SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
17 novembre 2024
LE MAGAL, UNE AFFAIRE DE STYLE
Ceintures, bracelets, chaussettes : chaque objet raconte l'histoire du mouridisme. Pour les millions de pèlerins, ces articles sont bien plus que de simples décorations. Ils sont le symbole d'un lien tangible avec les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba
Les accessoires constitués principalement de ceintures, bracelets, chaussettes, sacoches, chapelets et colliers à l’effigie des guides de la confrérie sont les objets les plus prisés des milliers de fidèles mourides qui prennent part au grand Magal de Touba.
Un tour chez des vendeurs installés aux abords de la grande mosquée de Touba suffit pour s’en convaincre.
Installés dans leurs stands ou à même le sol, les vendeurs d’accessoires exposent à l’intention des milliers de pèlerins venus célébrer la 130e édition du grand Magal de Touba, évènement religieux commémorant le départ en exil du fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, dit Serigne Touba.
Debout derrière le comptoir, en pleine discussion avec des clients, Moussa Niane, la soixantaine, est un commerçant spécialisé depuis plusieurs décennies dans la vente de ces accessoires.
Son magasin, situé à quelques mètres de la grande mosquée de Touba, inaugurée le 7 juin 1963 par Mouhammadou Fallilou Mbacké, le deuxième khalife général des mourides, ne désemplit pas. Il propose aux fidèles tous les articles qui permettent visuellement d’identifier le mouride, de par son accoutrement et les accessoires qui vont avec.
”Cela fait 22 ans que je pratique ce métier qui a fait ma réputation et qui m’a tout donné’’, déclare Moussa, sourire aux lèvres, tout en se caressant la tête à la dense chevelure poivre et sel.
Il propose à sa clientèle, entre autres, des chaussettes, bracelets, colliers, sacoches et ceintures en cuir, entièrement fabriqués au Sénégal, ainsi que des chapelets en bois d’ébène, provenant principalement du Burkina Faso. Des accessoires ‘’typiquement mourides’’, selon lui.
Trouvé sur place, Malick Ba, un jeune pèlerin en provenance de Saint-Louis, vient d’acquérir, à 7 000 francs CFA, une sacoche en cuir en forme de collier communément appelé ‘’Makhtoumé.’’
‘’Si je l’ai achetée c’est pour d’une part garder mon argent, mais également pour montrer mon appartenance à la famille mouride”, confie le fidèle, portant une grosse ceinture, à la taille, de même qu’un collier à l’effigie de Serigne Modou Kara Mbacké.
‘’Cet accoutrement, c’est pour me rappeler qui je suis à chaque fois que je serais tenté de commettre le mal ou quelque chose qui irait à l’encontre des recommandations de Dieu, de son prophète, Mouhamed (PSL) ainsi que celles formulés par Serigne Touba’’, soutient Cheikh Gningue, un autre pèlerin.
Venue de la Gambie, Fatou Dieng a jeté son dévolu sur les chaussettes pour, dit-elle, ”mieux circuler avec aisance dans les lieux de cultes et de recueillement’’ où le port de chaussures est strictement interdit.
‘’Ces accessoires étaient à l’origine portés par les Baye Fall, des disciples mourides ayant prêté allégeance à Cheikh Ibra Fall, lui-même disciple de Cheikh Ahmadou Bamba’’, a fait savoir Makhtar Diop Baye Fall, un autre vendeur installé devant la mosquée.
Vêtu d’un ”njaxas”, c’est-à-dire ces tissus en patchwork, porté par les Baye Fall, il explique que si ces objets résistent aujourd’hui au temps et traversent ainsi les générations, c’est parce qu’ils sont ”indémodables et peuvent s’adapter à tout type d’accoutrement”.
TOUBA, CAPITALE D'UN JOUR DU SÉNÉGAL
Malgré les intempéries, les pèlerins affluent nombreux pour prier et se recueillir. Cette 130ème édition s'annonce encore riche en émotions et en enseignements sous le thème de l'éducation
Des dizaines de milliers de fidèles convergent depuis vendredi tôt le matin vers la grande mosquée de Touba pour prier et se recueillir à l’occasion de la célébration la 130e édition du grand Magal, en souvenir du départ en exil au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, l’une des principales confréries musulmanes du Sénégal.
L’évènement religieux se tient cette année encore en plein hivernage, ce qui a rendu difficiles les déplacements dans la cité religieuse en proie à des inondations en dépit de l’important dispositif de pompage des eaux mis en place par les autorités.
La Police a déployé 4 331 agents et 144 véhicules pour assurer la sécurité des personnes.
Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a mis en place un ”important dispositif” de surveillance épidémiologique de la variole du singe, assure le directeur régional de la santé de Diourbel.
Conformément à la tradition, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, élu le 24 mars 2024, était à Touba, lundi, pour sa visite de courtoisie au Khalife général des mourides. Le chef de l’État s’est entretenu avec le guide religieux Serigne Mountakha Bassirou Mbacké.
Bassirou Diomaye Faye lui a réitéré sa volonté de régler les problèmes liés à l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement à Touba.
‘’Mon premier projet pour les cinq ans à venir sera de régler les problèmes liés à l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement de la cité religieuse de Touba”, a-t-il déclaré.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a lui aussi rendu, mardi, une visite de courtoisie auprès du Khalife général.
Les conférences et plateaux inscrits au menu de la 130ème édition du grand Magal de Touba portent sur le thème général ‘’L’éducation à l’ère de la mondialisation”, a indiqué le président de la Commission culture et communication du comité d’organisation, Cheikh Abdou Lahat Mbacké Gaïndé Fatma.
”Le Magal n’a jamais de thème. Mais chaque année, il y en a un qui est choisi pour les conférences et plateaux où on peut impacter sur le vécu des fidèles. Et pour cette année, c’est +l’éducation à l’ère de la mondialisation+, qui est retenu comme thème ”, a-t-il déclaré lors d’un entretien avec des journalistes de l’APS en déplacement à Touba en perspective de l’évènement religieux.
Ce thème sera développé lors des différents plateaux et conférences organisés le jour-J par d’éminents savants et cheikhs soufis du Sénégal et de la quinzaine de pays invités, a précisé Cheikh Abdou Lahat Mbacké Gaïndé Fatma.
‘’On recevra 15 nationalités à Touba, cette année, pour le Magal […] et à peu près une quarantaine de personnalités”, a dit Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gaïndé Fatma.
Une quinzaine de pays dont l’Égypte, le Maroc, l’Algérie, le Burkina Faso, le Nigéria, le Ghana, la Guinée-Bissau, les Etats-Unis, la France, les Émirats arabes unis seront présents avec des délégations composées pratiquement que de ‘’soufis’’, un critère important pour le comité d’organisation.
De plus, ‘’une centaine de délégations religieuses avec plus de 400 personnalités vont assister au Magal’’, a-t-il indiqué.
‘’Beaucoup sont des universitaires, des personnes qui ont une certaine crédibilité, qui sont bien connues dans leur pays’’ et au retour elles ‘’vont faire un peu la promotion de l’islam tel qu’il est vécu au Sénégal’’, a-t-il avancé.
Selon lui, de nombreux pays arabes notamment ne connaissent pas l’islam confrérique tel que pratiqué au Sénégal.
Le Grand Magal de Touba, organisé sous sa forme actuelle depuis 1928, est un évènement religieux annuel commémorant le départ en exil au Gabon (1895-1902) de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme, l’une des principales confréries musulmanes du Sénégal.
Né vers 1854, Cheikh Ahmadou Bamba s’est attribué le titre de Khadimou Rassoul, “serviteur du prophète”.
Il est le fils de Mouhamad Ibn Abiballah, plus connu sous le nom de Mor Anta Saly, un serviteur de l’aristocratie princière, juriste-conseiller, un imam très respecté des musulmans et des rois. La mère de Bamba, Mame Diarra Bousso, surnommée “Diarratoullahi” ou “proche d’Allah”, était reconnue pour sa piété.
Ahmadou Bamba qui préféra rester loin des palais dira : “si mon défaut est la renonciation aux vanités des princes, c’est là un précieux vice qui ne me déshonore point”.
Il assimila le Coran et certaines sciences religieuses telles que la théologie, la prière et le droit musulman etc. Jusqu’en 1882, Ahmadou Bamba s’occupa de l’enseignement de son père tout en écrivant des ouvrages dans le domaine de la jurisprudence, de la théologie et le perfectionnement.
Après la mort de son père, Ahmadou Bamba devient un guide et fonda la voie mouride dans un contexte de domination coloniale française. Ce qui était d’ailleurs vu d’un très mauvais œil par l’administration coloniale.
Le colon français, craignant que les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba, résistant anti-colonial, ne suscitent un soulèvement populaire, décide de l’exiler au Gabon entre 1895 et 1902.
‘’Le motif de mon départ en exil est la volonté que Dieu a eue d’élever mon rang jusqu’auprès de Lui, de faire de moi l’intercesseur des miens et le serviteur du Prophète Mohamed (PSL)’’, avait, selon la tradition, indiqué Cheikh Ahmadou Bamba.
Khadimou Rassoul (serviteur du prophète Mohamed) est resté sept ans au Gabon, sur l’île inhospitalière de Mayombé, bravant toute sorte de dangers.
Il y a supporté plusieurs brimades de la part du colonisateur français engagé dans une croisade contre l’islam au Sénégal. Des années de surveillance, de privation, de solitude et de persécutions, relatent des historiens.
Ahmadou Bamba est mort en 1927 à Diourbel. Mais son héritage est perpétué par ses fils : Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké (1927-1945), El Hadj Falilou Mbacké (1945-1968), Serigne Abdoul Lahat Mbacké (1968-1989), Serigne Abdou Khadr Mbacké (1989-1990), Serigne Saliou Mbacké (1990-2007).
La disparition en 2007 de Serigne Saliou Mbacké a ouvert l’accession des petits-fils au khalifat : Serigne Mouhamadou Bara Mbacké (2007-2010), Serigne Sidy Moctar Mbacké (2010-2018) et Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, qui est le Khalife général des mourides depuis 2018.
Le Magal, terme wolof voulant dire rendre hommage, célébrer, magnifier, est commémoré en souvenir de cet exil qui marque le début d’une somme d’épreuves supportées en conscience par le Cheikh, suivant un pacte contracté avec son créateur.
Chaque année, des dizaines de milliers de pèlerins prennent d’assaut la ville de Touba pour se recueillir et prier à l’occasion du Magal, qui est également un moment de convivialité et d’hospitalité à travers les ‘’berndé’’, ces copieux repas servis aux pèlerins.
VIDEO
FADEL BARRO SONNE LE TOCSIN POUR DIOMAYE FAYE
"Un début poussif", voilà comment l'ancien coordonnateur de "Y'en a marre" qualifie les premiers mois de la présidence de Diomaye. Il déplore la lenteur des réformes promises et s'inquiète de voir ressurgir les fantômes du népotisme
Dans une interview accordée à TV5 Monde, Fadel Barro, figure emblématique du mouvement citoyen "Y'en a marre", dresse un bilan sans concession des premiers mois du président Bassirou Diomaye Faye. L'ancien coordonnateur, aujourd'hui à la tête de l'organisation "Jammi Gox Yi", ne mâche pas ses mots.
"Un début poussif", c'est ainsi que Barro qualifie les actions du nouveau gouvernement. Il pointe du doigt des promesses non tenues, notamment en matière d'indépendance de la justice et de lutte contre l'impunité. Le militant s'inquiète particulièrement de la persistance du népotisme dans les nominations aux postes clés, une pratique qu'il assimile à celle du régime précédent.
Barro fustige également l'amnistie votée pour les événements ayant conduit à la mort de nombreux jeunes manifestants, et voyant un "complot sur le dos du peuple". Il appelle les Sénégalais à maintenir la pression sur leurs dirigeants, estimant que le changement ne peut venir que d'une exigence citoyenne.
L'activiste reste néanmoins prudent, reconnaissant qu'il est encore tôt pour un jugement définitif. Il lance un appel au président Faye et à son Premier ministre, Ousmane Sonko, les exhortant à intégrer le changement dans leurs pratiques quotidiennes.
POURQUOI CENT JOURNÉES SANS PRESSE RISQUENT DE NE POINT PESER
EXCLUSIF SENEPLUS - Chers patrons de la presse, "gagner le cœur du public" reste plutôt la solution, la seule voie. C'est en ce moment-là d'ailleurs et seulement en ce moment que votre absence ou disparition lui ferait de la peine
Je crois qu'il est bon de préciser avant tout que je ne suis d'aucun parti. Cette réflexion reste juste l'opinion d'un professionnel qui évolue dans les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel depuis plus d'une vingtaine d'années maintenant.
En évaluant la "journée sans presse" du mardi 13 août 2024, le patronat de la presse au Sénégal s'est beaucoup glorifié du fait que le mot d'ordre a été largement suivi. Soit ! Mais, il serait tout aussi intéressant, pertinent, de ne pas occulter l'impact de cette initiative chez les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou internautes ? Ces derniers l'ont-ils vraiment ressentie ? Ont-ils applaudi ou accompagné significativement ce mouvement ? Des questions, à mon avis, qui méritent d'être posées pour mieux apprécier la réussite ou le succès de cette journée ?
Sans risque de me tromper et en attendant de voir un document scientifique me prouvant le contraire, je considère que les conséquences de cette initiative chez les populations demeurent très négligeables. Ce qui démontre et prouve à suffisance qu'il y a énormément de travail à faire encore. J'ai même envie de dire à ces patrons ou à la presse en général, que le véritable combat, en réalité celui qui mérite d'être gagné se situe ailleurs. Et le gagner vous affranchira éventuellement de vos déboires fiscaux et de toute dépendance financière.
Nous le savons et ne cesserons de le soutenir: ce qui est attendu d'abord et fondamentalement des médias, c'est essentiellement du (des) contenu(s) répondant aux besoins ou aspirations des populations et suivant la marche par essence dynamique de la société.
Or que remarque-t-on aujourd'hui dans nos presses écrite, parlée, télévisuelle et digitale ? C'est regrettable de le dire, mais le vide est total. On note une absence effarante de créativité, un manque sérieux d'imagination, d'inspiration. Survolons très brièvement ce qui se fait actuellement secteur par secteur :
- Au niveau des radios (aussi bien thématiques que généralistes), non seulement les soi-disant grilles sont identiques mais les programmes constitués de diffusion de musiques, d'infos, de pub et de communiqués restent les mêmes et passent généralement les mêmes jours aux mêmes heures.
- Idem au niveau des chaînes de TV où les programmes sont extrêmement dominés par du flux. Les contenus de stock sont quasi inexistants. Du matin au soir désormais les gens sont là autour d'une table ou dans un salon en train de palabrer comme à la radio. Soyons d'accord au moins sur ce plan, le propre de la télé est plus de proposer à voir, à découvrir. Ceci est d'autant plus vrai que quand on assiste aujourd'hui au développement de ce que certains nomment "radio vision" (émissions radio filmées dans des studios équipés de caméras), réinventer sa manière de faire de la télévision s'impose.
- Ces observations restent valables pour le secteur de la presse écrite. Parcourons les journaux chaque jour que Dieu fait. A quelques exceptions près, ils sont tous dans le même registre : "actualités et faits divers"! Tous parlent presque de la même manière, de la même chose qui tourne généralement et ..... malheureusement autour de la matière politique.
- Au niveau du Digital qui se développe de plus en plus, les concepts y perdent tout leur sens. On y voit du tout et du n'importe quoi. Certains par exemple, parce qu'ils manipulent de la vidéo, considèrent qu'ils font aussi de la télé en disant "WebTv" qui n'est en réalité que de "grand-places" filmées ou du "Waax sa xalat". Là je n'ai pas besoin de m'arrêter sur les aspects technico-artistiques, les profils des présentateurs ou pseudo chroniqueurs qui pullulent et sortent d'on ne sait où ?
Tout ceci m'amène à insister encore une fois sur le fait que le challenge, chers patrons de presse, va au-delà d'une simple imposition, réduite ou effacée, que vous continuerez de payer quel que soit alpha à toute époque. Il s'agit d'ores et déjà de se départir de cette fausse idée qui est de considérer que ce que vous faites du matin et soir, constitue une demande du public. "Li la sénégalais yi beug" entend-on en général.
Du respect quand même ! les Sénégalais, comme ils le sont du reste avec les politiques, ont une bonne longueur d'avance sur leur presse en général. Et là pour s'en rendre davantage compte, suffit juste d'analyser dans le champs audiovisuel comment Canal+ est entré dans les cœurs ou habitudes des populations, comment les choix des IPTV à Dakar ou des antennes paraboles dans les villages les plus lointains du pays se développent maintenant voire comment les ciels de nos quartiers sont couverts de "toiles d'araignée" avec les fils des câblodistributeurs (informels). En voilà des matières qui renseignent sur l'énormité du gap, ou plutôt du chantier.
Le constat est partagé. On note dans tous les secteurs de la presse aujourd'hui, peu ou pas de contenus portant sur l'Économie, la Culture (qu'elle résume à la musique), la Santé, la Technologie (qui est devenue partie intégrante de nos vies), l'environnement, la Société, l'Éducation......qui connaissent des mutations impressionnantes au Sénégal et dans le monde. Vu sous cet angle, on se rend compte qu'aujourd'hui donc, cette presse qui pourrait effectuer une "journée sans presse" très réussie serait celle-là justement qui se détachera du lot, celle-là qui prendrait le soin d'accompagner les populations, de marcher avec elles, les écouter, les comprendre en vue de mieux traduire ses préoccupations (qui ne se limitent naturellement pas qu'à la politique). D'ailleurs, pourquoi doit-on faire de la presse et ignorer tous ces secteurs névralgiques qui rythment la vie des citoyens, les domaines dans lesquels évoluent même la majorité de la population ?
Chers patrons de la presse, "gagner le cœur du public" reste plutôt la solution, la seule voie ! Celle qui pourrait d'ailleurs vous faire gagner en même temps beaucoup d'argent car existent ici et ailleurs des entités publiques comme privées crédibles qui n'attendent que des opportunités à travers vos propositions pour vous accompagner, nouer des partenariats juteux en vue d'atteindre leurs cibles. C'est clair, vous n'entreprenez point par philanthropie contrairement à ce que prétend l'un d'entre vous. Faire des bénéfices vous intéresse au plus haut point.
Or, c'est possible car la demande est bien là. L'exemple tout près de Canal+ dans le domaine télévisuel nous le prouve. Ce ne sont certes pas les mêmes histoires, les mêmes dimensions mais au moins on comprend à travers cela que le Sénégalais intelligent qu'il est, sait ce qu'il veut et où le trouver. Même s'il vous arrive de coder, crypter, élever vos prix, il peut être prêt à payer le coût qu'il faut tant que vous participez à la satisfaction de ses besoins en la matière. C'est en ce moment-là d'ailleurs et seulement en ce moment que votre absence ou disparition lui ferait de la peine.
Mamadou Ndiaye est Scénariste - Monteur - Réalisateur
Formateur - Prix meilleure série FESPACO 2011.
LES RACINES NOIRES OUBLIÉES DE L'ANGLETERRE
Dans une enquête fouillée, Mediapart révèle les racines noires méconnues de l'Angleterre. Un récit qui remet en question des siècles d'amnésie collective et interroge l'identité même du Royaume-Uni
(SenePlus) - Dans une enquête approfondie publiée le 22 août 2024, Mediapart lève le voile sur un pan méconnu de l'histoire : la présence ancienne et significative de personnes noires en Angleterre, bien avant l'immigration d'après-guerre.
Contrairement à l'idée reçue, l'Angleterre n'a pas attendu le XXe siècle pour voir arriver sa population noire. Dès 1509, John Blanke, trompettiste noir, jouait à la cour d'Henri VIII. Ce n'était pas un cas isolé : à l'époque des Tudor, des Africains libres réussissaient déjà en Angleterre, s'intégrant dans une société qui les jugeait davantage sur leur religion et leur classe sociale que sur leur couleur de peau.
Mediapart révèle qu'au XVIIIe siècle, Londres comptait entre 15 000 et 30 000 habitants noirs. Parmi eux, des figures marquantes comme Ignatius Sancho, né sur un navire négrier, devenu le premier homme noir à voter en 1774 et militant contre l'esclavage.
L'article de Mediapart met en lumière le travail d'historiens comme Gretchen Gerzina, auteure de "Black England". Son livre, initialement ignoré en 1995, connaît un regain d'intérêt depuis le mouvement Black Lives Matter, soulignant l'évolution de la société dans sa perception de cette histoire longtemps occultée.
Cette redécouverte des racines noires de l'Angleterre, rapportée par Mediapart, ne se contente pas de corriger le récit historique. Elle invite à repenser l'identité britannique contemporaine, révélant une histoire plus riche et diverse que celle longtemps enseignée. Elle questionne les notions de britannité et d'appartenance nationale, offrant un nouveau prisme pour comprendre le Royaume-Uni d'aujourd'hui.
par Sidy Dieye
QUELLES REFORMES POUR SAUVER L’IPRES ET LA CSS ?
Un milliard ici, quelques millions là : les scandales financiers s'enchaînent dans ces structures, piliers de la sécurité sociale sénégalaise. Ces institutions, censées protéger les travailleurs, semblent devenues le terrain de jeu d'intérêts particuliers
Le récent scandale survenu à la Caisse de Sécurité Sociale (C.S.S.) portant sur 1,8 milliard de francs CFA (relayé par les sites seneweb.com le 6 juillet 2024, Dakaractu.com le 9 juillet 2024 et senego.com le 12 juillet 2024), doit provoquer un déclic pour le contrôle effectif de cette institution par l’Etat.
L’on se rappelle la révélation du site leral.net datée du 03 décembre 2021 sur un scandale de 6 milliards 500 millions FCFA pour l’achat d’un logiciel pour fusionner les deux entités (CSS et IPRES) afin d’avoir un système d’informatique unique et simplifié. A l’époque, le Secrétariat exécutif de l’UNSAS avait exigé « l’audit des deux institutions et un contrôle de la Cour des comptes afin de faire la lumière sur le financement du système d’information et les investissements dans l’immobilier. »
En 2018, les retraités avaient dénoncé un détournement de 572 millions de francs CFA au niveau de l’IPRES et demandé au Président de la République d’alors de protéger l’institution en prenant des mesures fortes (relayé par senenews le 08/10/2020).
Nous remarquons que malgré ces manquements récurrents et les alertes répétées des bénéficiaires et parties prenantes, l’administration de ces deux institutions reste préoccupante. La pression syndicale semble l’emporter, comme c’est malheureusement souvent le cas, quand il s’agit d’exigences de transparence et de reddition des comptes.
Les textes de la CSS et de l’IPRES
La CSS et l’IPRES sont régies par la loi N° 75-50 du 03 Avril 1975 relative aux institutions de prévoyance sociale.
En 1991, suite à l’adoption de la loi 91-33 du 26 Juin 1991, la Caisse de Sécurité Sociale change de statut et devient une institution de prévoyance sociale donc un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public. Les statuts de la CSS ont été adoptés le 13 février 1992.
Les statuts de l’IPRES eux, ont été adoptés le 26 juillet 1977. A mon avis, ces textes sont complètement en déphasage avec les réalités actuelles en matière de bonne gouvernance, de pilotage des activités, de stratégie et d’instauration de critères de performance dans la gestion de ces institutions.
Il y a lieu de rappeler qu’un comité de pilotage chargé de formuler les orientations stratégiques et politiques du projet de réforme du cadre juridique de la sécurité sociale a été mis en place en 2015 par le ministère du Travail. Il s’agissait, entre autres, « d’innovations en matière de gouvernance des Institutions de Prévoyance sociale, de gestion technique et financière des branches et d’extension de la protection sociale aux travailleurs jusque-là non couverts ».
Les réformes attendues ne sont toujours pas réalisées.
La composition et le fonctionnement du Conseil d’Administration
L’IPRES est administrée par un Conseil d'Administration paritaire composé de vingt-deux (22) membres comprenant des représentants des membres participants et des représentants des membres adhérents.
Au niveau de la CSS, c’est la même configuration qui est retenue en termes de nombre (22) et de représentants.
Il faut noter que l’état employeur a quatre représentants au Conseil d’Administration de chaque institution au titre de la délégation des membres adhérents. Donc, les organisations syndicales ont un contrôle exclusif sur la gestion de ces institutions, notamment sur :
la nature des prestations ;
✓ les modifications du taux des cotisations ;
✓ la désignation des personnes chargées du fonctionnement de l'institution ;
✓ la gestion des ressources en matière d’investissements et de placement.
Le renouvellement des dirigeants, notamment du Président du Conseil d’Administration et des administrateurs n est pas systématique.
Pourtant, l’Etat, à travers la loi citée ci-dessus, notamment dans ses articles 21, 22 et 23, peut prendre des dispositions spécifiques pour garantir une gestion transparente et efficace de ces institutions afin d’éviter un risque systémique en cas de mauvaise gestion.
3. Les réformes
Les textes de ces institutions doivent évoluer pour permettre une bonne gouvernance avec la mise en place d’organes solides et de principes de transparence et d’éthique. Il s’agira de modifier le fonctionnement, la composition de l’Assemblée Générale et du Conseil d’Administration et de mettre en place des Comités spécialisés avec des compétences et expertises diversifiées, notamment :
Comité d’Ethique et de déontologie ;
❑ Comité d’Audit ;
❑ Comité de Sélection et de Rémunérations ;
❑ Comité d’Investissements.
En outre, un système d’évaluation des dirigeants et du Conseil d’Administration doit être mis en place et assuré par un organe indépendant.
Les réformes de ces institutions doivent toucher notamment :
✓ les conditions d’une protection sociale solide aux profits des travailleurs ;
✓ les modes d'admission et d'exclusion des membres ;
les obligations de toutes les parties prenantes ;
✓ le mode de constitution de l'assemblée générale et les conditions de vote ;
✓ la composition et le fonctionnement du conseil d'administration (mode de cooptation, renouvellement, durée, pouvoirs etc.) ;
✓ les pouvoirs de l’exécutif et le mode de sélection ;
✓ le mode de constitution et de calcul des prestations ;
✓ la constitution et l'emploi des ressources ;
✓ le mode de placement et de retrait des fonds ;
✓ les possibilités d’investissements ;
L’Etat pourrait prendre des dispositions appropriées et urgentes pour assainir et contrôler ces deux institutions avec les décisions majeures ci-après :
L’audit approfondi sur les cinq dernières années, avec un accent particulier sur les acquisitions immobilières, les placements, l’investissement dans les nouvelles technologies, la gestion des ressources humaines etc. ;
La suspension des organes délibérants ;
La mise en place d’une Administration Provisoire ;
La refonte des statuts et règlements intérieurs ;
La revue de la gouvernance : composition, fonctionnement et pouvoirs de l’Assemblée Générale et du Conseil d’Administration, mise en place de Comités spécialisés (Audit, Ethique et Déontologie, Sélection & Rémunérations, Investissements etc.)
Sidy Dieye est spécialiste en gouvernance et stratégie des organisations, Directeur Associé de Axley Bankers Afrique de l’Ouest, ancien Directeur Général de la Banque Islamique de Guinée, membre du MONCAP et Membre fondateur de l’Initiative 2FC.
L'instinct félin de Sonko finira par devenir une faim de félon. Le parrain auréolé de gloire est en apnée, grisé et en même temps frustré. Le compagnonnage est constitué d'activistes plus préoccupés au goût du festin qu'à l'ambition de forger le destin
Au soir du 25 mars 2024, nombreux étaient les Sénégalais surpris par la victoire sans appel, au premier tour de monsieur Bassirou D. Faye, parrainé par Ousmane Sonko, alors frappé par l'inéligibilité. Le scénario surréaliste ressemble aux légendes des héros du Moyen-Âge éprouvés, puis sauvés par les miracles divins.
En effet, de la prison au palais, la conquête de la présidence par la délinquance s'est réalisée à force d'intimidation et provocation, moins par la confrontation des idées et la persuasion. Nos champions gladiateurs dont le noviciat se le disputait à la témérité irrévérencieuse avaient rompu avec les civilités dans une société où le culte de la "kersa"- pudeur, la "sutura - la retenue", entre les "nawle"- citoyen étaient une sorte de code d'honneur non écrit mais intériorisé.
De l'appel à deux cents mille jeunes à rallier pour envahir le palais, aux cris du "gatsa-gatsa" à la substance cannibale, objectif : démembrement corporel du chef de l'Etat à la manière de Samuel Doe, une atmosphère de haine et violence était installée. Le "Mortel Combat" décrété et ses péripéties chaotiques ont entraîné un lot incommensurable de pertes en vies humaines et dégâts matériels que nul acteur politique lucide ne souhaitait voir se poursuivre. Le jeu pluraliste sénégalais n'avait jamais subi auparavant autant d'épreuves mettant en péril son existence. Dans le contexte d'entrée dans une ère pétrolière et gazière, les démons déguisés en sponsors s'adonnaient à la surenchère, instrumentalisant la société "ci-si-vile" et les partis dans le marché de la déstabilisation.
Les tickets d'accès à l'espace public et les primes pour l'agitation permanente étaient donnés aux plus zélés orateurs outranciers. La société entière, tétanisée par les vagues successives d'attaques à la vie des personnes et la destruction des biens se lassait, doutant ainsi de la capacité de l'Etat à assurer le rôle régalien de protection des citoyens. Les déclarations de reprise en main étaient à chaque fois rangées dans les tiroirs du "massalaha", renvoyées aux dialogues à format festif.
Les décisions de l'autorité de l'Etat visant à mettre fin à l'existence des milices privées et aux passe-droits illégalement octroyés à certains groupes religieux et politiques ne sont pas souvent suivies d'effet.
Les reculs du pouvoir devant une violence organisée et coordonnée des groupes clairement identifiés accentuaient la défiance à l'autorité de l'Etat. L'autorité avait auparavant sévi avec rigueur à l'encontre des personnalités plus puissantes sans perdre cet appui de la population. L'ancien président mesurait les risques de dérives attachées à la réaction des forces de sécurité. La crainte du débordement ouvrant les portes aux pires mésaventures habitait les Sénégalais.
Aucune initiative consenduelle ne pouvait pacifier l'espace politique, largement pollué par les discours démagogiques, subversifs. Les voies du parrainage par voix se confondaient aux choix du partage des parts de la proie électorale. À l'insu de tous les acteurs majeurs et mineurs, les parrains épuisés par les bras de fer coûteux devaient se retrouver autour de la table en vue de négocier une solution de sortie de la guerre qui permette à chacun de sauver la face.
C'est le salaire de la peur qui a prévalu et précipité l'issue de cette longue crise, résolue par combines opaques à l'insu de la société et les acteurs politiques. Au nombre des protagonistes de la "Camorra" politicienne durant cette période critique, se distinguent deux parrains : les présidents Macky Sall et Ousmane Sonko. Il y a certes, les significatifs acteurs caporaux pour emprunter le langage des groupes mafieux. Toutes les instances régulières des partis et coalitions étaient tenus à l'écart de l'entente dont le contenu n'est pas encore connu.
Retenons seulement que ces jeux d'ombre ont permis à notre pays de surmonter une étape dangereuse de son histoire ; accepter aussi que ces décisions engageant le destin de la Nation et leur avenir propre dans un moment si crucial, ne pouvait pas se concrétiser dans un cadre traditionnel. Ce qui est un signe de déficit de notre culture démocratique. Les rapports de forces déterminant l'issue de tout affrontement, c'est au cours d'un entretien avec la presse, le président Macky Sall avait ouvert un pan de ce qui pouvait survenir en défaveur de sa coalition. ll faisait allusion à cette éventualité, la prise en compte de forces organisées, sans dévoiler l'identité ni sa relation à elles. La mise en garde du président Sall aux militants et alliés allait au-delà du jeu démocratique, tel qu'il pouvait être conçu dans un État de droit.
Le dialogue était bien noué entre les irréductibles adversaires. Les répétitifs événements tragiques ne pouvaient pas se reproduire sans de sérieux chocs pouvant affecter la cohésion nationale. Sans doute, le plan initial des deux parrains s'est heurté à la décision du Conseil Constitutionnel. Mais le rapprochement des protagonistes a été une intelligente victoire de la démocratie. Comme nul ne peut se prévaloir du génie divin, il a décidé que c'était les poulains qui seraient les porteurs du destin de la Nation.
Le président Diomaye lui-même, a dit avoir appelé le fils du président sortant pour des considérations humanitaires ; et d'ouverture vers une sortie négociée. Test de solidité par bouleversement social inouï dans une succession au très convoité fauteuil présidentiel, le Sénégal sort renforcé malgré les combinaisons politiciennes. L'esprit rationnel ne pouvait prédire ou s'aventurer à parier sur l'actuel locataire du palais.
Enfin, le frêle sérére à la silhouette fuyante, la voix fluette porté par Rog Sen, il tenait son balai tiré de la forêt sacrée, pour dissiper les "safara" des prédicateurs aux longs chapelets. Le candidat, ancien Premier ministre, Amadou Ba, était le grand favori des faux fabriquants de destin. Ignorant la réalité des mic-macs de l'arène politique, le boy Dakar, enfant du génie de l'océan, n'avait pas fait son "ndeup" pour une récolte des haricots.
Il semblait avoir foi plus à l'administration qu'à ces jeunes "jakartamen" et étudiants passés au lavage des cerveaux de la loge populiste. Le Sénégal peut être débaptisé : de pays de la "Teranga" pour celui des "millions de charlatans". Objectivement, le résultat de cette compétition électorale était connue des protagonistes. La coalition la plus durable de notre histoire politique, solide qu'elle soit, ne pouvait faire face à une conspiration aussi grotesque.
Monsieur Bassirou Jomaay Diakhar Faye est président de la République. Sorti de l'anonymat, il était inconnu de l'écrasante majorité des citoyens à quelques mois du scrutin. Mais qu'à cela ne tienne, il est notre président à tous, même s'il le refuse. Pour la première fois dans l'histoire des chefs d'Etat, encore le Sénégal sort vainqueur de manière inédite de la crise.
Notre président Bassirou Diomaye Diakhare, "mu wara jaxaan" Faye a séduit les Sénégalais par l'humilité et la politesse. Il a dérouté tous les compatriotes en invitant son Premier ministre à "lorgner son fauteuil". La globalité des citoyens apprécient positivement le plus jeune leader du continent dont l'image correspond au substrat de nos socio-cultures : compassion et respect aux anciens. Apparemment du leadership nain, né de l'échec du calcul du parrain, il a à sa disposition une écurie composée des combattants de longue haleine qui ont blanchi sous le harnais, dont son propre oncle et homonyme, les Dialo Diop, Alla Kane, Mao Wane, etc. Des cadres réputés compétents tels que : Mary Teuw Niane, Ahamadou Al Amine Lo et Oumar Samba Ba sont nommés à des postes clés, ce qui semblait un gage de pérennisation du principe de continuité de l'Etat. Mêmes si les figures repoussoires, les "has been" de la trempe de Mme Aminata Mbodj et Habib Sy,anciens ministres sous le président Wade pouvaient modérer les élans de renouveau du personnel politique.
Le duo gagnant au sein de l'executif pourrait bien fonctionner si les deux personnalités savaient, chacune les obligations de sa charge : le premier, son domaine réservé, le second ses missions déléguées.
Sonko, par contre se dévoile de jour en jour en personnage intempestif, bravant tout, se mêlant de tout et ne laissant point l'espace à personne. Pressé, il l'est, dans l'ignorance de la psychologie sociale.
Chez nous, une amitié n'est réelle et sincère que lorsqu'elle se nourrie du respect mutuel et tire sa substance de ce principe religieux :" Aimer pour son prochain, ce que l'on aime pour soi-même.
L'amitié du cheval et du cavalier ne peut pas faire long feu à l'épreuve du pouvoir. Le proverbe africain dit qu'à beau aller au puits, le canari se brise. L'instinct félin de Sonko finira par devenir une faim de félon. Le parrain auréolé de gloire, est en apnée définitive, grisé et en même temps frustré. Le chef politique n'arrive pas à faire la distinction entre l'État et le parti. Diomaye peut être Sonko et Sonko Diomaye ; mais Sonko ressemble à Poutine.
Affronter l'arrogance et les écarts d'un Premier ministre qu'il connaît mieux que quiconque, capable de lancer sa nébuleuse d'insolents de l'internet contre le pouvoir, invite à être prudent.
Le réveil sera brutal pour l'opposant éternel s'il sous-estime la force d'un chef d'Etat qui lui voue encore tous les égards. Le berger finira par abandonner le bélier égaré pour s'occuper de ce qui reste de son troupeau.
Les jeunes sénégalais découvrent de plus en plus le visage de celui qui les faisait rêver d'un État impartial, une justice équitable. Il se révèle de jour en jour, un revanchard, dont la tonalité despotique jure avec la tolérance qui doit apaiser la vie démocratique. La tentative de domestication des pouvoirs législatif et judiciaire est à tous égards une agression de la Constitution. Chaque alternance au Sénégal, ses espérances déçues, les réalisations mal perçues par une population très jeune et pressée, sans mémoire.
La troisième alternance coïncide avec l'irruption des demandes spontanées. Ce n'est pas un éveil des consciences mais l'approfondissement de la participation citoyenne. Le gain par la manipulation est très rentable, le populisme s'accommode du manque d'éducation des acteurs politiques. La promesse de rupture faite par les nouveaux tenants du pouvoir, concernant les appels à candida-ture et autres, vont vite passer de mode car le compagnonnage est constitué de buzzards, activistes plus préoccupés au goût du festin qu'à l'ambition de forger le destin.
Les meilleures intentions du leader politique glissent et se dissipent par la légèreté du compagnonnage. L'éducation citoyenne est la clé du développement pour tout gouvernant engagé à tirer son peuple vers le haut. Sous ce registre, les actions sur le terrain, mobilisant les populations constituent une source importante de motivation.
Le jeune président BDF devra, de la manière la plus élégante et courageuse assumer la plénitude de sa fonction en apaisant les cœurs et les esprits. Respecter et faire respecter les normes d'une administration impartiale,transparente. Le panafricanisme rationnel repose sur la prise en compte de la réalité continentale, savoir que les pays, les peuples n'évoluent pas à un même rythme.
Il faut agir sur les axes d'intégration arrivés à maturité et non forger les convergences fictives sur de réelles antagonismes. Les pseudos panafricains ont tout faux en fustigeant la marche de la démocratie auSénégal alors qu'ils sont incapables de lutter pour des avancées démocratiques face au pouvoir mi-centenaire de Biya au Cameroun, encore moins essayer de régénérer l'héritage des martyrs tels Félix Moumié et Ruben Um Nyobe. En d'autres termes, le rêve du panafricanisme ne se réalisera qu'à la condition que chaque démocrate balaie d'abord le devant de sa porte. La réussite de la politique intérieure est ce qui permet de gagner une écoute objective à côté des frères du continent.
C'est par l'obtention des résultats palpables que l'on peut formuler les offres crédibles aux populations du continent. En lieu place du "Projet mystique", la Coalition Diomaye Président devrait sans complexe s'approprier le PSE en y intégrant les conclusions des Assises nationales. En conclusion, nous constatons le président Diomaye Faye bien entré dans la fonction, s'élevant de jour en jour à la qualité d'homme d'Etat ; ce qui est rassurant pour le Sénégal. Par contre, c'est inquiétant et il est regrettable de le dire : son mentor et ami n'évoluera pas, car collé à son péché originel de contestataire non révolutionnaire, combinard, dissimulateur, manipulateur.
Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. La visite du Premier ministre à son collègue malien Choguel Maiga a prouvé qu'il n'est pas prêt à se muer en homme d'Etat. Comment comprendre que le Premier ministre ayant mangé à tous les râteliers des régimes militaires au Mali et en voie d'être limogé pour fraude sur le cumul de salaires de DG et ministres, dénigre systématiquement devant l'invité officiel, la première institution du pays sans qu'il ne pipe un mot de l'ingérence déplacée.
Compatriotes patriotes ! Méditez la parole du président Joe Biden, cette semaine à Chicago à la Convention des démocrates, je cite : "You can't say you love your country only when you win" (tu ne peux pas prétendre aimer ton pays, quand c'est seulement lorsque tu gagnes). L'Afrique vous regarde, cher fils de NDiaganiao. L'Histoire avance masquée avait coutume de dire le vieux Maodo Mamadou Dia. Votre posture, vous ne la devez à personne qu'à Dieu et au peuple. Ecoutez votre foi et votre conscience et non les regards inquisiteurs des critiques à la gratitude. Osez les ruptures d'avec tout ce qui retient ou minore votre, je dis notre vaste potentiel de brillance sur les plans économique, politique, culturel, scientifique et diplomatique. Votre combat pour tous sera mené par tous.
Le Sénégal a besoin de serviteur et non de chef instigateur de conflits inutiles. La cohésion nationale est au prix de la reconnaissance des diversités de courants, d'opinions et tolérance des oppositions. Une nette recomposition des pôles politiques se dessine au Sénégal. Les plus significatives seront au nombre de quatre :
1-Les partis de la Coalition Diomaye Président ;
2-La retrouvaille dite "bloc liberal" qui semble regrouper les transfuges du PDS et l'APR, ce qui consacre la mort de la coalition Benno Bokk Yakaar.
3-Les membres de la "Nouvelle Responsabilité" autour d’Amadou Ba,
4-Les forces composées de figures qui émergent par leur hardiesse et courage en face du gouvernement. Elles ont nom : Bougane Gueye Dani, Thierno Bocoum, Thierno Alassane Sall, Anta Babacar Ngom, PUR, les partis traditionnels : PS, AFP, PIT, LD auront le choix entre la création d'un pôle de gauche ou se liguer avec les forces citées ci-dessus.
Le processus de mutation de la classe politique s'accélère en vue du prochain scrutin législatif. Les dénominations et slogans ne vont pas fondamentalement changer.
Je termine avec cette prière de Marc-Aurèle, note qui doit inspirer tous ceux qui s'engagent dans la lutte pour le progrès social :"Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre".
Makkane est ancien ministre-conseiller, chef du bureau économique de l’ambassade du Sénégal à Washington, poète-écrivain.
LES POPULATIONS DE KOLDA SOUS LA HANTISE DES RISQUES D’ÉLECTROCUTION
La mort récente d'un jeune apprenti soudeur a intensifié la peur de l'électrocution dans la ville. Face à cette situation, les habitants et les membres de la société civile demandent une intervention urgente des autorités pour sécuriser les installations
À Kolda, les branchements clandestins continuent de susciter l'inquiétude, surtout après la mort tragique d'un apprenti soudeur le 15 août dernier. Ces installations anarchiques créent un climat de peur parmi les habitants qui sont quotidiennement exposés à des risques d'électrocution. Ils appellent les autorités administratives et la Senelec à prendre des mesures pour mettre fin à ce phénomène.
Des branchements électriques clandestins sont visibles dans plusieurs quartiers, en particulier dans les zones périphériques. En ville, ces branchements en désordre, souvent observés dans les marchés et les ateliers métalliques, posent également problème. De plus, des fils souterrains et aériens, parfois soutenus par des poteaux de fortune, traversent les habitations, de maison en maison.
Bienvenue à Kolda, capitale du Fouladou où ces pratiques sont devenues monnaie courante, créant une insécurité totale pour les populations. Abdoulaye Cissé, membre de la société civile, déplore la situation : ‘’Kolda est devenue une bombe électrique. L’anarchie règne dans les ateliers métalliques, en particulier dans les scieries. Les gens descendent directement des fils à haute tension pour les brancher sur des machines, sans respecter aucune norme de sécurité.’’
La situation est particulièrement préoccupante dans les marchés et les quartiers périphériques. Selon Moudjibourahmane Baldé, également membre de la société civile, ‘’il y a énormément de branchements clandestins à Kolda, ce qui a des conséquences graves sur les vies humaines. Les habitants vivent dans la peur constante d’une électrocution’’. Les autorités administratives et la Senelec sont vivement interpellées pour agir. ‘’Nous invitons le gouverneur de Kolda et la Senelec à envoyer une mission de contrôle pour faire le tour de la ville, entrer dans les maisons et enlever tous les branchements électriques clandestins pour sécuriser la population’’, exhortent les membres de la société civile.
En outre, certains habitants appellent la Senelec et la mairie à organiser des descentes régulières dans les ateliers pour sensibiliser et évaluer les risques afin de trouver des solutions aux branchements électriques illégaux.
Les populations invitées à promouvoir la dénonciation
Pour lutter efficacement contre les branchements électriques clandestins, des citoyens avertis estiment que la seule solution est que les habitants adoptent une culture de la dénonciation. ‘’Pour mettre fin à ce fléau, les populations doivent dénoncer ces comportements irresponsables qui mettent en danger la sécurité de leurs concitoyens’’, souligne Abdoulaye Cissé. La mairie et la Senelec multiplient les efforts pour étendre le réseau électrique dans la commune et contrer les branchements anarchiques.
Birama Guèye, responsable de la communication de la Senelec et délégué régional Pôle Sud, rappelle que les branchements électriques clandestins sont non seulement dangereux, mais ont aussi des répercussions négatives sur la sécurité publique, l'économie et la qualité du service électrique. ‘’Pour éviter ces incidents, la Senelec et ses partenaires ont mis en place des projets de sécurisation des marchés et des installations, qui sont à 50 % d’exécution ainsi que des campagnes de sensibilisation sur les dangers des branchements clandestins’’, explique-t-il. Il ajoute que ces installations illégales, souvent mal réalisées et sans respect des normes de sécurité, peuvent provoquer des courts-circuits et des incendies.
De plus, les personnes qui réalisent ou utilisent ces branchements sont exposées à un risque élevé d'électrocution, comme ce fut le cas du jeune apprenti soudeur de Kolda. ‘’Les branchements clandestins entraînent une surcharge du réseau électrique, provoquant des coupures de courant et des pannes qui affectent l'ensemble des usagers. Ces pratiques illégales dégradent aussi la qualité de l'électricité, causant des fluctuations de tension qui peuvent endommager les appareils électriques’’, conclut Birama Guèye.
PORTRAIT DE SERIGNE TOUBA, FONDATEUR DU MOURIDISME
Dépeindre la vie de Cheikh Ahmadou Bamba est un défi colossal. Cet article explore les moments clés de son existence, depuis sa naissance jusqu’à ses relations complexes avec les colons et les familles royales...
Parler de Serigne Touba n’est pas une tâche aisée. Presque tout a déjà été dit à son sujet. Alors que la communauté mouride a récemment célébré le centenaire de son retour à Touba, ‘’EnQuête’’ vous propose un portrait complet du fondateur du mouridisme, explorant tous les aspects de sa vie : sa naissance, son existence après le décès de son père, ses confrontations avec les colons, ses relations avec les familles royales et ses différents voyages. Aucun aspect de la vie de Serigne Touba, Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, ne sera omis.
Concernant sa naissance, il est dit que Serigne Touba, Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul, est né en 1272 de l’Hégire (1852-1853) à Mbacké-Baol, dans la maison de son père située près de l'actuelle route de Dakar. Selon ‘’L’Abreuvement du Commensal dans la Douce Source d'Amour du Serviteur’’ de Cheikh Mouhammadou Lamine Diop Dagana, Ahmadou Bamba a passé les premières années de sa vie dans la maison paternelle. Il ne la quitta qu'à l'âge de rejoindre l'école coranique. En ce qui concerne son nom, il s'appelle Ahmad, fils de Muhammad, fils de Habiboullah, fils de Muhammad le Grand, fils de Habiboullah, fils de Muhammad al-Khayr. C'est Muhammad le Grand, surnommé ‘’Maram’’, qui construisit en 1780 le village de Mbacké-Baol, où il installa son fils aîné, Muhammad Farimata, avant de retourner au Djolof où il mourut.
Quant à ses origines, ses ancêtres étaient des Toucouleurs qui quittèrent le Fouta pour s'installer au Djolof. Il est communément dit qu'ils venaient de Mauritanie. Leurs cousins restés dans cette région sont appelés Alu-Modi Nalla. Il est dit qu'ils sont des shérifs. ‘’Mon frère et maître Mukhtar Binta Lo, fils d'Ibrahim, le cheikh Niomrée, m'a appris qu'Ahmadou Bamba lui avait confirmé cela. À ce propos, il a dit : "J'étais avec lui un jour et, au cours de notre conversation, nous avons parlé de cette tribu maure considérée comme shérif... Il m'a dit : ‘Ne sais-tu pas que ce sont nos frères ?’ C'est ainsi que j'ai su que les ancêtres du Cheikh étaient des shérifs." Je crois que le témoignage le plus éloquent du ‘Charaf’ de cette famille réside dans la douceur de ses mœurs, sa générosité, sa mansuétude, son amour pour la bienfaisance, son mépris pour la bassesse et sa foi authentique en Dieu’’, lit-on dans le livre.
D'autre part, Marième, la mère d'Ahmadou Bamba, surnommée Diaratoulah, était la fille de Muhammad, fils de Muhammad, fils de Hammad, fils de Ali Bousso. Le "Charaf" des Bousso est vérifié, leur généalogie remontant à l'Imam Hassan, fils d’Ali ibn Abi Talib. Serigne Touba est donc shérif aussi bien par sa lignée maternelle que paternelle. Il se rendit à Bogué et à Mbumba où il observa les ruines des villages autrefois habités par les Mbacké. Un natif de cette région, appartenant à la famille Ba, a d’ailleurs affirmé que les Mbacké étaient leurs cousins et que le nom de Mbacké était une déformation wolof du nom Ba. ‘’Cette opinion est, à mon avis, fort invraisemblable. Je crois, en revanche, que le nom Mbacké est aussi ancien que tous les autres noms non-arabes’’, a précisé M. Diop.
Les Bousso habitaient le village de Golléré au Fouta, voisin des villages des Mbacké. Ce voisinage entre les deux familles corrobore la thèse de leur origine commune.
Lorsqu'il atteint l'âge d'aller à l'école, Ahmadou Bamba fut confié à Muhammad Bousso, le frère germain de sa pieuse mère, qui l'initia au livre sacré avant de l'envoyer auprès de son oncle, Tafsir Mbacké Ndoumbé (fils de Muhammad Sokhna Bousso, fils du précité Muhammad le Grand, qui était le frère germain d'Asta Walo Mbacké, la grand-mère maternelle d'Ahmadou Bamba). Tafsir et son élève passaient la saison sèche à Mbacké et l'hivernage au Djolof. À la mort de son maître, Ahmadou Bamba avait presque maîtrisé le Coran. Il a été rapporté qu'à la mort de son maître, il avait atteint le 82e verset de la 5e sourate du Coran. Il rejoignit alors son père et termina le reste du livre par ses propres efforts, avec l'aide de certains maîtres de l'enseignement coranique. À cette époque, il demeurait la plupart du temps aux côtés de son père, qu'il ne quittait que pour rendre visite à Muhammad Diarra, son frère germain, qui poursuivait encore son instruction coranique auprès d'un maître.
Parfois, il s'écoulait un ou deux mois avant qu'Ahmadou Bamba ne rejoigne son père. C'était à l'époque du conquérant Maba, lorsque les parents d'Ahmadou Bamba, ainsi que de nombreux habitants du Baol et du Djolof, émigrèrent au Saloum avec ce dernier.
À la mort de Maba, beaucoup d'émigrés regagnèrent leur contrée, parmi eux, le père d'Ahmadou Bamba, qui partit pour le Cayor en compagnie du Damel Lat-Dior (1886). Ahmadou Bamba, son oncle Muhammad Bousso, et la famille de ce dernier restèrent au Saloum, où Ahmadou Bamba poursuivit son instruction auprès de son oncle Samba Toucouleur Ka, qui l'initia aux différentes disciplines de la théologie islamique. Il avait déjà bien avancé dans son apprentissage lorsqu'il rejoignit son père, installé dans le village de Peter (près de Keur Amadou Yalla), la capitale du Damel Lat-Dior. Ce dernier, qui avait une grande affection pour Momar Anta Sali, l'avait fait son conseiller privilégié.
Malgré la confiance et l'estime que lui portait le Damel, Momar Anta Sali n'éprouvait aucun désir pour les richesses et le pouvoir du roi. Son attitude était uniquement dictée par le souci de préserver les intérêts de sa famille. ‘’C'est pourquoi, bien qu'étant à sa disposition, Momar n'habitait pas avec le Damel, mais fonda son propre village. Cet isolement était d'autant plus nécessaire que Momar était un enseignant, et que l'enseignement ne pouvait pas être bien dispensé à la cour des rois. Comme son village se situait tout près de la capitale royale, il pouvait, au besoin, se rendre auprès du Damel sans peine ni retard’’, écrit l'un des cheikhs de Bamba dans son livre.
Ahmadou Bamba resta avec son père et poursuivit son instruction, excellant dans toutes les disciplines islamiques. Pendant ce temps, il fréquentait Khali Madiakhate Kala, le cadi du Damel, un érudit réputé notamment pour la qualité de sa poésie. Ahmadou Bamba le consultait pour approfondir sa connaissance de la langue arabe, lui soumettant parfois des poèmes qu'il avait composés afin que Madiakhate en vérifie la conformité aux règles de grammaire, de lexicographie et de métrique. Parfois, il décelait des fautes, parfois non. Leurs relations continuèrent ainsi jusqu'à ce que l'élève surpassât le maître dans l'art de la poésie, au point que les efforts de ce dernier, jadis consacrés à la correction des poèmes de son élève, visaient désormais à les apprendre par cœur.
Cependant, l'instruction d'Ahmadou Bamba auprès de Madiakhate ne dépassa pas ce cadre ; il n'étudia pas de livre complet avec lui.
S'étant aperçu de l'excellence de son fils dans les disciplines littéraires et religieuses, de son dynamisme et de son honnêteté, Momar Anta Sali confia à Ahmadou Bamba les tâches liées à l'enseignement. Auparavant, en raison de sa confiance en son intelligence et sa bonne maîtrise du savoir, il lui demandait de donner des leçons aux élèves absents. Ahmadou Bamba s'acquittait de ses devoirs avec compétence, et les élèves de son père se contentèrent de lui, de même que son père l'agréa.
Peu de temps après, le Damel quitta Keur Amadou Yalla pour s'installer dans sa résidence de Sougère. Momar Anta Sali construisit à son tour un village à proximité, baptisé Mbacké-Cayor. Il y resta deux ans avant de mourir au mois de Muharram de l'an 1300 de l'Hégire. J'ai entendu Ahmadou Bamba dire : ‘’J'ai récité le Coran au chevet de mon père agonisant durant la journée du lundi. Il mourut dans la nuit de mardi et fut inhumé à Dékhelé (un village situé dans la province de Mbakol) où sa tombe fait toujours l'objet de visites.’’ Ahmadou Bamba accompagna le cortège funèbre qui transporta la dépouille de son père à Dékhelé. Pendant le trajet, certains cavaliers lui proposèrent leurs montures, mais il préféra marcher. La foule immense rassemblée pour les funérailles choisit Serigne Taïba Muhammad Ndoumbe de Sill pour diriger le service funèbre.
‘’Il présenta ses condoléances à la famille du défunt et s'adressa particulièrement à Ahmadou Bamba en ces termes : ‘Où est Serigne Bamba ?’ (ainsi l'appelait-on alors). Ahmadou Bamba, qui se trouvait à l'extrémité de la foule, répondit et se leva. ‘Rapproche-toi !’. Ahmadou Bamba s'approcha de l'orateur suffisamment pour pouvoir le voir, l'entendre et lui répondre sans élever la voix (il s'abstint d'avancer davantage pour ne pas déranger l'assistance). ‘Rapproche-toi encore !’ ‘Je vous entends bien’. ‘Je voudrais que vous nous accompagniez, d'autres dignitaires et moi, chez le Damel afin que nous lui présentions nos condoléances. Le défunt était son ami intime, son guide et conseiller personnel, et nous vous recommandons à lui pour vous permettre d'occuper auprès de lui la même place que votre père et de jouir des mêmes honneurs."
"Je vous remercie pour vos condoléances et vos conseils. Pour ce qui concerne le Damel, je n'ai pas l'habitude de fréquenter les monarques. Je ne nourris aucune ambition à l'égard de leurs richesses et ne cherche des honneurs qu'auprès du Seigneur suprême", a raconté M. Diop dans le livre.
Ces propos semèrent le désarroi au sein de la foule. Les pieux furent étonnés de voir un de leurs fils, encore jeune, transcender les futilités et oser critiquer implicitement ceux qui ambitionnaient les richesses terrestres. Les gens du commun furent surpris de le voir se détourner d'un prestige gratuit, au point de le considérer comme un déséquilibré. L'attitude de ces deux groupes lui inspira deux beaux poèmes.
Les activités de Bamba après la mort de son père
Durant la vie de son père, Ahmadou Bamba ne prenait aucune décision sans le consulter. De plus, il lui obéissait inconditionnellement. Après sa mort, Ahmadou Bamba continua d'enseigner pendant un peu plus d'un an. Pendant cette période, ses disciples ne s'intéressaient qu'à la science, tout comme il ne se consacrait qu'à leur instruction.
Cependant, il éprouvait un désir profond de s'engager dans la mystique, aimant les habitudes des mystiques telles que la solitude et l'errance. Il utilisait leur langage et cherchait, à leur manière, le sens profond des textes. Cette préoccupation, qui surpassait désormais toutes les autres, le poussa à en informer ses disciples, d'abord indirectement, puis, face à l'irrésistible force de cette nouvelle tendance, il déclara ses intentions et les invita à le suivre.
Après avoir réuni ses disciples, il leur tint fermement ce discours : "Ceux parmi vous qui m'ont accompagné dans le but d'acquérir la science doivent désormais aller chercher un autre maître et ceux qui veulent ce que je veux doivent me suivre et observer mes ordres." Puis il se retira. Ses propos troublèrent profondément ses disciples, dont certains décidèrent de partir tandis que d'autres choisirent de rester. Ahmadou Bamba observa leur réaction avec calme, sans interroger quiconque sur ses intentions.
Ainsi, la majorité des disciples quittèrent le maître, ne laissant à ses côtés qu'un petit groupe fidèle.
Il est important de noter qu'auparavant, du vivant de son père, Ahmadou Bamba avait déjà écrit dans le domaine des sciences islamiques traditionnelles. Il mit en vers ‘’Umm Al-Barrahim’’, un traité de théologie musulmane d'Al-Sanusi. Ce poème fut approuvé par son père, qui l'enseigna même à la place du texte original. Ahmadou Bamba a précisé que son père avait appris ce poème à deux de ses fils : Sîdi Muhammad al-Khalifa, plus connu sous le nom de Cheikh Thioro, et Ahmadou Al-Mukhtar, plus connu sous le nom de Serigne Afe. Ahmadou Bamba mit également en vers ‘’Bidaya al-Hidaya’’ (Commencement de la bonne direction) d'Al-Ghazâlî. Ce poème fut intitulé ‘’Mullayyin al-Sudûr’’ (Celui qui adoucit les cœurs). Plus tard, en 1904, il résuma ce poème et lui donna le nouveau titre de ‘’Munawwir al-Sudûr’’ (Celui qui éclaire les cœurs). Il composa également d'autres poèmes, parmi lesquels ‘’Djadhbatou Sighar’’ (Celui qui attire les jeunes) et ‘’Al-Djawhar al-Nafis’’ (La perle précieuse), une vérification du traité de rituel musulman d'Al-Akhdari.
Ainsi, Ahmadou Bamba décida de passer, avec le groupe de disciples restés avec lui, de l'éducation livresque à l'éducation spirituelle. De nombreux textes existent dans lesquels il définit la voie qu'il a tracée pour ses adeptes. Il écrivit également les recommandations suivantes à l'intention de tous ses disciples : "De ma part, à tous les mourides et à toutes les mourides, des salutations distinguées préservant tous des damnés et des damnées et assurant à tous salut et quiétude ici-bas et dans l'au-delà, grâce au Messager. J'ai donné à tous ceux qui se sont affiliés à ma voie pour complaire à Dieu, le Généreux, le Très-Haut, l'ordre d'apprendre les dogmes fondamentaux de l'islam : le Tawhîd, les préceptes concernant l'ablution rituelle, l'accomplissement de la prière canonique et du jeûne du ramadan, ainsi que d'autres devoirs cultuels. Je m'engage, pour complaire à Dieu, le Généreux, à composer pour vous des livres comprenant tout cela. Salut, Miséricorde et bénédiction divines soient répandues sur vous", disait Bamba à ses disciples.
Serigne Touba, ayant reçu l'ordre de promouvoir l'éducation spirituelle et obtenu l'approbation de ses disciples, leur faisait subir des exercices de mortification, la faim, des travaux fréquents, le dhikr fréquent consistant en la répétition de la formule "Il n'y a point de dieu que Dieu" et la déclamation de ses poèmes, le maintien de la propreté rituelle, et l'isolement, notamment en évitant les femmes. Grâce à ces pratiques, ses disciples surpassaient leurs semblables au point de pouvoir sacrifier biens et âmes pour complaire à Dieu.
Tels furent les rapports entre le cheikh et ses disciples depuis le début de l'année 1301/1884 jusqu'à son départ de Mbacké-Cayor et son installation à Mbacké-Baol au cours de la même année. Il passa dans cette ville plusieurs années durant lesquelles des hommes affluaient vers lui de toutes parts : certains voulaient adhérer à sa voie, d'autres lui offrir des présents, d'autres encore sollicitaient des prières. Le chemin conduisant à sa demeure était devenu aussi animé que celui menant au marché.
Pendant les quatre années suivant son installation à Mbacké-Baol, sa renommée grandit tellement qu’hommes distingués et gens du commun s'en étonnaient.
À cette époque, il entreprit des voyages dans les provinces voisines, allant du Saloum au Walo-Barak. Au cours de ces voyages, il rencontra les grands chefs religieux de ces contrées, visita les tombes de leurs saints hommes, reçut l'ijâza de leurs cheikhs et s'instruisit des Wird qui y étaient pratiqués. Il se rendit également auprès de la famille du Cheikh Sidya, dont il visita la tombe à Tindawh. De même, il rendit visite à son fils Cheikh Sidiya Baba à Mimoin, s'instruisit auprès de lui, mit en vers la chaîne initiatique quadririte depuis Cheikh Baba jusqu'à la fin de la chaîne, et fit l'éloge de cette famille.
L'attitude des proches d'Ahmadou Bamba vis-à-vis de lui après son installation à Mbacké en 1884
Le prestige extraordinaire acquis spontanément par Ahmadou Bamba, un jeune homme issu de leur propre communauté, à la fois du côté maternel et paternel, ne pouvait manquer de susciter des réactions parmi ses proches et égaux.
En effet, ces derniers ne supportaient pas d'être dominés par lui. Cette situation engendra rapidement des sentiments de jalousie qui se manifestèrent par des agressions verbales et physiques. Ahmadou Bamba fut alors contraint de quitter la mosquée générale pour fonder sa propre mosquée. Cette dernière devint rapidement plus appréciée que la première, ce qui ne fit qu'exacerber les sentiments hostiles à son égard.
Les rapports d’Ahmadou Bamba avec les familles royales
À l'hostilité de ses proches, s'ajouta celle des souverains. Ces derniers, ayant auparavant entretenu des relations amicales avec son père, souhaitaient qu'Ahmadou Bamba perpétue ces liens. Mais il refusa et ce refus fut interprété par eux comme un signe de mépris. Ils pensèrent, à tort, qu'il rejetait même l'attitude de son père, qui leur était favorable.
Toutefois, il est vrai qu'il adressait avec respect des avertissements à son père, lui conseillant de se tenir à l'écart des souverains, estimant que leur prestige terrestre conduirait à l'humiliation dans l'au-delà. Son père lui répondait : "Tu as raison, tu as bien fait. Que Dieu te bénisse." Cependant, pour justifier son attitude, le père rappelait à son fils que ses intérêts ne pouvaient être sauvegardés autrement.
Par ailleurs, à la suite de la bataille de Samba Sadio, un village situé dans la partie orientale du Ndiambour limitrophe du Djolof, qui opposa en 1875 Ahmadou Cheikhou Ba du Fouta au Damel Lat-Dior soutenu par les Français, et qui fut remportée par l'armée du Damel, les tensions s'accrurent. Cette victoire permit au Damel de récupérer un butin considérable constitué de biens et de captifs, principalement des musulmans originaires du Djolof, du Fouta et du Cayor. Le Damel consulta ses conseillers juridiques musulmans pour savoir s'il était légitime d'asservir ces captifs. L'un de ses éminents conseillers lui affirma que cela était légitime, d'autant plus que le conquérant s'était proclamé prophète, une proclamation justifiant que l'on verse son sang et confisque ses biens. Cet avis fut appliqué, bien que la proclamation de la prophétie n'eût jamais été vérifiée par des sources fiables. En réalité, la guerre avait été déclenchée pour diverses raisons bien connues des spécialistes des questions politiques, mais trop complexes à développer ici.
Après cette bataille, l'un des plus hauts ministres de Lat-Dior, qui avait participé à la bataille et obtenu une grande partie du butin, se convertit à l'islam grâce à Ahmadou Bamba. Ce dernier lui demanda alors de libérer les captifs qu'il détenait, ce à quoi il obéit avec conviction. Le Damel et son entourage considérèrent cet ordre comme une annulation de l'avis juridique légalisant l'asservissement des captifs et s'emportèrent contre Ahmadou Bamba. Les ministres du Damel convoquèrent leur collègue converti et lui dirent : "Comment oses-tu, non content de quitter une table d'honneur où tu te réunissais avec tes égaux, la souiller ainsi ?" "En effet", répondit-il, "j'ai été troublé par une mouche qui s'est introduite dans mes narines et j'ai agi sous l'effet de ce malaise ; je n'ai nullement voulu contrarier’’.
Par ces propos métaphoriques, il voulait exprimer la pénétration de l'Islam dans les profondeurs de son cœur. Ses collègues l'excusèrent, convaincus de sa sincérité.
Quant à Ahmadou Bamba, le Damel cherchait par tous les moyens à l'attirer chez lui, lui envoyant des lettres et des messagers. Malgré cela, Ahmadou Bamba refusait de le rencontrer, bien qu'il répondît aux lettres et accueillît les émissaires du Damel. Une fois, il dit à l'un d'eux : "Dis au Damel que j'ai honte que les anges me voient aller chez un roi autre que Dieu."
À cette époque, Ahmadou Bamba composait de nombreux poèmes scientifiques et élogieux. C'est ainsi qu'il écrivit ‘’Masâlik al-Jinân’’ (L'itinéraire du Paradis), un livre de mystique incomparable composé de 1 553 vers, et ‘’Mawâhib al-Quddûs’’ (Les Grâces de l'Éternel). À la même époque, Ahmadou plaça à la tête de ses disciples les plus grands d'entre eux, tels que Cheikh Ibrahim Fall, Cheikh Ibrahim Sarr, Cheikh Anta Mbacké Guèye, Cheikh Hassan Ndiaye, et d'autres encore.
Face à l'hostilité croissante de ses voisins de Mbacké-Baol, Ahmadou Bamba quitta ce village et construisit à l'est une résidence baptisée Darou Salam, où il s'installa au mois de Safar de l'an 1304 (novembre 1886).
Cependant, ce désir de s'éloigner de ses adversaires ne le mit pas à l'abri de leurs méfaits. Il resta un an à Darou Salam. Pendant ce temps, ses disciples observaient une conduite irréprochable, renforçant leur solidarité et voyant leur nombre croître sans cesse. Les groupes de visiteurs se succédaient chez lui, et des biens affluaient vers lui comme une pluie.
Ensuite, il construisit à 5 km au nord-est de Darou Salam un village qu'il baptisa Touba, à la fin de l'an 1305 ou au début de 1306 (1887-1888), où il s'installa avec sa famille. Durant son séjour à Touba (1888-1895), Ahmadou Bamba se déplaçait entre ses différentes résidences Darou Minan, Darou Rahmane et Darou Khoudoss. Seul Dieu connaît les détails de sa vie intime à cette époque, ainsi que ses rapports avec son Seigneur et les différents aspects de l'éducation et de l'enseignement qu'il dispensait à ses disciples. Ses relations avec les dignitaires religieux étaient marquées par des tensions dues à ses fils et à la conversion de leurs propres disciples à sa voie ainsi que par ses disputes avec les souverains et leurs ministres, qui voyaient en lui une menace sérieuse à leur pouvoir.
Le départ de Bamba pour le Djolof
À propos de ce déplacement, Cheikh Mbacké Bouss a rapporté que lorsque la population de Touba augmenta considérablement à la suite des mariages d'une grande partie des disciples et de l'immigration de nombreuses familles villageoises à Touba, les hommes qu'Ahmadou Bamba avait choisis pour leur éducation spirituelle se mêlèrent aux autres résidents, ce qui perturba le système qu'il avait établi.
Pour réaliser cet objectif, il avait séparé ceux de ses disciples qui voulaient apprendre le Coran et les sciences religieuses de ceux qui s'intéressaient plutôt au travail. Le mélange de ces deux groupes lui était certes inacceptable, mais ce qui l'inquiétait le plus était le mélange de ses compagnons avec des éléments étrangers. À cette situation s'ajoutait un désir ardent d'accomplir le pèlerinage à La Mecque et de visiter le généreux Prophète, un désir qu'il avait même révélé à certains de ses intimes.
En substance, Ahmadou Bamba quitta Touba au mois de Chawal de l'an 1312 (avril 1895), accompagné de ses talibés, et se dirigea vers le Djolof. Plusieurs facteurs déterminèrent son choix pour cette région. Tout d'abord, il n'existait pas à cette époque dans le Baol un endroit qui lui convenait mieux. Ensuite, le Djolof était la patrie de ses ancêtres. Enfin, l'éloignement de cette région, dont les habitants ne disposaient pas d'une force assez importante pour nécessiter de sa part une résistance armée (ce qui n'était d'ailleurs pas dans ses habitudes), contribua également à sa décision. Il s'installa à Mbacké Barry, une localité du Djolof, où il commença à construire une résidence.
La déportation de Serigne Touba
Le samedi 18 Safar de l'an 1313 de l'Hégire (18 août 1895), Ahmadou Bamba quitta la résidence qu'il avait construite dans le Djolof pour l'acquisition et la diffusion du savoir. Son départ coïncida avec celui de Louga du commandement de la troupe chargée de son arrestation. Ils se rencontrèrent à Djéwal le soir du même jour. (C'est en Jumada II de cette année que naquit Muhammad al-Bashir, fils d'Ahmadou Bamba, et par ailleurs père de l'actuel khalife général Serigne Mountakha).
Ahmadou Bamba rapporta ce moment en ces termes : "Après la prière d'Asr, le commandant de la force coloniale vint me parler. Mais je me détournai de lui, me tournai vers Dieu et récitai la Basmala 50 fois, ce qui atténua son ardeur et apaisa sa fureur. Puis il alla vaquer à ses occupations, et nous passâmes la nuit dans cet endroit avec le 'ministre' noir."
Serigne Touba écrivit également ces vers à propos de ce voyage :
"Après avoir rencontré ceux qui allaient à ma recherche, les cœurs troublés ; Nous allâmes vite ensemble à la rencontre du gouverneur ; À l'heure de la prière d'Asr, nous priâmes tous ensemble dans l'humilité.
Après la prière, nous rencontrâmes le gouverneur entouré de gardes et de visiteurs.
M'étant détourné du gouverneur, je me tournai vers Dieu le Généreux
Afin d'obtenir la satisfaction de mes besoins ; Au même moment, je récitai la Basmala 50 fois avec humilité Pour obtenir l'aide de Celui à qui aucun ennemi ne peut résister.
Le gouverneur sortit vite vaquer à ses occupations.
Et je passai la nuit dans cette localité et y restai jusqu'à…"
Ces vers sont tirés du livre ‘’L'Abreuvement du Commensal dans la Douce Source d'Amour du Serviteur’’, écrit par Serigne Mouhamadou Lamine Diop Dagana.
Concernant le voyage d'Ahmadou Bamba, il quitta Louga sous l'escorte de l'armée, dont les soldats le connaissaient, le respectaient et se réjouissaient même de sa compagnie. Mais un de leurs supérieurs se montra hostile envers lui. Ahmadou Bamba affirme que cet homme, le gendre du gouverneur de Dakar, était son principal accusateur. Il ne disait ni ne faisait rien de bon à son égard et ne tolérait pas non plus qu'un autre le fît. Il décida de l'expatrier malgré l'opposition de ses collègues, une décision qui coïncida avec le décret et le jugement de Dieu. Ahmadou Bamba confia que si son séjour à Saint-Louis se prolongea, c'était parce qu'ils mirent du temps à se mettre d'accord sur son sort.
Plus tard, Ahmadou Bamba apprit pendant son exil que cet homme était tombé en disgrâce et qu'il avait été affecté à l'île où lui-même avait été exilé. Un châtiment divin, selon Ahmadou Bamba. À sa grande surprise, il apprit que cet homme se trouvait sur l'île. Mais par honte ou par peur, il évitait de le rencontrer. Pourtant, il avait dit à celui qui était chargé de surveiller Ahmadou Bamba : "Ne fais pas de mal à ce marabout. Car il est à l'origine de ce qui m'est arrivé. Ne fais que lui remettre sa pension mensuelle." Cette recommandation changea considérablement l'attitude de son interlocuteur et rendit l'exil moins pénible pour Ahmadou Bamba. Ainsi, Dieu atténua les maux qu'il avait causés. Plus tard, cet homme fut affecté à Kaya, où un sorcier Bambara l'ensorcela et il mourut misérablement dans la case d'une Bambara.
Le retour du Cheikh au Sénégal
Cheikh Ahmadou Bamba débarqua à Dakar le samedi 6 Chaban 1320 H (8 novembre 1902). Il se rendit ensuite à Saint-Louis où il resta 15 jours avant de partir pour Louga le mardi 1er ramadan. Dans cette ville, il séjourna chez son frère Cheikh Thioro Mbacké. Il quitta ce dernier dans la nuit du samedi et passa chez Cheikh Diolo Cissé, puis se rendit chez son adepte Serigne Ciré Lô à Sanusa, où il arriva dans la matinée du dimanche. Il passa le reste du mois de ramadan dans ce village.
L'exil en Mauritanie
Après avoir reçu plusieurs convocations et émissaires des autorités coloniales qui le sommaient de se rendre à Saint-Louis, Cheikh Ahmadou Bamba quitta sa résidence de Darou Marnane le samedi 19 Rabicu (15 juin 1903) en début d'après-midi et fit une halte à Ngabou avec le commandant de la force dépêchée pour le trouver. Le lendemain, il poursuivit son voyage vers Saint-Louis via Diourbel, Touba et Tivaouane, avant de terminer le trajet. De Saint-Louis, il prit un bateau pour Dagana où il passa cinq jours avant de traverser le fleuve vers la fin de Rabicu en compagnie de Chaykhouna B. Dada, l'envoyé de Cheikh Sidiya (1869-1924). Il est possible que les autorités coloniales aient envoyé Ahmadou Bamba à Cheikh Sidiya en raison de la réputation de ce dernier, qui aurait déclaré qu’Ahmadou Bamba était un homme pacifique et qu'il acceptait de se porter garant pour lui. Les autorités coloniales acceptèrent alors de le lui confier.
Le cheikh resta en Mauritanie jusqu'à la nuit du Maouloud de l'an 1325, qui était un vendredi. Au cours de cette nuit, Cheikh Ibra Fall arriva à Saint-Louis avec une autorisation des autorités coloniales permettant au cheikh de rentrer au Sénégal. Ibra Fall l'aida à préparer son voyage. Le cheikh se prépara et fit ses adieux à ses voisins mauritaniens jusqu'au vendredi 19 Rabicu. Ce jour-là, il quitta sa résidence et prit la route de Ganjar, une localité située au nord-est de Dagana, sur le fleuve Sénégal. Les habitants de cette localité lui demandèrent de prier dans leur mosquée. Il s'y rendit en compagnie de Mukhtar Sow, leur imam, y effectua une prière de deux rakas au milieu de la matinée, puis traversa le fleuve pour se rendre à Dagana, où il resta jusqu'au 25e jour de Rabicu. À midi, il partit en bateau pour Saint-Louis.
Le départ de Thièyène et l’installation à Diourbel
Dans la nuit du samedi 23 Muharram de l'an 1330 (13 janvier 1911), Ahmadou Bamba quitta Thièyène pour Diourbel. Il effectua la prière du matin aux alentours de Touba et passa la nuit du lundi à Touba Daroul Alim al-Khabir chez Cheikh Abdou Rahmane Lo, le maître qui avait enseigné le Coran aux fils aînés d'Ahmadou Bamba. Le lendemain, il se rendit à Diourbel, où il passa la nuit du mardi 26 Muharram (16 janvier 1911). À son arrivée à Diourbel, il fut installé dans un endroit situé à proximité de la résidence du commandant de cercle, un endroit qui abritera plus tard le lycée situé à l'est de la ville. Au 1er ou 2 Rabicu de l'an 1330 (février 1917), il alla s'installer dans sa maison construite le mois précédent sur la colline avoisinante, qu'il baptisa Al-Moubaraka.
La construction de la mosquée de Diourbel
Les travaux préliminaires de la mosquée ont commencé en 1925. ‘’En 1917, après que le cheikh ait tracé son emplacement de son pied béni au cours d'une nuit de dimanche, nous avons entamé la construction. J'étais moi-même parmi ceux qui ont creusé l'emplacement des murs de l'édifice, un travail qui dura jusqu'au lundi 27 Jumad II 1336 (9 avril 1918)’’.
Le premier à y célébrer la prière fut son frère, Cheikh Mbacké Bouss, accompagné des fils d'Ahmadou Bamba et des dignitaires mourides. Ces derniers avaient l'intention de rester définitivement à Diourbel, conformément à l'ordre du cheikh de s'y installer et d'envoyer à la campagne les membres de leurs familles capables de travailler pour subvenir à leurs besoins. Cette organisation contribua grandement à la prospérité incomparable de la ville.
Le cheikh faisait lire le Coran quatre fois par jour devant la porte de sa maison : deux fois après la prière du matin, une fois après celle du midi et une fois après celle du soir. Dans la nuit du vendredi, la lecture du Coran était effectuée sept fois.
Le secret de ces pratiques, que seul Dieu Très-Haut connaît mieux que quiconque, résidait dans le désir du cheikh que chaque prière canonique accomplie soit accompagnée d'une "khatma" (lecture complète du Coran). Il voulait que les lectures diurnes soient inscrites à côté des prières canoniques du jour et de celle du coucher du soleil, et que les lectures du vendredi soient associées aux prières du crépuscule de la semaine.
La mort de Serigne Touba
Le cheikh poursuivit ses activités jusqu'à ce que l'ordre de Dieu lui parvienne. Ses deux disciples, Muhammad Ibn Ar-Rahman Al-Tanfughi (décédé en Shawwal de l'an 1372) et Muhammad Lamine Diop, furent désignés pour préparer les funérailles. La dépouille mortelle du cheikh fut secrètement transportée à Touba dans la nuit du mercredi. Cinq personnes, dirigées par Muhammad Al-Bachir (le père de l'actuel khalife général des mourides), fils du défunt, accompagnèrent le cercueil.
Bachir envoya des émissaires à ses frères Serigne Fallou Mbacké, le deuxième khalife de Bamba, qui se trouvait alors dans son fief de Ndindi, près de Touba, et Cheikh Ibrahim, qui était à Darou Mousty, ainsi qu'à Cheikh Mbacké Bousso, qui se trouvait à son village de Guédé près de Touba. Il avertit également les principaux talibés présents à Touba qui, à leur tour, se joignirent à leurs principaux compagnons.
Ainsi, en très peu de temps, 28 personnes se réunirent et accomplirent la prière mortuaire en mémoire du cheikh, sous la direction de Cheikh Mbacké Bousso. Tout cela se passa à l'insu de la foule, par crainte de désordres. Les funérailles furent achevées avant l'aube et une baraque fermée à clé fut installée sur la tombe.
Au matin, lorsque la nouvelle de la mort du cheikh se répandit, une panique indescriptible s'empara des gens. Pendant ce temps, à Diourbel, le khalife Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké informait la population de la nouvelle et les tranquillisa.
VIDEO
L'HISTOIRE AU SERVICE DE LA VÉRITÉ
Pour l'historien Mamadou Diouf, la tragédie de Thiaroye 44 est une clé pour décrypter les mécanismes de la domination coloniale, remettre en question l'identité sénégalaise actuelle et nourrir les ambitions souverainistes du pays
Mercredi 21 août 2024, la RTS a accueilli l'éminent historien Mamadou Diouf, professeur à l'université Columbia de New York, pour une interview sur l'avenir du Sénégal et son passé colonial. Au cœur de cet entretien : la commission chargée d'organiser le 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, que Diouf préside.
"Thiaroye 44 n'est pas qu'un simple fait historique, c'est un tournant dans la conscience africaine", a déclaré Diouf. Cette tragédie, où des tirailleurs sénégalais furent massacrés par l'armée française en 1944, cristallise selon lui les contradictions de l'empire colonial français et l'éveil des revendications africaines.
La commission, mise en place par le gouvernement, a pour mission de "faire la lumière sur ce passé pour mieux éclairer notre avenir", explique l'historien. Elle rassemblera preuves, témoignages et documents pour établir enfin la vérité sur ces événements longtemps occultés.
Pour Diouf, l'étude de Thiaroye est cruciale à plusieurs titres. D'abord, elle permet de comprendre les mécanismes de la domination coloniale et ses séquelles. Ensuite, elle offre un miroir à la société sénégalaise actuelle, questionnant son rapport à l'histoire et à la France. Enfin, elle s'inscrit dans une démarche plus large de souveraineté et de panafricanisme, chère au nouveau gouvernement.
"En revisitant Thiaroye, nous ne cherchons pas la revanche, mais la justice et la vérité", insiste le professeur. "C'est un acte politique qui éclaire le chemin que nous avons choisi : celui de la souveraineté et de l'unité africaine."