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21 avril 2025
Politique
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L'ARME SECRÈTE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En 48 heures, la motion de censure peut faire basculer le destin d'un gouvernement. De Senghor à Macky, aucun président n’a été à l’abri de cette menace. Une seule fois, elle a réussi à renverser une équipe gouvernementale
Au cœur de la démocratie sénégalaise se joue parfois un ballet politique intense : la motion de censure. Tel un duel entre David et Goliath, l'Assemblée nationale peut faire vaciller le colosse gouvernemental. C'est le pouvoir fascinant de la motion de censure, arme ultime de l'opposition.
Depuis l'indépendance, ce scénario a été joué cinq fois au Sénégal. Une seule fois, en 1962, le coup de théâtre a réussi, renversant le gouvernement de Mamadou Dia sous Senghor. Depuis, tel un serpent de mer, la motion de censure ressurgit régulièrement, tenant en haleine la nation.
De Diouf à Wade, en passant par Macky, chaque président a vu son gouvernement défier. Mais l'exécutif a toujours résisté. En cas de succès, le président aurait 14 jours pour nommer un nouveau Premier ministre, sous peine de voir l'Assemblée dissoute.
L'APR AU-DELÀ DE BBY
Face à ce qu'il qualifie de "mode de gouvernance régressif et préoccupant", le parti prône la création d'un large front républicain. Il met en garde contre les menaces pesant sur la cohésion nationale et les libertés démocratiques
Le parti, fer de lance de l'opposition, tire la sonnette d'alarme face à ce qu'il considère comme des dérives du nouveau régime. L'APR plaide, dans un communiqué publié ce mardi 3 septembre 2024, pour la constitution d'un front républicain élargi, dépassant le cadre de BBY.
"COMMUNIQUE DE PRESSE
La Coalition Benno Bokk Yaakar (BBY), née en 2012 d'un contexte particulier et d'une séquence décisive dans notre histoire politique a marqué profondément l'évolution de notre pays ces douze dernières années, avec des victoires politiques et électorales à nulles autres comparables. BBY restera, à travers l'histoire politique du Sénégal, une coalition inédite par sa longévité et sa stabilité, qui lui ont permis de veiller sur la cohésion et les intérêts supérieurs de la nation.
Sous la clairvoyance du président Macky Sall, BBY a largement contribué à hisser la Sénégal au rang d'une nation prête pour l'émergence à la faveur du Plan Sénégal Émergent et le développement d'une démocratie exemplaire, d'un État garant de l'intégrité des institutions.
A travers une lettre en date du 2 septembre de 2024, le président Macky Sall, président de la Coalition Benno Bokk Yaakaar, a rendu un vibrant hommage aux leaders, jeunes, femmes et responsables de BBY, pour leur engagement, leur confiance, leur soutien sans faille et leur solidarité à toute épreuve. Il les a également invités à tirer les leçons du verdict des urnes pour créer un nouveau cadre plus approprié, adapté et ajusté au contexte actuel.
Le Secrétariat Exécutif National félicite le président du Parti, pour son leadership et s'associe à l'hommage mérité, rendu aux membres et à la Conférence des leaders de Benno Bokk Yaakaar, les exhorte, dans un élan collectif, à écrire une nouvelle page politique en se projetant dans le temps nouveau de l'action politique.
En vérité, par cette missive, le président Macky Sall invite a une réorganisation de nos forces, aux synergies nécessaires et solidarités salutaires, pour mieux répondre, par l'ouverture et l'élargissement, aux enjeux politiques et défis sociétaux du moment. En effet, le contexte politique actuel reste marqué par des menaces sur la cohésion et l'unité nationales, les libertés démocratiques, auxquelles s'ajoutent le désarroi de la jeunesse déçue par les reniements des nouvelles autorités qui piétinent, toute honte bue, leurs promesses électorales ainsi que les menaces et manipulations qui tiennent lieu de vision et de programme.
Après les changements intervenus à la tête de l'État et à face à ce mode de gouvernance qui risquent de mettre en péril notre pays, il nous faut rester, vigilants, unis et mobilisés pour poursuivre notre tradition de solidarité et d'unité, notre expérience de construction d'une vision commune du destin du Sénégal.
L'Alliance Pour la République, soutient sans réserve la mise en place d'un large front républicain qui va au-delà de BBY pour faire face à ce mode de gouvernance régressif et préoccupant, garantir la transparence des élections, défendre la république et ses institutions, préserver la paix civile et la stabilité du Sénégal.
Dès lors, le SEN engage tous les militants et responsables du parti, à poursuivre, dans l'unité et la solidarité, le travail politique dans les bases en direction des prochaines échéances électorales, pour engager la dynamique d'élargissement et de rassemblement, gage de victoire.
Enfin, le SEN exprime ses chaleureuses félicitations aux députés membres du Groupe BBY, pour l'unité et la cohésion dont ils font preuve depuis le début de la législature et leur engagement de toujours mettre en avant l'intérêt des populations et le respect des institutions de la République.
Tous ensemble, pour défendre la République et la démocratie."
THIERNO BOCOUM DÉNONCE LA DÉMARCHE PRÉSIDENTIELLE APRÈS LE REJET DU PROJET DE LOI SUR LE CESE ET LE HCCT
Le président du mouvement AGIR, critique la stratégie de l'exécutif. Il y voit une tentative de préparer le terrain pour dissoudre l'Assemblée nationale, mettant en garde contre les risques politiques à venir.
L’assemblée nationale a rejeté lundi le projet de loi portant dissolution du CESE et du HCCT. Ce projet de loi a suscité des réactions, notamment celle de Thierno Bocoum, président du mouvement AGIR, qui y voit une simple « politique politicienne ». Dans une publication sur les réseaux sociaux datée de ce mardi 3 août, l’ancien parlementaire a critiqué la démarche du président, affirmant qu’il cherche un prétexte pour dissoudre l’Assemblée nationale.
« Le président de la République savait bel et bien que ces députés de l’Assemblée nationale seraient cohérents et n’allaient pas voter ce projet de loi », a-t-il déclaré.
Selon lui, si le président compte utiliser cette situation pour justifier une dissolution de l’Assemblée, il se trompe lourdement.
« C’est peine perdue parce que le peuple ne va plus juger cette Assemblée nationale qui va être changée, mais jugera la 15ème législature qui devra jouer son rôle », a-t-il ajouté.
Thierno Bocoum a également mis en garde contre les conséquences d’une éventuelle majorité parlementaire pour le gouvernement lors de la prochaine législature. Il a souligné que, compte tenu des « dérives » déjà observées au sein de l’exécutif, le Sénégal pourrait se retrouver dans une situation politique délicate, voire en crise.
« Si ce gouvernement obtient une majorité parlementaire, le Sénégal risque de connaître une situation compliquée », a-t-il affirmé.
Il invite par ailleurs le régime à se mettre au travail estimant les membres du gouvernement «ne sont plus dans l’opposition mais au pouvoir.
« Ils doivent prouver ce pourquoi les Sénégalais devraient leur donner cette majorité parlementaire. Nous attendons que vous décliniez votre vision. Jusque là, nous n’avons ni une déclaration de politique générale (DPG) du premier ministre ni la finalisation du Projet tant chanté. Pire nous voyons que certains scandales sont étouffés parce que l’affaire ONAS est très grave et la lumière doit être faite sur cette affaire », a notamment réclamé le président du mouvement AGIR.
ACCUSÉ DE CORRUPTION, YANKHOBA DIÉMÉ DÉPOSE PLAINTE CONTRE UN TIKTOKEUR
Zaid FAll accuse le ministre du Travail d'avoir reçu 45 tonnes de ciment en cadeau après sa visite à l’usine des Ciments du Sahel.
Le ministre Yankhoba Diémé a déposé une plainte contre Zaid Fall, un tiktokeur, l’ayant accusé d’avoir reçu 45 tonnes de ciment des Ciments du Sahel en guise de cadeau à l’issue de sa visite dans l’usine.
« Dans une affaire aussi grave que celle-ci, il est essentiel de faire toute la lumière et d’établir la vérité, dans le cadre de notre système et de l’État de droit. C’est la vérité judiciaire qui prime. C’est pourquoi je tiens à dire aux Sénégalais que ces allégations portent atteinte à la réputation d’une autorité occupant une position élevée. Une plainte sera déposée pour faire émerger la vérité judiciaire dans cette affaire. En tant qu’autorité publique, lorsque des accusations aussi graves sont portées, il est de notre devoir de démentir ou de faire notre mea culpa. Nous sommes dans un État de droit où la vérité judiciaire sera sollicitée dès aujourd’hui par le biais d’une plainte déposée par nos avocats », a déclaré le ministre sur RFM.
Yankhoba Diémé de préciser que l’objectif de sa visite relève de fortes attentes des Sénégalais du monde du travail et du monde du patronat.
« La mission à l’occasion de laquelle ces faits ont été apportés à la place publique, relève de fortes attentes des Sénégalais du monde du travail et du monde du patronat. Nous avons été aux Ciments du Sahel où nous avons effectué l’une des plus belles missions les plus réussies que nous avons envisagées. La mission du ministère du Travail, c’est de travailler à protéger l’outil social et nous sommes arrivés dans une entreprise ou pendant longtemps des difficultés y ont été notées, notamment dans l’existence même des délégués du personnel. L’employeur tout comme les candidats aujourd’hui potentiels à cette délégation ont convenu, après notre passage, de devoir aller aux élections », a-t-il précisé.
par Mahamadou Lamine Sagna
ENTRE L’AUBE ET LE CRÉPUSCULE D’AMADOU ÉLIMANE KANE OU UNE EXPLORATION EN PROFONDEUR DE LA CONDITION HUMAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - Chaque page de cette œuvre nous transporte dans un univers dense et complexe. C'est un vibrant hommage à l’intelligence humaine, à sa capacité à ne pas se confondre avec le totalitarisme
Pour le sociologue que je suis, il y a des moments où la lecture de romans permet d’explorer des dimensions complexes de l’existence et de déchiffrer certains codes sociaux implicites. En d’autres termes, il y a des romans qui nous aident à mieux comprendre les sociétés humaines en dévoilant les nuances de la vie sociale, les dynamiques sociales ayant lieu parfois dans des structures invisibles aux chercheurs en science sociale. Certaines œuvres littéraires deviennent ainsi des miroirs subtils des réalités sociales. Elles offrent des perspectives nouvelles dans la compréhension des interactions sociales dans les systèmes de pouvoir. Il en est ainsi de l’excellent livre d’Amadou Elimane Kane.
Chères lectrices et chers lecteurs, c'est avec un immense plaisir que je vous présente cette critique d'un magnifique roman. Entre l'aube et le crépuscule, la nouvelle œuvre d'Amadou Elimane Kane, nous emporte dans un voyage initiatique en deux parties, où un univers imaginaire se mêle habilement à une réalité transformée pour les besoins de la fiction.
Dans la première partie, l'histoire se concentre sur Salamata, une jeune femme passionnée par les récits de son père, qu'elle perpétue en fondant sa propre famille. En parallèle de son quotidien et de son histoire familiale, les récits des reines d’Afrique, qu'elle transmet à ses enfants, offrent des moments privilégiés d'éducation, reflétant ainsi les enseignements qu'elle-même a reçus. Ces récits constituent des fils conducteurs entre les générations, témoignant de la transmission culturelle et de l'importance des racines dans la construction de l'identité et du lien familial.
Dans ce premier épisode, Salamata occupe une place singulière, nous plongeant au cœur des émotions les plus profondes de la nature humaine. À travers son regard, nous partageons ses douleurs, ses joies, ses espoirs et ses craintes. Avec émerveillement, nous découvrons la richesse de la culture africaine et la profondeur de ses traditions. Nous sommes transportés dans un univers où le passé et le présent s'entrelacent pour tisser la trame même de l’existence. Cette immersion dans l'intimité de Salamata nous permet de saisir la vitalité de son héritage culturel et la puissance de sa connexion avec les traditions ancestrales, offrant ainsi une exploration captivante de l'humanité et de son rapport au monde qui l'entoure.
Ainsi, je retiens ce passage saisissant du prologue, le moment où Salamata est en train d'accoucher, celle-ci ressent une diminution progressive de la douleur physique et se plonge dans ses pensées et ses souvenirs. Elle se remémore les histoires que son père lui racontait dans son enfance, notamment celles des princesses Yannega, Zingha, Pokou, Ndatté Yalla, et Ndjombött Mbodj, des femmes puissantes de l'histoire africaine. Ces récits lui procurent du réconfort et de la force alors qu'elle endure les douleurs de l’enfantement.
Au fil du travail, Salamata puise en elle-même et dans les paroles de son père pour sublimer le déchirement de la naissance de son enfant. Le récit de Salamata nous emmène dans un voyage à travers les émotions humaines les plus profondes, des moments de détresse insoutenable à ceux de joie indicible. La nuit est tombée sur Dagana, et Salamata entreprend de raconter des histoires à ses fils. Elle leur parle cette fois-ci de la reine Kassa du Mali.
Ce passage, qui évoque les empreintes historiques qui nous constituent, nous invite à réfléchir sur l'importance de préserver et de transmettre nos histoires, nos traditions et notre héritage culturel, tout en reconnaissant la valeur inestimable de ces récits dans la construction de notre identité et de notre compréhension du monde qui nous entoure.
De même, par le truchement du personnage de Salamata, l’auteur fait danser la ronde des ancêtres, comme sauvegarde de la mémoire, une sagesse contenue dans l'héritage culturel et historique africain et qui demeure un axe fondateur de la quête de la justice et de la liberté.
Ainsi, en écoutant les récits de Salamata, avec une mise en abîme de sa propre trajectoire, on emporte avec soi une expérience qui transcende les limites des pages imprimées, nous incitant à nous approprier les épisodes d’un monde antérieur, qui a été oublié, mais qui est un ancrage à notre propre réalité, à nos valeurs et à notre destinée.
Mais l’auteur opère ici une subtile articulation littéraire car Pathé, le fis de la Salamata, qui démontre une grande aptitude à l’appropriation des récits, devient le maillon de l’histoire, en prenant le relais de sa mère et en devenant le narrateur principal de la suite du récit.
Dans la deuxième partie du roman, un saut temporel et spatial nous transporte soudainement vers l'émergence de la République des Samba Kounkandé, une construction fictive qui évoque néanmoins, par certains aspects, la réalité contemporaine du Sénégal. Le temps a évolué, et Pathé est devenu écrivain et professeur, ayant également fondé sa propre famille. Nous le découvrons à un moment crucial pour la stabilité morale et sociale du pays. Cette ellipse romanesque place Pathé au premier plan du récit, tout en laissant en toile de fond la voix persistante de Salamata. C'est à travers ses yeux que nous explorons les défis et les enjeux de cette nouvelle ère, alors que le passé et le présent se mêlent pour façonner l'avenir incertain de la nation et de ses habitants.
La mission de Pathé est celle de la recherche de la vérité, au nom d’une justice dénuée de tout intérêt personnel. Il s’agit ici de mener une enquête de manière objective, en déjouant tous les pièges, toutes les menaces et toutes les manipulations pour rétablir une loyauté devenue folle.
Le récit est conduit avec les techniques du roman à enquête, avec des zones d’ombre et des rebondissements, dans une ambiance inquiétante et qui très souvent se dérobe à la raison.
Dans ce passage, l'auteur/narrateur dépeint de manière incisive un pan de la société sénégalaise, exposant le népotisme, la corruption, les déclarations mensongères, et dénonçant l’hérésie d’une justice dévoyée. Cette critique sociale féroce met en lumière la cupidité des dirigeants politiques et la souffrance indignée du peuple qui en découle. Elle s'élève contre la complaisance face à l'oppression et à l'exploitation, ainsi que contre la propension de certains à sacrifier leur dignité pour un gain personnel. C’est également un appel à l’action pour toutes et tous ! Ne pas céder à l'oppression et à l'injustice, en exhortant les individus à ne pas rester silencieux face à une autorité malfaisante qui ne cherche que le bâillonnement des consciences. Amadou Elimane Kane nous propose un réveil littéraire et citoyen qui consiste à lutter, encore et toujours, pour un retour à la mesure gouvernementale et à l’intégrité qui sont synonymes de liberté.
Tel un éclair illuminant soudainement l'obscurité, à la conclusion de l'histoire, la voix de Salamata résonne à nouveau, relatant les siècles de dictatures à travers le monde pour mettre en lumière la décadence humaine qui en découle. Cette narration résonne comme une illustration frappante, soulignant la persistance de l'oppression et de l'injustice à travers les âges, et offrant ainsi une réflexion poignante sur la condition humaine.
À travers les riches références à la culture africaine et à la mémoire collective, Amadou Elimane Kane, profondément ancré dans le panafricanisme par conviction, renforce le sentiment d'identité et de dignité des opprimés. Il affirme avec vigueur que leur histoire et leur héritage sont des sources d’efficacité, d’unité et de résilience. En mettant en valeur ces éléments, il éclaire la voie vers la reconnaissance et la célébration de la richesse culturelle et de la force collective des peuples africains.
Plonger dans les profondeurs du roman Entre l’aube et le crépuscule d'Amadou Elimane Kane est une expérience captivante, une plongée dans les abysses de l'existence humaine. Chaque page de cette œuvre nous transporte dans un univers dense et complexe où les personnages naviguent entre leurs luttes intérieures et les défis extérieurs qui toujours se dressent sur le chemin. Bien plus qu'une simple narration, ce roman nous convie à une exploration profonde de l'âme humaine, nous invitant à sonder les tréfonds de nos émotions et de nos pensées.
Au cœur de cette épopée, les personnages se dévoilent dans toute leur humanité, partageant leurs luttes, leurs espoirs, leurs peurs et leurs victoires, résonnant ainsi avec une universalité frappante. L'un des aspects les plus saisissants de Entre l'aube et crépuscule réside dans son exploration profonde et captivante de la quête humaine pour la vérité, la justice et la liberté. Dans un monde où la corruption, l'injustice et la tyrannie sont la norme, les personnages se dressent courageusement pour défendre leurs convictions. Leurs voix résonnent avec force à travers les pages, puisant dans l'héritage de leurs ancêtres pour nourrir leur combat et inspirer les générations futures.
À travers ces pages, nous sommes transportés dans un univers où la tradition et la modernité se rencontrent, où le passé et le présent s'entrelacent pour former le tissu même de l'existence. Nous découvrons avec émerveillement la richesse de la culture africaine et la profondeur de ses traditions, tout en contemplant les défis contemporains auxquels sont confrontés ses protagonistes.
Chaque mot, chaque phrase de ce roman exprime avec une intensité palpable la recherche incessante de la vérité et de la justice pour mettre à terre toutes les formes de répression mentale. Les passe-droits et la pollution morale qui gangrènent la société sont dépeints avec une évidence déconcertante, mettant en lumière la souffrance du peuple et la voracité des dirigeants politiques. Mais au cœur de cette obscurité persiste une lueur d'espoir, car les personnages refusent de se soumettre à leur sort, appelant à l'action, à la résistance, à la lutte pour un monde meilleur.
Quant à l’écriture, elle se présente ici comme une voix puissante et émouvante, une narration hydrique entre les récits de Salamata, issus du tissu mémoriel africain et un narrateur qui refuse de rester silencieux face à l’infamie et à l’asphyxie d’une société décadente, invoquant la mémoire et l'héritage des ancêtres pour nourrir une quête collective de vérité, de justice et de liberté. Tout comme la parole de Salamata qui revient à la toute fin du récit et qui dénonce les barbaries historiques qui ne sont que graines de violence et de haine de soi.
Entre l’aube et le crépuscule ne se contente pas d'être un simple roman ; c'est un vibrant hommage à l’intelligence humaine, à sa capacité à ne pas se confondre avec le totalitarisme, à opposer sa résistance pour faire jaillir l’équité collective. Il nous exhorte à embrasser nos histoires, nos traditions, nos héritages, et à les défendre avec témérité et détermination.
En refermant ce livre, nous emportons bien plus qu'une simple histoire littéraire ; nous vivons une expérience profondément émouvante et révélatrice qui résonnera en nous bien après avoir tourné la dernière page. Entre l’Aube et le Crépuscule transcende les frontières et les époques, nous invitant à réfléchir sur notre place dans le monde et sur le pouvoir de la résilience humaine, même dans les heures les plus sombres.
Mahamadou Lamine Sagna est Professeur de Sociologie, Directeur d’Africana Studies, WPI, (Worcester Polytechnic Institute), USA.
Amadou Elimane Kane, Entre l’aube et le crépuscule, roman, éditions Africamoude et éditions Lettres de Renaissance ; septembre 2024
par l'éditorialiste de seneplus, félix atchadé
L’AES, ENTRE DÉFIANCE ET STRATÉGIES GÉOPOLITIQUES
EXCLUSIF SENEPLUS - En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l'AES semblent détourner l'attention du véritable contentieux : leur appartenance à l'UEMOA. On peut envisager trois scénarios possibles pour l'avenir de la région et au-delà
Félix Atchadé de SenePlus |
Publication 03/09/2024
L’histoire contemporaine de l’Afrique de l’Ouest est jalonnée de tentatives de regroupements d’États dépassant le statut d’organisation internationale ou de coopération. Les premiers d’entre eux sont nés en plein processus de décolonisation. Ils ont été construits le plus souvent autour de trois États pivots à savoir le Sénégal, le Ghana et la Côte d’Ivoire. De la Fédération du Mali (Sénégal et Soudan français devenu République du Mali) à la Confédération de la Sénégambie en passant par le Conseil de l’Entente, ces entités ont connu des fortunes diverses mais n’ont jamais pu atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés : mieux intégrer les économies des pays les composant et pesés davantage sur l’ordre du monde.
Le 6 juillet 2024 à Niamey, la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES) regroupant le Burkina, le Mali et le Niger est née. En rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) que les trois pays ont décidés de quitter. Une nouvelle entité, au sort destiné à être ressemblant à celui des ligues qui l’ont précédé ? Les sceptiques répondront par l’affirmative. Cet article n’a pas vocation à se lancer dans de telles spéculations. Il vise à comprendre les dynamiques en jeu et les processus de remodelage de la géopolitique sous-régionale qui vont en découler.
Dans quelle mesure la naissance de l’AES va influencer les relations avec les organisations régionales, CEDEAO et Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Quid des équilibres régionaux ? Quelles seront les implications économiques, stratégiques et politiques en Afrique de l'Ouest, surtout en considérant les contraintes géographiques ?
Nous commencerons par une analyse historique du sujet, puis nous développerons les enjeux contemporains, avant d’esquisser des perspectives. Pour guider notre analyse nous allons nous allons nous appuyer sur deux théories des relations internationales : celle de l’école du néoréalisme et celle des systèmes mondiaux.
La première postule que les États agissent principalement pour maximiser leur sécurité et leur pouvoir dans un système international anarchique, c’est-à-dire dépourvu d’une autorité suprême reconnu par tous. La théorie des systèmes mondiaux d’Immanuel Wallerstein, quant à elle met en exergue le fait que le système mondial est dominé par une économie capitaliste qui divise les pays en centre, semi-périphérie et périphérie. Partant de cela, les relations internationales sont caractérisées par des dynamiques d'exploitation et de dépendance.
Une brève histoire ouest-africaine des alliances
L'Afrique de l'Ouest a connu de nombreuses alliances pour contrer l’impérialisme et mieux associées les forces des États nouvellement indépendant afin de faire face à violence d’un monde injuste caractérisé par des échanges inégaux et la guerre froide.
Le premier de ces regroupements nous reste en souvenir sous la forme du tube Ghana-Guinea-Mali de la star de la musique highlife E.T.Mensah. Le 23 novembre 1958, un an après l’indépendance du Ghana et moins de deux mois après celle de le Guinée, l’union est scellée. Elle prend le nom d’Union Ghana-Guinée. Le 1er mai 1959, pour marquer son ouverture, l'Union est renommée Union des États africains. Quelques mois plus tard, après sa rupture d’avec le Sénégal, le Mali joignit l'Union. L'Union éclata en 1962, lorsque la Guinée s’est rapproché des États-Unis, contre la ligne marxiste de ses partenaires, qui étaient plutôt orientés vers l'Union soviétique. La Fédération du Mali, créée en 1959, a été une union entre le Sénégal et le Soudan français (actuel Mali) visant à former un État fédéral au moment de l'indépendance. Elle s'est dissoute en 1960 en raison de divergences politiques et administratives entre ses principaux dirigeants (Modibo Keïta, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia) et des manœuvres de l’État colonial français. Pour faire contrepoids à la Fédération du Mali, toujours en 1959, le Conseil de l'Entente à l’initiative de Félix Houphouët Boigny était fondé. Outre la Côte d'Ivoire, le Niger, le Burkina Faso (anciennement Haute-Volta), le Bénin (anciennement Dahomey) et le Togo. Ce regroupement a pour but de à renforcer la coopération économique et politique entre ses membres. S’il est tombé en léthargie, le Conseil de l’Entende n’a jamais été dissous. La Confédération de la Sénégambie, formée en 1982 entre le Sénégal et la Gambie, avait pour objectif d'unifier les politiques économiques et de défense. Cependant, elle a été dissoute en 1989 en raison de tensions politiques, d'un manque de cohésion administrative et surtout des difficultés économiques de l’État sénégalais, qui finançait les institutions confédérales.
La CEDEAO un formidable instrument d’intégration mais miné par les influences extérieures
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée en 1975 pour promouvoir la coopération et l'intégration économique et monétaire. Son acte fondateur a été entériné par 16 États membres. En 2000, la Mauritanie a quitté l’organisation. Depuis sa création, la CEDEAO a mis en place une zone de libre-échange, un tarif extérieur commun et travaille vers une union douanière complète et une monnaie commune.
Elle a également entrepris des projets d'infrastructure pour améliorer la connectivité régionale, intégrer les réseaux énergétiques et de télécommunications, et garantir la libre circulation des personnes. La CEDEAO a également mis en place des structures pour la prévention et la gestion des conflits, la lutte contre le terrorisme, et le développement socio-économique, notamment dans les domaines de l'agriculture, de la santé et de l'éducation. Elle collabore également avec des organisations internationales pour renforcer la coopération régionale et attirer des investissements étrangers. La CEDEAO joue un rôle crucial dans l'architecture de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), s'inscrivant pleinement dans le cadre de l'Agenda 2063 de l'UA, qui vise à transformer le continent en une puissance mondiale de l'avenir.
Le Protocole Additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de 2001, vise à renforcer les principes de gouvernance démocratique dans les États membres. Il réaffirme l'importance de la séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la justice, et de la nécessité d'élections libres et transparentes pour toute accession au pouvoir. Le protocole met également l'accent sur la neutralité de l'État en matière religieuse et garantit la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, il établit des mesures contre la corruption et promeut la lutte contre la pauvreté, tout en encourageant la participation active des femmes et des jeunes dans les processus politiques et sociaux.
Depuis quelques années la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est confrontée à plusieurs défis et tensions internes qui minent son efficacité et sa cohésion. La région est en proie à des crises dues à divers groupes d’insurgés. Certains d’entre eux revendiquent des affiliations à des groupes djihadistes notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et l'État islamique au Grand Sahara (EIGS). L'insécurité chronique dans le Sahel et les attaques fréquentes déstabilisent les États membres et compliquent les efforts de coopération régionale. Les coups d'État militaires récents au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger ont profondément perturbé la région. Ces événements ont mis à l'épreuve la capacité de la CEDEAO à maintenir la stabilité, la démocratie et à proposer des solutions politiques de sortie de crise. La réponse de l'organisation à ces coups d'État a été variée, allant de la suspension de membres aux sanctions économiques. Elle a été à la base de la crise de l’organisation avec la sortie dans les prochains mois des trois pays formant l’AES.
L'Alliance des États du Sahel (AES)
L'Alliance des États du Sahel (AES) est un projet politique d'intégration régionale qui a vu le jour dans un contexte de crises multiples au Sahel, notamment l'instabilité politique, les défis sécuritaires et les pressions économiques. L'AES regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, des États confrontés à des coups d'État militaires récents et à des menaces terroristes persistantes. L'initiative est née de la volonté de ces pays de renforcer leur coopération pour faire face aux défis communs et affirmer leur souveraineté face aux influences extérieures, notamment de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et des puissances internationales en particulier la France, l’Union européenne et les États-Unis.
L'AES se présente comme un projet confédéraliste, visant à renforcer l'autonomie et la coopération entre ses membres. Les principaux objectifs déclinés dans la charte de création : la sécurité collective (la lutte contre le terrorisme et l'insécurité) par la coordination et la mutualisation des efforts militaires et sécuritaires ; la souveraineté renforcée et l’intégration économique. L'AES aspire à créer un espace économique commun, favorisant la libre circulation des biens, des services et des personnes entre ses membres. Cela inclut la mise en place de projets d'infrastructure transnationaux et le renforcement des échanges commerciaux intrarégionaux. Ces objectifs ne sont pas en réalité différents que ceux que poursuivent la CEDEAO.
Pour envisager l'avenir de l'Alliance des États du Sahel (AES), il est utile d'analyser cette initiative à travers deux grandes théories des relations internationales : la théorie des systèmes mondiaux d'Immanuel Wallerstein et celle de l'école néoréaliste. Ces deux cadres permettent de comprendre les dynamiques structurelles et les rapports de force qui pourraient influencer le devenir de l'AES.
Selon Wallerstein, le monde est divisé en trois zones : le centre, la semi-périphérie et la périphérie. Les pays du centre dominent l'économie mondiale, tandis que les pays de la périphérie sont exploités pour leurs ressources, subissant les effets de la domination économique et politique des pays du centre. Les pays de la semi-périphérie occupent une position intermédiaire, profitant de certaines marges de manœuvre tout en restant sous l'influence des puissances centrales.
Les États membres de l'AES (Mali, Burkina Faso, Niger) se situent clairement dans la périphérie du système mondial, caractérisés par des économies dépendantes des exportations de matières premières et une dépendance vis-à-vis de l'aide internationale. Cette position périphérique limite leur capacité à influencer les dynamiques globales et les rend vulnérables aux pressions extérieures.
Dans le cadre de la théorie des systèmes mondiaux, l'AES pourrait être vue comme une tentative de ces États périphériques de résister à l'exploitation par les centres de pouvoir mondiaux (notamment les anciennes puissances coloniales comme la France et les institutions financières internationales). En se regroupant, les membres de l'AES cherchent à renforcer leur autonomie et à réduire leur dépendance par rapport au système mondial dominé par les pays occidentaux.
Toutefois ces efforts sont souvent limités par les structures rigides du système mondial qui maintiennent les inégalités entre le centre et la périphérie. Il est donc possible que, malgré leurs efforts, les membres de l'AES continuent de subir les contraintes du système mondial, notamment à travers des sanctions économiques, des pressions politiques internationales, ou l'influence continue des puissances extérieures dans la région.
L'école néoréaliste, notamment incarnée par des théoriciens comme Kenneth Waltz, part du principe que le système international est anarchique, c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'autorité supérieure aux États pour réguler leurs interactions. Dans ce contexte, chaque État cherche à maximiser sa sécurité et sa survie, souvent en formant des alliances stratégiques.
L'AES peut être interprétée comme une réponse rationnelle des États membres à un environnement régional marqué par l'insécurité et l'instabilité. En se regroupant, ces États espèrent renforcer leur sécurité collective face aux menaces terroristes, aux ingérences étrangères et aux pressions des organisations régionales comme la CEDEAO. Pour les néoréalistes, cette alliance est donc une tentative de balance of power (équilibre des pouvoirs) visant à contrer l'influence des acteurs plus puissants de la région.
Dans une perspective néoréaliste, la viabilité de l'AES dépendra de la capacité des États membres à maintenir un équilibre interne et à prévenir l'émergence de tensions entre eux. L'alliance pourrait renforcer leur position collective dans un environnement international, mais seulement si les États membres parviennent à coopérer efficacement et à éviter les divisions internes. Cependant, les alliances de ce type sont souvent temporaires et motivées par des intérêts pragmatiques. Si les circonstances changent (par exemple, si l'un des membres de l'AES améliore ses relations avec une puissance extérieure ou si les menaces sécuritaires diminuent), l'alliance pourrait se désagréger. En outre, les États extérieurs à l'AES, percevant cette alliance comme une menace potentielle, pourraient chercher à la diviser ou à la neutraliser par des moyens diplomatiques ou économiques.
L'Alliance des États du Sahel : entre défiance et stratégies politiques
La formation de l'AES représente une réponse collective face aux sanctions imposées par la CEDEAO. Toutefois, derrière la rhétorique de défiance affichée par ces pays à l'égard de la CEDEAO, se cachent des dynamiques complexes et des enjeux stratégiques profonds. Dans leur communication, les membres de l'AES annoncent tourner le dos à la CEDEAO, affirmant ainsi leur volonté de rompre avec une organisation perçue comme un instrument d'influence étrangère, notamment française. Cependant, cette posture semble quelque peu paradoxale. En effet, si la CEDEAO a effectivement prononcé des sanctions à l'encontre de ces pays, les mesures les plus sévères ont été imposées par l'UEMOA, une organisation régionale économique et monétaire à laquelle ils sont également affiliés. Pour le Niger, des sanctions inédites ont été prises. En contradiction avec les textes fondateurs de l'UEMOA, le gel des avoirs du pays à la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a été ordonné.
En ciblant principalement la CEDEAO, les membres de l'AES semblent détourner l'attention du véritable contentieux : leur appartenance à l'UEMOA et, par extension, leur utilisation du franc CFA. Cette monnaie, symbole de l'influence persistante de la France en Afrique de l'Ouest, est au cœur des critiques de ceux qui appellent à une émancipation économique. La question se pose donc : les États membres de l'AES envisagent-ils de quitter l'UEMOA et de créer une nouvelle monnaie pour affirmer davantage leur indépendance ? Une telle décision serait lourde de conséquences économiques, mais pourrait également marquer un tournant dans les relations de ces pays avec la France et les autres puissances régionales notamment la Côte d’Ivoire.
Une stratégie à double tranchant
Quitter la CEDEAO n'est pas sans précédent. La Mauritanie, par exemple, a quitté l'organisation en 2000, marquant ainsi son désaccord avec certaines de ses orientations. Toutefois, les membres de l'AES doivent se méfier des répercussions régionales d'une telle démarche. Depuis 2017, le Maroc, une puissance régionale ambitieuse, cherche à intégrer la CEDEAO. Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso pourrait ouvrir la voie à l'adhésion du Maroc, modifiant ainsi les équilibres géopolitiques de la région. Dans un tel scénario, quelle serait la stratégie de l'AES ? Pourrait-elle envisager de se rapprocher de l'Algérie, une autre puissance régionale ?
Un rapprochement avec l'Algérie, un acteur économique, démographique et militaire majeur, pourrait renforcer l'AES. Cependant, les relations entre le Mali et l'Algérie sont historiquement ambivalentes, marquées par une méfiance réciproque. Si l'Algérie rejoignait l'alliance, elle exercerait inévitablement un leadership en raison de sa puissance relative, ce qui pourrait créer des tensions au sein de l'AES. Le Mali, en particulier, pourrait hésiter à accepter un partenaire aussi influent, craignant une dilution de son propre pouvoir dans une alliance dominée par un voisin puissant.
Opportunités régionales : changement de régime au Sénégal et neutralité du Togo
La configuration actuelle au sein de la CEDEAO offre cependant de nouvelles opportunités aux membres de l'AES. Le changement de régime au Sénégal, un acteur clé de la CEDEAO, pourrait redéfinir les équilibres politiques au sein de l'organisation. Le nouveau gouvernement sénégalais a déjà annoncé qu’il aura une posture moins alignée sur les positions traditionnelles de la CEDEAO. Cela offre un espace de manœuvre aux pays sahéliens pour influencer les décisions au sein de l'organisation. De plus, la neutralité bienveillante affichée par le Togo dans les récents conflits au sein de la CEDEAO pourrait être un levier stratégique pour l'AES. Le Ghana et le Nigeria n’ont aucun intérêt à un affaiblissement de la CEDEAO. En s'alliant à des États qui partagent une vision plus flexible et moins interventionniste, le Mali, le Niger et le Burkina Faso pourraient changer la donne au sein de la CEDEAO, en favorisant une approche plus respectueuse de la souveraineté des États et en limitant l'influence des puissances extérieures.
Les implications géopolitiques de l'AES : quels scénarios pour l'avenir ?
La création de l'AES a des implications géopolitiques importantes, tant au niveau régional qu'international. Elle modifie les rapports de force, les alliances et les rivalités entre les acteurs. Elle ouvre également des opportunités et des risques pour le développement, la sécurité et la coopération. On peut envisager trois scénarios possibles pour l'avenir :
Un scénario optimiste, dans lequel l'AES réussit à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l'Ouest. Elle parvient à vaincre le terrorisme, à réduire la pauvreté, à diversifier son économie et à renforcer sa démocratie. Elle entretient des relations pacifiques et constructives avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle contribue à la stabilité et au développement du continent africain.
Un scénario pessimiste, dans lequel l'AES échoue à consolider son intégration et à devenir un pôle de pouvoir et de prospérité en Afrique de l'Ouest. Elle est confrontée à des tensions internes, à des crises politiques, à des conflits et à des coups d'État. Elle est également victime de la pression et de la concurrence des autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi que des ingérences et des manipulations des partenaires internationaux, notamment la France, l’Union européenne et les États-Unis. Elle devient un facteur d'instabilité et de sous-développement du continent africain.
Un scénario intermédiaire, dans lequel l'AES connaît des succès et des échecs, des avancées et des reculs, des opportunités et des risques. Elle réalise des progrès dans certains domaines, tels que la sécurité, le commerce ou la culture, mais elle rencontre des difficultés dans d'autres, tels que le social ou l'environnement. Elle entretient des relations ambivalentes et fluctuantes avec les autres organisations régionales, notamment la CEDEAO et l'UEMOA, ainsi qu'avec les partenaires internationaux, notamment la France, la Chine et les États-Unis. Elle a un impact mitigé sur la stabilité et le développement du continent africain.
Ces scénarios ne sont pas exclusifs, ni exhaustifs, ni prédictifs. Ils sont simplement des outils d'analyse et de réflexion, qui permettent d'explorer les différentes hypothèses et les différents enjeux liés à la création de l'AES. Ils invitent également à se poser des questions et à proposer des solutions, pour que l'AES soit un projet porteur d'espoir et de progrès, non seulement pour les pays du Sahel, mais aussi pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et du continent africain.
Si elle se concrétise, la formation de l'Alliance des États du Sahel (AES) marquera une rupture significative avec l'ordre régional établi par la CEDEAO et représentera une tentative de réinventer la géopolitique en Afrique de l'Ouest. Née d'un contexte de crises sécuritaires, politiques et économiques, cette alliance reflète le désir des États membres de renforcer leur souveraineté face aux influences extérieures et de trouver des solutions régionales à des problèmes complexes. Cependant, l'AES se heurte à des défis considérables, notamment les pressions internationales, leur enclavement, les risques d'isolement économique, et les tensions internes qui pourraient émerger entre ses membres.
La sortie des pays membres de l'AES de la CEDEAO entraînera des répercussions profondes sur les plans politique, économique et sécuritaire. Politiquement, elle redéfinira les alliances dans la région et ouvrira la voie à une influence accrue des puissances telles que la Russie, la Turquie et la Chine. De même, elle marquera le déclin de l’influence française. Économiquement, cette décision pourrait perturber les échanges commerciaux intrarégionaux et compromettre l'accès aux programmes de développement et aux aides internationales, essentiels pour ces pays.
Sur le plan sécuritaire, la sortie de la CEDEAO pourrait modifier les dynamiques migratoires et affecter la lutte contre le terrorisme. Les États membres de l'AES devront trouver de nouveaux moyens de coopérer sur ces questions, en dehors des cadres traditionnels offerts par la CEDEAO. L'AES pourrait ainsi se retrouver à devoir assumer des responsabilités supplémentaires en matière de sécurité régionale, tout en gérant les défis économiques et politiques associés à leur nouvel isolement relatif.
Bibliographie
1. Wallerstein, I. (1974). Le système du monde moderne I : L'agriculture capitaliste et les origines de l'économie-monde européenne au XVIe siècle. New York : Academic Press.
2. Waltz, K. N. (1979). Théorie de la politique internationale. Reading, MA: Addison-Wesley.
3. Mensah, E. T. (1958). Ghana-Guinée-Mali [Enregistrement musical]. Musique Highlife.
4. Union des États africains. (1959). Constitution de l'Union des États africains. Accra : Gouvernement du Ghana.
5. CEDEAO. (1975). Traité de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Lagos, Nigeria.
6. CEDEAO (2001). Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance. Abuja, Nigeria.
7. Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). (2024). Sanctions contre le Niger. Dakar : BCEAO.
8. Médard, J. F. (1982). État et bourgeoisie en Côte d'Ivoire. Y. A. Fauré (Ed.). Éditions Karthala.
9. Fanchette, S. (2001). Désengagement de l’État et recomposition d’un espace d’échange transfrontalier : la Haute-Casamance et ses voisins. Autrepart, (3), 91-113.
10. Candidature du Maroc à la CEDEAO. (2017). Documents de candidature. Rabat : Royaume du Maroc.
11. Alliance des États du Sahel (AES). (2024). Charte de l'Alliance des États du Sahel. Niamey, Niger.
12. CEDEAO. (1975). Acte de Création de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Lagos, Nigeria.
DIOMAYE TACLE L'OPPOSITION
Pour le président de la République, les députés de la majorité ont tourné le dos aux aspirations populaires clairement exprimées lors de la présidentielle, avec le rejet du projet de loi constitutionnelle pour la suppression du HCCT et du CESE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de la présidence de la République au lendemain du rejet du projet de suppression du HCCT et du CESE par l'Assemblée nationale. Un acte qui, selon le chef de l'État, révèle la rupture entre l'opposotion et la population quant aux aspirations populaires exprimées lors de l'élection présidentielle de mars 2024.
"COMMUNIQUÉ
Lors de l'élection présidentielle du 24 mars 2024, des engagements fermes, validés souverainement par le peuple, ont été pris par le président de la République, S.E.M.
Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il en ressort un Pacte social de gouvernance publique adossé à une réorganisation institutionnelle des organes de l'État, qui engage nécessairement une rationalisation systématique des charges de celui-ci.
La suppression, déjà effective, de la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT), ainsi que celle du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE), soumise à l'appréciation de l'Assemblée nationale à travers le projet de loi N°11/2024, portant révision de la Constitution, s'ajoutent aux différentes directives présidentielles sur la rationalisation des dépenses publiques, que le gouvernement entend mettre en œuvre dans le cadre de la doctrine de transformation de la gouvernance publique inscrite dans le Projet.
Le rejet du projet de loi portant révision de la Constitution, visant la dissolution du HCCT et du CESE, renseigne à suffisance, s'il en est besoin, sur la rupture profonde entre les députés de la majorité et les aspirations populaires qui se sont massivement exprimées lors de l'élection présidentielle du 24 mars 2024.
Le président de la République prend acte de la décision des députés de la majorité et réaffirme son engagement à œuvrer pour l'expression des positions politiques plurielles, essentielle au jeu démocratique et à l'équilibre des pouvoirs."
Par Hamidou ANNE
LA DIPLOMATIE SOUS MACKY SALL
Après avoir parcouru «Macky Sall : 12 ans à la tête du Sénégal», je confirme ce que j’ai souvent rappelé, relativement aux succès diplomatiques accumulés durant ces douze dernières années
Gouverner c’est faire sienne l’assertion de Edouard Glissant : «Agis dans ton lieu, pense avec le monde.» C’est ainsi avoir la finesse et la présence d’esprit de ne pas soliloquer et assumer la responsabilité de l’action transformatrice de son pays tout en logeant sa trajectoire dans le temps du monde. Mieux que les discours creux, l’agir est fécond et permet de bâtir une œuvre censée nous survivre en tant qu’homme. Après le silence qu’impose l’action créatrice, les résultats surgissent et disent tout du temps passé au labeur. Le temps de l’action est suivi de celui de la reddition des comptes aux mandants qui, en démocratie, restent, en dernier lieu, les souverains.
La semaine dernière, les anciens collaborateurs du Président Macky Sall ont présenté son ouvrage bilan, qui retrace une action durant plus d’une décennie. Toute œuvre humaine est perfectible, mais incontestablement le Sénégal de 2024 est largement meilleur que celui légué en 2012. L’ouvrage présenté rend compte aux citoyens de la gestion publique, en vue de mettre à leur disposition une information juste, loin de la confusion, de la manipulation et des anathèmes. Il est possible d’apprécier positivement ou négativement l’action publique sous la houlette du Plan Sénégal émergent, mais il n’est guère aisé de contester ce que tous les chiffres des agences nationales et des organismes internationaux démontrent. Le Sénégal, sous le magistère du Président Sall, a effectué un grand bond en avant sur le plan économique. Les piliers sont solides, les infrastructures transforment le visage du pays, des villes aux campagnes, et la politique sociale touche directement les ménages. La politique de la Nation définie par le Président Sall et rappelée à chaque Déclaration de politique générale par ses Premiers ministres qui se sont succédé devant la Représentation nationale a porté ses fruits.
Après avoir parcouru «Macky Sall : 12 ans à la tête du Sénégal», je confirme ce que j’ai souvent rappelé, relativement aux succès diplomatiques accumulés durant ces douze dernières années. Le Président Sall s’est inscrit dans la continuation de notre trajectoire diplomatique inaugurée par le Président Senghor et entretenue depuis, en dépit des changements de majorité. Nous sommes une voix respectée et estimée sur la scène internationale malgré la modestie de notre poids économique.
La politique étrangère du Président Macky Sall s’est incarnée dans la conservation des acquis de ses prédécesseurs tout en labourant de nouveaux territoires d’opportunités. Ainsi, nous avons réitéré le vieux principe d’une diplomatie de la souveraineté «sans exclusivité ni exclusion» tout en nouant de nouveaux partenariats stratégiques, conformément à notre agenda pour l’émergence économique.
Dakar est restée une place forte de la diplomatie internationale ; et malgré la rationalisation de notre carte diplomatique et le redéploiement de nos ressources humaines et financières en 2012, notre capacité de projection à l’international s’est accrue. Sous le Président Sall, la diplomatie sénégalaise a obtenu des résultats majeurs ayant trait notamment à la poursuite des objectifs stratégiques liés à la paix et la sécurité internationales, à la promotion de la démocratie, à l’intégration africaine et à la traduction concrète des Objectifs des Nations unies pour le développement durable.
Au plan régional, c’est le Président Macky Sall en personne qui a pesé de tout son poids pour le respect du verdict des urnes en Gambie, avant d’être suivi par la Cedeao. Les efforts régionaux coordonnés ont ramené la démocratie dans ce pays plus que voisin mais frère siamois. L’érection du pont sur le fleuve Gambie, après des décennies de danse du tango, a rapproché les deux capitales et les deux versants d’un même peuple.
S’agissant de nos relations avec la Mauritanie, le pont de Rosso et l’exploitation conjointe du gisement gazier Grand Tortue Ahmeyim constituent la preuve matérielle que l’ère des conflits de voisinage est révolue au profit d’un partenariat gagnant-gagnant.
Loin des saillies panafricanistes sans acte concret, durant la pandémie du Covid-19, le Sénégal a acquis 200 000 doses de vaccin, et a choisi de mettre 10% du stock à la disposition de la GuinéeBissau et de la Gambie.
Pour la préservation de la paix et la promotion de la démocratie, la diplomatie sénégalaise a envoyé des troupes au Mali dans le cadre de la Minusma. Nos soldats sont morts pour la souveraineté et l’intégrité du territoire du Mali.
Après le putsch du chef du Rsp au Burkina, la médiation du Président Sall a permis le retour à une transition, qui a conduit le pays à une élection libre et transparente.
En sa qualité de président en exercice de l’Union africaine, le Président Macky Sall a facilité le choix de l’Afrique d’adopter une position de neutralité après l’éclatement du conflit russo-ukrainien. Aussi, ses appels à un cessez-le-feu et au retour de la paix définitive ainsi que ses déplacements à Sotchi et à Kiev ont placé le Sénégal au centre de l’agenda géopolitique mondial.
Sous le Président Sall, nous avons toujours condamné les coups d’Etat dans la sous-région et avons montré notre disponibilité à accompagner les transitions en vue d’un retour à un ordre constitutionnel. Conformément à notre tradition républicaine, et en cohérence avec les choix de nos Pères fondateurs, une autorité sénégalaise doit toujours promouvoir la démocratie et l’Etat de Droit partout où ceux-ci sont menacés.
C’est avec une immense fierté, un jour de septembre 2023, que j’ai appris l’entrée de l’Afrique au G20, grâce au talent des diplomates sénégalais, à leur finesse et à leur capacité à fédérer les énergies en Afrique et auprès des pays industrialisés afin d’obtenir l’unanimité sur le sujet.
La politique étrangère d’un pays a deux incarnations concrètes : le diplomate et le soldat. C’est parce que nous avons toujours eu une armée républicaine, une diplomatie sobre et efficace au service d’un leadership ambitieux, que le Sénégal est une grande nation. C’est sur ces acquis solides que le Président Sall a bâti une diplomatie économique ayant permis au Sénégal de se hisser parmi les 10 nations qui attirent le plus d’investissements directs étrangers.
Un homme d’Etat pense le long terme et agit pour laisser une trace dans l’histoire. Ce bilan présenté par le précédent régime est éloquent. Il contredit les rodomontades des partisans du nihilisme et les adeptes de la rhétorique fumeuse d’un Etat en ruine. Ce bilan doit être montré partout afin que la vérité, que certains esprits chagrins tentent de cacher, soit étalée sur la place publique pour débusquer et combattre les populismes et les oppositions à la République.
Enfin, cet ouvrage rappelle l’attachement du Président Sall au multilatéralisme inclusif. Il a en effet décidé d’ériger Dakar comme la 4ème capitale des Nations unies, après New York, Genève et Nairobi. C’est cette vision qui a sous-tendu l’édification en décembre 2023 de la Maison des Nations unies à Diamniadio.
Au soir du 2 avril 2024, le Président Macky Sall a laissé un pays aux fondements économiques solides et à la démocratie performante. Aussi, notre pays rayonne grâce à une politique étrangère ambitieuse, intelligente et efficace.
Macky Sall laisse une diplomatie à la hauteur de l’histoire de notre pays et de la grandeur de son peuple. Le Sénégal, démocratie solide, économie croissante, est désormais une puissance diplomatique qui compte et pèse sur la scène internationale. C’est un héritage lourd et précieux dont il faut se montrer digne quand on a l’insigne honneur de porter sur la scène internationale la voix du Sénégal.
Par Yakhya DIOUF
LA CONSANGUINITÉ ENTRE JOURNALISTES ET POLITIQUES FRAGILISE LA DÉMOCRATIE
Le crédit des journalistes n’a jamais été aussi bas. Alors que leur utilité, incontestablement, n’a jamais été aussi grande. La salubrité même de la démocratie est en jeu
Voici bientôt six mois que le nouveau régime est en place. On n’a rien oublié de leurs discours sur les rapports tumultueux que leurs prédécesseurs entretenaient avec la presse. La « normalité » qu’ils avaient promise est déjà contestée et mise à rudes épreuves.
Le crédit des journalistes n’a jamais été aussi bas. Alors que leur utilité, incontestablement, n’a jamais été aussi grande. La salubrité même de la démocratie est en jeu.
Le Président de la République et son premier ministre avaient promis une rupture dans la manière d’exercer, d’une manière générale ces responsabilités, d’appliquer la gouvernance, mais aussi de manière particulière, de communiquer, d’assainir les relations traditionnellement tumultueuses avec la presse. Aujourd’hui que constate-t-on ? La rupture avec celle-ci a bien eu lieu.
C’est un constat : Dans le système politique sénégalais et même au-delà, disons dans la société moderne, les concepts, les rhétoriques, les postures s’usent très vite, trop vite. En l’occurrence, l’« assainissement » que l’actuel régime avait promis est remis en cause, notamment , de manière disproportionnée par une persécution fiscale, difficile à supporter par les organes de presse.
Pour autant, et c’est justement l’opinion la mieux partagée, le pouvoir en place et plus globalement la coalition, ne sont pas exempts de reproches, d’erreurs et de responsabilités car, ils peinent à communiquer, à convaincre au sens fort du terme. Oui communiquer, c’est -à-dire construire un lien avec le pays.
Le « silence » gouvernemental est relativement apaisant mais il perturbe une opinion publique qui, particulièrement dans un contexte de crise et de grandes incertitudes – le premier ministre qui parle de « pays en ruine », « difficultés de la presse » - a besoin de connaitre et de comprendre les changements en cours. Y compris pour se les approprier et accorder sa confiance à ceux qui les pilotent. La politique, c’est toujours un exercice d’explication, de mise en perspective – Déclaration de politique générale (DPG) – et nous attendons de nos nouveaux gouvernants qu’ils en façonnent une forme inédite, sinon où est la rupture ? En tout cas par rapport à la presse, il n’y a aucun changement, au contraire les difficultés avec le pouvoir se sont exacerbées. Toutefois, peut-on décemment juger l’action d’un gouvernement en place depuis quelques mois lorsqu’on lui laisse douze (12) années d’un bilan discutable ?
Il y a crise du pouvoir avec la presse. Une certaine presse. C’est incontestable ! En situation de crise, « on » veut un grand capitaine. Pour l’heure le tandem au pouvoir n’en porte pas les habits. Mais peut-être le sera-t-il un jour, peut-être se révélera-t-il un style performant…
Méfions-nous des jugements hâtifs, ils font partie de cette « idéologie » de la vitesse qui d’ailleurs permettra, avec la même certitude, de dire le contraire de ce qui a été prononcé. En ce qui concerne le tandem, son parcours appelle à la prudence. Aucun des deux qui le compose n’a jamais été ministre ; c’est cela, peut-être qui explique certains atermoiements, mais c’est eux aujourd’hui les dirigeants de ce pays.
C’est ce « statut de bleu » en matière d’exercice du pouvoir qui peut-être explique les vives critiques de la presse de « gauche », d’opposition, je veux dire, contre la politique du gouvernement actuel.
Contrairement à ce que certains éditorialistes expriment, parfois de manière incisive, ce déferlement ne traduit pas une maturité. Tous les journalistes ne se valent pas. Cela est valable dans toutes les catégories socio-professionnelles. Les cabris se promènent ensemble, mais ils n’ont pas le même prix.
L’analyse, à mon sens, est plus triviale : le pouvoir médiatique ne sait plus s’arrêter, ne connait plus ses limites, se croit légitime à tout juger, tout examiner, tout critiquer, tout revendiquer. Or franchir cette ligne pourrait lui être fatal – c’est le cas actuellement avec le fisc – car le public, même s’il est parfois voyeur ou en accord idéologique ou partisan, ne souscrit pas à cette outrance dans l’anathème qui décrédibilise l’information et discrédite la posture.
Oui à l’information, la critique, et au contre-pouvoir de la presse. Non au mythe de l’auto-institution de la presse en quatrième (4ième) pouvoir. Seuls les politiques ont la redoutable responsabilité de l’action ! D’ailleurs, il faut nuancer. Cette dérive, ici au Sénégal, comme ailleurs, ne concerne pas tous les médias comme je l’ai insinué plus haut, mais surtout une partie de la hiérarchie journalistique et éditorialiste.
A l’heure d’une crise de confiance sans précédent à l’égard des journalistes et des producteurs d’informations mesure-t-on réellement les dégâts sur les crédits journalistiques et politiques que cette porosité et ces collusions provoquent dans l’opinion publique ?
On ne le mesure pas parce que ce n’est pas visible – taux d’analphabétisme élevé – C’est comme la question très compliquée de l’opinion publique, à savoir les mutations lentes et invisibles avec les sondages dans les pays développés – France et USA par exemple.
Dans un passé relativement récent, le contre-pouvoir médiatique – dans les démocraties évidemment et non dans les régimes autoritaires – a tendance à ne plus savoir où sont ses limites. Il exagère ! Et c’est cela qui provoque l’ire du pouvoir en place.
D’ailleurs, on observe trop ce glissement dangereux : Faire croire que partout la liberté de la presse est menacée et que dictatures ou démocraties ce sont finalement les mèmes enjeux. Non ! les immenses difficultés de la presse dans les dictatures ne peuvent pas cautionner les dérives de celle-ci dans les démocraties.
D’autant que le pouvoir politique, avec la visibilité justifiée critique les médias – le premier Ministre qui, du haut de sa tribune profère des menaces à l’endroit de la presse – la rigidité de nos sociétés et les difficultés de la mondialisation, devient de plus en plus fragile.
La baisse de prestige de la politique ne doit pas faire oublier sa spécificité : La grandeur et les risques de l’action. Mais comme la collusion presse-politique, est dans son comble dans notre pays, trop forte, en tout cas, cela ne donne plus confiance aux citoyens. Surtout en ces temps de crise.
Aussi, en tant qu’acteur du système éducatif sénégalais depuis plusieurs décennies, je m’inquiète que survienne le pire danger pour l’éducation dont les notions de liberté, la capacité critique qu’elle enseigne pourraient en souffrir par la tentation à l’autocensure.
Dans une démocratie digne de ce nom, le syndrome de la pensée, de la parole et de la plume uniques doit être banni « ñep menuñu bok xalat ». Evitons à tout prix ceci : « Tout le monde dit la même chose, donc personne n’ose dire autre chose » ; alors que la diversité exceptionnelle des canaux aurait dû assurer une extrême diversité de l’information, des points de vue, des idées, des prises de position.
Et donc renforcer la légitimité des journalistes comme empêcheurs de tourner en rond. C’est hélas tout le contraire : Tout se ressemble, l’information souffre de son uniformité et du sentiment de connivence avec les politiques – Consanguinité – son champ se rétrécit par rapport au nombre de supports. Et les journalistes, parce que l’enquête coute cher, font le tour de l’ordinateur là ou autrefois ils faisaient le tour du monde.
Enfin, peut-on bien y croire ? Nombre de médias n’ont-ils pas « oublié » que leur vocation est d’éveiller et d’éduquer les consciences, de faire grandir la capacité critique, l’autonomie, la contribution citoyenne de chacun et non de se livrer à de la politique partisane.
BAYE NIASSE, LE PRÉCURSEUR DE LA ROUTE DE LA SOIE
La visite du président Bassirou Diomaye Faye en Chine s'inscrit dans une continuité historique insoupçonnée. Elle fait écho au voyage visionnaire de Cheikh Ibrahima Niasse en 1963, qui a jeté les bases des futures relations sino-sénégalaises
Le président de la République Bassirou Diomaye Faye est en Chine pour une visite officielle, soixante années après la visite de Cheikh Ibrahima Niasse dans ce pays. Figure emblématique de l'Islam, Baye Niasse répondait ainsi à l'invitation de China Muslim Association, une des plus grandes organisations islamiques de cette époque de la République Populaire de Chine
Qu'est ce qui lie Cheikh Ibrahima Baye Niasse et l'ancien président du Conseil Français Edgar Faure ? La Chine. On est en 1963 et comme le rapporte une archive du site de la fondation Charles De Gaulle, dans sa volonté de réconciliation avec la Chine, le général de Gaulle estime qu’une discussion diplomatique, même minime, constitue une ouverture. Il souhaite s’appuyer pour cela sur un homme de confiance et le trouve en l’ancien président du Conseil, Edgar Faure. Ce dernier s’est déjà rendu en Chine, à titre privé, en 1957. Il en tire un livre, Le serpent et la tortue, où il explique au public français le fonctionnement politique de la République Populaire de Chine, ses différences et ses points communs avec l’URSS. Il y soutient surtout qu’il est absurde de refuser la RPC, un régime fort et stable qui représente la réalité du pays. De Gaulle, qui a lu l’ouvrage d’Edgar Faure, s’adresse donc à lui en 1963 pour effectuer de nouveau un voyage en Chine. Il rédige à son intention une lettre afin d’accréditer les époux Faure auprès de Mao. En effet, si de Gaulle souhaite établir des relations diplomatiques avec la Chine, il n’entend pas mettre la France en position de demandeur. Le voyage des époux Faure est donc destiné à s’assurer des dispositions d’esprit du gouvernement de Pékin. Et dans le train qu'il le mène de ville en ville, l'académicien français a rencontré à deux reprises Cheikh Ibrahima Niasse qui était venu en Chine pour d'autres raisons. En effet, le chef religieux sénégalais, connu pour ses nombreux voyages à travers le monde, ses rencontres avec les géants de cette époque, sa diplomatie religieuse, était dans le même train que l'homme politique français pour aller répondre à l'invitation de China Muslim, la plus grande association islamique de la Chine, dirigée par Bourhanou Din, qui était aussi le vice-président du CENA en Chine. On est en octobre 1963. ''Un voyage que le gouvernement de la Chine a entériné. Car Baye Niasse ne voulait pas créer un malentendu entre cette association islamique et le gouvernement chinois de l'époque'', renseigne l'écrivain et chercheur Ahmed BoucarNiang. Biographe avéré de Baye Niasse, M.Niang rappelle aussi que durant ce voyage, le célèbre guide religieux a été accueilli à l'aéroport par les membres du Congrès Islamique mondial de cette région. Alors que les relations entre la République du Sénégal et la République Populaire de Chine ont été établies pour la première fois le 7 décembre 1971, Baye Niasse lui a fait son premier voyage en Chine 8 ans plutôt, et a manifestement tracé les premiers sillons de la relation entre ces deux pays. Ainsi lors de ce périple, le guide religieux, accompagné de son disciple et secrétaire particulier Barham Diop, a visité plusieurs institutions publiques dont les bâtiments publics de l'Assemblée nationale, du musée de la Révolution et du musée de l'armée. Oustaz Barham Diop raconte une anecdote lors de la visite au musée de la Révolution. En effet, il y avait quelqu'un qui récitait un poème à la gloire de Mao. ''Ce dernier déclarait que Mao avait libéré l'être humain et qu'il était le sauveur des pauvres. Baye rétorqua sans complexe que ces qualités ne peuvent être attribuées qu'au Prophète Mouhamad (PSL)'', note le chercheur Ahmed Boucar Niang non sans indiquer qu'une telle réplique, fait dans un pays où le communiste Mao était le maître absolu et le symbole de l'athéisme, est plus qu'audacieuse.
Sévère réquisitoire de Baye Niasse contre les idéologies occidentales
Dans le même ordre d'idées, il rappelle que c'est dans ce pays que Cheikh Ibrahima Niasse a fait un réquisitoire sévère contre les idéologies capitalistes et communistes. Rapportant les écrits très osés de Baye Niasse sur les idéologies occidentales, le chercheur affirme : ‘’J'exhorte la jeunesse à prendre comme guide le Prophète Mouhamad (PSL). Évitez de chercher un modèle autre que celui du dernier Messager. John Foster Dulles (secrétaire d'état américain), Napoléon, Marx et Lénine ne sont pas des modèles à suivre.’’ Par ailleurs, durant cette visite en Chine, Cheikh Ibrahima Niasse a donné une conférence à l'Association de l'Amitié des peuples de Chine et d'Afrique. Après, certains membres qui étaient dans l'assistance, souligne Ahmed Boucar, ont posé des questions à Cheikh Ibrahim Niasse, notamment sur la crise de 1962 qui opposait le Président Senghor et Mamadou Dia.
Reçu par le Premier ministre chinois Zhou Enlai
Cheikh Ibrahima Niasse a en outre a été reçu en audience, à l'occasion de cette visite en Chine, par le Premier ministre Zhou Enlai, le 1er novembre 1963. Baye Niasse a fait un exposé sur le modèle islamique sénégalais basé sur le soufisme et les tariqa. D'après Ahmed Boucar Niang, le chef religieux n'a pas rencontré Mao car ce dernier était en déplacement en Chine. Le professeur Barham Diop qui est un des témoins de ce voyage historique de Baye Niasse en Chine, signale dans une de ses conférences que le président Léopold Sédar Sengor les a reçus en audience à leur arrivée à Dakar.
S'appuyer sur la diplomatie religieuse
Le président Bassirou Diomaye Faye qui est arrivé hier à Beijing, en Chine, pour une visite d’État et pour participer à la neuvième édition du Forum sur la coopération Chine-Afrique (FOCAC), prévue du 4 au 6, doit être manifestement au courant de ce pan de l'histoire diplomatique religieuse sénégalaise en Chine. Mais au-delà, ce nouveau régime qui prône un changement de paradigme dans sa manière de gouverner gagnerait visiblement plus de place grâce à la religion dans sa diplomatie, eu égard au rôle joué par les figues religieuses du Sénégal dans la propagation de la paix dans la sous-région et dans le monde. Le fait religieux est devenu une donnée importante dans les relations internationales et dans le processus de règlement des conflits. Et dans ce domaine, le Sénégal dont le modèle est basé sur le soufisme a quelque chose à apporter au monde.