JUSTICE, DROIT DE GRÈVE ET PRÉSERVATION DE L'ORDRE PUBLIC
L’audience de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux de cette année 2025, une première sous la présidence du chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, s’est tenue à la Cour Suprême hier, jeudi 16 janvier

L’audience de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux de cette année 2025, une première sous la présidence du chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, s’est tenue à la Cour Suprême hier, jeudi 16 janvier. Le président de la République, a annoncé la mise en place d’un Comité de rédaction des recommandations des Assises de la Justice. Il est aussi revenu sur les requêtes des avocats relatives à l’aide juridictionnelle, en réponse à une interpellation du Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Mamadou Seck. Le Premier président de la Cour Suprême, Mahamadou Mansour Mbaye, a, quant à lui, plaidé pour une relecture des textes juridiques et la préservation du patrimoine immobilier de l’institution judiciaire. Le thème retenu cette année est : « Le droit de grève et la préservation de l’ordre public».
ASSISES DE LA JUSTICE Un Comité de rédaction des recommandations mis en place
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a présidé hier, jeudi 16 janvier 2025, l’audience de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux à la Cours Suprême. Il a rappelé, à l’occasion, l’importance de la justice dans la consolidation des principes fondamentaux de la République. «Elle est le régulateur des relations entre les différents pouvoirs et les institutions, la gardienne des libertés individuelles et collectives. Le bouclier qui protège chaque citoyen de l’arbitraire. Sous ces rapports, les justiciables doivent sentir que la justice est un rempart contre l’arbitraire et non un instrument d’arbitraire»
Il a réitéré l’importance qu’il accorde à la bonne marche de l’institution judiciaire, annonçant la mise en place d’un Comité de rédaction des recommandations consensuelles issues des Assises de la Justice. «Ce comité a pour mission de matérialiser les réformes nécessaires afin, entre autres, que les exigences de l’État de droit soient mieux prises en charge par les acteurs du monde de la justice. En effet, il faut le rappeler, il faut rapprocher la justice du peuple au nom duquel elle est rendue».
Une justice performante c’est aussi, une institution ouverte aux autres. «Le monde judiciaire a des défis immenses à relever et doit s’ouvrir au questionnement, à la remise en cause, au changement et à la modernisation. Il doit nécessairement s’ouvrir, à l’instar de tous les corps de la République, au monde extérieur, car l’exigence d’un contrat social repensé nous interpelle tous. Un système clôturé à lui-même ne permet pas de faire peuple », a dit le président Bassirou Diomaye Faye qui a invité, par ailleurs, les acteurs « à se garder de la tentation de l’entre-soi et du repli ».
Evoquant toujours le système judiciaire, le président de la République a estimé que «chaque juge, dans l’intimité de sa conscience, doit toujours interroger son propre rapport à l’éthique et à la vérité et dire le droit sans céder à l’injustice. La justice doit participer à cet effort d’introspection pour fortifier notre cohésion nationale pour que, plus jamais, la récente histoire qui a traversé la période 2021-2024 ne se reproduise». M. Bassirou Diomaye Faye a exhorté la justice «à s’entrainer dans cette démarche avec impartialité et rigueur, en veillant toujours à promouvoir la paix sociale dans notre pays. Les employeurs et l’Etat doivent, quant à eux, accorder une attention bienveillante aux revendications légitimes des travailleurs».
BASSIROU DIOMAYE FAYE, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE «Le droit de grève ne doit pas s’exercer dans l’anarchie»
Le thème de l’audience de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux 2025, « Le droit de grève et la préservation de l’ordre public», constitue une invite aux acteurs judiciaires «à réfléchir sur l’équilibre délicat mais essentiel entre le respect des droits et le bon ordre communautaire», a dit le président de la République. Bassirou Diomaye Faye a ainsi défendu que « le droit de grève ne s’exerce pas dans l’anarchie ». Pour autant, ajoute-t-il, «il doit s’affirmer dans le respect des conditions posées par le constituant à l’article 25 de notre loi fondamentale, à savoir ne pas porter atteinte à la liberté de travail ni mettre en péril l’entreprise ou les services publics essentiels». Cela signifie, pour lui, que «le droit de grève doit s’accommoder, dans sa mise en œuvre, du respect de l’ordre public».
Ainsi, le droit de grève est aménagé pour assurer la préservation de la sécurité publique, de la salubrité, de la santé ou encore de la tranquillité publique. Composante essentielle de notre démocratie, le droit de grève donne voie aux revendications légitimes des travailleurs. Il ne doit pas être un prétexte pour compromettre la liberté de travail et la continuité du service public. Bassirou Diomaye Faye croit qu’il « y a un équilibre à rechercher et à promouvoir entre, d’une part, l’intérêt général et les intérêts particuliers des professionnels, d’autre part. Il en résulte que son exercice s’effectue dans le respect des droits collectifs, notamment dans des secteurs cruciaux tels que la santé, l’éducation et la sécurité publique ». Dans ce sens, le Code du travail et le Statut général de la fonction publique ont prévu les conditions requises pour un exercice licite du droit de grève. « La loi n°61.33 du 15 juin 1961, portant Statut général des fonctionnaires, prévoit, en effet, des obligations telles que le prix à vie et le respect des services minimums qui garantissent la continuité des fonctions vitales de l’État. Le respect du bon ordre justifiera ainsi des réquisitions qui sont une limite importante mais nécessaire au droit de grève. Encadré par des textes tels que l’article L. 276 du Code du travail, ces mesures administratives permettent d’assurer la continuité des services publics essentiels dans des circonstances exceptionnelles ». Ces secteurs incluent, dit-il, « non seulement les services publics administratifs, mais aussi des entreprises à vocation d’intérêt public, comme celles fournissant l’eau, l’électricité ou les transports en commun ».
Toutefois, «il est essentiel que les réquisitions soient prises avec discernement et appliquées avec rigueur. Elles doivent respecter le principe fondamental de la proportionnalité dans le but de préserver l’intérêt général sans compromettre la liberté syndicale ou vider le droit de grève de sa substance ». Dès lors, Bassirou Diomaye Faye dit « encourager les inspecteurs du travail et de la sécurité sociale et les magistrats compétents à promouvoir la conciliation qui est un levier important du dialogue social, car l’ordre public dépasse les seules prérogatives de l’État ». Mieux, relève le chef de l’Etat, le gouvernement s’est engagé à renforcer les cadres de dialogue entre les différentes parties prenantes que sont les travailleurs, les employeurs et les autorités publiques. Par ailleurs, insiste-til, « des mécanismes alternatifs de règlement des conflits collectifs de travail, à savoir l’arbitrage et la médiation, seront consacrés par ces réformes. Je saisis donc cette occasion pour appeler à un exercice responsable du droit de grève. La défense des intérêts professionnels ne doit jamais se faire au détriment de l’appui social et de la stabilité de notre nation».