JULES FRANÇOIS BOCANDE, UN GUERRIER AU GRAND CŒUR
Il y a huit ans disparaissait l’ancien international puis sélectionneur national. Retour sur l'hommage que lui avait rendu le quotidien Le Soleil au lendemain de son décès
7 mai 2012 – 7 mai 2020. Il y a huit ans disparaissait l’ancien international puis sélectionneur national, Jules François Bocandé. A cette occasion, nous exhumons un des articles que Le Soleil avait publié le lendemain de sa disparition pour lui rendre hommage.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) qui avait mis Jules François Bocandé sur le flanc, il y a plusieurs mois, a fini par emporter, hier à Metz en France, l’ancien international de football. Quelques jours après le Nigérian Rashidi Yekini décédé vendredi, c’est donc une autre légende du ballon rond africain qui tire sa révérence. Certes l’ancien capitaine des « Lions » n’a jamais été élu « footballeur africain de l’année », comme le colosse de Kaduna en 1993 ; il est également vrai que, contrairement à Yekini couronné en 1992 et 1994, l’ancien milieu de terrain du Casa Sports reconverti avant-centre et buteur insatiable en Europe n’a terminé meilleur buteur d’aucune des 3 CAN qu’il a disputées (1986, 1990 et 1992). Pas plus qu’il n’a remporté le trophée continental ainsi que Yekini a eu à le faire avec ceux qu’on appelait alors les « Super eagles », en 1994 en Tunisie. Mais Jules Bocandé n’en a pas moins écrit de sublimes lignes au grand livre du football international. N’avait-il pas fini meilleur buteur du championnat de France de la saison 1985 – 1986 avec le FC Metz (23 réalisations) malgré sa participation à la CAN égyptienne en 1986 ? Une CAN à laquelle il avait d’ailleurs qualifié, presqu’à lui seul, le Sénégal grâce à son hat-trick en septembre 1985 à Dakar contre le Zimbabwe, ramenant ainsi les « Lions » au banquet continental après une traversée du désert de 18 ans (Cf. par ailleurs).
Bocandé, c’était un amour viscéral pour le Sénégal. Au milieu des années 1980, alors que la réglementation sur la libération des internationaux par leur club employeur n’était pas aussi contraignante qu’actuellement, il s’était même fait volontairement expulser pour pouvoir venir défendre le maillot national. Et avec bonheur. Rasta au vent, le gaillard était la terreur des défenses. En club, même si, dans la foulée de son explosion au FC Metz, il n’avait pas connu la même réussite au PSG, ostracisé qu’il avait été par le superbe meneur de jeu Safet Susic qui préférait plutôt servir son compatriote yougoslave d’alors Vahid Halilhozic. Mais, avec son caractère trempé, Jules Bocandé ne ratait aucune occasion de ruer dans les brancards et en définitive de claquer la porte pour aller voir ailleurs. En sélection aussi, comme en témoigne cet aveu du pourtant rugueux et intraitable défenseur central algérien, Fodil Mégharia, au lendemain de la demi-finale de la CAN 1990 perdue à Alger (1 – 2) par le Sénégal : « quand le coach sénégalais a sorti Bocandé (blessé NDLR), j’ai dit Alhamdoulilahi ».
Suspension à vie
Bocandé, c’était aussi un amour sans borne pour le ballon rond. Un amour – passion parfois débordant qui lui avait d’ailleurs valu une suspension à vie au Sénégal après la finale de 1980 de la coupe nationale JA – Casa, pour s’en être violemment pris à l’arbitre de la partie. Une sanction qui fut, en définitive, un mal pour un bien ; parce qu’elle marqua l’exil du fougueux jeune homme en Belgique, à Tilleur où il entama ce qui fut sa brillante carrière professionnelle. Gracié quelques années plus tard, l’homme revint dans le costume de « sauveur » pour qualifier donc les « Lions » à la CAN égyptienne de 1986, après une absence qui remontait à 1968 en Ethiopie. Et c’est donc presque tout naturellement que juste après avoir raccroché ses crampons de joueur, il se retrouva dans le survêt d’entraineur national aux côtés de Boubacar Sarr « Locotte » pour conduire ses « héritiers » à la CAN 1994 en Tunisie. Un entraineur qui aurait pu tout aussi bien revêtir le maillot de joueur, parce qu’il nous revient qu’à l’entrainement, il n’hésitait pas à expliquer à ses ouailles, gestes (surtout difficiles) à l’appui, la meilleure posture à adopter pour faire trembler les filets.
Devenu, après dirigeant, il n’était jamais loin des terrains aussi bien avec le Casa Sports, son club de cœur qu’avec l’équipe nationale dont il s’était retrouvé dans l’encadrement technique comme chargé de mission. A ses côtés, les jeunes qu’il avait fait rêver avaient le modèle parfait à imiter sur le terrain. De commerce facile, il entretenait d’excellentes relations avec ses « héritiers ». « Guerrier » sur le pré vert, Bocandé avait le cœur sur la main en dehors. Il aimait dépenser et partager et ne souffrait pas que ses proches et amis se plaignent. Un humanisme que certains assimilaient à de la naïveté et n’hésitaient pas à en profiter, à en abuser même. Si bien que celui qui avait, un moment, l’un des plus gros salaires du football français (26 millions de F CFA par mois, alors qu’il était au PSG), a, sur le tard, connu quelques soucis financiers. Retourné à Metz où il s’était révélé à l’Europe du foot pour s’y soigner, il s’y est rappelé aux souvenirs de tous, puisqu’il n’en reviendra pas vivant. Il a donc bouclé la boucle. La famille du foot va longtemps pleurer un de ses éminents fils.