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31 mars 2025
PAR SIDY DIOP
ET SI ON SE PAYAIT LE LUXE DU SILENCE ?
"Dans cet océan de bavardages, le silence est perçu comme une faiblesse. Celui qui se tait passe pour un ignorant, un timide ou, pire, un lâche. Ne rien dire, c’est risquer d’être effacé, de disparaître. Alors tout le monde parle."
Lors de ses rares sorties, le khalife général des Tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, conseille toujours le silence. Il ne crie pas, il ne gesticule pas, il ne lance pas son message dans une tirade enflammée sur un plateau télé. Non, il recommande simplement le silence. Et dans un pays où tout le monde parle en même temps, où chacun coupe la parole à l’autre avant même qu’il ait fini sa phrase, où il faut hausser le ton pour exister, ce conseil a quelque chose de révolutionnaire. Mais qui l’entendra ? Le Sénégal bruisse de paroles inutiles.
Dès l’aube, le premier boubou froissé dans la rue s’accompagne d’un flot de commentaires. À la maison, la télévision crache des débats où les chroniqueurs s’étripent à coups de certitudes. Les radios matinales prennent le relais, et voilà que des animateurs s’époumonent sur l’actualité comme si leur vie en dépendait. Dans les transports, le chauffeur de car rapide a son mot à dire sur la politique du pays, le marchand ambulant aussi, et bien sûr, son client ne peut pas laisser passer ça sans répliquer. Sur WhatsApp, dans les groupes de famille, dans les groupes d’amis, chacun balance son analyse – souvent erronée – comme un expert auto-proclamé. Et puis il y a les réseaux sociaux, ce grand défouloir, où celui qui crie le plus fort pense avoir raison par défaut.
Dans cet océan de bavardages, le silence est perçu comme une faiblesse. Celui qui se tait passe pour un ignorant, un timide ou, pire, un lâche. Ne rien dire, c’est risquer d’être effacé, de disparaître. Alors tout le monde parle. Mieux : tout le monde crie. Il ne s’agit plus de convaincre mais d’écraser l’autre sous un flot de paroles. Peu importe si elles sont vides. Pourtant, ceux qui savent parlent peu. C’est une constante. Le professeur Cheikh Anta Diop, lorsqu’il s’exprimait, pesait chaque mot comme s’il engageait sa vie. On l’écoutait religieusement. Aujourd’hui, l’effet est inverse : plus un individu parle, moins on l’écoute. Parce que tout le monde parle en même temps. Parce que la parole s’est dévaluée à force d’être galvaudée. Victor Hugo, ce bavard de génie, écrivait que « au commencement était le verbe ». C’est vrai. Mais le verbe est aussi source de malheurs. Une parole de trop et une amitié vole en éclats. Une déclaration malheureuse et une nation s’embrase. Des propos inconsidérés et des carrières s’effondrent. Les hommes politiques en savent quelque chose : à force de trop parler, ils finissent toujours par se trahir. Mais l’excès de parole ne nuit pas qu’aux puissants.
Il abîme les liens du quotidien. Une parole mal placée, un mot plus haut que l’autre, et voilà deux voisins qui se tournent le dos pour le reste de leur vie. Un message mal interprété, une phrase sortie de son contexte, et c’est une famille qui se déchire. L’époque est à la susceptibilité exacerbée, et dans un monde où chacun a son mot à dire, personne ne veut faire l’effort de comprendre l’autre. Serigne Babacar Sy Mansour a raison. Il faut réapprendre à se taire. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire (c’est le cas de le dire). Se taire demande un effort. Cela suppose d’écouter, d’accepter que l’autre ait quelque chose à dire. Or, dans une société où chacun se considère comme le centre du monde, l’écoute est une vertu en voie de disparition. Le silence, pourtant, est un luxe. Il permet de réfléchir avant de parler, de ne pas gaspiller sa parole comme une monnaie de singe. Il donne du poids à ce qui est dit. Un silence bien placé peut avoir plus d’effet qu’un discours de deux heures.
C’est d’ailleurs une arme redoutable. Un homme politique qui se tait quand on attend de lui une réaction fait trembler plus d’un adversaire. Un chef d’entreprise qui garde le silence au lieu de répondre à une rumeur lui donne une importance qu’aucun démenti n’aurait pu lui conférer. Mais le silence ne sert pas qu’à impressionner. Il protège. Il empêche de dire une bêtise qui nous suivra toute une vie. Il permet d’éviter des conflits inutiles. Il épargne à l’esprit les agressions sonores incessantes du monde moderne. Bien sûr, tout le monde ne peut pas se taire. Mais entre le silence absolu et le vacarme permanent, il y a un juste milieu. Il y a la parole réfléchie, la parole pesée, la parole rare et précieuse. En attendant, le bruit continue. Les voix s’entrechoquent, les débats s’enveniment, la cacophonie règne. Et, dans ce grand fracas, la vérité, elle, se tait.
MARCHÉ DE LA POMME DE TERRE, L’ARM IMPOSE UNE NOUVELLE RÉGULATION
L’Agence de Régulation des Marchés a annoncé la suspension temporaire de la commercialisation par les agrobusiness. Un dispositif de surveillance du transport sera également mis en place afin d’assurer la traçabilité des produits.
Dans un communiqué officiel, l’Agence de Régulation des Marchés (ARM), sous l’égide du ministère de l’Industrie et du Commerce, a annoncé une série de mesures visant à mieux encadrer la commercialisation de la pomme de terre locale.
L’ARM a décidé de suspendre temporairement la mise en marché des pommes de terre par les agrobusiness. Cette décision vise à favoriser la commercialisation de la production locale issue des petits producteurs et à garantir une valorisation équitable de leurs produits.
Un dispositif de surveillance du transport des pommes de terre sera mis en place. Grâce à un suivi des véhicules de transport, cette mesure a pour objectif d’assurer la traçabilité des produits et de garantir un approvisionnement régulier du marché.
Les autorités préviennent que des sanctions seront appliquées aux acteurs ne respectant pas ces nouvelles dispositions. L’ARM appelle ainsi à la collaboration de tous les acteurs du secteur pour la bonne mise en œuvre de cette régulation.
Ces mesures s’adressent principalement à l’Interprofession Pomme de Terre (IPDT), aux agrobusiness et aux commerçants.
STABILISATION DU CALENDRIER UNIVERSITAIRE, LE COMPTE À REBOURS EST LANCÉ
Le gouvernement ambitionne de normaliser l’année universitaire d’ici 2026 grâce à un plan d’urgence incluant infrastructures, recrutements et rationalisation des financements.
Dakar, 28 mars (APS) – La situation est encourageante pour arriver à une stabilisation de l’année académique mais cela exige ‘’une vigilance accrue’’, ‘’bien que certaines facultés accusent encore un retard important, des progrès notables sont enregistrés’’, a soutenu, vendredi, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Dr Abdourahmane Diouf.
Prenant l’exemple de l’UFR Lettres et Sciences Humaines de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) où le premier semestre 2024-2025 s’achève ce mois d’avril, le ministre a souligné que c’est ‘’la preuve que la normalisation est possible quand tous les acteurs jouent leur partition’’.
Cependant, dans certaines facultés, les cours n’ont même pas encore démarré, les cinq années de retard cumulé constituent un goulot d’étranglement extrêmement serré, a dit Dr Abdourahmane Diouf dans un entretien accordé à l’APS sur cette question. ‘’C’est une situation (le chevauchement) inacceptable qui doit cesser parce que certains départements n’ont pas encore entamé leur année académique, accumulant jusqu’à cinq années de retard. Pour ces cas critiques, le gouvernement prévoit des mesures spécifiques d’accompagnement’’, a-t-il relevé.
Mais pour le ministre ‘’globalement, en 2026, nous serons normalement en mesure d’avoir une année académique normée d’octobre à juin-juillet’’. Pour ‘’rattraper le temps perdu et stabiliser l’année académique’’, le ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation a mis en place ‘’des mesures d’accompagnement ciblées’’.
Une volonté politique forte et des actions concrètes
Dr Abdourahmane Diouf a évoqué des ‘’actions concrètes’’ pour ”accélérer” la normalisation, ajoutant que le gouvernement, ”conscient des défis à relever”, a déployé une série de mesures pour garantir un retour à un calendrier académique normal. Parmi celles-ci, il a cité la finalisation des infrastructures avec plusieurs chantiers en cours afin de fournir aux universités des espaces adaptés à leurs besoins croissants.
Il a évoqué également le ‘’renforcement des ressources humaines’’, avec un plan ambitieux de recrutement de Personnel d’Enseignement et de Recherche (PER) et de Personnel Administratif, Technique et de Service (PATS) qui est en cours. Il est question également, pour aller vers la normalisation, de la ‘’rationalisation des financements’’, a souligné le ministre, ajoutant : ‘’Malgré la tension budgétaire, le Président de la République Bassirou Diomaye Faye et le Premier Ministre Ousmane Sonko accordent une attention particulière à la situation des universités. Un plan d’urgence est en préparation en collaboration avec le ministère des Finances et du Budget’’.
Depuis plusieurs années, le chevauchement des années académiques est une problématique majeure dans l’enseignement supérieur. Ce retard coûte chaque année à l’État plus de 40 milliards de FCFA en gaspillage de ressources, avait dit le ministre en juin 2024, lors du séminaire national sur la question, qui avait réuni les acteurs du secteur universitaire. Un délai de 16 mois avait été fixé pour parvenir à une stabilisation du calendrier universitaire.
Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation s’est engagé dans un processus de stabilisation du calendrier universitaire, avec l’objectif d’aboutir à une année académique normée d’ici 2026.
PAR Mamadou Diop Decroix
RÉFLEXION ET PROPOSITIONS SUR LA CRISE DU DÉBAT PUBLIC AU SÉNÉGAL
L'État doit jouer un rôle central par ses régulations et son exemplarité, mais la solution pérenne nécessite l'engagement coordonné des médias, des leaders politiques, de la société civile et des plateformes numériques autour d'une charte commune
Le processus de délitement du débat public (injures, diffamations, diffusion de fausses nouvelles, manipulation…) se poursuit et s’approfondit. Chacun a sa petite idée là-dessus mais beaucoup attendent qu’une solution nous tombe du ciel, ce qui ne sera jamais le cas. L’Etat, premier concerné, ne peut détourner le regard et doit s’en occuper mais l’éradication du phénomène ne peut être exclusivement qu’étatique. En tant que phénomène social, son éradication à terme ne passera que par de nouvelles mutations sociales à impulser. Nous avons en effet une société qui change à une vitesse accélérée.
L’urbanisation rapide, l’explosion médiatique et les réseaux sociaux, articulés à la faiblesse de notre présence, en termes de contenus, dans la mondialisation des références culturelles, entraînent une recomposition des normes sociales avec un affaiblissement de nos propres valeurs traditionnelles de respect et de retenue. Sur ce terreau fertile vient se greffer un processus insidieux de politisation outrancière des identités.
La société sénégalaise était et reste réputée pour sa stabilité et sa relative harmonie dues à des mécanismes intrinsèques très forts comme le brassage naturel des différentes communautés par les mariages, le cousinage à plaisanterie, etc. Cependant, aujourd’hui, les discours de haine nous préoccupent et nous inquiètent. Si nous en recherchons les fondements on les retrouvera pour l’essentiel dans la frustration sociale et économique. En effet, une partie de cette violence verbale peut être vue comme le symptôme d’une frustration généralisée, notamment chez la jeunesse. Le chômage, les inégalités sociales croissantes et le sentiment d’un avenir incertain peuvent provoquer une radicalisation du langage et une polarisation du débat.
Frantz Fanon, dans Les Damnés de la Terre avait déjà expliqué comment les frustrations économiques et sociales pouvaient se traduire par des formes de violence, y compris verbale. D’autres grands penseurs antérieurs ou postérieurs à Fanon sont parvenus à la même conclusion. Il s’y ajoute que les réseaux sociaux sont venus transformer la manière dont les débats se déroulent. Les discours y sont plus directs avec la possibilité de l’exprimer de façon anonyme ce qui libère les propos les plus extrêmes et les plus violents.
Tout ceci se déploie dans le contexte d’une crise du modèle traditionnel de régulation sociale. Les instances de légitimation (figures d’autorité) ont décroché du débat public depuis un certain temps ce qui peut aussi expliquer cette montée des tensions verbales. Le phénomène est donc transversal : crise économique, prégnance des réseaux sociaux, mutation des valeurs culturelles et recomposition des rapports politiques. La solution devrait donc être recherchée à travers un ensemble d’actions combinées. Une régulation plus stricte des médias pourrait aider sans qu’il ne s’agisse d’enfreindre la liberté d’expression.
Par exemple édicter des règles de modération plus rigoureuses sur les discours haineux et les insultes dans l’espace public. Dans la formation des journalistes prêter davantage attention à une éthique du débat et promouvoir des plateformes médiatiques plus équilibrées. Sensibiliser les jeunes aux dangers des fake news et de la manipulation politique. Le kersa, le weg mag ak wegante, etc. devraient être à nouveau promus. Il ne s’agit pas d’un retour nostalgique au passé, mais d’une actualisation de ces valeurs dans le contexte actuel en redonnant aux anciens et aux instances de légitimation un rôle plus actif dans l’éducation civique dès le plus jeune âge. La mise en place d’espaces de dialogue intergénérationnels pourrait également contribuer à éliminer l’antagonisme artificiel introduit par la notion d’alternance générationnelle. En Afrique c’est plutôt la convergence générationnelle qu’il nous faut cultiver où les jeunes peuvent apprendre des codes de respect et de tolérance sans se sentir étouffés .
S’agissant du discours politique, nous devons le refonder sur des bases plus saines. Une bonne partie du problème vient du fait que le discours politique au Sénégal (comme ailleurs) est devenu plus agressif et polarisant. Si les citoyens ont le sentiment que leurs idées comptent, ils seront moins enclins à exprimer leur frustration par la violence verbale. Au-delà des médias et de la politique, il faut repenser la manière dont les Sénégalais interagissent dans l’espace public.
L’État est au centre de cette transformation, car c’est lui qui a les moyens d’impulser les changements nécessaires, que ce soit par la réglementation des médias, la réforme de l’éducation, la promotion d’un discours politique plus sain ou la création d’espaces de dialogue inclusifs. Au fond, cette crise à laquelle nous sommes confrontés ne date ni d’aujourd’hui ni d’hier. Elle a accompagné la faillite de l’état néocolonial dont la vacuité idéologique, politique et sociale ne pouvait produire mieux. Sa vocation et ses ambitions ne portaient pas sur l’équilibre et l’harmonie d’une société où règnent la justice, l’unité et la cohésion. L’exemplarité des institutions et des responsables politiques qui les incarnent sera un aspect important au sens de l’influence positive que cela exerce sur le reste de la société.
Mais aux côtés de l’État doivent aussi se tenir les organisations citoyennes. Il faut une approche participative et inclusive pour la co-construction d’une stratégie d’éradication de cette crise du débat public. Les professionnels de l’Information et de la Communication (pour fixer des règles éthiques dans les débats), les leaders politiques (pour les responsabiliser sur leurs langage et comportements), la Société civile, etc. Il reste cependant entendu que tous ces compartiments et secteurs de notre pays sont confrontés, chacun en son sein, à une exigence d’auto-remise en cause et d’auto ajustement. Cela pourrait déboucher sur une charte commune qui engagerait tous les acteurs.
Les campagnes publiques et travailler avec les plateformes comme Facebook, Twitter, YouTube… (si ce n’est pas déjà en cours) pourraient constituer un puissant levier dans la lutte. En espérant que l’Afrique finira par acquérir son autonomie dans ce domaine digital (Intelligence artificielle) comme d’autres grandes puissances.
par Seydou Barham Diouf et Ahmeth Fall Thioune
ABDOURAHMANE THIAM, BÂTISSEUR DE L’AUTONOMIE
EXCUSIF SENEPLUS - Doté d'une vision audacieuse et d'une passion indéfectible pour l'enseignement et la recherche, il a su guider le département de sciences politiques de l'Ucad avec une sagesse et une détermination exemplaires
Seydou Barham Diouf et Ahmeth Fall Thioune |
Publication 28/03/2025
Dans le paysage académique des sciences politiques, certaines personnalités se démarquent non seulement par leur savoir, mais surtout par leur capacité à inspirer et à transformer. Le Professeur Abdourahmane Thiam incarne cette rare combinaison de qualités qui définit un véritable leader. Doté d'une vision audacieuse et d'une passion indéfectible pour l'enseignement et la recherche, il a su guider le département de sciences politiques de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar avec une sagesse et une détermination exemplaires.
Sa pédagogie innovante, associée à une écoute attentive des préoccupations des étudiants, a créé un climat académique propice à l'épanouissement intellectuel. Le Professeur Thiam se distingue également par sa capacité à établir des liens solides entre théorie et pratique, encourageant les étudiants à se confronter aux réalités du monde contemporain. Sa rigueur académique est accompagnée d'une empathie profonde, ce qui lui permet d'être non seulement un enseignant respecté, mais aussi un mentor engagé pour les étudiants du département.
Par-delà les murs académiques,
L’histoire des institutions académiques est souvent marquée par des figures qui, par leur engagement, leur vision et leur détermination, façonnent leur devenir. Le département de Sciences Politiques de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a connu, au cours des dernières années, une transformation remarquable sous la direction du Professeur Abdourahmane Thiam. «L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde », disait Nelson Mandela. Cette maxime résume bien à elle seule son impact sur des générations d’étudiants au sein de ce département. Elu en 2020, à un moment charnière où le département de sciences politiques venait juste d’acquérir son autonomie, il a su, en quelques années seulement, poser les bases d’une structure académique solide et pérenne.
Pour la consolidation d’une autonomie affirmée !
L’autonomisation du Département de Sciences Politiques par rapport à celui des Sciences Juridiques n’était pas une simple réorganisation administrative. Il s’agissait d’un processus complexe, impliquant des défis structurels, académiques et organisationnels. Un département nouvellement autonome doit se doter de sa propre gouvernance, structurer son offre pédagogique, renforcer son corps professoral et créer des espaces d’échange et d’apprentissage adaptés aux besoins des étudiants.
Tel un architecte minutieux, le Professeur Thiam a su poser les pierres angulaires d’une institution en quête d’indépendance. Sous son magistère, le Département a connu une métamorphose sans précédent. En cinq ans seulement, le nombre d’étudiants s’est vu exploser. Là où on comptait des centaines d’étudiants pour tout le département, on en compte aujourd’hui des milliers. N’est-ce pas là un véritable signe éclatant de l’aspiration collective vers l'excellence et la pertinence d’une discipline en parfaite évolution dans un univers où elle est presque méconnue.
S’inspirant des grands penseurs tels que Pierre Bourdieu, qui affirmait que « chaque institution est une œuvre collective », le Professeur Thiam a su mobiliser l’intelligence collective. Son engagement envers le développement des ressources humaines a été notable. Le recrutement de plusieurs professeurs assistants a enrichi l'équipe pédagogique, permettant une diversité de perspectives et un renforcement des compétences académiques. Chaque nouveau membre de cette équipe a contribué à cette symphonie d'idées, insufflant ainsi un nouvel élan propice à l’épanouissement intellectuel au département.
Vers une effervescence intellectuelle !
« La plus grande réussite d'un leader est de créer un avenir qui perdure au-delà de lui », disait Nelson Mandela. Le Professeur Abdourahmane Thiam a incarné cet idéal avec une détermination exemplaire. Son mandat n'a pas seulement été marqué par une gestion administrative, mais par une véritable vision stratégique pour le département de science politique, une vision qui non seulement a transformé le paysage académique, mais a également posé les bases d'un avenir prometteur pour les générations futures.
Sous l'impulsion du Professeur Thiam, chaque maquette de cours, de la licence 1 au Master 2, a été rigoureusement révisée et enrichie, reflétant l'évolution des sciences politiques et les enjeux contemporains. De nouveaux programmes de Master ont été conçus avec une attention particulière, visant à offrir des parcours diversifiés et adaptés aux besoins du marché du travail. Et le nombre de mémoires soutenus au cours de ce mandat a considérablement augmenté. Cela témoigne d'une dynamique de recherche revitalisée au sein du département. Cette évolution n'est pas anecdotique ; elle marque un tournant décisif dans la culture de production de savoir.
Cette effervescence intellectuelle a ouvert de nouvelles voies pour la réflexion critique. Le département ne se contente pas de former des étudiants passifs ; il engendre des penseurs, des innovateurs, des dirigeants qui sont prêts à relever les défis d'une société en pleine mutation. En cultivant un esprit d'analyse et d'évaluation critique, le département, à sa tête le Professeur THIAM, a su préparer ses étudiants à devenir des acteurs éclairés, capables de naviguer dans un monde complexe et interconnecté.
Et la mémoire du chapiteau…
Debout devant le parking de la faculté depuis 2020, le chapiteau n’a accueilli d’étudiants que pendant une courte durée avant d’être réduit en cendres lors des douloureux évènements de juin 2023. Un coup dur ! Mais un jalon marquant le mandat du Professeur Thiam a été la reconstruction du chapiteau en si peu de temps. Grâce à son leadership éclairé, cet espace de vie et d’échanges d’idées est aujourd’hui complètement réhabilité et pourra accueillir encore des étudiants à la prochaine rentrée. Quel bonheur de se retrouver sous le toit de ce bâtiment, symbole de résilience et d’une détermination collective à transcender les défis.
Jokanjaal Professeur !
Diriger, c’est anticiper, orienter et bâtir. Mais diriger un département naissant, c’est aussi poser les fondations d’une institution, tracer des sillons durables et affronter l’incertitude avec détermination. Le Professeur Abdourahmane Thiam l’a fait durant tout son mandat, avec engagement et rigueur, en tant que chef du Département de Science Politique de la FSJP de l’Ucad. Aujourd’hui, alors qu’il passe le flambeau au Professeur Boubacar Kante, il laisse derrière lui un département totalement métamorphosé, avec des réalisations, visibles et palpables, qui ne sont que la face émergée de l’iceberg. Derrière elles, il y a eu des heures de travail, des négociations, des combats parfois silencieux pour faire avancer le département et lui donner sa pleine autonomie.
Une nouvelle page s’ouvre aujourd’hui avec l’arrivée du Professeur Boubacar Kanté à la tête du département, il est alors essentiel pour nous, étudiants de ce coin de la fac, de rendre hommage à celui qui a posé les jalons de cette ascension. Jokanjaal, Professeur Abdourahmane Thiam ! Merci pour votre engagement, votre dévouement et votre vision. Soyez assuré que votre contribution à ce département reste gravée en lettres d’or dans l’histoire de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'Ucad.
Les auteurs sont étudiants en deuxième année de Master en Science Politique à l’Ucad.
LE DRAGON CHINOIS S'EMPARE DU MARCHÉ SÉNÉGALAIS
En 2024, la Chine a détrôné la France comme premier partenaire commercial du Sénégal, avec des importations atteignant 848,242 milliards FCFA (+8,3%), tandis que celles en provenance de la France ont chuté à 725,252 milliards FCFA (-17%)
Le paysage du commerce extérieur du Sénégal a connu un changement significatif en 2024, avec la Chine supplantant la France en tant que premier fournisseur du pays. Selon les données publiées par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), les importations en provenance de la Chine ont enregistré une hausse de 8,3 %, atteignant un montant de 848,242 milliards FCFA (soit environ 1,3 milliard d’euros). Parallèlement, celles en provenance de la France ont connu une baisse de 17 %, s’établissant à 725,252 milliards FCFA (environ 1,1 milliard d’euros).
Un nouveau classement des partenaires commerciaux
Ce basculement place désormais la France en deuxième position des principaux partenaires commerciaux du Sénégal. Elle est suivie par la Russie, les Émirats arabes unis et la Belgique, qui occupent respectivement les 3e, 4e et 5e places avec des importations s’élevant à 578,966 milliards FCFA, 408,962 milliards FCFA et 397,632 milliards FCFA.
D’autres pays renforcent également leur présence dans le classement des dix premiers fournisseurs du Sénégal : l’Inde (329,816 milliards FCFA), le Nigeria (314,782 milliards FCFA) et la Turquie (238,935 milliards FCFA) occupent respectivement les 6e, 7e et 8e positions. Le Nicaragua et les États-Unis ferment le top 10 avec des importations estimées à 229,696 milliards FCFA et 198,234 milliards FCFA.
Ensemble, ces dix pays représentent 60 % des importations du Sénégal en 2024, pour un volume total de 4 270 milliards FCFA.
Un recul du déficit commercial
Dans le même temps, le Sénégal a enregistré une baisse de son déficit commercial, qui s’établit à 3 252,3 milliards FCFA en 2024, soit une diminution de 731,06 milliards FCFA par rapport à l’année précédente (3 983,4 milliards FCFA en 2023). Cette amélioration s’explique en partie par une légère diminution des importations, qui ont reculé de 0,6 % pour atteindre un total de 7 161,4 milliards FCFA.
Ces performances illustrent l’évolution des dynamiques commerciales du Sénégal, marquées par la montée en puissance de nouveaux partenaires et la diversification des sources d’approvisionnement du pays.
PAR MOUSSA DIOP
DÉBUT 90, LA PARENTHÈSE ENCHANTÉE
Au gré des méandres tracés par les algorithmes et de l’effet de consanguinité des réseaux sociaux, un extrait vidéo réunissant Omar Pène, Daro Mbaye, Youssou Ndour, Ismaël Lô et Demba Dia a ramené à la surface un flot de souvenirs.
Au gré des méandres tracés par les algorithmes et de l’effet de consanguinité des réseaux sociaux, un extrait vidéo réunissant Omar Pène, Daro Mbaye, Youssou Ndour, Ismaël Lô et Demba Dia a ramené à la surface un flot de souvenirs. Il a replongé le frêle adolescent que j’étais – oui, oui, je n’ai pas toujours été dodu et ventru – dans les premières années 90.
Une époque d’insouciance, de liberté et de rêves. « Hello Kevin, Kevin from London, Kevin my brother », fredonne Omar Pène de sa voix unique, dans un studio de la Rts, en ce jour de mai 1991 qui restera gravé dans l’histoire musicale du Sénégal. Ce jour-là, les figures emblématiques de la musique sénégalaise étaient réunies autour de lui, invité principal de « Boulevard en musique », une émission culte des années 90 animée par Khalil Guèye. Journaliste à la stature imposante, Khalil Guèye était une figure incontournable du paysage audiovisuel sénégalais, fort d’un Cv impressionnant qui comptait Cbs, Cnn, Voa et Bbc. Cette émission était le reflet d’une période particulière. Celle d’une renaissance, d’un vent nouveau soufflant sur la scène musicale.
En 1989, l’éclatement du Super Diamono était officialisé : Ismaël Lô prenait son envol en solo, tandis que les frères Adama et Lamine Faye quittaient le groupe pour produire des artistes comme Coumba Gawlo, Kiné Lam, Moussa Ngom ou encore Mapenda Seck. De son côté, Omar Pène, en compagnie du bassiste Bob Sène et de Lappa Diagne, survivant du groupe dissous, amorçait un retour en force avec le Super Diamono New Look. Khalil Guèye revenait alors de France après le tournage du film « Toubab Bi » dans lequel il jouait le rôle de Prince. Il avait sécurisé un studio avec la Rts, mais il manquait encore une bonne sonorisation. C’est là qu’intervint Demba Dia, lui aussi fraîchement rentré du pays de Marianne, qui mettait à disposition l’une des meilleures logistiques de concert au Sénégal. Parmi les invités, Youssou Ndour poursuivait son ouverture vers l’Amérique. Il adoptait un look inspiré du réalisateur new-yorkais Spike Lee : veste ample sur un polo à capuche, posé sur un jean bleu délavé. Le tout orné d’une casquette sans encore le X.
« Boulevard en musique » a joué un rôle clé dans la relance de la carrière d’Omar Pène. Quelques semaines après son passage dans l’émission, il sortait son premier album avec sa nouvelle formation, « Passeport spécial vacances », durant l’hivernage 1991, suivi de « Ndam le Paysan ». Dès lors, il était lancé et adoptait définitivement la signature Omar Pène et le Super Diamono, (exit le New Look) suivant ainsi la voie tracée par Youssou Ndour et Baaba Maal. L’auteur de « Supporter » nourrissait, comme beaucoup de Sénégalais, de grandes espérances pour la Coupe d’Afrique des Nations, que le Sénégal accueillait du 12 au 26 janvier 1992. Mais le rêve tourna court : une élimination décevante face au Cameroun (0-1) en quart de finale, le 19 janvier, marqua brutalement la fin de cette parenthèse enchantée. Le pays bascula alors dans une période plus sombre. Les tensions politiques montèrent avec l’élection présidentielle de 1993, marquée par la victoire contestée d’Abdou Diouf face à Abdoulaye Wade.
Le meurtre de Me Babacar Sèye, le 15 mai 1993, scella une année que l’histoire retiendra comme une Annus horribilis. L’année suivante ne débuta pas sous de meilleurs auspices. Le 12 janvier 1994, la dévaluation du franc CFA de 50 % frappa de plein fouet l’économie sénégalaise, aggravant encore le climat social et politique. Le président Abdou Diouf, longtemps perçu comme un technocrate effacé dans l’ombre de Senghor, s’affirmait de plus en plus. Il imposait son style, « une main de fer dans un gant de velours », selon les mots mêmes de son prédécesseur. Pourtant, les années 90 s’enfonçaient dans la morosité, entre crises économiques et tensions politiques, malgré des tentatives de redressement du plan Sakho-Loum.
L’an 2000 apparaissait alors comme un horizon lointain, un espoir de renouveau. Lors d’une rencontre à Paris, Abdou Diouf confia à Khalil Guèye combien « Boulevard en musique » avait été une bouffée d’air dans cette période tourmentée. Les services de renseignement considéraient ces quatre heures de direct comme une véritable soupape, un moment de répit pour un pays en quête d’apaisement. À l’heure du numérique, des tendances éphémères et du culte de l’instantané, se retourner sur cette époque, c’est comme figer le temps dans une photographie. Saisir un regard, un frisson, une émotion. Retrouver, l’espace d’un instant, une vie qui semblait éternelle.
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DES VICTIMES DÉNONCENT UN DOUBLE JEU SUR L'AMNISTIE
Les victimes des manifestations (2021-2024) apportent leur soutien à la proposition de loi interprétative d'amnistie, tout en dénonçant les revirements constants de l'opposition et la duplicité de certaines ONG
Lors d'une conférence de presse tenue ce vendredi à Dakar, les victimes des événements politiques survenus entre 2021 et 2024 ont vivement critiqué l'opposition et certaines organisations de la société civile pour leur position jugée incohérente sur la loi d'amnistie.
"N'écoutez pas cette opposition qui est en perte de vitesse. Le matin, ils nous disent que personne ne peut abroger cette loi, à midi ils proposent une abrogation totale, et le soir ils viennent réclamer une annulation", ont dénoncé les représentants des victimes dans leur déclaration commune.
Les victimes ont particulièrement ciblé les organisations de la société civile qu'elles qualifient de "politiciens encagoulés animés de mauvaise foi" qui auraient, selon elles, "raté le train de l'histoire" des événements survenus depuis mars 2021.
Ces anciens détenus politiques, familles de martyrs et blessés lors des manifestations apportent leur soutien à la proposition de loi interprétative déposée par le député Amadou Ba du Pastef. Cette initiative vise à clarifier la loi adoptée par l'ancien président Macky Sall en mars 2024, en excluant de son champ d'application les crimes graves comme les meurtres et les tortures.
"Nous ne sommes pas favorables à une abrogation totale de la loi d'amnistie, une telle démarche risquerait de raviver les tensions", ont précisé les victimes, estimant que l'interprétation proposée par le député du parti au pouvoir constitue "la voie la plus appropriée pour équilibrer les impératifs de justice et de paix sociale".
Les intervenants ont également rappelé que deux procédures permettraient aux victimes d'obtenir réparation : l'une devant l'agence judiciaire de l'État, l'autre devant une commission juridictionnelle de la Cour suprême.
Cette conférence de presse survient dans un contexte de débat national sur le traitement judiciaire des violences politiques qui ont secoué le Sénégal entre 2021 et 2024, période marquée par des arrestations arbitraires et des pertes humaines lors de manifestations.
"En soutenant l'interprétation de la loi d'amnistie, nous faisons un pas significatif vers la justice, la vérité et la réconciliation nationale", ont conclu les victimes, appelant à un "Sénégal juste, souverain et prospère".
LA COUR SUPRÊME ORDONNE LA LEVÉE DE L’INTERDICTION DE VOYAGE DE MANSOUR FAYE
L’ancien ministre, empêché de quitter le territoire le 10 mars dernier, dénonçait une restriction arbitraire de sa liberté de mouvement
Le juge des référés-liberté de la Cour suprême a donné, vendredi, injonction au ministre de l’Intérieur de lever l’interdiction de sortie du territoire pour Mansour Faye, a révélé à l’APS son avocat, Me Amadou Sall.
‘’C’est cela. Le juge des référés liberté de la Cour suprême a demandé au ministre de l’Intérieur de faire injonction à la police de l’air et des frontières de cesser de porter atteinte à la liberté d’aller et de venir de Mansour Faye et de le laisser voyager librement’’, a indiqué Me Amadou Sall.
L’ancien ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement sous Macky Sall a été éconduit à l’Aéroport international Blaise Diagne alors qu’il tentait de prendre un vol à destination de Djeddah le lundi 10 mars 2025. Il avait dénoncé à l’époque ”une tentative d’intimidation politique”.
Le référé-liberté, est, selon Dalloz, “une urgence permettant de mettre fin à une mesure administrative de nature à porter une atteinte grave à l’exercice d’une liberté fondamentale”.
Dans un texte intitulé “Le référé devant la Cour suprême”, le magistrat sénégalais Oumar Gaye, Conseiller dans cette haute juridiction, expliquait cette procédure du contentieux administratif.
“Il est prévu par l’article 85 de la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017. Il permet au juge de rendre son ordonnance dans les 48 h s’il est porté, à une liberté fondamentale, une atteinte grave et manifestement illégale par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public dans l’exercice de leurs pouvoirs. Ce référé est également prévu par l’article 80, al 3 de la loi organique sur la Cour suprême s’agissant des recours introduits par le Représentant de l’Etat, lorsque l’acte pris par une autorité d’une collectivité locale est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle”, avait clarifié le magistrat.
DERRIÈRE LA DETTE CACHÉE
Face à la polémique suscitée par le débat autour de la dette cachée, ‘’EnQuête’’ a sollicité l'avis de plusieurs experts pour en déterminer les contours et la portée de cette notion technique qui ne renvoie pas forcément à des qualifications pénales
Face à la polémique suscitée par le débat autour de la dette cachée, ‘’EnQuête’’ a sollicité l'avis de plusieurs experts pour en déterminer les contours et la portée de cette notion technique qui ne renvoie pas forcément à des qualifications pénales.
“Ne tombons dans aucune diversion. La confirmation du FMI de la dette cachée par le régime de Macky Sall de 2019 à 2024 doit faire l’objet de tous les lives, post Facebook, tweets, débats dans les groupes WhatsApp, conférences et thé-débats dans les coordinations et cellules”. Le peuple, poursuit Amadou Ba, doit définitivement comprendre les enjeux et conséquences de cette confirmation. Le député, juriste de surcroit, ne s'en limite pas.
Pour lui, l'argent de ce peuple “a été volé et qu’il faut tout récupérer”. La justice, peste-t-il, “doit maintenant immédiatement s’activer pour identifier les responsables”.
Le verdict d'Amadou Ba est sans équivoque. Le Premier ministre Ousmane Sonko, selon lui, avait raison. Les opposants avaient tort. Il en résulte la déduction suivante : premièrement, “il est urgent de criminaliser le détournement de deniers du peuple pour empêcher la récidive. Deuxièmement, il estime que “tout le peuple doit être patient et se mobiliser derrière le gouvernement pour redresser le pays. Tous les contrefeux, faux débats et diversions de l’opposition et de leurs sbires médiatiques ne doivent plus faire l’actualité”, décrète le porteur de la loi portant interprétation de l'amnistie.
Nos tentatives d'entrer en contact avec lui pour plus de clarifications sont restées vaines.
Ce qui est clair, c'est que, comme lui, ils sont nombreux, les observateurs, à confondre ou à faire l'amalgame entre “dettes cachées” et malversations. Ce, malgré les précisions diplomatiques du chef de la délégation du Fonds monétaire international qui a effectué une mission au Sénégal ces derniers jours.
Sur RFI, la journaliste lui a demandé : “Des sources parlent de sept milliards de dollars qui auraient été détournés. Vous confirmez ?” À cette question, le chef de la délégation, M. Gemayel, avait répondu sans hésiter : “25 % du PIB, c'est à peu près 6-7 milliards de dollars. Je ne dirais pas détourné ; c'est un endettement qui n'a pas été dévoilé. Et donc le stock de la dette a été sous-estimé de 6-7 milliards de dollars à peu près.” À la journaliste qui demande si l’on peut parler de mensonge par rapport à ce qui est arrivé, le fonctionnaire du FMI s'est voulu bien plus mesuré. “Il y a une sous-estimation”, rétorque-t-il net, avant d'expliquer : “Donc, une partie de la dette qui a été cachée. Ce qui a permis aux autorités de s'endetter plus sur les marchés, de donner un signal plus positif aux marchés financiers et aussi de pouvoir s'endetter à des taux plus favorables que ce que ces taux auraient été, si la dette était plus élevée.”
Selon certaines estimations, la dette cachée a atteint 1 000 milliards de dollars au niveau mondial
‘’EnQuête’’ a essayé d'en savoir plus sur les dettes cachées. Qu'est-ce que c'est ? Quelles en sont les implications ? Dette cachée renvoie-t-elle forcément à une malversation ?
D'abord, dans le blog du FMI, dans un article rédigé avec la contribution de Kika Alex Okoh - agent au Département juridique du FMI - la définition suivante est donnée à cette notion qui défraie la chronique : “La dette cachée est un emprunt dont un État est redevable, mais qui n’est pas divulgué à ses citoyens ou aux autres créanciers.” Cette dette, par nature, renchérit la cadre du FMI, “est souvent exclue du bilan comptable public, mais elle est bien réelle et atteint 1 000 milliards de dollars au niveau mondial”, informe la source qui renvoie au rapport “Hidden Debt Revelations” (en français Révélations sur la dette cachée) 2022-2023.
Ce qu'il faut comprendre par dette cachée
Qu'en pensent les experts ? Plusieurs économistes ont été interpellés par ‘’EnQuête’’ pour mieux cerner cette notion de dette cachée. Pour Dr Ndongo Samba Sylla, chercheur très respecté pour ses nombreux travaux scientifiques, il faudrait comprendre par dette cachée “des dettes contractées sans autorisation parlementaire et qui n'ont pas été reportées comme faisant partie de la dette publique officielle”.
Pour sa part, le professeur Malick Sané de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar donne la définition suivante : “Je ne pense pas qu'il y ait une définition consacrée, mais on peut comprendre par-là toute dette qui n'a pas été officiellement déclarée.” Rappelant que souvent, la notion est mise entre guillemets, il est revenu sur le fait que cette dette n'est pas totalement cachée. “Ce n'est pas pour rien qu'on le met souvent entre guillemets. Entre guillemets parce qu'il y a quand même des traces. Mais comme c'est consigné quelque part de manière plus ou moins officieuse, on dit que c'est caché. Mais on connait qui sont les créanciers, on connait les montants’’.
Alors, dette cachée vaut-elle forcément malversations ? Le professeur est catégorique : “Pas du tout. Ça ne rime pas du tout avec malversations. En tout cas pas de manière systématique.”
Dans le même sillage, le professeur Mounirou Ndiaye est d'avis qu'une dette ne peut pas être cachée. “Il y a toujours une institution financière ou un partenaire qui accorde cette dette et elle fait toujours l'objet d'une écriture. Maintenant, pour ce que l'on appelle communément dette cachée, il y en a deux catégories. Il y a, d'une part, des dettes qui ne figurent pas dans les documents budgétaires. D'autre part, les dettes qui sont expressément dissimulées par l'État pour éviter que la signature internationale soit ternie ou que sa crédibilité soit entamée” a-t-il détaillé.
Pour le cas de nos États, souligne-t-il, les deux catégories existent. “Il y a le cas des lettres de confort et les lettres de garantie qui permettent de financer des choses sous la garantie ou sous la responsabilité de l'État, sans pour autant que ces dettes transparaissent dans les documents budgétaires. Il y a également cette volonté de dissimuler, une tendance débridée à l'endettement qui pousse à vouloir dissimuler une partie de la dette pour continuer à bénéficier de meilleures conditions”, précise le spécialiste.
Mais, alors que le Pr. Sané indique que cela ne rime pas forcément avec détournement, le Pr. Mounirou Ndiaye semble un peu plus nuancé. À la question de savoir si dette cachée renvoie forcément à vol ou autre acte de malversation, voici sa réponse : “Je pense qu'on peut nuancer. Parce que dans certains cas, on peut se demander valablement où est passé l'argent ? Parce que de l'argent a été emprunté pour des projets et on ne voit pas que ces projets ont été réalisés. Il revient à la justice d'en déterminer les tenants et aboutissants, et de situer les responsabilités. Le parquet financier est en train de travailler dans ce sens.”
Dette cachée ne rime pas forcément avec vol ou détournement
Depuis quelques jours, le cas du Sénégal défraie la chronique. Chacun y allant de son commentaire. Ce qui nous pousse à demander si la pratique est rare ou fréquente à l'échelle internationale. Selon le Dr Ndongo Samba Sylla, “les dettes cachées existent dans les pays où les contrôles démocratiques sont défaillants”. L'économiste donne l'exemple du Mozambique, avec le scandale emblématique des Tuna bonds. “Cependant, la pratique consistant à maquiller les comptes du gouvernement pour les présenter à leur avantage est assez répandue (les dettes cachées étant un exemple extrême et illégal)”, souligne le spécialiste.
À la question de savoir dans quelle catégorie il rangerait l'exemple du Sénégal, il rétorque : “C'est un mélange des deux. La dette contractée auprès du système bancaire sans autorisation du Parlement est un cas clair de violation de la loi.” Sur les prêts projets financés sur ressources extérieures, il est moins tranché. “J'imagine qu'il faut entrer dans les détails. Mais c'est sans doute plus difficile de gruger les chiffres qui concernent la dette extérieure auprès des partenaires bilatéraux et multilatéraux occidentaux”, a-t-il précisé.
Pour sa part, le Professeur Sané estime que la pratique de la dissimulation est assez fréquente à travers le monde. “C'est sûr que dans les États, il y a toujours des choses qu'on ne dit pas officiellement. Quand vous traitez avec des institutions comme le FMI qui sont très contraignantes, parfois, on peut être tenté de ne pas tout déclarer. Même dans les entreprises, il y a des choses qu'on ne déclare pas. Vous embellissez votre bilan en sachant qu'il y a des éléments que vous gérez en toute discrétion. Et l'émissaire du FMI l'a clairement dit. Il a dit que ce n'est pas une première. C'est aussi ça la réalité”, souligne le Dr Malick Sané.
Il faut rappeler que lors de la conférence de presse du gouvernement ayant suivi la publication du rapport de la Cour des comptes, le ministre de la Justice avait précisé ce qui suit à propos des menaces de poursuites : “L'exploitation du rapport a permis de relever, qu'en dehors des taux anormalement élevés de la dette, des manquements graves, qui pourraient revêtir diverses qualifications pénales : du faux en écriture, faux en informatique, détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics, blanchiment d'argent et enrichissement illicite, complicité et recel de ces chefs”, avait-il clamé.
À ceux qui voulaient plus de détails, il avait dit que les éléments en sa possession ne lui permettent pas d'en dire plus et qu'une enquête serait ouverte pour situer toutes les responsabilités.
Récemment à l'Assemblée nationale, à ceux qui réclamaient des poursuites contre l'ancien président, il avait précisé que le rapport ne mentionne pas le délit de haute trahison, seul chef pour lequel un chef d'État peut être poursuivi. “Je ne vais pas entrer dans des considérations que je ne maitrise pas. Nous sommes dans une dynamique d'enquête et rien n'est exclu” s'était-il limité à préciser.
Interpellé sur la question sur RFI, l'émissaire du FMI avait laissé entendre que cette question relevait exclusivement de la compétence des autorités judiciaires du Sénégal. “Il faut laisser la justice suivre son cours. Cela permettra de déterminer si ces faits ont eu lieu ou non”, avait-il précisé, tout en reconnaissant l'existence de “manquements graves”.
Le verdict
En résumé, à propos de la dette cachée, il faut retenir qu'il n'y a pas de définition consacrée. Mais les différentes définitions données par le FMI et les experts se recoupent par rapport au critère de la dissimulation.
Pour le Dr Ndongo Samba Sylla, il s'agit de “dettes contractées sans autorisation parlementaire et qui n'ont pas été reportées comme faisant partie de la dette publique officielle”. Pour le Pr. Sané, “il faut plutôt mettre des guillemets à dette cachée. Parce que la dette n'est pas totalement cachée ; il y a des traces. On connait les créanciers, on connait les montants. C'est juste que la dette ne fait pas l'objet d'une déclaration officielle”.
Cela rejoint les déclarations de Mounirou Ndiaye qui estime que dettes cachées, ça n'existe pas, puisque les dettes en question figurent forcément dans des écritures. “Maintenant, s'empresse-t-il d'ajouter, pour ce que l'on appelle communément dette cachée, il y en a deux catégories. Il y a, d'une part, des dettes qui ne figurent pas dans les documents budgétaires. D'autre part, les dettes qui sont expressément dissimulées par l'État pour éviter que la signature internationale soit ternie ou que sa crédibilité soit entamée”.
Par rapport à la confusion dette publique-malversation, il faut noter qu'il y a des cas où la dette cachée peut effectivement déboucher sur des qualifications pénales, si elle a permis de commettre des actes délictuels. Ce qui n'est pas forcément le cas, selon la plupart de nos interlocuteurs.