Au lendemain de ses déclarations incendiaires contre Macky Sall, El Hadji Amadou Sall est convoqué ce lundi à la gendarmerie. L’avocat se dit prêt à aller en prison.
Un des avocats de Karim Wade, El Hadji Amadou Sall, a reçu cet après-midi à 15h30 la visite des gendarmes. Il est convoqué à la section de Recherches de Colobane à 16 heures. Selon des sources contactées par www.SenePlus.Com, l’ancien ministre se rendra à la convocation à 17 heures. "Ma valise est prête. Certainement, ils vont m’arrêter, m’entendre et me placer sous mandat de dépôt", a-t-il confié à nos interlocuteurs.
Cette convocation de Sall intervient après qu’il a déclaré que Macky Sall ne passera pas une seule nuit de plus au Palais, si Karim Wade est déclaré coupable et emprisonné le 23 mars. "La seule chose que nous pouvons faire pour l’empêcher, c’est la résistance. Il faut qu’on soit uni, pour lui faire face", a ajouté le responsable du Pds au cours d’une manifestation de soutien à son client, tenue dimanche à Guédiawaye.
Complètement déchaîné, Amadou Sall a enfoncé le clou : "Macky Sall est un peureux. Il est incompétent, incapable, et impuissant. Il n’a pas de projet de société. C’est par pur hasard qu’il est devenu chef de l’Etat. Pour lui, la seule chose, qu’il doit faire, c’est d’emprisonner Karim Wade. Nous ferons face à lui. Que tout un chacun sort son bâton, gourdin, cuillère, pilon, pour la résistance. Son seul objectif, quand il est arrivé au pouvoir, c’était de détruire la famille d’Abdoulaye Wade."
Ancien ministre de la Justice, Sall fait partie du pool d’avocats de Karim Wade. Sa verve lui a valu d’être expulsé du procès de la traque aux biens supposés mal acquis. Cette décision du juge de la Crei a été un tournant du procès de l’ancien ministre d’État. Ses collègues de la défense puis l’accusé ayant boudé l’audience jusqu’à son terme.
Karim Wade devrait être fixé sur son sort le 23 mars, jour du verdict du tribunal. Son procès s’était ouvert le 31 juillet dernier. Il est accusé d’enrichissement illicite présumé, notamment. Le procureur a requis contre lui 7 ans de prison, 250 milliards de francs Cfa d’amende et la perte de ses droits civiques.
Un réquisitoire interprété par des proches de Karim Wade comme une volonté, dictée par le régime de Macky Sall, d’écarter un "candidat sérieux" à la prochaine présidentielle. Un "plan" que semble vouloir contrecarrer le Pds. Les libéraux ayant choisi le 20 mars, trois jours avant le verdict, pour désigner leur candidat pour la course à la magistrature suprême. Un candidat qui, selon de nombreux analystes, ne devrait être autre que Karim Wade.
Darou Ndoye (Thiès), 16 mars (APS) – Le ministère de l'Agriculture et de l'Equipement rural compte aménager 345 fermes agricoles, qui vont générer environ 60 mille emplois, a annoncé dimanche Papa Abdoulaye Seck.
Les jeunes trouveront des "emplois bien rémunérés" dans les futures fermes, qui vont fournir au Sénégal des produits agricoles et lui permettre d’en exporter vers d'autres pays, selon M. Seck.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Equipement rural visitait les premières fermes aménagées à Ngomène et Darou Ndoye (région de Thiès), dans le cadre du Programme de relance de la cadence de l’agriculture sénégalaise (PRACAS).
L'exploitation de ces fermes est encadrée par l’Agence nationale d’insertion et de développement agricole (ANIDA).
Papa Abdoulaye Seck s'attend à un "exode urbain", un repli des jeunes vivant dans les villes vers les campagnes, pour travailler dans les futures fermes.
Celle de Ngomène, d’une superficie de 60 hectares, emploie 125 personnes, dont 25 femmes, selon l’un de ses responsables, Cheikh Lô Guèye.
Elle a produit cette année 195 tonnes de légumes, qui ont généré 180 millions de francs CFA, a-t-il indiqué.
LES ACTEURS DU SECTEUR INVITÉS À ''UN DIALOGUE CONSTRUCTIF''
Rufisque, 16 mars (APS) - L'ancien ministre des Infrastructures et des Transports, Thierno Alassane Sall, a invité les acteurs de l'éducation à "un dialogue constructif" sur l'avenir de l'école sénégalaise en vue de relever le niveau des élèves "fortement affaibli" par la récurrence selon lui des grèves dans ce secteur.
"Il nous faut discuter de l'avenir de l’école sénégalaise. Nous sommes à un moment où nous considérons que l'avenir de notre pays repose sur la jeunesse'', a-t-il déclaré dimanche au cours d'un meeting organisé par les femmes de l'Alliance de la section de l'Alliance pour la République (APR, au pouvoir) dans la commune de Rufisque Nord.
"Malgré la tenue de concertations sur l'avenir de l'enseignement supérieur et sur l'enseignement tout court, il y a de gros nuages qui pèsent sur notre système éducatif, parce qu'on observe trop de mouvements de grèves", a soutenu Thierno Alassane Sall.
"Nous demandons à tous les acteurs de l'éducation (...)'' à "trouver des solutions définitives aux problèmes de l'éducation (...)'', si l'on sait que le Sénégal "a trop perdu depuis 10 ans avec les grèves", a dit M. Sall, selon qui les grèves récurrentes ont engendré "une baisse du niveau des élèves".
Le Grand cadre des syndicats d'enseignants (GCSE) du moyen secondaire a annoncé la poursuite, à partir de ce lundi, de son troisième plan d'action qui prévoit la rétention des notes du premier semestre et le boycott des conseils de classe, des débrayages et une grève totale.
Ce syndicat était en grève depuis quelques semaines, pour réclamer l'effectivité de la validation des années de volontariat, de vacation et de contractualisation pour les enseignants recrutés comme fonctionnaires, entre autres revendications.
Dakar, 16 mars (APS) - Les remous au sein de l'Alliance des forces de progrès (AFP) et du Parti socialiste (PS), deux formations alliées du pouvoir, font partie des sujets les plus en exergue dans la livraison de lundi de la presse quotidienne.
"Riposte attendue", affiche par exemple Sud Quotidien, anticipant sur la réaction à venir de l'ex-numéro deux de l'AFP, El Hadj Malick Gackou, après son exclusion de ce parti dont le président de l'Assemblée nationale, Moustapha Niasse, est le secrétaire général.
"Une riposte se prépare dans les rangs des 12 membres" de ce parti exclus vendredi dernier par un comité ad hoc, avance le journal. Ils "considèrent la mesure +arbitraire+" et "vont se retrouver dans les prochaines heures pour réfléchir sur la conduite à tenir.
La perspective judiciaire n'est pas à exclure (…)", rapporte Sud Quotidien, citant des sources proches du dossier.
El Hadj Malick Gackou serait-il "sur les traces de Djibo, Idy ou Macky ?", s'interroge en tout cas Rewmi Quotidien, en rappelant la trajectoire de leaders politiques sénégalais, qui ont tous en commun d'avoir forcé leur destin après une rupture retentissante avec leur formation d'origine à un moment donné de leur carrière.
Il s'agit notamment du secrétaire général de l'Union pour le renouveau démocratique (URD), Djibo Kâ, de l'ancien Premier ministre Idrissa Seck, leader du parti Rewmi et de l'actuel chef de l'Etat, Macky Sall.
Remous pour remous, ceux enregistrés au sein du Parti socialiste ont un tout autre objet, puisque mus par l'annulation par l'Etat d'un appel d'offres de 20 milliards de francs CFA que la mairie de Dakar prévoyait de lancer. "Les causes des 20 milliards … de brouilles", indique L'Observateur à sa Une.
"L'Etat a tort devant Khalifa Sall", le maire de Dakar, assure Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du PS, parti auquel appartient l'édile de la capitale sénégalaise. "Nous soutenons notre camarade", précise M. Dieng, dont la formation siège au sein de l'actuel gouvernement.
Le maire de Dakar, Khalifa Sall, a jugé vendredi non valables les "raisons techniques" invoquées par le gouvernement du Sénégal pour suspendre l'emprunt obligataire de 20 milliards de francs CFA prévu par la municipalité de la capitale.
Le Premier ministre Mahammed Dionne avait la veille soutenu que la décision de suspendre l'emprunt obligataire prévu par la mairie de Dakar n'était pas d'ordre "politique", et s'expliquait par des raisons "techniques".
En 2014, le conseil municipal de Dakar a autorisé la mairie de lancer un emprunt obligataire de 20 milliards de francs CFA sur le marché financier de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dans le but de trouver de l'argent pour financer des infrastructures.
Cet emprunt obligataire de 20 milliards pour une durée de sept ans devait être lancé le 19 février dernier. Mais le gouvernement du Sénégal s'y est opposé, deux jours avant son lancement. Cette décision a mis l'organe de régulation des marchés financiers de l'UEMOA dans l'obligation de suspendre le lancement de l'emprunt.
L'As se demande si ce "bras de fer" est de nature à déteindre sur les relations entre l'Alliance pour la République (APR), le parti au pouvoir, et le PS. "En tout cas, renseigne le journal, Ousmane Tanor Dieng, fidèle parmi les fidèles alliés du président Macky Sall, a décidé de se ranger du côté de Khalifa Sall", renseigne le journal.
"Il n'est pas bon de s'allier à Macky Sall. Les plus grands partis de la mouvance présidentielle l'ont appris à leurs dépens, eux qui ont laissé des plumes dans le compagnonnage avec lui. L'AFP, la LD et le PS sont victimes de ce qu'on pourrait appeler le syndrome Benno Bokk Yaakaar", du nom de la coalition regroupant les partis alliés au pouvoir, résume Walfadjri.
Grand Place fait lui état d'arrestations en banlieue dakaroise, en lien avec les "stratégies de lutte" que le Parti démocratique sénégalais (PDS) compte mettre en œuvre le 23 mars, date à laquelle le juge fera connaitre son verdict, dans le cadre du procès pour enrichissement illicite visant Karim Wade, fils et ancien ministre de l'ancien président Abdoulaye Wade.
La Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) a mis en délibéré au 23 mars prochain le verdict de ce procès. Karim Wade est poursuivi pour enrichissement illicite portant sur un patrimoine évalué par cette juridiction spéciale à 117 milliards de francs CFA, parmi d'autres délits présumés.
Un célèbre lutteur de la banlieue dakaroise et une responsable d'un mouvement de soutien à Karim Wade ont été arrêtés et le délit d'atteinte à la sûreté de l'Etat "exhumé", rapporte Grand Place, ajoutant que les Renseignements généraux (RG) "alertent contre des sabotages".
Aliou Sall, le maire de Guédiawaye et frère du président Macky Sall, serait "la cible numéro 1" de ces stratégies de lutte, qui consisteraient en émeutes, pillages et attaques physiques, si l'on en croit le quotidien Libération.
"Placés en garde à vue dans le cadre de cette affaire éventée par le commissariat de Guédiawaye, Samba Bâ dit Bathie Seras et Aminata Thiam dite Aminata Nguirane seront présentés au procureur", ce lundi matin, précise le journal. "Ils sont accusés de recruter des nervis pour semer la violence dans Dakar lors du délibéré du procès de Karim Wade", précise Le Populaire.
"Bathie Seras rejoint l'écurie Rebeuss", affiche de son côté le journal Le Quotidien. Il signale que le lutteur est soupçonné d'avoir "entrepris de recruter des hommes de main pour semer le désordre dans la ville, au cas où Karim Wade serait condamné à une peine assez lourde", écrit ce journal.
LE SIENS CRIE SON DESARROI ET BANDE LES MUSCLES
DEUX MOIS APRES LA SIGNATURE DU PROTOCOLE D’ACCORD AVEC L’ETAT
Les inspecteurs de l’éducation sont en colère contre les autorités de l’Etat. Car deux mois après avoir signé un protocole d’accord avec l’Etat, ils attendent toujours la suite. Plongés dans le désarroi, ils menacent de passer à la vitesse supérieure.
Le Syndicat des inspectrices et inspecteurs du Sénégal (Siens), est monté au créneau ce samedi pour dénoncer les lenteurs notées dans le traitement de son dossier par l’Etat. Cela, deux mois après la signature d’un protocole d’accord avec le gouvernement pour mettre un terme à un long mouvement d’humeur. Dès lors, heurtés par cette situation, les inspecteurs alertent le gouvernement et menace de réagir.
«Les négociations avec l’Etat sont très mal parties ? Parce que cela fait trois mois que le protocole d’accord a été signé et il n’y a pas eu d’avancées», a déploré le Secrétaire général du Siens, Samba Diakhaté, tout en indiquant que «le système est dans le désarroi, parce que des négociations ont été suivies concernant la réflexion sur les districts. Mais concernant les autres questions, notamment la rémunération des agents de la Fonction publique, la révision des textes, la question des reclassements, des choses préjudiciables au système, c’est des simulacres».
Et face à cette situation, le bureau national du Siens tient à alerter l’opinion, tout en espérant que le gouvernement, à travers le comité de suivi des accords, va respecter ses engagements. «Après tout, le gouvernement avait dit qu’il ne signera plus d’accords qu’il ne pourra pas respecter. Mais nous constatons que le gouvernement n’est pas disposé à prendre en charge les mesures décidées suites aux revendications des syndicats», a-t-il fustigé, en avertissant que le Siens ne répondra de rien pour obtenir gain de cause.
Un problème d’interlocuteurs crédibles se posant face au gouvernement pour des négociations et pour la prise en charge des préoccupations de l’heure, M. Diakhaté a estimé qu’«il faut que toutes les parties soient mieux organisées. Il faut une formule qui devra permettre à l’Etat d’avoir des interlocuteurs crédibles. Cela n’a pas permis au gouvernement de prendre en charge jusqu’à présent les problèmes de l’heure comme la logistique avec les voitures de service prévues, le reclassement et les avancements des enseignants».
Et face à cette situation, le bureau national du Siens a exprimé «toute sa solidarité aux camarades travailleurs évoluant dans les différents sous-secteurs de l’éducation». Il a aussi réaffirmé sa «préoccupation constante pour une amélioration de leurs conditions de travail». Non sans manquer d’«exiger le respect des engagements publics (protocoles d’accords signés avec les organisations professionnelles)».
Le Siens recommande, en outre, «d’ériger en règle la culture de la concertation permanente, consubstantielle au paradigme de la reddition des comptes et à tout processus de réforme». Il dénonce aussi «les linéaments d’un regain de tension précipité par une mauvaise volonté du gouvernement notée dans le suivi du protocole d’accord signé depuis le 30 décembre 2014 avec le syndicat». Par conséquent, «le Siens invite les camarades de toutes les sections à rester vigilants et à se mobiliser autour des enjeux futurs pour le respect et la sauvegarde de l’école sénégalaise».
LE RASSEMBLEMENT DE MBAO DEGENERE EN AFFRONTEMENTS VIOLENTS
Le village de Mbao s’est transformé, hier, en un véritable champ de bataille, occasionnant des blessés graves et d’importants dégâts matériels. La réunion des Lébous qui devait servir de fenêtre de réconciliation et de rapprochement de cette communauté divisée après l’élection d’Abdoulaye Makhtar Diop comme Grand Serigne de Dakar, a dégénère en affrontements entre population et nervis recrutés par le Jaraaf Youssou Ndoye de Ouakam.
Beaucoup de blessés dont certains graves, des nervis ivres comme des Polonais, armés jusqu’aux dents et semant la terreur, une pluie de briques, de chaises en fer, des explosions de pétards pour semer la trouille, des coups de poing entre grands gaillards… Voilà le spectacle offert à Mbao, suite à des affrontements entre nervis du Jaraaf de Ouakam Youssou Ndoye et la population de ce village Lébou où le sang a coulé, hier. A l’origine de cette situation catastrophique, le forcing du dignitaire lébou de Ouakam qui était décidé à rejoindre la loge de la tribune officielle sans être invité à cette manifestation.
En effet, la collectivité léboue de Dakar s’est donné rendez-vous à Mbao ce dimanche pour échanger afin de faire revenir l’unité en son sein, mais également ses valeurs qui n’ont cependant pas pu prévaloir lors de cet évènement mensuel. L’arrivée du Jaraaf Youssou Ndoye, accompagné d'une forte délégation, dont des nervis souls et lourdement armés, a changé la donne. Voulant forcer le passage et assister à la rencontre, il a fini par plonger la manifestation dans un désordre absolu, avec des bousculades sans fin qui ont viré en affrontements indescriptibles.
Des jeunes de la localité ont, en effet, empêché au Jaraaf et sa suite d’accéder à la tribune, en faisant face aux nervis qui lançaient des pétards dans tous les sens. Le grand Serigne Abdoualye Makhtar Diop et le chanteur Gorgui Ndiaye ont alors tenté de faire revenir le groupe à la raison. Mais ce fut en vain. Youssou Ndoye et ses nervis étaient décidés à «saboter la cérémonie». Après avoir protégé le grand Serigne de Dakar de ses envahisseurs, les jeunes de la zone ont affronté les intrus qui résistaient avec des chaises et des pierres. Suite à une violente bagarre, les jeunes de Mbao ont repoussé les assaillants qui, pour sauver leur peau, ont finalement pris la fuite.
Dominés par les Lébous de Mbao, le Jaraaf de Ouakam et sa suite ont ainsi fini par prendre la poudre d’escampette et vider le village de Mbao. Arrivée tardivement sur les lieux, la gendarmerie n’a fait que constater des dégâts avec des blessés évacués au centre de santé de Mbao. Les dégâts matériels ont été importants lors de ces affrontements. Et après cette triste journée, les Lébous de Mbao sont partagés entre honte, déception et désolation face à cet acte qui n’honore guère la communauté léboue du Cap-Vert.
A noter que les organisateurs de ce rassemblement ont décidé de porter plainte contre Youssou Ndoye et ses hommes.
Ecrivain émérite, journaliste, et enseignant de profession, Boubacar Boris Diop analyse, dans l’entretien grand format qu’il nous a accordé, les grandes questions de l’heure. Le disciple de Cheikh Anta Diop livre le point de vue de l’intellectuel, lucidement et sans fard.
Vous avez mis en place une maison d’édition qui s’appelle ‘Jimsaan’, qu’est-ce qui motive votre démarche ? On sait qu’au Sénégal, il y a floraison de maisons d’édition…
C’est une situation classique : à un moment de sa carrière, l’écrivain a aussi envie d’offrir au public les livres des autres, pourvu que lui-même les aime. Et cela ne peut se concevoir qu’à travers une librairie ou une maison d’édition. Nous sommes trois auteurs à avoir fait ensemble un tel choix. Le premier résultat, c’est la reprise de Comment philosopher en islam, de Souleymane Bachir Diagne et de La plaie de Malick Fall en attendant Cantate de la Mer noire, déjà prêt, de Leonora Miano. Nous faisons de l’édition normale, sans demander aux auteurs de payer pour exister. Nous pensons que c’est la bonne démarche si on veut se prévaloir, sur la durée, d’un label de qualité. Je ne résiste pas à l’envie d’ajouter deux mots sur La plaie, revenu à la vie avec une brillante préface d’Alioune Diané de l’Ucad. Ce roman, paru une première fois en 1967, eh bien, tous ses lecteurs en avaient gardé un souvenir ébloui, même s’ils ne pouvaient plus le trouver. Il était là, discrètement recroquevillé en quelque sorte dans la mémoire collective de plusieurs générations. Les plus jeunes le découvrent avec une sorte de ravissement qui fait plaisir à voir. En le relisant, tout le monde en perçoit l’actualité, ce qui est le propre des grandes œuvres littéraires. Nous comptons continuer sur cette lancée.
Quel regard jetez-vous sur la littérature sénégalaise d’aujourd’hui ? N’avez-vous pas l’impression qu’elle est moins dominatrice que par le passé ?
Oui, cette littérature a eu son heure de gloire. On peut même dire qu’à ses débuts la littérature africaine d’expression française était quasi exclusivement sénégalaise avec des auteurs comme Abdoulaye Sadji, Ousmane Socé Diop sans parler de leurs devanciers Duguay-Clédor Ndiaye, Mapathé Diagne et Bakary Diallo. Ensuite on a eu des noms très importants, Birago Diop, Senghor, Mariama Bâ, Cheikh Hamidou Kane, Cheik Aliou Ndao, Malick Fall, Ousmane Sembène, entre autres. Mais ces temps sont bien loin.
Qu’est-ce qui explique cela ?
C’est peut-être dû en partie au fait qu’en Afrique comme ailleurs tous les publics se sont recentrés sur eux-mêmes. La crise de l’édition ne nous a pas non plus épargnés. De bons textes existent, mais ils n’arrivent pas à être publiés dans de bonnes conditions. La lecture elle-même fait face au défi des technologies, et nos sociétés, pauvres et assez fragiles, ont du mal à tenir le coup.
Et pour relancer le livre, que faut-il faire ?
Il faut de la volonté politique, mais aussi, je pense, l’investissement des acteurs culturels eux-mêmes en marge de l’Etat. Dans ce domaine, l’action citoyenne est reine. Je veux dire que ce sont des individualités qui se doivent de prendre des initiatives et des risques. A l’Etat de pousser derrière et surtout de ne pas leur empoisonner la vie.
De gros risques, non ? La littérature n’est pas particulièrement rentable.
Le royaume de la littérature n’est pas de ce monde, si vous me permettez de m’exprimer ainsi. La littérature fait rêver, mais ce serait une erreur de sous-estimer sa dimension économique. On n’y brasse pas des milliards, mais comme toutes les activités culturelles majeures elle peut créer sur la durée, sur des siècles, des revenus. Mais sa fonction la plus importante est de façonner les êtres humains, avec elle leur action sur la nature prend du sens et cela renforce leur volonté d’aller de l’avant. Ce sont là des bienfaits que l’on ne peut pas quantifier.
Et même la littérature en langue wolof ? On sait que vous écrivez en wolof - Doomi Golo en est exemple - et l'intérêt vous lui portez, mais...
J’ai publié Doomi Golo il y a douze ans. Je continue à écrire dans ma langue maternelle et j’encourage tout le monde à en faire de même, que ce soit en seereer, en wolof, en pulaar ou en joolaa. Nous avons, Joe Gai Ramaka et moi-même, réalisé un audio-book avec Doomi Golo, mais il a été sauvagement, violemment, piraté et surtout détruit.
Qui va lire ces livres écrits dans nos langues ?
Je connais cet argument, il a l’air évident mais je le trouve tellement bizarre, en fait. Jamais dans l’histoire des hommes, nulle part sur cette terre, on ne s’est dit : « Attendons que le public potentiel soit assez nombreux avant qu’on ne lui propose des romans à lire » ! Ce serait carrément fou de raisonner ainsi. Non, à l’origine le texte de fiction vise toujours une infime partie de la population puis, au fil des progrès de l’éducation, il y a un effet d’entraînement et le lectorat s’élargit sans cesse. En résumé, c’est le livre qui crée le public et pas l’inverse. C’est du reste pour cette raison que la notion de postérité est si pertinente dans l’histoire de la littérature universelle.
Sur le Président Kagamé du Rwanda - pour parler de politique africaine -, pays auquel vous portez un intérêt bien connu, s’exerce une forte pression pour qu’il quitte le pouvoir à la fin de son mandat, qu’en pensez-vous ?
Pour l’heure, personne ne sait si Kagamé va chercher à rester au pouvoir où s’il va céder son fauteuil. Il est difficile de parler d’une question sans disposer du moindre élément concret d’appréciation.
Les Occidentaux ne veulent-ils pas son départ ?
Il appartient aux Rwandais de vouloir ou non le départ de leur président. Sur un tel sujet, la phrase « Les Occidentaux veulent… » n’a aucun sens. Qu’ont-ils à vouloir ou à ne pas vouloir ? Les Occidentaux sont obsédés par leur modèle, dont tout le monde voit bien aujourd’hui les contradictions et les limites. Ils en sont bien conscients, d’ailleurs. S’ils veulent à ce point être sûrs que le monde entier continue à épouser leurs valeurs, c’est parce qu’ils sont en plein doute.
On vous a aussi entendu sur l’affaire Charlie hebdo.
L’affaire Charlie hebdo offre un exemple typique de ce que je viens de dire. C’est insupportable que des jeunes fanatisés entrent dans une rédaction pour exécuter tous les journalistes présents. C’est une infamie pure et simple. Mais ayant pris la peine de regarder les caricatures incriminées, je ne comprends toujours pas comment on peut se moquer de manière aussi blessante de la religion des autres, que ceux-ci soient musulmans ou chrétiens. J’avais pronostiqué qu’après une période de bravade on comprendrait que le monde entier ne peut pas continuer à glorifier une telle irresponsabilité. On a dû parler à ces journalistes et le message est apparemment passé.
Mais on a vu le Président Macky Sall participer à la marche de Paris !
L’Amérique latine et l’Asie n’étaient pas à cette marche. Concernant l’Afrique, seuls six chefs d’Etat francophones, dont Macky Sall, se sont déplacés. C’était pour eux une façon de faire allégeance à Paris mais le Président sénégalais a pris là un gros risque. Il y a eu dans notre pays des réactions assez vives, que je comprends et partage. Il n’est pas impossible non plus que le sujet émerge - pour utiliser un mot curieusement à la mode -un jour ou l’autre.
Quel regard portez-vous sur la gestion de Macky Sall, cela fait quand même 3 ans qu’il est au pouvoir ?
J’ai parfois l’impression que c’est un homme de bonne volonté et qui essaie de redonner à sa fonction une dignité mise à mal par Me Wade. Mais le Sénégal n’est pas un pays facile à tenir. Dès que vous avez une parcelle de pouvoir dans n’importe quel domaine, vous êtes soumis à des pressions de tout ordre. Pour un président de la République, ça doit être terrible. Faut-il réagir au coup par coup ou privilégier un projet à long terme, quitte à s’aliéner d’importantes sympathies électorales ? A mon avis, Macky Sall, peut parfois être suspecté d’etre dans cette logique frileuse. J’ai le sentiment que cela l’amène à différer le traitement de questions aussi importantes que l’éducation. Ou, celle, fondamentale, de la corruption.
On a la traque des biens mal acquis, non ?
C’est un aspect de la lutte contre la corruption. Les Sénégalais n’ont quand même pas la mémoire courte et tout le monde se souvient du temps où Karim Wade, sans aucun talent particulier, par la seule volonté de son père, était l’homme le plus puissant de ce pays. Il est donc essentiel qu’il rende compte de sa gestion des deniers publics et cela doit se faire au terme d’un procès juste et équitable. Ce qui me gêne toutefois dans la «traque des biens mal acquis», c’est son caractère purement saisonnier, post-alternance en somme. Dès que vous n’êtes plus aux affaires, on vous cherche des poux dans la tête mais tant que vous êtes au pouvoir, vous y allez à fond la caisse, personne ne vous dira rien. Je pense que le mieux serait que l’Etat se donne les moyens d’un contrôle continu, quotidien, de la gestion de nos ressources. C’est ainsi que cela se passe ailleurs, y compris dans les pays africains qui font de ce combat une question de vie ou de mort. En d’autres termes, rien ne nous prouve que certains hérauts actuels de la traque des biens mal acquis ne sont pas en train de se comporter comme les pires de leurs prédécesseurs. Des noms circulent déjà et si Macky perd le pouvoir en 2017, on nous sortira leurs dossiers. Cette approche après-coup, tristement politicienne, donne à l’opinion le sentiment d’une justice des vainqueurs.
Et naturellement, au Sénégal la corruption n’est pas que politique, loin de là, très loin de là ! Je ne parle même pas de la petite corruption, celle que nous observons chaque matin au coin de la rue, impuissants, incrédules et même amusés. Il y a bien plus grave, ce sont les grands circuits, bien rodés, de la corruption. Quand vous évoquez ces hommes d’affaires qui « arrosent » plus vite que leur ombre, qui ont dans leur( )des dizaines de fonctionnaires par jour pour ne pas s’acquitter des taxes normales, tout le monde sait bien à qui vous faites allusion. On n’en parle presque jamais et pourtant ils plombent, au détriment de la population, des secteurs entiers de l’économie.
Votre avis sur la Crei, est-ce un bon instrument juridique ?
Honnêtement, je ne sais rien de la Crei. J’en entends parler, c’est tout et n’étant pas juriste, j’ai du mal à me faire une opinion sur un sujet finalement assez technique. Karim Wade a été jugé et j’espère que le verdict, quel qu’il soit, sera équitable, basé sur des faits prouvés de manière irréfutable.
On accuse le Président Macky Sall de vouloir instaurer une dynastie, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Il y a de sérieux soupçons de népotisme, le Président et son épouse ont hélas un sens aigu de la famille mais il ne faut rien exagérer, ce n’est pas raisonnable de lui prêter l’intention d’instaurer une dynastie. Je ne crois pas du tout à cela.
Il est en train de faire comme Wade. Aliou Sall est maire de Guédiawaye et président de l’Ams…
Ça n’a rien à voir, à mon avis, même si ce qu’il fait est loin d’être normal. Wade voulait clairement que son fils le remplace à la tête de l’état et au final les deux ont tout perdu. Macky est trop jeune pour pourrir son avenir par une complaisance aussi irrationnelle.
Comment analysez-vous la sortie de l’ambassadeur de France sur le procès de Karim Wade ?
Tout a été dit sur les propos, particulièrement choquants de ce diplomate. Mais moi, ce qui m’interpelle le plus, c’est le fait même qu’on lui ait posé de telles questions, de façon si naturelle. Je suis un peu gêné de paraître m’en prendre à Mamadou Ibra Kane, pour qui j’ai du respect. Le journaliste est moins en cause que notre relation, nous les intellectuels et politiques sénégalais, à la France. C’est cette relation qui rend de telles interpellations si banales et à la place du journaliste j’aurais sûrement fait de même. Tout le monde s’est écrié : « Jamais notre ambassadeur en France n’aurait osé faire cela ! » Mais ça ne risque pas de lui arriver parce qu’aucun quotidien ne songera jamais à solliciter son avis sur quelque sujet que ce soit. Dans mon tout dernier livre La gloire des imposteurs, je raconte à Aminata Dramane Traoré ma conversation avec un ancien ambassadeur du Royaume Uni au Sénégal, devenu un ami. Il avait été auparavant en poste dans un pays anglophone et il m’a dit un jour: «Si je m’étais comporté là-bas comme je vois l’ambassadeur de France le faire ici avec les Sénégalais, je n’en serais pas ressorti vivant».Nous devons profiter de cette affaire pour nous poser des questions sur nous-mêmes. J’aurai été heureux que nos hommes politiques, oubliant leur hostilité à Me Wade, s’offusquent de cette arrogance en disant à cet homme qui crée finalement un dangereux précèdent : «D’accord, nous sommes contre Wade et sa famille mais monsieur Paganon, mêlez-vous de ce qui vous regarde !». Cela étant, on n’a pas assez relevé l’information de taille donnée par cet ambassadeur sur la nationalité de Karim Wade. Le timing de cette révélation n’est sans doute pas innocent, il s’agit de jeter le trouble dans les rangs du Pds au moment même où ses militants s’apprêtent à faire de Karim leur candidat. On peut penser que c’était une des raisons d’être de cette interview. Les Sénégalais ne sont tout de même pas aussi naïfs que certains se l’imaginent.
Et sur la sortie de Valérie Pecresse ?
Elle ne s’est pas gênée non plus. Je ne sais rien de la loi-cadre qui choque tant le Saes et je n’ai rien à dire là-dessus mais je ne comprends pas l’immixtion publique d’une ancienne ministre française dans ce dossier. A-t-elle voulu se porter au secours de Mary Teuw Niane ? Si c’est le cas, elle se surestime drôlement. Ayant côtoyé Mary Teuw Niane, pendant quelque temps, je garde de lui le souvenir d’un homme de conviction, intègre et extrêmement courageux mais je ne suis pas sûr que cette sortie inopportune de Valérie Pécresse lui ait rendu service.
Quelles leçons tirer de ces sorties de Paganon et Pecresse
Ces deux épisodes devraient nous rappeler qu’il nous reste encore beaucoup de travail pour rendre notre pays réellement souverain. Derrière cette arrogance paresseuse, d’importants intérêts économiques sont en jeu. Mais vous savez, c’est peut-être une erreur de mesurer notre état de dépendance, notamment vis–à-vis de Paris, en ne pensant qu’aux chefs d’Etat. La France a repensé les conditions de son hégémonie sur le pré-carré en prenant en compte une nouvelle donne, le jeu multi-partisan. Avant, il suffisait de serrer de près le président esseulé et tout-puissant dans son palais. Aujourd’hui, on sait gérer ses rivaux et on exerce un contrôle de proximité sur les élites sénégalaises, un contrôle très strict. Le maillage est impitoyable : à l’ambassade de France, on sait qui compte dans ce pays et sur quelles Ong de droits de l’homme, sur quel mouvement de protestation soi-disant spontané ou groupe de presse on peut miser. Ce sont les secteurs qui orientent l’opinion, font bouger la société, et la mainmise de Paris sur ces leviers est à la fois extrêmement raffinée et efficace. Ça permet d’ailleurs de tenir encore plus sûrement le Président lui-même, car il sait bien que du jour au lendemain ces forces peuvent être lâchées contre lui. C’est là à mon humble avis un chantier de réflexion très intéressant, en particulier pour la gauche en cours de reconstitution. Il n’y a pas longtemps on était tous furieusement anti-impérialistes au Sénégal, le moment est venu de s’en souvenir, soit dit sans malice.
Ainsi Karim Wade ne peut légalement plus être candidat ?
Je n’ai personnellement jamais pris au sérieux l’idée que Karim Wade pouvait succéder à son père. Jamais. Pas même quand il était au faîte de sa gloire. Mais ce ne sont pas les révélations de Paganon qui vont arrêter Abdoulaye Wade. Il est dans une forme de désespoir assez pathétique, comme le montrent ses récents propos contre le président Sall et il réussira à imposer Karim comme candidat du Pds à la Présidentielle. Ce ne sera pas facile mais cela se fera malgré tout.
En fait, l’important pour lui, c’est de donner à Karim Wade le profil du prisonnier politique idéal. Je pense que les grosses pointures de son parti acceptent cette candidature de pure fiction en se disant qu’ils pourront toujours aviser en 2017. Leur attachement à Wade est tel qu’ils ne peuvent pas lui refuser cette ultime arme pour sauver la mise à son fils. Mais cela ne va pas sans doute pas plus loin que cela. Même si Karim était éligible, personne ne voit ces cadres libéraux commettre un suicide en se rangeant derrière un poids plume de la politique.
Le terrorisme menace la bande sahélienne, le Sénégal doit-il craindre pour sa sécurité ?
Le Sénégal résiste jusqu’ici plutôt bien, mais je crois, avec le général Mansour Seck, ancien chef d’état-major des armées de ce pays, qu’il nous faut être vigilants. Un travail d’endoctrinement est en cours, il pourrait saper à terme les fondements mêmes de notre vivre-ensemble. Ces choses-là n’arrivent jamais du jour au lendemain, ni au Mali ni ailleurs. Boko Haram non plus n’est pas né par génération spontanée. Il nous faut garder les yeux ouverts sur certains processus d’incubation, cette vigilance n’étant d’ailleurs pas du seul ressort de l’Etat même si celui-ci a un rôle très important à jouer. On entend parfois des propos tellement incroyables sur nos radios et nos télévisions qu’on se demande avec angoisse ce que ce pays est en train de devenir.
On vous sait très attaché à Cheikh Anta Diop, pourquoi ?
Cheikh Anta Diop s’est imposé par la puissance de sa réflexion personnelle et à force de travail désintéressé, comme l’un des intellectuels les plus importants de tous les temps. Sur des questions majeures, il avait vu juste et chaque jour que Dieu fait on entend quelqu’un déclarer: «Ça, Cheikh Anta Diop l’avait dit mais nous n’avons hélas pas su l’écouter». On l’entend à propos de l’énergie solaire, de la faiblesse des armées africaines ou de la notion même de souveraineté nationale. Et je ne dis rien de son combat sans relâche pour les langues nationales ou pour la promotion de l’idée fédérale en Afrique subsaharienne. Il s’agit là de sujets vitaux, qui nous interpellent avec plus de force que jamais. Quand on en vient au pays de naissance de Cheikh Anta Diop, le Sénégal, on ne peut que déplorer le retour en force des entreprises étrangères, singulièrement françaises. Cela ne lui aurait certainement pas plu. Nous parlons avec Cheikh Anta Diop d’un homme fier de ce qu’il était mais respectueux des autres. Cela l’aidait à rester serein et courtois face aux coups venus de toutes parts sans pour autant l’empêcher d’être un scientifique intraitable. Personne n’a jamais réussi à l’impressionner et dans ma vision personnelle du monde, cela compte plus que tout.
Qu’est-ce qui peut étayer vos derniers propos ?
Pendant longtemps, il a été seul ou presque à soutenir la thèse d’une origine africaine de l’espèce humaine. Des idéologues déguisés en savants lui ont opposé toutes sortes d’arguments aussi spécieux les uns que les autres. Pourtant, les vues de Cheikh Anta Diop sur ce point précis sont, aujourd’hui, un lieu commun de la science. Ça ne se discute plus. Qu’ont dit ceux qui l’attaquaient avec une si folle virulence ? Rien. On aurait aimé les entendre reconnaître une erreur aussi flagrante, leur silence est la preuve de leur manque de rigueur intellectuelle et d’honnêteté. Comparaison n’est pas raison, comme on dit, mais Cheikh Anta Diop s’est affirmé à une époque où il était quasi impossible de produire une pensée en dehors des carcans mentaux de l’Occident. C’est exceptionnel, encore une fois, une telle force de caractère. Comme beaucoup de grandes figures de son temps – Mamadou Dia, Senghor, Abdoulaye Ly entre autres - il était insensible à l’argent mais lui y ajoutait un mépris total des honneurs.
Que reste-t-il de son héritage aujourd’hui ?
Des jeunes Sénégalais qui ne l’ont connu qu’à travers ses ouvrages viennent de prendre l’initiative d’une tournée dans quelques régions du Sénégal pour sensibiliser la population à la nécessité d’enseigner la pensée de Cheikh Anta Diop dans nos écoles. Leur pétition a recueilli des milliers de signatures et ils ont agi ainsi spontanément. C’est une magnifique revanche de Cheikh Anta sur certains de ses compagnons naguère exaspérés par ce qu’ils appelaient son manque de réalisme politique. Cet homme a toujours été dans l’Histoire et c’est cela qui faisait la différence entre eux et lui.
Vous faites partie des intellectuels que le fameux discours de Dakar de Sarkozy avait fait réagir. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Vous savez, il y a eu une courte période où certains secteurs de l’intelligentsia parisienne se sont mis à l’afro-pessimisme. On ne sait pas d’où venait tout cela mais du jour au lendemain pas mal de livres et d’articles ont été publiés sur le thème : «L’Afrique, c’est fichu, osons le dire tout haut, on en a marre de toute cette hypocrisie ! ». Et tous ces gens barbotaient à vrai dire dans un racisme assez ordinaire mais soudain curieusement décomplexé. C’est qu’ils avaient désormais la possibilité de se lâcher en se réfugiant derrière les textes d’Axelle Kabou, d’Ettounga-Manguelle ou telle citation d’Achille Mbembe. Négrologie, de Stephen Smith, a été le texte-phare de cette mouvance. Francois-Xavier Verschave, Odile Tobner Biyidi et moi-même y avons répliqué par Négrophobie et cela a beaucoup calmé ce monsieur que l’on n’entend d’ailleurs plus. Tout cela pour dire quoi ? Eh bien, que l’auteur du discours de Sarkozy, Henri Guaino, est allé puiser à pleines mains dans cette littérature tout à fait douteuse. A l’époque, on était dans une forme de coquetterie assez amusante du style «Qui aime bien châtie bien, ces Africains il est temps de leur dire d’amères vérités !» etc. Aujourd’hui, le discours a changé du tout au tout : on vante nos taux de croissance et on nous dit sans rire que l’Afrique est l’avenir de la France. Pour en revenir au discours de Dakar, Sarkozy se croit autorisé à nous insulter les yeux dans les yeux mais comme je le fais souvent remarquer, il s’interdit de prononcer le nom de l’université qui l’a invité pour n’avoir pas à prononcer celui de Cheikh Anta Diop. Cette haine tenace et tout de même puérile de l’establishment français à l’égard de Cheikh Anta Diop ne doit rien au hasard. Il est des inimitiés qui vous honorent, en fait. Sarkozy, n’arrive pas à la cheville de Cheikh Anta, ni moralement, ni encore moins intellectuellement. Si je dis cela, c’est parce que notre donneur de leçons d’histoire à Dakar est aujourd’hui dans de beaux draps à Paris. Au rythme où vont, en effet, les «affaires» le concernant, il pourrait bientôt apparaître comme l’un des politiciens, sinon le politicien le plus corrompu de l’histoire récente de son pays. La question du financement libyen de sa campagne électorale, qui n’a pas livré tous ses secrets, est tout simplement ahurissante quand on voit ce que la patrie de Mouammar Kadhafi est devenue. Un tel homme était-il le mieux placé pour nous dire comment gérer un pays dans la transparence ?
Pour finir par la littérature avec quoi nous avions commencé, où en êtes-vous avec l’écriture ?
Entre août et janvier j’ai dirigé un séminaire à l’université de Zurich sur «Fiction romanesque et devoir de mémoire» et puisque cette ville est très calme, j’y ai travaillé d’arrache-pied sur Bàmmeelu Kocc Barma, mon prochain texte. Je crois bien que j’ai rarement eu une telle maîtrise de mon univers romanesque. Certains jours, j’étais fou de bonheur. Malheureusement, depuis mon retour au pays ce texte est à l’arrêt, je n’en ai ouvert le fichier que deux fois sans d’ailleurs rien pouvoir faire. Ecrire au Sénégal, c’est loin d’être évident, en tout cas pour moi. Voilà pourquoi je m’en absente si souvent. Mais en ce moment, je consacre l’essentiel de mon temps à une initiative très originale consistant à traduire des classiques de la littérature universelle en wolof. Deux amis et moi sommes sur Une saison au Congo de Césaire, et L’Africain, de Le Clézio. Petit Bodiel de Hampâté Bâ viendra ensuite, en plus de trois albums pour la jeunesse et de Matigari, de Ngugi Wa Thiong’O. Pour les trois premiers ouvrages, les droits ont déjà été acquis par l’éditeur et les discussions sont en cours pour les autres titres. Tout cela se fera dans le cadre d’une collection dénommée «Céytu». Les ouvrages seront mis tous ensemble sur le marché en mars 2016. Nous aimerions cependant que la pièce de Césaire, Une saison au Congo, soit jouée en décembre prochain à Dakar en prélude au lancement de la collection. Des discussions ont lieu depuis quelques jours, et la troupe contactée est en train de réfléchir à la réponse qu’elle va nous donner. Nous avons cependant des raisons d’être optimistes. J’ajoute que je viens de finir une nouvelle sur l’affaire Charlie Hebdo, intitulée Brève journée parisienne, que l’on m’a commandée de Cape Town et qui va y paraître sous peu en anglais. J’étais à Paris le 7 janvier, et je raconte dans cette courte fiction ce que j’ai vu, entendu et ressenti ce jour-là.
VERS UN 23 MARS DE TOUS LES DANGERS
LE RASSEMBLEMENT DES MOUVEMENTS DE SOUTIEN A KARIM SUR LE PIED DE GUERRE
Le rassemblement des mouvements de soutien à Karim Wade n’acceptera pas une décision de condamnation du fils de l’ancien Président le 23 mars prochain, jour du délibéré dans l’affaire de l’ancien ministre des Infrastructures et Cie. En conférence de presse avant-hier samedi à la permanence du Pds, les membres de ce rassemblement informent qu’ils n’assisteront pas à une condamnation de leur mentor les bras croisés.
La Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) va rendre son délibéré le 23 mars prochain dans l’affaire Karim Wade qui encourt une peine ferme de sept ans si les réquisitions du parquet spécial sont confirmées par le Président Henri Grégoire Diop et ses assesseurs. Un délibéré également attendu du côté des nombreux mouvements de soutien au fils de l’ancien président de la République qui ont décidé ce week-end de fédérer leurs forces à travers un mouvement dénommé «rassemblement des mouvements de soutien à Karim Wade».
En conférence de presse à la permanence du Pds, les membres de ce rassemblement affirment que la seule décision de justice qui vaille à leurs yeux, c’est la relaxe de l’ancien ministre de la Coopération, la seule décision de justice qui vaille à leurs yeux. «Toute décision contraire sera perçue comme la suite d’une machination ourdie par le l’actuel président de la République pour détruire un adversaire politique. Ce que nous n’accepterons pas», tonne Albert Waly Ndong qui argue que tous les Sénégalais épris de vérité, de justice équitable et de patriotisme en ont assez de ce procès de fiction monté de toutes pièces. Poursuivant, il indique : «Ce n’est pas la libération d’office de Karim Wade qui va causer des troubles à l’ordre public dans notre pays, c’est son emprisonnement politique sans preuves qui va plonger notre pays dans des vagues de troubles tourbillonnants», martèle le jeune karimiste.
Ainsi, le rassemblement avertit qu’il ne va pas rester les bras croisés devant une éventuelle condamnation de son leader. Même si ces responsables des mouvements de soutien à Karim se gardent de révéler leur stratégie, ils seront sur le terrain pour apporter la réplique à la condamnation probable de Wade-fils par la Crei. A moins que, déclare Marie Aw, le Président de la Cour en condamnant leur mentor puisse poser sur la table les 117 milliards de l’inculpation car les Sénégalais ont besoin d’une preuve. «Nous avons besoin de voir des milliards et non des bijoux», clame Galo Tall. «Si le M23 a connu son 23 juin, les libéraux auront leur 23 mars», menace-t-il.
En prélude de cette journée historique, le rassemblement des mouvements de soutien à Karim Wade a prévu de sonner la mobilisation le 21 mars à la permanence du Pds. Les différents membres du rassemblement des mouvements de soutien à Karim Wade ont profité de cette rencontre pour dénoncer les déclarations de l’ambassadeur de France Jean Félix Paganon qui a révélé qu’une décision de relaxe du fils de l’ancien Président serait une surprise. Une prise de position tranchée de la France, constatent les camarades de Waly Albert Ndong. «Nous accusons la France par le biais de son ambassadeur d’être l’instrument communicationnel politique du régime manipulateur de Macky Sall pour sonder l’opinion publique face à la condamnation de Karim Wade dont le ticket est dans la poche du Président de la Crei depuis le 31 juillet 2014», peut-on lire dans la déclaration liminaire du rassemblement qui tient à rappeler au chef de l’Etat que le Sénégal n’est plus à l’ère coloniale.
Waly Albert Ndong de rappeler le séjour de Paganon en Egypte au moment où ce pays se déchirait. Il en déduit que l’ambassadeur veut détruire le Sénégal. Les conférenciers ont par ailleurs évoqué le droit de réserve obligatoire qui incombe aux représentants diplomatiques pour soutenir que la conséquence d’un tel comportement est l’exclusion de ce dernier de son poste.
"SI JAMAIS MACKY SALL FAIT EMPRISONNER KARIM WADE, IL NE PASSERA PAS UNE SEULE NUIT DE PLUS AU PALAIS"
Voilà une sortie qui va faire date et du bruit. C’est un Me El hadji Amadou Sall extrêmement virulent et très menaçant qui s’est prononcé hier sur l’issue du procès Karim Wade. Il s’est violemment attaqué au président Macky Sall.
Le responsable libéral prenait part à une manifestation organisée par le mouvement de soutien à Karim Wade dénommé "Disso diam Karim Wade", à Guédiawaye. Devant un public acquis à sa cause, Me El hadji Amadou Sall a déclaré :
"Si Macky Sall fait emprisonner Karim Wade, il ne passera pas une seule nuit de plus au Palais. Karim Wade sera emprisonné le 23 mars. La seule chose que nous pouvons faire pour l’empêcher, c’est la résistance. Il faut qu’on soit uni, pour lui faire face".
Dans la même lancée, le responsable du PDS a martelé que "Macky Sall est un peureux. Il est incompétent, incapable, et impuissant. Il n’a pas de projet de société. C’est par pur hasard qu’il est devenu chef de l’Etat. Pour lui, la seule chose, qu’il doit faire, c’est d’emprisonner Karim Wade. Nous ferons face à lui. Que tout un chacun sort son bâton, gourdin, cuillère, pilon, pour la résistance. Son seul objectif, quand il est arrivé au pouvoir, c’était de détruire la famille d’Abdoulaye Wade".
L’avocat a longuement poursuivi sur la même lancée, avec des mots qu’EnQuête a décidé de ne pas reproduire.
"Nous ferons face..., comme cela a été fait le 23 juin 2011"
L’ancien député Doudou Wade, absent de la scène politique depuis un certain temps, était également présent. Il a fait un appel dans le sens de son camarade de parti.
"Nous avons une justice revancharde qui veut emprisonner ce garçon (Karim Wade). Nous ferons face à l’oppression, à l’injustice, dans les mêmes formes et même manières que cela a été fait le 23 juin 2011. Il faut que Macky Sall se ressaisisse. S’il a encore en tête cette déclaration de 2010, pour dire qu’il a une revanche à prendre sur le PDS, sur Abdoulaye et sa famille, qu’il sache que nous serons comme le loup qui attaquera tous les agneaux. Et si ce n’est pas toi, ce sera donc ton frère", a promis l’ex-président du groupe parlementaire.
Selon lui, l’actuel pouvoir a peur. "Il faut que les sénégalais comprennent que nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant cette agression de l’Etat du Sénégal. Nous ferons face quoi qui puisse arriver. On nous attaque, on nous brime. On ne l’acceptera pas" a pesté Doudou Wade qui ne s’arc bouter durant toute la manifestation sur sa canne.
Le bras de fer qui oppose le Gouvernement à la Mairie de Dakar dans le cadre du blocage de l’emprunt obligataire de 20 milliards FCfa va-t-il déteindre sur les relations entre l’Alliance pour la République (Apr) et le Parti socialiste ? En tout cas, Ousmane Tanor Dieng fidèle parmi les fidèles alliés du Président Macky Sall a décidé de se ranger du côté de Khalifa Sall.
Alors que l’alliance entre l’Apr et le Ps a jusqu’ici résisté à toutes les bourrasques, le dossier de l’emprunt obligataire que voulait lancer la Ville de Dakar pourrait précipiter la séparation entre ces deux formations politiques au sein de Benno Bokk Yakaar (Bby). Au moment où les tenants du pouvoir accusent le maire de Dakar de jouer aux victimes, les socialistes soutiennent que c’est Khalifa Sall qui a raison de bout en bout dans cette affaire. En marge de l’installation du nouveau secrétaire général du Mouvement des élèves et étudiants socialistes (Mees) Dibocor Faye, Ousmane Tanor Dieng a fait face à la presse pour se prononcer sur cette affaire et asséner ses vérités.
Le leader du Ps, qui ne comprend pas la volte-face de l’Etat, estime qu’on ne peut pas donner son accord trois ans durant et se lever un beau matin pour se retirer de tout. D’où sa décision de se ranger du côté du maire de Dakar. «Nous l’avons dit dès le départ, nous soutenons notre camarade Khalifa Ababacar Sall. Nous sommes solidaires du combat qu’il mène, parce que comme il l’a indiqué, l’avis de non objection qui avait été soumis au Gouvernement a été le fil conducteur du dossier et c’est sur la base de cet avis de non objection que le Gouvernement américain et l’Usaid se sont engagés dans le processus», a indiqué Ousmane Tanor Dieng qui souhaite que le gouvernement et la Ville de Dakar trouvent un terrain d’entente.
«C’est le gouvernement qui a donné son accord, il y a de cela trois ans. On ne peut pas donner son accord trois ans durant et un beau jour se dire que cet accord ne tient plus. La signature que j’avais apposée, je vais l’effacer. L’Etat, c’est la continuité. Ce n’est même pas bien pour la stabilité des rapports. S’engager dans un processus, aller jusqu’au milieu et se décider subitement comme ça de se retirer, ce n’est pas bon», soutient le socialiste en chef.