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16 avril 2025
NOËL DES RÉCONCILIATIONS À ZIGUINCHOR
Mgr Manga, nouvel évêque, a choisi la messe de Noël pour lancer un appel à la guérison des blessures invisibles qui minent la société. Son message, ancré dans la tradition du jubilé catholique, dépasse le cadre strictement religieux
La fête de Noël a été célébrée ce 25 décembre 2024 dans le monde entier. Au Sénégal, les paroisses, de Dakar à Ziguinchor, ont organisé des messes pour marquer cet événement. À la Cathédrale Saint-Antoine de Padoue de Ziguinchor, le nouvel évêque, Mgr Jean-Baptiste Valter Manga, a délivré un message fort d’espérance, de réconciliation et de miséricorde.
Dans son homélie, Mgr Manga a rappelé que l’Église catholique entre en 2025 dans une année jubilaire, une tradition célébrée tous les 25 ans.
« Ce jubilé est un moment spécial pour réfléchir à la justice, au pardon et à la libération, comme le recommande la Bible. Ce n’est pas seulement pour ceux qui sont en prison, mais aussi pour tous ceux qui sont prisonniers d’addictions ou de blessures intérieures », a-t-il expliqué.
Il a invité les fidèles à vivre cette année sous le signe de l’espérance et de la réconciliation.
« Chaque paroisse doit avoir un prêtre disponible pour écouter et aider. Les sacrements, comme la réconciliation et l’eucharistie, sont essentiels pour guérir nos blessures intérieures », a-t-il souligné.
Mgr Manga a également adressé un message fort aux prêtres et aux fidèles de son diocèse, les appelant à un engagement plus profond pour répondre aux besoins spirituels et humains des paroissiens.
« J’ai demandé qu’il y ait toujours un prêtre disponible dans chaque paroisse pour écouter et accompagner. Certaines souffrances, souvent invisibles, rendent le bonheur inaccessible. Nous avons besoin d’un accompagnement pastoral fort pour identifier et soigner ces blessures intérieures », a-t-il insisté.
Il a également mis en lumière l’importance des sacrements, en particulier ceux de la réconciliation et de l’eucharistie, comme moyens de guérison spirituelle et de renouveau intérieur.
En cette célébration de Noël, le message de Mgr Manga s’est voulu une bouffée d’espérance pour une communauté catholique appelée à bâtir des ponts de réconciliation et à œuvrer pour une société plus juste et plus solidaire.
L’évêque de Ziguinchor a invité les fidèles à porter la lumière de Noël dans leur quotidien, à travers des actes concrets de solidarité, de justice et d’amour fraternel.
LA RENTRÉE DES COURS ET TRIBUNAUX PRÉVUE LE 16 JANVIER
Organisée à la Cour suprême, cette cérémonie marquera le lancement de l’année judiciaire 2025, avec pour thème : « Droit de grève et préservation de l’ordre public ».
Le président de la République, élu le 24 mars 2024, présidera la cérémonie solennelle de rentrée des Cours et Tribunaux, prévue pour le jeudi 16 janvier 2025. Ce sera sa première participation à cet événement depuis son accession à la présidence.
Organisée à la Cour suprême, cette cérémonie marquera le lancement de l’année judiciaire 2025, avec pour thème : « Droit de grève et préservation de l’ordre public ».
Un communiqué officiel a précisé que l’événement se déroulera sous la présidence effective du chef de l’État, qui assume également la fonction de président du Conseil supérieur de la Magistrature.
Cet événement symbolique, d’importance capitale pour le secteur judiciaire, offre une occasion unique de rassembler les principaux acteurs de la justice autour d’une thématique particulièrement pertinente dans le contexte actuel de tensions sociopolitiques et de revendications sociales.
Le thème choisi met en lumière le défi auquel sont confrontées les institutions pour trouver un équilibre entre la protection des droits fondamentaux, notamment le droit de grève, et la nécessité de maintenir l’ordre public.
La cérémonie constituera également un moment propice pour discuter des enjeux actuels du système judiciaire, promouvoir l’indépendance de la magistrature et exposer les priorités stratégiques du secteur pour l’année à venir.
GUINGUINÉO NOSTALGIQUE DU SIFFLEMENT DU TRAIN
Cette ancienne deuxième capitale du rail, dont la gare fut jadis l'une des plus importantes du pays, sommeille aujourd'hui dans l'attente d'un renouveau
Guinguinéo a été, du temps de la grandeur des chemins de fer du Sénégal, la deuxième capitale du rail du Sénégal. Les populations sont nostalgiques de cette époque lorsque la gare de la ville était toujours animée et engendrait un dynamisme économique. Tous les habitants espèrent la relance du chemin, pour que Guinguinéo, assoupie avec l’arrêt du train, retrouve sa vie d’antan.
Gare de Guinguinéo ou ce qu’il en reste. Nous sommes en mi-novembre. Le temps est clément, contrairement à la canicule des jours précédents à Guinguinéo, chef-lieu départemental de cette circonscription de la région de Kaolack. Le vaste espace qui était le centre de l’infrastructure ferroviaire est actuellement au milieu de la capitale départementale, non loin du centre-ville et à côté du quartier Pallène. Le principal bâtiment de la gare, abandonné depuis que le train a arrêté de siffler à Guinguinéo, au début des années 2000, a perdu de sa superbe. Plus de tôle ni d’ardoise rouge sur les toits. Les murs sont délabrés, même si la peinture beige est toujours visible, de même que certaines portes et fenêtres en bois craquelées par endroits.
Seule la plaque de couleur blanche, avec l’inscription « Guinguinéo » en rouge, en face des rails, semble résister à la dégradation causée par le temps pour rappeler l’époque glorieuse de cette ville qui était considérée comme la deuxième capitale du rail du Sénégal, après Thiès. En face de l’édifice principal, où les passagers venaient acheter leurs tickets, il y a deux grands bâtiments qui servaient de dépôts des machines pour la maintenance des trains. Ces différents bâtiments, tous en ruine, sont envahis par les hautes herbes et sont souvent le repère des ânes et d’autres animaux divaguant en cette période de l’année. Par endroit, les rails sont aussi recouverts par les herbes. À côté, quelques wagons abandonnés d’un autre âge rappellent aussi que cette gare a été l’une des plus dynamiques du pays.
Dans le vaste domaine disposant même de ses propres châteaux d’eau, quelques maisons des cheminots sont encore utilisables. Il s’agit de maisonnettes disposant de cours avant et arrière ornées de fleurs et d’autres arbustes décoratifs. Même si plusieurs maisons qui appartiennent toujours à la Société des chemins de fer du Sénégal ne sont plus occupées, sont sans eau ni électricité, on constate une certaine classe se dégager de ce cadre. Les populations de Guinguinéo se rappellent que c’était une belle cité des cheminots qui faisait de la ville une localité attrayante avec le dynamisme engendré par le chemin de fer. Non loin du tracé du chemin de fer, Jaques Bernard Traoré et ses amis vulcanisateurs sont autour du thé à l’ombre d’un acacia. Très passionné par tout ce qui touche à la relance du chemin de fer, il confie que depuis que le train a arrêté de siffler à Guinguinéo, il y a une vingtaine d’années, la ville a commencé à perdre de sa superbe.
L’activité économique tourne aussi au ralenti depuis. « Du temps du chemin de fer, lorsque le train circulait normalement, il faisait bon vivre à Guinguinéo. La ville était animée et dynamique sur le plan économique. Toute l’économie de Guinguinéo tournait autour du chemin de fer. Il y avait des commerçants dans la gare et aux alentours. On avait aussi facilement des marchandises qui venaient du Mali, de Dakar et de toutes les villes traversées par le chemin de fer », se rappelle l’homme âgé de 47 ans. Jacques Bernard Traoré confesse que Guinguinéo n’avait rien à envier aux autres villes du Sénégal. Guinguinéo est aussi une ville enclavée. Elle est située à neuf kilomètres de la route nationale (axe Diourbel-Kaolack). Pour regagner la ville, les habitants sont souvent obligés de chercher un véhicule de transport à l’intersection « Back Samba Dior » (Baobab de Samba Dior en sérère).
Du temps du chemin de fer, il y avait un train qui faisait la navette Guinguinéo-Dakar tous les jours. « Le chemin de fer nous permettait d’aller et de venir sans problème. Cela évitait les nombreux accidents. Maintenant, tous prennent la route », dit-il, espérant la relance du chemin de fer pour que Guinguinéo retrouve son dynamisme économique.
Les bienfaits du chemin de fer
Même avis chez Diéry Wade, né à Guinguinéo il y a 57 ans. Cet homme à la taille moyenne et au teint noir est aussi témoin de cette époque où la vie dans la localité se conjuguait avec le chemin de fer. Conducteur de moto « Jakarta » à ses heures perdues, il a le cœur meurtri lorsqu’il évoque l’arrêt des trains. « On peut dire que la ville de Guinguinéo se meurt depuis que les trains ne roulent plus. Guinguinéo étant une localité enclavée, le train nous permettait d’être connectés aux grandes villes », se rappelle-t-il. L’homme à la barbichette blanche, rencontré non loin du centre de santé de Guinguinéo, fait remarquer que le chemin de fer permettait aussi aux habitants de la ville et des villages environnants de mieux s’en sortir sur le plan économique. « À la fin de l’hivernage, on parvenait à écouler notre production agricole grâce aux trains. On vendait nos arachides, notre mil, niébé et autres productions agricoles à Dakar, Thiès ou au niveau des autres villes que les trains traversaient. On partait le matin vendre nos produits. Le soir, on revenait grâce au « train Express » avec des marchandises des villes comme le poisson, les fruits et légumes, etc.
La vie était belle avec le train et le commerce était développé », se souvient M. Wade. Ce dernier de regretter qu’avec « la mort du chemin de fer », il n’y a plus d’activités pour les jeunes à part la conduite de « Jakarta ». Même notre interlocuteur, bien qu’âgé (plus de 57 ans), s’adonne à cette activité pour joindre les deux bouts, de temps en temps. Waly Samb est enseignant à la retraite. Il maîtrise bien l’histoire du département de Guinguinéo. Celui qui est actuellement le comptable de la seule radio communautaire de Guinguinéo, « Geo Fm », estime que le chemin de fer a été une opportunité pour sa ville. Il souligne qu’après leur entrée en sixième à Guinguinéo, il fallait s’inscrire ailleurs, car la localité n’avait pas de collège. Les jeunes élèves de Guinguinéo étaient obligés, à l’époque, de s’inscrire à Gossas pour faire le collège. Heureusement, le chemin de fer leur permettait, chaque jour, d’aller au collège à Gossas et de revenir à Guinguinéo.
« Avec des promotionnaires dont les parents étaient des cheminots, cela facilitait notre déplacement. On prenait le train le matin et le soir. On a fait notre cursus scolaire comme ça à Gossas. Guinguinéo était, en ce moment, dans la région de Fatick et dépendait du département de Gossas. La gare était toujours animée », confie le doyen Waly Samb rencontré au cybercafé de la radio « Geo Fm ». L’ancien intendant du lycée de la localité précise que Guinguinéo était le deuxième dépôt national des chemins de fer du Sénégal, derrière Thiès ; ce qui en faisait la deuxième capitale du rail. Il confirme qu’il y avait toute une économie autour du train, de Dakar à Tambacounda, avec la disponibilité des produits agricoles partout dans le pays grâce au train qui les disséminait à chaque gare. « Chaque fois que le train passait, les populations sortaient avec leurs récoltes, profitaient de ces instants pour écouler leurs produits comme les arachides, le mil, les niébés, le maïs, etc. Ces populations n’avaient même pas besoin d’aller à Dakar. Le chemin de fer générait une économie dans la ville », renseigne Waly Samb.
Celui qui a été également le premier président de l’Organisation départementale de coordination des activités de vacance (Odcav) de Guinguinéo regrette de constater qu’avec le déclin du chemin de fer, la localité est devenue comme « une ville morte ». Il n’y a plus de dynamisme économique. « Guinguinéo étant une cité enclavée, le train contribuait aussi à désenclaver la localité et tant d’autres communes. Les gens du département se déplaçaient facilement entre Guinguinéo et les autres localités du pays, et jusqu’à Bamako », insiste M. Samb.
La relance du chemin de fer souhaitée
Pour retrouver ce passé glorieux, les populations invitent les nouvelles autorités à relancer le chemin de fer. Diéry Wade espère que le chemin de fer sera bientôt relancé. Il y avait aussi beaucoup d’employés de la Société nationale des chemins de fer qui vivaient dans la ville. « Une gare, c’est des dizaines d’emplois et une économie tout autour. On était la deuxième capitale du rail. On disait, à l’époque, qu’à Guinguinéo, il n’y avait que des cheminots. Les chemins de fer étaient la principale entreprise de la ville », lance Diéry Wade. Soutenant la même thèse, Waly Samb de la radio « Geo Fm » invite aussi les autorités à prendre en charge le projet de relance du chemin de fer. Pour lui, il n’y a pas un instrument qui peut davantage développer un pays mieux que le chemin de fer qui permet d’identifier le potentiel économique de toutes les régions traversées, notamment la production agricole, fruitière, etc.
Les habitants de Guinguinéo sont fiers aussi de rappeler les noms locaux donnés aux différents trains qui passaient par leur ville ou qui y prenaient départ. Diéry Wade se souvient du train dit « Express » qui assurait la liaison Dakar-Bamako. Avec ce train, les populations avaient accès aux marchandises comme les mangues, les fruits maliens, etc. Il y avait aussi le train dit « Laisser-Touba » qui allait de Guinguinéo à Touba ; le train appelé « Dieg » parce qu’il permettait aux dames d’aller, chaque matin, au marché de Kaolack s’approvisionner en légumes et revenir faire la cuisine pour leur foyer. Le train « 27 » arrivait à Guinguinéo à 21 heures, selon Diéry Wade. Ce train « 27 » passait la nuit à Kaolack pour revenir à Guinguinéo à 6 heures pour se rendre à Dakar. Confirmant ces noms, l’enseignant à la retraite Waly Samb confie que c’était de beaux souvenirs qui faisaient la fierté de Guinguinéo. « Le train faisait vivre beaucoup de population de Guinguinéo. Ainsi, chaque train avait son propre nom local. C’était la belle époque », confesse M. Samb.
« Tous les travaux sont faits pour que les voies soient praticables… »
Les habitants de Guinguinéo souhaitent la relance du chemin de fer pour pouvoir profiter comme avant des potentialités qu’offrent la gare et cet outil de transport pour l’économie. Sur le terrain, les habitants voient depuis quelque temps des cheminots, avec des gilets fluorescents, s’activer sur le tracé du chemin de fer.
Pour plus d’informations, nous avons fait un tour à l’ancienne cité des cheminots où plusieurs maisons sont abandonnées non loin de la gare. Cependant, quelques demeures reprennent vie même si les bâtiments au style colonial ont besoin d’être rénovés. Dans une des demeures qui font face aux rails, loge Abdoulaye Ndoye. Ce jeune, affecté il y a juste un mois comme chef du District ferroviaire de Guinguinéo, prend possession de la gare et du secteur sous sa responsabilité. Il a comme objectif, avec son équipe, de rendre opérationnels les rails. Il a sous sa direction huit agents.
Cependant, avec le renfort de la Division des grands travaux des chemins de fer du Sénégal, ils sont presque 24 à travailler sur le tracé du district de Guinguinéo. Abdoulaye Ndoye, que nous avons tiré de sa journée de repos, le samedi 16 novembre 2024, nous révèle que le district de Guinguinéo qu’il dirige est long de 65 kilomètres et va de la sortie de Diourbel à l’entrée de Kaffrine en passant par Guinguinéo. « On a reçu plus de 35.000 attaches pour réfectionner les rails. Il faut savoir que les attaches servent à maintenir les rails sur les traverses. Sans attaches, on ne peut pas parler de chemin de fer », explique-t-il.
Le chef du District ferroviaire de Guinguinéo indique que les réparations à faire sont importantes parce que « Guinguinéo est une zone sensible avec beaucoup d’actes de vandalisme ». Images de son téléphone à l’appui, il nous explique que des gens ont démonté les attaches en fer et utilisé des scies à métaux pour couper des parties des voies. Ils les revendent après en ferraille. C’est pour cela que les cheminots utilisent maintenant des attaches en plastique. Toutefois, M. Ndoye fait noter qu’ils font « tous les travaux pour que les voies soient praticables », la relance du chemin de fer étant d’une grande urgence pour le Sénégal et la zone.
Plus grande gare du Sénégal « Guinguinéo est le centre du développement du chemin de fer. Le domaine de la gare de Guinguinéo est le plus grand du Sénégal. Guinguinéo est la plus grande gare du Sénégal. C’était la base, le fief de la zone centre. Il y a plus de 15 voies de rails dans la gare de Guinguinéo », explique Abdoulaye Ndoye. Ce dernier précise aussi que la gare de Guinguinéo est la seule à disposer d’une boucle ferroviaire qui permet aux trains de changer de direction avant le terminus. Même Thiès n’en a pas. Cela confirme le statut de deuxième capitale du rail de Guinguinéo. La gare dispose aussi, même s’ils sont délabrés, de plus de 25 bâtiments, d’un parc de voies impressionnant, en plus d’un grand dépôt où on stockait et faisait l’entretien des machines et trains en détresse. Grâce à son embranchement aussi, la gare de Guinguinéo connecte Kaolack, Diourbel, Thiès, Touba, sans compter Tambacounda et Dakar. Pour cela, les populations et les cheminots ont hâte que le train recommence à siffler.
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L'IA RESSUSCITE THIAROYE
Le clip entièrement généré par ordinateur de Dip Dundu Guiss transforme un épisode tragique de l'histoire coloniale en une œuvre d'art futuriste. Une prouesse technique et artistique qui pourrait inspirer bien d'autres projets mémoriels
Une équipe de développeurs et d'artistes sénégalais révolutionne la transmission de la mémoire historique grâce à l'intelligence artificielle. Leur projet ambitieux : reconstituer numériquement le massacre de Thiaroye, un événement tragique survenu le 1er décembre 1944 près de Dakar, lorsque des tirailleurs sénégalais, vétérans de la Seconde Guerre mondiale, furent tués par les troupes coloniales françaises.
Cette initiative, portée par Dip Dundu Guiss, figure majeure du hip-hop sénégalais, s'inscrit dans une démarche innovante alliant technologie de pointe et devoir de mémoire. L'équipe, composée notamment de Jean-Pierre Sec, Husain Demelso et Papa Oumar Diaw, a développé un clip entièrement généré par intelligence artificielle pour accompagner la bande originale du film T44 d'Omar Diaw.
Pour donner vie à cette reconstitution historique, les créateurs ont déployé un arsenal technologique sophistiqué. Le générateur vidéo Cling-e, associé à des ordinateurs haute performance équipés de processeurs Nvidia, a permis de produire des images saisissantes de réalisme. Le résultat, baptisé "Jambar" (guerrier en wolof), transcende le simple clip musical pour devenir une œuvre mémorielle d'un genre nouveau.
Le succès ne s'est pas fait attendre : avec plus de 600 000 vues, le projet démontre l'intérêt du public pour cette approche novatrice de l'histoire. Cette réussite a ouvert la voie à un projet cinématographique plus ambitieux, actuellement en développement sous la direction d'Omar Diaw.
L'initiative sénégalaise illustre le potentiel de l'Afrique dans l'innovation technologique au service de la culture. Comme l'explique Dip Dundu Guiss lui-même, l'intelligence artificielle devient un outil puissant pour repousser les limites de la créativité tout en servant une cause mémorielle essentielle. Cette fusion entre technologie de pointe et devoir de mémoire ouvre de nouvelles perspectives pour la préservation et la transmission de l'histoire africaine.
Ce projet démontre également la capacité du continent africain à s'approprier les technologies émergentes pour raconter sa propre histoire. En concevant de traiter le massacre de Thiaroye, les créateurs sénégalais réaffirment l'importance de maintenir vivante la mémoire des événements qui ont marqué leur pays, tout en innovant dans la manière de transmettre ce patrimoine historique aux nouvelles générations.
ÉTABLE OU GROTTE, L'ÉNIGME DE LA NAISSANCE DE JÉSUS
Les Évangiles eux-mêmes restent étonnamment discrets sur le décor exact de la Nativité, laissant place à différentes interprétations. Une ambivalence qui a nourri l'imagination des artistes et la dévotion des fidèles à travers les âges
(SenePlus) - Dans une récente enquête, Le Point revient sur l'une des questions les plus intrigantes de l'histoire chrétienne : le lieu exact de la naissance de Jésus. Un mystère qui persiste depuis deux millénaires, entre tradition populaire et textes historiques.
L'Évangile de Luc, seul témoin direct des circonstances de cette naissance, nous livre un récit précis mais parcellaire. Comme le rapporte le quotidien français, le texte mentionne simplement que Marie "mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune." Une sobriété narrative qui contraste avec les autres Évangiles, encore plus discrets sur l'événement : Marc n'en dit mot, Matthieu se contente d'une simple mention géographique, tandis que Jean passe l'épisode sous silence.
Contrairement à l'image traditionnelle d'une auberge refusant d'accueillir le couple, la réalité serait plus complexe. Selon l'analyse de l'historien Kenneth Bailey, citée par Le Point, les habitations palestiniennes de l'époque comportaient généralement une seule pièce, avec un niveau inférieur réservé aux animaux. Cette configuration expliquerait la présence d'une mangeoire, qui pouvait être "un simple creux dans le sol."
L'hypothèse de la grotte, si présente dans l'imaginaire collectif, trouve sa source dans le Protévangile de Jacques, un texte du IIe siècle non reconnu par l'Église mais très influent. Le Point rapporte ce récit alternatif où Joseph, face à l'urgence de l'accouchement, trouve refuge dans une caverne : "Où est-ce que je t'amènerai, car ce lieu est désert ? Et trouvant en cet endroit une caverne, il y fit entrer Marie."
Cette tradition de la grotte s'est tellement ancrée qu'au IVe siècle, l'impératrice Hélène fait édifier une basilique à l'endroit présumé de la naissance. Le journal cite même la lamentation de Saint Jérôme devant la transformation du lieu : "Ah ! s'il m'était seulement donné de voir cette crèche où reposa le Seigneur ! Mais, hélas ! par un sentiment de vénération pour le Christ, nous avons enlevé la crèche d'argile pour lui en substituer une d'argent."
C'est finalement au Moyen Âge que l'image de l'étable s'impose progressivement, culminant avec l'initiative de Saint François d'Assise en 1223. Comme le rapporte son biographe cité par Le Point, le saint souhaitait montrer "l'Enfant qui naquit à Bethléem [...] tel qu'il était couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne."
Cette dualité entre grotte et étable perdure aujourd'hui dans les représentations de la Nativité, chacune portant une symbolique forte : celle d'un Dieu choisissant délibérément de naître dans l'humilité, loin des fastes du pouvoir.
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LES DEUX VISAGES DU TIRAILLEUR
En qualifiant les tirailleurs de « traîtres », Cheikh Oumar Diagne ravive un lointain débat. L'histoire de ces hommes, faite de loyauté et de trahisons, de courage et de compromissions, dépasse largement les jugements manichéens. Décryptage !
L'histoire des tirailleurs sénégalais se lit comme un roman à double face, où chaque page révèle une contradiction plus profonde que la précédente. D'un côté, des soldats valeureux qui ont versé leur sang pour la France. De l'autre, les instruments volontaires d'une colonisation qui a bouleversé l'Afrique.
Le premier visage du tirailleur naît en 1857, dans l'ombre de la conquête coloniale. La France, confrontée à l'inadaptation de ses soldats au climat africain, trouve une solution pragmatique : recruter parmi les populations locales. Les premiers tirailleurs sont d'anciens esclaves, pour qui l'engagement militaire représente un chemin vers la liberté. Quatorze années de service contre la promesse d'une vie nouvelle. Un marché qui ressemble à s'y méprendre à un simple changement de maître.
Pourtant, ces hommes deviennent rapidement indispensables. Leur connaissance du terrain, leur maîtrise des langues locales et leur capacité à négocier font d'eux bien plus que de simples soldats. Les officiers français, ignorants de tout des royaumes africains, dépendent entièrement de leur expertise. C'est là que se dessine le paradoxe : essentiels mais jamais égaux, respectés pour leurs compétences mais systématiquement maintenues dans des positions subalternes par un racisme institutionnel qui interdit toute promotion au-delà d'un certain grade.
Le deuxième visage du tirailleur apparaît lors des deux guerres mondiales. Face au besoin urgent d'hommes, la France fait miroiter aux Africains la promesse d'une citoyenneté pleine et entière. Des milliers répondent à l'appel, convaincus que leur sacrifice leur ouvrira enfin les portes de l'égalité. Ils se battent avec bravoure, notamment à Verdun, où leur courage devient légendaire. Mais la reconnaissance ne suit pas. Pire encore, pendant l'occupation nazie, alors que les soldats français sont envoyés en Allemagne, les tirailleurs sont parqués dans des camps en France, dans des conditions inhumaines.
Le massacre de Thiaroye en 1944 cristallise cette dualité tragique. Des tirailleurs démobilisés, qui ont risqué leur vie pour libérer la France, sont abattus par l'armée française au Sénégal pour avoir simplement réclamé leurs soldes impayées. C'est le point de rupture où les deux visages se confrontent : celui du soldat loyal et celui de l'homme trahi.
L'après-guerre révèle une nouvelle dimension de cette dualité. Certains tirailleurs, profondément désillusionnés, deviennent les fers de lance des mouvements indépendantistes. D'autres continuent de servir la France dans ses dernières guerres coloniales, en Indochine puis en Algérie, perpétuant malgré eux un système qu'ils ont contribué à maintenir.
Cette histoire à double face se poursuit jusqu'à nos jours dans la mémoire collective. La France contemporaine peine à réconcilier ces deux visages : celui du héros de guerre, célébré dans les commémorations officielles, et celui de l'homme pris dans les rouages de la machine coloniale. Ce n'est qu'en 2022 que les derniers tirailleurs ont obtenu une reconnaissance élargie de leurs droits, comme si la nation tentait tardivement de regarder en face cette histoire complexe.
Les tirailleurs sénégalais nous rappellent qu'il n'existe pas de vérité simple dans l'histoire coloniale. Leurs deux visages nous montrent que l'héroïsme et la tragédie peuvent coexister dans les mêmes uniformes, que la loyauté et la trahison peuvent se confondre dans les mêmes destins. Leur histoire nous invite à dépasser les jugements manichéens pour comprendre la complexité des choix individuels face aux forces de l'Histoire.
LES PRÊTRES AFRICAINS, NOUVEAUX PILIERS DES PAROISSES FRANÇAISES
Dans les presbytères de l'Hexagone, les accents du continent résonnent de plus en plus. Ces prêtres, venus du Bénin, du Sénégal, du Congo, du Cameroun ou encore du Burkina Faso, constituent désormais l'épine dorsale de nombreuses paroisses
(SenePlus) - Un phénomène devenu incontournable dans les églises de France, comme le révèle une enquête approfondie du Point. Nombre d'entre les fidèles ont sans suivi la messe célébrée par un prêtre venu d'Afrique. Une réalité qui illustre la transformation profonde du clergé français.
Les chiffres sont éloquents : selon Le Point, sur les 3 000 prêtres étrangers exerçant en France, entre 70 % et 80 % sont originaires d'Afrique, représentant environ un tiers des prêtres actifs de moins de 75 ans. À ces effectifs permanents s'ajoutent 600 à 700 prêtres assurant des remplacements saisonniers, ainsi que 300 ecclésiastiques poursuivant leurs études dans les Instituts catholiques.
Cette présence croissante répond à un besoin urgent. Le journal rappelle qu'en à peine deux décennies, le nombre total de prêtres en France a chuté drastiquement, passant de 25 353 en 2000 à 11 644 en 2022. Plus significatif encore, les prêtres diocésains ont vu leurs effectifs fondre de 19 243 à 9 336 sur la même période, tandis que le nombre de séminaristes s'est réduit de 976 à 709.
Ces religieux, qui viennent principalement de la République démocratique du Congo, du Bénin, du Congo Brazzaville, du Togo, du Cameroun, du Sénégal, du Burundi, du Rwanda, de Madagascar, de Côte d'Ivoire et du Burkina Faso, exercent leur ministère grâce à l'encyclique Fidei Donum de 1957. Comme le souligne la sociologue Corinne Valasik, citée par Le Point : "Ce mouvement du Sud vers le Nord a commencé dans les années 1980-1990, et s'est accéléré au cours des années 2000."
L'adaptation de ces prêtres ne va pas toujours de soi. La sociologue, qui a mené une étude approfondie sur le sujet, révèle au quotidien français les différents obstacles qu'ils rencontrent. Les contraintes liturgiques françaises, comme la limitation des homélies à sept minutes, peuvent dérouter. L'un des prêtres interrogés confie : "Une homélie chez vous, c'est si court qu'on dirait un tweet ou un pense-bête."
Le quotidien présente également ses défis. Ces hommes d'Église doivent s'adapter à un mode de vie plus solitaire, assumant des tâches domestiques inhabituelles pour eux. La baisse de statut social par rapport à leur pays d'origine, la barrière de la langue, et parfois même des expériences de racisme constituent autant d'épreuves à surmonter.
Cette réalité, devenue incontournable dans le paysage religieux français, a même été évoquée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui déclarait, comme le rapporte Le Point : "Il faut le dire au Rassemblement national : si on devait virer tous les étrangers qui travaillent en France, il n'y aurait plus beaucoup de curés dans les paroisses !"
par Birane Diop
SEMBÈNE, L’INSOUMIS ET DÉFENSEUR DES GRANDES CAUSES
Autodidacte, ancien syndicaliste, écrivain, cinéaste et militant politique, il demeure une grande conscience du monde libre, où fleurit l’insoumission. Toute sa production artistique possède une dimension politique, à bien des égards
À Paris, le mois de décembre annonce la fin de l’année sous différentes facettes et couleurs. La mystique qu’apporte décembre enveloppe la Ville Lumière de tout ce que l’humanité porte en elle de magnifique, comme le rituel des cadeaux de Noël : ces présents qui s’amassent sous le sapin et qui sont offerts aux gens qu’on aime, surtout aux enfants, ces êtres qui nous bouleversent par leur sourire et leur regard innocent.
C’est dans cette atmosphère de fête et de joie simple que je me suis rendu à la librairie Présence Africaine, lieu de sens et de mémoire niché rue des Écoles, pour me faire plaisir en achetant le livre Ousmane Sembène – Le Fondateur, édité par la maison Vives Voix, sous la direction de Ghaël Samb Sall et Baba Diop.
Quoi de plus magique que de terminer cette année marquée par des tensions sur une note qui immortalise l’œuvre majeure de l’un des plus illustres Sénégalais, voire Africains ? Car, quand tout s’effacera dans l’hiver fasciste qui s’annonce, il ne restera que le cinéma et la littérature — et, par ricochet, l’œuvre foisonnante du père de Mame Moussa et d’Alain.
Quand la libraire m’a annoncé que le livre coûtait soixante euros — une somme assez conséquente en ces temps de fêtes marqués par une explosion des dépenses —, ma réponse lui a arraché un sourire : « Madame, je mettrais cent euros rien que pour l’avoir dans ma bibliothèque. C’est Sembène, le meilleur de tous les temps. Hier, aujourd’hui et demain. Il est et restera la figure majeure du cinéma africain. Il n’y a pas débat. »
Ce livre, à la fois souvenir et marque de gratitude, retrace la trajectoire magistrale d’un homme pluriel, celui qu’on surnomme affectueusement le père du cinéma africain, artiste majuscule et défenseur des grandes causes : Ousmane Sembène.
Autodidacte, ancien syndicaliste, écrivain, cinéaste et militant politique, Ousmane Sembène demeure une grande conscience du monde libre, où fleurit l’insoumission. Depuis le 9 juin 2007, il repose dans le pays sans fin de Yoff, mais son œuvre continue de nourrir des millions d’âmes à travers le monde. En ce sens, je peux dire sans réserve que l’homme qui nous a offert Moolaadé, Émitaï, Guelwaar, Le Docker noir, Xala, etc., était un internationaliste, un bâtisseur ouvert aux vents féconds de toutes les aires géographiques. Personnellement, son œuvre immense — films comme livres — m’a profondément bouleversé et a durablement nourri mon imaginaire.
Il m’arrive souvent de la redécouvrir. Je ne peux pas dire combien de fois j’ai regardé Moolaadé, Camp de Thiaroye, Le Mandat, etc. Et chaque fois, je reçois une belle claque. C’est ça, Sembène.
Toute sa production artistique possède une dimension politique, à bien des égards. De plus, il avait ce don particulier de mettre en lumière les hypocrisies et les conservatismes qui traversent la société sénégalaise, une société ballottée entre une religion venue d’ailleurs et le spiritualisme ceddo. Il en maîtrisait les ressorts sociologiques avec une lucidité sans pareille.
Homme sensible au poids des inégalités sociales et au malheur des dominés, Sembène était aussi un fervent militant de l’émancipation, des causes justes qui portent en elles des valeurs essentielles : la dignité, le refus et la liberté. En un mot, il était un homme debout, profondément progressiste et féministe. Féminisme : ce joli mot ne lui faisait pas peur, bien au contraire. Tous ses films sont des chefs-d’œuvre, mais Moolaadé est celui qui m’a le plus bouleversé, eu égard à sa thématique. C’est un film éminemment politique, car il aborde sans faux-semblants l’excision et toutes les pratiques culturelles qui marquent de blessures le corps des femmes et sapent leur dignité. Autrement dit, il s’attaque à la tyrannie qu’exercent les hommes biberonnés au patriarcat sur les femmes, au nom de l’islam.
Sur un autre versant, notamment dans Xala, Sembène considérait la polygamie comme une pierre d’achoppement à l’évolution de la femme. Dans cette institution qu’est la polygamie, les femmes ne sont pas traitées d’égal à égal. Les lois reposent sur le non-respect de la transparence et des règles qui ceignent l’amour.
Dans son film Ceddo, Sembène fait un réquisitoire de l’islam et du christianisme, ces deux religions monothéistes qui ont pénétré le corps social et qui veulent effacer les spiritualités africaines. Ce film, qui fâche, a été censuré par Senghor. Selon le président et homme de culture, Sembène n’avait pas respecté la sémantique : Ceddo s’écrit avec un seul « d » (Cedo). En réalité, ce n’était qu’un prétexte fallacieux. Le film dérangeait tout simplement les esprits sans hauteur, car Sembène y dénonçait les oppressions religieuses. La figure de l’imam et les guerriers ceddos sont parlants. Et comme le dit brillamment Clarence Delgado, gérant de la Société Filmi Domireew de feu Sembène : « La polémique sur Ceddo avec Senghor était superficielle sur l’orthographe du nom, mais ce que dénonçait Sembène dans ce film, c’était les religions importées, car il était très intègre, très africain. Il n’aimait pas qu’on vienne lui imposer une culture. Voilà ce qui a posé problème à Senghor. »
L’œuvre cinématographique de Sembène est vaste et traverse les âges et les époques. Elle nourrit des millions de gens éparpillés dans le monde et qui ont l’insoumission en partage. Lecteur discipliné de Jack London, intellectuel organique et homme du refus, Sembène était un artiste qui a documenté et filmé, durant toute sa vie, les quotidiens difficiles des petites gens, des invisibles, ceux et celles que la bourgeoisie toise et insulte.
NOËL AU SÉNÉGAL, UNE HARMONIE ISLAMO-CHRÉTIENNE FASCINANTE
Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, les Sénégalais savourent cette fraternité islamo-chrétienne avec beaucoup de fierté. Une harmonie qu’ils espèrent voir résister à la montée des extrémismes religieux
Comme chaque année, l’esprit Noël s’est emparé du Sénégal. Le pays vit au rythme des festivités, on se croirait même dans un pays chrétien alors que les musulmans représentent plus de 95% de la population. Mais, les Sénégalais se sentent bien dans cette communion que beaucoup trouvent fascinante.
Julie Atia, est une ressortissante gabonaise au Sénégal. Elle est émerveillée car pour elle, « Au Sénégal, il y a quelque chose de particulier, c'est que pendant les fêtes de Noël, on le ressent. Tout le monde est impliqué ; la ville est décorée, tout le monde est dans la fête, que ce soit des chrétiens, que ce soit des musulmans. »
Et c’est une particularité bien sénégalaise. Ici, la communion dans la célébration des fêtes religieuses n’a presque pas d’égal. En cette période de Noël, difficile de deviner que nous sommes dans pays à plus de 95% de musulmans tant il vit au rythme de la fête. Au « Sénégal, il y a quelque chose de particulier, c'est que pendant les fêtes de Noël, on le ressent, tout le monde est impliqué, tout le monde est dans la fête, que ce soit des chrétiens, que ce soit des musulmans, et c'est quelque chose qui me fascine à chaque fois et chaque année. Donc, je le vis bien, je vis bien Noël au Sénégal. », affirme Julie Atia qui vit au Sénégal depuis 22 ans.
Cette communion en période des fêtes religieuses est l’un des symboles de la solidité du brassage religieux au Sénégal. Inviter un ami ou un voisin d’une autre religion relève presque du sacré. Didier Forbis habite à Sicap Baobabs, un quartier à forte concentration chrétienne. Assis devant sa maison, ce père de famille a déjà tout prévu pour un retour de l’ascenseur. « Avant, dans les temps, il n'y avait que les familles catholiques qui fêtaient ça. Mais il y a 25 ans, il y a 30 ans, c'est devenu plus ouvert. Moi, je suis catholique, mais tu vois un musulman qui m'invite chez lui pour Noël. Et moi, si je prends un autre copain musulman, je l'amène chez moi. C'est normal, hein, parce qu’eux, pendant les tabaski, ils nous invitent ou bien ils font un repas copieux, ils nous servent à la maison ou bien nous invitent, ils nous donnent à manger. On fête les fêtes de tabaski ensemble, comme on fête Noël ensemble, et la fête de fin d'année ensemble »., dit-il.
Et cette concorde fait du Sénégal un pays presque à part. Une exception que le frère Julien Mati Manga, vicaire dans une paroisse de Dakar, considère comme une bénédiction. Pour lui, « c'est quelque chose de profond, qui vient même des origines, je veux dire, de Dieu. Parce que c'est Dieu qui a voulu qu'on soit frères et sœurs, étant des religions différentes. Donc, c'est fondamental pour qu'étant des religions différentes, ayant le même ancêtre Adam et Ève, nous nous réunissons pour célébrer ensemble. Ce n'est pas seulement Noël, vous voyez, tabaski, c'est comme ça aussi. Vous sentez dans toute la ville que tout le monde est en fête. Ça, c'est une réalité du Sénégal, et c'est une grâce que Dieu nous a donnée. Et nous devons continuer d'entretenir, et même partager cela avec d'autres qui ne connaissent pas, cette fraternité islamo-chrétienne qui nous lie et qui nous renforce. »
Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, les Sénégalais savourent cette fraternité islamo-chrétienne avec beaucoup de fierté. Une harmonie qu’ils espèrent voir résister à la montée des extrémismes religieux.
PLACE DE L’INDÉPENDANCE, LE CŒUR BATTANT DES FESTIVITÉS DE FIN D’ANNÉE
La célèbre place s’est ornée de ses plus belles décorations pour célébrer la fin d’année. Illuminations scintillantes, ornements colorés et ambiance festive attirent une foule nombreuse, venue partager des moments inoubliables avec ses proches.
Dakar est en fête, et la place de l’Indépendance en est le cœur battant. Cette année encore, la célèbre place s’est parée de ses plus belles décorations pour marquer la fin d’année. Illuminations scintillantes, décorations colorées et ambiance festive attirent une foule nombreuse, venue partager des moments uniques avec ses proches.
La place de l’Indépendance à Dakar, lieu emblématique et habituellement empreint d’histoire, se métamorphose en un écrin féerique à l’approche des fêtes de fin d’année. Cette transformation annuelle attire une foule considérable, venue s’immerger dans une atmosphère festive unique. Dès la tombée de la nuit, la place s’illumine d’une myriade de lumières scintillantes, avec des guirlandes colorées, des décorations somptueuses et une étoile géante trônant au centre, créant un spectacle enchanteur.
L’ambiance festive attire également les résidents de différentes contrées de Dakar et de ses environs. Mamy et Zidath Fall, dans la vingtaine, originaires de Rufisque, sont venues pour changer d’air et profiter d’un décor qu’elles ne trouvent pas chez elles. Les deux sœurs visitent régulièrement la place de l’Indépendance pour profiter de cette ambiance festive.
« Nous sommes venues ici pour changer d’air, passer un bon moment et découvrir les lieux. À Rufisque, l’espace est très restreint, et nous n’avons pas ce genre de décor. C’est pour cela que nous avons décidé de nous déplacer. De plus, décembre est un mois de fête », explique Mamy. Ce n’est pas la première fois pour les deux sœurs. Zidath Fall précise que cela fait deux ans qu’elles visitent régulièrement la place pour profiter de l’ambiance festive.
À l’instar des deux Rufisquoises, Ibrahima et Matar, venus de Pikine Guinaw Rail, apprécient l’espace pour se détendre après une période de stress, déplorant le manque de tels aménagements dans leur banlieue. Ibou, comme l’appelle son ami, explique les raisons de leur déplacement de la banlieue à la ville : « Nous sommes venus ici pour profiter de l’espace et nous détendre après une période de stress. À Pikine, nous n’avons pas d’endroits aménagés comme celui-ci. Nous aimerions que de tels espaces soient créés dans la banlieue pour que nous puissions également en profiter. »
Les familles et les couples se promènent sur la place, profitant des décorations et des illuminations. Beaucoup se font photographier par les photographes présents, souhaitant immortaliser ces moments précieux. Des passants se laissent émerveiller par la féérie des lieux et se promènent dans une atmosphère conviviale, à l’image de Monsieur Mbengue. Ce jeune père de famille est venu célébrer l’anniversaire de son fils aîné en famille. Il souligne que l’endroit est bien décoré et que c’est un lieu idéal pour profiter des festivités.
Une effervescence économique
L’affluence sur la place de l’Indépendance représente une opportunité économique pour de nombreux commerçants. Abdoulaye, vendeur de jouets, exprime sa gratitude pour les ventes accrues pendant cette période. Il explique que la décoration de la place attire beaucoup de visiteurs, ce qui est bénéfique pour son commerce.
Cependant, Oumou Sy, vendeuse de jouets qui étale sa marchandise sur le sol, ressent les effets de la conjoncture économique, avec des ventes plus lentes que les années précédentes : « À cette période, les années passées, nous avions déjà vendu une grande partie de nos produits et en avions racheté d’autres. Cette année, nous devons patienter. Peut-être que la situation s’améliorera d’ici le 31 décembre. » Ils ne sont pas les seuls. Le commerce est bien présent sur les lieux.
Photographes et flâneurs : capturer la magie
Parmi les nombreux visiteurs, des photographes professionnels, comme Cheikh Diagne, sont présents pour capturer l’atmosphère unique de cet événement. Cheikh, photographe professionnel, explique qu’il s’investit pleinement dans son travail et qu’il a été engagé pour photographier des œuvres liées à la création culturelle, notamment pour l’exposition Expo Décembre.
Il a choisi de se déplacer dans un espace plus ouvert pour travailler dans des conditions plus agréables. Birane, également photographe, scénariste et réalisateur, confie que l’attrait de l’espace l’a attiré. Il était venu à l’origine pour photographier un ami, mais l’ambiance et les décors l’ont inspiré à capturer des images uniques.