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23 avril 2025
Éducation
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LE KORISTE SÉNÉGALAIS LE PLUS EN VUE D'ESPAGNE
Grâce à Sirifo Kouyaté beaucoup d’Espagnols ont découvert et adopté la kora. Si le koriste koldois est né griot, il a dû se former pour être l’artiste qu’il est devenu et qui donne des concerts partout en Europe.
Le koriste hispano-sénégalais, Sirifo Kouyaté, griot doublé d’artiste, a animé récemment une conférence musicale à l’Instituto Cervantes (le contre culturel espagnol de Dakar) où il a abordé plusieurs problématiques comme la mission du griot dans la société, l’émigration, etc.
Peu connu au Sénégal, si ce n’est dans son Kolda natal, Sirifo, le griot bien connu en Europe et surtout en Espagne a profité de cette conférence pour dévoiler son identité ainsi que celle de sa famille. Né à Kolda, Sirifo Kouyaté a atterri en Espagne grâce à une opportunité depuis 1994, à l’âge de 24 ans. Le pays de Miguel de Cervantes fait définitivement parti de lui.
Nous vous proposons ici quelques notes de sa kora.
Son interview intégral vous sera proposée ultérieurement.
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ENTREPRENEURS AMBITIEUX, MÉFIEZ-VOUS DES TITRES POMPEUX
PDG, CEO ou autre Manager, ce sont là des titres qui perdent beaucoup de jeunes entrepreneurs… Or pour la directrice exécutive de Jokkolabs, il faut rester humble et se former en permanence pour réussir son projet entrepreneurial
Alors que l’emploi est de plus en plus problématique partout dans le monde, la jeunesse africaine se montre de plus en plus dynamique et inspirante sur le plan entrepreneurial depuis quelques années.
Les différentes éditions de la Semaine mondiale de l'entrepreneuriat le prouvent à suffisance comme on l’a encore vu cette semaine.
En marge des activités de cette édition, AfricaGlobe Tv interviewée Fatoumata Niang Niox, la Directrice exécutive de l’incubateur Jokkolabs, l’une des cheville ouvrière depuis dix ans de la tenue de cet événement.
Au menu de la discussion, les petits secrets des entrepreneurs qui réussissent, la place du financement dans l’entrepreneuriat, les erreurs à ne pas commettre.
Réaliste, elle reconnaît que l’on a beau avoir de belles idées, mais à un moment donné, il faut les moyens pour grandir ajoutée à des formations en permanence.
Pour notre invitée, il faut une certaine de dose de folie pour entreprendre et la réussite n’est qu’une parfaite conjonction entre le savoir, la savoir-être et le savoir-faire.
Quid des entrepreneurs ambitieux qui veulent aller loin ? Ils devraient se méfiez absolument des titres pompeux. Leur humilité les élèvera. Il ne sert à rien de courir, il faut aller à point.
C’est une vraie leçon d’entrepreneuriat que donne Fatoumata Niang Niox.
Regardez son entrevue sur AfricaGlobe Tv
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CULTUR'ELLES-MENT, LES FEMMES PEUVENT LE FAIRE
Beat-maker, accessoiriste ou encore éditeur…, ces métiers de la culture et des arts ne doivent pas être l’affaire des seuls hommes. La scénariste Amina Seck veut les arracher aussi pour les femmes grâce à Cultur’Elles, qui prépare les femmes à cette fin
Il est «cultur’Elles-ment» inacceptable que les femmes restent à la traine en matière d’entrepreneuriat dans le domaine des arts et de la culture, qui pourtant restent une niche fort inexplorée et potentiellement pourvoyeuse d'emplois. C'est le constat de la romancière Amina Seck, incitatrice du premier salon du livre féminin au Sénégal.
Scénariste et romancière, Amina Seck a lancé «Cultur’Elles », une agence qui vise à promouvoir l’entrepreneuriat des femmes dans le domaine des arts et de la culture et à favoriser l’accès des femmes à certains métiers comme l'édition (littérature) le beat-making (musique) ou encore "l'accessoirisme" dans le secteur du cinéma, domaines où elles sont absentes.
L’autre objectif que poursuit Cultur’Elles c’est la visibilisation des femmes qui même si elles produit des œuvres littéraires de qualité, ne sont pas vues, mais restent dans l’anonymat total. Le projet du salon du livre féminin est dédié à elles.
Pour Amina Seck, ce n'est pas impossible, il faut juste sensibiliser et former. C’est pourquoi le renforcement des capacités des femmes occupe une place dans les activités de son agence.
Amina Seck a été interviewée à Dakar, en marge de la journée mondiale de l’entrepreneuriat, à la Place du Souvenir
Regardez son entretient sur AfricaGlobe Tv
par Babacar Fall
SÉNÉGAL, LAÏCITÉ ET SÉCULARISME
Le post sur Facebook de Mary Teuw Niane du 14 septembre 2022 : « la laïcité, un tabou étranger à notre culture » me donne l’occasion de revenir sur un sujet qui est un nœud gordien pour l’évolution de la République
Le post sur Facebook de Mary Teuw Niane du 14 septembre 2022 : « la laïcité, un tabou étranger à notre culture » me donne l’occasion de revenir sur un sujet qui est un nœud gordien pour l’évolution de la République. Qu’est-ce qu’un citoyen ? Quel sens donner au pacte social, ou pour reprendre la magnifique expression senghorienne, « notre commun vouloir de vie commune. »
Mais avant, il est nécessaire de clarifier le débat et cerner ses enjeux.
La laïcité à la française
La première définition formelle de la laïcité fut exprimée, en 1881, par Ferdinand Buisson, philosophe, homme politique et cofondateur de la ligue des droits de l’homme en 1898. Il considère la laïcité comme le résultat d’un processus historique au cours duquel la sphère publique s’est affranchie du pouvoir de la religion. Il en résulte l’État laïque, neutre à l'égard de tous les cultes, indépendant de tous les clergés, pour réaliser l’égalité de tous les citoyens devant la loi, avec des droits assurés en dehors de toute condition religieuse et la liberté de tous les cultes.
Cette spécificité française trouve sa traduction dans la loi dite de séparation de l’église et de l’Etat de 1905. Les historiens sont tous d’accord aujourd’hui pour démontrer qu’il y a plusieurs modèles qui se sont affrontés lors des débats parlementaires de l’époque. Cependant dans le cadre de cette analyse, je retiendrai le modèle majoritaire porté par Aristide Briand et Jean Jaurès. Jean Baubérot le définit ainsi : « La loi non seulement assure la liberté de conscience et le libre exercice des cultes (article 1) mais respecte l’organisation de chaque religion (article 4), même si aucune religion n’est désormais « reconnue » ni financée sur fonds publics (article 2).
La laïcité ainsi définie par la loi autour de la liberté de conscience, comporte une dimension qui déborde l’aspect strictement individuel. Avec l’instauration d’aumôneries sur fonds publics (fin de l’article 2), avec la dévolution gracieuse des édifices du culte, propriété publique, aux associations cultuelles et diocésaines (articles 7 à 17), avec la construction, dès les années 1920, de la Grande Mosquée de Paris, la loi de 1905 et son application ultérieure ont fait que, dans certains cas, l’exercice de la liberté de conscience comme « liberté de culte », garantie par l’article 1 de la loi de 1905, doit l’emporter sur l’absence de subvention. C’est la position constante du Conseil d’État en France, et d’associations comme la Ligue de l’enseignement ou la Ligue des droits de l’homme qui a aussi permis enfin, durant les années 2000 la construction de carrés musulmans dans beaucoup de cimetières et de centaines de mosquées dans plusieurs villes de France.
Pour les sociologues des religions, la laïcité française ne constitue pas une exception, mais s’inscrit dans la même dynamique historique que les différents sécularismes qui ont traversé l’histoire mondiale.
Enfin, Mary Teuw ne comprend pas le concordat en Alsace-Moselle : « en France même, le principe de la laïcité n’est pas universel. » En fait ce dont il s’agit, c’est du statut spécifique des trois départements d’Alsace-Moselle, qui n’étaient pas français de la fin de la guerre de 1870-1871 à 1919 (après la Première Guerre mondiale). Les lois de laïcisation de l’école publique et la loi de 1905 ne leur ont donc pas été appliquées quand elles ont été votées. Ces trois départements ont globalement, conservé le régime issu de la loi Falloux de 1850 (pour l’école publique) et le régime du Concordat et des Articles organiques (1802) qui induit un financement des « cultes reconnus » et le paiement de leur clergé sur fonds publics. Quand ces départements sont redevenus français leur régime spécifique a été maintenu « à titre provisoire ». Non seulement ce « provisoire » dure encore, mais le Conseil constitutionnel a rendu une décision selon laquelle un tel statut juridique est conforme à la laïcité de la République énoncée par la Constitution.
Définition et historique du concept de sécularisme
Le terme sécularisme est un anglicisme. Il s’agit d’une doctrine selon laquelle la religion ne doit pas avoir, ni chercher à avoir de pouvoir politique ou législatif.
Elle prône la séparation de l’Eglise et de l’Etat et affirme en corollaire que le pouvoir politique ne doit pas intervenir dans les affaires propres aux institutions religieuses.
Le sécularisme désigne une tendance objective et universelle à faire passer les valeurs sociales du domaine du sacré à celui du profane.
On peut le penser comme l’exigence de la séparation des institutions séculières du gouvernement et de la religion, mais il ne s’y réduit pas.
Il renvoie à la désacralisation de l’organisation sociale perçue non pas comme une donnée naturelle exigeant l'adhésion automatique aux valeurs établies, mais plutôt comme un produit de l’histoire des politiques humaines.
Sécularisme et sécularisation en Europe
Le processus historique de sécularisation est d’abord apparu sous la chrétienté médiévale ou dans les empires islamiques et sans aucun doute dans d'autres sociétés également.
L’art, le droit, ou la politique conquièrent au fil du temps leur autonomie à l’égard d’une pensée religieuse qui les avait d’abord fondés.
La séparation est acquise entre les différents segments de la vie sociale. La religion n’est plus que l’un d’entre eux et non celui qui donnait sens à tous. Elle se manifeste dans l'émergence d'aspirations, d'attitudes et de comportements nouveaux.
Dans beaucoup de pays de culture catholique la logique fut celle de la laïcisation. La religion s’est trouvée reléguée dans la sphère privée.
En pays protestant, l’émancipation de la religion s’est opérée selon une logique de sécularisation, moins conflictuelle. Dans ce cadre, les activités publiques exercées par des groupes religieux sont reconnues juridiquement, y compris leur contribution à l'éducation citoyenne (par des cours de religion dans les écoles publiques, par exemple).
La construction européenne favorise également la diffusion du principe de la dissociation croissante de la confession religieuse du domaine public et son intégration croissante dans la sphère privée.
Et la Convention Européenne des Droits de l’Homme de novembre 1950 (article 9) a consacré les principes de tolérance et de liberté religieuse.
Sécularisme dans le reste du monde
Dans certaines sociétés de culture musulmane contemporaine, la séparation entre le processus de sécularisation et celui de laïcisation est mieux affirmée, et cela pour deux raisons.
La première est que le combat pour la modernité fut essentiellement un combat contre la domination coloniale et non contre un ennemi intérieur (le clergé catholique en France par exemple).
L’aspiration à l’émancipation du joug colonial imposait la nécessité de maintenir des contradictions provoquées par le processus de modernisation sociale. La religion en sortit à la fois renforcée et rénovée par l'addition d'une dimension identitaire.
La seconde est que l'appel aux réformes et à la modernisation est venu, souvent, des élites religieuses, qui sont les alliées privilégiées des acteurs politiques majeurs. Ces derniers comptent sur elles non seulement pour neutraliser les courants conservateurs religieux (sous le masque du réformisme souvent et contre les confréries), mais également pour ses politiques. Les relations entre Léopold Sédar Senghor, ses compagnons et les différentes personnalités religieuses dans les périodes pré et post indépendance s’inscrivent dans ce contexte.
On peut parler d’un « islam républicain » en écoutant cette vidéo témoignage avec cet interview à la télévision française de Serigne Fallou Mbacké sur ses rapports avec le président Senghor.
La description que donne Serigne Fallou Mbacké de ces relations, correspond exactement à ce que l’on désigne sous le concept de sécularisme. La religion ne doit pas s’occuper de politique et la politique ne doit pas s’occuper de religion.
Dans le cas de la fin de l’empire ottoman et de la proclamation de la République turque, Jean François Bayart, politologue (in Islam républicain. Fayard) montre que l’islam est le « fil caché » qui relie les deux systèmes. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle Mustafa Kemal Atatürk a cherché à dépecer les institutions de leur manteau islamique, les « Jeunes Ottomans » se sont en fait inscrits dans une longue durée où l’islam a servi de fondement – certes pas le seul – pour bâtir la République turque. Les musulmans ont fini par endosser la République et les sécularistes se sont faits à son visage islamique
On le voit donc, l’histoire mondiale est traversée par ces deux processus, le sécularisme et la laïcité qui indiquent deux conceptions du rapport entre le religieux et le politique.
En Occident, le processus de séparation entre les deux sphères s’inscrit sur la longue durée, sur les autres continents le phénomène est moins visible et prend d’autres formes qui épousent l’histoire sociale de chaque pays.
En Inde par exemple où le sécularisme s’est le mieux épanoui, toutes les religions sont présentes dans la sphère publique. Le résultat est le même qu’en Occident dans la mesure où les croyances se valaient toutes du point de vue de l’Etat indien, encore récemment jusqu’à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite hindoue avec le BJP de Narendra Modi.
Le sécularisme indien s’inscrivait dans une longue tradition de multiculturalisme et de tolérance religieuse qui commence avec l’empereur bouddhiste Ashoka, qui a régné au IIIe siècle avant notre ère.
Mais ce passé seul, ne suffit pas pour maintenir cette tradition de tolérance, car sans les hommes comme Gandhi et Nehru pour le traduire en termes politiques et institutionnels, il n’y aurait pas de sécularisme à l’indienne aujourd’hui. Gandhi se battait pour la reconnaissance du religieux sur un mode collectif dans l’Inde nouvelle alors que, pour Nehru l’appartenance religieuse devait finir par passer au second plan, sinon s’effacer derrière des identités individuelles.
A l’exemple de l’Inde, le sécularisme a été un formidable facteur de cohésion sociale dans beaucoup d’Etats, de pays de culture musulmane dans le monde. Il a permis de transcender les clivages confessionnels. On était citoyen d’abord, locuteur de telle ou telle langue, et puis éventuellement animiste, hindou, musulman, bouddhiste ou chrétien. Le sécularisme a permis sinon de gommer totalement, au moins d’amoindrir les différences liées à l’appartenance religieuse des citoyens.
La laïcité comme concept constitutionnel au Sénégal
Mary Teuw Niane expose un peu plus clairement, pour une fois, une opinion jusque-là dominante, y compris au début de notre Etat-nation, chez les « réformateurs musulmans » (critiques des rapports confréries et autorités publiques, souvent issus des mouvances wahabites) dans les années pré et post indépendance.
Cette conception repose sur le refus de la séparation de la religion et de l’Etat ou plutôt de sa neutralité face aux confréries et au clergé catholique et prône la contribution des religions à l’éducation des enfants (enseignement public des religions et financements des écoles coraniques). C’est ce que propose Mary Teuw Niang dans cette critique de la laïcité au Sénégal : « L’inscription du principe de la laïcité dans la Constitution de notre pays est … surtout le moyen invisible de couper le cordon ombilical des religions avec notre société. Ceci malgré le fait que la religion joue un rôle fondamental dans la formation de notre jeunesse et la construction de sa personnalité. »
Au-delà de l’éducation, on comprend que ce qui est en jeu c’est la question des sources (religieuses ou profanes) de notre Droit et de la Constitution, comme Loi Suprême.
Dans sa comparaison avec les pays européens il cite : « sur les vingt-sept (27) pays de l’Union européenne (UE), la France est le seul pays qui a inscrit le principe de la laïcité dans sa constitution. Le principe de la séparation des Églises et de l’État n’est inscrit que dans la constitution de huit (8) pays au niveau de l’Union Européenne : Hongrie, Lettonie, Portugal, Tchéquie, Slovaquie, Slovénie, Suède et France. »
Mary Teuw montre une incompréhension de l’historicité des rapports entre autorités ecclésiastiques et Etats dans les exemples européens cités. La tradition gallicane de certains Etats européens a toujours reposé sur l’ambition de garder la haute main sur les églises, avec une volonté farouche de les maintenir à l’écart du pouvoir du Pape. Cette tradition qui a commencé en France et a abouti à la séparation par la loi de 1905, a concerné toute l’Europe. En Grande Bretagne, ce processus, après la rupture de l’église catholique d’Angleterre avec Rome consacre l’église anglicane sous l’autorité de la royauté.
Une autre tradition européenne est incarnée par les Etats du Nord de l’Europe, scandinaves et anglosaxons protestants pour qui les principes de laïcité et de séparation de l'Eglise et de l'Etat sont constitutifs du fonctionnement de l’Etat. Car le protestantisme est avant tout un système de conduite autonome de la personne. Dieu et le monde sont dans des galaxies séparées et entre les deux, le fidèle organise lui-même une relation de compromis. C’est ne rien comprendre à l’éthique protestante pour reprendre l’expression de Max Weber, que d’assimiler ces situations léguées par l’histoire de chacune de ces nations.
Les bâtisseurs de la République, de Senghor à Mamadou Dia tous profondément croyants, au moment de poser les fondements d’un Etat moderne, n’ont pas regardé du côté des Etats dont l’inspiration constitutionnelle était les textes sacrés comme certaines républiques ou monarchies islamiques en Afrique et au Moyen Orient, mais plutôt des Etats séculiers modernes en Europe, en Asie et en Amérique.
L’histoire leur a donné raison au regard de l’évolution de ces Etats durant les périodes pré et post indépendance par rapport à ceux qui n’ont pas opté très clairement pour une séparation entre la religion et la gestion des affaires publiques. Les guerres civiles, les conflits de nationalité, les poussées des hordes de fanatiques djihadistes actuelles témoignent du danger de l’ambigüité ou de l’absence de choix clairs sur le modèle de l’Etat.
J’ai toujours pensé que la laïcité de l’Etat au Sénégal, constituait un impensé chez les pères fondateurs de notre République.
Ce parti pris, que je soupçonne, délibéré de leur part, résulte pour moi, de l’appréhension de l’ampleur du combat pour la dissolution du système colonial raciste et de l’indigénat. Et par ailleurs, du temps qu’il leur fallait pour construire et mettre en œuvre les concepts de citoyenneté sénégalaise et africaine.
Il n’est que de lire les débats qui, à partir de 1948, traversent les rangs des bâtisseurs de l’Etat-nation à travers les journaux « Condition Humaine » et « l’Unité » ensuite organe du BDS et du BPS sur la fin de l’empire colonial français et l’AOF pour le mesurer.
Comment rompre avec cet oxymore du projet colonial de la constitution française de 1958 d’assimilation/égalité ?
Avec le recul historique on peut se représenter ces hommes et femmes d’Etat, face à cette question existentielle de fonder un Etat moderne, sur un territoire dont l’Etat français depuis deux siècles s’est évertué à éradiquer toutes les représentations institutionnelles précoloniales.
Mais les formations sociales sur le territoire du nouvel Etat gardent néanmoins la mémoire et les traditions de système d’inégalité et de domination et de système d’ordre, pour reprendre les concepts de A. Bara Diop dans son anthropologie de la société wolof.
Comment assurer l’unité politique des diverses formations sociales et populations vivant sur ce territoire par un Etat dont les structures intrinsèques résultent d’un héritage de domination de deux siècles et par exemple quel rôle pour les autorités coutumières, chefs de canton, chefs de village, cadis ?
Le projet politique que portent ces bâtisseurs et fondateurs (de Blaise Diagne à Galandou Diouf, en passant par Lamine Guèye, Mamadou Dia, et tous leurs compagnons militants, syndicalistes), depuis toujours est de construire un Etat républicain pour fonder une nation de citoyens sénégalais.
Mary Teuw Niane dans son post polémique dit : « Dans nos tropiques africains francophones, la laïcité est la plus grande arnaque politique, sociale et culturelle que les pères fondateurs de notre constitution nous ont léguée. »
C’est faire injure à ces pères fondateurs qui auront arpenté, visité chaque ville, village, canton du Sénégal, discuté avec les autorités coutumières, confrériques de ne pas avoir réfléchi sur ce qui devait définir les citoyens de ce pays. Et surtout de ne pas avoir une idée précise sur la nature de la nation qu’ils avaient l’ambition de construire, malgré des appartenances religieuses, confrériques, linguistiques différentes, des modes de vie, d’habiter, des systèmes fonciers et de modes de production extrêmement variés.
Je relisais récemment la belle biographie d’Ibrahima Seydou Ndaw, parue chez l’harmatan en 2013, et l’autobiographie de Assane Seck « Sénégal, émergence d’une démocratie moderne » pour soupeser le degré de tension intellectuelle, les débats et le combat politique dans lesquels ils étaient tous plongés à cette époque.
Le concept de laïcité pour définir la nature de la république tranche, pour moi, le clivage interne au sein des fondateurs à propos de la notion de liberté comme principe fondateur de ce qu’est un citoyen sénégalais. La mention « démocratique et sociale » résulte d’un compromis entre les différents courants.
Senghor et ses compagnons distinguaient parfaitement ce que les historiens actuels nomment les sécularismes, pour distinguer entre la laïcité à la française et les autres formes, mais qui reposent tous sur la liberté de conscience, la citoyenneté sans fondement religieux et la séparation de l’État et de la religion.
Application du principe laïque au Sénégal ou le sécularisme sénégalais
La constitution de 2001 révisée en 2016, mentionne dans son préambule: la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, les accords et règlements des nations unies et de l’union africaine (Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 et la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981. )
L’article 1, alinéa premier de la constitution de la République proclame : « la République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion. Elle respecte toutes les croyances.
Dans un article, paru dans Ethiopiques n°22-1980, le recteur Seydou Madani Sy dit de la constitution de 1963 révisée (dernière révision lors de la rédaction de cette analyse le 24 avril 1981) : « l’idéologie laïque qui sous-tend la Constitution du Sénégal n’est pas une idéologie de combat, puisqu’il n’y a pas, comme en France à l’origine par exemple, une hostilité aux Eglises et à l’Islam. La laïcité mise en œuvre se rattache à l’idéologie laïque qui déclare l’incompétence de l’Etat à l’égard de ce qui excède le gouvernement du temporel, impliquant le refus de proposer, ou même de cautionner une explication de l’homme et du monde. Mais c’est un Etat qui, à l’égard de toutes les options, professe a priori la même attitude d’impartialité. »
On peut définir la laïcité sénégalaise comme une laïcité compréhensive.
Mieux, contrairement à ce que laisse entendre Mary Teuw Niane, dans la nouvelle constitution de 2001, révisée par référendum en mars 2016, plusieurs articles s’inscrivent dans cette logique de laïcité positive et compréhensive à rebours de la conception française.
L’article 4 qui traite des partis politiques, interdit l’identification à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une partie du territoire.
L’Article 5 interdit tout acte de discrimination raciale, ethnique ou religieuse.
L’article 8 proclame que la république du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales… dont les libertés religieuses.
Les articles 20 et 22 qui consacrent le droit à l’éducation de tous les enfants et le devoir des parents, demandent que l’Etat veille à l’exercice de ce droit. Et plus encore, et à croire que Mary Teuw tout ministre qu’il fut, n’a pas lu la Constitution, l’Etat sénégalais reconnaît la contribution des institutions religieuses à l’éducation des enfants. Les institutions et les communautés religieuses ou non religieuses sont également reconnues comme moyens d’éducation.
Et enfin l’article 24 consacre la place de la religion dans l’espace public comme jamais : « la liberté de conscience, les libertés et les pratiques religieuses ou cultuelles, la profession d’éducateur religieux sont garanties à tous, sous réserve de l’ordre public. Les institutions et les communautés religieuses ont le droit de se développer sans entrave. Elles sont dégagées de la tutelle de l’Etat. Elles règlent et administrent leurs affaires d’une manière autonome. »
Je partage cet avis du recteur Thierno Madany Sy dans son analyse de l’application du concept de laïcité au Sénégal : « la neutralité religieuse de l’Etat s’interprète comme donnant libre cours au développement sans entraves des Institutions et Communautés religieuses. »
En effet, à l’analyse, on distingue très clairement les différences majeures entre la laïcité à la française et la version du principe laïque choisie dans notre pays. Non seulement l’Etat sénégalais n’ignore pas les religions, mais entretient des relations normales et très étroites avec les Confréries musulmanes et le clergé catholique, y compris à travers le programme d’investissements annuel dans les cités religieuses et inscrits dans la programmation budgétaire annuelle de l’Etat.
Et en fonctionnement, les subventions aux écoles privées catholiques constituent une part importante des financements de l’éducation. Les écoles privées catholiques, comme les autres, non confessionnelles, sont considérées comme membres à part entière du service public de l’Education.
Il faudrait être sourd et aveugle, pour ne pas saisir la part extrêmement importante que prennent, dans les programmes des radios et télévisions, les cérémonies et autres manifestations religieuses.
Et lors des différentes commémorations religieuses (confrériques et catholique) l’Etat en grand apparat et de façon solennelle est présent.
En conclusion, il me semble que la question qui est au cœur des agitations et des polémiques sur la laïcité au Sénégal, est celle de la nature de notre Etat-nation, celle que ses bâtisseurs nous ont léguée. C’est celle de notre récit national. Quelle narration notre nation renvoie-t-elle aux citoyens que nous sommes ? Quelles sont ses valeurs essentielles à transmettre ?
En 1959, Senghor (Nation et voie africaine du socialisme. Présence africaine) en donnait un aperçu : « la Patrie, c’est le pays sérère, le pays malinké, le pays sonrhaï, le mossi, le baoulé, le fon. [...] Loin de renier les réalités de la patrie, la Nation s’y appuiera, plus précisément elle s’appuiera sur leurs vertus, leur caractère de réalités, partant sur leur force émotionnelle. […] Au terme de sa réalisation, la Nation fait, de provinces différentes, un ensemble harmonieux. […] Nous prendrons garde à ne pas tomber dans l’une des tentations de l’État-nation, qui est l’uniformisation des personnes à travers les patries »
Je pense que la laïcité ou le sécularisme de la République permet le déploiement d’une histoire nationale pleinement africaine qui s’appuie sur la diversité de notre peuple, de ses terroirs, de ses langues et des valeurs qu’elles véhiculent. En somme, accepter de continuer à s’enrichir de « l’humanisme soudanais » pour reprendre l’expression de l’historien Sékéné Mody Sissokho.
A quoi ressemble le campus social de l'Ucad les soirées de jeudi et vendredi ? Pour un habitué des lieux, la réponse coule de source : un espace vibrant au rythme des chants religieux, à l’initiative d'associations musulmanes d’étudiants
A quoi ressemble le campus social de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar les soirées de jeudi et vendredi ? Pour un habitué des lieux, la réponse coule de source : un espace qui vibre au rythme des chants religieux et autres zikrs, à l’initiative des associations musulmanes d’étudiants, lesquelles, au-delà d’un simple effet de mode, sursaut de foi ou soif de religion, demeurent aussi des cadres d’épanouissement social et pédagogique pour leurs membres.
En dehors comme au sein du campus, véritable reflet de la société sénégalaise, ces associations communément appelées ‘’Dahira’’ restent des espaces de solidarité et d’encadrement, de renforcement mutuel des connaissances et de capacitation pour leurs membres sur les questions religieuses. Mais à Cheikh Anta Diop, le ‘’Dahira'' permet aussi à ses adhérents de prolonger les cours après les Amphis.
Pour dérouler ses activités, un ‘’dahira’’ peut disposer de plusieurs commissions dont une chargée des questions pédagogiques, quoi de plus normal, dirait-on, dans un milieu universitaire.
Pour Dahirou Guèye, étudiant en licence 3 au département arabe et président de la commission culturelle de la Dahira des étudiants tidianes (DET) de l’UCAD, ‘’il faut juste une bonne organisation pour allier les études et les activités’’ de l’association.
Guèye confie qu’il se réveille tous les jours vers 4 heures du matin afin d’accomplir ses obligations dans la tariqa tidianya, la voix mystique suivie par les disciples de cheikh Ahmed Tidiane chérif.
’’L’âme est comparable à un bébé. Tant qu’il n’est pas sevré, il continuera toujours à vouloir téter’’, prêche-t-il, habillé d’une chemise blanche assortie d’un pantalon super cent noir, le chapelet roulé sur le poignet de main.
Selon lui, la commission culturelle de leur association, ’’organise régulièrement des séances de capacitation pour les étudiants membres de la Dahira’’.
‘’Parmi les membres de la Dahira, il y a des doctorants, des maitrisards et même des enseignants. Ce qui constitue un véritable atout pédagogique’’, soutient-il.
Trouvé dans le hall du pavillon Ibrahima Diallo et quelques membres de son Dahira s’apprêtent à aller au restaurant central. Ils venaient juste de terminer leur séance de récital appelée wazifa qui se fait après la prière de timis (crépuscule).
Pour Diallo, président de la Dahira des étudiants Tidianes de Baye Niasse, la pratique religieuse ‘’n’entrave en rien’’ les études.
Vêtu d’un boubou traditionnel de couleur jaune, il affirme : ‘’Chaque chose en son temps. Notre pratique religieuse n’entrave en rien la bonne marche de nos études, au contraire’’.
Cet étudiant au département de lettres modernes assimile le Dahira à ‘’une école de formation. ‘’Il y a des choses qu’on n’apprend pas dans les amphis ; du coup la Dahira constitue une chance de se rattraper grâce à nos échanges’’, insiste Ibrahima.
Sur la question des rapports entre les différentes Dahiras au sein du campus social, Sémou Dabo, actuel ‘’’dieuwrigne’’ (responsable) du ‘’Daara sant sérigne Saliou bou wa keur Cheikh Béthio’’ rassure : ’’Nous entretenons de bonnes relations avec les autres Dahiras. Lorsque nous organisons nos activités, toutes les autres Dahiras sont représentées.’’
’’Pour nous, de la même manière que les études sont une obligation, la pratique religieuse aussi doit avoir sa part dans notre quotidien’’, soutient le trentenaire trouvé assis sur une natte non loin du Pavillon B.
Égrenant son chapelet, l’ancien étudiant au département de Droit estime que les Dahiras s’inscrivent dans le principe constitutionnel de la liberté de culte.
IL FAUT INVESTIR DANS LA RECHERCHE QUI PERMET D’AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE DES POPULATIONS
Professeur titulaire de classe exceptionnelle, le Pr Adams Tidjani de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université Cheikh Anta Diop vient de décrocher la distinction de meilleur scientifique 2022. Dans cet entretien, il parle des ses projets
Professeur titulaire de classe exceptionnelle, le Pr Adams Tidjani de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université Cheikh Anta Diop vient d’accrocher un haut fait d’arme sur son tableau de chasse. Il hérite de la distinction de Meilleur scientifique 2022 de l’UCAD attribuée par l’AD Scientific Index (Alper-Doger Scientific Index) pour ses travaux sur les polymères (les plastiques). Emedia est allé à sa rencontre pour remonter le temps avec lui et dresser des perspectives pour la recherche et l’université dans son ensemble. Entretien.
Professeur qu’avez-vous ressenti quand on vous a annoncé cette distinction ?
Grande est mon émotion, suite à la distinction de meilleur chercheur de l’UCAD pour l’année 2022, qui m’a été décernée par l’AD Scientific Index. Cette reconnaissance me conforte dans la voie que j’ai choisie et me donne encore plus de courage pour le chemin qu’il reste à parcourir, aussi bien dans ma vie professionnelle que personnelle.
C’est également avec un profond bonheur que je saisis cette occasion solennelle, pour adresser mes plus sincères remerciements à tous ceux qui m’ont accompagné tout le long de mon parcours : mes parents, mes frères et sœurs, mon épouse et mes enfants, mes amis, mes enseignants et particulièrement mes encadreurs de thèse, mes collègues et collaborateurs, mes étudiants, …
« Dans le sol on a un gaz qui s’appelle le radon qui peut être à l’origine du cancer du poumon »
Je dois vous dire que c’est une amie à mon épouse qui m’a filé l’information selon laquelle j’avais été nommé meilleur scientifique de l’Ucad en 2022. En faisant mes recherches, je suis allé sur le site et effectivement, c’est un site américain qui classe aujourd’hui les chercheurs, les universités dans le monde entier et dans tous les domaines. Pour ce cas précis, ils utilisent comme critère la valeur ajoutée de votre travail. Ils se posent la question de savoir qu’est-ce que votre publication va apporter à la science ? L’autre critère, c’est la performance. Quand vous faites une publication, sa performance est mesurée par rapport au nombre de citations de votre article. Quand vous faites des publications qui ne sont pas téléchargées, encore moins lues ou citées, cela veut dire qu’une remise en question s’impose. Il faut prendre le bon train qui vous amènera au bon port. C’est comme ça que le classement est fait.
« Je suis un pur produit de l’école sénégalaise »
Professeur, peut-on avoir une idée du parcours qui vous a mené à ce sacre ?
Dans mon parcours j’ai changé plusieurs fois de spécialité. Pour faire ma thèse de 3e cycle, je suis allé en France, mais il faut comprendre que je suis un pur produit de l’école sénégalaise. Ce n’est qu’après la maîtrise que je suis allé en France pour faire une thèse de 3e cycle. Dans le sol vous avez un gaz qui s’appelle le radon. C’est ce gaz qui est à l’origine du cancer du poumon. On utilisait un traceur de ce gaz pour prévoir éventuellement des problèmes sismiques ça peut être un volcan, etc. Donc, on a mis en place une sonde électronique qui permettrait de faire ces mesures. Quand je suis revenu au Sénégal, j’ai fait des mesures de concentration de ce gaz dans le sol. On l’a fait sur le campus universitaire. On s’est rendu compte en quittant la corniche ouest pour aller vers la bibliothèque universitaire, que la concentration de ce gaz diminue. C’est normal parce que vous avez sur la corniche des roches volcaniques. Donc, l’émission de ce gaz est important. Au rectorat de l’université de Dakar vous avez toujours trois marches. Tous les anciens bâtiments qui ont été faits par le colon ils n’ont pas été construits à même le sol. On met trois marches avant de prévoir un vide sanitaire qui permet de chasser le gaz émis qui provient du sol et ainsi, éviter qu’il ne permettre au niveau du bâtiment. Du coup, on évite d’exposer les occupants de ce bâtiment qui peuvent développer un cancer du poumon extrêmement important.
Ensuite, j’ai fait une thèse sur les plastiques. À l’époque le plastique venait d’être découvert. C’est important parce qu’on commençait à avoir des bouteilles en plastique, des chaises, etc. Donc, le plastique nous a rendu un service extraordinaire. Nous travaillions sur le vieillissement des plastiques. J’ai fait des études dans mon laboratoire, mais également j’ai créé une station de mesure de photo vieillissement du plastique en mettant un toit au niveau de la faculté des sciences. À l’époque, on était le seul laboratoire capable de dire à un industriel votre plastique avec le stabilisant que vous avez mis dedans sa durée de vie sera de 5 ans, de 10 ans, etc. C’était important pour quelqu’un qui mettait un produit sur le marché. En ce moment, on est devenu une référence dans ce domaine.
« On a fustigé le plastique à cause des sachets plastiques »
Par la suite, j’ai changé de domaine pour travailler sur la nano composite. C’est du plastique qu’on mélange avec de l’argile. On a développé cette pratique parce que quand il y a un incendie, 90% des morts sont causés par l’asphyxie. C’est très rare que vous voyez des gens qui meurent par brûlure. Pourquoi ? Parce que le plastique, quand il brûle, émet des gaz toxiques. Donc pour limiter ces émissions on mettait le Brome et le magnésium. Ces deux produits ne sont pas bons pour l’environnement et il fallait trouver une solution. D’où la création de la nano composite. Cela nous a permis de piéger 50% des gaz. Il faut dire que c’est le travail sur les nano composites qui nous a boosté et qui nous a valu cette distinction.
Mais peut-on imaginer une dégradation du plastique dans un temps record et peut-être arriver à du plastique biodégradable ?
Biodégradable ça va être compliqué. À un moment, j’ai travaillé sur la biodégradation du plastique. C’est très rare de trouver un plastique qui peut être dégradé par un seul microorganisme. Dans nos travaux, on a montré que la plupart du temps pour que le plastique puisse se dégrader, il fallait un consortium de microorganismes. Mais, le plastique est incontournable aujourd’hui. Dans la vie de tous les jours. Vos évacuations d’eaux usées sont en plastique, les lunettes, les chaises bref, beaucoup de choses sont en plastique.
« Il faut trouver une solution par rapport à ce sachet plastique »
On a fustigé le plastique à cause des sachets plastiques qui sont disséminés aujourd’hui dans l’environnement et qui posent des problèmes. Il faut trouver une solution par rapport à ce sachet plastique. Il existe des solutions et il suffit de les prendre. Mais, il y’a un travail de recherche qu’il faut faire derrière. C’est-à-dire, il faut trouver les bons stabilisants qu’il faut mélanger avec ce plastique pour lui donner une seconde vie. Ces bons stabilisants quand vous le faites, il faut passer au laboratoire pour voir le comportement et le vieillissement du plastique. Mais tout ce plastique que vous avez ici est absolument recyclable. On a une méthode et c’est qu’on a ici au rectorat de l’université. Les assises que vous avez de différentes couleurs ce sont des pneus remplis de sachet plastique. C’est une façon simple d’encastrer le plastique et faire des assises. A l’époque on avait demandé à l’Etat de le faire dans tout le Sénégal. C’est-à-dire de faire des assises, des pots de fleur, des espaces de détente, etc. Cela aurait permis de nettoyer tout le Sénégal. Il faut que l’Etat nous aide parce qu’il y’a certains investissements si vous n’avez personne derrière ça va être très difficile de valoriser ça.
Qu’est-ce qu’il faut faire pour utiliser ces matières et développer notre pays ?
En 2003, on avait créé la cellule des relations avec les entreprises de la faculté des sciences et techniques. Ça a fait long feu parce que les gens n’ont pas joué le jeu. Mais là, il y’a deux mois j’étais en Ethiopie. Les Nations unies sont en train de mettre le concept « origine » c’est-à-dire essayer de mettre les chercheurs, les investisseurs et les innovateurs ensemble. Ce, pour que les résultats des recherches ou les idées innovatrices on puisse trouver avec les investisseurs comment les financer pour créer des entreprises, des Start up. Etant donné qu’une Start up, si ça marche bien, vous avez un potentiel de création d’emplois. Un potentiel de valeur ajoutée. Au Sénégal, si vous regardez les Ntic en termes de création des start up, elles n’ont rien à envier aux autres acteurs. Mais il faut que ce qu’on fait dans les Ntic qu’on puisse le faire dans les sciences pures et dures. Je veux dire, il faut voir comment on peut valoriser les résultats de recherche.
« Le chercheur est plus focus sur les publications de niveau international pour avancer dans sa carrière »
Ne pensez-vous pas que vous faites des choses qui ne sont pas connues du grand public ?
C’est une question qui est compliquée. Pourquoi ? Un chercheur, il a plan de carrière. Vous êtes recruté à l’université en tant qu’assistant avec votre thèse. Mais il y a une hiérarchie à l’université. Vous êtes recruté en tant qu’assistant, mais votre ambition c’est de passer maître assistant. Mais pour cela, il faut faire des publications dans des revues scientifiques internationales. Dans ces revues, les gens jugent la qualité de votre travail. Vous avez besoin de publier pour déposer votre dossier au Cames qui va vous promouvoir Maître assistant. Ensuite, vous devez faire la même chose jusqu’à devenir professeur. Donc tout ceci, nous amènent nous chercheurs à nous focaliser sur comment produire des articles. On est plus focus sur comment on va avoir des publications de niveau international pour pouvoir avancer dans notre carrière. (…)
« Si j’améliore la qualité de vie d’un village, j’ai beaucoup plus de satisfaction que si je fais une publication dans une revue internationale »
Maintenant, ce qu’il faut faire à mon avis, c’est d’investir dans la recherche sociétale qui permettrait d’améliorer la qualité de vie des populations. Si j’améliore la qualité de vie d’un village, j’ai beaucoup plus de satisfaction que si je fais une publication dans une revue internationale. Aujourd’hui, une publication de plus ou de moins ça ne change à rien mon titre de professeur. Alors que si je règle un problème dans un village, la satisfaction personnelle de voir le quotidien de ces villageois s’améliorer ça m’apporte beaucoup plus de satisfaction.
Comment appréciez-vous le problème environnemental au Sénégal ?
On a trop de problèmes au niveau de l’environnement. Vous avez cité tout à l’heure la question des déchets plastiques et aujourd’hui on a le problème des inondations. L’agriculture avec le réchauffement climatique, il y’a des problèmes de récolte. Vous savez que la moyenne d’âge des véhicules c’est 25 ans dans notre pays. Ce qui entraine forcément la pollution. Vous avez aussi tous ces problèmes de maladies pulmonaires. Dans notre pays, toutes les questions environnementales sont urgentes. Aujourd’hui, on va vers l’exploitation du pétrole et du gaz. On va gagner quoi ? 800 milliards. Je dis que 800 milliards, c’est bien, mais aujourd’hui si on perd la pêcherie, c’est 400 ou 500 milliards. Mais du point de vue socioéconomique les gens ne vont plus travailler. Ce sont des familles qui vont tomber en lambeau. Il faut veiller à ce que toute cette exploitation se fasse de manière rationnelle sans pour autant détruire une fonction ou une activité au profit d’une autre qui, je ne suis pas sûr, va combler cette activité que vous avez détruit. Il faut qu’on puisse travailler le bien-être de nos populations.
Pensez-vous qu’on a suffisamment communiqué sur cette problématique ?
Il faut que ce problème environnemental soit vulgarisé. C’est pourquoi nous sommes en train de travailler pour mettre en place une bande dessinée qu’on va mettre dans les écoles au bas-âge sur les questions environnementales. Il faut que nos enfants grandissent avec ça. Qu’ils sachent que ce n’est pas du luxe, ce n’est pas du folklore c’est une nécessité. On voit aujourd’hui avec le réchauffement climatique les dégâts que ça a fait ici. Au Sénégal on peut être heureux. Certes on a eu des inondations, mais à part les dégâts matériels et les pertes de vie mais regardez ce qui s’est passé dernièrement en Inde, au Pakistan, etc. Il faut qu’on travaille sur ces questions et chacun de nous a une partition à jouer. Vous les journalistes vous avez un grand rôle à jouer parce que c’est vous qui disséminez l’information. Nous, notre rôle c’est de produire des résultats et de vous les communiquer. Et c’est à vous de rendre le message digeste pour avoir l’écoute des populations et l’écoute des décideurs.
Professeur, vous nous ramenez au débat sur le rôle que devraient jouer l’université dans nos sociétés. Pensez-vous qu’il faut recentrer l’enseignement supérieur chez nous ?
Il faut le dire, aujourd’hui, l’enseignement supérieur est soumis à de très vives critiques, on lui reproche dans un halo ténébreux de questionnements : son inefficacité, son inadaptation aux besoins économiques, son rôle trop mineur dans la démocratisation de notre société.
« L’enseignement supérieur est soumis à de très vives critiques »
À ce contexte d’incertitudes, s’est s’ajoutée il y a peu une crise sanitaire sans précédent : la pandémie liée à la COVID 19. Avec cette crise, il a fallu repenser la pédagogie, l’évaluation et les programmes d’études ; procéder à des investissements d’urgence dans les infrastructures numériques ; faire face à une mobilité réduite des enseignants et des étudiants ; et procéder à un changement de comportement aussi bien chez les enseignants que les étudiants.
Pour concilier les impératifs de développement et ceux d’un enseignement de haute qualité, comparable aux standards de référence, il faudra repenser la mission de l’université.
Il nous faut sereinement aborder et traiter les questions les plus ardues, notamment, quelles doivent être aujourd’hui les fonctions dévolues aux Universités face à la crise sociale, politique, économique et environnementale que nous vivons.
« Le concept de "tour d’ivoire" rattaché à l’université n’est plus défendable »
Justement, selon vous quelles sont ces fonctions qui doivent être dévolues aux universités ?
Nous pensons qu’elles devraient , entre autres, remédier aux déséquilibres économiques et sociaux ; élargir l’accès à l’enseignement supérieur pour répondre à la demande croissante ; faciliter l’accès épistémologique des étudiants et leur réussite ; promouvoir des programmes d’études et des stratégies de prestation plus adaptées aux besoins socio-économiques et culturels ; relever les défis posés par la révolution informatique et technologique et contribuer à relever les défis environnementaux : réchauffement climatique et ses conséquences (énergétique, inondation, érosion côtière, sécurité alimentaire, …).
De nos jours, le concept de "tour d’ivoire" rattaché à l’université n’est plus défendable ; les universités existent pour servir un objectif dans la société. Cet objectif doit être compris dans le contexte actuel marqué par la vulnérabilité des populations aux maladies, aux pandémies, à la famine, à la pauvreté, à l’insécurité, etc.) ; la crise dans le monde universitaire (apathie, désespoir chez les étudiants, grèves cycliques) au milieu des crises politiques, économiques et sociales et le réchauffement climatique et le stress environnemental qui en découle.
Il est désormais incontestable que les universités doivent jouer le rôle essentiel qui est le leur, pour relever ces défis.
Malheureusement, nous n’avons pas toujours été clairs dans la définition de ce rôle fortement tributaire de la position, la place et l’espace de l’université dans notre pays et dans le monde. À cet égard, les notions d’‘excellence’ ou de ‘grandeur’ de l’université et les formes de mesure nécessaires sont devenues très complexes. Par exemple, les universités, y compris celles qui sont spécialisées dans la recherche ; elles doivent également l’être en fonction de la façon dont leurs activités de recherche et d’enseignement répondront aux grands défis de la société.
DÉBAT SUR LE FUTUR DU FRANÇAIS AU MALI, UN PAYS QUI COMPTE 70 LANGUES
Quelques lignes dans un projet de Constitution ont relancé un vieux débat au Mali: le français, langue des colons désormais partis, doit-il rester la seule langue officielle d'un pays qui en compte des dizaines ?
L'opportunité d'étendre ce statut à certains des nombreux idiomes davantage utilisés au quotidien que celui de l'ancien colonisateur resurgit cycliquement depuis que le Mali, vaste mosaïque de groupes humains, a accédé à l'indépendance en 1960.
La question s'est reposée avec la présentation en octobre d'un texte qui pourrait devenir la nouvelle Constitution du pays.
Les langues n'occupent qu'un des 195 articles de ce document présenté par la junte militaire au pouvoir comme une des réformes cruciales pour sauver le pays confronté à la propagation jihadiste et à une multitude de crises. Mais cet article a ranimé une ancienne discussion sur les plateaux télé et au "grin", forum informel où les Maliens échangent sur tout autour d'un thé.
"Est-ce normal que, 60 ans après l'indépendance, le français soit notre seule langue officielle ?", demande un Bamakois, Ali Guindo, devant sa résidence du quartier Torokorobougou de Bamako. "On a beaucoup de langues ici au Mali, ce serait bien de les ancrer dans notre culture officielle".
Plus de 70 langues sont parlées au Mali, 13 ont été reconnues langues nationales, et une seule, exogène, le français, est officielle, rappelle Amadou Salifou Guindo, spécialiste de sociolinguistique. Le français est utilisé dans l'administration, sur les panneaux de circulation, à la télévision d'Etat, mais très peu dans la rue à Bamako, et encore moins en brousse.
Les langues vernaculaires, parlées par des millions de personnes pour certaines, lient des communautés enracinées dans leurs territoires: le sonrhaï et le tamashek dans le nord, le fulfulde (peul) au centre, le bamanankan (bambara) dans le sud et à Bamako, le senoufo et le soninké encore plus au sud...
Question identitaire
Les rédacteurs de l'avant-projet constitutionnel proposent de rehausser leur rang. Comme dans la Constitution de 1992, "le français est la langue d’expression officielle", stipule l'article 31. Mais les langues locales "ont vocation à devenir des langues officielles".
Le débat ravivé "montre que les Maliens souhaitent que les langues maliennes occupent une plus grande place dans la sphère publique", assure le linguiste Guindo. Le français est un héritage colonial comme dans une grande partie de l'Afrique de l'Ouest, où des populations très jeunes remettent en question la relation avec la France.
Sur fond de ruptures abruptes avec l'ancienne puissance dominante depuis l'avènement des militaires, un certain nombre de voix se sont emparées de l'article 31 pour réclamer d'en finir avec le français et faire par exemple du bamanankan, le plus usité, la langue officielle. Mais plus que le souverainisme en vogue, le débat pince une corde identitaire sensible.
Le Mali a déjà essayé de faire des langues locales les principales langues d'enseignement à l'école sous le régime autoritaire de Moussa Traoré (1968-1991). Patatras: faute d'investissements de l'Etat, ces écoles expérimentales sont devenues des "écoles de seconde catégorie" aux yeux des parents et des enseignants, déplore Ismaïla Samba Traoré, écrivain et éditeur. Il se demande comment on a pu "faire le choix aussi révolutionnaire que de faire entrer les langues nationales à l'école et ne pas mettre les moyens qu'il faut".
Sujet de crispation
Les langues vernaculaires restent enseignées, à petite échelle. A la faculté des langues de Bamako, Mahamadou Kounta, directeur des études, donne des cours de bamanankan à une vingtaine d'étudiants."Quand nos étudiants sortiront, ils sauront écrire et lire les langues nationales, ils pourront à leur tour travailler à les perpétuer", assure-t-il.
Dans son bureau des éditions La Sahélienne, Ismaïla Traoré y croit lui aussi. Depuis 1992, il est un des seuls à éditer des livres en langue locale.
Nombre de livres en langue vernaculaire restent des ouvrages pédagogiques commandés par des ONG internationales. La littérature malienne demeure élitiste. Et l'éditeur admet qu'il ne suffira pas d'une nouvelle législation pour changer les usages: "Certains processus ne se définissent pas à coup d'humeur, il faut laisser l'incubation se faire".
Comme depuis que le débat a cours, les mêmes interrogations sont fourbies sur la praticabilité d'employer dans les administrations ou les tribunaux des langues plus orales qu'écrites, ou sur la capacité de l'Etat à réformer un système éducatif délabré. Et la question des sensibilités communautaires demeure.
Certes, les auteurs de l'avant-projet constitutionnel ont adopté une "formulation dynamique" pour, souligne l'un d'eux sous couvert de l'anonymat, "éviter toute forme de crispation".
Mais le sociolinguiste Guindo laisse entendre que tous ceux qui parlent le fulfulde par exemple ne sont pas forcément prêts à voir officialiser le seul bamanankan de l'élite bamakoise. Le débat "montre que les Maliens ont peur qu'une langue officielle soit imposée au détriment des autres", met-il en garde.
LE SÉNÉGAL TITILLE LE CARTON PLEIN AU CAMES
Le Sénégal s’est illustré de la plus belle des manières lors du concours du Cames 2022. En effet, sur 70 candidats des différentes universités, il y a eu 68 admis.
Le Sénégal s’est illustré de la plus belle des manières lors du concours du Cames 2022. En effet, sur 70 candidats des différentes universités, il y a eu 68 admis. Seul un candidat de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) et un autre de l’Université Gaston Berger (Ugb) ont été recalés. L’Ucad s’en sort ainsi avec 51 admis sur 52 candidats, l’Ugb avec 7 admis sur 8 candidats. Thiès et Ziguinchor ont eu chacune 4 sur 4. Et les deux candidats de l’Université Alioune Diop de Bambey ont obtenu 2 agrégations. Les Sénégalais sont également majors dans 20 spécialités dont 16 venues de l’Ucad. D’ailleurs, c’est un Sénégalais, Khadim Diongue (parasitologie-mycologie/Ucad) qui est le lauréat du prix André Gouazet, il est le major du concours toutes spécialités confondues.
Ces résultats n’ont pas laissé de marbre, Dr Marie Ngom Ndiaye, ministre de la Santé et de l’Action sociale. " Je tiens à exprimer toute ma fierté, fière surtout de ces praticiens qui ont réussi avec brio au concours d’agrégation de cette année 2022. Ces brillants et plaisants résultats sont devenus presque une tradition. En réalisant un carton plein, les lauréats ont porté haut le drapeau national", affirme Dr Marie Khémesse Ngom Ndiaye dont les collègues médecins se sont illustrés à l’occasion de ce concours.
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ON NAÎT DE MOINS EN MOINS FRANCOPHONE, MAIS ON LE DEVIENT DE PLUS EN PLUS
L'avenir de la francophonie se joue en Afrique, et dans la complémentarité entre le français et les langues africaines. C'est le constat que font des chercheurs alors que l'OIF se réunit en sommet cette semaine en Tunisie
L'avenir de la francophonie se joue en Afrique, et dans la complémentarité entre le français et les langues africaines. C'est le constat que font des chercheurs alors que l'Organisation internationale de la francophonie se réunit en sommet à la fin de cette semaine à Djerba en Tunisie.
Comment l'Afrique en est-elle venue à occuper cette position centrale dans la Francophonie ? Quelles sont les fragilités et les défis auxquels fait face la transmission du français sur le continent ? Réponses avec notre invité, le chercheur canadien Richard Marcoux qui dirige l'Observatoire démographique et statistique de l'espace francophone (OSDEF).
«NOTRE ECOLE EST UN ILOT EDUCATIF IMPORTE»
Devenu plus visible sur le plan intellectuel depuis son divorce d’avec le régime de Macky Sall, le Pr Mary Teuw Niane ne cesse de demander dans ses écrits et ses prises de parole une refonte du système éducatif.
L'ancien ministre de l'Enseignement Supérieur Mary Teuw Niane a pointé du doigt la désarticulation du système éducatif sénégalais. Profitant d'un panel de la deuxième édition de l'Académie citoyenne organisée par le Pastef, il a soutenu que l'école est un îlot éducatif importé.
Devenu plus visible sur le plan intellectuel depuis son divorce d’avec le régime de Macky Sall, le Pr Mary Teuw Niane ne cesse de demander dans ses écrits et ses prises de parole une refonte du système éducatif. Lors de son intervention samedi dernier, à l'occasion de la deuxième édition de l'Académie citoyenne organisée par le Mouvement des Cadres du Pastef, l'universitaire est encore revenu sur cette nécessité. «Notre système éducatif, du préscolaire au secondaire, n'est ni l'émanation de notre tradition, ni de nos cultures et de nos religions. Il n'est pas promoteur des valeurs humaines et morales qui sont les fondements des relations humaines et de l'interaction», soutient-il avec désolation avant d’ajouter que l'école de manière générale est un îlot éducatif importé. Malgré de multiples réformes menées au Sénégal depuis la colonisation, se désolet-il, celles-ci n'ont jamais osé toucher les fondements de ce système et de «cette école diffuseuse d'une culture qui n'est pas celle des Sénégalais.
Particulièrement destructrice de nos meilleures valeurs et incapable de promouvoir la science et la technologie, elle n'est pas capable, avec la famille etla société, de façonner le nouveau type de citoyen voulu». Par conséquent, Pr Niane insiste sur la nécessité d'une réforme en profondeur. «Il faudra sans aucun doute revenir sur le principe de la laïcité tel qu'il est gravé dans notre Constitution », a-t-il prôné devantles cadres du Pastef et d’éminents chercheurs qui dénoncent ''l'absurdité de la posture sénégalaise'' sur cette question.Dans la foulée, iltrouve que les choses doivent changer, et l'école sénégalaise doit faire preuve de courage. «Nos meilleures cultures et valeurs doivent être au cœur de notre projet éducatif », dit-il avant d'affirmer :''Le nouveau type de citoyen, c'estle citoyen enraciné dans ses valeurs, sa culture, sa civilisation, sa religion, imbu sur ce qui fait un Etat de droit, ouvert sur la connaissance».
Abondant dans le même sens, le chercheur en philosophie vivant au Canada, Etienne Yatt, estime que le fait de vouloir écarter le facteur religieux dans l'éducation des citoyens, c'est se priver gravement d'une dimension qui peut peut-être structurante. «La dimension religieuse est quelque chose de structurant de l'entendement. Et même si ce n'est pas érigé dans la Constitution, cela domine l'entendement de ceux qui sont chargés de vivre sous l'autorité de la constitution». Dr Yatt qui note en outre que c'est une richesse dont le Sénégal ne devrait pas se priver. Combien, selon lui, cette dimension métaphysique des religieux peut être utilisée pour éclairer la condition existentielle ! ''On a tendance à vouloir imiter l'Occident qui est pourtant aujourd'hui dans l'obligation de revenir sur ces paradigmes religieux, non pas au sens confessionnel mais au sens d'axe éthique'', rappelle Dr Yatt dans son intervention.