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2 avril 2025
Développement
LA RECHERCHE EN PÉRIL AUX ÉTATS-UNIS
Selon un sondage réalisé par la revue Nature, plus de 1 200 scientifiques sur les 1 650 interrogés envisagent de quitter les USA en raison des perturbations massives causées par l'administration Trump
(SenePlus) - Selon un sondage réalisé par la revue Nature, plus de 1 200 scientifiques sur les 1 650 interrogés envisagent de quitter les États-Unis en raison des perturbations massives causées par l'administration Trump dans le domaine de la recherche.
Cette tendance est particulièrement marquée chez les chercheurs en début de carrière : 548 des 690 chercheurs postdoctoraux et 255 des 340 doctorants interrogés considèrent un départ vers l'étranger, avec l'Europe et le Canada comme destinations privilégiées.
L'administration Trump a drastiquement réduit les financements de la recherche et interrompu de nombreux projets scientifiques financés par le gouvernement fédéral, dans le cadre d'une initiative de réduction des coûts dirigée par le milliardaire Elon Musk. "Des dizaines de milliers d'employés fédéraux, dont de nombreux scientifiques, ont été licenciés puis réembauchés suite à une décision de justice, avec des menaces de nouveaux licenciements massifs à venir", rapporte Nature.
Un étudiant en génomique végétale et agriculture dans une grande université américaine témoigne : "C'est mon pays, je l'aime vraiment. Mais beaucoup de mes mentors me disent de partir, maintenant." Cet étudiant a perdu son financement de recherche et sa bourse lorsque l'administration Trump a supprimé le financement de l'Agence américaine pour le développement international.
"Voir tout ce travail s'arrêter est déchirant", confie-t-il. "J'ai cherché très activement des opportunités en Europe, en Australie et au Mexique."
Les institutions hors des États-Unis profitent de cette situation. Un médecin-chercheur américain explique : "D'après ce que j'entends des endroits avec lesquels nous discutons, beaucoup d'universités dans ces pays considèrent cela comme une opportunité unique dans une génération. Je pense qu'on est passé de 'Pouvons-nous recruter quelques personnes?' à 'Combien de personnes pouvons-nous réellement accueillir?' - parce que la demande est là."
Si certains répondants restent déterminés à rester aux États-Unis, beaucoup soulignent les défis à venir. "Je suis professeur et je veux rester aussi longtemps que possible pour soutenir mon laboratoire et mes étudiants, mais si les NIH sont drastiquement réduits, nous n'aurons peut-être pas d'autre choix que de quitter les États-Unis", a écrit un participant.
Un chercheur postdoctoral en biomédecine résume le sentiment général : "Je ne veux pas partir, mais quelle est l'alternative?"
par Amy Niang
AMADOU-MAHTAR M’BOW, HUMANISTE
À une époque où l’Afrique semble avoir perdu son initiative souveraine et sa vision géopolitique, où tous les acteurs majeurs, à l’exception de l’Afrique elle-même, semblent avoir un projet pour le continent, que sa mémoire nous guide
Amadou-Mahtar M’Bow est décédé à l’âge de 103 ans, laissant derrière lui un héritage défini par son désir d’un monde juste et équitable. On se souviendra de lui pour son engagement en faveur du savoir et du multilatéralisme et pour la diplomatie, à la fois condition de liberté et instrument nécessaire pour un avenir meilleur. D’abord ministre de l’Éducation du Sénégal, puis directeur général de l’Unesco, M’Bow a défendu des causes et créé des programmes pour le XXe siècle. Parmi ces causes figurent la nécessité de créer des liens humains par l’accès aux moyens d’information et aux technologies connexes, la corrélation entre l’universel et le patrimoine humain collectif, ainsi que la restitution à l’Afrique de son histoire et sa reconnaissance comme composante essentielle de la trajectoire humaine. Au-delà de tout cela, M’Bow avait un attachement indéfectible à une éthique humaniste de sollicitude, d’engagement, d’inclusion et de respect de l’autre.
Aujourd’hui, le terme « leadership visionnaire » est galvaudé. Pourtant, peu de personnalités du XXe siècle l’incarnent aussi pleinement qu’A.-M. M’Bow. Sa vie a suivi une trajectoire extraordinaire, portée par la prise de conscience précoce qu’il faisait partie de quelque chose de bien plus grand que lui-même. Il a grandi à une époque où l’idéalisme n’était pas cet objet de mépris qu’il est aujourd’hui.
Le monde sortait alors de deux guerres mondiales successives, déclenchées par ceux qui prétendaient détenir les clefs du salut de l’humanité. Dans le même temps, ces prétendus sauveurs asservissaient d’immenses populations coloniales, tout en se proclamant hérauts de la liberté. Les deux guerres mondiales ont révélé l’ironie de la prétention selon laquelle le monde abriterait des maîtres savants et des sujets ignorants. Afin de se défaire des dilemmes qui en découlaient, des individus, des peuples et des États, tant établis qu’émergents—en particulier ceux qui avaient longtemps exercé le pouvoir—se sont engagés en faveur d’un nouvel ordre mondial aspirant à l’universalité, à la justice et à l’équité.
Chez certains anciens « maîtres du monde », cet engagement affiché relevait souvent du cynisme, visant à préserver, sous de nouvelles formes, leur domination sur les autres. Mais pour des figures telles que M’Bow, ce nouveau monde offrait de nouvelles perspectives à défendre, protéger et faire prospérer. Sa mission de toute une vie fut de veiller à la reconnaissance, la préservation et l’épanouissement, sur la scène mondiale, des voix, des savoirs et des contributions des nations marginalisées et en développement. Cette quête reposait sur la conviction que le potentiel humain et la créativité sont universellement partagés, et qu’aucune nation ou groupe ne détient le monopole du savoir. Son éthique était profondément humaniste.
Une carrière prolifique
Beaucoup se demandent comment une personnalité comme M’Bow a émergé dans le contexte de l’Afrique coloniale et postcoloniale. D’où lui viennent son savoir encyclopédique, sa connaissance du monde et sa compréhension incisive des enjeux historiques ? M’Bow n’était pas seulement un érudit et un enseignant ; il était également un fonctionnaire, un ancien combattant et un pilote stagiaire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il a combattu en France et en Afrique du Nord et a servi dans l’Armée de l’air française, avec les Forces françaises libres.
M’Bow fut un acteur politique de premier plan, engagé dans les mouvements anticoloniaux et dans l’histoire postcoloniale du Sénégal. Il occupa plusieurs hautes fonctions au sein de l’État, dont à deux reprises le ministère de l’Éducation. De 1967 à 1971, il présida l’Association panafricaine d’archéologie, poursuivant ainsi son combat pour la valorisation du patrimoine et des savoirs africains. Fondateur de la prestigieuse Fédération des étudiants africains en France, fer de lance de la lutte contre le colonialisme, il incarna un engagement indéfectible en faveur de l’émancipation des peuples. Dernier pilier du triumvirat fondateur du Parti du Regroupement Africain (PRA), aux côtés de ses compagnons de toujours, Abdoulaye Ly et Assane Seck, il demeura inébranlable face aux tentatives d’instrumentalisation politique et à l’attrait du pouvoir.
Le dernier engagement public de M’Bow fut la présidence des Assises nationales du Sénégal ainsi que celle de la Commission de réforme des institutions sénégalaises. En 2008, à l’âge de 87 ans, il accepta de présider l’initiative du Front Siggil Sénégal. Pendant près d’un an, cette démarche rassembla les principaux partis d’opposition au gouvernement du président Abdoulaye Wade, ainsi que des dizaines d’organisations, de responsables politiques, de membres de la société civile et d’acteurs de bonne volonté venus de tous horizons à travers le pays. M’Bow disposait de l’autorité morale et de la sagesse indispensables pour mener à bien un processus délicat, destiné à formuler des propositions en vue d’un modèle de gouvernance alternatif et inclusif. Hélas, il ne vécut pas pour voir la réalisation de la Charte de consensus.
Les années Unesco (1953-1987) : remise en question de l’ordre mondial
Le mandat de M’Bow en tant que directeur général de l’Unesco (1974-1987) demeure l’un des plus transformateurs de l’histoire de l’organisation. Premier noir et africain à diriger une agence des Nations unies, il bouleversa l’ordre établi en contestant, au nom du Sud global, l’hégémonie eurocentrée dans les domaines du savoir et des échanges culturels. Son plaidoyer en faveur du Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (NWICO) visait à contrer la domination des médias et des systèmes de communication occidentaux, œuvrant pour un flux d’informations plus équilibré à l’échelle mondiale. Cette initiative s’inscrivait dans un projet plus vaste de refonte des dynamiques de production des connaissances, affirmant la nécessité d’une diversité culturelle et d’une inclusion véritables.[1]
M’Bow a plaidé pour une réforme des systèmes éducatifs du monde entier, afin que les programmes reflètent la diversité de l’expérience humaine. Il fut un acteur majeur de la reconstruction et de la systématisation des histoires et des contributions culturelles africaines, œuvrant à leur affranchissement de la bibliothèque coloniale, du prisme anthropologique et des représentations racistes. Le projet Histoire générale de l’Afrique (HGA) illustre cette ambition : ses huit volumes restituent la richesse et la complexité du passé africain, rompant avec des siècles d’occultation et de distorsion. Dans les années 1960, 90 % de l’histoire enseignée dans les universités occidentales était, de manière disproportionnée, centrée sur cinq nations : la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis tandis que l’histoire africaine était réduite à une annexe de récits des activites européennes en Afrique, exaltant les explorateurs, missionnaires et administrateurs coloniaux dans leur prétendue « mission civilisatrice ». Grâce au projet Histoire générale de l’Afrique, des trésors méconnus du génie créatif africain ont été mis en lumière : chefs-d’œuvre et artefacts témoignant de millénaires d’histoire florissante au sein d’États majeurs tels que Kush, Aksum, le Mali, Songhaï, le Grand Zimbabwe, le Royaume du Kongo, ainsi que dans d’autres formations politiques moins connues. M’Bow reconnaissait une vérité fondamentale : la connaissance est un levier d’émancipation.
Parmi les dernières volontés de M’Bow figurait la création d’une Fondation des savoirs endogènes. Tout au long de sa vie, il n’a cessé de plaider pour que les Africains et les peuples du Sud global se réapproprient leur histoire et s’appuient sur leurs propres récits pour façonner leur avenir. Ses idées et sa vision demeurent des principes fondamentaux qui guident le travail d’institutions telles que le CODESRIA, nourrissant leur engagement à la fois comme méthodologie et comme guide éthique.
La lutte pour l’équité
La vision d’Amadou-Mahtar M’Bow s’étend au-delà de la représentation culturelle pour s’inscrire dans une lutte plus large pour un accès équitable à la technologie et au savoir. Sa position sur le transfert de technologies était claire : il ne s’agissait pas d’aide ou d’assistance, mais d’accès équitable aux outils qui façonnent et transforment les sociétés. Il a très tôt reconnu que quiconque contrôlait la technologie contrôlait l’avenir et il a veillé à ce que les pays du Sud ne soient pas laissés pour compte dans cette course :
La technologie n’est ni le privilège de quelques nations ni un outil de domination. Elle doit être partagée équitablement, afin que tous les peuples puissent participer à la construction de leur avenir[2].
Il est important de noter que dans les années 1970, Henry Kissinger était occupé à commander des rapports visant à réduire la population africaine et à contrôler les ressources du continent. M’Bow a identifié les risques profonds d’une expansion technologique incontrôlée, son potentiel à saper les valeurs spirituelles et culturelles qui constituent le fondement des sociétés. Il se méfiait du monopole occidental sur la technologie et de son utilisation comme outil de renforcement des structures de pouvoir existantes. Son plaidoyer ne portait pas uniquement sur les connaissances techniques, mais également sur la garantie que la technologie servirait à améliorer la dignité humaine, plutôt qu’à l’éroder.
M’Bow estimait que l’histoire et les contributions des nations non occidentales, en particulier celles de l’Afrique, avaient été systématiquement reléguées à l’arrière-plan. Son plaidoyer en faveur du rapatriement des objets culturels spoliés durant la colonisation revêtait une portée révolutionnaire. Dans un discours historique prononcé en 1978, il affirmait que ces objets n’étaient pas uniquement des œuvres d’art ; mais constituaient des éléments essentiels de l’identité et de la conscience historique des nations auxquelles ils avaient été arrachés :
La restitution de biens culturels aux pays auxquels ils ont été confisqués ne se résume pas à la restitution d’objets matériels ; il s’agit de rendre l’histoire et l’identité à des peuples qui ont été privés de leur passé[3].
La pensée politique de M’Bow
Comment M’Bow appréhendait-il les défis auxquels l’Afrique fut confrontée à l’issue de la colonisation ? À l’instar de figures éminentes telles que Cheikh Anta Diop et Kwame Nkrumah, il nourrissait la conviction qu’au-delà de sa diversité, un lien essentiel unissait le continent, ancré dans une histoire et des aspirations communes.
Les traditions intellectuelles de l’Afrique sont riches et diverses, profondément enracinées dans les philosophies de l’interdépendance, de l’humanisme et de l’équilibre. Il ne s’agit pas simplement d’idées du passé, mais de cadres puissants pour relever les défis actuels du développement, de la gouvernance et de la paix[4].
Ces intellectuels ont compris que l’ère postcoloniale exigeait une redéfinition de l’identité africaine, fondée sur la valorisation de son histoire et de son patrimoine culturel, tout en déconstruisant les stéréotypes persistants hérités des récits coloniaux. Leur vision de l’Afrique reposait sur l’idée d’une unité dans la diversité, prônant une identité collective qui célèbre la richesse de ses cultures et traditions. M’Bow et Diop ont dénoncé les structures néocoloniales perpétuant l’asservissement du continent, insistant sur l’impératif d’autonomie, d’autosuffisance économique et d’émancipation éducative. Ils aspiraient à une Afrique souveraine, capable de réaffirmer sa place sur la scène mondiale, tout en cultivant un esprit de solidarité et de coopération entre ses nations dans la construction d’un avenir prospère affranchi de toute domination extérieure.
M’Bow a brisé un tabou majeur à une époque où les Africains, bien que formellement intégrés aux institutions et aux mécanismes de gouvernance multilatérale après les indépendances, évoluaient encore dans une temporalité décentrée. Dans l’espace impérial, la parole d’un Africain ne pouvait être perçue que comme subversive, toute idée de réciprocité étant d’emblée écartée. Sa critique, d’une grande acuité, a mis en lumière la persistance de la spoliation des ressources culturelles et matérielles de l’Afrique et du Sud global. Il a démontré que le colonialisme n’a pas seulement facilité l’extraction de la main-d’œuvre, mais aussi l’appropriation des richesses culturelles et immatérielles, consolidant ainsi les récits de supériorité civilisationnelle européenne et occidentale. Cette spoliation se manifeste encore aujourd’hui à travers les archives, les artefacts et le patrimoine culturel conservés dans les institutions culturelles et académiques européennes.
Peu de gens auront vécu une vie aussi longue, aussi exaltante et aussi marquante que celle de M’Bow, une existence jalonnée d’événements historiques majeurs. Il nourrissait une soif insatiable de savoir, alimentée par son immersion précoce dans les traditions intellectuelles soufies et par sa conviction que l’histoire africaine était un trésor à dévoiler. L’engagement de M’Bow à découvrir et à partager cette richesse de connaissances a profondément marqué ses contributions au monde, faisant de lui une figure emblématique dans le débat sur le patrimoine multidimensionnel africain.
Selon son gendre, Amadou Kane, l’un des derniers souhaits de M’Bow était que sa prière mortuaire ait lieu à la mosquée omarienne de Dakar, où il avait été baptisé en 1921. Si cela n’était pas possible, il voulait, au moins, que son corps passe par ce lieu. Le lien de M’Bow avec les traditions soufies était profond, enraciné dans son histoire familiale. Il était l’héritier intellectuel d’une riche tapisserie de pensée, tissée à travers les siècles et les continents, reliant l’Afrique au monde arabe, à l’Europe, à l’Asie et aux Amériques, nourrie par des influences allant de Cheikh Ahmed Tidjani à Omar Tal, d’Ibn Rushd à Montesquieu. Son éducation lui avait inculqué des valeurs profondément ancrées, façonnées par l’éducation et la culture.
La position de M’Bow était sans équivoque : la culture n’est ni un luxe ni un divertissement, et les Africains n’ont jamais existé en dehors du monde, ou dans un « monde extérieur » (Außenwelt, au sens schmittien du terme). Sa critique du cadre déséquilibré de l’accès à l’information et à la technologie et donc au savoir soulevait des questions plus profondes sur un universalisme fondé sur une hiérarchie des cultures et des civilisations. Il estimait que la capacité humaine à créer et à penser était répartie de manière égale, inistant sur l’importance d’un accès équitable pour tous. Pour M’Bow, la réalisation de l’idéal universel exigeait des échanges culturels, qui ne pouvaient être réalisés qu’en rééquilibrant l’accès au savoir et à l’information. Cependant, l’Afrique se voyait systématiquement privée de sa contribution légitime à cet effort collectif. Par conséquent, les acteurs africains saisissaient pleinement l’élan qui les incitait à remettre en question leurs conditions sociales et à repenser les bases de leur engagement avec l’Occident.
M’Bow a activement participé aux débats mondiaux sur la technologie, à l’Onu notamment sur le transfert de technologies. Il a plaidé pour le renforcement du travail et de la mission de la Cnuced, une organisation intergouvernementale dédiée à la défense des intérêts commerciaux du monde en développement. Il critiquait un système où le contrôle technologique était concentré entre les mains de quelques acteurs, leur permettant de concevoir et d'imposer une vision du monde commune à tous. Ses préoccupations, toujours d’actualité, touchaient des questions fondamentales: qui détient le pouvoir sur la technologie ? À quoi ressemblerait l’ordre mondial si l’Afrique en était exclue ?
L’idée selon laquelle la contribution d’intellectuels africains comme M’Bow a été marginalisée ou invisibilisée découle en grande partie de la manière dont nous avons souvent perçu la nature du savoir provenant d’Afrique. Le manque de reconnaissance de ces contributions témoigne d’un problème plus vaste de limitation des perspectives sur la pensée africaine. M’Bow a grandi et a été éduqué à la croisée de diverses cultures et traditions intellectuelles à l’aube d’un monde qui émergeait du contexte colonial. Son envergure intellectuelle démontre la créativité et l’adaptabilité avec lesquelles les Africains ont toujours répondu aux défis de leur temps. En somme, M’Bow incarne l'intellectuel dans sa forme la plus complète.
Avec le décès de M’Bow, nous perdons l’un des penseurs et acteurs politiques les plus influents du XXe siècle. Son immense curiosité intellectuelle, son esprit ambitieux et son profond humanisme se reflètent dans son œuvre prolifique.[5]
En intervenant dans les débats mondiaux à une époque où les voix africaines en étaient souvent exclues, des penseurs comme M’Bow ont affirmé un principe de parité intellectuelle. En effet, la simple présence de la pensée africaine dans le domaine public était considérée comme intrinsèquement subversive. L’engagement et l’intégrité inébranlables de M’Bow lui ont permis de remettre en question et de renverser des structures d’oppression bien ancrées, révélant des possibilités qui avaient longtemps été occultées.
En résumé, les contributions intellectuelles de M’Bow ont été profondément imprégnées par son identité à multiples facettes — sénégalais, africain, musulman et citoyen du monde. Son insatiable curiosité et sa résilience morale ont guidé son engagement dans la gouvernance mondiale et la politique africaine. Il est resté ferme dans ses principes, inflexible face aux défis. M’Bow était, en effet, l’arc qui demeura toujours droit.
A.-M. M’Bow était une légende vivante. Nous avons perdu une figure rassurante, une passerelle entre le XXe et le XXIe siècle. Cependant, alors qu’il rejoint le monde des ancêtres, nous sommes enrichis par son héritage de sagesse, de courage et de force morale. À une époque où l’Afrique semble avoir perdu son initiative souveraine et sa vision géopolitique, où tous les acteurs majeurs, à l’exception de l’Afrique elle-même, semblent avoir un projet pour le continent, que sa mémoire nous guide vers l’autodétermination, l’unité et un sens renouvelé de notre mission.
Notes
[1] Voir le rapport MacBride, connu sous le nom de « Plusieurs voix, un seul monde : vers un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication plus juste et plus efficace », commandé par l’Unesco. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000372754
[2] Discours sur la technologie et le développement global, 1982.
[3] A.-M. M’Bow, 1978, “A Plea For The Return Of An Irreplaceable Cultural Heritage To Those Who Created It: An Appeal par Mr. Amadou-Mahtar M'Bow, irector General of UNESCO”, The UNESCO Courier: a window open on the world, XXXI, 7, p. 4-5, illus.
– 1974, ‘Enquête préliminaire sur le village de Gaya, et les villages de Sénoudébou et Dembakané, 1955– 1956’, L’UNESCO et l’avenir. Paris : UNESCO.
– 1976, Le monde en devenir (réflexions sur le nouvel ordre économique international), Paris : UNESCO.
– 1977, L’UNESCO et la solidarité des nations—L’esprit de Nairobi. Paris :UNESCO.
– 1979, L’UNESCO et la solidarité des nations—De la concertation au consensus. Paris : UNESCO.
– 1981, L’UNESCO et la solidarité des nations—Entreprendre l’avenir. Paris : UNESCO.
– 1982, Le Temps des Peuples, Paris : Editions Laffont Paris.
– 1982, Aux Sources du Futur. Paris : UNESCO.
– 1984, Choisir L’Espoir, Paris : UNESCO.
– 1986, L’UNESCO: universalité et coopération internationale. Paris : UNESCO.
Amadou-Mahtar M’Bow passed away at the age of 103, leaving behind a legacy defined by his desire for a just and equitable world. He will be remembered for his commitments to knowledge and multilateralism, and to diplomacy as both a condition of freedom and a necessary instrument of a better future. First as Minister of Education in Senegal and then as Director-General of UNESCO, M’Bow championed causes and laid agendas for the twentieth century. These included the necessity for human connection through access to the means of information and related technologies; the relatability of the universal to the collective human heritage; and the restitution to Africa of its history and its recognition as an essential component of the human trajectory. Underneath it all, M’Bow had an unwavering attachment to a humanistic ethos of solicitousness, engagement, inclusion and respect for the other.
Today, the term ‘visionary leadership’ is often overused. However, few twentieth-century figures embody it as fully as A-M M’Bow. His life followed an extraordinary trajectory, shaped by an early understanding that he was part of something far greater than himself. He came of age in an era when idealism was not the object of scorn it often is today. The world had emerged from two successive world wars, instigated by those who professed to possess the means for human salvation. These so-called saviors were subjugating vast colonial populations, all while proclaiming themselves champions of freedom. The two world wars revealed the irony of the pretence that the world contained knowing masters and unknowing subjects. To extricate themselves from the associated dilemmas, individuals, peoples, and both established and emerging states—especially those who had long wielded power pledged themselves to a new world order: one that aspired to universality, justice, and equity.
For some former ‘masters of the world’, this professed commitment was often an exercise in cynicism, designed to maintain their ascendency over others in new guises. But for the likes of M’Bow, the new world offered new possibilities to be defended, protected and nurtured. His lifelong mission became to ensure that the voices, knowledge and contributions of marginalised and developing nations were recognised, preserved and allowed to flourish on the global stage. This was grounded in the belief that human potential and creativity are universally distributed and no single nation or group holds a monopoly on knowledge. His ethos was deeply humanistic.
A Prolific Career
Many wonder how a figure like M’Bow could emerge in the context of colonial and postcolonial Africa. What informed his encyclopedic knowledge, his worldliness and his incisive understanding of historical stakes? M’Bow was not only a scholar and teacher but also a civil servant, a war veteran and a trainee pilot. He fought in World War II in France and North Africa and served in the French air force, where he was involved with the Free French Forces.
M’Bow was a political actor who was active in anticolonial movements and in the postcolonial history of Senegal. He held several positions in Senegal, including serving twice as minister of education. He also served as President of the Pan-African Archaeological Association from 1967 to 1971. M’bow was the founder of the famous Federation of African Students in France, which was very active in the anticolonial struggle. M’Bow was the last standing pillar of the triumvirate that co-founded the PRA (Parti du regroupement africain), which included his lifelong companions Abdoulaye Ly and Assane Seck. He resisted political intoxication and cooptation and he did not succumb to the allure of power.
M’Bow’s last public engagement was to chair the Assises nationales du Senegal—Senegal’s national dialogue—as well as the Commission on the reform of Senegal’s institutions. In 2008, at the age of eighty-seven, he agreed to preside over the initiative led by the Siggil Senegal Front, which for nearly a year brought together the main parties in opposition to President Abdoulaye Wade’s government and dozens of various organisations across the whole country. M’Bow commanded the moral authority and the wisdom to mediate a strained process that was meant to generate propositions for an alternative and inclusive model of governance. He did not live to see the fulfillment of the Consensus Charter he managed to spearhead by bringing together politicians, civil society and people of good will from all walks of life.
The UNESCO Years (1953–1987): Challenging the Global Order
M’Bow’s tenure as Director-General of UNESCO (1974–1987) stands out as one of the most transformative in the organisation’s history. He was the first Black and African person to lead a United Nations agency, and during his time M’Bow shook the established order by challenging Eurocentric dominance in knowledge and cultural exchange on behalf of the Global South. His advocacy for the New World Information and Communication Order (NWICO) aimed to counter the dominance of Western media and communication systems and ensure a more equitable global flow of information. This initiative exemplified his broader effort to redefine global knowledge production, emphasising cultural diversity and inclusivity.[2]
M’Bow advocated for reform in educational systems worldwide, ensuring that curricula reflected the global diversity of human experience. He spearheaded efforts to reconstruct and systematise African histories and cultural contributions and to free them from the colonial library, the anthropological account and racist gaze. The General History of Africa (GHA) project is a testament to this mission—comprising eight volumes that reflect Africa’s rich and complex history. In the 1960s, 90 per cent of the history that was taught in Western universities was disproportionately centred on five countries—Britain, France, Germany, Italy and the United States. African history was reduced to accounts about European activities in Africa, the trials and triumphs of explorers, missionaries and colonial administrators in the ‘civilising mission’. The General History of Africa project helped uncover masterpieces and artifacts of creative genius that reflect millennia of rich history across significant polities such as Kush, Aksum, Mali, Songhai, Great Zimbabwe and the Kingdom of Kongo, as well as lesser-known political formations. M’Bow recognised a fundamental truth: knowledge is a means to emancipation.
His last will included the establishment of a Foundation of Endogenous Knowledges. Throughout his life, he tirelessly advocated for Africans and people of the Global South to reclaim and rely on their history and their own narratives. M’Bow’s insights and vision remain foundational principles guiding the work of institutions like CODESRIA, shaping both their methodology and ethical framework.
The Fight for Equity
Amadou-Mahtar M’Bow’s vision extended beyond cultural representation to a broader fight for equitable access to technology and knowledge. His stance on the transfer of technology was clear: it was not about aid or assistance but about equitable access to the tools that shape and transform societies. He recognised early on that whoever controlled technology controlled the future and he sought to ensure that the Global South was not left behind in this race:
Technology is not the privilege of a few nations, nor should it be a tool of domination. It must be shared equitably, so that all peoples can partake in the shaping of their futures.[3]
It is important to note that the 1970s was a time when Henry Kissinger was busy commissioning reports aimed at reducing African populations and controlling the continent’s resources. M’Bow identified the deeper risks posed by unchecked technological expansion—its potential to undermine the spiritual and cultural values that form the bedrock of societies. He was wary of Western monopoly over technology and its use as a tool to reinforce existing power structures. His advocacy was about not just technical knowledge but ensuring that technology could be used to enhance human dignity, rather than erode it.
M’Bow believed that the histories and contributions of non-Western nations, particularly Africa, had been systematically suppressed. His call for the repatriation of cultural artifacts looted during colonialism was groundbreaking. In a historic speech in 1978,[4] he argued that these objects were not just art but essential elements of identity and historical consciousness for the nations from which they were taken:
The restitution of cultural property to the countries from which it was taken is not simply a matter of restoring material objects; it is about returning history and identity to peoples who have been deprived of their past.
M’Bow’s Political Thought
How did M’Bow perceive the challenges that Africa faced in the wake of colonisation? What he shared in common with other prominent figures of the time, such as Cheikh Anta Diop and Kwame Nkrumah, was the belief that there was something fundamental that connected all of us in our diversity.
The intellectual traditions of Africa are rich and diverse, deeply rooted in the philosophies of interconnectedness, humanism and balance. These are not simply ideas from the past but powerful frameworks for addressing today’s challenges of development, governance and peace.[5]
These intellectuals understood that the postcolonial era necessitated a re-evaluation of African identity, that they emphasised the continent’s rich history and cultural heritage while rejecting the lingering stereotypes imposed by colonial narratives. Their vision for Africa encompassed the idea of unity amidst diversity, advocating for a collective identity that celebrated the myriad cultures and traditions of the continent. Both M’Bow and Diop critiqued the neocolonial structures that continued to impede Africa’s progress; they insisted on the need for autonomy, economic self-sufficiency and educational empowerment. They envisioned an Africa that could reclaim its agency, fostering a sense of solidarity and collaboration among its nations to build a prosperous future free from external domination.
M’Bow broke a significant taboo at a time when Africans still operated within a configuration of time that was devolved, despite having been ‘admitted’ into institutions and spaces of multilateral governance following independence. Across the imperial space, the utterance of an African could only be seen as subversive, as the very assumption of reciprocity itself was suspended. M’Bow’s critique was profound; he illuminated the ongoing continuities in the extraction of cultural and physical resources from Africa and the Global South. He argued that colonialism not only facilitated the extraction of labour but also enabled the appropriation of cultural and immaterial resources, thereby perpetuating narratives of European and Western civilisational superiority. This extraction is evident in the archives, artifacts and cultural heritage that remain withheld in European knowledge and cultural institutions.
Few have lived a life as long, as exhilarating and as impactful as M’bow’s, encompassing significant historical events. He possessed an insatiable thirst for knowledge, heightened by his early exposure to Sufi intellectual traditions and the belief that African history was a treasure trove waiting to be explored. M’Bow’s commitment to uncovering and sharing this wealth of knowledge shaped his profound contributions to the world, making him a pivotal figure in the discourse surrounding African multidimensional heritage.
According to his son-in-law, Amadou Kane, one of M’Bow’s last wishes was for his mortuary prayer to be held at the Umarian Mosque in Dakar, where he was baptised in 1921. If this was not possible, he wanted his body at least to be taken past it. M’Bow’s connection to Sufi traditions ran deep, rooted in his family history. He was the intellectual heir to a rich tapestry of thought, spanning centuries and continents, linking Africa to the Arab world, Europe, Asia and the Americas, with influences ranging from Cheikh Ahmed Tidjani to Umar Tal, from Ibn Rushd to Montesquieu. His upbringing instilled in him deeply held values, shaped by education and culture.
M’Bow’s stance was unequivocal: culture was neither a luxury nor mere entertainment and Africans had never existed outside of the world or in a ‘world-outside’ (Außenwelt, in the Schmittian sense). His critique of the imbalanced framework of access to information and technology—and thus to knowledge—raised deeper questions about a universalism predicated on a hierarchy of cultures and civilisations. He believed that the human ability to create and think is evenly distributed, hence the importance of equitable access for all. For M’Bow, the realisation of the universal ideal required cultural exchange, which could be achieved only by rebalancing access to knowledge and information. Yet Africa was being denied its rightful contribution to this endeavour. Consequently, African actors keenly understood the nature of the impetus driving them to challenge their social conditions by reshaping the terms of engagement with the West.
M’Bow engaged with the global discourse on technology, notably in UN debates on technology transfer. He was in support of strengthening the work and mission of UN Trade and Development (UNCTAD), an intergovernmental organisation dedicated to defending the trade interests of the developing world. He was critical of a system that concentrated technological control in the hands of a few and allowed them to engineer life and shape meaning for everybody. His concerns centred on questions that remain relevant today: Who controls technology? What would the world order look like if Africa were excluded?
The idea that the contribution of African intellectuals like M’Bow have been margnalised or invisibilised stems largely from how we have often thought about the nature of knowledge coming out of Africa. The lack of engagement with such contributions speaks to a broader issue of limiting perspectives on African thought. M’Bow grew up and was educated at the intersection of diverse cultures and intellectual traditions at the dawn of the world that was coming out of the colonial script. His intellectual breadth demonstrates the creativity and adaptability with which Africans have always responded to the challenges of their time. In short, M’Bow was an intellectual in the fullest sense of the word.
With the passing of M’Bow, we have lost one of the most influential thinkers and political actors of the twentieth century. His immense intellectual curiosity, aspirational spirit and deep humanism are reflected in his prolific body of work.[6]
By intervening in global debates at a time when African voices were often excluded, thinkers like M’Bow asserted a principle of intellectual parity. For the very presence of African thought in the public domain was seen as inherently disruptive. M’Bow’s unwavering commitment and integrity allowed him to challenge and reverse entrenched structures of oppression, revealing possibilities that had long been obscured.
In summary, M’Bow’s intellectual contributions were profoundly shaped by his multilayered identity—as a Senegalese, an African, a Muslim and a global citizen. His insatiable curiosity and moral resilience guided his involvement in global governance and African politics. He stood firm in his principles, unyielding in the face of challenges. M’Bow was, indeed, the bow that was never bent.
A-M M’Bow was a living legend. We have lost a reassuring figure who bridged the twentieth and twenty-first centuries. Yet, as he transitions to the realm of ancestorhood, we are enriched by his legacy of wisdom, courage and moral fortitude. At a time when Africa seems to have lost sovereign initiative and geopolitical vision, when every major actor but Africa itself seems to have a vision for the continent, may his memory guide us back to self-determination, unity and a renewed sense of purpose.
Notes
[1] First published on March 24, 2025 in the CODESRIA Bulletin (CODESRIA Bulletin, Nos 5&6, 2024 , pp.27-30)
[2] See the MacBride Report, a popular name for ‘Many Voices, One World: Towards a New More Just and More Efficient World Information and Communication Order’,commissioned by UNESCO. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000372754
[3] Speech on Technology and Global Development, 1982.
– 1974, ‘Enquête préliminaire sur le village de Gaya, et les villages de Sénoudébou et Dembakané, 1955– 1956’, L’UNESCO et l’avenir. Paris : UNESCO.
– 1976, Le monde en devenir (réflexions sur le nouvel ordre économique international), Paris : UNESCO.
– 1977, L’UNESCO et la solidarité des nations—L’esprit de Nairobi. Paris :UNESCO.
– 1979, L’UNESCO et la solidarité des nations—De la concertation au consensus. Paris : UNESCO.
– 1981, L’UNESCO et la solidarité des nations—Entreprendre l’avenir. Paris : UNESCO.
– 1982, Le Temps des Peuples, Paris : Editions Laffont Paris.
– 1982, Aux Sources du Futur. Paris : UNESCO.
– 1984, Choisir L’Espoir, Paris : UNESCO.
– 1986, L’UNESCO: universalité et coopération internationale. Paris : UNESCO.
POUR UNE JUSTICE ÉQUITABLE
Réunies ce 1er avril 2025, 20 organisations de la société civile appellent à suspendre le vote de la proposition de loi interprétative de l’amnistie pour privilégier un dialogue constructif avec toutes les parties concernées sur cette question
Société civile appelle à des concertations sur la proposition de loi portant interprétation de la loi d’amnistie
20 organisations de la société civile se sont mobilisées pour réitérer leur appel à des concertations inclusives avant le vote de la proposition de loi portant interprétation de la loi d’amnistie, tendant à lutter contre l’impunité, à encourager l’indemnisation des victimes et à favoriser la réparation des préjudices dans le respect des droits des citoyens.
Toutefois, face aux défis persistants liés à l’impunité et aux souffrances des victimes, il est impératif de réunir pour discuter de cette proposition de loi cruciale.
La loi d’amnistie ne devrait être interprétée de manière à favoriser une justice non équitable.
Ainsi, la société civile plaide pour le respect des principes ci-après :
La recherche de la vérité : Il est important que la lumière soit faite sur ce qui s’est passé entre 2021 et 2023 ;
La lutte contre l’impunité : Il est essentiel que ceux qui ont commis des violations des droits de l’homme soient tenus responsables de leurs actes sans aucune distinction et quels qu’en soient les auteurs ;
L’indemnisation des victimes : La réparation intégrale des préjudices doit être une priorité. Les victimes doivent, alors, pouvoir accéder à des compensations adéquates pour leurs souffrances ;
L’adoption de réformes : Pour prévenir ce genre de situation et faire en sorte que de tels actes ne se reproduisent plus au Sénégal ;
La participation inclusive : Nous appelons à la création d’un espace où les voix des victimes, des organisations de la société civile, et d’autres acteurs sociaux sont écoutées et prises en compte ;
Le sursoit à l’examen de la proposition de la loi interprétative : nous appelons au respect du principe de la justice équitable et impartiale.
Par conséquent, les 20 organisations de la société civile invitent le gouvernement, les parlementaires, et toutes les parties concernées à engager un dialogue constructif sur cette question cruciale.
Bien évidemment, les concertations doivent être transparentes et accessibles, permettant à chaque citoyen d’exprimer ses préoccupations et ses suggestions.
Organisations signataires :
COSCE
Y’EN A MARRE
AFRIKAJOM CENTER
LIGUE SÉNÉGALAISE DES DROITS HUMAINS
ONG 3D
LEGS-AFRICA
RADDHO
GRADEC
RÉSEAU SIGGUIL JIGUEEN
ONDH
RADIO OXY JEUNES
AJED
CERAG
HANDICAP FORM EDUC
AFEX
OSIDEA
FORUM DU JUSTICIABLE
DIALOGUE CITOYEN
CONASUB
PRÉSENCE CHRÉTIENNE
par Nioxor Tine
UNE TRANSITION COMPLEXE
La vocation d’un régime antisystème ou tout au moins son ambition, devrait être de verrouiller toutes les portes, qui pourraient rendre possible un retour en arrière, sur le plan de l’évolution politique de notre Nation
Le vote de la loi portant interprétation de la loi d’amnistie nº2024-09 du 13 mars 2024, en vue de la clarifier, a lieu, un an jour pour jour, après la passation de pouvoir entre l’ancien président Macky Sall et son remplaçant, M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Cette coïncidence est non seulement symbolique, mais surtout révélatrice du grand malentendu, qui a prévalu, durant les douze derniers mois, entre les tenants de la continuité néocoloniale de Benno Bokk Yakaar et les cadres dirigeants de Pastef, chantres de la transformation systémique.
Il est vrai que le temps aura cruellement fait défaut. C’est ainsi, qu’entre le 24 mars 2024 qui a vu le duo Diomaye-Sonko s’emparer du gouvernail présidentiel et le 17 novembre 2024, date de l’avènement de la majorité parlementaire Pastef, il était difficile d’initier une quelconque réforme institutionnelle dans une Assemblée acquise à l’opposition. Pire, on a même pu noter une ferme volonté des parlementaires de l’ancien pouvoir du Benno-APR de déstabiliser le nouveau régime patriotique.
Politiquement défaits et électoralement désavoués, à deux reprises, par le verdict des urnes, la nouvelle opposition fait paradoxalement montre d’un activisme démesuré, d’autant plus indécent, que de multiples reproches peuvent leur être faits sur leur gestion cavalière de l’Etat, entre 2012 et 2024. La liste de leurs frasques, délits et crimes est si longue, que les magistrats de notre pays n’arrivent pas à les instruire dans des délais raisonnables, provoquant l’impatience voire l’ire des citoyens, qui trouvent les procédures judiciaires interminables. Cette lenteur est mise à profit par les délinquants à col blanc de l’ancien régime, incriminés, pour lancer des campagnes médiatiques et digitales manipulatrices, ininterrompues, en vue d’entraver le cours normal d’une Justice, elle-même malade, comme l’ont confirmé des Assises, qui lui ont été dédiées, du 28 mai au 4 juin 2024.
La vérité crue et amère est que l’institution judiciaire de notre pays a été maintenue dans un état de de vulnérabilité à divers lobbies (étatique, religieux, financiers…), qui l’a rendue impotente et incompétente, l’empêchant de dire véritablement le Droit. Ce n’est pas en quelques mois que ces vices peuvent être corrigés, d’où l’urgence de refonder la Justice.
Par ailleurs, l’ébullition, qui gagne le champ social et qui amène nos autorités à plaider pour la signature d’un pacte avec les partenaires sociaux, est la meilleure preuve du caractère superficiel des démocraties électorales, encore plus marqué sous nos cieux. Malgré des scores électoraux flatteurs et une majorité parlementaire confortable, les tares du fameux système persistent aux dépens des nouvelles autorités. Nous citerons l’hyper-présidentialisme (bridé momentanément par l’hypertrophie de la Primature), un parlement conservant encore une fonction d’enregistrement – fut-ce pour la bonne cause –, la primauté accordée aux droits civils et politiques par rapport à ceux sociaux et économiques, le maintien de lois liberticides, dans nos textes de lois.
La vocation d’un régime antisystème ou tout au moins son ambition, devrait être de verrouiller toutes les portes, qui pourraient rendre possible un retour en arrière, sur le plan de l’évolution politique de notre Nation.
Certes, la bonne foi de nos nouveaux gouvernants est perceptible à travers plusieurs actes posés, comme une reddition des comptes plus sincère que les précédentes, dénuée d’arrière-pensées politiciennes, davantage de courage politique dans la question foncière, la dénonciation des accords de pêche, le congédiement des troupes étrangères, la divulgation des entourloupes du précédent régime au niveau des finances publiques, une volonté affichée d’industrialisation et d’autosuffisance alimentaire…
Mais tout le monde connaît les limites de l’approche moralisatrice en politique, quand on sait que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Dans le passé, les forces de gauche militaient pour une révolution nationale et Démocratique, à orientation socialiste avec distanciation vis-à-vis des paradigmes de l’économie libérale.
Dans l’étape actuelle de notre évolution politique, il faudrait que les forces se réclamant du progrès de l’humanité et de l’équité sociale, dont le camp patriotique, se donnent, à tout le moins, les moyens politiques de leurs nobles ambitions.
Cela passe par la mise en œuvre de mécanismes de démocratie participative, de mobilisation populaire et de co-construction citoyenne.
Il est important d’élargir les espaces d’expression citoyenne, de promouvoir les libertés et de libérer l’initiative militante au sein du camp patriotique, dont les membres doivent devenir de véritables sentinelles de la transformation systémique.
Halte aux emprisonnements intempestifs, aux délits d’opinions, se référant aux offenses aux chefs de l’Etat, aux troubles non avérés à l’ordre public… !
L’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum est incontournable.
Il faut rassembler le maximum de forces intéressées autour d’un programme minimum commun et privilégier une délibération consensuelle et inclusive sur le devenir de nos Nations appelées, à plus ou moins brève échéance, à se fédérer.
DAKAR, LABORATOIRE SPORTIF À CIEL OUVERT
De l'aquagym sur les plages aux entraînements de lutte à la tombée du jour, la capitale vibre au rythme du sport populaire malgré l'urbanisation croissante. Un phénomène qui s'amplifie à l'approche des JOJ 2026
(SenePlus) - À l'approche des Jeux olympiques de la jeunesse de 2026, la première compétition olympique jamais organisée sur le continent africain, Dakar confirme sa position de métropole sportive majeure en Afrique. Selon un reportage de Jeune Afrique, la capitale sénégalaise voit ses pratiques sportives se diversifier et conquérir un public toujours plus large, malgré les défis de l'urbanisation galopante.
Dans les premières heures de la journée, la plage de Ngor s'anime déjà d'une activité intense. Comme le rapporte JA, des centaines de Dakarois s'y retrouvent pour des séances d'aquagym et d'exercices physiques. Ndiambé Samb, ancien militaire et pionnier de l'aquagym dans la capitale, explique comment cette pratique s'est développée : "Lorsque j'ai ouvert l'école, il y a quinze ans, nous n'étions qu'une poignée. Aujourd'hui, nous avons entre 250 et 300 participants par jour, et deux autres clubs ont ouvert depuis."
Le succès de ces initiatives repose en grande partie sur leur accessibilité économique. Le magazine précise que les cours sont proposés à un tarif modique de "300 F CFA (0,46 euros) la séance, 10 000 F CFA l'abonnement mensuel, gratuité pour tous ceux qui ne peuvent pas payer." Cette politique tarifaire inclusive permet à une large population d'accéder à ces activités, transformant le sport en véritable pratique sociale.
L'une des caractéristiques remarquables de la culture sportive dakaroise est sa capacité à transformer chaque recoin de la ville en espace d'entraînement. Jeune Afrique observe que "les Dakarois savent investir tous les espaces de la ville. Un bout de terrain vague devient un stade de foot ; les marches du Monument de la renaissance africaine, un moyen de faire du cardio."
À la plage de la Mosquée-de-la-Divinité, dans le quartier de Ouakam, les séances collectives attirent chaque soir de nombreux jeunes. Moussa Diop, un habitué, témoigne de l'attrait de ces pratiques informelles : "C'est à côté de chez moi et c'est gratuit. On peut profiter de l'expérience des lutteurs, mais on peut arrêter l'entraînement dès qu'on le souhaite. Pas de pression !"
Cette appropriation de l'espace public par le sport s'observe partout dans la capitale. Le magazine note qu'"à la fin de la journée, la ville tout entière semble convertie en terrain de sport, ouvert aussi bien aux hommes qu'aux femmes, de plus en plus nombreuses dans l'espace public, en dépit de la privatisation accrue de ce dernier."
Au-delà des pratiques quotidiennes, Dakar s'est imposée comme un lieu d'accueil pour des compétitions internationales majeures. En 2019, la ville "a abrité pour la première fois une étape du championnat mondial de surf, le World Surf League Championship Tour." Le marathon Eiffage attire chaque année près de 10 000 participants, tandis que la traversée Dakar-Gorée représente un événement incontournable pour les nageurs.
L'attribution des Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) qui se tiendront du 31 octobre au 13 novembre 2026 marque une reconnaissance internationale de cette dynamique sportive. Ibrahima Wade, coordonnateur général de Dakar 2026, souligne que "ces infrastructures seront d'une grande utilité pour la jeunesse dakaroise et les sportifs sénégalais. Nous avons saisi l'opportunité des JOJ pour améliorer ces équipements, mais aussi d'autres infrastructures de proximité dans les villes hôtes."
La préparation des JOJ 2026 s'accompagne d'importants travaux d'infrastructure. Le reportage de Jeune Afrique mentionne la rénovation de la piscine olympique de Dakar et du stade Iba-Mar-Diop, complétant les infrastructures récentes comme "l'arène nationale de lutte à Pikine, le Palais des sports Dakar-Arena et le stade olympique Abdoulaye-Wade à Diamniadio, ainsi que le skate-park de Grand Yoff."
Cependant, les autorités municipales expriment certaines réserves quant à l'héritage olympique. Pathé Ba, deuxième adjoint à la mairie de Dakar chargé des infrastructures, regrette que "les propositions de la municipalité, par exemple un aménagement urbain sur le boulevard de la Gueule-Tapée, n'aient pas été retenues." Il déplore un manque de coordination : "Nous aurions voulu arrimer notre politique sportive à celle du Comité, pour permettre à Dakar d'avoir une part d'héritage dans les JOJ, mais nous avons constaté un blocage."
Malgré ces désaccords, la municipalité poursuit ses propres projets d'aménagement urbain favorisant la pratique sportive : un parcours sportif sur la corniche Ouest, des pistes cyclables sur plusieurs kilomètres, et la construction de 19 terrains de football synthétiques "aux normes Fifa" dans les différentes communes de la ville. Un accent particulier est mis sur la promotion de la lutte traditionnelle en milieu urbain, pour que cette pratique culturelle emblématique puisse s'épanouir dans la capitale.
À travers ces multiples initiatives, tant populaires qu'institutionnelles, Dakar s'affirme comme une véritable capitale africaine du sport, où la pratique sportive s'inscrit profondément dans le quotidien des habitants et dans l'aménagement de la ville. Les JOJ 2026 représentent une opportunité historique de consolider cette position et de laisser un héritage durable pour les générations futures de sportifs sénégalais.
DEMBA BA, UN HOMME DE CONVICTION CONTRE LE RACISME DANS LE FOOTBALL
Seul directeur sportif noir en Ligue 1 et Ligue 2, l'ancien international des Lions de la Téranga évoque les obstacles rencontrés et sa détermination à être jugé sur ses compétences plutôt que sur sa couleur de peau
(SenePlus) - Dans une interview accordée au Parisien, Demba Ba, actuel directeur du football de l'US Dunkerque, s'est exprimé sur sa lutte contre le racisme dans le football, tout en évoquant ses convictions profondes et ses valeurs. L'ancien attaquant de Chelsea, qui affronte le PSG ce mardi en demi-finale de la Coupe de France, a partagé sa vision sur ce fléau qui touche encore le monde du football.
Demba Ba a été au cœur d'un événement historique en décembre 2020, lorsqu'il a incité les joueurs à quitter le terrain lors d'un match de Ligue des Champions entre Istanbul Basaksehir et le PSG, après que le quatrième arbitre roumain ait tenu des propos considérés comme racistes envers Pierre Webo. « C'était la première fois qu'on arrêtait un match pour des propos racistes et discriminatoires », rappelle-t-il dans l'interview, tout en regrettant que « malheureusement, cinq ans après, les choses n'ont pas bougé ».
Interrogé sur la décision de l'UEFA qui avait estimé que l'incident n'avait pas de caractère raciste, Demba Ba souligne un paradoxe : « Le quatrième arbitre n'a pas fait de bêtise mais il a été suspendu six mois... C'est paradoxal quand même ! » Pour lui, le combat contre la discrimination doit être celui de tous : « Je n'ai pas décidé d'être noir ou sénégalais. Quand on nous attaque, on est obligé de réagir. »
Le directeur sportif de 39 ans, né à Sèvres, préconise l'éducation comme remède principal contre le racisme : « L'éducation ! J'ai espoir de voir les choses changer un jour même si je ne vois pas comment le racisme pourrait disparaître complètement. Mais au moins diminuer. » Il précise que cette éducation doit commencer dès le plus jeune âge, impliquant à la fois les parents, le monde du sport et l'Éducation nationale.
Polyglotte parlant cinq langues et père de quatre enfants, Demba Ba insiste sur l'importance des valeurs transmises : « C'est à ce moment qu'on crée des croyances dont celles qu'il n'y a pas de race supérieure. [...] Le plus important, c'est ce que tu as au fond de ton cœur. »
Seul directeur sportif noir en Ligue 1 et Ligue 2, Demba Ba évoque les difficultés de représentation des personnes racisées aux postes de direction dans le football français. « Avant de venir à Dunkerque, un club hésitait entre deux directeurs sportifs et être noir n'a pas joué en ma faveur », confie-t-il, ajoutant avec détermination : « Si je dois être trois fois meilleur, je le serai. Je m'efforce d'être compétent tous les jours pour ne pas qu'on me ramène au fait que je suis noir. »
Concernant ses propres choix de recrutement, il affirme ne pas pratiquer de discrimination positive : « Je ne vais pas choisir quelqu'un en fonction de ses origines ou sa couleur de peau. Peu importe qui tu es. Si tu es bon et que je vois que tu es bon, on avance. »
Questionné sur les incidents racistes visant Vinicius Jr du Real Madrid, Demba Ba appelle à faire preuve d'empathie : « Il faut se mettre à la place du joueur pour savoir ce qu'il vit, comment il intériorise, il interprète. » Il ajoute : « Même si un joueur a un mauvais comportement sur un terrain de foot, tu ne peux pas te venger en tenant des propos racistes. »
Quant aux campagnes de sensibilisation comme celle menée récemment par la LFP, il reste convaincu que seule l'éducation pourra résoudre le problème à la racine : « Cela fait combien de temps qu'il existe des campagnes ? Le problème de fond reste l'éducation. Comment je vais éduquer un gamin et lui montrer qu'il n'y a pas de différence entre le blanc, le noir, le jaune, le marron... »
Musulman pratiquant, Demba Ba s'est également exprimé sur la récente polémique concernant l'interdiction du port du voile dans le sport. Il prône avant tout le dialogue et la tolérance : « Allons les uns vers les autres et asseyons-nous autour d'une table, communiquons et apprenons à nous connaître. »
S'appuyant sur sa propre expérience internationale, ayant joué dans sept pays différents, il témoigne : « J'ai réussi à me connecter avec les autres sans changer qui je suis. Donc, ça veut dire qu'il y a possibilité de le faire. »
LE DIRECTEUR DU CESTI DÉNONCE DES DÉRIVES INQUIÉTANTES
Mamadou Ndiaye dénonce des tentatives d'intimidation venant du ministère de l'Enseignement supérieur après ses critiques sur la communication institutionnelle. Une affaire qui interroge les limites de la liberté d'expression dans le milieu universitaire
(SenePlus) - D'après une interview publiée le 1er avril 2025 dans le journal L'Observateur, Mamadou Ndiaye, Directeur du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (CESTI) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, s'inquiète de la détérioration de la communication institutionnelle au Sénégal.
Cette interview fait suite à un message publié la veille sur Facebook par l'intéressé dans lequel il dénonçait déjà des pressions exercées à son encontre. Dans ce post intitulé "De la liberté d'expression au Senegal : MESRI, je n'ai pas peur !", il révélait avoir été contacté de manière discourtoise par des proches du ministre de l'Enseignement supérieur et un membre de son cabinet suite à ses critiques sur la communication institutionnelle.
"Un monsieur manifestement inculte m'a appelé un jour de korité pour me reprocher de faire le marketing du CESTI et de critiquer mon ministère de tutelle publiquement", écrivait-il, tout en défendant sa légitimité en tant que "professeur assimilé en Sciences de l'information et de la communication" à pointer des pratiques s'apparentant selon lui à de la "propagande politique".
Face à ces pressions, le directeur du CESTI concluait fermement son message : "Vos menaces ne m'ébranlent pas. C'est peine perdue."
Dans son entretien à L'Observateur, M. Ndiaye développe ces accusations, dénonçant ce qu'il considère comme des pratiques proches de la "propagande politique" de la part de certains éléments du MESRI (Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation).
"Si ce sont des éléments du Mesri qui se comportent ainsi, la liberté d'expression est menacée", déclare-t-il en titre, pointant du doigt les problèmes qui gangrènent la communication institutionnelle au Sénégal.
Mamadou Ndiaye critique notamment l'instrumentalisation politique des institutions, citant des exemples concrets : "On voit régulièrement des ministres s'exprimer sur des réseaux sociaux, pas des questions techniques ou scientifiques d'innovation et de leur département, mais pour critiquer l'opposition politique."
Interrogé sur d'éventuelles solutions, le directeur du CESTI propose la formation comme remède principal : "Le Cesti, conscient de sa mission d'excellence par l'UNESCO, propose une formation pratique aux métiers de la communication avec des Certificats pratiques en communication, y compris la production audiovisuelle."
L'universitaire conclut en rappelant que si la liberté d'expression est effectivement menacée dans l'espace public sénégalais, le combat n'est pas perdu, particulièrement dans le domaine scientifique et académique.
COMMENT LE CALENDRIER A CRÉÉ LE POISSON D'AVRIL
Entre un prince évadé à la nage, une symbolique chrétienne ou une référence aux pêcheurs bredouilles, plusieurs théories tentent d'expliquer l'emblème de nos plaisanteries printanières
(SenePlus) - Un calendrier modifié, des faux cadeaux et un poisson mystérieux. Tels sont les ingrédients qui composent l'une des traditions les plus populaires en France : le poisson d'avril. Selon Le Monde, cette coutume de faire des plaisanteries le premier jour d'avril trouverait son origine dans un changement majeur de calendrier survenu au XVIe siècle.
Jusqu'en 1564, l'année débutait officiellement le 25 mars en France, date correspondant à l'Annonciation chrétienne. Mais cette année-là, le roi Charles IX, par l'édit de Roussillon, décida de faire commencer l'année au 1er janvier, suivant une logique déjà adoptée par Charles Quint et qui sera "généralisée dans le reste du monde chrétien par le pape Grégoire XV en 1622", rapporte Le Monde.
Ce changement bouleversa une tradition bien ancrée : celle de s'offrir des présents pour célébrer le nouvel an, entre le 25 mars et le 1er avril. Plutôt que d'abandonner cette coutume, les Français la maintinrent "pour rire", transformant progressivement ces échanges en "faux présents, puis des canulars et des blagues pour marquer ce 'faux' nouvel an".
Quant à l'association avec le poisson, son origine reste plus incertaine. Le Monde évoque plusieurs hypothèses répertoriées par le grammairien Pierre-Marie Quitard dans son "Dictionnaire des proverbes et des locutions proverbiales de la langue française" de 1842.
Une première piste renvoie à un prince de Lorraine qui se serait échappé de sa prison en traversant la Meurthe à la nage un 1er avril. Une autre fait référence au début de la saison de pêche en avril, période où les poissons étaient "peu nombreux et difficiles à attraper". Le "poisson d'avril" symboliserait ainsi "la coutume d'attraper des gens simples et crédules en leur offrant un appât qui leur échappe comme le poisson, en avril, échappe aux pêcheurs".
Une dernière hypothèse, attribuée au grammairien Fleury de Bellingen, établit un lien avec la passion du Christ, renvoyé "d'Anne à Caïphe, de Caïphe à Pilate, de Pilate à Hérode, et d'Hérode à Pilate". Les représentations médiévales auraient remplacé Jésus par un poisson, symbole des premiers chrétiens, pour éviter tout blasphème.
Tradition principalement française, le poisson d'avril existe également à l'étranger, notamment dans les pays anglo-saxons où il est appelé "april fool's day" (jour des fous d'avril), en référence à la fête médiévale des fous qui se déroulait fin mars.
AU MALI, UN PASSEPORT SOUVERAINISTE... MADE IN FRANCE
Les documents censés marquer l'indépendance du Mali face à l'ancienne puissance coloniale sont produits par Idemia, une entreprise parisienne avec laquelle les autorités de Bamako nourrissent des contentieux
(SenePlus) - C'est bien une société française qui fabrique les nouveaux passeports "souverainistes" de l'Alliance des États du Sahel (AES). Selon Jeune Afrique, malgré les tensions diplomatiques entre Paris et Bamako, Idemia, entreprise française, continue de produire "12.000 à 16.000 pièces mensuelles" de ces documents censés symboliser l'émancipation vis-à-vis de l'ancienne puissance coloniale.
L'ironie est d'autant plus frappante que cette collaboration perdure en dépit de multiples contentieux. Le magazine panafricain rappelle qu'en juin 2022, la justice malienne avait convoqué Jean-Yves Le Drian, ancien ministre français des Affaires étrangères, pour "atteinte aux biens publics" concernant l'attribution du marché à Idemia (alors Oberthur) en 2015.
Plus récemment encore, les autorités maliennes accusaient cette même société d'avoir "pris en otage" le fichier biométrique des citoyens maliens, avant d'affirmer avoir récupéré ces données grâce à de jeunes hackers. Pourtant, comme le révèle JA, le contrat avec Idemia "n'ayant pas été dénoncé, sa validité est maintenue jusqu'à son échéance prévue fin 2025."
Lancés "en grande pompe" le 29 janvier dernier, ces passeports ne permettent toujours pas de voyager dans l'espace Schengen. D'après les informations recueillies par Jeune Afrique, ce blocage est dû au retard des autorités maliennes dans la transmission des exemplaires témoins aux chancelleries. Les spécimens n'ont été remis aux missions diplomatiques que le 10 mars.
La validation par les autorités françaises devrait être finalisée mi-avril pour le Mali, tandis que "le Niger et le Burkina Faso, les démarches n'ont pas encore été enclenchées par leur gouvernement respectif."
Pendant ce temps, les relations diplomatiques entre Paris et Bamako restent "glaciales". L'ambassade française fonctionne en "mode dégradé" depuis l'expulsion de son ambassadeur en 2022, et l'attribution de visas aux Maliens a drastiquement chuté.
LE DRAME DU CIMETIÈRE BÉTOIRE
À la merci des vagues de l’océan qui bouillonnent d’écumes, ce cimetière centenaire sur la corniche ouest, patrimoine classé, sombre dans le dédale de l’oubli et du délabrement
Ouvert dans le dernier quart du 20e siècle et fermé en 1973, le cimetière « Bétoire » (Abattoirs) de Dakar est ce sanctuaire où reposent l’histoire et la mémoire du Sénégal. À la merci des vagues de l’océan qui bouillonnent d’écumes, ce cimetière centenaire sur la corniche ouest, patrimoine classé, sombre dans le dédale de l’oubli et du délabrement.
Appelé cimetière musulman de Dakar, de la Gueule-Tapée ou cimetière des « Abattoirs » municipaux, ce lieu est là où repose la mémoire du Sénégal.
Le cimetière « Bétoire », perché sur la corniche de Soumbédioune, face à l’immensité de l’Atlantique, est un lieu où le silence s’impose avec la majesté d’un testament du temps. Là, les vagues murmurent des secrets anciens, et les pierres tombales, tapies dans l’ombre de la mer, semblent raconter des histoires oubliées, des vies effacées par le flot du quotidien, mais qui n’ont jamais cessé de hanter ce rivage suspendu entre l’éternité et l’instant. Ici, on n’entend que le murmure du silence mêlé du couinement des passereaux et le ressac des vagues.
Histoire, mémoire…
« Bétoire », ce nom qui évoque un réservoir ou un lieu d’accumulation, est le reflet d’un autre temps. Ce cimetière est une sorte de pont suspendu entre le monde des vivants et celui des disparus, un lieu où la mémoire se cristallise et les âmes, bercées par le souffle salé de l’océan, semblent flotter éternellement, à mi-chemin entre les vagues et les étoiles. Né au crépuscule du XXe siècle, sous le regard implacable du colonialisme, il se dresse, au fil des ans, tel un témoin solitaire de l’histoire de Dakar. Autour de lui, les bruits de la ville se mêlent aux brises marines, mais rien ne trouble ici la paix immobile des défunts. L’odeur du sel et de l’embrun se mêle à celle de la terre et de la pierre, comme si le cimetière absorbait lentement l’écho des vies qui l’ont peuplé.
En parcourant les allées du cimetière « Bétoire », on se trouve face à un monde disparate, mais étrangement harmonieux, où se croisent les croyances, les espoirs et les rites des habitants de cette capitale cosmopolite qu’est Dakar. Les tombes musulmanes, de toutes obédiences confrériques et traditionnelles, comme des fragments de cultures, se serrent les unes contre les autres. Les stèles de pierre, modestes ou ornementées, déploient leurs symboles, des versets coraniques gravés dans la pierre, formant une mosaïque presque irréelle, où l’on perçoit à la fois la beauté de la diversité et la fragilité de la vie humaine.
Le sable sous les pieds est une mer en miniature, mouvante et insaisissable, qui recouvre les traces du temps, tout en conservant intacte la mémoire des morts. Ceux qui ont fait le Sénégal dorment dans cette nécropole. À l’entrée, se dresse un mausolée auréolé par des arabesques, du fer forgé peint en vert que la brise a terni, une porte cadenassée. C’est ici que repose le premier Président de l’Assemblée nationale du Sénégal, Me Lamine Gueye, rappelé à Dieu en 1968. Il n’est pas le seul dignitaire de cette époque inhumé dans ce cimetière, on trouve aussi, entre autres, les sépultures de l’érudit de la confrérie khadriya Cherif Tourrad surnommé « la bénédiction de Dakar », de Thierno Mountaga Daha Tall exhumé quelques temps après pour être inhumé à Louga, de docteur Abass Ndao, de Djaraf Falla Paye et Pédre Diop. Entre les couloirs du cimetière, on peut lire sur les épitaphes des tombeaux d’hommes célèbres comme Omar Blondin Diop, Moustapha Lô, Abdoulaye Sadji, ceux-là que l’oubli ne peut enterrer. C’est dans ce cimetière aussi que reposent 201 soldats de la Guerre d’Algérie. Blaise Diagne, ancien maire de Dakar et Sous-secrétaire d’État aux Colonies dans le gouvernement français y est également inhumé. Sa tombe, séparée par un mur des autres sépultures, se trouve à côté de l’entrée du cimetière. Tandis que sa mère Gnagna Preira est enterrée dans le cimetière…
La mer, horizon infini qui « mange » le cimetière
La dernière personne à être inhumée à « Bétoire » est un inconnu, qui tentait de rejoindre l’Europe par émigration clandestine, il y a quelques années. Son corps a été retrouvé sur les larges de la plage. Ce lieu, suspendu entre l’histoire et l’éternité, reste un sanctuaire de paix, une mémoire vivante qui invite à une méditation silencieuse sur le sens de notre passage sur cette terre. Les grands oiseaux qui surplombent le cimetière semblent être les seuls témoins des lieux. Leurs ailes étendues comme des ombres flottantes, perchés sur les arbres dénudés, leurs plumes sombres semblent absorber la lumière. Leur présence est à la fois menaçante et solennelle, comme si ces créatures étaient les gardiennes d’un royaume où le temps ne se mesure plus.
Le cimetière des abattoirs municipaux est un lieu où la terre semble se fondre dans la mer. La brise qui s’élève de l’océan effleure les tombes comme une caresse, apportant avec elle le souvenir des âmes disparues, mais aussi des promesses d’un ailleurs, d’une éternité au-delà des frontières visibles. L’horizon, vaste et démesuré, se perd dans les brumes maritimes, comme une invitation à se perdre soi-même dans la contemplation de l’infini. Les vagues, qui se brisent contre les falaises de Soumbédioune, viennent effacer les frontières entre le vivant et le mort, entre ce qui a été et ce qui demeure.
Un sanctuaire menacé d’oubli et de ruine
Dans ce lieu d’oubli et de mémoire, les défunts ne sont jamais tout à fait partis. Ils flottent dans la mer, dans le sable. Cependant, ce patrimoine classé cède sous le poids de l’avancée de la mer. Les tombes les plus proches de l’onde sont engloutis. Leurs contours se confondent avec le fracas des vagues. Certaines se sont affaissées, d’autres se sont effondrées sous l’assaut constant des marées. Les pierres brisées, les stèles inclinées comme des spectres fatigués, paraissent prêtes à se dissoudre dans l’écume. Des fragments d’ossements émergent des sables mouvants comme des reliques oubliées.
À travers les décennies, « Bétoire » a vu passer l’histoire de Dakar, de l’époque coloniale à l’indépendance, des luttes sociales aux moments de réconciliation. Le cimetière a accueilli les corps de ceux qui ont marqué la ville, des travailleurs, des artistes, des intellectuels, des soldats et des simples citoyens. Pourtant, malgré son ancienneté et la profondeur de ses racines, « Bétoire » est menacé. L’urbanisation galopante de la ville de Dakar, le béton qui envahit progressivement les bords de la mer, met en péril ce sanctuaire de mémoire. Mais rien, ni le vent, ni l’océan, ni la progression du monde, ne pourra effacer la profonde empreinte que « Bétoire » a laissée sur Dakar. Le cimetière « Bétoire », avec ses tombes émouvantes, est un lieu paradoxal, à la fois terriblement vivant et d’une silencieuse immensité. Toujours ouvert aux visiteurs, il est un livre dont chaque page est écrite par le vent, un espace où le temps semble s’effacer, où le passé se fond dans le présent et où la mer, éternelle et vaste, est l’écho de l’histoire de Dakar.