UNE CONCLUSION INCOMPLETE SUR LE PLAN MEDICO-LEGAL
L’autopsie de Bassirou Diop, garde rapproché du maire de Dakar Barthélémy Dias, a été réalisée au laboratoire d’anatomie et de cytologie pathologique de l’hôpital général Idrissa Pouye de Grand Yoff (Hogip)
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L’autopsie de Bassirou Diop, garde rapproché du maire de Dakar Barthélémy Dias, a été réalisée au laboratoire d’anatomie et de cytologie pathologique de l’hôpital général Idrissa Pouye de Grand Yoff (Hogip). Les résultats ont révélé plusieurs anomalies dont un problème cardiaque qui aurait affecté des organes de son corps dont les poumons. Ledit rapport qui parle d’une cardiomégalie avec hypertrophie du ventricule gauche n’a mentionné aucun détail sur ce qui s’est passé avant la mort de cet agent de sécurité. Selon un médecin urgentiste, «il est difficile de conclure avec certitude que cette mort est strictement naturelle. D’autant que le médecin n’a pas relié clairement ses observations aux circonstances spécifiques du décès en détention. Ce qui rend la conclusion incomplète sur le plan médico-légal».
«Il est difficile de conclure que cette mort (Ndlr: de Bassirou Diop) est strictement naturelle», a déclaré un médecin urgentiste. Qui donne son avis sur les conclusions du rapport de l’autopsie réalisée à l’hôpital général Idrissa Pouye de Grand Yoff (Hogip) et qui circule partout sur les réseaux sociaux. Ledit rapport parle d’une «contusion de la pommette droite, une cardiomégalie de 500 g accompagnée d’une hypertrophie du myocarde ventriculaire de 1,8cm et d’une congestion et d’un œdème pulmonaire caractérisé par un poumon droit de 1250 g et un poumon gauche de 1100 g, ainsi qu’une hépatomégalie «muxade» de 2800 g». Le professeur Chérif Mouhamed Dial qui a aussi mentionné la présence d’un contenu gastrique liquidien de moyenne abondance sans particularité ainsi qu’une congestion cérébrale a fait aussi un examen microscopique sur un fragment de poumon par une technique rapide montrant un aspect du poumon cardiaque. Son examen final indique une cardiomyopathie hypertrophique décompensée comme cause principale du décès de M. Diop.
Pour le médecin urgentiste qui réagit à la polémique qui enfle, le compte rendu de cet examen médical fait état d’un «cœur malade et fatigué». Le rapport, dit-il, parle d’une «cardiomégalie avec hypertrophie du ventricule gauche. Ce qui signifie que le cœur était plus gros et plus épais que la normale. Cette situation est souvent due à un effort excessif du cœur pour pomper le sang, comme dans certaines maladies chroniques du cœur. Cette condition peut rendre le cœur incapable de fonctionner correctement, provoquant une insuffisance cardiaque, où le cœur ne peut plus pomper efficacement le sang vers le reste du corps».
Le rapport a décelé plusieurs anomalies sur le corps du défunt. Notamment une «congestion et un œdème pulmonaire». Qui, selon le médecin qui parle sous l’anonymat signifie qu’ «un liquide s’est accumulé dans les poumons, rendant la respiration difficile, voire impossible. Dans le foie, il y a eu aussi une congestion hépatique. Ce qui indique que le foie est engorgé de sang à cause du mauvais fonctionnement du cœur. Dans le cerveau aussi, une congestion cérébrale est notée, suggérant que le sang s’accumule également dans le cerveau. Ce qui peut provoquer des maux de tête ou une perte de conscience», a-t-il dit revenant sur le problème cardiaque ayant affecté d’autres organes de feu Bassirou cités dans l’examen médical réalisé à l’hôpital de Grand Yoff. Lequel rapport conclut que la cause du décès est une «cardiomyopathie hypertrophique décompensée». Qui est «une maladie où le muscle cardiaque est anormalement épais et finit par s’épuiser, entraînant une insuffisance cardiaque aiguë. Donc une situation ancienne qui évolue depuis un certain temps. Ce que cela signifie en termes simples. Le cœur a progressivement perdu sa capacité à pomper le sang correctement. Cela a causé une accumulation de liquide dans les poumons, le foie et le cerveau, entraînant la mort. Cette situation peut survenir naturellement chez des personnes ayant une maladie cardiaque non diagnostiquée ou mal prise en charge. Elle peut également être déclenchée par un stress important, un effort physique excessif, ou une absence de traitement», a expliqué notre interlocuteur qui s’interroge sur quelques réserves et questions importantes omis dans le rapport.
Le rapport ne donne aucun détail sur ce qui s’est passé avant la mort
Notamment la question liée aux circonstances du décès de Bassirou Diop. «Ce patient était en détention. La question est : est-ce que le stress lié à cette situation (ou une éventuelle arrestation musclée, selon les témoignages) a pu précipiter cette décompensation cardiaque ? Le rapport ne donne aucun détail sur ce qui s’est passé avant la mort, un élément pourtant crucial pour interpréter la cause», a-t-il indiqué. Il note aussi une autre absence d’analyse complémentaire. Pour lui, «le rapport d’autopsie ne mentionne pas d’examen toxicologique qui pourrait identifier d’éventuelles substances ayant contribué au décès. Aucune mention de recherche de traumatismes externes ou internes. Si le patient avait été malmené ou blessé, cela aurait pu aggraver son état cardiaque. La notion de contusion de la pommette sans autre précision sur les dommages causés ne suffit pas pour étayer une cause claire. Les antécédents médicaux du patient ne sont pas abordés. La famille affirme qu’il n’avait pas d’antécédents cardiaques connus. Ce qui pose question la question de l’interprétation médicale insuffisante», dit-il. Avant d’ajouter ceci: «le médecin expert décrit les observations internes (hypertrophie cardiaque, congestion des organes) mais ne relie pas clairement ces observations aux circonstances spécifiques du décès en détention. Cela rend la conclusion incomplète sur le plan médicolégal. En France par exemple ou dans des pays développés, un tel rapport serait considéré comme insuffisant sans une exploration approfondie du contexte et des analyses complémentaires».
la conclusion de «cardiomyopathie hypertrophique décompensée» est plausible
Dans son analyse critique, notre interlocuteur trouve que la conclusion de «cardiomyopathie hypertrophique décompensée» est plausible au vu des signes décrits. «Cela pourrait expliquer une mort naturelle liée à une maladie cardiaque. Mais par manque de données médico-légale, et sans tests toxicologiques, il est impossible d’écarter d’autres causes (toxines, médicaments). L’absence de recherche de traumatismes ou d’explications sur l’environnement de détention laisse un doute. La décompensation cardiaque aurait-elle pu être évitée avec une prise en charge médicale rapide ? Un stress fatal ? Si le patient a subi une arrestation musclée ou un stress intense en détention, cela pourrait avoir précipité la décompensation cardiaque. Ce facteur est totalement ignoré dans le rapport. Les questions à poser pour aller plus loin. Quels examens ont été faits ? Une toxicologie, des analyses histologiques (étude des tissus) et une recherche de blessures (non décrites comme présentes ou absentes ? Quels étaient les antécédents du patient ? Avait-il un suivi médical ? Était-il sous traitement pour une pathologie chronique ? Quelles étaient les conditions de détention ? Était-il soumis à un stress ou à des violences physiques ? Pourquoi cette insuffisance de détails ?» autant de questions sans encore réponse. Ce que fait dire à l’urgentiste que ce rapport devrait fournir des éléments clairs présents ou absents pour attester qu’ils ont été recherchés. D’où cette polémique ! «Pour le grand public, le rapport d’autopsie pointe une cause de décès plausible sur le plan médical (une maladie cardiaque décompensée), mais il soulève des questions sur les conditions spécifiques entourant ce décès. Sans analyses complémentaires et sans prise en compte des circonstances (stress, violences éventuelles, absence de soins), il est difficile de conclure avec certitude que cette mort est strictement naturelle», a-t-il dit.