L’histoire de la lutte émancipatrice des peuples africains du Continent américain et de la Diaspora peut être considérée comme un seul et même processus ininterrompu et multiforme, caractérisé notamment par une connexion idéologique indéniable, ainsi que par la complémentarité et l’interdépendance de ses diverses manifestations et modalités »: résistance anti-esclavagiste ; résistance et tentatives d'intégration africaine sous la houlette de dirigeants historiques tels que Samory Touré, Chaka ou (avant eux), Nzinga de Ngola (Ndongo) et Matamba. Il y a aussi les congrès panafricanistes ; les combats de décolonisation avec l’épisode des luttes de libération dans les ex-colonies portugaises et en Afrique australe etc., etc.
En effet, tous ces événements (et faits) « sont étroitement liés les uns aux autres en raison de la similitude de leurs caractéristiques sociales et de leur inspiration d’une expérience historique commune d’oppression et de la même idéologie sociale ». [C. Robinson]. Comme faits symptomatiques de cette réalité unitaire on peut citer par exemple : l'implantation ou les répercussions du mouvement garveyiste aux États-Unis, dans les Caraïbes, en Europe et en Afrique (Libéria, Ghana, Sénégal, Afrique du Sud, etc.) ; le caractère panafricain du secrétariat politique de Kwame Nkrumah, où se sont retrouvés des Africains du Continent comme Habib Niang (Sénégal) et surtout de la Diaspora comme W.E.B. Dubois (USA), Georges Padmore et C.L.R. James (Trinité & Tobago). Sans oublier : le rôle catalyseur incontestable des indépendances africaines dans le déclenchement du mouvement Black Power en Amérique et dans les Caraïbes ; et en retour, l'impact retentissant du mouvement Black Power des années soixante et des écrits de Frantz Fanon sur la conscience de la jeunesse africaine du Continent ; ni les dynamiques identitaires impliquées dans le processus d’identification de la même jeunesse africaine (Continent et Diaspora) à la lutte du peuple sud-africain et de ses héros, ainsi qu'avec le message et la pulsation du Reggae, avec la culture Rasta et le concept de Rastafari en général, considéré par Horace Campbell et Walter Rodney, comme l’une des expressions les plus fortes du Panafricanisme au XXème siècle.
Ainsi que nous y invite José do Nascimento, ne perdons pas de vue qu’en dépit de tout le bruit sur la « mondialisation », nous évoluons dans le contexte d’une civilisation mondiale encore dominée par des intérêts nationaux contradictoires; au sein duquel les questions de sécurité militaire déterminent la possibilité de succès ou d'échec des stratégies nationales de développement économique; tandis que la maitrise de l'information stratégique, des connaissances scientifiques, de la technologie, joue un rôle clé dans la richesse des nations ainsi que dans la géopolitique mondiale et dans l'équilibre géostratégique des pouvoirs dans le monde. Dans pareil contexte, la Renaissance Africaine comme réponse organisée de nos peuples aux défis d’une mondialisation asymétrique, hégémonique, oppressive, constitue un projet alternatif, global de société et de civilisation se fixant pour but (s) la création de conditions pour la renaissance de l'Afrique en tant que centre d'initiative et de décision indépendant et compétitif dans le monde d’aujourdhui et de demain. Il s’agit là d’un objectif stratégique à réaliser à long terme ; le terme de renaissance renvoyant également au processus à la fois de transformation, de refondation du tissu social, et d’auto-transformation des Africains, pour être à même d’accomplir cette mission, en se reconnectant à l’histoire comme agent producteur de sens, maîtres de leur destin, par le biais des « voies ascendantes de leur culture nationale », selon la formule de Amilcar Cabral.
Une autre question très importante est celle de la nécessité urgente d’une reconnexion avec la/les Diaspora(s) africaine(s) en tant que 6ème région, pour les opportunités d’investissements économiques mais aussi en termes de « gain de matière grise », d’expertise, de savoir-faire (brain gain) que cette reconnexion est susceptible de procurer pour un repositionnement stratégique du continent africain sur la carte du monde et dans l’Agenda géopolitique global, ainsi que pour l’avancée, la maturation du Mouvement panafricaniste en tant que tel. Pareille option stratégique implique un engagement ferme, une unité de pensée et d’action entre l’Afrique et sa/ses Diaspora(s) dans le cadre du Mouvement pour la Justice Réparatrice Globale. Il s’agit, entre autres, de se battre pour une réforme de l'OMC, de la CPI, du Système des Nations Unies (le Conseil de Sécurité notamment), et de construction de consensus forts, opérationnels sur la question des Réparations et du Rapatriement où s’accomplissent, de jour en jour, des progrès de plus en plus significatifs et notables.
On note pour les déplorer, la timidité, la relative réticence de certains Africains sur le continent à épouser ce mouvement, voire leur attitude suspicieuse à son égard. Pourtant, faut-il le rappeler, la légitimité de l’exigence de Réparations pour l’Afrique et les Africains est consacrée du point de vue de la légalité internationale, sur la base de la Loi Taubira de 2001 reconnaissant l’Esclavage et la Traite Négrière comme crime contre l’Humanité) ; le droit à réparation tel que défini par la Cour Permanente Internationale de Justice (1928) ayant du reste été bien reconnu en droit international, avec notamment la jurisprudence de précédents historiques connus de tous, sauf peut-être de certains esprits amnésiques ou à la mémoire historique sélective quand ils ne sont pas de mauvaise foi, y compris certains Africains.
Par-delà les Réparations induites (au plan politique, économique, sociétal), il convient de mettre aussi l’accent sur le contenu culturel et moral des Réparations en termes de réhabilitation des lieux de mémoire, et de restitution de biens culturels spoliés. Sans oublier la question fondamentale de l’autoréparation dont certains axes recoupent ceux de la renaissance culturelle telle que définie plus haut (Guérison psychologique, Régénération morale, Élévation spirituelle) ; et qui se pose en termes d’Auto-libération, de désaliénation mentale: c’est-à-dire de capacité a « décoder les formes, les comportements hérités de l’esclavage et de la colonisation, pour reprogrammer nos propres démarches – y compris notre vision du monde, nos images de Soi et d’Autrui, qui relèvent de notre autorité intérieure ».
C’est bien connu : les questions de souveraineté, de sécurité (militaire, politique, monétaire, alimentaire, sociale, humaine), celles relatives à l’Unification politique et au renouvellement qualitatif du leadership font partie des principaux enjeux et défis du Panafricanisme comme idéologie-doctrine pour le projet, le processus de renaissance, lequel se pose, entre autres, en termes de développement matériel des sociétés africaines et de renaissance culturelle. La renaissance culturelle implique aussi une véritable décolonisation linguistique, ainsi que la valorisation des cultures africaines par une refondation des systèmes d’information, d’éducation, de croyances, et de production des connaissances et des savoirs en Afrique : ce qui bien évidemment ne pourrait être réalisé sans autonomie de la conscience politique, ni renouvellement de l'intelligence politique, de l'inventivité et de la créativité intellectuelles et culturelles en Afrique.
Il est question, dans la présente contribution, de participer à l’effort de mise en ordre et de divulgation d’un corpus d’idées, de concepts et de conceptions de plus en plus affirmés ou réaffirmés dans divers débats, sur un certain nombre de plateformes et fora, de même que dans des documents tels que l’Acte Constitutif de l’Union Africaine ; mais souvent sans la cohérence et la prégnance susceptibles de conférer à une doctrine et/ou idéologie politique comme celle du Panafricanisme, la force d’ancrage nécessaire dans le terreau des luttes politiques et sociales porteuses des aspirations de l’Afrique et des Africains d’aujourd’hui et de demain. D’où la distinction opérée par Elenga Mbuyinga aka Mukoko Priso, entre d’une part, le « Panafricanisme révolutionnaire », celui des peuples, porteur d’espoir et de changement pour la situation et l’avenir des peuples africains et, de l’autre, ce qu’il appelle la « Politique de Démagogie panafricaine », caractéristique à bien des égards, de la vision et des pratiques de l’OUA et même de l’Union Africaine.
Je ne saurais conclure mon propos, sans mentionner une question anodine en apparence mais qui a son importance et sur laquelle je compte aussi revenir prochainement: la question de la graphie fautive de la devise-programme du nouveau leadership sénégalais, devise mal orthographiée par Dr Atchadé et qui devrait s’écrire, selon les normes orthographiques en vigueur : Jub, Jubal/Jubël, Jubbanti/Jubbënti, avec une gémination du graphème /b/ dans le dernier terme de ce tryptique, et dont la prononciation en Walaf standard - à ne confondre ni avec le Walaf pratiqué en Gambie ni avec celui parlé par un seereerophone d’origine, nécessitera une plus grande énergie articulatoire, ainsi qu’illustré dans ce quatrain célèbre extrait de Boroomam de Moussa Ka, dédié au Cheikh Ahmadou Bamba, et dont la beauté, la puissance expressive sont rehaussées par l’emploi judicieux de déterminants d’intensité gann, toyy, domm, sàpp:
« Diis ba ni gann
Wayaf ba ni toyy cik wet
Lewet ba ni domm
Saf sàpp ak boroomam »…
J’avais commencé à travailler sur la présente contribution avant la brillante, puissante conférence publique sur le Panafricanisme, prononcée par notre frère Joomaay Ndongo Faye à l’amphithéâtre Mbaye Guèye de l’Université Cheih Anta Diop (UCAD). Comme tant d’autres, j’y ai beaucoup appris. Néanmoins, j’ai choisi de m’en tenir à la première mouture de ce papier, pour le maintenir dans des proportions raisonnables.
par Malick Sy
OUSMANE SONKO OU L’ENGRENAGE PERMANENT
La politique est un humanisme. Lui en a fait un conflit. Plus préoccupé par l’assise de son hégémonie sur la marche du pays, il peine à dissiper les confusions entre ses habits d’opposant et ceux de chef de gouvernement
Il s’est opposé sur un flot de sang. Il est en train de gouverner sur un volcan. Une gestion sismique qui accumule jour après jour, les signes avant coureurs d’une éruption. Entre sa défiance à l’égard du parlement, ses menaces envers certains médias, ses immixtions présumées dans l’organisation de la grande muette, les sueurs fiscales froides administrées aux entrepreneurs et quelques perditions contre les magistrats, sa gouvernance n’en finit pas de s’installer dans l’engrenage.
À l’évidence, ce n’est pas qu’un simple bouquet de maladresses et de dérapages, mais une composante essentielle de la méthode Sonko qui a occasionné dans un passé encore récent, quelques commotions insurrectionnelles sans précédent au Sénégal.
Aujourd’hui, le contexte a changé. Pas les discours. La réthorique du chef de gouvernement n’est pas sans rappeler les diatribes du chef d’opposition. Cette stratégie de la tension est le cœur du réacteur d’un homme qui ne s’accomplit que dans le conflit. Elle est le marqueur politique d’un combattant qui s’oxygène à l’odeur du champ de bataille, le label d’un rentier de l’illusion qui a fait du vacarme, le terreau de sa spectaculaire ascension politique. Alors pour ceux qui l’imaginent en « casque bleu» du pacte républicain, il faudra certainement repasser.
Il a joué l’alternance sur un ring
Il a beau être chef de gouvernement, Ousmane Sonko ne semble pas prêt à modifier sa posture de «guérillero». Épauler, ajuster, tirer. L’homme n’a rien perdu de ses impulsions combattantes. On ne change surtout pas une stratégie qui gagne. Si la surenchère a catalysé son dessein politique, c’est son instinct guerrier qui a structuré sa lutte de haute intensité contre Macky Sall et son régime. Seul et sans gants, le président du Pastef a joué la troisième alternance sénégalaise sur un ring. Un affrontement périlleux contre un pouvoir qui ne lui a rien épargné, lui infligeant un déluge sans précédent.
Ce jour là, le calendrier indique 24 mars 2024. Les Sénégalais sont appelés aux urnes. Ousmane Sonko, fraîchement élargi de prison, vient de faire basculer tout un système lors d’un scrutin historique. La vague Pastef inonde le pays, provoquant un véritable tsunami électoral. Bassirou Diomaye Faye est élu dès le premier tour. Il devient le cinquième Président de la République du Sénégal. Ce sera le point culminant de l’épopée Sonko. Le PROS comme on l’appelle, entre dans ces instants qui font l’histoire d’un pays pour avoir été l’architecte en chef de la stratégie de conquête du pouvoir par son parti.
Pour un homme qui était sous numéro d’écrou quelques jours plus tôt, personne n'imaginait que cela allait arriver si paisiblement. Surtout si rapidement. À l'échelle de la politique sénégalaise, c’est un fait historique inédit. Jamais, la marche de notre nation n’aura été à ce point, soumise à la volonté et à l’influence d’un seul homme, devenu le principe actif de la scène politique sénégalaise. Alors qu’on l’aime ou pas, Ousmane Sonko, c’est avant tout la force d’une destinée personnelle au service du destin politique du Sénégal.
D’un humanisme, il a fait un conflit
Pour le reste, pas grand chose à voir. Voire rien à signaler. Hier opposant, Ousmane Sonko a compilé promesses mirobolantes et engagements saisissants. Normal qu’en les portant lui et son candidat à la tête du pays, de nombreux Sénégalais espéraient « enfin » voir des remèdes à leur désespoir. Mais plus de 100 jours plus tard, ils sont de moins en moins à trouver des débuts de solution à leurs problèmes. La gouvernance Diomaye-Sonko est déjà source de déception chez de plus en plus de Sénégalais. Une partie de l’opinion, pas encore majoritaire, commence à se retourner contre le régime. Une colère qui s’entend encore de très loin, mais qui pourrait se rapprocher très rapidement, surtout chez les jeunes, qui ont été les moteurs de l’alternance. La réalité du pouvoir a rattrapé le sommet de l’exécutif qui est en train de payer l’addition de longues années de propagande populiste.
À cela, s’ajoute la méconnaissance de l’État. Il y a des fonctions qui requièrent le sens des responsabilités. Celle, particulière qu’occupe Ousmane Sonko, en fait partie. Être Premier ministre oblige à prendre de la hauteur et à respecter les exigences républicaines liées à ce poste. Lui est entré dans la fonction exactement comme il a quitté l’opposition, pénétré de l’illusion de puissance et d’ambitions impériales. Plus préoccupé par l’assise de son hégémonie sur la marche du pays, il peine à dissiper les confusions entre ses habits d’opposant et ceux de chef de gouvernement.
La politique est un humanisme. Lui en a fait un conflit. Vaguement démocrate, infiniment rebelle, plutôt radical et un rien autoritaire, l’homme change si souvent de costume et de posture qu’il est devenu de plus en plus difficile de définir Ousmane Sonko.
La République c’est presque lui
Depuis sa nomination, il sature médias et réseaux sociaux. Il ne compte pas ses mots et parle autant qu’il fait parler. Cette obsession patibulaire d’attirer la lumière et les attentions ont fait d’Ousmane Sonko, l’épicentre du pouvoir. Il a cassé tous les codes de la relation au sein du couple exécutif. Aujourd’hui c’est le Premier ministre qui incarne l’âme de la République, parasitant par la même occasion, la fonction présidentielle.
Ses immixtions dans la politique étrangère, domaine réservé de Bassirou Diomaye Faye ont été décriées. Le sublime est atteint avec l’annonce de sa tournée dans les pays de l’AES. L’affaire du « Général Kande » dans laquelle son nom est cité avait aussi scandalisé et déclenché une forte polémique. L’affectation-éloignement de ce général, tourment selon la clameur populaire des indépendantistes de la Casamance, s’est alourdie du soupçon prêté au Premier ministre de redessiner la carte des alliances militaires sénégalaises.
Cette prérogative qui relève exclusivement du président de la République, chef suprême des armées est au cœur du système nerveux républicain. Si l’épisode du Général Kandé a exposé aux torches médiatiques les secrets militaires. Il fut surtout interprété comme le symbole d’un Premier ministre « jupitérien», affranchi de tout et dont la toute puissance est à la mesure de la concentration inédite de pouvoirs entre ses mains.
Enlisé hors du champ républicain, Ousmane Sonko agit comme s’il était « La République». Une attitude qui rappelle étrangement celle de son tribun d’ami populiste, Jean-Luc Mélenchon, qui s’était opposé à des policiers venus perquisitionner le quartier général de son parti en vitupérant : «la République, c’est moi ». Si toute proximité idéologique entre les deux hommes n’est que fortuite, il faut dire que personne, avant Ousmane Sonko n’a osé rabaisser, à un tel niveau plancher, le seuil du respect que ses prédécesseurs, sans exception, ont manifesté aux institutions de la République.
Le patron du Pastef restera certainement et pour longtemps encore, le seul premier Premier ministre à avoir osé affubler publiquement un chef d’Etat sénégalais, d’un sobriquet (Serigne Ngundu) pour le moins irrespectueux dans l’imaginaire populaire national, comme s’il voulait dynamiter l’autorité et la sacralité de la clé de voûte de nos institutions.
Dans le même registre, jamais aucun Premier ministre en exercice n’avait critiqué aussi violemment les plus hauts gradés de la magistrature sénégalaise. Ousmane Sonko a t-il oublié qu’il ne pouvait plus désormais dire tout ce qui traverse son esprit ? Que ses discours au canon contre les juges, n’étaient désormais plus ceux d’un opposant mais engageaient désormais tout l’Etat ?
Dans sa posture, on doit apprendre à parler bien et à agir juste. Aujourd’hui chef du gouvernement, il devrait ranger son agenda du chaos et éviter de se laisser aller à des outrances qui fragilisent les organismes de notre système immunitaire démocratique.
Pas de honte à se tromper
Tout encore à la propagation de sa geste populiste et à l’élargissement de son périmètre d’influence, l’homme s’est placé à contrepied des espoirs placés en lui. Il a oublié ruptures et promesses. Chef d’un gouvernement qui doit faire face à d’innombrables urgences, lui qui avait promis de guérir les mal voyants et marcher sur Mars au lendemain de sa victoire, est encore loin de là où il est attendu.
Le populisme génère la déception comme l’autoritarisme forme la résistance. À force, le discours de Ousmane Sonko hier, est aujourd’hui perçu comme un catalogue d’illusions. Pape Alé Niang, très proche du Premier ministre, Directeur de la télé nationale et non moins actionnaire certifié du « Projet Pastef », à récemment fait entendre sa voix en demandant au pouvoir « de dire la vérité au sénégalais ». A juste raison.
Car il n’y a pas d’infaillibilité absolue en politique. Il n’y a pas de honte à se tromper. Le «Projet» n’est pas un théorème. Trafiquer la vérité pour des profits politiques participe à alimenter le populisme qui est un fusil à un seul coup. Ousmane Sonko a déjà tiré le sien. Il est désarmé après avoir épuisé tous les champs lexicaux de la conquête des suffrages. Aujourd’hui, les VAR sont là pour saccager une bonne partie de ce qui lui restait de crédibilité aux yeux de l’opinion.
Le Premier ministre ne dispose pas de beaucoup de marge de manœuvre face à l’ampleur de la demande sociale et à l’espérance qu’il a suscitées. Il n’y a pas de croissance magique comme il n’y aura pas d’emplois magiques.
Le vrai combat de Ousmane Sonko est économique et social. Et ce n’est certainement pas dans ses guerres de tranchées avec les patrons de presse, l’Assemblée nationale, l’opposition ou la magistrature, que la jeunesse sénégalaise risque de trouver solution à ses problèmes d’emploi et de formation.
L’effondrement programmé du binôme Diomaye-Sonko ?
L’élection a rendu son office. Le pays a aujourd’hui besoin de calme après avoir été traumatisé et fracturé par un combat sans merci pour le contrôle du pouvoir. Des dizaines de jeunes y ont perdu la vie. Des familles se sont disloquées. Des mariages se sont fracassées. Des amitiés se sont brisées. Des entreprises ont fermé leurs portes. De nombreux sénégalais et étrangers ont perdu leur travail. Plus grave encore, la «dérépublicanisation» de pans importants de notre haute administration, voire de certaines forces de sécurité et de défense qui ont piétiné leur serment de loyauté vis à vis de l’État.
Les piliers de la République ont chancellé. Les fondements de la nation ont vacillé. C’est tout le sens du chantier du président Faye qui doit remettre côte à côte un peuple que le combat sanglant entre Macky Sall et Ousmane Sonko a mis face à face.Le Sénégal a besoin d’un exécutif capable de s'élever à la hauteur de la grandeur démocratique de notre pays et des espérances de son peuple. Pour le coup, on ne peut pas encore dire qu’il y a de la lumière à tous les étages du pouvoir Diomaye-Sonko.
Ce qui détermine souvent la longévité d’un couple se trouve dans l’équilibre des responsabilités. Nous sommes loin du compte avec ce qui ressemble à aujourd’hui une subordination du président à son Premier ministre. Une inversion inédite des pouvoirs entre « deux amis » qui incarnent l’état au plus haut niveau.
Aux antipodes l’un de l’autre, entre le président et le Premier ministre, c’est l’entente politique cordiale sur fond de mise en scène médiatique. Le duo est sans heurts. Tout au moins our le moment. Aujourd’hui chacun sert de bouclier à l’autre, même si nous sommes loin des effusions théâtralisées d’antan. Mais une un chose est sûre, cette union sacrée de circonstance, n’est pas exempte de calculs politiques. Tous ont 2029 en ligne de mire. « Mais trop tôt pour en parler », dixit le président face à la presse senegalaise le 13 juillet dernier. Alors, trop tôt pour parler de rivalité entre lui et son Premier ministre ? Peut être. Trop tôt pour écrire l’oraison funèbre de la saga Diomaye-Sonko ? Certainement.
Sauf que derrière le rideau des convenances entre amis, Diomaye et Sonko pensent aussi à demain. Et pas que devant leur miroir. Le seul suspense concerne qui pliera devant l’autre. Qui laissera le champ libre à l’autre. Le moment de la sonnerie du glas, qui sera indexé sur le ballet de leurs ambitions respectives, alimente déjà toutes les spéculations autour de l’espérance de vie du « ticket Bassirou-Ousmane ».
Le risque pourrait être alors grand de voir le pays entrer dans une sorte de cohabitation à fleuret moucheté, à la sénégalaise, avec deux acteurs du même bord politique. Le début d’une guerre d’usure inédite au sommet de l’état dans laquelle, le contrôle de l’arme du temps sera décisif entre un Sonko conquérant mais à l’activisme frénétique et autodestructeur et un Diomaye sans étincelle, à la tempérance de cardinal mais qui pique de plus en plus, le cœur des Sénégalais.
Malick Sy est journaliste, conseiller en communication.
LES JEUX, LE VACARME, NOTRE LASSITUDE
La cérémonie d’ouverture des Jo, par sa célébration du métissage et du progressisme, a été une réponse intelligente et fine aux fantasmes morbides d’un pays fermé, vieillot et rabougri
Les Jeux Olympiques d’été célèbrent tous les quatre ans les valeurs de l’Olympisme, que sont l’excellence, le respect et l’amitié. Des athlètes de tous les coins du monde se retrouvent pour des compétitions à travers lesquelles on promeut la tolérance, l’ouverture et le respect de l’autre. Je suis un spectateur attentif des Jeux depuis toujours, car j’aime le sport, la magie qu’il véhicule et aussi parce que j’admire le dépassement de soi des athlètes, les belles histoires qui accompagnent certaines destinées ainsi que la célébration de l’universel.
Cette année, le Comité d’organisation de Paris 2024 a réussi une belle prouesse, digne des plus grands moments festifs de l’histoire. Le choix opéré par l’organisation de rompre avec la tradition des festivités dans un stade a été une idée de génie. La Seine dont la beauté et le cours silencieux sont parmi les trésors de Paris, a servi de cadre à un spectacle féérique. Paris 2024 fera date, comme en témoignent les recensions de la presse internationale, qui n’a pas tari d’éloges devant une si belle organisation.
Suiveur attentif des grands événements sportifs et des célébrations festives qui les ponctuent, j’ai rarement vu quelque chose d’aussi beau que la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris.
Les Jo sont un grand moment sportif, mais ils sont aussi, pendant quelques semaines, le prétexte de la monstration de ce qu’un pays a à offrir au monde. On profite de cette fenêtre pour montrer la culture, l’histoire, le patrimoine. A ce sujet, il faut relever que Paris a des atouts. Elle dispute sans doute le titre de plus belle ville au monde à quelques autres dont Rome et Saint-Louis du Sénégal. Il est d’ailleurs dommage que cette dernière soit si mal tenue…
Paris fut donc un magnifique écrin pour la cérémonie d’ouverture. La France a une vieille et riche histoire, faite de moments fastes comme de périodes sombres. Thomas Jolly, metteur en scène du spectacle, et ses équipes ont eu raison de ne pas se censurer et de montrer dans leurs différents tableaux l’histoire de leur pays dans sa complexité. D’ailleurs, aucun pays ne peut se glorifier d’une histoire sans tache, mais il faut du courage et un grand sens de l’honnêteté pour ne pas céder à la réécriture historique qui cache une partie pour n’en valoriser qu’une autre.
Le symbole donne à penser, disait Ricoeur. Les Jo sont organisés au moment où la France traverse une crise de régime, avec une confusion issue d’élections législatives, qui ont fait d’un parti nationaliste et à la souche raciste, antisémite et islamophobe, la première formation politique dans le pays en termes de suffrages et de parlementaires. C’est dans un pays fracturé où les atteintes à la dignité des personnes noires, arabes et musulmanes sont quotidiennes que sont célébrées en ce moment les valeurs d’ouverture et de tolérance prônées par l’Olympisme.
J’ai toujours été convaincu que dans les moments sombres et de doute, la culture et le sport restent des réponses pertinentes à la fermeture des esprits et au rejet de l’autre. La cérémonie d’ouverture des Jo, par sa célébration du métissage et du progressisme, a été une réponse intelligente et fine aux fantasmes morbides d’un pays fermé, vieillot et rabougri ; un pays dont certains voudraient qu’il s’abaisse au tri systématique des hommes et des femmes selon leur origine, leur couleur ou leur religion.
J’ai été touché par la prestation sublime de notre compatriote Guillaume Diop, premier noir à accéder au statut de danseur étoile de l’Opéra de Paris. Celle de Aya Nakamura, sortant du siège de l’Académie française entourée par la Garde républicaine, revêt aussi un sens symbolique particulier tellement cette femme talentueuse subit des insultes racistes depuis des années. Le choix de deux personnes non blanches, Marie-José Pérec et Teddy Riner, pour allumer la flamme olympique constitue le clou d’un spectacle qui a fait rager les racistes et les identitaires partisans d’une France blanche et chrétienne, désormais disparue, à juste titre.
La cérémonie est une claque monumentale à tous les racistes, engoncés dans leur bêtise pour toujours voir l’autre selon le prisme du sectarisme. Je n’ai pu m’empêcher de penser au choix du Comité olympique sénégalais de désigner la sénégalaise d’origine française Jeanne Boutbien comme porte-drapeau du Sénégal à Tokyo. Sur les réseaux sociaux et dans certains médias bruissait la sotte parole sectaire et exclusive. Ceux qui la traitaient vulgairement de toubab pour la délégitimer refusent encore d’accepter que le Sénégal soit un pays dont la vocation est de faire mélange. Celles et ceux qui conspuaient Mlle Boutbien sont ici les pendants de ceux qui là-bas excluent Aya Nakamura et lui refusent d’exister. Ils sont des militants de la sottise et de l’ignorance constante.
Pendant que les athlètes sénégalais comme Oumy Diop, Yves Bourhis, et leurs camarades honorent, par leur hargne et leur talent, le drapeau national à Paris, le vacarme des pseudo-panafricanistes, antiFrance, en vrai des complexés, nous importune. Leurs complaintes, leurs appels à en découdre avec la France relèvent davantage de la névrose. Ils s’enferment dans une camisole de colonisés, qui refusent de penser en dehors du prisme de l’opposition avec la France alors que le monde est vaste et les opportunités nombreuses. Comme pour ne rien arranger, le fou du village s’en est mêlé. Vraisemblablement peu familier des livres d’histoire, pour ne pas dire pas du tout, il s’invite à...Thiaroye. Heureusement qu’entre l’escrime, la natation et le basket, nos yeux et nos oreilles sont occupés à des choses bien plus dignes d’intérêt…
Post-scriptum : ici s’achève la quatrième saison de «Traverses». Le retour de la chronique est prévu en septembre, sauf changement
Par Mamadou Ndiaye
DANGOTE EN LARMES
Le monde pétrolier demeure un univers impitoyable. L’omerta y prévaut. Quiconque rompt cette implacable « loi du silence » s’expose à la colère froide du milieu régi le plus souvent par des règles non écrites auxquelles souscrivent des acteurs ...
Le monde pétrolier demeure un univers impitoyable. L’omerta y prévaut. Quiconque rompt cette implacable « loi du silence » s’expose à la colère froide du milieu régi le plus souvent par des règles non écrites auxquelles souscrivent des acteurs de tous ordres.
Voir Aliko Dangoté pleurer à chaudes larmes au cours d’une émission télévisée révèle l’état d’esprit d’un homme atteint et blessé, déboussolé et désincarné, déçu et dépité, amer et inconsolable.
Le Nigérian est la première fortune d’Afrique. Il sillonne le continent en quête d’opportunités d’affaires. Présent dans une vingtaine de pays, il cultive la discrétion là où d’autres préfèrent s’afficher avec des vedettes. Son sens des affaires et son habileté le placent au cœur des tendances lourdes qui dominent l’économie africaine, internationale et mondiale.
Au détour de ses nombreux et fréquents déplacements, il furète sans cesse, noue des contacts utiles et conclut des accords. Mieux, Dangoté gagne des marchés florissants. Ceux-ci le propulsent au-devant d’une scène africaine au sein de laquelle il jouit d’une réputation grandissante.
Sa consécration force le respect. L’homme d’affaires prospère dans l’industrie et s’empare de secteurs stratégiques. Sa mainmise sur le ciment se double d’un séduisant plan d’investissement massif qui le rend plus qu’incontournable dans les grands projets, les chantiers, les BTP, le boom de l’immobilier, l’essor des constructions et l’édification d’ouvrages gigantesques.
Partout son nom est évoqué. Les grands dirigeants le courtisent. Les Chefs d’Etat l’adoubent et le reçoivent avec éclat dans de somptueux palais. Il y devient un habitué sans toutefois « être hors sol ». Car s ‘éloigner du terrain équivaut chez lui à perdre le sens des réalités dans une Afrique des paradoxes.
Aime-t-on tant les « têtes » qui dépassent ? Favorise-t-on les « success story » ? Les réussites et les facteurs de réussite bénéficient-ils de protection particulière ? Le milliardaire nigérian enjambe un nouveau pas en décidant de construire des raffineries de pétrole. Il poursuit l’objectif de transformer le brut en le raffinant sur place pour approvisionner son pays d’abord et ensuite la sous-région.
Du coup, il ambitionne de faire disparaître les longues files de voitures devant des stations dépourvues d’essence. Une fois son intention déclinée, il prospecte les banques dont les plus grandes valident son projet. Le montage est certes complexe mais bancable. Coût de la raffinerie, « clés en mains » : 20 milliards de dollars !
Les travaux s’enclenchent sous le régime de Mouhamed Buhari dont Dangoté était, dit-on, proche. Entretemps, le Nigeria a voté. Et un nouveau président est élu : Bola Tinubu en l’occurrence. Politicien expérimenté, M. Tinubu fut sénateur et gouverneur à la fois. Ce qui le rend redoutable dans l’adversité surtout s’il a épinglé certains hommes d’affaires pour avoir soutenu ses concurrents.
Ça ne s’oublie à moins d’être doué pour la grandeur. L’industriel Dangoté est dans le collimateur. Son projet accuse du retard par rapport au délai de démarrage. Les rumeurs fusent, persistent et se font insistantes en entamant considérablement le plan d’affaires de l’usine de transformation. L’entourage du président nigérian est à la manœuvre.
Les observateurs redoutent des affrontements à venir d’autant que l’approvisionnement en brut, base du business model de la raffinerie, est de plus en plus compromis. Dangoté, sentant le soufre, pressent le danger et active tous ses réseaux, y compris les réseaux dormants.
Tinubu « fait le mort », parce qu’inaccessible ! Certains oligarques nigérians, sans assises réelles, n’étant de surcroît ni des entrepreneurs, ni des bâtisseurs, interfèrent simplement parce qu’ils sont « au bon endroit » à un moment donné.
Les mêmes jouent les coudes. Ils alertent pour l’empêcher de recourir à l’importation de brut pour alimenter sa fabrique. Les Nigérians rivalisent de conjectures, leur jeu favori ainsi que les interminables cérémonies festives et jouissives qu’affectionnent les ambitieux et les prétentieux à la périphérie du pouvoir et des fortunes.
Aucune mesure n’est prise à l’encontre de l’industriel. S’il n’est pas craint, il demeure néanmoins une icône dans ce vaste pays populeux ravagé par les malversations. Mais privé d’interlocuteurs, Dangoté s’irrite, s’emporte et le doute l’envahit. Il lâche : « le système mafieux est plus pernicieux dans les milieux du pétrole que partout ailleurs.»
L’ire est à son comble. Sa position d’industriel clairvoyant agace plus d’un. En vérité, Dangoté intrigue par son silence. Et ils sont nombreux à s’interroger sur ses pouvoirs qu’il n’affiche pas pourtant !
En revanche, trop d’intermédiaires pullulent à l’affût de juteux coups sans coup férir. Le brut nigérian est cédé à prix réduit. Ceux-ci acquièrent ainsi d’énormes quantités sous la forme de quotas qu’ils revendent à d’autres grands intermédiaires à des tarifs nettement plus élevés.
Ils empochent d’énormes profits. Et redistribuent à une kyrielle d’oligarques pétroliers « fictifs » qui ne possèdent aucun actif à l’image de Dangoté. L’Etat nigérian est censé protéger cette activité stratégique pour le pays. Et pourquoi pas épauler le milliardaire en difficulté temporaire !
Cette impression d’indifférence à l’égard du sort réservé à Dangoté laisse entrevoir une lugubre option tendant à maintenir en « respiration artificielle » ces gens corrompus au détriment de capitaines d’industrie reconnus. En dépit de sa frappante désorganisation, la filière pétrole reste jalousement convoitée par des importateurs inclassables également défavorables à une production locale. Donc outrancièrement opposés à l’initiative industrielle de Dangoté. En clair, les dirigeants nigérians n’érigent pas en orgueil politique cette raffinerie qui pourrait contribuer à illustrer le narratif du pays toujours assujetti aux crises cycliques, aux pénuries et aux spéculations.
Les revenus de l’or noir entretiennent des pratiques que la morale réprouve. Un vrai pillage s’organise autour d’intérêts privés qui ne voient pas d’un bon œil la montée en puissance de ce musulman pieux du Nord du Nigéria.
Ces détracteurs voient en lui une menace. Tandis que ses partisans et ses admirateurs saluent son esprit conquérant et son sens de la prospérité partagée. En se plaçant au-dessus de la mêlée, l’Etat fédéral nigérian a l’occasion de s’écarter de l’immobilisme en défendant l’économie nationale. A l’image des Etats-Unis ou de l’Europe qui défendent bec et ongles leurs intérêts majeurs, leurs champions industriels et les labels sortis de leurs usines.
L’affaire Dangoté risque de s’enliser. Puisque l’argument officiel cache l’essentiel. Tous les regards se tournent vers le Nigéria où le pouvoir a décrété des mesures draconiennes de réduction de son train de vie. Abuja se résout à travailler sur des solutions « à long terme face aux défis énergétiques.» Les économies de devises sont indexées pour garantir l’optimisation des ressources. Les vraies causes du déclin nigérian sont-elles cernées ? Dernier roman de Wolé Soyinka : « Chronique du pays des gens les plus heureux du monde… »
Par Kaccoor Bi - Le Temoin
LES CANCRES DE L’OLYMPISME
Ceux qui jugent saugrenue la présence du président de la République aux Jeux Olympiques de Paris—en même temps que 100 chefs d’Etat du monde entier — n’aiment tout simplement pas notre pays. Car Dakar 2026 commence bel et bien à Paris 2024 !
Qu’avons-nous donc pu faire au Bon Dieu pour mériter de tels opposants ? Lesquels ne sont ni dans la proposition d’idées ni dans la construction et encore moins dans la prospective. Ni dans la critique intelligente d’ailleurs ! Ils n’excellent que dans l’outrance, la calomnie, l’injure. On aurait envie de leur dire parodiant l’Evangile : Pardonnez-leur Seigneur, ils ne savent ce qu’ils disent !
Hélas, plutôt que de planer dans les cimes, leurs arguments volent le plus souvent au ras des pâquerettes. Et eux-mêmes passent le plus clair de leur temps à fouiller dans les poubelles pour des débats de caniveau.
Fort heureusement, ceux qui s’épanchent à longueur de journée dans l’espace public et les médias, créant une pollution sonore, ne représentent absolument rien électoralement. Ils gesticulent pour s’offrir une existence politique.
Mais dans cette entreprise, plutôt que d’utiliser leurs neurones, ils s’illustrent dans leurs sottises et leur méchanceté si ce n’est de l’envie, ce vilain défaut. Quelle idée de jeter l’opprobre sur la présence de Seugn Bass à Paname à la messe de l’olympisme alors que notre pays doit organiser dans deux ans les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ 2026) !
Une première en Afrique grâce au Comité National Olympique et Sportif Sénégalais (CNOSS) et surtout grâce à l’entregent et à la maestria de son dynamique patron, l’inusable Mamadou Diagna Ndiaye, incontestablement le Sénégalais le plus réseauté à travers le monde. Un Diagna qui, non content de l’avoir décroché de haute lutte, démontrant par là son grand art de la diplomatie, est au four et au moulin depuis que notre pays a été choisi pour faire de ce grand rendez-vous sportif un succès planétaire.
A cette aune, ceux qui jugent saugrenue la présence du président de la République aux Jeux Olympiques de Paris—en même temps que 100 chefs d’Etat du monde entier — n’aiment tout simplement pas notre pays. Car Dakar 2026 commence bel et bien à Paris 2024 !
Dakar 2026 constitue assurément une belle opportunité pour nous retrouver autour de l’essentiel plutôt que de nous tirer dessus. A toujours vouloir chercher la petite bête, à toujours souhaiter le pire pour ce pays qui pourrait être l’un des plus beaux du monde, on court le risque de porter le bonnet d’âne.
Tout aussi incompréhensible qu’un autre aboyeur déclare de façon péremptoire qu’Oscar Sierra a trahi la jeunesse africaine. Comme s’il avait signé un contrat avec celle-ci ! Il faut dire que le bonhomme a convoqué insidieusement des faits qui n’ont aucun rapport avec sa sortie sur la tragique histoire de « Thiaroye 44 ».
Un drame à propos duquel toute l’Afrique doit fédérer ses forces, main dans la main, pour le triomphe de la vérité historique sur le mensonge colonial et respecter la mémoire des tirailleurs lâchement assassinés. Il y a des moments où il est préférable de se taire que d’ergoter sur des sujets que l’on ne maitrise pas.
Cela étant dit, l’opportunité qu’offrent les Jeux Olympiques de la Jeunesse, c’est de mettre le pays, et particulièrement sa jeunesse à qui ces jeux sont dédiés, au travail. Nous avons déjà perdu trop de temps dans des débats stériles !
par le chroniqueur de seneplus, Jean Pierre Corréa
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SPORT, LIBERTÉ ET CULTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le Sénégal a l’opportunité de faire de Dakar 2026 une occasion unique de souder et d’unifier la jeunesse. L’adaptation au contexte local devrait mettre en œuvre des Jeux qui font du sens
Jean Pierre Corréa de SenePlus |
Publication 29/07/2024
L’olympisme est une valeur d’inclusion. C’est ce que la France a montré au monde, en libérant ce qu'elle était, en toute liberté et sans exclusion de qui que ce soit et aussi en toute confiance en ses valeurs, ses atouts, dans la joie et en toute générosité.
Le temps est au « France Bashing », certes, mais il faut bien reconnaître, en dépit de ces quelques tableaux, pointés et mal perçus, toujours au nom des principes religieux des uns et des autres, comme si les religions étaient un frein à la création artistique et à nos libertés, que ce fut une belle et inédite cérémonie d’ouverture de Jeux Olympiques comme il n’en a jamais été faite. Même le facteur météorologique, avec une pluie constante et permanente, s’est invité comme un acteur qui aurait pu être gênant, et qui en fait est venu comme une bénédiction divine, participer pleinement et bellement à cette grande fête de l’olympisme. Il a cessé de pleuvoir juste au moment où il fallait lever les yeux vers le ciel pour voir cette vasque contenant la flamme olympique monter au-dessus du jardin des Tuileries, d’où elle va illuminer et Paris et ces jeux de son symbole de paix, de joie, et d’amitié entre les peuples. La chanteuse Céline Dion en a même, pour participer à cet enchantement, retrouvé sans stresser, l’exceptionnelle tessiture de ses cordes vocales qu’une étrange maladie, avait nouées, pensait-elle à jamais. Magie de l’olympisme ? Le monde entier a été émerveillé par le génie français, son savoir-faire et ses destinées entremêlées par tant d’histoires communes. C'est avec une joyeuse et créative gourmandise que la France a dit à l’universel et à 4 milliards de téléspectateurs, tout ce qu'il est possible de faire quand on est juste concentré sur le même idéal et le même imaginaire.
La France a raconté au monde ses beautés, ses paradoxes et ses combats actuels contre les monstres qui prônent l’exclusion et le repli sur elle-même. Aya Nakamura que les lepénistes exècrent, chantant encadrée par une sautillante garde républicaine fut réjouissante à voir. L’inclusion de tous les hommes et femmes de ce pays dans le récit national exposé aux yeux du monde, malgré leurs choix d’existence et de vie, fut racontée dans bien des tableaux, sans oublier la part faite aux Arts et Lettres et à la Culture en général.
Et tout ceci fut fait, c’est à souligner, en toute sécurité malgré les menaces terroristes notamment qui pèsent encore sur ce pays qui a demandé à tous ses citoyens de faire de ce moment une fête inoubliable, en dépit des contraintes liées à ce type d’organisations forcément liberticides.
Le président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, fut de la fête, et il ne lui aura pas échappé, qu’en matière d’innovation et de savoir-faire, il faudra relever plus tard ce défi, puisque le Sénégal aura à organiser en 2026, c’est déjà demain, le Jeux Olympiques de la Jeunesse, et notre Comité National Olympique Sénégalais, incarné de manière constante et efficace par Mamadou Diagna Ndiaye, présent à ses côtés à Paris, aura la mission d’imprimer et d’insuffler à nos nouvelles autorités, tout ce qu’il sera demandé au Sénégal pour être à la hauteur de cet évènement historique.
Parce qu’en définitive, c’est toute l’Afrique, berceau de l’humanité par l’histoire et plus jeune continent par sa démographie, qui donne rendez-vous à la jeunesse sportive du monde en 2026.
La ville de Dakar a été choisie pour organiser la 7ème édition de ce Festival International, dédié à la jeunesse, à la culture, à la citoyenneté et à l’environnement.
Rassembler les meilleurs plus jeunes athlètes du monde dans un même endroit et faire de ce lieu la capitale mondiale de la jeunesse sportive, réunis autour de jeux sportifs, populaires, inclusifs et festifs, favorisant la tolérance et la compréhension mutuelle entre toutes les nations, telles seront les ambitions des JOJ depuis leur première édition en 2010 à Singapour.
Le Sénégal a l’opportunité de faire de Dakar 2026 une occasion unique de souder et d’unifier la jeunesse sénégalaise. Une philosophie différente et festive sera à inventer et à instaurer.
Tous les experts semblent en effet s’accorder sur un point : ces Jeux olympiques de la jeunesse 2026 représentent une opportunité que les JOJ s'adaptent à leur terre d'accueil et non pas l'inverse. L’adaptation au contexte local devrait mettre en œuvre des Jeux qui font du sens.
Nous avons deux ans pour enthousiasmer notre jeunesse et faire de l’accueil une fête.
Nous devrons diffuser l’idée-force de ces JOJ 2026, qu’ils ne seront pas des Jeux olympiques en miniature ou au rabais, mais bien au contraire, une ode à la jeunesse et à son rôle dans le futur de l’humanité, et dans la conscience des enjeux qu’elle aura à valoriser tenant compte des valeurs que l’olympisme apporte à la paix et à la vie dans notre monde.
Nous devrons dès à présent dérouler et diffuser des programmes et des évènements qui nous mettent d’ores et déjà dans l’ambiance de cet évènement qui se passe pour la première fois en Afrique. Pour cela, il sera judicieux d’y associer toute la jeunesse africaine pour marquer notre renaissance et notre envie d’être dans le temps du monde.
Bonne chance à notre CNOS et que les enjeux d’une telle organisation soient au niveau des capacités de créativité de notre nation, c’est tout le défi que Mamadou Diagna Ndiaye et ses amis du monde entier vont c’est certain avoir du bonheur à relever.
Une belle opportunité aussi pour nos autorités de mettre notre pays et sa jeunesse au travail.
Rêvons donc au possible… Gainde Ndiaye…Barawacc !!!
Par Magaye GAYE
POLITIQUE MONETAIRE : LA BCEAO MAITRISE-T-ELLE VRAIMENT LA SITUATION?
Le Comité de politique monétaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a décidé, ce 6 mars 2024, de maintenir inchangé son taux directeur à 3, 50%.
Le Comité de politique monétaire de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) a décidé, ce 6 mars 2024, de maintenir inchangé son taux directeur à 3, 50%.
Elle explique cette décision par un recul de l’inflation dans la zone, une bonne tenue des comptes extérieurs et par un contexte de croissance économique favorable. Pour l’institution monétaire, le taux d’inflation serait, en effet, ressorti à 2, 3% au quatrième trimestre 2023, après 2, 9% le trimestre précédent.
Pour l’année 2023, le taux d’inflation se serait situé à 3, 7%, après 7.4% en 2022. Sur la croissance, pour l’année 2023, elle est estimée à 5, 6%, après 5, 7% en 2022. Elle devrait s’accélérer en 2024 pour s’établir à 6, 5%.
Un mauvais diagnostic
A entendre le Gouverneur expliquer les raisons, on a l’impression d’entendre les mêmes refrains dans le cadre d’un exercice de simulation intellectuel répétitif et sans grande conséquence sur les économies. La politique monétaire est complètement déconnectée de la politique économique. La Bceao a, à notre avis, encore pris une mauvaise décision pour plusieurs raisons :
1- La thérapie mécanique de maintien ou d’augmentation des taux est inefficace pour une zone qui n’a pas une maîtrise complète de sa politique monétaire. Dans la zone Franc, où l’essentiel du tissu économique, constitué de Pme et de secteur informel, est exclu du financement, des taux encore élevés sont sans grande portée sur l’économie dans son ensemble et impactent négativement les rares acteurs qui accèdent au crédit.
2- L’autosatisfaction proclamée par la Banque centrale quant à une diminution de l’inflation donc des prix interroge quant à la solidité des arguments avancés. Objectivement, la vie reste très chère dans les pays de l’Uemoa, avec des prix toujours dans une tendance haussière. Chacun peut l’expérimenter à son niveau en constatant de visu ces fortes hausses de prix, notamment sur les denrées de première nécessité et le logement. Il devient urgent de repenser nos outils de mesure des prix. J’observe un décalage entre les niveaux d’inflation annoncés et la vérité des prix sur les marchés.
3- La Bceao semble ignorer que l’inflation actuelle n’a pas une origine monétaire classique et n’est pas liée à une surchauffe de l’économie. Elle est due plutôt à un déficit de l’offre mondiale, à une augmentation du coût du fret maritime et au renchérissement du pétrole et du dollar. Sans oublier les conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur les chaînes de production et les stratégies spéculatives des acteurs. Dès lors, les mesures conventionnelles, contre-productives s’apparentent à un coup d’épée dans l’eau.
4- Le paramètre «bonne tenue de la croissance» annoncée pour justifier le maintien des taux ne tient pas. En effet, ces taux de croissance mal calculés, insuffisants, extravertis (portés souvent par des intérêts étrangers) et supérieurs au croît démographique ne permettent pas un recul de la pauvreté. Une bonne partie des pays de l’Union restent en queue de classement dans l’indice de développement humain du Pnud. Il urge là aussi de s’interroger sur la pertinence et la fiabilité des taux annoncés.
5- La Bceao n’a pas été suffisamment stratège dans sa décision, en omettant d’évoquer l’impact de la situation géopolitique difficile actuelle de l’Union avec son deuxième moteur économique, le Sénégal, en proie à des difficultés politiques, et trois pays, le Mali, le Niger et Burkina quasiment dans une posture de sécession. Une banque centrale responsable ne peut omettre de prendre en compte ces risques dans ses évaluations.
Les solutions
Il urge de changer de fusil d’épaule et de prendre de bonnes mesures. Les contraintes dans la zone Franc sont nombreuses. Des économies extraverties, une monnaie forte qui arrive difficilement à relancer les exportations et qui ne facilite pas l’intégration des zones (Cemac, Uemoa et Comores) ; Au lieu de relever les taux directeurs, il aurait fallu suivre le chemin inverse, mais aussi promouvoir avec les Etats des réformes structurelles sur des économies extraverties, réfléchir à d’autres alternatives au financement et solutionner les contraintes liées au franc Cfa. Aussi, il aurait été intéressant de mettre en œuvre, eu égard au poids important du secteur informel qui échappe aux objectifs de quantification monétaire, une politique d’assouplissement quantitative. Celle-ci pourrait se traduire par des solutions temporaires de planche à billets et des stratégies de rachat d’actifs, notamment de créances et d’obligations ; La Bceao gagnerait à repenser ses missions, centrées sur la lutte contre l’inflation, à l’image de la Fed aux Etats-Unis ; Elle devrait faire focus sur le plein-emploi, qui pourrait se traduire par un appui direct aux Etats et aux acteurs en utilisant une partie de ses réserves pour financer temporairement des projets ; Finalement une question s’impose : les pays de la zone Franc ont-ils vraiment une politique monétaire au service des économies ?
Magaye GAYE
Economiste International
Ancien membre de la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et du Fonds africain de garantie et de coopération économique (Fagace)
Par Kadialy GASSAMA,
LE FISCALISME DEBORDANT ET LES MESURETTES DEFLATIONNISTES DES NOUVELLES AUTORITES
Les objectifs à l’horizon 2030 des Nations unies pour le développement durable, définis depuis 2016, sont loin d’être atteints dans les pays en voie de développement alors que l’échéance s’approche à grands pas.
L’objectif poursuivi par toute société humaine, est d’atteindre le développement qui consiste à rechercher le mieux savoir, le mieux valoir et le mieux-être de tous ses membres, pour dire, à l’image de Senghor : «Le développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes.» A ce titre, tous les économistes et hommes politiques véritables prônent la croissance économique ou l’accroissement des richesses et leur accumulation par l’investissement productif et le travail, comme l’unique moyen d’atteindre le développement économique et social et, partant, le développement humain. Depuis l’origine de l’humanité jusqu’à nos jours, la recherche de la richesse des nations pour le bien-être des populations a été et continue d’être la préoccupation fondamentale de tous les gouvernants. Les objectifs à l’horizon 2030 des Nations unies pour le développement durable, définis depuis 2016, sont loin d’être atteints dans les pays en voie de développement alors que l’échéance s’approche à grands pas.
L’investissement ou l’augmentation du stock de capital est essentiel à la croissance économique, a fortiori dans nos pays faiblement industrialisés. L’accumulation du capital étant le processus qui permet de transformer l’épargne en moyens de production ou en actifs financiers ;Avec le travail et le progrès technique et technologique, surtout à l’ère de l’Intelligence artificielle et de la ruée vers l’espace, l’accumulation du capital est le facteur au centre du développement économique. La mission fondamentale d’un gouvernement quel qu’il soit, c’est non pas de faire le gendarme par un interventionnisme fiscal débordant comme on le constate aujourd’hui avec les nouvelles autorités sénégalaises, mais c’est d’installer les conditions optimales pour un développement économique par des mesures d’incitation pour fouetter l’activité globale, c’est-à-dire permettre une croissance économique vigoureuse, inclusive et régulière pouvant générer des transformations structurelles. Il faut reconnaitre que depuis plus d’une décennie, le Sénégal était assis sur une croissance économique assez forte en dépit de sa vulnérabilité aux facteurs exogènes (inflation importée, crise sanitaire), laquelle croissance pourrait atteindre deux chiffres avec les effets d’une bonne accumulation du capital bonifiée par l’exploitation du gaz et du pétrole.
Malheureusement, nous sommes en train de connaitre au Sénégal des reculs de la croissance économique, si l’on en juge par les replis constatés dans les secteurs tertiaire et primaire pour les mois d’avril, de mai et de juin2024résultantd’une conjoncture peu favorable consécutive à une de perte de confiance des investisseurs (dernières publications de l’Ansd sur la conjoncture économique au Sénégal).
La politique fiscale, la politique monétaire ou budgétaire, avec l’instrumentation des taux d’intérêt, des taux d’imposition et de la fiscalité de porte, du déficit budgétaire et de l’endettement, peuvent induire des reculs de la croissance quand la pression fiscale est forte. La fiscalité, qui est une ponction sur les revenus des ménages et des entreprises, constitue un frein à l’accumulation du capital au sens où elle réduit la propension à épargner des agents économiques, donc à investir. Or, les nouvelles autorités ont une tendance trop forte de tout ramener à un interventionnisme fiscal pouvant créer une situation d’inquisition économique non propice au développement global de l’activité. La politique fiscale doit chercher à trouver un équilibre entre la garantie des recettes dont les gouvernements ont besoin pour financer leurs programmes sociaux et économiques, et la croissance économique inclusive et durable. Une politique fiscale efficiente doit rechercher prioritairement l’incitation au travail, à l’investissement et à l’innovation économique, à la redistribution des revenus et des richesses, ainsi qu’à la viabilité environnementale et le bien-être. A la place d’une pression fiscale forte pouvant obérer la croissance économique, il est plus efficient d’élargir la base de l’assiette qui est le principal défi à relever au Sénégal avec un secteur informel hypertrophié dont la plupart des acteurs échappent au fisc.
Plusieurs études sur la fiscalité, notamment celles de la Banque mondiale, confirment le rapport qui existe entre la pression fiscale et la croissance économique, au sens où une pression fiscale faible est censée stimuler la production en augmentant les incitations à épargner, à investir, à travailler et à innover. En effet, les pays faiblement industrialisés (l’épargne intérieure étant faible et les capitaux rares), qui ont le meilleur environnement des affaires, imposant notamment la charge fiscale effective moyenne la plus faible aux entreprises et ménages et sur les marchandises importées, ont enregistré un taux de croissance réel du Pnb nettement supérieur à celui des pays plus lourdement imposés. Il est clair, s’agissant du cas du Sénégal dans le contexte mondial actuel, que le relèvement du pouvoir d’achat des consommateurs par la baisse de l’impôt sur les revenus des travailleurs pouvant améliorer leur pouvoir d’achat et relancer de ce fait la consommation intérieure, ainsi que la baisse des prix sur l’énergie pouvant réduire les coûts de production, sont les variables essentielles à même d’occasionner un impact sérieux sur la croissance économique et une meilleure compétitivité de l’économie. Ce n’est pas en agissant sur les prix finaux aux consommateurs, par des meurettes administratives de déflation qui ressemblent plus à de la cosmétique qu’autre chose, que les prix vont réellement diminuer, mais c’est en agissant sur la baisse de la pression fiscale sur les revenus des sociétés et des travailleurs, et la baisse des coûts de production comme l’énergie que l’on pourrait aboutir à une croissance économique véritable et une amélioration réelle du pouvoir d’achat des consommateurs. Ce que l’on oublie souvent dans le relèvement des conditions de vie et d’existence des populations, c’est l’augmentation des revenus, qui en est le facteur essentiel pour le développement humain par rapport à la variation erratique des prix, mais qui est aussi facteur essentiel de compétitivité et de croissance
Une pression fiscale faible permet également de stimuler l’attractivité progressive de l’économie par l’amélioration de l’environnement des affaires favorisant l’afflux de capitaux importants dans notre pays pour le développement des infrastructures et la création de parcs industriels et technologiques, ainsi que la détaxation sur le matériel et les intrants agricoles pour l’accroissement des productions agricoles et l’augmentation subséquente de la croissance économique avec les nombreux effets d’entraînement dans les autres secteurs. C’est pourquoi, en dépit du renchérissement de l’or noir dans le marché mondial (renchérissement qui nous profite aujourd’hui avec l’exploitation du gaz et du pétrole) et des nombreux défis à relever, le Sénégal est parvenu à stabiliser les prix intérieurs au cours des dernières années en agissant sur la diminution de la pression fiscale et la maîtrise des coûts en dépit d’une conjoncture inflationniste internationale (Covid, guerre en Ukraine, dérèglement climatique). Ce cadrage macroéconomique pour une pression fiscale faible et une maîtrise de l’inflation, basé sur un modèle dynamique et adossé à la réalité et ses possibilités d’évolution, visait la transformation structurelle de l’économie par l’augmentation des richesses au moyen de l’investissement productif. Il faut faire remarquer que la démarche du tout fiscalisme des nouvelles autorités s’indexe dans le sens inverse, c’est-à-dire sur l’aggravation de la pression fiscale, sur la suppression des exonérations et des subventions, obérant quasiment la propension des agents économiques à exister, à épargner, à investir, à produire, à transformer, à consommer et à exporter. Au demeurant, les productions agricoles record enregistrées ces dernières années démontraient, si besoin en était encore, que la situation économique avait progressé sensiblement de façon inclusive, avec plus de trois millions de tonnes de céréales et un million cinq cent mille tonnes d’arachide, augmentant notablement la contribution du secteur primaire à la formation du Pib. C’est dire que l’approche du développement économique des nouvelles autorités est hors contexte, irréaliste, se basant non pas sur une analyse approfondie des situations, mais sur la stigmatisation pour susciter l’émotion, en utilisant la rhétorique simpliste pour s’exprimer.
Nous vivons dans une époque de pleine mondialisation dans laquelle le Sénégal, avec ses quatre millions de travailleurs émigrés dont la contribution au Pnb est proche aujourd’hui de la moitié de notre budget national, a été, de tout temps, depuis le commerce transsaharien de la gomme arabique, une économie ouverte, d’autant que nos situations de micro-Etats, dans un marché intérieur étriqué et non porteur, nous commandent à avoir des politiques intégratrices dans le cadre sous-régional, régional, continental et mondial. L’élargissement de l’échelle nous permet non seulement d’avoir des marchés porteurs, mais aussi et surtout, nous permet de réduire les coûts de production et de transaction, et d’améliorer la compétitivité. Nous pensions que les nouvelles autorités se trompent lourdement de bonne foi en voulant réduire l’économie pure à la fiscalité, en raison de leur formation de chasseurs d’impôts leur inculquant une déformation professionnelle «du tout impôt» qui nuit à l’économie. Mais, lorsque le politicien en position de conquête est tout tendu vers un agir sur l’autre à des fins d’adhésion en piétinant l’éthos de crédibilité et en privilégiant l’éthos d’identification par un jeu sur l’ignorance des populations, de sorte que le citoyen adhère non pas en toute connaissance de cause, mais par enthousiasme, il en résulte que la vérité se trouvera piégée et la manipulation de l’opinion devient une méthode. Toutefois, une fois au pouvoir avec l’aide de Dieu, nos nouvelles autorités doivent changer de comportement, non pas pour réinventer la roue, mais pour poursuivre les efforts déjà entrepris, afin d’impulser une croissance économique vigoureuse, inclusive et durable, la seule voie de sortie pour nos Etats.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger Rufisque
Par Madiambal DIAGNE
LE SENEGAL RATTRAPÉ PAR LE COUP DES 450 MILLIARDS DES EUROBONDS
Le décaissement suspendu ou différé de 230 milliards de francs va peser sur la politique financière du Sénégal et rien ne garantit que la situation reviendra à la normale à la rentrée des institutions de Bretton Woods
Le programme conclu entre le Sénégal et le Fonds monétaire international (Fmi), pour la période 2023-2026, comporte un décaissement de crédits de 1150 milliards de francs Cfa. Deux premiers chèques ont été consentis pour l’année 2023, pour un montant total de 298 milliards de francs Cfa. Il était prévu deux nouveaux paiements pour l’exercice en cours, dont un paiement de 230 milliards en juillet 2024 et un autre de 109 milliards en décembre 2024. La dernière mission de revue du Fmi, qui a séjourné à Dakar du 6 au 19 juin 2024, avait conclu, à la perspective du passage du dossier du Sénégal devant le Conseil d’administration de l’institution internationale, courant juillet 2024. Cette réunion, qui devrait valider le premier décaissement de cette année, avait d’ailleurs était calée pour le 24 juillet 2024. L’instance a été reportée à septembre prochain. Le ministre des Finances et du budget, Cheikh Diba, aurait senti la nécessité de mieux se préparer, et pour cause ! «Histoire de mieux préparer son dossier, car les bailleurs ne comprennent pas trop les circonstances du dernier eurobond», souffle un haut fonctionnaire.
Le Sénégal paie cash ses turpitudes
Le Sénégal se trouve dans la situation assez délicate de ne pouvoir répondre aux interrogations des bailleurs de fonds. Des procédures importantes n’ont pas encore pu être respectées comme le Débat d’orientation budgétaire, mais aussi l’examen et notamment l’adoption d’une Loi de finances rectificative. Les grandes querelles opposant le Premier ministre Ousmane Sonko à l’Assemblée nationale, autour de la Déclaration de politique générale, sont passées par là, empêchant de tenir les séances parlementaires nécessaires pour les procédures de gestion du budget de l’Etat. De surcroît, la Loi de finances rectificative n’est même pas encore adoptée en Conseil des ministres, alors que le cadrage budgétaire initial a considérablement évolué. Mais l’épine la plus difficile reste la documentation sur la question de la dernière opération eurobond. Un manque de transparence remarqué. Le gouvernement du Sénégal est incapable de répondre aux questions concernant les conditions du recours aux marchés financiers internationaux, les 3 et 4 juin 2024, pour lever la bagatelle de 450 milliards de francs Cfa. Edward Gemayel, chef de mission du Fmi, au cours d’une conférence de presse à Dakar, le 19 juin 2024, relevait en outre le surfinancement que cela induisait sur les finances publiques du pays et l’inopportunité de l’opération. Du reste, l’emprunt avait été effectué à l’insu du Fmi (voir notre chronique du 24 juin 2024). Le gouvernement du Sénégal voulait poursuivre sa fuite en avant, ignorant les objections du Fmi. L’opinion publique, par le truchement des médias, de la Société civile et de certaines personnalités politiques, a voulu en savoir davantage, mais le gouvernement n’a daigné fournir la moindre explication. Il se trouve donc rattrapé par la situation et cela risque de constituer une tache noire dans les relations avec les partenaires internationaux.
Le décaissement suspendu ou différé de 230 milliards de francs va peser sur la politique financière du Sénégal et rien ne garantit que la situation reviendra à la normale à la rentrée des institutions de Bretton Woods. Une nouvelle mission du Fmi au Sénégal était déjà prévue, dans le calendrier annuel du Fmi, pour le mois de septembre 2024, et devrait préparer le décaissement attendu pour décembre 2024. Le Sénégal pourrait-il ainsi faire coupler les deux décaissements, ce qui serait une première, mais aucune garantie ne pourrait lui être donnée sur la faisabilité. Il s’y ajoute qu’il restera à vérifier jusqu’où l’injonction publique, faite par le Fmi, d’utiliser les 450 milliards de l’eurobond pour reprofiler la dette, a été respectée. Le Fmi avait alors préconisé de «discuter avec le gouvernement de l’utilisation de ce surfinancement pour effectuer des opérations de gestion du passif». M. Gemayel précisait : «C’est-à-dire racheter des dettes à court terme plus coûteuses avec cette liquidité à plus long terme et moins coûteuse. Le Sénégal a emprunté plus que nécessaire pour ses besoins actuels, créant ainsi des fonds excédentaires disponibles. La gestion du passif implique de réduire les coûts de la dette et d’améliorer la stabilité financière à long terme. Les fonds excédentaires, ayant des taux d’intérêt plus bas et des échéances plus longues, permettraient de rembourser des dettes plus coûteuses à court terme et de bénéficier de coûts d’emprunt plus bas sur une période plus longue. Cette stratégie permettrait d’optimiser la structure de la dette, de réduire le surfinancement et de renforcer la soutenabilité de la dette.».
Au demeurant, comment combler le trou que constituerait, dans les caisses de l’Etat, le non-décaissement des fonds du Fmi ? Des sources proches du ministère des Finances et du budget soutiennent que, pour pouvoir passer le cap, le Sénégal envisage d’essayer de recourir à des crédits relais à souscrire sur le marché intérieur de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa). Une opération qui s’annonce onéreuse car les marchés risquent de se tendre dans une situation où le Fmi ne donnerait pas sa bénédiction. Des institutions internationales comme la Bad, la Bid, la Banque mondiale, l’Afd ou l’Union européenne ne s’engagent guère avec un pays sans un accord formel avec le Fmi. Pendant que le dossier du Sénégal est retiré du menu du Conseil d’administration, d’autres pays du même groupe que le Sénégal, notamment la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin et la République démocratique du Congo, ont vu leur dossier passer comme lettre à la poste.
Les questions qui demeurent sans réponse
Le gouvernement avait fait le dos rond devant l’interpellation par Birahim Seck, Coordonnateur général de l’organisation Forum civil, sur les conditions de transparence de l’opération et surtout le recours à l’intermédiaire, la banque anglaise Jp Morgan. Dans ces colonnes, nous prévenions sur les risques de se fâcher avec les marchés financiers formels ou, à tout le moins, de gêner les relations du Sénégal avec ses partenaires. Nous avions exprimé des craintes réelles pour les décaissements futurs du Fmi sous forme de prêt concessionnel. En effet, «il peut apparaître quelque peu incohérent pour l’institution financière de continuer à prêter à un pays dont il a fini de relever, à la face du monde, qu’il se trouve dans la merveilleuse et enviable situation de «surfinancement». Les défenseurs autoproclamés du gouvernement répondaient par des insultes virulentes, mais ce couac semble nous donner raison. Aussi, à la fin de la journée et devant le conseil d’administration du Fmi, il faudra expliquer comment le Sénégal avait emprunté au taux le plus cher de son historique d’endettement, à savoir 7, 75%, adjugé aux investisseurs, sur une maturité aussi courte de sept ans. Quel est le taux définitif si on intègre les commissions et autres frais d’intermédiation gardés confidentiels ? Motus et bouche cousue pour l’heure. Il faudra sans doute finir par expliquer dans quelles conditions la banque intermédiaire Jp Morgan a été choisie, sans aucun appel à la concurrence, et quels sont les liens avec les investisseurs soigneusement ciblés dans l’opération de placement d’obligations directes du Sénégal. Jp Morgan n’a eu à démarcher que ses clients privilégiés, et de nombreux investisseurs traditionnels n’avaient pas été consultés, comme il était de coutume.
Attention, l’économie du pays se relâche
Sur un autre aspect, des diligences doivent être engagées par le gouvernement pour ne pas laisser sombrer l’économie. Les signaux sont inquiétants. Il faut dire que la gestion budgétaire est marquée par une légère progression de la mobilisation des recettes, associée à une exécution prudente des dépenses. Il reste que de façon générale, la situation économique du Sénégal semble s’engager dans une lourde tendance de repli, pour ne pas dire de marasme. La perception est réelle au niveau de l’opinion, mais aussi des voix les plus autorisées relèvent ce phénomène qui devrait désormais constituer une véritable préoccupation. Les dernières notes de conjoncture économique produites par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) et la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) du ministère de l’Economie, du plan et de la coopération alertent, chacune de son côté, sur des perspectives de repli sur plusieurs secteurs économiques, et sur lesquels le gouvernement aura intérêt à veiller. Il est de notoriété publique que le secteur informel, qui concentre l’essentiel de l’économie du pays, traverse une mauvaise passe. Aussi, le déficit commercial du Sénégal s’est largement creusé. Des secteurs économiques et sociaux, qui occupent un grand nombre de personnes, sont en berne. Par exemple, l’activité de négoce s’est ralentie, en liaison avec le fléchissement du commerce de gros. De même que l’activité de transports s’est ralentie, dans le sillage du transport ferroviaire et de l’activité d’entreposage et d’auxiliaire de transport. La situation de faible trafic au niveau du Port de Dakar est éloquente. S’agissant des services d’hébergement et de restauration, la crainte s’installe du fait des contreperformances de l’hôtellerie. D’ailleurs, les médias ont décrit des baisses de recettes au niveau du secteur de la restauration. On notera une autre constante dans les rapports de la Bceao et de la Dpee, que l’emploi salaríe du secteur moderne s’est replíe sous l’effet de la baisse des postes pourvus dans le secteur tertiaire. En revanche, les effectifs dans le secteur secondaire ont connu une petite hausse.
L’indicateur du climat des affaires apparaît également morose. Selon les enquêtes réalisées par les experts et dont les rapports sont publics, cette dégradation reflète l’orientation défavorable des opinions des industriels, des entrepreneurs des «Bâtiments, des Travaux Publics» et des prestataires de services. Cette situation semble avoir une lourde incidence sur les banques qui traversent une période de relative morosité avec des dépôts qui se rétrécissent, tandis que de plus en plus de retraits des liquidités, pour des montants élevés, sont observés. Les gros déposants semblent garder leurs numéraires hors du circuit bancaire, de crainte d’éventuelles saisies inopinées ordonnées par les services fiscaux. Commencerait-on à perdre confiance au circuit économique ? Un climat d’insécurité ou de psychose s’installe dans le landernau des affaires. Les activités financières et d’assurance sont en repli, sous l’effet de la contraction des services financiers. Les transactions immobilières sont stoppées net et les cabinets notariaux ne voient plus de clients. «L’argent n’aime pas le bruit.»
Post Scriptum : Comme à l’accoutumée, cette chronique part en vacances pour tout le mois d’août 2024. A très bientôt.