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26 novembre 2024
Société
LE PRIX D'UNE VICTOIRE ÉCRASANTE
Si Doudou Wade salue le triomphe de Paastef aux législatives, il s'inquiète des conséquences sur le débat démocratique. La disparition programmée des groupes d'opposition pourrait paralyser les mécanismes de contrôle parlementaire, selon lui
L'ancien député du Parti démocratique sénégalais (PDS), Doudou Wade, évalue les élections législatives du dimanche 17 novembre. « Être dans une Assemblée nationale avec un seul groupe parlementaire serait une catastrophe », affirme-t-il, faisant allusion aux résultats du scrutin.
À son avis, si l'opposition n'arrive pas à avoir un groupe parlementaire, « toutes les questions orales, écrites ou encore le débat sur l'arrivée du Premier ministre à l'Assemblée nationale, une commission rogatoire, le contrôle, les échanges et discussions générales n'auront plus lieu ».
L'ancien président du groupe parlementaire Libéral et démocratique trouve toutefois que « la situation ne peut être réglée que par les politiques s'il existe à l'hémicycle une majorité intelligente ». Pour lui, l'existence d'un seul groupe parlementaire à l'Assemblée nationale est synonyme de la disparition de partis de l'opposition dont celui du régime sortant.
En présageant entre 125 et 131 sièges pour le Pastef, Doudou Wade estime que la liste dirigée par le Premier ministre Ousmane Sonko a été très bien élue, idem pour l'élection du président Bassirou Diomaye Faye lors de la présidentielle de mars dernier.
Doudou Wade estime toutefois que le chef de l'État a manqué d'équité dans ses charges en organisant les élections législatives. « Il a failli à certaines règles d'équité. Le Conseil constitutionnel lui a demandé de rendre publique la décision, il ne l'a pas fait et l'a gardé pendant 60 jours. Heureusement que ça a été rectifié. On a eu un excellent scrutin sanctionné par une razzia du Pastef ».
UNE NOUVELLE ÈRE POUR LES ACCORDS DE PÊCHE UE-AFRIQUE ?
La situation sénégalaise pourrait faire école dans un contexte de raréfaction des ressources halieutiques. Actuellement, huit accords de pêche restent en vigueur entre Bruxelles et des pays africains, avec des montants variables
(SenePlus) - La décision du Sénégal de mettre fin à ses accords de pêche avec l'Union européenne marque un tournant potentiel dans les relations halieutiques euro-africaines. Cette rupture, effective depuis le 17 novembre, contraint les navires européens à quitter les eaux sénégalaises, privant le pays d'une allocation annuelle de 8,5 millions d'euros.
Cette décision s'inscrit dans la vision politique des nouvelles autorités sénégalaises. Lors d'un meeting préélectoral le 29 octobre, Ousmane Sonko, aujourd'hui Premier ministre, affirmait clairement que "ces accords ne sont pas favorables au Sénégal". Le président Bassirou Diomaye Faye avait prévenu l'UE de "sa volonté de réviser ces accords, afin d'assurer qu'au moins 80% des ressources de pêche profitent au Sénégal".
L'enjeu est crucial pour ce pays ouest-africain où, selon les Nations unies citées par Jeune Afrique (JA), la pêche fait vivre 600 000 personnes sur une population de 18 millions d'habitants.
La situation sénégalaise pourrait faire école. Selon JA, Actuellement, huit accords de pêche restent en vigueur entre l'UE et des pays africains, avec des montants variables. La Mauritanie, par exemple, reçoit 60 millions d'euros annuellement pour un accord "mixte", tandis que la Guinée-Bissau perçoit 17 millions d'euros.
La Côte d'Ivoire se trouve dans une position particulière. Son accord, qualifié de "dormant" depuis juillet dernier, est en cours de renégociation. Il lui rapportait jusqu'alors 682 000 euros annuels, permettant à 36 navires européens d'opérer dans ses eaux.
L'exemple sénégalais n'est pas isolé. Jeune Afrique rappelle que les Comores ont déjà connu une rupture similaire en 2018, perdant 300 000 euros de subventions européennes. Plus récemment, le Maroc a vu son accord définitivement annulé par la Cour de Justice de l'UE en octobre 2024.
Cette évolution pourrait préfigurer une redéfinition plus large des relations halieutiques entre l'Europe et l'Afrique, avec une tendance croissante à la préservation des ressources locales et à la défense des pêcheurs traditionnels.
LES JOURNALISTES INVITÉS À JOUER UN RÔLE CLÉ DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
Le président de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), Serigne Bassirou Gueye, a souligné, mardi à Dakar, l’importance cruciale des médias, dans la lutte contre la corruption
Le président de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), Serigne Bassirou Gueye, a souligné, mardi à Dakar, l’importance cruciale des médias et plus particulièrement ”le rôle clé des journalistes d’investigation”, dans la lutte contre la corruption, ”un phénomène qui gangrène nos institutions publiques”.
‘’Le journalisme d’investigation est un levier puissant pour exposer et mettre à nu les pratiques illicites et les réseaux de malversations’’, a-t-il dit, insistant sur l’importance des enquêtes approfondies pour renforcer la crédibilité et l’impact des actions de dénonciation.
Serigne Bassirou Guèye présidait l’ouverture d’un atelier de formation de deux jours, organisé par Amnesty International Sénégal en collaboration avec l’OFNAC et la société civile sénégalaise.
Le président de l’Ofnac a rappelé que la corruption, ”sous ses différentes formes”, que ce soit la fraude, les pots-de-vin, le favoritisme, constitue ”un frein majeur à la transparence et à la performance des services publics”.
Il a encouragé les journalistes à jouer un rôle actif dans la dénonciation de ces pratiques et à contribuer à la promotion d’une gouvernance responsable et intègre.
Le président de l’OFNAC a également salué la coopération avec la société civile, notamment Amnesty International Sénégal, dans le cadre d’un protocole d’accord signé en 2022.
‘’Cette collaboration vise à coordonner les efforts de prévention et de lutte contre la corruption’’, a dit Serigne Bassirou Gueye.
Il a rappelé que les conventions internationales, telles que celles des Nations Unies et de l’Union africaine, reconnaissent le rôle clé des médias dans ce combat.
‘’Votre présence nombreuse ici aujourd’hui, vous, acteurs des médias, démontre clairement l’intérêt que vous portez à la lutte contre la corruption, un phénomène qui gangrène nos institutions et risque de compromettre le développement socio-économique de notre pays’’, a-t-il déclaré.
M. Gueye a réitéré l’engagement de l’OFNAC à accompagner les journalistes en leur fournissant des outils adaptés pour exercer leur mission avec professionnalisme.
Il appelé à ”intensifier les efforts pour améliorer la perception de la corruption et maintenir les avancées du Sénégal (…).
De son côté, le président d’Amnesty International Sénégal, Pape Diéne Diop, a encouragé les médias à renforcer leur rôle dans la lutte contre la corruption.
Il a salué la forte mobilisation des journalistes, qu’il considère comme des partenaires essentiels pour dénoncer les pratiques illicites et inciter les autorités à agir avec efficacité.
‘’Le journalisme d’investigation est un outil puissant pour exposer les pratiques illégales et renforcer la crédibilité de nos institutions ‘’, a-t-il conclu.
Cette rencontre, réunissant une trentaine de journalistes, vise à leur fournir des outils et des compétences spécifiques pour faciliter l’accès à l’information, mener des enquêtes rigoureuses et sensibiliser les citoyens sur leur rôle dans la prévention de la corruption.
ACTION CLIMATIQUE : SEULS 2,4 % DES FINANCEMENTS CLIMATIQUES SONT ALLOUÉS AUX JEUNES
La jeune championne du climat pour la COP 29 en Azerbaïdjan, Leyla Hasanova, juge insuffisants les 2,4 % des fonds climatiques alloués aux enfants et aux jeunes.
Bakou, 20 nov (APS) – La jeune championne du climat pour la COP 29 en Azerbaïdjan, Leyla Hasanova, juge insuffisants les 2,4 % des fonds climatiques alloués aux enfants et aux jeunes.
‘’Ce n’est tout simplement pas suffisant, parce que le financement climatique adapté à l’âge doit être un élément central de notre démarche commune’’, a-t-elle déclaré.
Elle s’exprimait lors d’un point de presse en présence de plusieurs personnalités de haut rang des instances de la COP, dont le secrétaire exécutif du secrétariat de la CCNUCC, Simon Stiell.
‘’Nous travaillons en étroite collaboration dans l’unité avec le secrétariat exécutif de la CCNUCC et avec nos collègues des présidences des COP précédentes et à venir, pour mieux intégrer ce rôle de champion du climat dans le système’’, a-t-elle indiqué.
‘’Ensemble, nous cherchons à renforcer la continuité de l’action climatique en faveur des enfants et des jeunes’’, a-t-elle ajouté. Elle considère que ce sujet est si important qu’il ne doit pas être à la mode d’année en année.
Leyla Hasanova a exhorté les parties à garder les jeunes au cœur de leurs discussions dans les jours à venir dans le cadre de la COP 29.
‘’Nous appelons toutes les parties à élaborer des plans climatiques adaptés à l’âge et impliquer de manière significative les jeunes dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’exécution de ces plans’’, a-t-elle plaidé.
‘’Alors que nous favorisons l’action en augmentant le financement climatique, j’exhorte toutes les parties prenantes à trouver des moyens d’orienter les ressources vers les jeunes et les enfants vulnérables’’, a-t-elle réitéré.
Lancée le 11 novembre, la 29e Conférence des parties qui se déroule à Bakou du 11 au 22 novembre 2024 est dans sa dernière ligne droite pour trouver un nouvel accord chiffrée et ambitieux sur le financement, un des piliers de l’action climatique mondiale.
UNE ASSEMBLÉE DE RUPTURE
Lutte contre la corruption, réforme des institutions, transformation de l'économie... Amadou Ba dévoile l'agenda chargé de la nouvelle majorité parlementaire. La reddition des comptes est promise, mais sans précipitation ni esprit de revanche
(SenePlus) - Le Pastef, parti du président Bassirou Diomaye Faye, sort largement victorieux des élections législatives anticipées du 17 novembre, remportant "au minimum 40 départements" selon Amadou Ba, tête de liste à Thiès aux législatives, interrogé mardi sur TFM.
Dans un long entretien, M. Ba a détaillé les priorités de la nouvelle majorité parlementaire, plaçant l'économie au cœur des préoccupations. "L'urgence, ce sont les questions économiques, la prospérité, le bien-être des Sénégalais", a-t-il souligné, rappelant que le pays fait face à un taux de chômage de 22% et que 34,4% des jeunes sont sans activité.
Concernant la stratégie économique, le représentant du Pastef a mis l'accent sur plusieurs leviers : "Il y a beaucoup de niches fiscales qui peuvent alimenter le budget, beaucoup d'amnisties fiscales injustifiées à supprimer." Il a également évoqué la mobilisation de l'épargne nationale et de la diaspora comme sources de financement.
Sur la question sensible de la loi d'amnistie, M. Ba a apporté d'importantes précisions : "Il n'y a pas d'amnistie possible pour les crimes et délits qualifiés de crimes contre l'humanité selon le statut de la Cour pénale internationale." Il a rappelé que "le Sénégal a des procédures en cours contre les anciennes autorités auprès de la CPI."
Concernant la reddition des comptes, autre promesse phare du Pastef, le responsable politique assure qu'elle sera effective "avant la fin du mandat" mais précise qu'elle se fera "dans le strict respect du code de procédure pénale."
Le premier grand chantier de cette nouvelle assemblée sera le vote du budget avant la fin de l'année. M. Ba s'est dit confiant quant à son adoption rapide, appelant l'opposition à comprendre "l'urgence et la nécessité" de ce vote.
S'agissant des réformes institutionnelles, il a insisté sur la nécessité de "diminuer les prérogatives du président de la République" tout en soulignant que ce n'était pas la priorité immédiate face aux défis économiques.
Pour le fonctionnement de l'Assemblée nationale, M. Ba promet une rupture avec les pratiques passées : "L'Assemblée nationale n'a jamais pu jouer son rôle, en dépit des compétences qui lui sont dévolues par la Constitution. C'était quasiment une annexe politique du pouvoir."
Cette large victoire donne au président Faye "toutes les cartes en main pour appliquer la transformation systémique du pays", selon M. Ba, qui voit dans ce résultat un signal fort de la population en faveur de la stabilité politique, "premier critère pour le développement économique."
LA GRANDE BASCULE DES RÉSEAUX SOCIAUX
L'élection présidentielle américaine de 2024 a révélé une domination écrasante de la droite sur les réseaux sociaux, notamment via Truth Social et X. Les démocrates, autrefois maîtres du jeu en ligne, se retrouvent dépassés dans la bataille numérique
(SenePlus) - L’élection présidentielle américaine de novembre 2024 a mis en lumière un déséquilibre croissant sur les réseaux sociaux : les plateformes de droite, comme Truth Social ou X (anciennement Twitter), dominent désormais largement les débats politiques en ligne, laissant les démocrates en position de faiblesse.
Alors que les partisans de Donald Trump célébraient sa victoire sur des sites comme Truth Social, Gab et Parler, les démocrates peinaient à trouver des espaces comparables pour promouvoir leurs idées. Même les plateformes traditionnelles comme Facebook, Instagram et Threads de Meta, qui avaient autrefois joué un rôle central dans les discussions politiques, ont réduit leur visibilité des contenus politiques ces dernières années.
Un changement après le 6 janvier 2021
Cette situation découle de décisions prises par les géants technologiques après l’attaque du Capitole en janvier 2021. Facebook et Twitter avaient à l’époque suspendu les comptes de Donald Trump et d’autres figures d’extrême droite, ce qui avait poussé ces derniers à créer ou rejoindre des plateformes conservatrices. Ces nouveaux espaces, comme Truth Social lancé en 2022 par l’ancien président, ont permis à la droite de renforcer son audience et son influence en ligne.
Pendant ce temps, Meta s’est éloigné de la politique, en supprimant des outils de suivi de la désinformation et en dissolvant son équipe dédiée à l’intégrité des élections. Elon Musk, après avoir racheté Twitter et l’avoir rebaptisé X, a transformé la plateforme en un puissant outil de communication pour Donald Trump, notamment grâce à son propre compte très suivi.
Un impact visible sur l’élection
Le jour du vote, les publications de Donald Trump sur X et Facebook ont généré beaucoup plus d’engagement que celles de la vice-présidente Kamala Harris. Sur Facebook, le message le plus populaire de Trump a recueilli 160 000 “likes” contre seulement 18 000 pour celui de Harris. Sur Instagram, les écarts étaient encore plus marqués, avec 2,1 millions de “likes” pour Trump contre 569 000 pour Harris.
Ce décalage illustre l’ascendance des plateformes de droite et l’incapacité des démocrates à construire une infrastructure numérique équivalente. “Personne ne crée d’espace pour les partisans démocrates qui pourrait rivaliser avec ce que les plateformes actuelles font pour les causes républicaines”, a déclaré Phillip Walzak, consultant politique à New York.
Des alternatives émergent, mais trop tard
Certaines alternatives, comme Bluesky et Mastodon, ont tenté d’attirer les utilisateurs de gauche. Bluesky, lancé en février 2023, a vu son nombre d’utilisateurs atteindre 15 millions depuis l’élection. Cependant, ces plateformes n’ont pas encore la portée nécessaire pour compenser le désavantage démocrate sur les grandes plateformes.
Pour Joan Donovan, professeure à l’Université de Boston, la domination des réseaux sociaux par la droite est le résultat d’une stratégie délibérée et efficace visant à fusionner les idées conservatrices avec des espaces médiatiques spécifiques.
Alors que la droite consolide son emprise sur le débat numérique, les démocrates doivent repenser leur stratégie en ligne s’ils veulent réduire cet écart et mobiliser efficacement leurs partisans.
Pour en savoir plus, lisez l’article original de Sheera Frenkel dans le New York Times (17 novembre 2024).
L’ASSOCIATED PRESS ANNONCE UNE RÉDUCTION DE PERSONNEL DE 8 %
La baisse des revenus serait à l’origine de ces coupes, qui concerneraient potentiellement 121 salariés éligibles à un plan de départ volontaire. L’objectif affiché est d’éviter des licenciements secs
(SenePlus) - L’Associated Press (AP), l’une des principales agences de presse mondiale, a annoncé lundi une réduction de son personnel de 8 %. Ces coupes, qui passeront par des départs volontaires, s’inscrivent dans une stratégie visant à répondre aux mutations rapides de l’industrie des médias. Cette décision intervient seulement deux semaines après les élections de mi-mandat aux États-Unis, où l’agence a joué un rôle clé en annonçant les résultats électoraux dans tout le pays.
Dans un communiqué, AP a justifié ces mesures par la nécessité de répondre aux « besoins évolutifs de [ses] clients » tout en maintenant son statut d’agence de presse indépendante à grande échelle dans un contexte de transformation du secteur. Ces réductions affecteront aussi bien les équipes éditoriales que les services administratifs.
Selon une note adressée aux employés par le syndicat AP News Guild, la baisse des revenus serait à l’origine de ces coupes, qui concerneraient potentiellement 121 salariés éligibles à un plan de départ volontaire. L’objectif affiché est d’éviter des licenciements secs.
L’agence, une coopérative qui vend ses contenus à des organisations membres, fait face à une pression financière croissante. Plusieurs clients majeurs, comme Gannett (éditeur de USA Today) et McClatchy (The Sacramento Bee), ont abandonné les services d’AP cette année, ce qui a exacerbé ses difficultés économiques.
Malgré ces défis, l’Associated Press reste l’un des rares médias à maintenir une couverture véritablement mondiale, bien que des compressions successives aient réduit ses effectifs de correspondants internationaux. Ce contexte est d’autant plus complexe que les libertés de la presse sont de plus en plus menacées dans certaines régions du globe.
Ces ajustements interviennent après une augmentation temporaire des effectifs de l’agence pour couvrir les élections américaines, grâce à l’embauche de milliers de contractuels dédiés à l’analyse des résultats.
LES RESCAPÉS
Dans le tsunami Pastef qui a balayé le Sénégal, quelques îlots de résistance subsistent. Farba Ngom dans les Agnams et Adama Diallo à Gossas font figure de derniers mohicans de l'ancien régime
Face au tsunami Pastef, ils sont rares les responsables de l'ancienne majorité à avoir conservé leur bastion. Parmi les rescapés, les maires de Gossas Adama Diallo et des Agnams Farba Ngom sortent du lot.
Malgré le raz-de-marée du Pastef sur toute l'étendue du territoire, lui est resté roi incontesté dans son terroir, au niveau des Agnams (département de Matam). Lui, c'est Farba Ngom, l'un des rares dignitaires de l'ancien régime qui s'est battu sur le terrain durant toute la durée de la campagne, qui a sillonné les coins et recoins de son terroir pour aller convaincre les électeurs. À l'arrivée, il a su non seulement mobiliser sa base, mais aussi assurer une victoire sans bavure à son camp qui évite ainsi une humiliation dans ce qui était jusque-là considéré comme étant un ‘’titre foncier’’ de l'ancien président Macky Sall.
Député dans la législature sortante, Farba Ngom a ainsi beaucoup contribué dans la victoire de la coalition Takku Wallu Sénégal. Pourtant, il aurait bien pu croiser les bras comme la plupart des grands responsables de l'ancien parti présidentiel, parce qu'investi sur la liste nationale à une position a priori assez confortable (7e). Cette victoire permet à cette coalition de gagner deux députés de plus et de faire élire le maire de Matam Mamadou Mory Diaw et sa colistière.
Les trois montrent ainsi toute leur suprématie dans cette partie nord du pays où ils menaient une rude bataille face à leurs anciens frères, les transhumants qui avaient décidé de rejoindre le nouveau régime, après avoir passé parfois 12 ans aux côtés de l'ex-président.
Il ressort des tendances que la liste de l'ancien chef de l’État a également réussi à s'imposer au niveau de Ourossogui où le maire Moussa Bocar Thiam, proche de Farba, est lui aussi parvenu à résister à la razzia du Pastef, en contribuant à la victoire de sa coalition dans ce département très important de la région de Matam. Idem pour les frères Dia (Harouna et Daouda) dans le département de Kanel, mais aussi de la bande à xxxxxxxx au niveau du département de Ranerou.
À noter que certains milieux proches de Pastef revendiquaient jusqu'à hier la victoire à Podor et à Ourossogui où les résultats restent encore à confirmer.
Tahirou Sarr, principale révélation
Loin des terres du Fouta, l'autre grand rescapé de ces élections est le maire de Gossas Adama Diallo. Sans tambour ni trompette, l'homme s'est bâti une véritable carapace dans son terroir au niveau du centre du pays. Et si les gens du Fouta peuvent compter sur la caution personnelle de Sall, lui a toujours su compter sur lui-même. Pour les présentes élections, il n'était même pas parti sous la bannière de Takku Wallu. Alors que tous s'attendaient à un duel Pastef (victorieux de la présidentielle) contre Macky Sall, l'ancien DG de Petrosen Holding investi par Andu Nawle a démontré une fois de plus que c'est lui le roi de Gossas. À noter que depuis le régime Wade, M. Diallo s'impose comme le véritable homme fort dans ce département, où militait également l'ancien Premier ministre feu Mahammed Boun Abdallah Dionne. Qu'il soit dans l'opposition ou dans le pouvoir, il a toujours su résister aux nombreuses remises en cause de sa légitimité. À quelques exceptions près.
Grâce au score qu'il a réalisé dans son fief, sa tête de liste nationale Maguette Sène, un autre responsable de l'ancien régime, pourrait avoir des chances de devenir député grâce au plus fort reste. À signaler que lui aussi a su faire bonne figure dans son fief à Malicounda.
Les révélations
Ces élections législatives auront aussi permis de découvrir une nouvelle génération d'hommes politiques, dont le plus en vue restera sans nul doute Tahirou Sarr, leader de la coalition Les nationalistes Jël Linu Moom. Xénophobe pour certains, patriotes pour d'autres, Sarr a su imposer la thématique de la présence des étrangers, en particulier des Guinéens au cœur de la campagne. Et selon certaines tendances, il serait parmi les mieux placés pour convoiter un siège grâce au plus fort reste.
Dans tous les cas, député ou pas, l'homme aura réussi non seulement à promouvoir ses idées sur la gestion de la migration, mais aussi à se faire connaitre presque partout au Sénégal et au-delà de nos frontières. Cerise sur le gâteau, il aura même le privilège de pousser le Premier ministre à faire une sortie pour non seulement donner son avis sur cette thématique, mais aussi pour recadrer ses militants, principales cibles du leader nationaliste.
Outre Tahirou Sarr, il y a le maire de Mabo, Aliou Cissé alias ''Euliou'', qui aura également marqué les esprits et qui gagne à n'en pas douter une plus grande envergure au plan national. Connu sans doute dans son terroir où il a le privilège d'être maire, ce dernier, investi sur la liste Farlu de Moustapha Diop (ancien ministre) était un illustre inconnu sur le reste du territoire avant ces élections. À l'arrivée, on parlait plus de lui que bien des candidats considérés comme des ténors de l'arène politique. Même s'il n'a pu résister à la tempête Pastef, il est parvenu à se classer deuxième dans sa commune devant les grandes coalitions. Grâce à ses performances, sa liste est citée parmi les prétendants au plus fort reste.
MATAM LA FORTERESSE
Malgré l'effondrement de Benno et les ralliements spectaculaires de poids lourds locaux, le parti d'Ousmane Sonko n'a pas réussi à percer significativement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes avec un écart de plus de 56 000 voix en faveur de Takku Wallu
82 654 voix pour Takku Wallu et 26 243 pour Pastef : le duel tant attendu n'a pas eu lieu dans la région de Matam. Les chiffres expriment clairement que le ‘’titre foncier’’ n'a pas changé de propriétaire. Malgré le renfort de grosses pointures comme Abdoulaye Sally Sall, maire de Nabadji Civol, de Me Malick Sall, ex-garde des Sceaux, entre autres, et l’éclatement du Benno, Pastef n'a pas réussi à dompter Matam la rebelle.
Ces élections anticipées confirment ce que tout le monde sait déjà. Ousmane Sonko est un empereur qui trône partout au Sénégal sauf dans la région de Matam. La 11e région continue de se refuser au leader du Pastef, même si elle commence timidement à se laisser séduire. À la dernière Présidentielle, Matam n'avait donné que 1 020 voix à la coalition DiomayePrésident et pour ces Législatives anticipées, elle a plus donné, sans tout donner : 26 243 voix sur les 315 863 inscrits. C’est Macky Sall qui continue de dicter sa loi dans cette partie du pays, depuis 2012.
Pourtant, pour beaucoup d’observateurs, ces élections législatives anticipées allaient être la bonne pour le Pastef, pour plusieurs raisons : Macky Sall a perdu le pouvoir, Benno Bokk Yaakaar n'existe plus, l’APR est au bord de l'implosion et le phénomène Sonko qui continue de faire tache d’huile. Mieux, au début de la campagne électorale, des responsables politiques de haut rang étaient venus grossir les rangs de Pastef. Il s'agit de Me Malick Sall, ancien ministre de la Justice, d’Abdoulaye Sally Sall, membre fondateur de l’Alliance pour la République, ancien ministre conseiller et actuel maire de Nabadji Civol, de l'inspecteur des impôts Djiby Sy de Oréfondé, du directeur des Routes Mamadou Camara, d’Aliou Sall, directeur de l'État civil… Mais au finish, Pastef a encore essuyé une défaite !
Des têtes de liste sans grande aura
Le choix des candidats de Pastef, dans le département de Matam notamment, était loin d’être une évidence. Faute de consensus local, Ousmane Sonko a tranché. Des choix qui ‘’ont fait grincer des dents’’, mais finalement acceptés. Cheikh Oumar Basse et Fatimata Diallo ont été retenus pour porter l’étendard des patriotes du département de Matam. Tous les deux sont originaires de Ourossogui. Cheikh Oumar Basse, fils du richissime diamantaire Yéro Basse, est un militant du Pastef de la première heure. Loin d’être une bête politique, il avait brigué la mairie de Ourossogui, sans succès. Son nom résonne plus ou moins hors de sa commune, parce qu’il est le fils de son père que par ses prouesses politiques. Fatimata Diallo est une inconnue dans le département, mais elle a le mérite d’être l'une des femmes les plus engagées de toute la région de Matam. Ces joutes électorales constituaient une première expérience pour elle.
L'apport ‘’insuffisant’’ des nouveaux venus
Quand Abdoulaye Sally Sall et Me Malick Sall avaient officialisé leur soutien au Pastef, beaucoup avaient pensé qu'au minimum, les communes de Nabadji Civol et de Ogo allaient tomber dans l’escarcelle du parti au pouvoir. Le premier a toujours remporté les locales dans sa commune et s'adjugeait des scores ‘’à la Soviétique’’. Le deuxième avait une dimension départementale. Il y a à peine quelques mois, il était même en duel avec Farba Ngom pour le contrôle du département de Matam. C’est dire le potentiel électoral qu’il avait. Mais il semble qu’ils soient partis sans leur base politique.
À Ogo-commune de l'ex-garde des Sceaux, le Pastef n'a pu récolter que 217 voix au moment où Takku Wallu a obtenu presque le quadruple. À Nabadji Civol, le maire n'a pas aussi réussi à faire gagner la liste de Sonko. À Orefondé, le leader Djiby Dieng, parti rejoindre le Pastef, a même été battu dans son bureau de vote. Aliou Sall de Doumnga Ouro Alpha n'a pas pesé lourd dans les résultats.
Abdoulaye Sally : ‘’C’est l'argent qui fait gagner à Matam.’’
Mais selon Abdoulaye Sally Sall, si le Pastef n'a pas gagné, c’est parce que les moyens étaient du camp de Takku Wallu. ‘’Pastef n'a pas gagné dans la région de Matam, parce que tout simplement, c’est l'argent qui a joué. Matam reste la seule région où pour gagner, il faut de l’argent. Pour ces élections, l'argent sale a circulé à merveille. Il y a eu un blanchiment d’argent que tout le monde a constaté. D’ailleurs, Ousmane Sonko l'a évoqué lors de son meeting à Matam et à Agnam. La politique est monétisée dans la région de Matam et le combat à présent est de démonétiser la politique ici’’, explique l'ancien conseiller spécial du président Macky Sall.
PAR ISMAILA MADIOR FALL
CES RÉSULTATS M'INSPIRENT TROIS RÉFLEXIONS
De quelque manière que le peuple veuille, l'essentiel est qu'il veuille. Le peuple sénégalais a, en cohérence et en continuité de mars 24, choisi la confluence des majorités parlementaire et présidentielle
Je remercie les populations des 11 communes du département de Rufisque pour leur accueil chaleureux pendant la campagne électorale.
J'adresse mes félicitations à la liste du Pastef. Si elle a triomphé, c'est le peuple sénégalais qui a gagné.
Ces résultats m'inspirent trois réflexions :
1. De quelque manière que le peuple veuille, l'essentiel est qu'il veuille. Le peuple sénégalais a, en cohérence et en continuité de mars 24, choisi la confluence des majorités parlementaire et présidentielle. Ce réflexe conservateur de la stabilité politique devrait, à la faveur de l'harmonisation (à 5 ans) de la durée des mandats du Président et des députés, être institutionnalisé par le réaménagement du calendrier républicain pour l'organisation de la présidentielle et des législatives concomitamment (comme c'était le cas de 1963 à 1988) ou à quelques jours de décalage. On aurait fait l'économie de 7 mois d'incertitudes politiques et de tension électorale.
2. La dimension personnelle du Premier ùinistre sur les résultats induit un changement dans le fonctionnement du régime politique. Inédit : celui qui a la faveur des électeurs n'est pas à la tête de la magistrature suprême. Dans un régime présidentiel, c'est une incongruité à corriger d'urgence par une conjugaison des recettes de l'ingénierie constitutionnelle et de l'art de gouverner. Il y va de l'harmonie au sein de l'exécutif et de la stabilité politique du pays. On rappelle que le Sénégal a un régime bi-représentatif où le scrutin présidentiel et le scrutin législatif sont d'égale dignité légitimante pour le pouvoir.
3. La disqualification judiciaire d’un des candidats favoris à l’élection présidentielle de mars 2024, et ses conséquences sur le fonctionnement du régime politique, ne doit-elle pas nous amener, pour l'avenir de notre démocratie, à nous inspirer de la jurisprudence d'il y' a quelques semaines de la Cour suprême des Etats-Unis ordonnant la suspension des poursuites judiciaires contre les candidats jusqu'après la présidentielle? Cette question ouvre, comme y invite la société civile, une perspective de toilettage consensuel des conditions d'éligibilité à la Présidence.
Un pays doit être instruit par sa propre histoire et parfois celle d'autres pays.