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24 avril 2025
par Bosse Ndoye
LA FRANCE N’EN A PAS ENCORE FINI AVEC LE MALI
C’est un crime de lèse-majesté pour Paris que de voir une ancienne colonie vouloir se soustraire de son étreinte. Ce qui la pousse à tout mettre en œuvre pour lui barrer la route
La France ne semble toujours pas avoir digéré son éviction du Mali. Du moins, c’est ce qui transparaît du discours à charge contre Wagner et l’État malien du général Laurent Michon, commandant de la force française de Barkhane, lors d'une conférence de presse qui s’est tenue le 21 juillet 2022 à Ouagadougou. Il a accusé l’État malien de faire une fuite en avant et le groupe paramilitaire russe – dont la présence n’a toujours pas été officiellement confirmée par les autorités maliennes – de perpétrer des massacres en plus d’user de méthodes de prédateurs et de dealers de drogue, etc. Cette intervention très peu anodine, qui frise l’acrimonie sinon le ridicule, devrait pousser à s’interroger sur ses intentions. D’autant qu’un militaire français n’a aucune légitimité pour juger l’État malien avec lequel son pays a rompu ses relations diplomatiques.
Dans son message, le général Michon semble s’étonner qu’il faille désormais payer (pour le Mali). Il étaie ses propos en avançant que certaines dispositions du code minier du pays ont été modifiées pour permettre l’exploitation de 3 mines d’or confiée au groupe Wagner. Ce qui prouve qu’il - et à travers lui son pays – surveille encore de très près cette ancienne colonie. Mais, si l’opportunité m’avait été offerte de lui poser une question lors de cette conférence de presse, je lui aurais juste demandé où il avait (a) vu un État dépenser des centaines de millions pour acheter du matériel militaire et entretenir ses soldats - qui flirtent en permanence avec la mort -, pour les beaux yeux d’un autre pays sans aucune contrepartie, a fortiori d’un groupe paramilitaire privé. Il ne doit pas y en avoir beaucoup, à supposer que cela existe.
Pourtant, il lui eût juste fallu jeter un coup d’œil sur les propos cyniques de Christophe Barbier - pour qui la guerre est une activité lucrative - pour savoir qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Surtout du côté de certaines puissances occidentales, qui ont l’habitude de mener des guerres aux visées géostratégiques et géoéconomiques inavouées tout en les affublant faussement d’un manteau humanitaire : « Nous ferons payer la facture à ceux pour qui nous faisons un travail difficile, douloureux, qu’est l’action militaire. D’abord nos alliés (…) puis les pays que nous libérons. La Libye, la Côte d’Ivoire, ce sont des pays qui ont des ressources. Ces pays nous rembourseront en avantages, notamment en matières premières, en énergie par exemple. Ils pourront ensuite nous acheter des matériels militaires (…) Nous allons, sans être, cyniques, améliorer nos matériels, améliorer nos méthodes. Avec l’expérience retirée de ces conflits, ça nous permettra d’être encore plus compétitifs sur ce marché (…) qu’est la vente d’armes[1].»
Donc, le fait d’aider un autre pays se trouvant dans une situation difficile et instable, moyennant ressources financières ou minières, n’est pas quelque chose de nouveau, quand bien même la contrepartie pourrait être sujette à controverse. Dans le cas du Mali, l’exploitation réelle ou supposée de trois mines par le groupe Wagner peut être compréhensible à bien des égards. L’embargo inique et illégal que Paris a fait subir à Bamako par laquais – CEDEAO – interposé pour asphyxier le pays économiquement, les effets pervers des politiques menées par les institutions financières internationales, la concurrence déloyale et injuste des multinationales, la crise économique que traverse le monde depuis un certain temps, le goulot d’étranglement que constitue la dette odieuse, peuvent faire que le Mali manque de ressources financières nécessaires pour rétribuer ceux qui l’aident à combattre le terrorisme sur son territoire. De plus, en tant qu’État souverain, il n’a pas besoin de rendre compte à qui que ce soit. Dès lors, il peut disposer de ses ressources comme bon lui semble, ce que feint d’ignorer le général Michon. Peut-être est-ce parce qu’un pays autre que le tien en tire bénéfice que cette situation l’indigne et lui paraît anormale. Sa posture est d’autant moins étonnante que l’ancienne métropole avait (a) l’habitude de faire la pluie et le beau dans nombre de ses ex-colonies. Donc, en voir une, très riche en ressources naturelles de toutes sortes, lui échapper ne peut que lui faire mal.
Cette attitude, pour bizarre qu’elle paraisse, ne surprend guère qui comprend le triptyque de la stratégie néocoloniale française, qui apparaît très clairement dans les lignes de Pierre Biarnés : « Consolider le pouvoir des dirigeants qui jouent loyalement le jeu de l’amitié franco-africaine ; faire sentir le mors à ceux qui regardent un peu trop dans d’autres directions ; contrer en même temps les visées des puissances concurrentes dès qu’elles sont jugées menaçantes[2]». Par conséquent, les raisons de la charge de Paris contre Wagner et le Mali, même si elle peut renfermer quelques vérités, deviennent plus lisibles. Le groupe paramilitaire - et via lui la Russie -, représente une puissance concurrente, jugée menaçante, qu’il faut contrer par tous les moyens, y compris par la propagande et la calomnie. Quant au Mali, l’insoumis, il faut tout faire pour qu’il ne s'éloigne pas de la sphère d'influence française en regardant dans d’autres directions. Car c’est un crime de lèse-majesté pour Paris que de voir une ancienne colonie vouloir se soustraire de son étreinte. Ce qui la pousse à tout mettre en œuvre pour lui barrer la route. Son aventure coloniale, émaillée de tant de guerres sanglantes dans des pays qui ont voulu échapper à sa mainmise - Indochine, Algérie, Cameroun, Madagascar -, et son comportement néocolonial, marqué par plusieurs interventions dans nombre de ses anciennes colonies, depuis la déclaration des indépendances officielles dans les années 60, peuvent le prouver aux plus sceptiques.
Est-ce à dire pour autant que le groupe Wagner est exempt de reproches. Tant s'en faut. Il est loin d’être composé que d'enfants de chœur. Mais le Mali peut faire appel à d’autres partenaires, qui il pense capables de l’aider à trouver une solution à ses problèmes de sécurité ; surtout s’il juge que l’expérience française n’a pas donné les résultats escomptés pendant une dizaine d’années.
Cet entêtement de la France, qui refuse de tourner certaines pages de son histoire fait que le Mali devra faire preuve d’endurance et de vigilance dans les jours, mois et années à venir. Car la trajectoire qu’il est en train de suivre et les épreuves qui l’accompagnent ont de fortes ressemblances avec ce qui s’est passé en République centrafricaine lorsqu’elle a adopté la même posture. Celle-ci a connu une forte recrudescence des attaques des groupes rebelles, l’affaire Quignolot - du nom d’un ancien militaire de l’armée française arrêté en possession de nombreuses armes dans le pays -, et l’arrestation à l’aéroport de Bangui de l’équipe de protection rapprochée du général Marchenoir, chef d’état-major de la Force de la Minusca – soupçonnée de tentative de coup d’État.
Le Mali n’est guère mieux loti. Il y a une forte recrudescence des attaques des rebelles, très bien armés et plus que jamais déterminés à porter un coup fatal au pouvoir en place. La récente attaque de la base de Kati en est la dernière preuve sans oublier l’arrestation des 49 militaires ivoiriens à l’aéroport de Bamako. Ces situations quasi semblables, qui se sont produites après que ces deux ex-colonies françaises ont fait appel à une puissance autre que l’ancienne métropole, les mauvais souvenirs encore frais dans les mémoires des nombreuses interventions traumatisantes des militaires français sur le continent et leurs coups tordus depuis plusieurs décennies ne peuvent qu’alimenter les suspicions et pousser à braquer les regards du côté de la France, bien que celle-ci ne puisse pas être formellement accusée en l’absence de preuves incontestables.
Mais le Mali devra tout de même rester vigilant parce que l’armée française a juste délocalisé ses troupes au Niger. Dès lors, elle peut conserver toute sa capacité de nuisance à quelques encablures de son territoire. Du reste, elle semble être la tête de pont de l’Occident dans le Sahel, qui représente un enjeu géostratégique et économique important convoité par nombre de pays. Le Sahel constitue aussi une zone stratégique pour lutter contre l’émigration illégale vers l’Europe. Ce qui fait que le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares, a annoncé le jeudi 30 juin dernier qu’une intervention au Mali de l’OTAN n’était pas à exclure « si nécessaire », à la suite de l’inscription du terrorisme et de l’émigration comme « menaces hybrides » dans le nouveau concept stratégique. Même l’Allemagne, qui était connue pour sa discrétion et son respect du principe de non-ingérence dans les affaires des autres États a haussé le ton pour demander la libération immédiate des 49 soldats ivoiriens, dont la situation et le comportement sont pour le moins suspicieux.
En dernier ressort, il ne s’agit pas de disculper Wagner et d’inculper la France, mais un coup d’œil dans le rétroviseur de l’histoire est nécessaire pour mieux faire face au présent et mieux appréhender le futur. En outre, bien qu’il puisse être compréhensible qu’un État fasse appel à un autre pour qu’il l’aide à surmonter une mauvaise passe, cette assistance ne doit être que provisoire. Car un pays ne doit compter que sur ses fils pour se défendre s’il veut avoir une vraie sécurité. Ce qui est encore plus valable pour les pays africains, qui ont une histoire particulière avec l’impérialisme occidental. Mamadou Dia, avec sa grande expérience, l’avait bien senti : « Soyons persuadés, une fois pour toutes, qu'une Afrique africaine, libre et indépendante, intégrée politiquement, économiquement et socialement ne se construira qu'avec des bras et des cerveaux africains, des institutions africaines et des structures authentiquement africaines, des entreprises africaines publiques et privée, œuvrant[3] en totale synergie, nourries à la source d'une même culture africaine citoyenne, fondée sur des valeurs d'éthique et de solidarité africaines. Cela exige de la part de nos faiseurs de printemps une révolution culturelle radicale qui elle-même suppose une révolution épistémologique qui répudie les paradigmes, les logiques et les modèles de la pensée unique de l'Occident.» Ce qui se passe au Sahel doit interpeller tout Africain. D’autant que le monde se trouve à un grand tournant. La guerre en Ukraine n’a fait que rendre encore plus visible l'interrègne gramscien dans lequel il se trouve. L’ancien mode unipolaire, dominé par l’Occident, est en train de disparaître alors qu’un nouveau monde unipolaire, mené par de grandes puissances démographique, militaire et économique est en train de se construire. D’où le renforcement des grands blocs : OTAN, UE, BRICS, OCS…
Devant cette situation, nos États nains, pour reprendre les propos de Cheikh Anta Diop[4], ne doivent pas rester condamnés à ne demeurer que des zones d’influence de puissances étrangères. Les tournées africaines simultanées de Sergei Lavrov et Emmanuel Macron, chacun cherchant à qui mieux mieux à rallier un nombre de pays africains de son côté, doivent pousser à nous interroger davantage. Les pays africains ne doivent plus être à la remorque d’aucune puissance extérieure. Mais pour que cela se réalise, il faut bloc fort, qui permettra de mieux faire face aux prédateurs, qui ne sont jamais loin de nos portes. L’auteur de Nations nègres et Cultures avait trop tôt vu la nécessité d’un État fédéral africain. Il avait surtout bien compris le jeu de l’impérialisme, qui profite de l’instabilité des pays anciennement colonisés pour mieux avancer ses pions et dérouler sa stratégie comme c’est le cas actuellement dans le Sahel : "Il n’y a de sécurité que collective dans la situation actuelle de l’Afrique noire. L’avenir reste sombre. L’impérialisme entend organiser l’anarchie sur tout le continent africain de manière à conserver l’initiative politique qu’il a déjà retrouvée et que lui avaient enlevée les mouvements de libération, à la veille de l’indépendance des États. C’est un fait nouveau d’une importance capitale, sur lequel il importe que l’attention des Africains se polarise [...] Nous entrons dans une ère d’humilité et d’humiliation. Nous n’en sortirons que par l’adoption d’une solution politique de nature fédérale. Il est certain que les intérêts des peuples ne s’opposent guère à une pareille solution. Au contraire, tout invite...Sénégalais, Ivoiriens, Guinéens, Maliens, etc., à unir leurs moyens pour décupler leur capacité de résistance à l’anarchie et à la domination étrangère. Le cadre politique africain, dans lequel un effort de construction économique rationnel pourrait être entrepris, n’existe pas encore. Sa création ne dépend que des Africains. On transpose illusoirement la difficulté en essayant de réaliser des regroupements économiques en dehors du terrain politique. Il faudra un exécutif fédéral, si embryonnaire soit-il, auquel sera transféré un minimum de pouvoirs, lui permettant par exemple de décider de la spécialisation régionale.[5]"
[1] L’ingérence française en Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny à Ouattara de Raphael Granvaud et David Mauger, p.413
[2] Pierre BIARNÈS, cité par Philippe Gaillard. Foccart Parle, entretien avec Foccart, p.180
[3] Mamadou Dia, Sénégal, radioscopie d'une alternance avortée, p.p 39-40
[4] Cheikh Anta Diop et l’Afrique dans l’histoire du monde, Pathé Diagne, p.45
[5] Extrait de l’Afrique doit s’unir, article de Cheikh Anta Diop, publié dans Jeune Afrique (numéro : 240) en 1965
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CES LÉGISLATIVES SONT UN ÉCHAUFFEMENT AVANT LA PRÉSIDENTIELLE
Quels sont les principaux enjeux de ce scrutin, le dernier avant la présidentielle prévue en 2024 ? Le docteur Mamadou Lamine Sarr, enseignant en sciences politiques à l’université virtuelle du Sénégal, répond aux questions de RFI
Dernier jour de campagne ce vendredi 29 juillet au Sénégal, avant les élections législatives de dimanche. Ces dernières semaines, les candidats de la majorité Benno Bokk Yaakaar ont essentiellement vanté le bilan du président Macky Sall. La principale coalition de l’opposition, Yewwi Askan Wi, menée par Ousmane Sonko – qui lui-même ne peut pas être candidat – vise à lui imposer une cohabitation.
Quels sont les principaux enjeux de ce scrutin, le dernier avant la présidentielle prévue en 2024 ? Le docteur Mamadou Lamine Sarr, enseignant en sciences politiques à l’université virtuelle du Sénégal, répond aux questions de Charlotte Idrac.
RASSEMBLEMENTS GÉANTS AU DERNIER JOUR DE LA CAMPAGNE POUR LES LÉGISLATIVES
A Dakar, la coalition au pouvoir a mobilisé vendredi soir des milliers de personnes au son de musiques locales, de tam-tams et de sifflets. Ousmane Sonko, a terminé la campagne en Casamance avec des caravanes qui ont drainé des foules
Les Sénégalais ont vécu vendredi les derniers moments de la campagne pour les élections législatives de dimanche avec de grands rassemblements à travers le pays organisés par les différentes coalitions.
Ces législatives ont valeur de test avant la présidentielle de février 2024. L'opposition veut mettre à profit le scrutin pour imposer une cohabitation au président Macky Sall et freiner les intentions qu'elle lui prête de vouloir faire un troisième mandat. Le président Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, maintient le flou sur ses intentions en 2024. Une défaite aux législatives pourrait contrarier ses projets.
A Dakar, la coalition au pouvoir a mobilisé vendredi soir des milliers de personnes au son de musiques locales, de tam-tams et de sifflets, selon un journaliste de l'AFP. Elle a organisé d'autres rassemblements, dont un ayant réuni des milliers de personnes à Matam (nord), selon des images de la télévision privée TFM. Sa tête de liste, l'ex-Première ministre Aminata Touré, a mis en avant tout au long de la campagne les réalisations du président Sall, dans notamment les infrastructures, l'électricité et l'eau. Le chef de la principale coalition de l'opposition, Ousmane Sonko, a terminé la campagne en Casamance avec des caravanes qui ont drainé des foules et doivent se terminer à Ziguinchor, principale ville de cette région du sud dont il est le maire, selon des images sur les réseaux sociaux.
La campagne s'achève après trois semaines marquées par des violences qui ont fait plusieurs blessés. M. Sonko et d'autres figures de l'opposition ont été contraints de renoncer aux élections après l'invalidation par le Conseil constitutionnel des titulaires de la liste nationale de leur coalition, invoquant l'inéligibilité d'une candidate qui figurait par inadvertance à la fois parmi les titulaires et les suppléants.
Plusieurs manifestations, ayant fait trois morts en juin, ont été organisées contre cette décision avant que le 29 juin, l'opposition ne calme le jeu en acceptant de participer au scrutin, qu'elle menaçait jusqu'alors d'empêcher.
Le scrutin législatif, à un seul tour, vise à renouveler pour cinq ans les 165 sièges du Parlement monocaméral largement contrôlé par le camp présidentiel. Macky Sall a aussi promis de nommer un Premier ministre - poste qu'il avait supprimé puis rétabli en décembre 2021 - au sein de la formation victorieuse des élections.
Sept millions d'électeurs sont appelés à choisir entre huit coalitions.
POUR LES HOMOSEXUELS AU SÉNÉGAL, UNE VIE EMPÊCHÉE
Les "goor-jigéen" (homme-femme en wolof) ont longtemps fait partie du paysage social. "Mais ce qu'on note aujourd'hui, c'est vraiment une intolérance à l'identité LGBTQI", relève Ousmane Aly Diallo, chercheur à Amnesty International
"Les gens ici ne cherchent pas à comprendre.Tu es homosexuel: tu es banni, tapé, livré à la police. Alors je fais de mon mieux pour rester dans mon coin ; j'ai peur de croiser quelqu'un qui me connaît et a de la haine", souffle Abdou, jeune homosexuel sénégalais.
A seulement 20 ans, Abdou* a été menacé de mort et subit l'ostracisme de sa famille.Il témoigne d'une vie quasi impossible au Sénégal et de l'exclusion sociale des homosexuels dans son pays.
"La situation devient de plus en plus grave", lâche-t-il."La colère que les gens ont...ce n'est pas quelque chose qui existait avant".
Les tensions sur cette question taboue au Sénégal sont de plus en plus fortes, marquées par une hausse des discriminations, selon des organisations des droits de l'Homme.
Dans ce pays musulman à 95% et très pratiquant, l'homosexualité est largement considérée comme une déviance. La loi réprime d'un emprisonnement d'un à cinq ans les actes dits "contre nature avec un individu de son sexe".
"La situation de la communauté LGBTQI est très compliquée, notamment la dernière année et demie" caractérisée "par une campagne massive" contre l'homosexualité "menée par des associations religieuses et conservatrices qui veulent prétendument restaurer les valeurs sénégalaises", dit à l'AFP Ousmane Aly Diallo, chercheur à Amnesty International au bureau pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre.
"Il est plus risqué aujourd'hui d'afficher publiquement son identité LGBTQI qu'il y a quelques années; il y a de plus en plus d'agressions contre des membres de cette communauté, souvent filmées et diffusées sur les réseaux sociaux", note-t-il.
En mai 2021 et en février dernier, des milliers de personnes ont manifesté à Dakar pour réclamer un renforcement de la répression de l'homosexualité.
Le sujet est aussi instrumentalisé politiquement.Le principal opposant Ousmane Sonko a fait de la lutte contre l'homosexualité un argument de campagne pour les législatives de dimanche.
- "Tu me fais honte" -
L'enfance et l'adolescence d'Abdou ont été traumatisantes, à subir les bains "spirituels" de marabouts pour soigner sa supposée "maladie" et son côté efféminé, à se cacher pour vivre sa sexualité.Il a été battu par des proches et a fait une tentative de suicide.
Jusqu'à ce jour où sa vie a basculé fin 2021.Un cousin l'espionne et rapporte à son père une conversation avec un réseau LGBT.
Son père, divorcé de sa mère, le chasse immédiatement du domicile. "Il m'envoyait des messages où il disait +tu me fais honte; tu ne mérites pas de vivre...+".
Abdou contacte une association à l'étranger qui l'aide à fuir dans un pays de la région.Il s'y met à l'abri pendant cinq mois mais début mai, sa mère, qui est restée en lien, le convainc de rentrer.
Depuis, Abdou se terre chez elle.Craignant pour sa vie, sa mère l'enferme dans sa chambre quand elle entend parler d'une agression...
Les "goor-jigéen" (homme-femme en wolof) ont longtemps fait partie du paysage social."Mais ce qu'on note aujourd'hui, c'est vraiment une intolérance à l'identité LGBTQI", relève M. Diallo."Cette intolérance, de plus en plus dangereuse et très politique, est due à la montée du discours religieux et de la religiosité au Sénégal et (...) à la faiblesse des institutions face à cette montée-là".
Le sociologue Djiby Diakhate explique que "pour beaucoup de Sénégalais, si l'homosexualité se développe, ce sera une catastrophe; on connaîtra la sécheresse, des épidémies, le mauvais sort".
Abdoulaye Guissé, étudiant de 28 ans, confie "ne pas voir pourquoi le Sénégal doit changer de position pour accorder plus de place" aux homosexuels."Ils n'ont qu'à faire leurs pratiques discrètement; les citoyens ne sont pas prêts à cohabiter avec eux".
Malamine Bayo, 32 ans, préconise d'"étudier la question pour voir si ce n'est pas une maladie", ou, "si c'est par choix", d'"encadrer ces personnes pour qu'elles puissent vivre sans difficulté".
Ces dernières années, des groupes islamiques, dont les membres ont principalement fait leurs études dans des pays arabes, sont à la pointe du combat contre l'homosexualité au Sénégal.Elle est aussi décriée comme un instrument employé par les Occidentaux pour imposer des valeurs prétendument étrangères à la culture du pays.
- "Tension déplorable" -
Mi-mai, une controverse a agité la France et le Sénégal autour du joueur de football du Paris Saint-Germain et international sénégalais Idrissa Gana Gueye, accusé d'avoir refusé de s'associer à la lutte contre l'homophobie lors d'un match en France.Il a reçu un flot de soutien au Sénégal.
A la même période, un artiste américain en visite à Dakar a été violemment agressé - la vidéo postée sur internet - par une foule de dizaines d'hommes, qui à cause de son style l'ont accusé d'être un homosexuel.
A l'initiative de l'ONG islamique Jamra, 11 députés ont déposé en décembre 2021 une proposition de loi qui aurait puni l'homosexualité d'une peine de cinq à dix ans de prison.Elle a été rejetée par le Parlement qui a estimé la législation existante assez sévère.
Pour le porte-parole de l'ONG Mama Mactar Gueye, la communauté LGBT "pose problème" parce qu'elle a "commencé à envahir l'espace public" et à "provoquer". Selon lui, le pays est dans une "tension déplorable" et une loi permettrait de protéger "la société, mais aussi" les homosexuels d'une "justice populaire".
En 2021, le Sénégal a été retiré de la liste des pays d'origine sûrs par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), en raison des risques liés à l'orientation sexuelle.
Si l'Afrique du Sud a une des législations les plus progressistes sur les droits LGBTI et si plusieurs pays ont légalisé les relations entre personnes de même sexe, Amnesty note dans son dernier rapport que dans plusieurs pays du continent, des personnes ont été harcelées, arrêtées et poursuivies en justice en raison de leur orientation sexuelle. Dans certains de ces pays cependant, une communauté LGBT s'exprime, ce qui est impensable au Sénégal.
Faute de données officielles et au vu de la diversité des contextes, les experts notent qu'il est difficile d'établir le niveau de persécutions au Sénégal comparé à d'autres pays d'Afrique où la situation est également tendue.
- Double vie -
Lorsque l'homosexualité est révélée, l'entourage voit souvent dans la violence de sa réaction le seul moyen de sauver sa "réputation".
C'est ce qu'a vécu Daouda*, fils unique, qui menait une vie d'étudiant, jusqu'au jour où son père a appris son homosexualité. "Il a alors sorti une arme, il voulait me tirer (dessus)...".
Daouda a fui dans un pays de la région, où l'AFP l'a rencontré, coupé de sa famille depuis huit ans.
"Au Sénégal, vivre avec l'homosexualité c'est être en danger du matin au soir; c'est un chemin très sombre". Plusieurs de ses amis se sont suicidés.Ils ne parvenaient pas à vivre cachés.
Dans ce contexte, nombre de gays mènent une double vie.Jusqu'à il y a 3 mois, c'était le destin de Khalifa*, bisexuel. Marié depuis 4 ans, il a vécu jusqu'à ses 34 ans sans que son entourage ne soupçonne rien.Récemment "dénoncé", il a perdu son emploi, sa carrière.
Son père a menacé de "le tuer", il ne voit plus sa femme ni son enfant et survit dans une ville loin de Dakar.
Khalifa ne voit plus d'autre choix que de demander l'asile à l'étranger, car un mouvement anti-LGBT l'a selon lui identifié et risque de le traquer ou de publier son nom sur internet.
Abdou aussi aimerait quitter le Sénégal pour un endroit où il est "accepté" et éloigner sa mère de la stigmatisation.
"Si je pars, ce sera la paix pour ma mère...", dit-il, la voix brisée.
PATHE DIONE ACTIONNAIRE MAJORITAIRE DE LA BICIS
C’est à présente officiel. La Bicis Sénégal a un nouvel acquéreur qui détient à présent, plus de la moitié de son capital.
(Dakar) C’est à présente officiel. La Bicis Sénégal a un nouvel acquéreur qui détient à présent, plus de la moitié de son capital.
«Le Groupe BNP Paribas et le Groupe SUNU ont conclu le 28/07/2022 un accord portant sur l'acquisition par le Groupe SUNU de 54,11% du capital de la Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie du Sénégal (Bicis) détenus par le Groupe BNP Paribas», informe l’établissement bancaire.
La mise en œuvre de cet accord est soumise à l'obtention des autorisations règlementaires en vigueur, précise la Bicis. Cependant, indique-t-elle que cet accord s'inscrit dans le prolongement d'une coopération de longue date entre le Groupe BNP Paribas et le Groupe SUNU dans le domaine de la bancassurance en Afrique subsaharienne.
Le Groupe Sunu est fondé par le sénégalais Pathé Dione. Après l’obtention de son doctorat en Économie à l’université de la Sorbonne et un passage à l’école des Assurances de Paris, il est embauché par Cigna Corporation qu’il représente en Côte d’Ivoire à travers sa filiale Colina. En 1984, il occupera la fonction de Directeur Afrique de l’Union des Assurances de Paris jusqu’en 1997. En 1998, il décide de créer avec d’anciens collaborateurs, un groupe panafricain au service du continent Sunu.
NOTE DE SATISFECIT DE DERECK CHOLLET
« Une visite fructueuse ». C’est la conclusion tirée par le conseiller du Président américain et du Secrétaire d’État, hier, à l’issue de sa tournée de 48 heures au Sénégal.
« Une visite fructueuse ». C’est la conclusion tirée par le conseiller du Président américain et du Secrétaire d’État, hier, à l’issue de sa tournée de 48 heures au Sénégal. Ayant rencontré le Ministre des Affaires étrangères et un conseiller du Président Macky Sall, le conseiller politique Derek Chollet, plus grande personnalité de la politique étrangère américaine après le Secrétaire d’État Antony Blinken, est largement revenu sur son voyage initié pour «renforcer le partenariat stratégique». Au-delà, il est revenu sur le prochain sommet États-Unis-Afrique du mois de décembre prochain et sur les conséquences en Afrique de la crise russo-ukrainienne.
Les discussions avec les autorités sénégalaises ont permis, a expliqué le conseiller Chollet, de faire le «suivi des entretiens qu’ont eus les Présidents Macky Sall et Joe Biden et la Ministre Aïssata Tall Sall et le Secrétaire d’État Anthony Blinken». Les autorités américaines entendent «accentuer ce partenariat d’autant plus qu’elles partagent avec le Sénégal de fortes valeurs ayant trait au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionale, à la prospérité économique, à la sécurité alimentaire, à la promotion de la démocratie et des droits humains. Selon lui, la visite à Dakar a été fort favorable à la préparation du sommet États-Unis-Afrique initié par le Président et «marquant son engagement en faveur du continent». «Nous nous réjouissons de la perspective de cette grande rencontre. Le Sénégal devrait jouer un rôle important durant cette rencontre eu égard à sa stature en Afrique et au niveau de la sous-région», a expliqué le conseiller américain. Il a insisté sur le fait que ce sommet ne soit pas le «seul canal d’échanges avec l’Afrique». Et également sur la «diversité africaine». Mais ce sera une «occasion pour les leaders de se retrouver autour d’une table pour avoir des actions concrètes, des livrables». Il a mis l’accent sur la «nécessité d’entendre tout le monde» durant cette rencontre de décembre prévue à Washington. Interpellé sur un éventuel siège de membre permanent du Sénégal au Conseil de sécurité des Nations unis, le conseiller Derek Chollet a souligné «l’importance que l’Afrique soit non seulement présente, mais aussi entendue».
Le conseiller Derek Chollet est revenu largement sur le conflit russo-ukrainien pour mettre en avant les efforts américains en vue de «minimiser l’impact» de celui-ci. D’autant plus que nombre de pays africains subissent les effets de cette crise avec des «menaces de famine». Ainsi, les États-Unis ont-ils dégagé une enveloppe de 760 millions de dollars supplémentaires pour aider à «supporter et atténuer l’impact de la guerre». Tout comme 12 millions de dollars additionnels de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) en vue «d’aider 100 000 agriculteurs à acheter des engrais et à augmenter la production locale». Compte non tenu des 2,8 millions de dollars déjà fournis pour l’assistance alimentaire depuis de la Russie. Et plus généralement, ce sont 11 millions de dollars qui seront dégagés au cours des cinq prochaines pour combattre la famine.
PAR Bakary Sambe
LE SÉNÉGAL FACE AUX MUTATIONS PRÉOCCUPANTES DU CHAMP POLITICO-RELIGIEUX
EXCLUSIF SENEPLUS - Il y a, désormais, de la part d’une jeunesse désemparée, une libération assumée du discours ethniciste en plus d’un désaveu des leaders religieux de plus en en plus assimilés à la classe politique
Le Sénégal s’achemine vers des élections législatives de toutes les interrogations. Les périodes pré-électorales qui devaient être celles d’une respiration démocratique, sont, souvent, sous nos tropiques des moments d’anxiété. Voire un moment privilégié de satisfaction déguisée de toutes leurs envies refoulées de violences verbale, symbolique et physique. C’est à se demander, même, si « l’exception sénégalaise » tant vantée était en passe de se réduire en un simple slogan qui a subi l’œuvre du temps. Ou bien a-t-elle été, simplement, impactée par l’évolution d’une société qui, sans auto-critique, avait longtemps bâti sa réputation d’un pays « différent des autres » sur le socle d’un imaginaire nationaliste qui s’est toujours confondu à l’imaginaire religieux ?
Fin de l’exception ou simple mauvais virage ?
C’est justement, ce trait marquant de la société sénégalaise qui fait que toute évolution qui impacte l’évolution socio-politique ne peut épargner la sphère religieuse et vice-versa. Le fait est que cette dernière qui a été jusqu’ici considérée comme régulatrice éternelle au point de parler d’une « exception sénégalaise » n’est pas exempte des contradictions qui traversent cette société dite « profondément religieuse ».
La vague inouïe de violence politique a délié les langues et fait sauter les deux principaux tabous jusqu’ici entretenus comme le discours ethniciste et l’attaque ouverte contre les chefs confrériques qu’on croyait hors de propos. Signe d’une profonde mutation sur le landerneau socio politique sénégalais : des jeunes, à visage découvert, activistes ou se réclamant des rangs de l’opposition, invectives à la bouche, s’en sont pris aux chefs religieux confrériques sur les réseaux sociaux allant même jusqu’à leur dénier tout droit à l’expression sur la chose publique.
Sans y prêter l’attention due, il y a eu, ces deux dernières années, des signaux de conflictualités et de rivalité ouverte entre les confréries par prédicateurs interposés sur les grandes chaînes de télévisions, notamment, durant le mois de ramadan au point de causer un malaise général au niveau de leurs fidèles. Parfois, par prédicateurs interposés, les adeptes des deux plus grandes confréries, surtout pendant le mois du ramadan, se sont, ces dernières années, échangés des propos aigres-doux sur les réseaux sociaux dans une ambiance électrique lourde de risques n’eût été l’intervention d’acteurs issus principalement du Cadre unitaire de l’islam, des personnalités de la société civile et monde universitaire.
Après les chocs intra-religieux, le Rubicon ethniciste ?
A cette situation délétère, est venu se greffer le conflit désormais ouvert entre mouvances salafistes qui contrôlent les mosquées des deux principaux campus universitaires de Dakar et Saint-Louis et adeptes de confréries dénonçant un activisme wahhabite débordant jusque dans l’enceinte des capitales confrériques. Cette évolution préoccupante s’affirme dans un contexte où la fuite en avant des élites politiques - du pouvoir comme de l’opposition - devant les pressions des religieux, surtout, sur les droits des femmes et même les libertés académiques n’a jamais aussi criante depuis l’indépendance.
Mais la classe politique qui était un tant soit peu appuyée par une intelligentsia, aujourd’hui, terrorisée par les nouveaux « activistes du web » au point de démissionner du débat public piégé, est elle-même dans une phase inédite de perte de crédibilité et de légitimité.
L’autre tabou qui a sauté de manière inattendue est le « clivage ethnique », question qui jusqu’ici était entourée d’une épaisse enveloppe de pudeur qui empêchait au politicien ou au chercheur le plus téméraire de s’y prononcer même pour dénoncer des dérives. C’était une sorte de « limes », barrière infranchissable qui faisait que le Sénégal se targuait encore d’être une exception dans une Afrique que déchire l’ethnicisme depuis des décennies. Ailleurs sur le continent, les conférences nationales consécutives à la vague de démocratisation « forcée » avaient conduit à une décomposition tribale de l’espace politique alors que le Sénégal semblait, jusqu’ici, prendre une certaine hauteur républicaine. Mais, cela vole bien bas depuis quelques temps où pouvoir et opposition s’inscrivent dans une telle surenchère politique qui n’hésite même plus à surfer sur le régionalisme primaire. Lorsqu’il est reproché à l’opposant Ousmane Sonko d’accuser publiquement le Président Macky Sall de nourrir une « haine pour la Casamance », les communicants du leader de Pastef ripostent en postant sur les réseaux sociaux des propos attribués au président-candidat conditionnant l'investissement en Casamance aux votes en sa faveur. Le rubicon est-il désormais franchi ? Suite à la mort non encore élucidée d’un détenu proche de l’opposition, s’est tenue la première conférence de presse à connotation ethnico-communautaire de l’histoire du Sénégal en guise de protestation de la communauté Mancagne, originaire du Sud du pays. La messe est dite. A la suite des politiques, il y a, désormais, de la part d’une jeunesse désemparée, une libération assumée du discours ethniciste en plus d’un désaveu des leaders religieux de plus en en plus assimilés à la classe politique comme formant, ensemble, le cœur de ce qu’ils appellent « le système » dont il faudrait se débarrasser.
Islamo-nationalisme, le nouveau syndicat unitaire ?
Certes, on savait l’ingénieuse manie des hommes politiques sénégalais à compétir âprement dans la quête effrénée du soutien des religieux. Mais, ces dernières années, la démarche en est arrivée à l’émergence d’un populisme quasi-généralisé avec la montée d’un « islamo-nationalisme » poussant un célèbre défenseur des droits humains à parler d’une « extrême droite religieuse ». Une dictature rampante de la pensée unique dans ce pays qui, jadis, était plus connu par les voix de ses intellectuels qui continuent à rayonner plus à travers le monde que dans leur pays où les populistes semblent avoir pris le pouvoir dans l’espace politique et médiatique. Cette tendance a, même, facilité une curieuse alliance objective entre activistes religieux et « vieille gauche » qui trouve en cet islamo-nationalisme un puissant levier et une nouvelle trouvaille de contestation du « néolibéralisme » et de la « domination occidentale » à l’ère du souverainisme et du « sentiment anti-français » ambiant dans la sous-région.
Le paradigme de la fin des exceptions développé il y a quelques années, par le Timbuktu Institute, après la première attaque terroriste au Burkina Faso, longtemps considéré comme le dernier pays qui pouvait être un terreau du djihadisme, semble coller au contexte actuel du Sénégal. Ce pays voit sauter, de jour en jour, les derniers mythes qui alimentaient encore l’illusion d’une « exception » comme celui du « sénégalais naturellement non violent ». Le dénombrement des morts ne fait plus sursauter après les manifestations politiques les plus violentes depuis des décennies. La violence politique s’est durablement installée en tant que pratique pour, en plus de la fin des tabous et de l’exception, laisser la place à de grandes interrogations sur l’avenir d’une vitrine démocratique qui s’est bien craquelée au fil et à l’épreuve du temps et des mutations souvent refoulées mais de plus en plus inquiétantes.
Dr. Bakary Sambe est enseignant-chercheur au Centre d’étude des Religions, Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal), Directeur Régional du Timbuktu Institute
ABDOULAYE WADE, L’ÉTERNEL CANDIDAT
Abdoulaye Wade est encore présent sur la scène politique sénégalaise, malgré ses 96 ans, sans arriver à un franc succès aux scrutins organisés depuis son départ de la présidence sénégalaise en 2012.
Dakar, 29 juil (APS) - Abdoulaye Wade est encore présent sur la scène politique sénégalaise, malgré ses 96 ans, sans arriver à un franc succès aux scrutins organisés depuis son départ de la présidence sénégalaise en 2012.
Même s’il est silencieux depuis plusieurs mois, l’ex-chef de l’Etat n’en est pas encore à sa retraite politique. Pour les élections législatives de dimanche, la coalition Wallu Sénégal, constituée autour du Parti démocratique sénégalais (PDS), une formation politique qu’il a fondée il y a presque cinquante ans, a fait de lui sa tête de liste nationale.
Une façon pour cette alliance de partis d’opposition de miser sur l’aura de cette figure, qui est incontestablement la personnalité politique qui a le plus marqué la vie politique sénégalaise de la fin du 20e siècle et du début du 21e.
Son investiture en tête de liste nationale d’une coalition de partis en 2017 et sa campagne – en faveur de l’un des candidats de l’opposition - en vue de l’élection présidentielle de 2019 n’ont pas été fructueuses. Elu membre de la 13e législature, l’ancien chef d’Etat n’a jamais siégé à l’Assemblée nationale pendant toute la durée du mandat.
Déroutant, bête politique, rusé, ‘’pape du Sopi’’, ‘’président de la rue’’… Difficile, voire impossible d’énumérer les qualificatifs et surnoms utilisés pour désigner l’ancien chef de l’Etat sénégalais, homme multidimensionnel et orateur hors pair, dont le courage frise la témérité.
Abdoulaye Wade accède au pouvoir le 19 mars 2000 en mettant fin au régime du Parti socialiste (PS), après s’être opposé longtemps à Léopold Sédar Senghor et au successeur de ce dernier, Abdou Diouf.
Grand orateur doublé d’un tacticien, il multiplie les promesses et parvient d’abord à mettre en ballotage son adversaire avec 31 % des voix, contre 41,3 % pour le président sortant. Au second tour, avec le soutien des autres candidats, il l’emporte avec 58,1 % des suffrages et écarte du pouvoir les socialistes.
Avec son élection, le Sénégal enregistre la première alternance politique de son histoire. En faisant tomber le tout-puissant PS et son leader, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade devient un héraut de la démocratie. Sa popularité atteint alors son sommet, surtout auprès des jeunes qu’il séduit et fait rêver par ses promesses de résoudre les récurrentes crises scolaires et universitaires, ainsi que le chômage de masse.
Après son accession au pouvoir, l’un de ses premiers actes fut de dissoudre le Conseil économique et social, ainsi que le Sénat, en 2000. Une décision qu’il motive par des raisons économiques et l’inutilité de ces deux institutions qu’il finira paradoxalement par restaurer en 2007.
Réformes constitutionnelles et monarchisation du pouvoir
En 2001, Abdoulaye Wade fait adopter par référendum une nouvelle Constitution et réduit le mandat présidentiel de sept à cinq ans. Il limite aussi à deux le nombre de mandats à la présidence sénégalaise.
Mais sa réforme sera de courte durée, car il rétablit le septennat qu’il avait supprimé sept ans auparavant, par une nouvelle modification de la Constitution sénégalaise après sa réélection en 2007.
Abdoulaye Wade ne s’arrête pas en si bon chemin. En juin 2011, il décide d’amender la loi fondamentale pour réduire à 25 % le taux nécessaire (la moitié des suffrages + 1 au moins) pour remporter l’élection présidentielle dès le premier tour. Abdoulaye Wade propose, pour ce faire, l’élection d’un ‘’ticket’’ comprenant un président et un vice-président. Mais il se voit accusé de vouloir se maintenir au pouvoir et de chercher à se faire remplacer par son fils, Karim, si l’envie lui prend de quitter le pouvoir.
En juin 2011, de violentes manifestations éclatent dans le pays, notamment à Dakar, le contraignant à renoncer à son projet constitutionnel.
Son image de démocrate est sérieusement écornée, d’autant plus qu’il fait sauter le verrou limitant le nombre de mandats à deux pour se présenter à l’élection présidentielle. Les soupçons d’une volonté de ‘’monarchisation’’ du pouvoir n’ont alors fait que gagner du crédit, d’autant plus qu’il avait attribué un poste de ‘’superministre’’ à Karim Wade, qui contrôlait à la fois l’énergie, la coopération internationale, les infrastructures et les transports aériens. Il est accusé de ‘’dérives autoritaires’’, d’avoir restreint les libertés et d’avoir fait reculer la démocratie.
Malgré les critiques venant de partout, notamment dans les villes, le 23 décembre 2011, M. Wade est investi candidat du PDS. Et malgré les protestations de l’opposition et de la société civile, réunies au sein du Mouvement du 23-Juin (M23), en référence aux manifestations tenues le 23 juin 2011 en guise de protestation contre sa candidature, celle-ci est validée par le Conseil constitutionnel, le 27 janvier 2012.
Au terme du premier tour, il arrive en tête avec 34,81 % des suffrages, mais il est contraint de passer par le second tour pour affronter son ancien Premier ministre, Macky Sall. Abdoulaye Wade, qui déclarait s’attendre à une large victoire dès le premier tour, est battu par l’ancien chef du gouvernement, qui recueille 65,80 % des voix.
Un bâtisseur devant l’Eternel
Même s’il quitte le pouvoir par une défaite, l’ex-chef de l’Etat sénégalais laisse sur son passage une image de grand bâtisseur. Les quarante ans du régime socialiste avaient été marqués par ce que de nombreux observateurs considéraient comme un immobilisme. Abdoulaye Wade, lui, ouvre des chantiers dans plusieurs endroits du pays. En douze ans passés à la présidence du pays, il a fait construire plusieurs centaines d’écoles et des universités.
De grands travaux sont aussi entamés pour moderniser le pays. Les plus emblématiques concernent la corniche de Dakar et ses hôtels de luxe, le réaménagement du port de Dakar, la construction de l’aéroport international Blaise-Diagne, l’autoroute à péage et l’électrification des zones rurales.
Mais ce bilan est terni par les récurrentes coupures d’électricité à l’origine d’émeutes en juin 2011.
L’ex-chef de l’Etat peut se targuer tout de même d’avoir fait construire plusieurs infrastructures sanitaires et réduit la mortalité infantile. En plus d’avoir fourni de l’eau potable à de nombreux ménages.
On lui doit également la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (GOANA), une politique agricole aux résultats contestables, qui visait à mettre fin à la dépendance alimentaire du pays.
Grâce à la politique économique d’Abdoulaye Wade, le Sénégal enregistre entre 2000 et 2010 un taux de croissance (+ 4 %) supérieur à celui des années 1990, une inflation contenue et des ressources de l’Etat en hausse. Mais la situation économique s’est détériorée au début de son quinquennat, avec une dette publique de 21,4 %, une croissance de 2,5 %, contre 4,3 % en moyenne pondérée sur les dernières années.
Echec de la pacification de la Casamance
L’un de ses échecs les plus retentissants restera sans doute celui de la pacification de la Casamance, un objectif qu’il avait promis d’atteindre en cent jours seulement à la tête du Sénégal. Tout au plus a-t-il réussi à signer des accords de paix avec le chef historique du MFDC, le mouvement réunissant les indépendantistes casamançais, l’abbé Diamacoune Senghor, le 30 décembre 2004.
Le monument de la Renaissance africaine, une statue de 52 mètres de haut, construite par des ouvriers nord-coréens reste sans conteste son projet le plus controversé. Son coût est d’environ 20 millions d’euros, soit 13 milliards 119 millions de francs CFA.
Beaucoup de Sénégalais n’ont pas hésité à voir dans ce symbole le reflet de sa volonté de mettre en selle son fils Karim Wade sur la route du pouvoir. Si nombre de ses projets ont été vivement critiqués pour leur coût, à défaut d’être considérés purement et simplement comme des ‘’éléphants blancs’’, ils sont aujourd’hui reconnus comme des réalisations phares de son régime.
Sa gouvernance est cependant marquée par ce que certains observateurs décrivent comme une ’’instabilité institutionnelle’’. Au total, durant ses deux mandats, le pays a vu se succéder six Premiers ministres, quatre présidents de l’Assemblée nationale, trois chefs d’état-major généraux des armées et une centaine de ministres. Abdoulaye Wade a nommé plus de généraux en sept ans qu’Abdou Diouf et Léopold Senghor en quarante ans.
C’est en 1974 qu’Abdoulaye Wade a fondé le Parti démocratique sénégalais, avec l’autorisation de Léopold Sédar Senghor. Il était jusque-là militant de l’Union progressiste sénégalaise, qui devient ensuite le Parti socialiste en 1976.
En 1978, quatre ans après la création du PDS, il se présente pour la première fois à l’élection présidentielle. Seul opposant à faire face à Léopold Sédar Senghor, il est battu.
Pour la deuxième tentative, il se retrouve devant Abdou Diouf, après la décision du premier président du Sénégal de quitter le pouvoir et de passer le témoin au Premier ministre.
En 1983, Abdoulaye Wade, âgé de 56 ans, connaît de nouveau l’amertume de la défaite. L’ancien Premier ministre âgé 45 ans le coiffe au poteau en obtenant 83,3 % des suffrages.
Il perd aussi l’élection présidentielle de 1988, en conteste les résultats et dénonce un hold-up électoral. A la suite d’émeutes à Dakar et dans d’autres villes du pays, Abdoulaye Wade et des militants de son parti sont arrêtés et jetés en prison.
L’entrisme
Pour dénouer la crise, Abdou Diouf entame des pourparlers avec son principal opposant. Abdoulaye Wade entre ensuite au ‘’gouvernement de majorité élargie’’, d’avril 1991 à octobre 1992. Il est ministre d’Etat. L’élection présidentielle de 1993 approchant, il quitte le gouvernement et reprend ses habits d’opposant.
Avant la publication des résultats du scrutin, le pays est secoué par un événement dramatique inédit : l’assassinat du vice-président du Conseil constitutionnel, Me Babacar Sèye. Abdoulaye Wade, soupçonné d’avoir commandité son assassinat, est arrêté en même temps que trois militants de son parti, avant d’être remis en liberté trois jours plus tard, faute de preuves.
S’il a toujours clamé son innocence, il n’a pas hésité à gracier les assassins de Babacar Sèye lorsqu’il accède au pouvoir.
De 1995 à 1997, il renoue avec l’entrisme en retrouvant un poste de ministre d’Etat auprès du président de la République, dans un gouvernement dirigé par Habib Thiam.
Abdoulaye Wade a officiellement vu le jour le 29 mai 1926. Après avoir obtenu le baccalauréat à Paris, il fait ses études supérieures à Besançon et à Grenoble, où il obtient un doctorat en droit et sciences économiques.
Abdoulaye Wade a d’abord exercé le métier d’avocat en France avant de retourner au Sénégal, où il installe son cabinet et enseigne à l’université de Dakar.
Sous sa présidence, le Sénégal se trouve de nouveaux partenaires économiques au Moyen-Orient et en Asie.
Considéré comme l’Africain le plus diplômé du Cap au Caire et de Dakar à Djibouti, il est l’un des fondateurs du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, un projet panafricain visant à intégrer l’Afrique au commerce mondial et à le libérer de l’aide étrangère.
LA STABILITE DU PAYS EST UNE RICHESSE INESTIMABLE
A Diamaguène-Sicap-Mbao où il a présidé un meeting du mouvement Renfort qu’il a créé, Aliou Sall a expliqué à la population de cette localité que l’opposition cherche une majorité juste pour bloquer l’action du gouvernement et du Président de la Républiqu
A Diamaguène-Sicap-Mbao où il a présidé un meeting du mouvement Renfort qu’il a créé, Aliou Sall a expliqué à la population de cette localité que l’opposition cherche une majorité juste pour bloquer l’action du gouvernement et du Président de la République. Par conséquent, il l’a appelée à faire de son mieux pour assurer cette majorité à la coalition Bby.
Le Président du mouvement Renfort et ex-maire de Guédiawaye, Aliou Sall, a fait savoir à la population de Diamaguène-Sicap-Mbao que l’opposition sénégalaise envisage de bloquer l’action du gouvernement et celle du Chef de l’Etat moyennant la majorité qu’elle vise à l’occasion des élections législatives de dimanche. A ce propos, il a rappelé que non seulement les réalisations de Macky Sall sont visibles à Diamaguène-Sicap-Mbao et partout dans le pays, mais aussi, il a des projets à mettre en œuvre pour le Sénégal d’ici à la fin de son mandat en cours. C’est la raison pour laquelle, il a invité toute la population de Diamaguène-Sicap-Mbao à aller voter massivement pour garantir à la coalition au pouvoir une majorité qui mettra l’action du gouvernement et celle du Président de la République à l’abri de tout blocage. Il a également fait savoir à la population de Diamaguène-Sicap-Mbao que la stabilité du pays est une richesse inestimable à laquelle, elle doit veiller comme à la prunelle de ses yeux.
par Balla Dieye
LÉGISLATIVES, PRIME AUX BONS ÉLÈVES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le niveau d’adversité envers le pouvoir ne doit plus nous imposer d’accorder du crédit à quiconque propose juste son départ. L'opposition doit être plurielle avec l’ambition d'un compromis dans l’intérêt du pays
Huit coalitions sont en lice pour solliciter les suffrages des Sénégalais aux élections législatives du 31 juillet prochain. Les enjeux sont multiples mais il en est un sur lequel beaucoup, quel que soit le bord politique, semble s’accorder : des résultats de ces élections dépendra l’attitude du président Macky Sall au sujet du 3ème mandat. Tout du moins la 3ème candidature. Un consensus risqué car le mode d’élection offre, dans l’absolue, à la majorité présidentielle un avantage qui jusque-là a toujours mené à la victoire, même à la Pyrrhus. Il eut été peut-être plus habile pour l’opposition, me semble-t-il, de, stratégiquement, jouer le nombre de voix plutôt que la majorité et une hypothétique cohabitation. Ils auraient pu ainsi miser collectivement, malgré leurs divergences, sincères ou tactiques, sur leur capacité à contraindre Macky Sall à un second tour synonyme de défaite pour un sortant sous nos cieux pour annihiler le projet de 3ème mandat.
Mais qu’à cela ne tienne ! L’ambition déclarée pour chaque coalition de conquérir la majorité nous impose de les prendre aux mots et de scruter comment elles se positionnent et ce que chacune propose. Parce qu’à la fin de tout ça Il n’y a que deux certitudes : nous élirons de nouveaux députés et le président Macky Sall sera encore là, au moins pour deux ans. Dès lors l’enjeu principal pour l’électeur doit être de choisir les meilleurs représentants. A ce petit jeu, je suggère d’aller chercher les meilleurs « élèves » de ses élections pour donner du sens à la méritocratie que chaque Sénégalais appelle théoriquement de ses vœux.
Ça ne peut naturellement pas être BBY !
Avec la meilleure volonté du monde on parviendrait difficilement à trouver des arguments qui plaident, objectivement, en faveur du renouvellement de la majorité BBY. La manière dont ils mènent campagne l’illustre parfaitement d’ailleurs. Ils ne misent pas sur leur bilan parlementaire mais plutôt sur les réalisations de l’exécutif et la manière docile avec laquelle ils les ont accompagnés. Il faut dire qu’entre les scandales judiciaires, le niveau abyssal de certains députés et la présidence partisane de Moustapha Niass, il est préférable d’essayer de convaincre les populations du potentiel danger que représenterait la victoire de l’opposition plutôt que de miser sur l’intérêt qu’aurait la leur. BBY doit être ajourné dans l’intérêt supérieur du pays.
Bok Gis Gis disqualifié
Pape Diop incarne une particularité dans le landernau politique : il participe peu au débat public. En revanche il adore aller aux élections. Il y va toujours. Gratte quelques élus et se terre à nouveau. On ne sait pas réellement ce qu’il pense, ni ce qu’il veut. On a, par moment, l’impression qu’il veut juste qu’on ne l’oublie pas. Tâche ardue quand on s’associe à Aliou Sow dont aucune sortie publique ne résiste à l’envie ridicule de justifier une certaine réussite sociale.
Pape Diop a présidé l’Assemblée nationale et le Sénat pendant des années. Il n’en reste rien. C’est largement suffisant pour disqualifier toute liste à laquelle il participe.
Les serviteurs devront repasser
Une des coalitions surprises portée par Pape Djibril Fall. Un très gentil journaliste doté d’une certaine rhétorique, en wolof surtout. Je ne le connais pas personnellement mais j’use du qualificatif « gentil » par ce qu’on a envie de ponctuer chacune de ses interventions par « qu’est-ce qu’il est gentil ». Il est en train d’apprendre, peut-être à ses dépens, que la politique à défaut d’être un métier (dogme qu’il serait peut-être temps de remettre en cause), reste un milieu particulier. Les immunités durement acquises sautent les unes après les autres avec une légèreté déconcertante.
Pape Djibril et son groupe veulent servir. Ambition noble. D’aucun rajouterait encore faudrait-il savoir pour mieux servir. Il est difficilement compréhensible de voir Pape Djibril penser qu’il serait plus utile à sa société en tant que député minoritaire avec un temps de parole famélique, à moitié couvert par des insultes, plutôt qu’en tant que journaliste/éditorialiste ayant pignon sur rue dans une télé de grande audience. Il est à considérer qu’au-delà du peuple, le désir de servir de PDF s’adresse aussi à quelques égos dont peut être le sien. C’est un moteur en politique mais souvent une très mauvaise boussole. Les serviteurs ont beaucoup de mérite et sans doute du courage mais pour moi ils devront repasser. PDF ne ferait néanmoins pas tâche à l’Assemblée Nationale quand on sait à quoi nous sommes habitués.
Bunti bi tëju në !
Ce qui s’est passé à Bunt-bi avec Théodore Chérif Monteil rappelle à bien des égards ce qu’a vécu Ndeye Fatou Touré, l’excellente député dont le mouvement Tekki nous avait gratifiés. Après une mandature sur laquelle même ses adversaires s’accordaient sur la qualité, elle a dû céder à Mamadou Lamine Diallo, patron du mouvement, pour des raisons politiques.
Il suffit de lire le communiqué de Bunt-bi qui justifie l’exclusion de Chérif Monteil pour comprendre que la lumière qu’il a prise du fait de la qualité de son travail à l’Assemblée Nationale a ébloui ses anciens camarades. Ne parlons même pas du récent méli-mélo entre le reste de la troupe. Quand on n’est pas capable de fermer la porte des divergences personnelles pour proposer aux citoyens un représentant digne de son bilan, il est illusoire de s’appeler bunt-bi. Il faut refermer cette porte.
Natangue Askan wi, Yalla téré
Ils font semblant de concourir mais les querelles de leadership apparues après la validation des listes trahissent les non-dits sur leur véritable ambition. Du reste la tête de liste de Natangue, Sheikh Alassane Sène Taree Yalla reste un mystère pour moi. Il fait partie de cette longue liste de personnalités publiques dont personne ne peut concrètement expliquer l’ascension et la place médiatique. Une raison suffisante pour passer son chemin à mon avis. Taree Yalla, Yalla téré !
Ça ne peut aucunement être Wallu !
Ils ont mis Abdoulaye Wade comme tête de liste. Je passe outre son âge et m’arrête sur les dernières lois qu’il a voulu faire voter à l’Assemblée nationale : le quart bloquant et le ticket présidentiel. Quand on a si peu de respect pour les institutions de ce pays, on doit éternellement demeurer au purgatoire politique. Je rajoute que tous ceux qui sont partis se réfugier derrière lui ont démontré un manque de courage politique qui ne mérite pas qu’on leur accorde des voix. Sans compter qu’il est quasi certain qu’une partie d’entre eux ralliera le camp présidentiel après l’élection. Ne gâchez pas votre dimanche si vous souhaitez voter pour eux.
Ça aurait dû être YAW !
La coalition YAW a réussi un coup de maître en s’imposant comme la principale force d’opposition à Macky Sall. Elle l’est, à travers les résultats des dernières locales et les leaders qui la composent dont le maillon principal : Ousmane Sonko. De l’idée qu’on se fait de lui dépend, à mon avis, pour une part importante des électeurs, la décision de voter ou non pour YAW.
Quelqu’un m’a dit un jour : on ne sait pas vraiment ce que tu penses de Sonko. Je me suis alors rendu compte en répondant que je ne le savais peut-être pas moi-même. Par moment je me demande comment rester insensible à ce parcours et ce discours lorsqu’on exècre les dérives du régime de Macky Sall et qu’on ambitionne de faire de la justice sociale une réalité dans ce pays. Comment s’exclure, et pourquoi d’ailleurs, de cet engouement populaire qui défie toute l’oligarchie habituelle ? Qu’a-t-on sacrifié d’aussi précieux que lui pour prouver notre engagement pour ce pays ? Un parti a-t-il autant réconcilié les citoyens avec la politique que Pastef ne l’a fait aujourd’hui ? Autant d’interrogation dont chaque réponse possible est normalement une marche qui doit mener Ousmane Sonko à la tête de ce pays.
Et pourtant la séquence d’après je m’interroge sur la valeur d’un tel discours lorsqu’il est sous-tendu par autant de contradictions dans les actes, y compris pour des raisons dîtes stratégiques. Le film des alternances récentes défile alors dans ma tête et m’impose une froideur dans l’analyse. C’est à cet instant précis, ce moment qui ressemble à une avant dernière étape avant le sacre, qu’il faut mettre les garde-fous et remettre les principes au-dessus des émotions ? La logique qui consiste à conquérir le pouvoir par tous les moyens pour ensuite redevenir soi, nous a toujours perdu. Il y a certaines transformations dont on ne revient pas. Dans son ascension « Seydina » Ousmane a choisi de se délester d’un certain nombre d’artefacts moraux jugés trop lourds, avec l’ambition les récupérer une fois au sommet, si on en croit certains de ses partisans. Il a décidé de ratisser large, populiste et démagogique. De Wallu à Samm Jikko Yi tout y passe, tant que rien ne dépasse. Choix étonnant que de délaisser, à minima partiellement, la ligne qui avait obtenu 15% des voix en 2012 pour en épouser une qui, si elle a souvent conduit à la victoire dans le passé, empêche clairement de gouverner de manière différente.
Yaw-Wallu, du fait de leur position de force, joue la carte du référendum pour ou contre Macky Sall, avec comme atout légitime le funeste projet de 3ème mandat. L’histoire récente nous commande d’en exiger plus. A la fin du scrutin, ce sont des hommes et des femmes qui iront à l’Assemblée nationale pour nous représenter. Attelons-nous à bien les choisir. YAW s’est sabordé en donnant l’occasion au pouvoir en place de sabrer sa liste de titulaires. YAW s’est alliée à la coalition dont le noyau central est la cause de beaucoup de dérives que perpétuent le régime actuel. YAW gagnerait largement à comprendre que les résultats des élections locales ne constituaient pas un blanc-seing et que la volonté de faire partir Macky Sall n’est pas incompatible avec la proposition d’une alternative qui va au-delà des postures. Ils doivent mieux faire.
Ce sera Aar Sénégal, malgré tout !
Cette coalition est le fruit d’un concours de circonstance. Si Thierno Bocoum avait trouvé une place qui lui sied dans YAW et si ces derniers avaient daigné répondre aux appels du pied maladroitement exigeant d’Abdourahmane Diouf, elle n’aurait pas existé. Pas sous cette forme en tout cas. Ils ont néanmoins très habilement exploité la situation. Il était évident qu’entre YAW et BBY il y avait un espace politique et que celui qui voudrait l’occuper devrait faire face aux deux. Avec naturellement une adversité plus prononcée pour YAW parce que les réserves de voix sont naturellement dans l’opposition. Il fallait une alternative dans l’opposition et ils ont réussi le pari, médiatiquement en tout cas, d’occuper la place.
L’avantage majeure de Aar c’est qu’ils jouent, eux, véritablement le jeu des élections législatives. C’est évidemment stratégique mais c’est éminemment important. S’il y a un palier que notre démocratie doit franchir c’est bien celui-là. Le niveau d’adversité envers le pouvoir en place, quelle que soit l’ampleur des dérives, ne doit plus nous imposer d’accorder du crédit à quiconque propose tout juste son départ. Le corollaire de tout ça est qu’il faut rompre avec la tradition d’une opposition unique. Elle doit être plurielle avec l’ambition de trouver des compromis dans l’intérêt du pays plutôt que de se satisfaire juste d’avoir un ennemi commun.
Aar Sénégal se réclame de l’opposition et assume des divergences avec Yaw-Wallu. C’est de bonne guerre. Ils visent le même électorat avec un avantage certains pour Yaw-Wallu. Les accusations de collaboration dont Aar Sénégal est victime rentrent aussi dans ce cadre-là.
Aar Sénégal a eu l’intelligence de régler les problèmes de positionnement à l’entame de leur coalition et d’épargner aux Sénégalais le spectacle irrespectueux du bal des égos qui secoue presque toutes les autres coalitions.
Aar Sénégal regroupe des personnalités qu’on qualifie volontiers de compatibles du fait de leur parcours et de leur profil. Jusque-là, même sans le dire, personne ne conteste le fait que notre Assemblée nationale s’honorerait à avoir en son sein des députés comme Thierno Alassane Sall, Abdourahmane Diouf ou autre Ibrahima Hamidou Dème. De même, il serait difficile de lister des députés qui ont marqué leur mandature de par la qualité de leur travail sans citer Thierno Bocoum, Théodore Chérif Monteil, Thierno Omar Sy ou encore Marième Soda Ndiaye. Alors on pourra toujours convoquer la rigidité de Thierno Alassane Sall, l’aspect moralisateur de Bocoum, les passages d’Abdourahmane Diouf et Monteil à BBY mais rien de tout cela n’est en mesure, à date, de contester le positionnement et les convictions qu’ils revendiquent.
Aar Sénégal a fait l’effort de présenter un contrat de législature avec un calendrier respectueux du scrutin et des électeurs. Il y aurait beaucoup de chose à en dire mais l’effort témoigne encore une fois de la volonté de jouer le jeu des élections et aussi d’un effort de séduction envers l’électorat. Pas le plus populaire malheureusement.
Aar Sénégal a joué la carte des bons « élèves » en s’en tenant strictement à la nature de ces élections et en misant sur l’intelligence des Sénégalais pour la suite. C’est un positionnement risqué mais qui mérite d’être soutenu. Il est bon qu’on encourage ceux qui font bien les choses ou qui essayent en tout.
En votant Aar Sénégal dimanche, on s’assure de renforcer l’opposition mais surtout de miser sur des députés dont on n’aura certainement pas à rougir. On envoie aussi un message clair aux autres prétendants sur notre volonté, en tant qu’électeur, d’être séduit et pas que par l’intensité de notre capacité de contestation.