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26 novembre 2024
People
TRUMP VEUT CONTOURNER LA BIG TECH
René Lake commente sur VOA, le lancement de Truth Social, plateforme alternative censée donner de la voix à Trump toujours banni des réseaux sociaux traditionnels et potentiellement lui servir de marchepied pour un retour à la Maison Blanche
L'ancien président toujours banni de la plupart des réseaux sociaux traditionnels vient de Truth Social, une plateforme alternative censée lui donner de la voix et qui pourrait potentiellement lui servir de marchepied pour un retour à la Maison Blanche.
Analyse et commentaires avec René Lake au micro de VOA.
PAR BOUBACAR BADJI DE SENEPLUS
MULTIPLE PHOTOS
UN SACRE HAUT EN COULEURS
EXCLUSIF SENEPLUS - Accoutrements loufoques, maquillages du corps entier à l'effigie du Sénégal. Au coeur de la longue procession dans les rues de Dakar avec les Lions champions d'Afrique de retour au bercail - REPORTAGE PHOTOS
Boubacar Badji de SenePlus |
Publication 07/02/2022
Des millions de Sénégalais ont pris d'assaut les rues de la capitale, Dakar et sa banlieue ce lundi 7 février, pour célébrer le triomphe de l'équipe nationale de football à la CAN 2021. Parmi eux, de véritables passionnés des Lions qui ont fait preuve d'imagination débordante pour manifester leur soutien aux nouveaux champions d'Afrique.
SenePlus vous plonge dans cette ferveur populaire grâce à ce reportage photos réalisé par Boubacar Badji.
LES SECRETS DU THIÉBOUDIÈNE
Retour sur les recettes de ce plat devenue une tradition culinaire au Sénégal, à l'heure de son incription par l'Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, avec René Lake au micro de VOA Afrique
Retour sur les recettes de ce plat devenue une tradition culinaire au Sénégal, à l'heure de son incription par l'Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, avec René Lake au micro de VOA Afrique. Ecouter à partir de la 6'50".
JOAL EXIGE LE RAPATRIEMENT DES SENGHOR
Le retour des restes de Léopold Sedar Senghor, sa femme, Collette, et son fils, Philippe, qui étaient attendus à Joal hier à 11h, n’aura finalement pas eu lieu
En ce 20 décembre, qui marque l’anniversaire de la disparition du premier Président sénégalais, Léopold Sedar Senghor, les habitants de Joal, sa ville natale, avait bon espoir de recevoir les restes de la famille Senghor au complet. Mais, il faudra attendre encore. «Des lobbys» ont empêché l’accomplissement du vœu du défunt Président, dénoncent des membres du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor.
Le retour des restes de Léopold Sedar Senghor, sa femme, Collette, et son fils, Philippe, qui étaient attendus à Joal hier à 11h, n’aura finalement pas eu lieu. Pourtant, le transfert était bien prévu, mais la famille maternelle du Président-poète n’est pas emballée par l’idée d’exhumer les restes de ces dépouilles pour les enterrer à Joal. Une attitude qui n’a pas manqué de créer des frustrations au niveau du Cercle culturel Léopold Senghor, qui a organisé une messe de requiem pour exiger le retour des restes des Senghor à Joal.
Cette messe de requiem, qui a été célébrée ce samedi à l’église de Joal par le curé doyen Jean Felix Diandy de la paroisse Notre Dame de la Puri¬fication de Joal, a enregistré la participation de plusieurs amis et sympathisants du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor. Selon Michel Diouf, président, cette messe de requiem devait être célébrée le 20 décembre. «Mais puisque c’est un jour ouvrable, nous l’avons ramenée à aujourd’hui, samedi 18 décembre 2021, pour permettre à ceux qui le désirent, d’y assister.
Cette messe fait partie de notre calendrier annuel, qui tourne autour de quatre points. Il y a la naissance de Senghor, le 9 octobre, où nous organisons une marche silencieuse vers le cimetière ; le 20 décembre, date de sa mort, nous organisons une messe de requiem dans le royaume d’enfance.
En janvier, nous organisons le fameux drapeau du royaume d’enfance et au mois de juin, nous organisons tous les deux ans, le Salma d’Or, une distinction pour ceux qui ont œuvré pour la mémoire de Senghor. Voilà les quatre évènements qui ponctuent la vie du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor», a déclaré le président du Cercle.
Il a profité de la fin de cette messe, pour rappeler que Joal est toujours dans cette optique de ramener les restes de Senghor à Joal. «Nous avons tenu beaucoup de réunions et un calendrier avait été établi. Il avait été prévu que le corps viendrait à Joal le 19 décembre 2021 à 11h et qu’ou aurait fait le transfert au cimetière catholique et le lendemain, on devait tenir une cérémonie pour magnifier Senghor», a rappelé Michel Diouf. Une vieille doléance qui ne sera pas satisfaite et qui n’a pas manqué de créer des frustrations dans la ville natale de Léopold Senghor.
D’ailleurs, Gabriel Diam, président d’honneur du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor, ne cache pas sa colère. «Nous sommes encore surpris par ce qui se passe et pourtant on avait bien programmé le transfert des dépouilles de Senghor, Colette, sa femme, et Philippe, son fils. Nous sommes déterminés à suivre un programme, qui a été dégagé par la Fondation Léopold Sédar Senghor. C’est que le corps repose à Joal, comme l’avait souhaité ce dernier», a précisé M. Diam.
Pour montrer la détermination de la fondation à transférer les restes de Senghor à Joal, il a rappelé qu’avant leur slogan était «Joal attend», mais aujourd’hui le nouveau slogan, c’est «Joal exige que le corps de Senghor soit rendu, comme il l’a constamment demandé». «C’est pourquoi toutes les communautés sont venues lors de cette messe. Nous demandons que le programme continue, Senghor est, et restera fils de Joal.
Que le corps vienne ou ne vienne pas, Senghor restera toujours avec nous. Il y a ceux qui ne sont pas d’accord pour le transfert, ils ont mis en place un lobby. Mais nous sommes très déterminés et nous continuerons notre programme. Nous savons qu’il y a des hommes tapis dans l’ombre, qui ne veulent pas de ça. Mais qu’ils sachent que nous sommes déterminés», a averti le président d’honneur du Cercle culturel Léopold Sédar Senghor.
Les hommes politiques sénégalais n’écrivent pas souvent, et quand ils le font, ce sont en majorité de très mauvais livres peu lus et qui tombent vite dans l’oubli. Un homme politique le relevait récemment : le commentaire politique à la petite semaine l’emporte sur le travail de fond qui propulse des idées et des propositions. Quant aux journalistes, s’imposent à eux en démocratie une obligation de documenter le cours politique de notre pays et de laisser aux prochaines générations des clés de compréhension des mœurs de notre époque.
Par exemple, j’ai toujours été chagriné par l’absence d’une bonne biographie de Abdoulaye Wade, qui est un personnage fascinant. Ont écrit sur lui, ses pires adversaires dans des livres où l’anathème et la haine supplantent la démarche argumentative. Sinon ce sont des courtisans qui ont commis des hagiographies sans grand intérêt. Dans les deux cas, on peut rappeler la phrase de Talleyrand : «Tout ce qui est excessif est insignifiant.»
Le dernier livre du talentueux et iconoclaste journaliste, Ibou Fall, a été pour moi une bouffée d’oxygène. Pour le vingtième anniversaire de la disparition de Senghor, il vient de publier «Senghor, sa nègre attitude» (Editions Forte Impression). La plume de Ibou Fall, vive et caustique, décortique la trajectoire du poète-Président en lien avec l’histoire politique de notre pays. Le résultat offre une belle fresque sociale, un remarquable livre d’histoire politique.
Le journaliste ouvre son récit par la «si courte lettre» de Senghor au président de la Cour suprême, «gardienne vigilante de la Constitution», pour l’informer de sa décision de quitter la tête de l’Etat, cédant ainsi, par le biais de l’article 35, les rênes du pays à son longiligne successeur. L’auteur qualifie ce geste «d’art de partir» qui relève «du savoir-vivre, de la bienséance, de la politesse» et j’ajouterais de la courtoisie républicaine.
Ibou Fall nous offre aussi une immersion en pays seerer pour nous familiariser avec ses mythes, valeurs, traditions et subtilités. Il gomme des idées reçues sur Senghor que véhiculent ceux qui ne le connaissent pas ; ceux qui jugent plus utile de pérorer au risque de mettre à nu leur ignorance, que d’aller à la quête du savoir disponible auprès d’une multitude de sources historiques.
Ibou Fall nous familiarise avec une autre facette de Senghor peu mise en avant : sa figure sociale de «député kaki», à travers notamment son combat en métropole pour la hausse du prix de l’arachide, son statut d’homme du peuple, figure de la gauche sénégalaise, qui lui permit de battre aux législatives de 1951, grâce aux voix des «sans-dents», Lamine Guèye, candidat de la bourgeoisie.
Dans «Senghor, sa nègre attitude», Ibou Fall ne se limite pas à nous conter le parcours de celui qu’il appelle non sans une certaine affection «Sédar Gnilane», lui le fils de Mamadou Dia. Il nous rappelle des figures oubliées comme Ibrahima Seydou Ndaw, Caroline Faye, Théophile James, Abbas Guèye, André Guillabert, André Peytavin, Etienne Carvalho, Léon Boissier-Palun ou encore Jean Collin.`
Le satiriste, avec un humour qui ne déroge pas à l’exigence d’érudition, offre un panorama de l’histoire du Sénégal des dernières années de la colonisation à la période actuelle. Il décrit la violence du fait colonial, l’alliance puis l’affrontement entre deux monuments de notre pays, Senghor et Lamine Guèye, la grève des cheminots de 1947, qui permit de faire vaciller la puissance coloniale et mit en avant le grand syndicaliste, Ibrahima Sarr, le référendum et le «Oui» de 1958, l’érection puis la chute dramatique de la Fédération du Mali, l’épisode de Mai 68, la mort de Omar Blondin Diop, les derniers jours du Président-poète et les tentatives de ses anciens amis de l’effacer de la mémoire nationale.
L’ouvra¬ge est enfin une photographie des mœurs sénégalaises d’hier à aujourd’hui. Il nous montre qu’au fond, pas grand-chose n’a changé depuis 1958. Le Sénégal, les Sénégalais, nos mœurs, nos pratiques, nos grandeurs et nos misères sont peints avec précision, et surtout sans concession.
Ibou Fall rappelle aussi le degré de fidélité des hommes politiques au Sénégal. Pêle-mêle, il cite la trahison vis-à-vis de Senghor dès qu’il eut le dos tourné, les artisans du complot contre Mamadou Dia, la duplicité de Abdoulaye Wade lors de la création du Pds, les manœuvres politiciennes qui ont permis l’éviction de Babacar Ba, les indélicatesses avec les finances publiques, les reniements au gré des espèces sonnantes et trébuchantes…
On y lit un condensé du Sénégal d’hier à aujourd’hui. Ibou Fall a photographié le Sénégalais dont Senghor, en bon catholique bien éduqué, disait que son «destin est d’appartenir à l’élite mondiale, de rivaliser avec les meilleurs sur la planète». Sommes-nous encore dignes de ces mots ?
LES BONNES FEUILLES DU LIVRE D'IBOU FALL SUR SENGHOR
Sous la plume truculente et incisive de son talentueux auteur, le lecteur découvre des facettes inédites de celui qui a dirigé ce pays pendant 20 ans, avant de passer pacifiquement la main. Extraits
L’ouvrage que le journaliste Ibou Fall consacre à l’ancien président Senghor, paraît un peu plus de vingt ans après la disparition de ce dernier. Sous la plume truculente et incisive de son talentueux auteur, le lecteur découvre des facettes inédites de celui qui a dirigé ce pays pendant 20 ans, avant de passer pacifiquement la main. En hommage à ce que le pays aurait souhaité faire une «Année Senghor», mais que le Covid a plombé, Le Quotidien publie ici quelques extraits de l’ouvrage que son auteur présentera demain à la Fondation Léopold Sédar Senghor.
«Abdou Diouf et Jean Collin, le duo
Léopold Sédar Senghor renonce donc à ses charges de Président de la République du Sénégal. Ou plutôt, de cette République sénégalaise que son alchimie traîne tant à faire bourgeonner. Trente-cinq haletantes années et un article trente-cinq, il lui aura fallu.
L’aboutissement d’un processus dont le déclic capital est la modification du mode de succession par l’article 35 de la Constitution en décembre 1978. Un tour de passe-passe par lequel le Premier ministre succède au président de la République en terminant son mandat.
Senghor qui l’annonce à son successeur durant ses vacances de 1977 en Normandie, a déjà dans le viseur l’élection de 1978, pour un dernier magistère qui prend fin en 1983.
Il pense rendre les armes à mi-chemin, fin 1981
Le poète président ne jurerait pas la main sur une bible qu’Abdou Diouf pourrait se faire élire comme un grand pour lui succéder. Déjà, lorsqu’il s’agit de l’imposer à la tête de la coordination de l’Union progressiste sénégalaise, UPS, de Louga, il faut demander à Moustapha Cissé (parrain du tristement célèbre député Cissé Lô, « El Insultero ») de faire le ménage au point de dissoudre le conseil municipal que dirige Mansour Bouna Ndiaye…
Le longiligne Lougatois n’est pas le foudre de guerre, la bête politique capable de drainer les foules et embarquer les « barons » socialistes à sa suite. Les fortes têtes se voient mal, après le fascinant Senghor, accepter l’autorité d’un bien terne fonctionnaire : Amadou Cissé Dia, Alioune Badara Mbengue, Magatte Lô, Amadou Karim Gaye, Mady Cissokho, Lamine Diack.
On y compte aussi Caroline Faye, rare îlot féministe dans un océan de machisme, Adrien Senghor, l’influent neveu et, surtout, Babacar Bâ, mythique ministre des Finances dont la popularité dans le bassin arachidier et les milieux d’affaires bat tous les records. On le pressent à un moment comme l’héritier de Senghor, son successeur. Il faut à Jean Collin, marionnettiste hors-pair, des trésors d’ingéniosité pour l’écarter de la course à la succession, avec le concours d’Abdoulaye Diack, Ahmed Khalifa Niasse et… Abdoulaye Wade !
Oui, vous lisez bien : Maître Abdoulaye Wade, Laye Ndiombor, le futur ex-Pape du « Sopi »… Le premier congrès du PDS ne se tient pas innocemment à Kaolack. Un vieux compte à régler : en 1971, Abdoulaye Wade rêve tout haut du ministère des Finances, en remplacement de… Jean Collin. Senghor lui préfère Babacar Bâ.
Vous connaissez la suite
Abdou Diouf est un premier de la classe. Il fait ses devoirs et sait ses leçons, a l’échine souple, subodore le bon plaisir du maître, reste à sa place. Senghor voudrait bien qu’il fasse preuve de plus d’audace. Il n’en fera rien, à juste titre.
Ça fait longtemps que le poète président mise sur l’austère Abdou Diouf, longiligne administrateur des colonies sans aspérité, qu’il regarde avec un certain agacement de temps à autre : pas assez de caractère. Il n’en jette pas.
C’est paradoxalement cette congénitale « tare » qui en fait l’idéal successeur. Le pays que Senghor laisse derrière lui n’a pas besoin d’un aventurier fantaisiste qui en saperait les fondements en deux décrets audacieux sous le couvert d’un nationalisme de bon aloi.
Il se raconte qu’il est même question, pour booster sa popularité auprès des militants, de transférer les fonds politiques à la Primature. Diouf, alors Premier ministre et numéro deux du PS décline poliment l’offre. L’argent lui fait peur mais, surtout, il confie à un proche sur ce sujet : « Boûr dafa fîr (Un patron est toujours jaloux de sa cote d’amour)… Si c’est moi qui détiens les fonds politiques, les militants se mettront à me glorifier en oubliant Senghor dans leurs éloges ; le Président finira par en prendre ombrage et me limoger ».
Abdou Diouf se plie en huit, se fait plus que tout petit, et reste donc obstinément dans l’ombre de son patron. Au point que Senghor lui adresse un courrier teinté d’agacement : « Monsieur le Premier ministre, je constate qu’en dépit de mes instructions, vous persistez à toujours vouloir être derrière. Vous êtes le chef du Gouvernement de la République, donc vous devez être à côté du chef de l’État ».
La retenue d’Abdou Diouf, qui n’a de cesse de se faire oublier, est tout de même payante. Ce n’est pas de son côté qu’on guette les « coups d’État » ni même les coups d’éclats. Il est obéissant jusqu’au moindre détail, tant qu’on ne lui demande pas de jouer les hâbleurs.
Abdou Diouf n’est pas Mamadou Dia…
Le Lougatois est même plutôt prompt à se placer sous l’autorité des autres. Il se met d’ailleurs sous la protection de Jean Collin, habile manœuvrier, qui tire les ficelles des renseignements et du maintien de l’ordre depuis le ministère de l’Intérieur, à quelques jets de pierre du Palais présidentiel.
Ah, Jean-Baptiste Collin… Un Sénégalais pas comme les autres.
Né le 19 septembre 1924 à Paris, élève à Louis-le-Grand, ensuite formé sur les bancs de l’École nationale d’Administration de la France d’Outre-Mer, ENFOM, et à l’École des Langues orientales, il est parachuté au Cameroun où il sévit une décennie durant, au sein de l’administration coloniale. Puis il pose son baluchon au Sénégal à la fin des années quarante, à Diourbel plus précisément.
Nommé directeur de l’Information et de Radio-Dakar, il passe chef de cabinet du président du Conseil de Gouvernement, Mamadou Dia.
Résolument plus sénégalais que les Sénégalais ordinaires, Jean Collin est, entre autres, le rédacteur du fameux discours de Maître Valdiodio Ndiaye face à De Gaulle le 26 août 1958.
Pire, il passe outre les consignes de l’UPS, et vote « Non » lors du référendum de septembre 1958 qui vise à instaurer la Communauté franco-africaine. Il est même viré pour cette frasque et se retrouve gouverneur du Cap-Vert avant son come-back dans le gouvernement de Mamadou Dia, comme secrétaire général.
On le soupçonne d’être un communiste viscéral. Personne ne pourra jamais le prouver. Jean Collin est presque de la maison Senghor, lui qui épouse, en premières noces, Adèle Senghor, une nièce du Président et rêve un moment de lui succéder. Jusqu’à ce que l’évidence lui saute aux yeux : avec sa couleur de peau, lui, le « Sénégalais d’ethnie toubab » ne serait jamais élu. Il jette alors son dévolu sur le très conciliant Abdou Diouf, lequel voue une sorte de vénération à son aîné de l’ENFOM…
Abdou Diouf est l’exécutant obéissant qui ne se permet même pas en rêve de foucade sécessionniste contre la Françafrique. Il assimile la leçon en bas âge. Surgi de son ténébreux Louga natal, Saint-Louisien d’adoption, il tient tant à s’extirper de la fange indigène qu’il passe le bac quasiment sur son lit d’hôpital.
À l’École d’Administration de la France d’Outre-Mer, ça apprend à toiser la négraille avec quelque commisération, à mâter les récalcitrants et à deviner la direction des intérêts de la Métropole. Léopold Sédar Senghor y enseigne, Abdou Diouf y apprend, c’est même un premier de la classe. De ces monstres froids, fayots appliqués, ces cocktails de complexes, peu sûrs d’eux, larbins studieux, sans âme, inquiets de la moindre désapprobation des profs, à l’écoute des soupirs du maître, égocentriques oublieux, qui ne se retournent pas sur ceux qui les propulsent vers les sommets, détruisant sans un frisson de miséricorde tout ce qui fait salissure sur leur habit de lumière.
C’est après huit années d’hésitations qu’en 1970 Senghor se résout à créer le poste de Premier ministre, qu’il accompagne de son néologisme, la Primature.
Il n’est plus question de bicéphalisme depuis l’affaire Mamadou Dia. Le p’tit gars de Joal règne en maître absolu. Il ne peut composer qu’avec un collaborateur obéissant au doigt et à l’œil. L’administrateur de colonie Abdou Diouf n’a pas un poil de sourcil plus haut que l’autre. Il se fond idéalement dans le moule.
Le député kaki (…) Ah, Senghor et Dia…
Leur première rencontre commence mal. Escale à Fatick de Léopold Sédar Senghor, candidat à la députation en 1945. Mamadou Dia, directeur d’école hyperactif, se charge de lui parler au nom des populations qui l’accueillent sur la place du marché. Il ne cherche pas ses mots : « Je ne comprends pas que vous, jeune agrégé, au lieu de vous soucier de prendre la direction de l’enseignement en Afrique, vous vous préoccupiez d’avoir un mandat politique »…
Le candidat Senghor, diplomate, déjà fin politique, se fait également pédagogue face à l’impétueux directeur d’école : « Je comprends votre point de vue ; mais vous avez tort, parce que la politique, aussi, peut changer les mœurs, introduire un nouveau souffle ».
Le ton est donné ?
Amadou Moustapha Dia, né à Khombole le 10 juillet 1910, dans l’aride Baol, fils de policier ayant perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions, est un premier de la classe. En 1927, au concours d’entrée à l’École Normale William Ponty de Gorée, il est le major de toute l’AOF. Très vite, il gravit les échelons d’enseignant, à Saint-Louis puis Fissel, avant de devenir directeur d’école à Fatick.
Mamadou Dia considère, en ce temps-là, la politique comme une activité avilissante, indigne du pieux musulman, de l’honnête homme, du pédagogue passionné de paysannat qu’il est… Jusqu’au jour où les notables de Fatick viennent le rencontrer en délégation.
Il est question de constituer une Assemblée territoriale : ils veulent que Mamadou Dia représente Fatick. En un mot comme en cent, qu’il entre en politique… Ils se chargent de le faire inscrire sur la liste SFIO, au moyen du parrainage de « Djaraaf » Ibrahima Seydou Ndaw et… Léopold Sédar Senghor. Il s’y plie en se bouchant le nez : il est en fin de compte l’un des douze élus du Sine-Saloum, parmi les cinquante membres du Grand Conseil de l’AOF. C’est son premier pas dans ce monde qu’il considère comme glauque.
Enfin, pas vraiment : avant ça, il publie déjà des textes subversifs sur la misère paysanne dans les journaux de l’époque, propose les coopératives comme solutions à l’économie rurale… Il tient une chronique, « Le Carnet du Pétitionnaire », dans Le Réveil du Rassemblement Démocratique Africain d’Houphouët ou bien, parfois, ses coups de sang giclent dans L’AOF de la SFIO.
Ce n’est pas exactement de la politique politicienne mais son engagement préfigure au moins une carrière de redresseur de torts. Senghor le lit régulièrement. Quand le député vient en tournée au Sénégal, il fait escale à Fatick. Lui et Mamadou Dia se parlent désormais beaucoup ; ils se voient aussi à Dakar. Et, durant les réunions de la SFIO, face aux obligés de Lamine Guèye, Mamadou Dia défend les positions de Senghor avec abnégation, même en son absence ; il devient son inconditionnel, son poulain, son complice ; ils s’écrivent aussi quand Senghor est en France…
La SFIO, tenue sous couple réglée par Lamine Coura, ne fait pas vraiment de la place à Senghor qui s’y sent à l’étroit. Sa voix dans les instances de la SFIO est inaudible, celle du défenseur de la paysannerie, des masses, des « petites patries » contre l’assimilation, la gabegie et le favoritisme des élites…
Un incident supplémentaire vient émailler la coexistence devenue difficile entre Senghor et Lamine Guèye intervient au moment de désigner un représentant du Sénégal à l’Assemblée de l’Union française.
Senghor propose son « poulain » Mamadou Dia ; Lamine Guèye impose Djim Momar Guèye, Kaolackois plein d’urbanités, expert-comptable, alors à la tête du Parti des Travaillistes indépendants, créé après son exclusion de la SFIO en 1946…
Sauf que Senghor n’est pas homme à renoncer, en dépit des apparences. Il tient à faire venir Mamadou Dia à Paris ; c’est son homme de confiance, il a besoin de son bagout, sa fougue, de faire entendre sa voix et sa vision à l’Assemblée de l’Union française, surtout sur les questions économiques… Il fait finalement passer un mode de scrutin à la proportionnelle pour que Mamadou Dia remporte en novembre 1948 le troisième siège destiné à l’AOF, celui de Conseiller Général de l’Union française, et devienne Grand Conseiller, basé à Paris.
S’ils s’entendent si bien, Senghor et Dia, au fond, c’est bien parce qu’ils ont un ennemi en commun : les féodalités de l’époque, contre lesquelles ils bataillent afin d’implanter le BDS dans tout le Sénégal. Les commandants de cercle, les chefs de canton, l’élite bourgeoise des Quatre Communes dont Maître Lamine Guèye est le Commandeur.
Senghor et ses acolytes forment le « parti des Badolos », des sans-culottes, si vous préférez, où affluent marabouts et talibés, paysans, ouvriers, instituteurs, petits commerçants et affairistes, artisans, agents intermédiaires…
Ils sont les indigènes que les Français regardent de haut. Le Sérère et le Toucouleur – ah, ces ruraux ! – que la société honorable wolofe examine comme une paire de bêtes curieuses, avec condescendance.
Le « député kaki » catholique, court sur pattes et à l’accent exotique, ne peut pas peser lourd face à l’altier Maître Lamine Coura Guèye, le dandy, citadin Saint-Louisien et Maire de Dakar, érudit de l’islam, docteur en droit, qui, de surcroît, quelque temps avant, lui met le pied à l’étrier…
Au fond, c’est la guerre du métissage qui est lancée : celui, rêvé par Maître Lamine Guèye qui tend à fondre tout ce beau monde de l’Outre-Mer dans la même catégorie de Français. Même nationalité, mêmes références, mêmes devoirs, mêmes droits et, à terme, même teint basané…
Le parfait assimilé.
Senghor imagine l’Universel autrement : l’identité de chacun acceptée dans son intégrité, avec, dans un foisonnement de différences, les accents, les croyances, les superstitions, les cultures et leurs « forces émotionnelles » pour s’accorder dans une symphonie de l’Humain.
« Assimiler mais ne pas être assimilé », précise-t-il au besoin.
Ironie de l’Histoire ? C’est la loi Lamine Guèye, promulguée le 1er juin 1946, qui fournit à Senghor la base électorale suffisante pour renverser son ex-mentor. Lorsque les législatives arrivent en 1951, les tranchées sont creusées entre deux visions du Monde Noir : Senghor face à Lamine Guèye, c’est le pays profond contre les villes de la Côte ouest, le rural contre le citadin, le rebelle face à l’obligé, l’authentique contre le déraciné, le Wolof contre les autres…
L’électeur doit choisir entre l’humble ou le mondain. Maître Lamine Guèye fait le beau dans les Quatre Communes ; Léopold Sédar Senghor laboure le pays profond. Il commence par rencontrer les chefs religieux, Serigne Fallou Mbacké et Serigne Ababacar Sy, sensibles à cette marque de considération que ne leur manifeste pas vraiment Lamine Guèye, musulman comme eux.
Anecdote qui est un classique dans l’univers mouride : lorsque Senghor rencontre Serigne Fallou, entre autres promesses de campagne, il s’engage à aider à l’achèvement des travaux de la mosquée de Touba. Et au moment où il prend congé de son hôte, Serigne Fallou, dans la pure tradition de chez nous, lui tend une liasse de billets en guise de frais de transport. Senghor le remercie, rajoute un billet symboliquement et retourne la liasse à Serigne Fallou en lui demandant de considérer cela comme un acompte, une obole pour la grande mosquée, en attendant qu’il soit en position de faire plus…
Lamine Guèye, lors de son escale à Touba en fin de campagne, quand Serigne Fallou lui tend une liasse au sortir de sa visite, la met machinalement dans sa poche en le remerciant.
Une différence de postures des deux candidats que le dignitaire mouride arbitre en faveur de Senghor, qui fait alors montre d’une plus grande perspicacité des codes de conduite de la société rurale… C’est une des raisons pour lesquelles la campagne de stigmatisation de Senghor par les militants de la SFIO, qui pointent du doigt sa foi chrétienne, sera de nul effet. Senghor, le Sérère catholique, est, malgré tout, des leurs… (…)
Enfin, la République du Sénégal
Une autre histoire commence, celle du face-à-face entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Apparemment, ils sont complices. Mais la République du Sénégal est bicéphale. Un président de la République élu le 05 septembre 1960 par un collège électoral, sérère du Sine et catholique ; un chef de l’Exécutif venu du Baol, musulman, investi deux jours plus tard par l’Assemblée nationale.
Senghor, c’est secret de polichinelle, est ce chantre du métissage, poète balloté entre l’animisme originel et le catholicisme, esthète tourné vers l’Occident judéo-chrétien, la culture hellène, la France de la raison discursive, de la méthode et de l’organisation. Le regard qu’il porte sur « son » Sénégalais, n’est pas très optimiste : hédoniste peu travailleur, vaniteux que l’éthique n’étouffe pas. Il lui faut « amender son être », vaste programme n’est-ce pas, et son métissage avec la culture francophone est la clé majeure qui lui ouvre les portes de la citoyenneté universelle. Là, pas de doute, il y a du boulot.
Pour l’économiste Mamadou Dia, mutant surgi de son rude Baol, profondément musulman, « son » peuple sénégalais, est intègre, travailleur, austère jusqu’à l’ascétisme, socialisant, autogestionnaire, autocentré, ancré dans les valeurs islamiques, plutôt tourné vers l’Orient et le monde arabe. Enfin, il doit l’être, et c’est un impératif catégorique… En effet, ça ne rigole pas. (…)
Retour aux affaires sénégalo-sénégalaises.
On en est à la distribution des tâches, pour ne pas dire le partage du pouvoir, entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia.
Le président de la République est quasiment dans la représentation, surtout à l’étranger, tandis que le président du Conseil de Gouvernement… gouverne, selon les directives de l’Union progressiste sénégalaise.
L’UPS décide et le gouvernement s’exécute.
Senghor, le… poète président, semble trop aérien, lui qui voit une Afrique unie, un espace francophone homogène, du métissage en veux-tu, en voilà, une civilisation universelle…
On jurerait des utopies.
Justement, à l’étranger, ça préfère parler à celui qui gouverne. Surtout qu’avec Mamadou Dia, ça papote économie, programme, coopération. Des sujets aussi rébarbatifs que sérieux.
Heureux hasard, le président du Conseil tient à desserrer l’étau de l’ancienne métropole en multipliant les partenaires, d’Ouest en Est et du Nord au Sud… La posture des non-alignés lui parle, les expériences communistes ou socialistes l’inspirent : il visite la Yougoslavie, l’URSS et rentre, des étoiles plein les yeux.
Ce qu’en pensent Paris et les autres puissances occidentales ? Il n’en a rien à battre. Senghor ? Euh, il n’en dit rien mais n’en pense pas moins. Finalement, il se tourne les pouces, quand il n’enregistre pas les récriminations des parrains de l’Ouest, comprenez Paris et le monde occidental, et des milieux d’affaires que les options de Mamadou Dia, le socialiste autogestionnaire, inquiètent prodigieusement.
Si en plus, Mamadou Dia se lance dans des projets du genre, Air Afrique ou Banque africaine de Développement pour accentuer l’autonomie de l’Afrique vis-à-vis des anciennes puissances coloniales, le vase a tendance à déborder…
Au plan local, la guerre déclarée à « l’économie de traite » qui fait leur fortune, ses coopératives, son animation rurale, ses appels à l’austérité hérissent du beau monde. Les « capitalistes » ne l’aiment pas et, ça tombe bien, lui non plus ne les porte pas en grande estime.
Il y a aussi ceux qu’il considère comme des féodaux qui exploitent éhontément la naïveté des paysans, les marabouts, pour les nommer, qui s’inquiètent.
Le président du Conseil ne les aime pas vraiment et ne s’en cache pas. Son ambition est de réduire leur influence à sa plus simple expression… Son programme scolaire, qui insiste sur l’éducation islamique et l’enseignement de l’arabe, est, malgré les apparences, une vraie offensive contre les religieux.
S’y ajoutent les coopératives paysannes : les jours sont comptés pour l’insupportable « tôl’ou alarba », comprenez l’offrande des disciples au maître d’école coranique via des travaux champêtres volontaires le mercredi.
Signe des temps, sa rencontre avec Henri-Charles Gallenca, patron de la Cotonnière de l’Afrique de l’Ouest, COTOA, et président de la Chambre de Commerce de Dakar, surnommé alors « le Maître du Sénégal » n’est pas un grand moment de fraternité.
Les « affairistes » privilégiés du pouvoir colonial auxquels il ajoute les intermédiaires libano-syriens et les indigènes collaborationnistes, sont dans son collimateur. (…)
Mamadou Dia n’a pas peur de se faire des ennemis. À ce moment précis, il revient plutôt à ses ennemis d’être inquiets. On le dit bouillant, impulsif et inflexible. On le surnomme même « Mamadou Premier », c’est vous dire…
C’est, bien sûr, sur son dos qu’on met l’interdiction du Parti africain de l’Indépendance de Majmouth Diop qui, lors des municipales de 1960, à Saint-Louis, fusil au poing, s’insurge avec ses camarades, pour exiger l’indépendance, entre autres, la vraie.
À l’UPS, quelques pontes du régime préfèrent Senghor à Dia, plus accommodant. Même si les instances du Parti accordent le blanc-seing au président du Conseil, en coulisses, il y en a qui grommellent. On se serre la ceinture depuis trop longtemps. Maintenant qu’on a pris la place du Blanc, faudrait peut-être la desserrer, non ?
Ben lui, il fait bloquer les salaires des députés, des ministres et des fonctionnaires sous prétexte de donner le bon exemple au peuple. L’amour de la patrie vaut bien quelques sacrifices, n’est-ce pas ? Ce n’est pas pour rien qu’il snobe les quartiers résidentiels du Plateau ou Fann résidence, pour crécher en pleine Médina, au milieu du bon gros peuple…
Problème : les soutiens du genre Abdoulaye Ly, Mahtar Mbow, Diaraf Diouf, qui forment alors une aile gauche radicale favorable à son option, son style, ne sont plus dans le Parti depuis l’intention annoncée de voter « Oui » à la Communauté avec la France. Il y a, certes, de jeunes pousses qui montent en puissance dans l’administration, du style Babacar Bâ ou Abdou Diouf, mais ce ne sont là pour l’heure que des exécutants appliqués.
Ses relations avec Senghor se sont beaucoup distendues depuis quelque temps. Ils ne se voient plus régulièrement. Ne se parlent plus vraiment, ne partagent plus la popote en bonne et franche camaraderie. Chacun est occupé à remplir ses fonctions, c’est vrai. Il y a cependant une fêlure qui s’est silencieusement agrandie, depuis le tête-à-tête de Gonneville-sur-Mer en 1958, au cours duquel ils ont lâché le « Oui, mais ».
Autour de Mamadou Dia, il y a quelques camarades que Senghor n’aime pas trop et qui le lui rendent bien. Par exemple, Valdiodio Ndiaye, le « bété-bété » du Saloum, avocat fortuné, la ramène un peu trop à son goût. Joseph Mbaye, dont la tête ne lui revient pas. Et puis, surtout, il y a l’insupportable Obèye Diop, dont la finesse d’esprit et le talent écrasent Pierre Senghor, son frère établi à Bambey, qui s’y sent à l’étroit… On n’a pas idée !
Il y a aussi qu’on est en plein état d’urgence depuis l’affaire malienne. Les libertés sont restreintes : la presse est censurée, le citoyen ordinaire prié de se tenir à carreau. La guerre est déclarée à l’alcoolisme, à la prostitution, de même qu’au gaspillage durant les cérémonies familiales, tandis qu’un projet de Code de la Famille basé sur la Charia est en gestation. Des bars sont fermés, et il arrive que la police interpelle les jeunes filles dont les jupes sont jugées trop courtes pour être innocentes.
C’est ce que Mamadou Dia appelle remplacer la société coloniale par une société libre… Et comme un pied-de-nez à ceux qui l’accusent d’islamisme radical, il confie la responsabilité de la conduite de son plan de développement au… Père Lebret, un Dominicain.
On s’y perd pour bien moins que ça…
(…)
SENGHOR, CHRONIQUE D’UNE GOUVERNANCE FORCÉE
Retour sur certains événements politiques ayant marqué le parcours de cet homme multidimensionnel dont la carrière politique a débuté en 1945 pour prendre fin en 1981
En prélude à la commémoration des vingt ans après la disparition du poète président Léopold Sédar Senghor, Sud quotidien revient sur certains événements sur le plan politique qui ont marqué le parcours de cet homme multidimensionnel dont la carrière politique a débuté en 1945 pour prendre fin en 1981.
L’entrée de Léopold Sédar Senghor dans l’arène politique s’est fait progressivement entre les années 1930 et 1940. Brillant intellectuel noir très influent dans le milieu universitaire Parisien, ce professeur de lettres classiques semblait au départ destiner à une carrière exclusivement universitaire. Mais, l’avènement des deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939- 1945) est venu basculer cette trajectoire du fils de Basile Diogoye Senghor et de Gnilane Ndiémé Bakhoum.
Coopté au sein de la Commission Monnerville, mise sur pied en 1945 par le ministère des Colonies pour réfléchir sur les modalités de représentation des colonies dans les futures Assemblées de la France d’après seconde guerre mondiale, Léopold Sédar Senghor qui n’était pas auparavant connu des milieux politiques et administratifs, entama le début d’un long et riche parcours politique qui s’est terminé par sa démission en décembre 1980 de la présidence de la République du Sénégal au profit de son Premier ministre d’alors, Abdou Diouf en vertu de l’article 35 de la Constitution du Sénégal. En effet, de député à l’Assemblée nationale constituante en 1945, Senghor va par la suite être élu à l’Assemblée Nationale et conserver son siège jusqu’a la fin de la quatrième République (4 octobre 1958). Parallèlement à cette présence à l’Assemblée nationale française, l’ancien professeur de lettres classiques au Lycée Descartes à Tours, en fin stratège, va également se construire une forte image et une grande personnalité politique au plan local grâce à une stratégie politique orientée non seulement vers l’électorat rural avec comme partenaire les autorités religieuses et coutumières. Mais aussi en s’appuyant sur son propre appareil politique, le Bloc démocratique sénégalais (Bds) fondé en 1948 avec Mamadou Dia et Ibrahima Seydou Ndao. C’est cette formation politique devenue par la suite au gré des jeux d’alliances et autres fusions, l’Union progressiste sénégalais (Ups) puis le Parti socialiste (Ps) en décembre 1976 qui va d’ailleurs propulser le couple Senghor et Dia au sommet du nouvel Etat du Sénégal indépendant après l’éclatement de la fédération du Mali.
SENGHOR ET DIA, DE LA COLLABORATION À L’ANTAGONISTE DE 1962
Propulsés au sommet du jeune Etat du Sénégal à la suite de la crise du 18 août 1960 qui a scellé définitivement le sort de la fédération du Mali, Léopold Sédar Senghor qui occupait jusqu’ici le poste de Président de cette fédération et Mamadou Dia, celui de vice-président du gouvernement fédéral opte pour un régime parlementaire bicéphale de type quatrième République française. En sa qualité de nouveau président de la République du Sénégal, Senghor avait pour mission de représenter la République et d’incarner l’unité nationale et garantir la continuité de l’Etat mais aussi jouer à l’arbitre en cas de crise. Pour sa part, Mamadou Dia en tant que nouveau président du Conseil des ministres et Secrétaire général du parti au pouvoir avait la charge de définir la politique de la Nation, rendre compte a l’Assemblée nationale, dont il tenait son investiture. Seulement, après deux ans de mise en œuvre, ce système politique va à son tour connaitre une grave crise institutionnelle le 14 décembre 1962 suite à une motion de censure contre le gouvernement dirige par Mamadou Dia introduite par le députe Théophile James au nom de ses 41 collègues. La suite des événements sera marquée par la dissolution du gouvernement et l’arrestation de Mamadou Dia accusé par Senghor de tentative de « coup d’Etat ». Au centre de ce divorce entre les deux hommes dont la collaboration a commencé avec la création du Bloc démocratique sénégalais, se trouvait une profonde divergence au sujet de la place de la France dans la nouvelle politique de développement du Sénégal. En effet, spécialiste des questions économiques, Mamadou Dia militait pour une rupture plus nette avec la France et une sortie progressive planifiée de l’économie arachidière. Position que ne partageait par le président Senghor. La conséquence directe de cette crise est l’adoption d’une Constitution qui prône un régime politique hyper présidentialiste avec la concentration de tous les pouvoirs entre les mains du président de la République que nous connaissons aujourd’hui. Prévu dans le nouveau texte fondamental, les fonctions de Premier ministre ont été cependant drastiquement encadrées. En effet, désormais le Premier ministre ne tient plus son investiture de l’Assemblée nationale mais plutôt du décret de nomination du président de la République qui peut à tout moment mettre fin à ses fonctions.
SENGHOR OÙ UNE VISION SINGULIÈRE DE LA DÉMOCRATIE AVEC LE RÈGNE DU PARTI UNIQUE
S’il avait farouchement dénoncé la centralisation de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) au point de quitter cette formation pour fonder le Bloc démocratique sénégalais, l’ancien député à l’Assemblée nationale française, Léopold Sédar Senghor, optera tout de même pour une démarche similaire après son élection à la présidence de la République du Sénégal. En effet, après la crise de 1962, le nouveau président va instaurer un système de règne sans partage du pouvoir et de l’espace politique Sénégalais. Toutes les formations politiques d’opposition créées par ses anciens camarades avec qui il était en désaccord idéologique sont interdites obligeant ainsi leurs leaders à prendre le chemin de la clandestinité au nom de l’unité nationale. De 1966 jusqu’en 1974, cette gestion autocratique du pouvoir et de l’espace politique sénégalais sera ainsi érigée en règle de gouvernance au Sénégal. Mais à partir de 1974, l’adoption de la Loi n° 76-01 du 19 mars 1976 portant révision de la Constitution instaurant un pluralisme politique limité à trois courants politiques va progressivement évoluer d’abord en 1978 vers la création d’un quatrième parti politique (la loi n° 78-60 du 28 décembre 1978) puis vers un multipartisme intégral avec la loi 81-17 du 6 mai 1981 après son départ et l’arrivée au pouvoir du président Abdou Diouf.
SENGHOR OU L’ART DELA CONSTRUCTION D’UN ETAT NATION
Père de l’indépendance du Sénégal, le président Léopold Sédar Senghor a grandement contribué à la construction et la consolidation de l’Etat nation du Sénégal. Si le Sénégal a pu traverser les graves crises de 1962 et de 1968, c’est grâce à son esprit d’ingéniosité. D’ailleurs, parlant de la capacité managériale de l’homme, feu Assane Seck, son ancien ministre d’Etat témoignera à ces termes. « Il savait, en expert, tout en déjouant les pièges têtus des intérêts personnels ou de groupes, distinguer dans l’écheveau emmêle des faits quotidiens d’importance nationale ou internationale, l’essentiel a réaliser coûte que coûte » . Sur le plan de la rigueur dans le travail administratif, le président Senghor a également beaucoup fait avec son ancien dauphin, Mamadou Dia, père de l’administration sénégalaise. Adepte d’un travail raffiné et bien fait, l’ancien chef de l’Etat ne laissait rien passer. « Mes fonctions de secrétaire général nous mettaient, plusieurs fois par semaine, en présence des représentants de l’industrie et du commerce, des syndicats et des milieux professionnels. Nous entrions en mouvement pour changer l’Etat de choses dont nous héritions de la colonisation. « Le mouvement réel qui doit supprimer l’Etat de choses actuel» disait Senghor, reprenant Marx », ajoutait encore feu Assane Seck. Il faut souligner également que le président Senghor ne s’est pas seulement contenté à veiller personnellement à la construction et à la consolidation de notre appareil administratif. En effet, prenant très au sérieux les crises identitaires que les indépendances ont réveillé dans certains pays africains, le président Senghor s’est fortement impliqué à la consolidation de la cohésion nationale. Et ce, allant même jusqu’à instituer le cousinage à plaisanterie entre certains groupes ethniques au Sénégal. Il s’agit entre autres, des Sérères, des Diolas et des Al Pulaar pour raffermir les liens entre les membres de ces différentes communautés
LE RETRAIT DELA SCÈNE POLITIQUE PAR LA GRANDE PORTE EN 1981.
Le retrait de Léopold Sédar Senghor de ses fonctions de président de la République du Sénégal est sans doute l’un des évènements politiques phares de l’actualité politique africaine des années 1980. En effet, après avoir réussi, contre tout attente à se maintenir au pouvoir dans un environnement politique africain marqué par un vent de coups d’état militaire qui a balayé plusieurs chefs d’Etat, le président Senghor dont le règne n’avait pourtant rien d’un long fleuve tranquille a réussi tout de même à quitter le pouvoir par la grande porte après vingt ans de règne. Mieux, le poète président a même eu le temps de choisir et préparer son successeur en la personne du président Abdou Diouf pendant environ dix ans avant de lui transmettre pacifiquement le pouvoir. Ce retrait volontaire du pouvoir à l’âge de 74 ans, intervenant à un moment où sa cote de popularité est à un niveau pourtant très élevé puisqu’il venait d’être réélu avec 82 % des suffrages, lors de la présidentielle du 26 février 1978, marquée pour la première fois dans l’histoire du pays, par une participation de plusieurs candidats, a surpris plus d’un.
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L'ÉCRITURE PAR NÉCESSITÉ
L'homosexualité était une banalité dans nos villages, dans notre culture. Il faut laisser les individualités exister. Nous sommes dans une société engluée dans l'hypocrise. Il n'y a pas de sujet tabou dans la création littéraire - ENTRETIEN AVEC KEN BUGUL
iTV a reçu vendredi 10 décembre 2021, Ken Bugul pour un entretien spécial. Au menu : son enfance, sa recontre avec la littérature, la société sénégalaise et ses contradictions...
RACISME SYSTÉMIQUE ET FAILLITE DU SYSTÈME JUDICIAIRE AMÉRICAIN
René Lake, Marylin Sephocle et Claude Porsella relèvent sur VOA, à travers deux verdicts récents, l'incapacité de la justice à trancher les affaires à caractère raciale aux États-Unis, avec des Noirs trop souvent lésés
René Lake, Marylin Sephocle et Claude Porsella relèvent à travers deux verdicts récents, sur VOA, l'incapacité de la justice à trancher les affaires à caractère raciale aux États-Unis, avec des Noirs trop souvent lésés. Les invités évoquent notamment le dossier relatif au meurtre du joggeur afro-américain Ahmaud Arbery et l'acquittement polémique de Kyle Rittenhouse.
LES DÉPUTÉS BIAYE ET SALL AUDITIONNÉS PAR LA COMMISSION AD HOC
Les députés El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Villiemmbo Biaye, cités dans une affaire présumée de passeports diplomatiques, ont été auditionnés par la commission ad hoc chargée d’examiner la demande de levée de leur immunité parlementaire
Dakar, 29 oct (APS) - Les députés El Hadji Mamadou Sall et Boubacar Villiemmbo Biaye, cités dans une affaire présumée de passeports diplomatiques, ont été auditionnés par la commission ad hoc chargée d’examiner la demande de levée de leur immunité parlementaire, a appris l’APS de source officielle, vendredi.
Cette commission s’est en effet réunie ce vendredi, signale un communiqué signé de son président, Aymérou Gningue.
"À la suite de cette audition, la commission ad hoc dispose de suffisamment d’éléments pour présenter son rapport à la plénière qui sera convoquée dans les meilleurs délais", indique la même source.
L’Assemblée nationale a constitué, vendredi dernier, une commission ad hoc chargée d’examiner la demande adressée par la justice à son président, Moustapha Niasse, en vue de la levée de l’immunité parlementaire des députés Boubacar Biaye et El Hadji Mamadou Sall.
La nouvelle instance a été mise sur pied à la suite d’une saisine du garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui a transmis à M. Niasse un courrier du procureur général près la Cour d’appel de Dakar, le 4 octobre dernier.
Le procureur demande aux députés de lever l’immunité parlementaire des députés Boubacar Biaye et El Hadji Mamadou Sall, afin qu’ils puissent être légalement entendus par les enquêteurs, rappelle un rapport de la commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains de l’Assemblée nationale.
MM. Biaye et Sall sont membres du groupe Benno Bokk Yaakaar (BBY), majoritaire au sein de l’institution parlementaire.
La commission ad hoc est composée de 11 membres : huit représentants de BBY, deux du groupe Liberté et démocratie et un député parmi les non-inscrits.
La commission ad hoc n’a pas la compétence de lever l’immunité parlementaire des députés mis en cause, précise le rapport de l’Assemblée nationale.
Il revient aux parlementaires réunis en séance plénière de "décider de la levée ou non de leur immunité parlementaire", ajoute le rapport de la commission chargée des lois.