SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
28 avril 2025
Société
LA DIRECTRICE DU FMI A REÇU LE CONTRE-RAPPORT DE MACKY SALL
Maintenant que les partenaires techniques et financiers du pays ont pu entendre les différents sons de cloche dans l’histoire, il reste à savoir qui aura vraiment eu l’oreille des financiers
La lutte que se livrent le gouvernement de Sonko et les services de Macky Sall s’est déplacée cette semaine à Washington, au siège du Fmi. Les délégations de Macky et de Diomaye se sont croisées à la porte de Mme Georgieva pour défendre leurs arguments.
Bassirou Diomaye Faye savait de quoi il parlait quand il disait que Macky Sall était en train de manœuvrer en coulisse. Mais le Président connaît-il l’ampleur des «manœuvres» de son prédécesseur, ainsi que la portée de son influence ? Une chose dont Le Quotidien est sûr, est que la délégation ministérielle sénégalaise qui s’est rendue avant-hier à Washington Dc, dans le cadre des réunions conjointes du Printemps, du Fmi et de la Banque mondiale, ce grand raout annuel où se retrouvent toutes les têtes pensantes de l’économie mondiale, aura cette année eut l’occasion de croiser, soit en prenant l’ascenseur, soit en sortant des bureaux de Mme Kristalina Georgieva, les membres de l’Apr, dépêchés par Macky Sall pour remettre à la Directrice générale du Fonds, le contre-rapport produit par son parti, en vue de répondre de manière systématique aux accusations des services du gouvernement et de la Cour des comptes sur les présumées falsifications de comptes de l’Etat pour la période 2019-2023.
Le même contre-rapport avait déjà été remis à la représentation du Fmi à Dakar, par un groupe de cadres de l’Apr conduit par Pape Malick Ndour. A Washington, l’un des éléments les plus actifs de la délégation était Hamidou Anne, devenu, en très peu de temps, l’un des membres les plus visibles du think tank dont s’est entouré l’ancien chef de l’Etat dans sa stratégie politique. Il a été de la délégation qui s’est rendue à la Commission européenne pour informer les Européens de la réalité de la situation économique du pays à leur départ, selon leur entendement.
Maintenant que les partenaires techniques et financiers du pays ont pu entendre les différents sons de cloche dans l’histoire, il reste à savoir qui aura vraiment eu l’oreille des financiers. En clair, dans le prochain accord que le Sénégal cherche à obtenir du Fmi et des autres partenaires, y aura-t-il des contraintes difficilement supportables pour un pays qui se déclare lui-même en situation de quasi-faillite ? Le Fmi et Macky s’accordaient sur presque tout. Cheikh Diba et ses comparses ne seraient-ils pas contraints de recourir à la diplomatie des hommes de l’ancien chef de l’Etat qui, il faudrait le dire, semblent avoir la cote auprès des partenaires étrangers, même en ayant perdu le pouvoir ?
VIDEO
OUSMANE DIAGNE ACCUSÉ DE VENDETTA PERSONNELLE
Vers une guerre des toges ? Traduit devant la Haute Cour de Justice, l'ancien garde des Sceaux Ismaïla Madior Fall accuse ouvertement son successeur Ousmane Diagne de règlement de comptes
L'ancien ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a vivement réagi vendredi 25 avril sur le plateau de l'émission MNF présentée par Maimouna Ndour sur 7TV, concernant les poursuites judiciaires dont il fait l'objet. Devant être prochainement traduit devant la Haute Cour de Justice, l'ancien garde des Sceaux n'a pas caché sa consternation face à cette situation qu'il considère motivée par des rancunes personnelles.
"Ce n'est pas un organe de contrôle qui me poursuit, mais bien le ministère que j'ai eu l'honneur de diriger à deux reprises", a déclaré Ismaïla Madior Fall. Selon lui, cette procédure serait liée à des frustrations de l'actuel ministre de la Justice, Ousmane Diagne, suite à des décisions administratives prises durant son mandat.
L'ancien ministre a fermement défendu son bilan à la tête du ministère de la Justice, expliquant que les changements effectués dans l'administration judiciaire étaient des "ajustements nécessaires" et non des manœuvres politiques comme certains l'auraient suggéré. "J'ai toujours consulté les chefs de parquet et les magistrats avant toute décision", a-t-il affirmé.
Ismaïla Madior Fall a également laissé entendre que ces poursuites seraient motivées par des ambitions déçues : "Ousmane nourrissait l'espoir d'être nommé président de la Cour suprême, mais Macky Sall a désigné quelqu'un d'autre avant son départ le 30 mars 2024."
Face à ces accusations, l'ancien ministre s'est engagé à dire "toute la vérité sous serment" devant la commission d'instruction. "Le moment venu, j'expliquerai pourquoi cette situation existe et je donnerai des éléments qui permettront de comprendre les raisons de ces poursuites", a-t-il promis.
VIDEO
ISMAÏLA MADIOR FALL DÉNONCE UNE DÉLATION
L'ancien Garde des Sceaux a répondu vendredi aux accusations de corruption qui le visent lors de son passage sur 7TV. Il pointe un dossier "vide" et suggère un règlement de comptes au sein du ministère qu'il a dirigé par deux fois
L'ancien ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall était l'invité de l'émission MNF animée par Maimouna Ndour Faye, vendredi 25 avril sur 7TV. Appelé à s'expliquer sur les accusations de corruption qui pèsent contre lui, le professeur agrégé de droit a livré sa version des faits, à quelques semaines de sa comparution attendue devant la Haute Cour de justice.
Ismaïla Madior Fall a fermement nié les accusations portées contre lui concernant un projet de centre de surveillance électronique au tribunal. "C'est une délation et ça doit être classé. Il n'y a absolument rien, c'est un dossier vide", a-t-il déclaré avec véhémence.
Selon l'ancien garde des Sceaux, l'affaire concerne un projet d'aménagement d'un espace de 8000 m² au tribunal pour y installer un centre de surveillance électronique. Un projet qui, selon lui, entrait dans le cadre de la valorisation du patrimoine, sans aucune dépense pour l'État. "L'État n'a déboursé rien, il n'y a pas d'argent à voler, il n'y a pas d'argent à détourner", a-t-il insisté.
L'ancien ministre a également évoqué une seconde accusation concernant l'achat de 1000 bracelets électroniques supplémentaires, qualifié d'"inopportun" par les autorités actuelles. Il défend cette décision comme relevant de la politique pénale définie par le président de la République et exécutée par le ministre de la Justice, dans un contexte de surpopulation carcérale.
"L'inopportunité n'est pas l'illégalité", a-t-il souligné, expliquant que ces bracelets étaient nécessaires pour désengorger les prisons sénégalaises.
Ismaïla Madior Fall n'a pas caché son sentiment que ces poursuites pourraient avoir des motivations personnelles. Sans accuser directement, il a rappelé ses relations avec l'actuel ministre de la Justice, Ousmane Diagne, laissant entendre que des désaccords passés pourraient expliquer les poursuites actuelles.
"C'est le ministère que moi, Ismaël Madior Fall, j'ai dirigé à deux reprises qui me poursuit aujourd'hui. Les Sénégalais qui ont dirigé à deux reprises le ministère de la Justice ne sont pas nombreux, s'il y en a deux, il y en a maximum trois", a-t-il souligné.
L'ex-ministre a profité de cette tribune pour critiquer le système actuel de la Haute Cour de justice, qu'il juge dépassé. Il a notamment pointé l'absence de double degré de juridiction, ce qui contreviendrait aux standards internationaux des droits de l'homme.
"La haute cour de justice qu'on a au Sénégal aujourd'hui est fragile. S'il y a une exception d'inconstitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, on peut tout annuler et tout s'effondre", a-t-il averti.
À la question de savoir s'il craint d'être incarcéré, Ismaïla Madior Fall a répondu avec philosophie : "Je crois en Dieu, c'est Dieu qui détermine le destin des gens. Et je crois aussi en la justice sénégalaise."
ÎLES DE BASSE-CASAMANCE, ENTRE BEAUTÉ NATURELLE ET MENACES CLIMATIQUES
Menacées par l’érosion, la montée des eaux et l’enclavement, des îles comme Eloubaline, Carabane ou Diembéring voient leur équilibre fragile mis à rude épreuve.
Paradisiaques ! Elles le sont. Les îles, ces terres bénies par la nature. On y respire de l’air pur. On y mange du poisson frais, à défaut de les vendre pour avoir des ressources. Cependant, d’Eloubaline à Saloulou, en passant par Cachouane et Haër, les habitants constatent, au fil des années, l’avancée fulgurante de la mer et craignent le pire. Ces insulaires qui vivent loin du bruit et de la pollution des centres urbains, sont confrontés aux évacuations sanitaires d’urgence et restent vulnérables aux changements climatiques. Vivre dans les îles, est à la fois un luxe et un pari risqué.
Derrière des forêts drues de palétuviers du village de Kameubeul, on retrouve Eloubaline ou Eloubalire, une île difficile d’accès. Située dans la commune d’Oukout, à l’autre bout de la capitale départementale du Kassa (Oussouye), cette localité d’un enclavement sans précédent est habitée par des populations qui vivent avec dignité. Pour s’y rendre, il faut, à partir de la terre ferme, dans la commune d’Enampore, s’attacher les services d’un bon piroguier car, des fois, le fleuve est très agité. Le samedi 8 mars, nous avons tenté cette expérience pour la première fois. On a foulé les berges du fleuve Casamance vers 10 heures et sur place, en attendant l’arrivée du piroguier Idrissa Bassène, on en profite pour contempler la belle forêt de mangroves.
Dix minutes plus tard, l’embarcation du jeune est à quai. C’est l’heure de la traversée vers l’île d’Eloubaline. A bord, il y a des habitants du village de Djifanghor, dans la commune Niaguis. « C’est parti. On va bientôt accoster. Ça ne sera pas long du tout », renseigne le jeune piroguier Idrissa Bassène qui nous rappelle que la traversée dure 20 à 30 minutes. Dans la barque, seul moyen pour rallier Eloubaline, il y a un calme absolu. Tous, pensifs, se souviennent peut-être du chavirement qui a eu lieu en 2019, sur le même trajet. Cet accident avait fait 8 morts et 24 rescapés. Heureusement que pour cette matinée, le fleuve était tranquille, la marée basse.
A notre gauche, sur la partie qui mène à la Pointe Saint-Georges et Djiramaït (Oussouye), on dépasse une jeune demoiselle de teint noir. Assise seule dans son embarcation de fortune, elle cueille des huîtres. On progresse sereinement. Eloubaline se laisse découvrir un peu plus, même si on a l’impression que la traversée dure une éternité. Plus de 30 minutes après, nous voici dans cette île dont on entendait parler depuis plusieurs décennies, grâce au talent d’une de leur ancienne équipe de football. Au débarcadère, une rive pleine de cailloux et de morceaux de coquillage accueille le visiteur. La végétation de mangroves est luxuriante. On découvre également une population majoritairement de teint clair. Bienvenue à Eloubaline, antre de l’enfant chéri Djignabo Bassène, parrain depuis 1964, du plus grand lycée de la commune de Ziguinchor.
Les craintes d’une disparition imminente
Village traditionnel, Eloubaline conserve jalousement les vestiges du passé. Ici, toutes les constructions sont identiques. On y trouve toujours des maisons en paille et banco. C’est ce qui fait le charme de cette petite bourgade qui s’ouvre sur les bolongs. Bâtie sur une superficie de 12 km², l’île est peuplée de 300 habitants pour 55 ménages. Elle est limitée au nord par Enampore, royaume du défunt roi Affilédio Manga, à l’Est par le village de Kameubeul, au Sud par Kaléane et à l’Ouest par les bourgs de Edioungou et Djivente. Loin de la terre ferme, les populations disent y vivre paisiblement. Le climat y est doux et généreux mais en dépit de cela, elles craignent le pire.
Chef de village d’Eloubaline depuis 2010, Victor A. Bassène affirme que leur localité pourrait disparaître du jour au lendemain. Pendant la saison des pluies, entre août et septembre, une crue envahit les maisons, et Eloubaline vit avec des inondations. Durant cette période, leur cimetière mixte devient inaccessible. Face à la persistance de ce fléau, les insulaires qui vivent de pêche et de culture du riz, sollicitent l’appui de l’État et de ses partenaires. « Nous avons de l’eau potable, parce qu’on a été raccordés au forage d’Eyoune (Siganar et Carounate). Mais, notre plus gros problème, c’est l’avancée de la langue salée, avec des conséquences incommensurables, avec la perte de beaucoup de nos rizières. Sur l’île, tout est salé et on ne peut pas y développer l’horticulture », regrette Victor Bassène.
Regard lointain, le chef de village pensif, soutient que les habitants pourront être contraints d’abandonner leur île, si rien n’est fait pour protéger les maisons et les rizières. De plus, M. Bassène indique que tous les villageois le savent. « On demande qu’une seule chose à l’État : nous aider à désenclaver notre village. On peut marcher dans les mangroves pour sortir au pont de Niambalang. C’est dans cette partie-là que nous voulons construire une digue car, sans cela, le village disparaitra un jour. Nous avons de l’eau, en plus d’une mini centrale solaire qui alimente le village en électricité. Maintenant, le seul gros problème, c’est le désenclavement qui va nous permettre de maintenir notre village debout », renchérit Victor Bassène.
A Eloubaline, les populations sont au front pour lutter efficacement contre l’érosion côtière qui anéantit tout espoir de développement. Elles s’organisent pour freiner l’avancée de la mer avec les moyens dont ils disposent. Cela passe par la construction d’une digue devant permettre de repousser la remontée saline et ses effets négatifs. Selon le chef de village, tout le monde est mobilisé autour de cet enjeu majeur.
Focus territoire : Freiner l’avancée de la mer par les bras
« Dans le passé, nous avions essayé, mais par la suite, on s’est rendu compte qu’il était impossible, avec nos mains, de relever une digue. Il ne pleut plus comme avant et à cause de l’effet du sel, la digue peut s’affaisser très rapidement. Si ne nous ne réalisons pas ce projet, l’île pourrait être engloutie par les eaux », poursuit le chef de village. Les jeunes du village ne sont pas en reste. Conscients du fait qu’ils sont la boussole de ce vieux et petit village, ils s’investissent à fond. De l’avis de William Bassène, président de l’Association sportive et culturelle (Asc), qui compte plus de 100 membres, l’avenir du village est entre les mains de sa jeunesse. « Les jeunes de ce village luttent contre l’avancée de la mer, qui affecte pratiquement toutes les îles de la Basse-Casamance », renseigne William Bassène. Tout comme son chef, le jeune promoteur touristique souligne l’impérieuse nécessité de travailler à réaliser une digue pour sauver et protéger l’île contre ce fléau.
Pour réussir ce pari, une cotisation a été fixée ; Tout villageois, âgé de 18 ans, doit impérativement donner 2500 FCfa et un comité a été mis en place pour veiller sur l’effectivité des cotisations. « Nous lançons un appel aux autorités étatiques pour qu’elles nous aide à sauver notre île. On se demande où est-ce qu’on pourra trouver refuge si cette île venait à être avalée par les eaux. C’est la plus grande inquiétude », affirme William Bassène, qui dirige l’Asc Eloubaline depuis 2015. Île à double identité, car culturellement rattachée au royaume du « Mof Avi », et administrativement reliée à la commune de Oukout, Eloubaline continue de vivre dans la dignité, tout en tendant la main à l’État du Sénégal, qui pourra l’aider à protéger ses terres et ses maisons.
Carabane la « sainte » vit des heures sombres
Elle a un pied dans l’embouchure du fleuve Casamance et ses nombreux cocotiers, qui donnent sur la plage, ont fait d’elle un endroit paisible, avec un climat doux et agréable. Carabane ! Île mémoire et pleine d’histoires. En Basse-Casamance, on peut affirmer que cette île fût le bastion du colon, déterminé dans le temps, à faire accepter sa culture et sa religion aux autochtones. Pour se rendre dans ce premier comptoir colonial français en Casamance, qui abrite la tombe du capitaine Protêt, enterré debout, dit-on, il faut passer par le village d’Elinkine, dans le département d’Oussouye, commune de Mlomp. A l’image des autres localités insulaires, Carabane n’est accessible que par pirogue. La traversée peut durer plus de 30 minutes.
De loin, même à partir d’Elinkine, on aperçoit cette île. Sur place, l’on découvre un site avec ses bâtiments qui datent de la période coloniale. Au-delà d’être la première capitale administrative, cette île qui abrita la première cabine téléphonique, et la première église de la Casamance inaugurée 1897, n’échappe pas à la furie des vagues. D’une superficie totale de 57 km2, l’île, qui fait face à la pointe de Diogué, dans la commune de Kafountine, département de Bignona, à un peu plus de 500 km de Dakar dispose de toutes les potentialités pour amorcer son processus de développement économique. Mais, au quotidien, elle fait face à la menace de l’érosion côtière qui plombe son essor économique, avec des vagues, qui emportent tout espoir d’épanouissement des populations.
Diembéring, une commune vulnérable
Avec la montée en puissance de l’érosion côtière, la commune de Diembéring est presqu’à terre. Dans cette partie du département d’Oussouye, se déroule une extraction du sable au profit d’un groupe d’individus. D’après des spécialistes, cette activité illicite peut également accentuer le phénomène de l’avancée de la mer. Situé en Basse-Casamance, dans l’arrondissement de Kabrousse, à quelque 10 km au Nord de la station touristique de Cap Skirring, Diembéring, village de pêcheurs et d’agriculteurs, se distingue par ses fromagers géants, ses dunes et ses palmeraies. Mais, derrière ce beau tableau, se cache un phénomène qui expose la commune et menace les zones côtières. Ici, cette dégradation du relief a fini d’envahir les terres arables, de creuser des montagnes et de terrasser des centaines de filaos.
Commune essentiellement littorale, Diembéring vit au rythme de l’avancée de la mer. Au mois de juin 2019, lors de la célébration de la journée mondiale de l’environnement, l’ancien maire de la commune Tombon Guèye avait invité l’État à apporter des solutions à l’érosion côtière qui « menace fortement » l’existence de ladite municipalité. Mais, jusque-là, rien, disait-il. « Nous sommes une localité essentiellement littorale. La vitesse de décapage de notre côte est tout à fait inquiétante, parce qu’il y a des endroits, où nous notons une vitesse de 3m par an », avait souligné le prédécesseur de l’actuel maire Léopold Abba Diatta.
Spécialiste des questions environnementales, Tombon Guèye avait indiqué que la côte, qui s’étale de Kabrousse à Nikine, et distante de plus de 25 km, mérite une attention particulière de la part des autorités étatiques. Dans cette zone, a-t-il soutenu, l’avancée de la mer menace également la survie des hôtels, qui pour la plupart, sont en train de fermer, en plus des rizières déjà envahies par la mer. Nikine, un village qui fait face à l’île de Diogué, accessible à partir de Carabane, connait aussi une érosion côtière, depuis plusieurs décennies. Ce hameau, qui s’ouvre sur l’océan Atlantique, est sans protection. Quand le vent souffle, les arbres, notamment les filaos, tombent. La mer en profite pour avancer vers les rizières et les habitations. Les « Nikinois », eux, continuent d’implorer le Tout-Puissant pour qu’Il veille sur leur village, en attendant, peut-être, qu’un jour, l’État du Sénégal et ses partenaires puissent penser à la zone et apporter un salut majeur aux générations actuelles et futures.
par Hamidou Thiaw
IMMATURITÉ POLITIQUE ET URGENCE D’UN RENOUVEAU
Les promesses électorales se sont évaporées, ne laissant place à aucun programme crédible ni à aucune vision sérieuse pour sortir le pays de la précarité
L’heure est grave. Le peuple sénégalais continue de souffrir dans sa chair, malgré les espoirs nourris lors de la dernière alternance politique. Les promesses électorales se sont évaporées, ne laissant place à aucun programme crédible ni à aucune vision sérieuse pour sortir le pays de la précarité. Seul un projet de migration circulaire, qui s’apparente davantage à une forme de traite négrière moderne, semble émerger.
Pendant ce temps, les responsables politiques s’adonnent à des querelles stériles, focalisés sur des rivalités de posture et de prestige. Chacun revendique une victoire après une interdiction de sortie du territoire ou une décision rendue par la Cour suprême ou le Conseil constitutionnel. Le parti au pouvoir s’enlise dans des échanges vains avec une partie de l’opposition, détournant l’attention des véritables priorités nationales.
Cette scène politique désolante est indigne d’une nation qui aspire à l’émergence. Elle illustre ce que l’on appelle tristement la « politique politicienne » : un théâtre d’ambitions personnelles, déconnecté des réalités du peuple.
C’est face à ce spectacle, empreint de désarroi et de frustration, que se forge ma détermination à m’engager. Je refuse de cautionner un système où les élites, sans contrôle ni responsabilité, se servent de l’État pour s’enrichir tandis que le peuple est sommé de payer toujours plus d’impôts pour entretenir leur luxe et leur opulence.
Oui, je veux me présenter en 2029. Oui, je crois qu’il est temps d’en finir avec ces querelles infantiles. Oui, je crois qu’il est urgent de passer des paroles aux actes.
Je lance un appel solennel à tous ceux qui partagent cette volonté de rupture. Rejoignez-moi pour bâtir une nouvelle gouvernance, centrée sur la justice sociale, la compétence, la transparence et l’intérêt général.
Quant à nos régulateurs sociaux — société civile, leaders religieux — leur silence est assourdissant. Il est temps qu’ils retrouvent leur voix, pour guider, alerter et défendre les valeurs qui fondent notre vivre-ensemble.
LA TENTATION DU DÉFAUT
Le Sénégal sous la direction de Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko pourrait-il envisager l'impensable en matière financière : refuser de rembourser certaines dettes contractées par le régime précédent ?
(SenePlus) - Dans un contexte économique tendu, le Sénégal sous la direction du président Bassirou Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko pourrait-il envisager l'impensable en matière financière : refuser de rembourser certaines dettes contractées par le régime précédent ? Cette question, qui résonne comme un séisme potentiel dans les cercles financiers internationaux, mérite une analyse approfondie.
"Il est impossible d'écarter l'idée que cette nouvelle génération de dirigeants puisse être tentée de remettre en question la dette contractée par leurs prédécesseurs", confie à Jeune Afrique un spécialiste de la finance du développement sous couvert d'anonymat. Cette réflexion s'inscrit dans la théorie controversée de la "dette odieuse" ou "illégitime".
Cette doctrine, particulièrement prisée dans les milieux souverainistes radicaux, considère que "la dette souveraine contractée sans le consentement des populations et sans bénéfice pour elles ne doit pas être transférée à l'État successeur", comme le rappelle Jeune Afrique. Les économistes américains Michael Kremer et Seema Jayachandran avaient d'ailleurs théorisé ce concept dans une étude publiée sur le site du FMI, notant que "dans de nombreux pays, la loi dispense les personnes de rembourser les sommes empruntées frauduleusement en leur nom".
Le 26 septembre 2024, plusieurs mois après le lancement d'un audit des finances publiques, le Premier ministre Ousmane Sonko a dressé un constat alarmant lors d'une conférence de presse aux côtés de son ministre de l'Économie, Abdourahmane Sarr. "La politique d'endettement effrénée appliquée sous la présidence de Macky Sall a donné lieu à une utilisation non transparente des ressources et favorable à une corruption généralisée", a-t-il déclaré, évoquant même une méthodologie visant à "détourner en masse des deniers publics".
Ces accusations graves, rejetées en bloc par l'ancien président Macky Sall dans une interview accordée à Jeune Afrique, pourraient-elles servir de fondement juridique à une remise en cause des engagements financiers du pays ?
L'histoire récente offre peu d'exemples de pays ayant franchi cette ligne rouge. L'Afrique du Sud post-apartheid aurait pu légitimement questionner la dette contractée par le régime d'oppression précédent, mais a choisi de la rembourser pour préserver sa crédibilité internationale.
L'Argentine reste le cas le plus emblématique d'un pays ayant refusé volontairement d'honorer une partie de ses engagements. Après la crise de 2001, le pays a été poursuivi par des fonds d'investissement américains qualifiés de "fonds vautours". Malgré une condamnation par la justice américaine, l'Argentine a refusé de payer, craignant que cela n'incite d'autres créanciers à revenir sur la restructuration de sa dette.
"Cela a durablement entaché la réputation du pays sur les marchés", explique à JA un spécialiste. "Au bout du compte, cela a coûté beaucoup plus cher. Cela peut arriver d'être dans l'incapacité de rembourser. Mais faire défaut volontairement, c'est impardonnable pour les investisseurs."
À la fin décembre 2024, selon les chiffres du FMI cités par le magazine, le déficit budgétaire sénégalais s'établissait à 11,7% du PIB, tandis que la dette atteignait 105,7% du PIB. D'ici fin 2025, elle pourrait même grimper à 114% du PIB, plaçant le pays parmi les plus endettés du continent.
"Tout porte à croire que ces leaders sans expérience du pouvoir ont pu l'imaginer [refuser de rembourser certaines dettes], mais depuis, il semble qu'ils se soient ravisés", suggère une source anonyme citée par le magazine panafricain.
L'opération transparence lancée par les nouvelles autorités a déjà eu un coût significatif en termes de réputation financière. En quelques mois seulement, l'agence de notation Moody's a dégradé la note souveraine du Sénégal de trois crans. Fin mars, les intérêts des eurobonds sénégalais ont grimpé à près de 15%, l'un des taux les plus élevés de l'histoire du pays.
"Nous avons tous été surpris par l'ampleur de la dette et les investisseurs sont inquiets", confie un observateur du secteur à Jeune Afrique. "Mais c'est un pays qui a un historique de marché, une bonne réputation. C'est important qu'il s'appuie dessus pour rétablir la situation."
Face aux inquiétudes des marchés, le gouvernement Sonko met en avant plusieurs facteurs positifs : une croissance économique résiliente de 6% en 2024 et surtout les perspectives prometteuses liées au démarrage de l'exploitation du champ gazier de GTA et du champ pétrolier de Sangomar. Ces nouveaux revenus pourraient permettre au pays d'afficher "l'un des taux de croissance les plus élevés au monde" dans les années à venir, et ainsi regagner progressivement la confiance des investisseurs.
Le dilemme est donc clair pour le tandem Faye-Sonko : céder à la tentation souverainiste de questionner la légitimité de certaines dettes au risque d'un isolement financier, ou privilégier le pragmatisme économique en honorant les engagements pris par leurs prédécesseurs malgré les soupçons de corruption qui les entourent.
ALIOUNE FAYE, MÉMOIRE VIVE DE DIOURBEL
Orphelin devenu commerçant puis nommé officier d'état civil en 2014, ce disciple de Serigne Mansour Sy a révolutionné l'administration locale en instaurant digitalisation et rigueur
Officier d’état civil de la commune de Diourbel et président régional de l’Unacois (Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal), Alioune Faye se fait affectueusement appeler Alioune Faye Mansour en raison de son engagement auprès de Serigne Mansour Sy, le défunt Khalife de Tivaouane dont il est un fervent disciple. Ce notable incarne à la fois la rigueur administrative et l’empathie. Depuis 2014, il fait de la lutte contre la fraude à l’état civil un combat personnel, aujourd’hui largement gagné.
Dans les couloirs feutrés du centre d’état civil de Diourbel, son nom résonne comme une promesse de rigueur et de sérénité. Alioune Faye, que l’on appelle ici avec une pointe d’affection Alioune Faye Mansour, incarne bien plus qu’un officier : il est le gardien scrupuleux d’une mémoire collective dans une région longtemps minée par des cas de fraude à l’état civil. Sous son regard vigilant, désormais, les faux actes ont perdu du terrain dans la commune.
Ce mercredi matin 16 avril 2025, alors que le soleil chauffe les murs blancs de la bâtisse, il nous reçoit dans son bureau, entre deux piles de dossiers. Une scène singulière, comme par hasard, se joue sous nos yeux indiscrets, dévoilant d’un coup, toute la gravité et parfois l’ingratitude de sa fonction. Un homme, les traits tirés, vient enregistrer un jugement au nom d’un proche. Mais l’acte qu’il tend comporte une erreur : le nom de la bénéficiaire y est mal orthographié.
Un officier exemplaire
L’officier d’état civil, droit dans sa posture, le regarde avec bienveillance, mais sans détour. « Monsieur, vous nous avez apporté un acte de jugement qui contient une erreur de frappe. Or, c’est bien le juge qui a signé ce document. Je ne peux pas y toucher, encore moins le corriger. Il faut le faire rectifier par qui de droit avant que je puisse l’enregistrer ». Le déclarant s’agace. Il croit à une manœuvre dilatoire. Son regard se durcit. « Mais enfin, c’est juste une coquille ! Le texte entier parle d’Awa Fall. Il n’y a que cette ligne qui est fautive. Vous pouvez bien arranger ça, non ? », insiste-t-il. Alioune Faye garde son calme. Il a vu d’autres tensions, entendu d’autres soupirs. « Je comprends votre frustration, Monsieur. Mais c’est l’écriture d’un juge, pas la mienne. Je n’ai pas le droit d’y changer quoi que ce soit. Retournez avec l’acte pour le faire corriger, puis revenez. Nous procéderons à l’enregistrement dans les règles », rétorque-t-il. L’homme finit par céder, visiblement dépité, convaincu d’avoir affaire à un officier d’état civil « compliqué ». Il s’éloigne à pas lents, l’acte froissé entre les mains.
Alioune Faye soupire doucement, presque avec tendresse. « Compliqué, méchant, rébarbatif… On me donne tous les noms. Mais, en vérité, je ne fais qu’appliquer la loi. C’est tout », tente-t-il de placer entre deux sollicitations dans un état civil grouillant de son beau monde. Sur son bureau, les dossiers s’empilent, le stylo griffonne, le téléphone vibre. Tout autour, l’enceinte de l’état civil bruisse d’une agitation continue : entrées, sorties, appels, des potaches qui patientent… En cette période de veille d’examens et concours, en effet, des groupes d’élèves affluent pour retirer les précieux extraits de naissance.
« La commune est vaste, et cela se ressent dans l’ampleur du travail. Je commence souvent à neuf heures et je ne rentre qu’à dix-neuf heures en raison des nombreux enregistrements et déclarations », raconte-t-il avec calme. Conseiller municipal en 2009, il a été désigné Officier d’état civil en 2014 par l’actuel maire de Diourbel Malick Fall. Chaque année, il traite plus de 10.000 actes. « Cette année, nous en sommes déjà à deux mille actes enregistrés, qu’il s’agisse d’actes de naissance, de mariage ou de décès. Le flux est constant », dit-il.
Né à Mbellacadiao en 1956, Alioune Faye a perdu ses parents à très bas âge. Sa mère décède alors qu’il avait huit ans et son père cinq ans plus tard. Recueilli par son oncle chauffeur, il apprend le métier à ses côtés et obtient successivement ses permis de conduire pour poids lourds et transport en commun. Plus tard, il se convertit en commerçant. Travaillant comme gestionnaire pour des commerçants libanais, ces derniers ont fini par lui céder un magasin pour six millions de francs. « En dix-neuf mois, j’ai remboursé la totalité de la dette. Depuis, je tiens une boutique dans le marché central de Diourbel, géré actuellement par un de mes enfants », fait-il savoir.
Un homme d’honneur
L’actuel président de l’Union nationale des commerçants et industriel du Sénégal (Unacois) de Diourbel (depuis 20 ans), en sérère bon teint, d’un noir dru, a l’éthique chevillée au corps. En un laps de temps à l’état civil, Alioune Faye a impulsé un véritable changement. Entre digitalisation, célérité dans la délivrance des papiers, lutte contre les fraudes, etc., l’homme a fait de Diourbel, aujourd’hui, un modèle dans l’administration de l’état civil. Au bonheur des populations et des responsables de la municipalité au premier rang desquels le maire de la commune, Malick Fall. L’édile ne cache pas sa satisfaction pour son officier d’état civil qu’il a nommé après l’avoir bien observé. Il s’enorgueillit : « C’est une personne véridique qui travaille tous les jours du lundi au dimanche. Il a apporté du sang neuf dans l’administration de l’état civil. Un jour, j’étais à Dakar, deux agents policiers parlaient de Diourbel en le prenant comme exemple pour le travail qu’il abat. Je leur ai dit que c’est de mon officier d’état civil dont vous parlez », a-t-il témoigné, fier. Malick Fall n’a pas manqué de relever les hautes qualités humaines de Alioune Faye qu’il considère comme un bon croyant. En effet, malgré son influence dans les cercles économique et administratif de la ville, Alioune Faye reste un homme humble, que l’on peut croiser à la grande mosquée comme au marché central, saluant chacun avec cette égale courtoisie qui désarme. Et sa maison, modeste en apparence, est vaste par l’esprit qui l’habite. Elle est devenue au fil des ans un refuge pour l’étranger perdu, un carrefour de passage obligé pour le visiteur en quête de repères à Diourbel. Alioune Faye n’accueille pas avec ostentation, mais avec cette chaleur discrète qui dit tout sans trop en faire. Sa fille Aminata témoigne : « Le vieux a réservé une chambre pour visiteur dans la maison. Nous accueillons quasiment tout le temps du monde. C’est devenu une tradition d’accueillir des voyageurs », dit-elle en toute modestie.
Un fervent tidiane
Ce disciple de Serigne Mansour Sy ne rate jamais ses Zikrs du matin et du soir. « Serigne Mansour m’a initié à la Tijaniya. De temps en temps, j’allais lui rendre visite, mais il ne me reconnaissait pas. Ainsi, je lui ai écrit une lettre pour lui dire que je voudrais qu’il me reconnaisse, car il n’est pas intéressant d’avoir un guide qui ne peut pas vous reconnaître ». Selon lui, depuis ce jour, le marabout l’a pris sous son aile et a cheminé avec lui durant toute sa vie. « Serigne Mansour a beaucoup fait pour moi. Il me prenait comme son fils, c’est lui qui m’a emmené à La Mecque », se rappelle-t-il, la voix trémolo.
Sa première épouse Fatou Faye témoigne : « Je peux dire énormément de choses sur lui, mais je dirai simplement qu’il est un bon croyant plein d’humilité et un bon père de famille. Son engagement auprès des habitants de la ville a fait de lui quelqu’un de très respecté et qui fait notre fierté », a dit la dame pleine de tendresse.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL MAINTIENT LE CAP
Sa dernière décision concernant la loi interprétative de l'amnistie illustre son engagement, alors même qu'un projet de loi visant à le transformer en Cour constitutionnelle attend dans les tiroirs du président de la République
Au-delà de la guéguerre politicienne, ce qu'il faut saluer, c'est la constance de la juridiction constitutionnelle qui a fini de s'ériger en véritable garant de la primauté de la Constitution. Malgré ses faits d'armes, le Conseil constitutionnel pourrait disparaitre prochainement pour laisser la place à une Cour constitutionnelle.
La posture du Conseil constitutionnel est-elle conjoncturelle ? La question s'était posée avec acuité, lors de la dernière Présidentielle, avec les décisions courageuses rendues par les sept sages contre la volonté de l'ancien président Macky Sall. Depuis avant-hier, le doute n'est plus permis. Le Conseil constitutionnel du Sénégal réaffirme toute sa détermination à défendre la primauté de la Constitution, quel que soit le régime en place. À l'agent judiciaire de l'État et au président de l'Assemblée nationale qui invoquaient son “incompétence” à statuer sur la conformité d'une loi interprétative, le Conseil rétorque sans ambages : “Aux termes de l'article 92 de la Constitution, le Conseil constitutionnel 'connaît de la constitutionnalité des lois (...)”
Ce texte, soulignent les sages, ne distingue pas les lois en fonction de leur caractère interprétatif ou non. “Dès lors, la loi n°08/2025 du 2 avril 2025, adoptée par l'Assemblée nationale suivant la procédure législative prévue à cet effet, peut, indépendamment de la loi qu'elle interprète, faire l'objet d'un recours par voie d'action, conformément à l'article 74 de la Constitution”, affirment les sages qui en déduisent de manière claire et limpide “que le Conseil constitutionnel est compétent pour contrôler la conformité de ladite loi à la Constitution”.
La décision n'est certes pas si révolutionnaire - le Conseil a eu à prendre des verdicts bien plus audacieux - mais dans une Afrique où les juridictions constitutionnelles ont plus tendance à jouer à plaire aux régimes successifs, de telles décisions sont loin d'être anodines. D'autant plus que pour beaucoup, par le passé, la haute juridiction a usé et abusé de l'incompétence. Il n'y a pas longtemps, le débat est revenu à la surface, notamment dans l'affaire de la déchéance de Barthélemy Dias, mais aussi en ce qui concerne le choix des vice-présidents de l'Assemblée nationale.
L'avant-projet de loi sur la mort du Conseil constitutionnel dans les tiroirs de Diomaye
Juriste chevronné et leader de parti politique, Moussa Tine revenait sur l'urgence des réformes. “Il est inconcevable que les Sénégalais continuent de s'accommoder des déclarations d'incompétence du Conseil constitutionnel. Dès lors, la réforme ne peut plus attendre. Il s'agit là d'un dossier dont le traitement s'avère urgent”, plaidait-il, dénonçant la duplicité des politiques sur le sujet. “Jusque-là, tous les prétendants au pouvoir ont décrié les défaillances du système et annoncé des réformes de l'organe, mais ils ont fini par s'en passer, pour ne pas dire fait exprès d’oublier afin d'éviter d’affronter les rigueurs d’un juge constitutionnel fort”.
De l'avis de l'éminent juriste, très souvent, les politiques font un mauvais procès aux sages. “C’est très lâche de notre part, nous autres politiques, de dénoncer les décisions d’incompétence répétées des juges constitutionnels, alors que c’est le politique qui peut et qui doit modifier la loi en vue de donner une large compétence au Conseil”, disait l'homme politique.
L’incompétence du Conseil, selon lui, “n’est pas seulement due au manque de témérité des juges, c'est surtout parce que la loi ne lui a donné que des compétences limitativement énumérées”.
Malgré donc les limites objectives, le Conseil constitutionnel s'est jusque-là efforcé de jouer son rôle de garant de la Constitution. Au-delà de cette fonction qu'il remplit à merveille, les sages n'ont pas hésité, à des tournants historiques de la vie politique, d'assumer leur fonction régulatrice. Une mission qui a atteint son paroxysme lors de la dernière Présidentielle de mars 2024. L'on se rappelle encore la décision n°1/C/2024 dans laquelle les sages remettaient en cause une loi constitutionnelle votée par le Parlement et annulait un décret présidentiel. Deux domaines sur lesquels la haute juridiction s'est le plus souvent déclarée incompétente.
Des limites objectives, malgré les faits d'armes
À ceux qui pensent qu'avant 2024 c'était le néant, certaines sources rectifient et soutiennent que le Conseil constitutionnel du Sénégal a toujours joué son rôle. “C'est vrai qu'il y a eu un moment de grande hésitation durant lequel le Conseil s'est souvent déclaré incompétent ; cela avait un peu joué sur la perception, mais dans l'ensemble, le Conseil constitutionnel a de tout temps joué son rôle”, témoigne ce spécialiste du droit. Il renvoie à une décision de 1993.
“À l'époque, la commission électorale était complètement bloquée par les tiraillements entre les partis politiques. Elle n'a pu rendre ses décisions à temps. Cela avait installé le pays dans un grand vide, une situation que le droit ne prévoyait pas. Finalement, tous les documents ont été envoyés au Conseil qui venait d'être créé. Le Conseil avait rendu une décision d'anthologie qui avait sauvé le processus”, rappelle le spécialiste, qui ne manque pas d'égratigner les politiques. “Le problème chez nous, c'est que les gens ne sont contents peut-être que quand le Conseil rend une décision défavorable aux régimes en place. Mais de grandes décisions, il y en a toujours eu”, constate notre interlocuteur.
Ces coups d'éclat n'empêchent pas cependant les plaidoyers de renforcer encore plus la juridiction, pour qu'elle soit encore plus forte. La question était d'ailleurs au cœur des débats lors des assises nationales de la justice. Une des questions sur lesquelles il y a eu un large consensus. Et la commission restreinte qui a été mise en place pour la mise en œuvre des recommandations a d'ailleurs fini son travail sur cette question. Elle “a déjà fini l'élaboration de l'avant-projet de loi portant réforme du Conseil constitutionnel”, révélait ‘’EnQuête’’ dans son édition du 24 mars dernier. Le projet dort dans les tiroirs de Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui devrait prochainement le soumettre à l'attention de l'Assemblée nationale.
La volonté des assises était, en effet, de “créer une Cour constitutionnelle avec des compétences et des pouvoirs élargis”.
Le Conseil réaffirme le principe de la non-rétroactivité des lois plus sévères et s'érige en garant des droits des citoyens
Garant du respect de la Constitution et du fonctionnement des institutions, le Conseil constitutionnel s'érige ainsi en défenseur du citoyen. Par sa dernière décision, le Conseil rappelle cet impératif. “L'article 9 de la Constitution dispose, en son alinéa 2, que 'nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu d'une loi entrée en vigueur avant l'acte commis'. Ce principe est également affirmé par l'article 8 de la Déclaration universelle des Droits de l'homme et du citoyen 1789, partie intégrante de la Constitution. Ces textes prohibent l'application rétroactive des lois pénales plus sévères, y compris lorsqu'elles prennent la forme d'une loi interprétative”, expliquent les sages.
En mettant hors du champ d'application de la loi les faits se rapportant à des manifestations ou ayant une motivation politique, lorsque ces faits ne sont pas liés à l'exercice d'une liberté publique ou d'un droit démocratique, l'alinéa premier de la loi interprétative pose une règle nouvelle et permet la poursuite de faits déjà amnistiés.
En cela, souligne le Conseil, la loi interprétative “est plus sévère” que celle de 2024 qu'elle est censée interpréter.
SONKO FAIT LE MÉNAGE À PETROSEN
Préférant le pragmatisme à la confrontation, Thierno Seydou Ly a perdu son siège à la direction. Une vision incompatible avec celle du Premier ministre, qui poursuit méthodiquement sa stratégie de reprise en main du secteur énergétique sénégalais
(SenePlus) - Dans une manœuvre stratégique qui témoigne de sa volonté de contrôler étroitement le secteur énergétique sénégalais, le Premier ministre Ousmane Sonko poursuit méthodiquement la réorganisation de Petrosen, la compagnie pétrolière nationale. La dernière victime de cette restructuration profonde est Thierno Seydou Ly, jusqu'alors à la tête de la branche exploration-production (E-P) de l'entreprise publique.
D'après les informations rapportées par Jeune Afrique, Thierno Seydou Ly a été écarté le 5 mars dernier, officiellement « appelé à d'autres fonctions ». Cet ancien cadre de TotalEnergies, qui avait exercé au Gabon et au Nigeria avant de prendre les rênes de Petrosen E-P en mai 2022, a été remplacé par Talla Gueye.
« Thierno Seydou Ly était déjà sur la sellette. Le ministre de tutelle a tenté de le maintenir en poste mais Ousmane Sonko, déterminé à faire table rase du passé et tourner la page Macky Sall, a fini par s'en séparer », confie au magazine panafricain une source interne à Petrosen.
Ce départ ne constitue pas un simple changement de personnel mais s'inscrit dans un contexte particulièrement tendu au sein de la compagnie nationale. Selon JA, l'éviction de Thierno Seydou Ly résulte également d'une fronde d'une partie des cadres contre sa gestion et de relations difficiles avec Alioune Gueye, l'actuel directeur de Petrosen Holding, ancien coordinateur de Pastef aux États-Unis.
La divergence de vues concernant la renégociation des contrats pétroliers semble avoir été déterminante. Alors qu'Alioune Gueye, proche du Premier ministre, considère « la révision des accords indispensable pour garantir au Sénégal un meilleur parti possible », Thierno Seydou Ly prônait une approche plus pragmatique « pour éviter tout conflit avec les opérateurs pétroliers étrangers », rapporte Jeune Afrique.
Cette position mesurée lui aurait valu les « foudres de sa hiérarchie ». Une source proche du dossier citée par le magazine affirme que « Thierno Seydou Ly constituait l'unique fausse note dans le dispositif que Sonko voulait mettre en place pour renforcer son influence sur le secteur extractif ».
Le remaniement ne s'est pas limité au seul directeur général. D'autres nominations ont été annoncées : Papa Samba Ba, jusqu'alors directeur des Hydrocarbures, prend la tête de l'entité du contrôle et du suivi des opérations. À la direction générale des hydrocarbures, Ibrahima Noba devient directeur de l'exploration-production, tandis que Babacar Cissé dirigera la branche approvisionnement, transformation et distribution.
Le gouvernement espère, à travers ces changements, « insuffler une nouvelle dynamique au sein du ministère et de l'entreprise publique afin d'améliorer sa performance et d'affirmer sa montée en puissance », selon les termes rapportés par Jeune Afrique.
Quant au processus de renégociation des contrats pétroliers et miniers, le président Bassirou Diomaye Faye a assuré lors de son discours à la Nation du 3 avril que « les résultats obtenus à ce stade sont plus que satisfaisants » et qu'ils « seront communiqués à temps opportun ».
Ni le ministère du Pétrole ni la primature n'ont donné suite aux sollicitations de Jeune Afrique avant la publication de l'article, précise le magazine.
par Momar-Sokhna Diop
MAMADOU DIA, LA RENAISSANCE D’UN PROJET DE SOUVERAINETÉ
Redécouvrir son œuvre, c’est rouvrir une voie possible pour le Sénégal et pour l’Afrique : celle d’un développement endogène, participatif et souverain
Le combat de Mamadou Dia pour une Afrique souveraine, démocratique et affranchie des tutelles refait surface avec une force nouvelle. Le récent choix du gouvernement sénégalais de débaptiser une avenue emblématique de Dakar, autrefois dédiée au général Charles de Gaulle, pour lui donner le nom de Mamadou Dia, constitue un acte fort de rupture symbolique et politique. Cette décision s’inscrit dans la perspective d’un projet ambitieux pour le Sénégal à l’horizon 2050.
Dans cette même dynamique, un ouvrage coécrit par Roland Colin – fidèle compagnon de Dia – intitulé « Mamadou Dia : un fils du peuple… [1]» remet au goût du jour la pensée et l’action de cet homme d’État visionnaire. Comme Roland Colin, je plaide pour l’intégration de son œuvre dans les programmes scolaires. Toutes les ressources pour faire vivre ses idées sont disponibles, pour peu qu’on s’engage à les mobiliser.
Mamadou Dia, bien plus qu’un homme politique, fut le véritable architecte de l’indépendance sénégalaise. Il a contribué à en poser les fondements, en particulier par sa volonté farouche de rompre avec l’économie de traite, symbole des chaînes coloniales.
Dans son ouvrage « Afrique, le prix de la liberté [2]», Dia retrace son rôle central dans la vie politique du Sénégal entre 1948 et 1962. Dès la proclamation de la République du Sénégal le 20 août 1960, aux côtés de Léopold Sédar Senghor, il participe à l’élaboration d’un régime institutionnel bicéphale. Chef du gouvernement dès le 7 septembre 1960, il impulse une série de réformes majeures destinées à enraciner la souveraineté politique, économique et sociale du pays.
Mamadou Dia réorganise l’administration, réforme les structures politiques et économiques, donne un nouveau souffle à l’agriculture par la promotion du paysannat, met en place une politique de développement autocentrée reposant sur les réalités locales. Il initie la décentralisation, crée l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) et l’École Nationale d’Économie Appliquée (ENEA), destinées à former une nouvelle génération de cadres au service du développement.
Sur le plan économique, il engage l’aménagement du Delta et la vallée du fleuve Sénégal, développe les cultures vivrières, lance des projets d’irrigation en Casamance, dans le Sine Saloum, et autour du Lac de Guiers. Il fonde la Société Africaine de Raffinage (SAR) et les Industries Chimiques du Sénégal (ICS), exploite les ressources nationales comme les phosphates et pose les bases d’une souveraineté énergétique.
Pour soutenir ce modèle, Dia met en place des institutions financières comme les Crédits populaires et la Banque Sénégalaise de Développement (BSD). Les résultats sont tangibles : croissance du PIB, amélioration des conditions de vie des populations, montée en puissance d’un État solidaire et efficace.
À l’échelle africaine, Mamadou Dia joue un rôle moteur dans la création de l’Union Africaine et Malgache (UAM), d’Air Afrique et de la Banque Africaine de Développement (BAD), institutions destinées à renforcer l’intégration continentale et l’autonomie économique des pays africains.
Mais ce projet audacieux de souveraineté se heurte aux logiques du néocolonialisme et aux dogmes des institutions financières internationales. Il inquiète. Il dérange. Il sera donc saboté. Un complot sera monté contre Dia, avec la complicité d’acteurs internes et externes, mettant fin à une expérience politique unique en Afrique. Cette trahison n’a pas seulement visé un homme, mais un peuple et son rêve d’émancipation.
Aujourd’hui, le nom de Mamadou Dia ressurgit dans la mémoire collective comme un symbole de dignité, de justice et d’espoir. Redécouvrir son œuvre, c’est rouvrir une voie possible pour le Sénégal et pour l’Afrique : celle d’un développement endogène, participatif et souverain.
[1] Mamadou Dia : un fils du peuple, Combats pour une Afrique souveraine et démocratique, Editions l’Harmattan, 2025.
[2] Afrique le prix de la liberté, l’Harmattan, 2001.