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22 novembre 2024
Éducation
LES ÉTUDIANTS DE L’UNIVERSITÉ ASSANE SECK DÉCRÈTENT UNE GRÈVE ILLIMITÉE
“Nous avons décidé d’une grève illimitée avec un blocage total des cours pour réclamer l’achèvement des chantiers des amphithéâtres, à l’arrêt depuis 2015”, a dit le coordonnateur des étudiants.
Les étudiants de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ) ont décrété, vendredi, une grève illimitée pour réclamer l’achèvement des chantiers de douze amphithéâtres engagés depuis 2015, la réception du pavillon de mille lits et un autre restaurant “digne de ce nom”.
“Nous avons décidé, à l’issue d’une réunion tenue hier (jeudi) avec tous les représentants des étudiants, d’une grève illimitée avec un blocage total des cours pour réclamer l’achèvement des chantiers des amphithéâtres, à l’arrêt depuis 2015”, a annoncé à l’APS le coordonnateur des étudiants de l’université Assane Seck de Ziguinchor, Khadim Diène.
Selon lui, ”l’université Assane Seck de Ziguinchor est la seule à avoir un seul restaurant fonctionnel, en plus d’un pavillon de mille lits qui tarde à être livré depuis deux ans”.
Les étudiants de l’Université Assane Seck de Ziguinchor ont organisé une marche ce vendredi sur la route principale menant à cet établissement d’enseignement supérieur pour réclamer de ”meilleures conditions d’études”.
Lors de ce mouvement d’humeur, trois véhicules du rectorat de l’université ont été incendiés.
Les étudiants ont finalement été dispersés par les forces de l’ordre.
VERS UNE MISE EN SYNERGIE DES ACTIONS POUR L'EDUCATION
Différentes familles d’inspecteurs de l’éducation se sont retrouvées mardi à Thiès, pour participer à une formation destinée à mette en synergie leurs actions
Différentes familles d’inspecteurs de l’éducation se sont retrouvées mardi à Thiès, pour participer à une formation destinée à mette en synergie leurs actions, a constaté l’APS.
“En décidant de mettre en synergie les familles d’inspecteurs, le ministère de l’Education, à travers l’Inspection générale de l’éducation et de la formation, va dans le sens d’une utilisation plus efficace et plus efficiente des corps d’encadrement et de contrôle”, a expliqué l’inspecteur d’académie (IA) de Thiès, Gana Sène.
M. Sène prenait part à l’ouverture d’un séminaire de cinq jours, dédié à la mise en synergie des différentes familles d’inspecteurs de l’éducation.
Appuyé par le programme ‘’Apprendre”‘, cette rencontre vise, en dernier ressort, à “améliorer la qualité de l’enseignement et de la formation des élèves”.
‘’Le système éducatif de notre pays a plusieurs familles d’inspecteurs qui, depuis longtemps, ont toujours travaillé dans le sens d’améliorer les performances des élèves’’, a affirmé Gana Sène.
L’inspecteur forme, encadre et contrôle l’enseignant, qui est le meilleur moyen d’atteindre l’élève, a fait valoir l’inspecteur d’académie de Thiès.
Il a rappelé que “par le passé, cette synergie tant recherchée n’était pas au rendez-vous”.
C’est ce qui justifie la pertinence de cette initiative, a dit M. Sène, par ailleurs coordonnateur de l’Association des inspecteurs d’académie.
“La synergie à laquelle nous tendons va se matérialiser dans les salles de classe, les inspections”, s’est-il réjoui, non sans magnifier cette option et réaffirmer l’engagement des inspecteurs pour sa réussite.
“Si notre pays parvient à réaliser ce projet, articulé autour de la révision des curricula, nous allons bientôt lever les barrières et améliorer les performances et vers le moins d’échec possible”, estime Gana Sène.
Les familles d’inspecteurs comportent les inspecteurs généraux de l’éducation et de la formation, les inspecteurs de l’enseignement moyen secondaire, les inspecteurs de spécialité de l’enseignement technique, les inspecteurs de l’enseignement élémentaire, accompagnés par les formateurs qui sont dans les centres régionaux des personnels de l’éducation’ (CRFPE), a détaillé Aïssatou Léna Sène, doyenne des inspecteurs de l’éducation.
Il s’agira durant ces cinq jours de réfléchir sur comment accompagner l’enseignant, en tant que “levier essentiel pour atteindre l’élève”, mais aussi les cellules, qui sont des regroupements d’enseignants.
L’encadrement global d’un établissement, qui est une micro-société où l’on trouve toutes les familles d’acteurs, est aussi au menu de cette formation.
‘’Nous sommes toujours sur les missions régaliennes de l’inspecteur, mais au sens où nous voulons rassurer les enseignants, les chefs d’établissements et, par conséquent, les apprenants, créer un climat propice pour les enseignements-apprentissages”, a dit l’inspectrice.
LE RAPPORT GENERAL D’AUDIT PRESENTE AU MSRI
Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), a reçu des mains du Secrétaire exécutif de l’ANAQ Sup le Rapport d’audit des établissements de formation en sciences de la santé.
Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et l’Innovation (MESRI), a présidé, hier mardi, la cérémonie de partage du Rapport d’audit des établissements de formation en science de la santé. Cet audit, commandé par les plus hautes autorités, a été coordonné par le secrétaire exécutif de l’ANAQ-Sup. Cet exercice intervenu dans un contexte particulier marqué par des événements tragiques au niveau des structures de santé du pays, a pour objectif de disposer, entre autres, d’un état des lieux portant sur les différents cadres juridiques, les réformes, mais aussi de faire un état des lieux sur les ressources humaines, les infrastructures, les équipements, les laboratoires…
Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), a reçu des mains du Secrétaire exécutif de l’ANAQ Sup le Rapport d’audit des établissements de formation en sciences de la santé. Ce rapport, selon le Pr Lamine Gueye, «est le résultat d’un travail de longue haleine qui a nécessité beaucoup d’investissement, au regard de l’immensité des enjeux et défis liés à la formation des ressources humaines, à la qualité des infrastructures et équipements dans le secteur de la santé.»
Pour lui, «Ces enjeux et défis traversent nos institutions et structures respectives», a relevé le Secrétaire exécutif de l’ANAQ-Sup, qui précise toutefois que «L’audit n’a cherché nullement à pointer du doigt ou à jeter le discrédit sur tel ou tel acteur du système de formation en sciences de la santé.» Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a, lui, souligné l’important de la formation qui, selon lui, constitue «l’un des éléments centraux de la qualité de notre système de santé et de l’efficacité de ses professionnels», qui en dépit des efforts colossaux entrepris par l’Etat, fait face à de nombreux défis. Ces défis, pour Dr Abdourahmane Diouf «nécessitent d’être identifiés, finement analysés et relevés afin de suivre les évolutions des systèmes de santé, et de pouvoir leur garantir non seulement un fonctionnement optimal, et surtout une capacité d’adaptation aux réalités d’aujourd’hui et de demain.» Il a, par ailleurs, souligné la pertinence des recommandations du rapport qui, à son avis, «illustre à suffisance, sur l’importance de l’étude menée qui doit être mise à profit pour s’interroger sur les produits de la formation, les procédures d’enseignements-apprentissage et les processus de formation», a déclaré le MSRI.
Dans le même sillage, Dr Abdourahmane Diouf assure que la pertinence du thème d’audit, les réflexions menées et les recommandations formulées constitueront sans nul doute des éléments d’amélioration des actions engagées pour garantir la qualité du système de santé de notre cher Sénégal.
LES ENSEIGNANTS DE L’ISFAR DE BAMBEY DÉTERRENT LA HACHE DE GUERRE
La section de l’Institut supérieur de formation agricole et rurale (ISFAR) de Bambey (centre) du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur prévoit de décréter à partir de ce mercredi, un mot d’ordre de débrayage de 48 heures...
Bambey, 19 nov (APS) – La section de l’Institut supérieur de formation agricole et rurale (ISFAR) de Bambey (centre) du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur prévoit de décréter à partir de ce mercredi, un mot d’ordre de débrayage de 48 heures pour exiger des autorités compétentes la satisfaction de leurs revendications.
Dans un communiqué transmis à l’APS, les syndicalistes dénoncent le refus des autorités de l’université Alioune Diop (UAD) de remettre à l’ISFAR son matériel de laboratoire actuellement stocké sur le site de Ngoundiane.
Or, renseignent-ils, ce matériel est indispensable pour les travaux pratiques et de recherche du personnel d’enseignement et de recherche (PER) et des étudiants.
Les enseignants de l’Institut supérieur de formation agricole et rurale fustigent le retard du remplacement du personnel administratif, technique et de service (PATS) et du personnel d’enseignement et de recherche (PER) partis à la retraite ainsi que la finalisation du recrutement de l’assistante de la direction des études pour appuyer l’administration dans ses tâches quotidiennes.
Pour la section SAES-ISFAR, les autorités rectorales semblent à travers leur attitude être dans une dynamique de bloquer le fonctionnement de l’institut.
Ils exigent par la même occasion l’audit des fonctions de services de l’ISFAR.
Fort de ce constat, les syndicalistes appellent les militants à se mobiliser autour du plan d’action mis en œuvre pour défendre les intérêts légaux et légitimes de l’institut supérieur de formation agricole et rurale
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DAK’ART, LA BARBADE SE RECONNECTE À L’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Chaque Biennale permet aux fils et filles d’Afrique dispersés dans les Amériques de revenir sur la terre-mère. Les Barbadiens ont fait le pas grâce à «Transatlantique 1».Nyzinga Onifa, la coordonnatrice du projet explique l’intérêt
Tous les deux ans depuis 1990, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar permet aux fils et aux filles d’Afrique dispersés à travers le globe, notamment dans les Amériques, du fait de la tragédie de l’esclave, de se retrouver sur leur terre d’origine. Qu’ils soient d’Amérique du Nord, d’Amérique Latine ou des Caraïbes, ils reviennent partager et se reconnecter à la terre mère d’Afrique. À cette 15e édition, une dizaine d'artistes barbadiens sont à Dakar grâce a ECEA*, une organisation qui a elaboré le projet d'exposition intitulée « Transatlantique 1 ». Nzinga Onifa, coordonnatrice du projet, nous explique dans cet entretien avec AfricaGlobe Tv.
Au Dak’art 2022, nous découvrions Yrneh Gabon, ce Jamaïcain dont les tests ADN ont prouvé qu’il est balante donc potentiellement originaire de la Casamance, la Gambie ou la Guinée Bissau, aire géographique où l’on trouve ce peuple ouest-africain. Pour cette 15e édition du Dak’art, une bonne délégation barbadienne, composée d’une dizaine « de talentueux artistes » est y est représentée avec l’exposition dénommé « Transatlantique One ». Un projet pensé et conçu trente ans plus tôt des après la deuxième édition du Dak’art et qui a connu des péripéties sans que l’initiatrice, la Barbadienne Nzinga Onifa, ne renonce.
Le désir de reconnexion de la Barbade à l’Afrique n’est pas récent. L’histoire remonte à 1993 lorsque Nzinga Onifa, la coordinatrice du projet « Economic and cultural exchange with Africa (ECEA) , y a séjourné une dizaine d’années à Dakar pour le compte des Nations Unies. Un séjour au cours duquel elle dit s’être rendu compte de ce qu’il y a trop peu d’information sur la Barbade. Mais aussi choquée de ce que manifestement des Africains ne posent pas de question sur ce que sont devenu ceux qui ont été déportés du continent quelques siècles auparavant.
En revanche, bien souvent, on lui demandait d’où vient-elle et où se trouve la Barbade qui pourtant n’est qu’ à environ à 5 heures de vol de Dakar bien avec une ligne directe. Même si l’on est dans les Caraïbes. Sur la persistance de ces questions, Nzinga Onifa, en quittant Dakar, s’est résolue à travailler pour créer un rapprochement entre l’Afrique et la Barbade à travers la culture. Elle à cet effet fait part aux différentes autorités sénégalaises et barbadiennes depuis ces années et donc forcément tous les régimes qui se sont succédé aussi bien à la tête du Sénégal que de la Barbade. Il a donc fallu un très long chemin et l’initiatrice n’a pas abandonné. Finalement, l’aboutissement a été cette année 2024.
Elle a réussi a emmené une dizaine d'artistes qui exposent au village des arts a Yoff. Seulement, il s’est passé un fait très regrettable au grand dam des artistes barbadiens. En effet, pour des raisons logistiques et administratives, leurs œuvres n’ont pas pu atterrir à Dakar pour démarrer la Biennale en bonne et due forme alors que ce 8 novembre, elles devraient être vues.
Dans la foulée, les autorités du village des arts ont essayé de trouver une solution qui ne satisfait personne. En effet, le village des arts a fait installer des écrans qui présentent les œuvres des artistes. Une situation absolument regrettable pour les artistes qui à l’unisson disent que ce dispositif technologique de rechange déforme et dévalorisent leur travail à tout point de vue parce qu’elle ne rend nullement compte de la réalité de leur art.
Tout de même, ils reconnaissent au village des arts d’avoir essayé d’apporter cette solution, ils n’en veulent ni n’accusent leurs interlocuteurs du Sénégal qui n’en sont pour rien dans ce couac d’ordre administratif. Mais ils sont émus d’être revenus à la Maison, grâce à la Biennale. La délégation souhaite que Transatlantique 1 ne soit qu’un point de départ et que l’on verra Transatlantique 2, 3, 4 et jusqu’ à l’infini. Nzinga Onifa qui est maître d’ouvrage du projet dans cette entrevue espère que les œuvre atterriront à Dakar avant la fin de la biennale.
La coordinatrice de Transatlantique Nzinga Onifa estime qu’il y a tellement de choses que les fils et filles d'Afrique dispersés de par le monde peuvent partager avec l'Afrique en termes de business, de culture, d'éducation de science et de technologie. Son souhait est que cette reconnexion avec l'Afrique puisse s’approfondir et qu’il y ait beaucoup d’échanges culturels notamment entre étudiants sénégalais et barbadiens : que les jeunes barbadiens viennent au Sénégal étudier l’art et que les étudiants sénégalais puissent, de leur côté, se rendre à la Barbade pour se nourrir de la richesse culturelle de cette île caribéenne. « Nous avons à apprendre les uns des autres entre frères et sœurs d’Afrique », estime Nzinga Onifa.
Pour sûr, la volonté de reconnexion est réelle. D’ailleurs, Nzinga Onifa qui est aussi artiste designer, n’a pas toujours porté son présent nom qui est typiquement africain. Elle portait à la naissance un nom de colon dont elle a décidé de se débarrasser pour porter un nom authentiquement africain. Cette volonté de reconnexion parfois est freine par l’image qu’est vendu de l’Afrique par les médias du Nord.
En effet, la propagande des médias occidentaux qui semble entretenir un désir compulsif de montrer des images négatives sur l’Afrique, a réussi à inoculer une certaine réticence et une méfiance des Africains de la diaspora vis-à-vis de l’Afrique. Les Barbadiens y ont aussi été victimes de cela. Ainsi, longtemps, certains voient l’Afrique à travers les guerres, les maladies, les cataclysmes, etc. qui leur sont présentés par les télévisions du Nord.
La coordinatrice du projet, Nzinga Onifa se réjouit qu’aujourd’hui avec l’avènement d’Internet, de plus en plus d’Afro-descendants, commencent à découvrir véritablement l’Afrique et de fait, ces stéréotypes sur le continent, commencent à tomber. Par conséquent, ils se montrent de plus en plus enthousiastes à se reconnecter à leur terre d’origine. Ce qui ouvre davantage des perspectives de reconnexion. Mais une question que s’est très souvent posée Nzinga c’est pourquoi les Africains ne posent pas de questions sur ce que sont devenus les Africains déportés dans les Amériques ? C’est peut-être le moment que tous se la posent.
* ECECA est une organisation florissante qui se consacre à la défense et à la promotion de la culture, de l'éducation, des affaires, de la santé et du bien-être en tant que rouages essentiels du développement sociétal et de la camaraderie internationale entre l'Afrique, la Barbade et le reste des Caraïbes.
par Babacar Mbow
LE SÉNÉGAL ET LA RESTITUTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand Bachir Diagne cite Amadou Makhtar Mbow pour suggérer une acceptation de l'exil des œuvres africaines, il fait un tour de passe-passe intellectuel troublant. Car la position de Mbow sur la question n'a jamais été équivoque
Il y a des esprits parmi les esprits ! Des esprits tellement sophistiqués qu'ils peuvent reconfigurer la pensée radicale en une pensée conformiste.
Ces esprits, dans leur rayonnement, leur éclat, peuvent nous amener à adopter l’ivrai pour le vrai, et le fallacieux pour le substantiel. Cependant, nul ne collera cette épithèque au Professeur Bachir Diagne, Hasbounallah ! Cependant !
Les récentes déclarations du Professeur Diagne citant Amadou Makhtar Mbow : « Ces peuples [les peuples africains] savent bien que la destination de l’art est universelle […] Ils sont conscients que cet art qui parle de leur histoire, de leur vérité, ne s’adresse pas seulement à eux […], qu’ils se réjouissent que d’autres hommes et d’autres femmes ailleurs aient pu étudier et admirer l’œuvre de leurs ancêtres… », dans « Objets africains « mutants »et la question de la restitution », Musée d’Ethnographie de Genève, 3 mai 2024 (https://www.meg.ch/en/expositions/remembering). Hic ! Et, « … à la fin des années 1970, [Mbow] a lancé un fervent plaidoyer en faveur de la restitution du patrimoine des anciennes colonies, tout en reconnaissant que ce patrimoine avait pris racine dans sa terre d’emprunt. » Restitutions d’œuvres : « Les objets d’Afrique sont chez eux au Louvre », 13/10/2024 (http ://www.la-croix.com/culture/restitutions-d-œuvres-les-objets-venus-d’Afrique-sont-chez-eux-au-Louvre-20241013). Ces déclarations appellent une clarification pour restituer Mbow dans le discours de la restitution.
Dans les déclarations ci-dessus, « l'esprit non sophistiqué » peut percevoir Mbow comme un accommodant aux positions suprématistes occidentales sur la restitution. Il y a donc lieu de clarifier les choses, surtout après la conférence inaugurale de Mbow au département des Études de l’Afrique du Nouveau Monde de l’Université internationale de la Floride de Miami en 2015, qui est peut-être sa dernière déclaration publique sur le sujet. Mbow est venu à Miami accompagné de sa fille, la Dr. Marie Amie Mbow. Par ces moyens, nous nous éloignons de toute controverse ou querelle pour restituer Mbow dans les débats.
La Dr. Joan Cartwright de l’Université Southeastern de Nova, lors des questions et réponses qui ont suivi la conférence de Mbow, demanda : « Il y a eu des cas où vous avez semblé atténuer votre demande de restitution des objets africains volés. Pouvez-vous clarifier votre position pour la Diaspora africaine » ?
La réponse de Mbow, qui reflétait exactement sa déclaration de 1989 à la résidence du Professeur John Henry Clark à Harlem, New York, visite organisée par Seydina Senghor, est claire et précise : « Le retour des objets africains est fondamental pour que l’Afrique se reconnecte à son passé dans la construction de son avenir. » Mbow a réitéré ce message de reconnexion pendant la semaine de son séjour à Miami aux flux de visiteurs haïtiens et afro-américains dans mon arrière-cour.
Là encore, l’esprit sophistiqué a des manières de sublimer les faits pour servir les intérêts d’un agenda. Loin de moi l’idée de coller cette caractéristique au Professseur Diagne. Mais comment les jeunes intellectuels doivent-ils comprendre ses prédilections à brouiller la clarté de ces intellectuels noirs ? Prédilections qui semblent émerger de « l’antre des alchimistes », à travers lequel nous sommes désormais appelés à faire abstraction des pensées et des pratiques intellectuelles radicales noires ?
L’émergence de discours qui semblent reterritorialiser l’Afrique dans les entrailles de la suprématie occidentale devient un fardeau très lourd à porter. Ainsi, dans un article sur SenePlus paru le 7 mai 2024, Amadou Lamine Sall appelle à la privatisation de la Biennale de Dakar à travers une « Fondation Art Mécénat International ».
Sall cite Jean Loup Pivin : « … La survie de la Biennale ne viendra que dans son externalisation vers une structure tierce […] avec un État qui [doit] cesser de faire semblant de savoir le faire… » Le Sénégal ne capitalise pas sur cet engouement formidable, mais, au contraire, le détruit. Sa gestion étatique remet en cause sa crédibilité et interdit toute autre forme de financement. » Mon Dieu ! Jean Loup Pivin est désormais le bwana en matière de souveraineté culturelle africaine que la biennale de Dakar est appelée à incarner. On en a la nausée !
J’ai entendu exactement les mêmes arguments de la part d’autres Sénégalais à la Foire 154 de Marrakech, au Maroc, l’année dernière. Que des Sénégalais puissent s'asseoir autour d'une table avec des Français engagés dans la démolition de la République, et que tout ce qu'ils puissent dire, soit « Ça fait mal, mais c'est la vérité », était si méprisable que nous avons décidé de ne plus rejoindre leur soi-disant « groupe multiculturel » à Marrakech.
Le paradoxe est que lorsque le gouvernement néocolonial de Macky Sall tuait et mutilait la jeunesse sénégalaise, lorsque la dissidence était réprimée par l'emprisonnement, et que la corruption rampante gangrenait à la fois l'État et les organismes sociaux, ces « voix de leur maître » étaient silencieuses, incapables de comprendre la possibilité d'une « Afrotopia ».
Replaçons Mbow dans son contexte discursif afin que l’on ne méprenne pas la carte pour le territoire. Les formations raciales sont un phénomène esthétique et les pratiques esthétiques sont des structures racialisées. « Les Africains se réjouissent que d’autres hommes et femmes étudient et admirent l’œuvre de leur ancêtre ?» Ainsi, tenter de séparer l’esthétique de la politique revient à méconnaître les conditions mutuelles qui soutiennent les pratiques de représentation. La vivacité et l’esthétique de l’être est l’esthétique comme forme de vie, l’esthétique comme schéma pour considérer la vivacité du phénomène et le phénomène de vivacité, la qualité de la lumière par laquelle nous scrutons nos vies. En alliant l’esthétique à la vivacité, comme dans « culture et développement » le thème de la lecture inaugurale de 2015, Mbow nous invitait à nous tourner vers les capacités d’animation évidentes dans l’objet d’art pour un appel à une politique antiraciste qui va au-delà de la dialectique réactive et des stratégies de représentation des tenants d’une universalité occidentale vers autre chose, expérimentant la durée, la sensation, la résonance et l’affect – un engagement envers la sensibilité africaine. Aucun peuple ne peut se réjouir qu’un autre lui dérobe ses potentialités.
Que la jeunesse sénégalaise sache que l’efficacité d’un peuple oppressé dans le combat intellectuel, soit en tant que diffuseur ou en tant que récepteur dans les systèmes influencés par cette hiérarchie épistémologique, dépend de sa compréhension de l’obsolescence de toute contestation de la nature de la vérité au profit de la contestation du contrôle de la vérité. Parce qu’en fin de compte, « nul autre que nous-mêmes ne pourra libérer notre esprit ». Laissons Mbow transiter vers les ancêtres ! Les morts sont muets.
Babacar Mbow est Directeur exécutif du Consortium des Études Africana de la Floride, Miami.
L'UCAD AU RANG DES MEILLEURS
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) a enregistré ‘’d’excellents résultats’’ au 22ème concours d’agrégation de médecine humaine, pharmacie, odontostomatologie, médecine vétérinaire et production animales du CAMES
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) a enregistré ‘’d’excellents résultats’’ au 22ème concours d’agrégation de médecine humaine, pharmacie, odontostomatologie, médecine vétérinaire et production animales du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES), à l’issue duquel un seul de ses 29 candidats a été recalé.
‘’Ces excellents résultats sont le fruit du travail persévérant de nos candidats et témoignent du dynamisme et de l’excellence de notre université, reconnue à l’échelle internationale’’, indique-t-elle dans un communiqué de transmis à l’APS.
Au total, 41 des 42 candidats du Sénégal ont été déclarés admis au terme des épreuves. L’UCAD avait présenté 29 candidats dont 28 ont subi avec succès les épreuves de ce concours tenu du 3 au 12 novembre 2024, à Conakry, (Guinée), précise le texte.
Onze des candidats de l’UCAD ont été classés majors de leurs jurys respectifs, signale le communiqué.
Il précise que les majors de la section pharmacie et de la section chirurgie dentaire (tous jurys confondus) sont tous deux de l’UCAD.
‘’Cette performance remarquable renforce davantage le positionnement de l’université de Dakar comme pôle d’excellence dans la sous-région ouest-africaine’’, se félicite le communiqué.
Le recteur par intérim de l’UCAD, Professeur Aminata Niang, a adressé ses sincères félicitations à l’ensemble des promus et à l’équipe d’encadrement de la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie, qui honorent le Sénégal.
par Aboubacry Moussa LAM
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LE PULAAR NE MÉRITE PAS CELA AU SÉNÉGAL
Vouloir imposer l’assimilation à tous par l’hégémonie forcée d’une langue est un projet insensé. Revenons à la raison et trouvons un aménagement linguistique plus équitable et plus respectueux de nos réalités
La récente contribution cosignée par Ngugi wa Thiongo et Boubacar Boris Diop, à laquelle répond celle de Boubou Sanghote, auxquelles viennent s’ajouter celles antérieures du même Boubacar Boris Diop et de Souleymane Bachir Diagne nous poussent toutes à nous pencher sur une question à laquelle nos travaux académiques et notre statut d’écrivain en langue pulaar nous avaient déjà familiarisé depuis fort longtemps. Nous ne voulions pas nous engager dans un débat qui, compte tenu de sa nature, soulève forcément des passions alimentées par des partis pris difficiles à éviter du fait de nos appartenances et de nos idéologies linguistiques différentes.
Le pulaar est notre langue maternelle et une bonne partie de notre production, toutes catégories confondues, s’est faite dans cette langue. Contrairement à Boubacar B. Diop qui s’est promis de privilégier le wolof, nous écrivons, pour le moment, plus dans la langue française (notre dernier essai dans cette langue remonte seulement au mois de mai 2023 alors que celui en pulaar à 2012). Mais, en toute honnêteté, nous sommes plus à laise en pulaar qu’en français et un amour profond nous attache au pulaar. Cela est si vrai que nous avons pris le risque de déplaire à de nombreux Fulɓe en affirmant courageusement que leur vrai combat ne doit pas être l’affirmation de la « Pulaagu » (la manière d’être des Peuls et dont ils sont très fiers) mais celle du pulaar, leur langue commune.
En effet, en 2012 quand nous écrivions cela, nous étions convaincus, après avoir assisté au Assises de Tabital Pulaagu International à Bamako, en 2002, que sans le pulaar, la « Pulaagu » ressemblerait à un « tuuba ba alaa duhól », c’est-à-dire un pantalon bouffant sans ceinture. C’est reconnaître que dans un débat linguistique, idéologique et politique impliquant cette langue, nous ne pouvons rester neutre. Cependant, en universitaire qui cherche à être digne de ce titre, tout ce que nous avancerons dans nos positions, reposera sur des faits tangibles, les plus objectifs possibles, et non sur nos voeux ou penchants.
Nous pensions donc tôt ou tard nous prononcer sur la place faite au pulaar au Sénégal, notre pays. C’est le lieu de rappeler que cette langue est transfrontalière et concerne donc plusieurs pays de l’espace compris entre le Sénégal et le Soudan (au moins 24 pays d’après certaines sources) où elle rancontre différents problèmes. Mais nous nous limiterons seulement aux difficultés du pulaar au Sénégal pour nous en tenir aux faits que nous maîtrisons.
La raison directe qui nous a poussé à nous jeter à l’eau est le constat que nous avons fait à l’occasion de l’avant-première du film « 1776 : Thierno Souleymane Baal et la Révolution du Fouta » au Cinéma Pathé de Dakar, le 3 septembre 2024. En effet, le mot de bienvenue qui débutait la projection était ainsi libellé : « DAL LEEN AK JAMM/BIENVENUE ».
Surprise et indignation seraient les termes les plus justes pour décrire l’état dans lequel nous nous retrouvâmes alors à cet instant. Comment est-il possible d’« oublier » le pulaar dans la bienvenue pour un film sur le digne fils du Fuuta que fut Ceerno Siléymaan Baal ? Il m’apparut en un éclair que cela ne pouvait pas être un oubli (une des responsables du film étant la petite fille de l’illustre personnage), mais bien quelque chose de volontaire. Nous eûmes donc brutalement la confirmation d’une conviction que nous avions déjà depuis longtemps que notre langue maternelle était, délibérément et méthodiquement, en train d’être exclue du champ linguistique du Sénégal : en effet, en la mettant de côté pour un événement concernant avant tout une région où elle était parlée, il devenait clair que sa marginalisation voire sa disparition était recherchée. En pensant aux conséquences que ce choix pouvait entraîner pour le pays, à court, moyen ou long termes, il devenait dès lors pour nous un devoir d’entrer dans le débat en l’enrichissant de nos points de vue. Notre objectif est d’apporter des éclairages permettant de voir :
1. La place du pulaar, au Sénégal surtout et en Afrique après ;
2. Certaines réflexions (anciennes et nouvelles) sur l’aménagement linguistique en Afrique et au Sénégal ;
3. La légitimité ou la pertinence de la voie suivie actuellement en matière d’aménagement linguistique ;
4. Et dans le cas contraire, la proposition de solutions qui nous semblent en mesure de rétablir l’équilibre et d’éviter au pays une aventure lourde de menaces.
Nous ne ferons pas un tour d’horizon complet sur la question de l’aménagement linguistique. Nous nous contenterons de trois réflexions qui nous semblent éclairer suffisamment la question.
Nous commençons par Cheikh Anta Diop qui, dans le cadre de la renaissance africaine, a proposé l’État fédéral comme solution organisationnelle étatique. Ce faisant, il a abordé la question de l’aménagement lingistique au niveau fédéral et au niveau des États fédérés.
Le poids du pulaar au Sénégal et en Afrique
Au Sénégal
Pour ce qui est du poids du pulaar au Sénégal, nos analyses s’appuient essentiellement sur les documents officiels que sont les deux recensements de 2013 et de 2023. Nous n’ignorons pas que les effectifs sont vraisemblablement en deçà de ce qu’ils auraient dû être en raison des difficultés de recensement en rapport avec les activités dominantes du groupe, l’élevage et l’agriculture.
Nous commençons par la cartographie qui a l’avantage d’être plus explicite quand il s’agit de camper la répartition spatiale des locuteurs des principales langues du pays.
Cette carte (voir en illustration 1) s’accompagne du commentaire suivant :
Données linguistiques pour le Sénégal
Le recensement de 2013 au Sénégal recense plus de 30 langues et dialectes parlés dans le pays. Bien que le français soit la langue officielle, il n'est parlé que par environ 37 % de la population, principalement comme deuxième langue. En revanche, 72 % utilisent le wolof pour communiquer avec les locuteurs d'autres langues sénégalaises. Le recensement indique que le wolof est également la première langue la plus parlée (50 % de la population), suivi du pular (25 %) et du sérère (11 %). En 2001, six langues ont reçu le statut de langue nationale : le wolof, le sérère, le pular, le mandingue, le soninké et le diola-foñy.
Le wolof est la langue la plus parlée dans les zones urbaines et à la radio. Le français est presque la seule langue parlée à la télévision et dans la presse écrite.
Cette description reste globalement fidèle sauf pour le statut du français à la télévision. Le wolof s’est taillé depuis la part du lion à la télévision. Cette carte de 2021 reprend des éléments du recensement de 2013 et montre clairement que le pulaar domine largement dans tous les départements de l’arrière-pays, avec un taux de couverture de 52 à 55% sauf dans les parties ouest et sud-ouest. Elle pourrait être considérée comme dépassée parce que s’appuyant sur des données remontant à onze ans. Cependant, les données du recensement de 2023 confirment la place prépondérante du pulaar dans l’arrière-pays. En effet, l’exploitation du tableau ANSD. RGPH-5, 2023, de la page 81 du rapport provisoire nous apprend que le bloc wolof/pulaar/seereer compte, à lui seul, 14 235 077 locuteurs sur un total (langues locales et étrangères confondues) de 15 940 213. Dans ces 14 235 077, le pulaar représente 4 175 468.
Il nous apprend également que les autres langues locales du pays totalisent 1 313 508 locuteurs. Ainsi, le wolof et le seereer étant cantonnés à l’ouest et au centre-ouest du pays, l’omniprésence du pulaar sur le reste du Sénégal est un fait qui demeure encore. Le décalage entre le nombre de Sénégalais (18 126 390) et les 15 548 580 représentant les locuteurs des langues locales s’explique par la non prise en compte, tout à fait logique, des enfants de moins de trois ans pas encore en âge d’être recensés comme locuteurs d’une langue donnée (2,4%), des résidents sénégalais absents (7%), des locuteurs de langues étrangères, etc.
Donc sur le plan géographique, le pulaar est la langue la plus présente, globalement parlant tandis que le wolof se cantonne essentiellement dans les villes concentrées presque toutes en pays wolof, c’est-à-dire à l’ouest du pays. Autrement dit, dans le cadre d’un aménagement linguistique équitable, ne tenant compte que des réalités objectives du terrain, le pulaar est incontournable dans de nombreuses régions (5 au total) où il est parlé, rappelons-le, par 52 à 55% des populations. Ces régions sont : Saint-Louis, Matam, Tambacounda, Kédougou et Kolda. Quand on pousse plus loin l’analyse des cartes interactives du site de « Translators Without Borders », il apparaît que même dans certaines régions où le wolof, le manndiŋka, le joolaa sont en tête, le pulaar vient en deuxième position. C’est déjà le cas pour Dakar où le wolof fait 61,6% et le pulaar 12,8%. C’est encore le cas dans la région de Sédhiou où il fait 24,1% derrière le manndiŋka (40,7%). C’est aussi le cas dans la région de Louga où il se place juste derrière le wolof (71%) avec 26,8%. C’est toujours le cas dans la région de Kaffrine où le wolof arrive en tête (avec 66,7%), suivi du pulaar qui fait 17,2%. Dans la région de Kaolack, le pulaar vient en troisième position (15%) après le wolof (61,2%) et le seereer (17%).
C’est le même cas dans la région de Diourbel où le pulaar occupe aussi la troisième place (6,3%) même si c’est loin derrière le wolof (54,8%) et le seereer (38,9%). Même en pays seereer, dans la région de Fatick, le pulaar conserve toujours sa troisième place (3, 6%) derrière le seereer (86%) et le wolof (9,3%. Dans la région de Thiès, le pulaar conserve encore sa troisième place (7,7%) derrière le wolof (72,8%) et le seereer (16%). C’est seulement dans la région de Ziguinchor que le pulaar (13,1%) vient en quatrième position après le Joolaa-Fóóñy (29%), le wolof (17,1%), le Manndiŋka (16,8). Dans les cinq régions qui restent, le pulaar est majoritaire à 52/55%.
Nous avons déjà dit plus haut que ces données sont celles tirées du recensement de 2013 et qu’on pourrait penser qu’elles ne sont plus actuelles. Il n’en est pourtant rien. En effet, l’exploitation du tableau (voir en illustration 2) issu du recensement de 2023, p. 47 ou 82 en pagination continue, montre que le poids du pulaar a même augmenté au lieu de reculer comme celui de certaines langues :
Sur les dix ans écoulés entre les deux recensements, le pulaar passe ainsi de 24,6% à 26,2% soit une progression de 1,6% alors que le seereer régresse de 11,1% à 9,6% (1,5% de perte) ; le joolaa, de 3,6% à 2,9% (0,7 de perte) ; et que le Manndiŋka reste stable (passant de 2,7% à 2,8%). Le wolof a fait le bond le plus fort en passant de 50% à 53,5%, sans doute du fait de son dynamisme propre mais aussi du fait de l’absorption du seereer complètement enclavé dans sa zone géographique. Cette absorption se ferait, d’après des sources bien informées, essentiellement dans le Bawol, avec l’islamisation et la mouridisation de certains Seereer.
En Afrique
À l’échelle du continent, le pulaar est la seule des grandes langues à aller de l’Atlantique à la mer Rouge, soit une distance, à vol d’oiseau, de 6 478 km. Il s’étend ainsi sur toute la bande saharo-équatoriale sans rupture spatiale jusqu’au Tchad et de manière discontinue jusqu’au Soudan ; se présentant ainsi comme la langue la plus répandue et la plus partagée, avec une vingtaine de pays où elle est présente. Il est ainsi sans doute la seconde langue après l’arabe en termes de répartition spatiale. Il va pratiquement du 5ème au 18ème parallèle de latitude, de l’Atlantique à la mer Rouge (zones poularophones des régions du Nil Bleu, d’Adret, de Kassala, au Soudan Oriental), soit une superficie d’environ 9 000 000 de kilomètres carrés (voir carte en illustration 3). Il est généralement classé comme la 4ème langue de l’Afrique en termes de locuteurs derrière le swahili, l’haoussa et le yoruba. Viennent ensuite l’oromo, l’igbo, l’amharique, le lingala, le zulu et, enfin, le shona.
Comme on peut le constater ici, le wolof est absent du « top 10 » des langues les plus parlées en Afrique. Au Sénégal même, son statut de langue la plus parlée ne se vérifie que dans les grandes villes que le système colonial a créées sur les côtes et dans le bassin arachidier situés à l’ouest. Donc son hégémonie est loin d’être absolue, surtout par rapport au pulaar qui tient les campagnes du pays.
Le yoruba (20,6%, soit 39,6 millions, l’haoussa (18,3% soit 35,2 millions, et l’igbo (14,8, soit 28,5 millions ne débordent que très peu les frontières du Nigéria. Autrement dit, ces trois grandes langues africaines se concentrent dans un espace géographique réduit à l’inverse du pulaar (7,9%, soit 15,3 millions) qui, bien que présent dans le même espace, se retrouve à l’ouest et à l’est de cette zone commune (voir carte en illustration 3).
L’oromo et l’amharique sont dans la même situation que le yoruba, l’haoussa et l’igbo. Ces deux grandes langues par le nombre de locuteurs se réduisent à l’espace éthiopien (voir carte en illustration 4).
Terminons par la langue la plus parlée en Afrique, le swahili. La carte en illustration 5 (le jaune) montre que cette langue occupe elle aussi un espace géographique relativement réduit : Tanzanie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Burundi, l’est de la RDC, le nord du Mozambique, Zanzibar ; ce qui constitue un bloc compacte. cependant, son aire déborde sur le Soudan du Sud, la Somalie, le Malawi, les Comores et le Yémen. On estime le nombre des locuteurs du swahili à environ 150 000 000 là où ceux du pulaar sont évalués à 50 000 000. Mais, d’après notre ami Amadou Sadio Dia, un géographe qui a parcouru tous les pays peuls d’Afrique, ce chiffre est en deçà de ce qu’il aurait dû être.
S’il faut tenir compte du fait que les « Ful » ne sont pas reconnus dans les statistiques officielles des États comme le Sud-Soudan (prolongement méridional du Kordofan), le Kenya (périphérie occidentale du lac Turkana), l’Éthiopie (vallée de Gambella), la RCA ( les dits « Mbororo » sont présumés « nomades sans lieux fixes »). Parfois, ce sont des régimes racistes et dictatoriaux qui « trafiquent » ou biaisent les statistiques (Mauritanie, Soudan-Khartoum). Au Nigeria du nord et du nord-est, il y a un problème de définition précise et concise du concept « Fulani » pour bien des groupes et se posent des questions statistiques que le Nigeria officiel ne résout pas. Enfin, quid des Ful qui se baladent librement et tournent le dos aux autorités pour se faire recenser alors qu’ils existent bel et bien dans la réalité (sans bulletin de naissance, encore moins de carte d’identité ? [Communication personnelle du 12/10/2024].
En conclusion, l’atout incontestable du pulaar en Afrique, c’est son extension géographique. Avec un appui politique de tous les États où il est parlé, il aurait pu être un concurrent plus que sérieux pour le swahili dans le choix d’une langue de travail pour l’Union Africaine : certaines sources diplomatiques affirment même que la proposition de Kadhafi dans ce sens fut vivement combattue par les présidents du Sénégal et de la Mauritanie. On peut deviner aisément les raisons d’une telle attitude pour chacun de ces deux pays.
Une théorie défavorable
Cheikh Anta Diop
Cheikh Anta a préconisé très tôt l’usage des langues locales dans le cadre de la renaissance africaine. C’est en effet dans un texte intitulé « Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ? » qu’il écrit : « Toutes ces raisons – et bien d’autres – nous incitent à poser comme condition préalable d’une vraie renaissance africaine le développement des langues indigènes. On apprend mieux dans sa langue maternelle parce qu’il y a un accord incontestable entre le génie d’une langue et la mentalité du peuple qui la parle. D’autre part, il est évident qu’on évite des années de retard dans l’acquisition de l’enseignement » [texte publié pour la première fois en 1948 et repris dans Alerte sous les tropiques, Présence Africaine, 1990, p. 35].
Cheikh Anta estime ce retard à six ans (même page). Précisant sa pensée dans Nations nègres et culture (synthèse de ce qui devait être sa thèse de Doctorat ès Lettres publiée en 1954), précisément à la page 416 du tome II, il estime que l’unité linguistique doit d’abord être réalisée à travers le choix d’une langue unique dans un territoire. Pour le Sénégal qu’il prend pour exemple, cela doit être fait malgré la vivacité « des particularismes (sérère, diola, ou toucouleur), qui ont parfois la force d’un véritable micro-nationalisme » reposant sur l’ignorance de la parenté entre les langues de ces groupes. Lequel, pense-t-il, peut être évité par une démonstration de cette parenté (Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique Noire, Présence Africaine 1960, p. 20) Mais, reconnaissant aussi que cette unité ne tombe pas du ciel, il dégage une méthodologie s’appuyant sur l’histoire de la France qui a utilisé la violence coercitive pour imposer le français :
Cette dernière, loin d’être un fait naturel propre à certains pays privilégiés et faisant défaut à d’autres, apparaît comme le résultat d’un effort officiel conscient à travers le temps. Le français n’a pu s’imposer aux différentes provinces que par un étouffement des langues locales : il importe de souligner ici qu’il ne s’agissait pas de dialectes du français mais de véritables langues différentes de la langue française ; un Basque ou un Breton, etc. qui n’a pas appris le français est incapable de saisir la moindre idée exprimée en cette langue et inversement (souligné par nous) […] La multiplicité des langues est donc un problème qui a été résolu ailleurs, du moins pratiquement, et que nous pouvons résoudre à notre tour [Nations nègres et culture, pp. 416-417].
Cheikh Anta élude la question subséquente qui vient immédiatement à l’esprit de tout décideur : le Sénégal de 1960 pouvait-il se permettre d’exercer la violence qu’un tel choix supposait ? C’est donc tout logiquement qu’il arrive à la conclusion que dans un pays comme le Sénégal, en toute objectivité, le choix du walaf s’impose comme langue nationale, comme langue de gouvernement : toutes les minorités sont pratiquement bilingues et parlent le walaf [Les fondements…, pp. 20-21].
Mais Diop sent la contestation prévisible quant à l’objectivité et à la pertinence de son choix ; il y répond et enfonce le clou : « On voit ainsi que, suivant le contexte local, des langues de culture, comme le toucouleur-peulh, entrent dans la catégorie de groupes minoritaires, tandis qu’il en est autrement dès qu’il s’agit de régions telles que le Fouta-Djallon ou le Nord-Cameroun […] Un gouvernement sénégalais approprié pratiquera un jour systématiquement une politique culturelle visant à favoriser le développement de la langue dans les meilleurs délais […] Le walaf devra devenir le plus rapidement possible la langue de gouvernement utilisée dans tous les actes publics et politiques : interventions au parlement, rédaction de la constitution, du code, etc. » [c’est nous qui soulignons ; même source, pp. 21-22].
Pour la langue fédérale, il pense que « le choix d’une telle langue devra incomber à une commission internationale compétente, inspirée par un très profond sentiment patriotique, à l’exclusion de tout chauvinisme déguisé » [Les fondements…, p. 23]. Comme dans le cadre de l’Union Soviétique, celle-ci « couvrira toutes les langues territoriales de la même façon que le russe se superpose à la langue de chaque république soviétique. » (même source et même page).
Dans son analyse, Cheikh Anta aborde aussi un point crucial pour l’aménagement linguistique en Afrique indépendante. Il remarque que les principales langues qui se sont développées au détriment d’autres ont en fait été favorisées par une économie coloniale extravertie (Nations nègres…, II, p. 416). Cheikh Anta pense qu’une telle situation pourrait évoluer et s’inverser même si certains facteurs en cause restaient encore indéterminés au moment où il écrivait : …Le jour où l’économie africaine sera entre les mains des Africains eux-mêmes et qu’elle ne sera plus adaptée à des nécessités d’exploitation mais à leurs besoins, la concentration démographique s’en trouvera modifiée : les langues de certaines régions perdront de leur importance alors que celles d’autres régions (Guinée française, par exemple) en acquerront [p. 416].
Cette prospective, même si l’économie du continent n’a pas totalement rompu avec son extraversion 70 ans après, connaît un début de vérification avec, un peu partout, des politiques publiques plus soucieuses des besoins des populations et des équilibres régionaux. Les flux de populations vers des zones, jusqu’alors privilégiées, ont totalement cessé ou en voie de se tarir : c’est le cas du bassin arachidier de l’ouest du Sénégal sous les effets combinés de l’épuisement des sols, de la sécheresse et du développement de la riziculture dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal. Désormais les destinations recherchées des partants sont la Côte-d’Ivoire, l’Afrique Centrale ( les deux Congo et la République Centrafricaine), Orientale (Zambie), Australe (Afrique du Sud) ou même l’Europe et l’Amérique du Nord. Ce processus se fait, à n’en pas douter, au détriment de la langue wolof qui, d’un autre côté, ne bénéficie plus de l’exode rural si fort durant les années 1970 dans les centres urbains, presque tous situés en pays wolof, du fait des sécheresses répétitives. C’est cela qui inquiète les « suprémacistes » wolofs et les pousse à faire du forcing pour imposer le wolof hic et nunc (tout de suite) avant qu’il ne soit trop tard. Par suprémacistes, nous entendons tous ceux qui s’activent pour que les Wolofs soient au-dessus de tous et le wolof au-dessus de toutes les autres langues, à tout prix, et refusent de voir que le Sénégal est fondamentalement un pays multi-ethnique, où chaque groupe doit être mis à l’abri du mépris culturel et s’épanouir dans la paix. Il en existe malheureusement dans notre pays.
Pathé Diagne
Pathé Diagne aussi s’est essayé à l’aménagement linguistique en Afrique dans un texte publié dans la revue Présence Africaine : « Linguistique et culture en Afrique », Présence Africaine, Nouvelle série, n° 46, 2ème trimestre, 1963, pp. 52-63. Appréciant la situation linguistique en Afrique de l’Ouest, il distingue deux grands types de langues : D’une part les langues urbaines véhiculaires en expansion constante : Malinke-Dioula, Wolof, Hawsa, Susu et Fon. D’autre part les parlers de groupes « ethnico-linguistiques » repliés sur eux-mêmes dans des zones quelque peu en marge des courants de l’économie moderne. Il en est de toutes sortes. Certains parlers importants : Poular, Sourhai, Tamaslek, More Djenma…d’autres constituent des dialectes d’un ou de deux villages. Les langues « urbaines véhiculaires en expansion » définissent des aires linguistiques à vocation nationale. Et c’est sur elles que devraient [sic] reposer l’insertion progressive de la culture africaine dans l’enseignement scolaire et universitaire [p. 61].
Ainsi, pour Pathé Diagne, les langues du second groupe sont condamnées à tomber dans la confidentialité, voire à disparaître à l’exception du pulaar et du More, par exemple. Les raisons qui conduisent Pathé Diagne à « repêcher » le pulaar et à l’intégrer dans le premier groupe sont d’un grand intérêt :
Il convient de leur adjoindre dans le second groupe ceux des parlers dont l’importance numérique est exceptionnelle. C’est le cas du Poular [souligné par nous]. Le choix du Poular oblige apparemment à rompre une tendance qui se dessinait sans se préoccuper de cette langue. L’assimilation des AL Poular telle qu’elle s’est faite au Sénégal et telle qu’elle s’opère par le bilinguisme au Macina et en Basse Guinée préfigurait son élimination au même titre que le Sérère ou le Sourhai devant les langues urbaines. Mais l’existence d’un autre facteur pèse : la mise en valeur des vastes régions habitées par les groupes Pular [sic], More…est susceptible d’introduire un renversement de tendance, du moins de faire apparaître de nouvelles aires linguistiques homogènes et fortes [p. 61, souligné par nous].
À l’arrivée, Pathé Diagne retient qu’il faut concevoir la politique linguistique de l’Afrique de l’Ouest autour de « quatre aires : Mandé, Hausa, wolof, Poular » (p. 61). Revenant sur l’aire wolof, Pathé Diagne estime qu’au Sénégal de l’époque, « l’unité linguistique est pratiquement réalisée. » (souligné par nous). Malgré cette unité linguistique presque terminée, Pathé Diagne se croit obligé « d’insister sur la nécessité d’un large travail d’explication sans lequel on ne ferait que susciter de violents remous »(p. 63).
Ces passages de Pathé Diagne méritent quelques commentaires :
– Bien que fervent partisan de la wolofisation totale du Sénégal, Il n’a pu ignorer l’importance du pulaar par le nombre de ses locuteurs et la résilience qui pourrait être la sienne avec un développement économique équilibré. Comme on le verra plus loin, c’est sa seule prévision que les faits ont confirmée.
– Comme le montrent clairement les tendances économiques actuelles, les éléments qui faisaient la force du wolof, n’opèrent plus aussi efficacement qu’avant ; d’où le piétinement actuel de son expansion.
Il commence tout d’abord par nous rappeler ce qu’il faut entendre par langue maternelle. Pour ce faire, Fary Ndao cite la définition de l’Unesco, l’organisme en charge de l’éducation et de la culture : « la ou les langue(s) de l’environnement immédiat et des interactions quotidiennes qui construisent l’enfant durant les quatre premières années de sa vie ». Il attire ensuite notre attention sur le fait que « beaucoup d’enfants africains, notamment en Afrique de l’Ouest, ont une langue maternelle africaine de portée nationale (wolof au Sénégal, bambara au Mali, fon au Bénin) et une seconde langue maternelle d’extension régionale parlée dans leur village, leur ville ou leur province. » Une telle situation lui permet de nous faire sa proposition d’aménagement linguistique : « En Afrique, il ne s’agira pas de remplacer le français ou l’anglais par une seule autre langue, fût-elle africaine. Il apparaît plus judicieux de se diriger vers un enseignement multilingue basé sur la langue maternelle comme le recommande l’Unesco et ses nombreuses études de cas pratiques depuis 1953. Cet enseignement pourrait se décliner comme suit : une langue africaine d’extension régionale pour la primo-alphabétisation, rapidement complétée par l’enseignement dans la langue africaine de portée nationale avant l’enseignement des langues internationales. Le triptyque « un territoire, une langue officielle, une nation » est davantage un fantasme qu’une réalité tangible dans les pays africains.
Il recommande que « la primo-alphabétisation » se fasse dans la langue maternelle de l’enfant pour qu’il puisse bénéficier de tous les avantages de l’opération ; en pulaar dans une zone comme le Fuuta mais que dans d’autres régions ayant des identités linguistiques fortes, des concertations sur le choix de la langue de primo-alphabétisation pourraient être menées par les autorités administratives avec les parents d’élèves, les enseignants appuyés par des spécialistes en sciences cognitives.
En clair, si l’enfant est dans une zone où sa langue maternelle est fortement minoritaire, il faudra une concertation entre les acteurs concernés pour trouver une solution. L’enfant devra-t-il s’exiler ou prendre par défaut la langue dominante ? Pour toute réponse, Fary Ndao nous renvoie à l’expérience burkinabè des années 2000. En tout état de cause, les réalités du Sénégal ne sont pas superposables à tout point de vue à celles du Burkina.
Une pratique hostile au pulaar
Celle de Diop
Rentré au Sénégal, Diop se lança dans la lutte politique afin de pouvoir appliquer ses idées sur la renaissance (utilisation des langues et fédéralisme). Il fonda à cet effet trois partis (B.M.S., en 1960 ; F.N.S., en 1963 et R.N.D., en 1976). Malheureusement, le succès ne fut pas au rendez-vous. Cependant, poursuivant ses idées, il délivra la plupart de ses déclarations politiques, faites dans le cadre de meetings et de manifestations, en wolof. Il tenta aussi, selon certaines sources ayant milité au sein du R.N.D., d’imposer le wolof comme langue de travail dans les réunions du parti à Dakar, même là où les locuteurs d’autres langues étaient majoritaires. Les deux organes de son dernier mouvement politique portèrent des noms wolofs (Siggi, puis Taxaw) et comportèrent une page « wolofal » (wolof transcrit en caractères arabes pour ceux qui n’ont pas accès au français).
Il est fort probable que les tentatives d’introduction du wolof à l’Assemblée nationale par Babacar Niang (finalement réussies) ont mûri au R.N.D. En effet, c’est lui, en tant que suppléant de Cheikh Anta, qui accepta d’occuper le seul siège obtenu par ce parti aux législatives de 1983 et que le titulaire avait refusé d’occuper pour des raisons de manque de transparence dans le vote. C’est le lieu de rappeler qu’il finit par créer le P.L.P. en août 1983, rompant ainsi avec le R.N.D. (avec lequel son parti fusionna par la suite, en 1997) mais conserva son idéologie. On se souvient encore de sa passe d’armes avec le ministre de l’économie et des finances, Mamoudou Touré, qu’il avait interpelé en wolof et qui lui répondit en pulaar sous l’oeil amusé de Daouda Sow, président de l’Assemblée de l’époque.
Ces premières difficultés à imposer le wolof ont dû faire prendre conscience à Cheikh Anta Diop que les choses n’étaient pas aussi simples qu’il le croyait dans ses théories estudiantines. Il avait certainement vu que le prix à payer pour étouffer une langue comme le pulaar serait énorme sans que le résultat soit pour autant garanti compte tenu de son emprise géographique, aussi bien au Sénégal (la plus parlée sur plus de 2/3 du pays, soit 142 432/196 722 kilomètres carrés) qu’en Afrique (9 000 000 de kilomètres carrés).
Sur le plan théorique, la solution de Cheikh Anta Diop qui s’inspire des modèles français et soviétique est inadaptée à l’environnement actuel. En effet, on n’est plus au temps ou une ordonnance suffisait pour tuer ou marginaliser des langues. Voyons donc de plus près la fameuse ordonnance de François 1er (dite de Villers-Cotterêts ) prise en 1639 dont l’article 111 se présentait comme suit :
– Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement.
Et le monarque de droit divin substituait ainsi le français au latin, utilisé jusqu’alors. Ce coup de pouce royal allait lui permettre de s’imposer, à partir de ce moment, comme seule langue de l’État et de l’administration dans le royaume de France, marginalisant ainsi toutes les autres langues parlées jusqu’alors. La formule « car tel est nostre plaisir » qui termine l’ordonnance de François 1er montre que le roi était le seul à décider et n’avait de compte à rendre à personne. Aujourd’hui, nous sommes dans une démocratie régie de surcroît par une constitution qui ne donne la primauté à aucune des langues déjà codifiées (article 1er, alinéa 2 de la constitution de 2001) et préconise l’unité mais dans « le respect des spécificités culturelles de toutes les composantes de la nation. » (préambule). Quant au modèle soviétique, n’oublions pas que le russe a été imposé par la Russie impériale, d’abord, puis par l’État central soviétique, aux populations de l’Union et qu’avec la chute du mur de Berlin, en 1990, les autres langues ont repris leur droit au détriment du russe dans les États baltes et ailleurs. La présente guerre en Ukraine est partie des tentatives d’étouffement de cette langue russe, jadis dominante, au profit de l’ukrainien qu’on tente d’imposer aux minorités russophones du pays. La leçon à tirer de tout cela, c’est que la contrainte et la violence ne sont pas une garantie absolue pour pérenniser la suprématie d’une langue ; au contraire, elles suscitent une haine séculaire de la part des opprimés. S’il y a des gens que détestent les Ukrainiens, ce sont bien les Russes, contraints aujourd’hui de s’attaquer militairement à l’Ukraine pour des raisons avant tout linguistiques, car il s’agit officiellement de sauver les minorités russophones maltraitées depuis déjà de longues années et obligées de se rebeller pour exister culturellement.
Si Cheikh Anta était encore vivant, il n’aurait pas manqué, en homme avisé, de réévaluer ses propositions en matière d’aménagement linguistique. Pour la future langue de l’État fédéral africain, il opta pour le swahili (voir Antériorité des civilisations nègres, Présence Africaine, 1967, pp. 112-114) sans attendre la commission qu’il préconisait dans son livre sur l’État fédéral voir supra). Ici, on peut dire qu’il avait vu juste car cette option a finalement été choisie par l’Union africaine.
Celle de Diagne
Quant à Pathé Diagne, il a, une fois rentré au Sénégal, essayé, comme Cheikh Anta Diop de travailler la langue wolof pour la vulgariser et l’élever au rang d’une langue comparable aux grandes langues européennes. Rappelons qu’il a enseigné au département de linguistique de la faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université de Dakar et a poursuivi ses recherches à l’IFAN. Citons parmi ses efforts la traduction du Coran et le lancement de Kaddu (un journal) dans cette langue. Ce que nous retenons de Pathé, c’est que sa passion pour la promotion du wolof au Sénégal fut telle qu’elle l’a poussé à faire des affirmations et prévisions démenties par les faits : à savoir que l’assimilation des Haal-pulaar-en était achevée en 1963 et que le pulaar serait voué à la disparition n’eût été un facteur qui pourrait le sauver. Or les chiffres fournis par les deux derniers recensements exploités prouvent qu’il n’en est rien, même en cette année 2024, c’est-à-dire 61 ans après sa prévision ! Ajoutons aussi que le seereer n’a pas disparu comme il le prévoyait (encore 9,6% de locuteurs) et qu’en 2013 (recensement), seuls 72% de Sénégalais parlaient wolof.
Celle du colonisateur et des présidents
Les explorateurs européens, les premiers, les administrateurs coloniaux, ensuite, divisèrent les Africains en « races » et « ethnies ». Les Fulɓe, par exemple, furent séparés des autres Noirs et classés comme Hamites, des Blancs à l’origine mais qui ont perdu leur pureté raciale. Au Sénégal, sous la houlette de Faidherbe et de ses successeurs, cette approche eut pour résultat la séparation, dans les recensements des populations, des Fulɓe des Toucouleurs avec qui ils partagent la langue pulaar. Cela apparaît dans un tableau de 1925 où on peut lire : « Peuls : 202 452 […] Toucouleurs : 160 161 » ( voir, Joël Glasman, « Le Sénégal imaginé. Évolution d’une classification ethnique de 1816 aux années 1920 », in https://www.geschichte-afrikas.uni-bayreuth.de/de/team/02-Joel-Glasmann/Publikationen_Bilder-und-Dokumente/Text_Afrique-et-histoire.pdf, p. 31.
Cette manière de faire a persisté après l’indépendance ou s’est même aggravée car dans les recensements officiels, le groupe poularophone, bien que partageant la même langue et la même culture, est éclaté entre Peuls, Toucouleurs et Laobés. C’est au recensement de 2023 seulement qu’une forte protestation des intéressés a conduit l’ANSD à procéder au regroupement de ces entités. Le « diviser pour régner » est passé par là. La conséquence de cette division faisait apparaître Fulɓe et Haal-pulaar-en comme des minorités comparativement aux Seereer (surtout) et aux Wolof. En effet, Joolaa et Seereer avaient été laissés dans leur homogénéité de groupes bien que parlant des dialectes sans intercompréhension à l’inverse du pulaar dont les locuteurs, disséminés à travers le continent, se comprenaient sans trop de difficultés.
C’est le Président Senghor qui prit les premières mesures significatives en faveur des langues nationales en signant en 1972 les premiers décrets pour leur codification. Ainsi, six d’entre elles furent codifiées : manndiŋka, pulaar, seereer, soniŋke, joolaa et wolof. Pour Senghor, toutes ces langues reconnues étaient d’égale dignité et lui-même s’adressait à la nation en français.
Cependant, d’après certaines sources, il ne serait pas étranger à l’aggravation de l’éclatement du groupe poularophone dont le poids inquiétait. Abdou Diouf continua cette tradition d’utilisation de la langue officielle du pays pour ses adresses solennelles, suivies de traductions en wolof après intervention du président au journal parlé ou télévisé. Avec lui, le wolof connut un grand essor du fait de la libéralisation des ondes à partir de 1994. Entre 1981 et 1984 les États Généraux de l’Éducation et de la Formation n’avaient pu trouver un consensus pour faire du wolof la langue d’union nationale et du pulaar celle de nos relations avec le reste de l’Afrique. D’après Boubou Sanghote, il aurait refusé de répondre favorablement à une première demande d’élever le wolof au rang de seconde langue officielle en 1992, ce après avoir reçu une délégation de notables poularophones opposés au projet pour troubles que son adoption risquait de déclencher.
Avec Abdoulaye Wade, un partisan de la promotion du wolof se retrouvait au plus haut lieu de décision du pays en 2000. Rapidement, il voulut mettre toute l’administration au wolof pour en faire une langue de gouvernement comme l’avait théorisé Cheikh Anta Diop dont il partageait les idées et le militantisme dans ce domaine. Mais, comme sous Abdou Diouf, la levée de boucliers fut telle qu’il dût renoncer à la prise d’une décision frontale qui, à coup sûr, mettrait le feu aux poudres. Ici, on comprend pourquoi Senghor l’avait surnommé « Njommboor » : en effet, il adopta la stratégie du « faire sans le dire ». Ainsi, il se mit à multiplier des adresses au pays en wolof, à accorder des entretiens dans cette langue, à donner à certaines sociétés et programmes étatiques des noms en wolof. Sans exagération, on peut affirmer que sous Wade, l’État s’est wolofisé sans faire de vagues. Autrement dit, Wade a atteint ses objectifs sans tambour ni trompette.
Cependant, c’est véritablement avec Macky Sall que les langues nationales autres que le wolof ont fini d’être marginalisées. Macky a systématiquement fait suivre son adresse en français d’une seconde en wolof, faisant de facto de cette langue la seconde langue officielle du Sénégal. Prenons l’exemple du pulaar : d’après Boubou Sanghote, Macky a déjà bien tendu la gorge de cette langue pour faciliter la tâche à celui qui viendra l’égorger ! Cela n’est pas excessif au vu des faits qui vont suivre :
Sous l’euphorie de l’avènement d’un poularophone à la tête du pays et pensant que cela allait faire plaisir à celui-ci, des journalistes profitèrent du défilé du 4 avril pour élargir le cercle du français et du wolof au pulaar. Deux de leurs confrères rapportèrent le fait au président Macky Sall et le convainquirent que cela n’était pas bon pour son image de nouveau président car il risquait d’être vu comme quelqu’un de « sectaire ». D’après Sanghote, des instructions furent données par qui de droit pour que cela ne se reproduise pas. Les émissions télé « Fooyre », « Deental » existèrent avant l’avènement de Macky mais restèrent sans lendemain. C’est sous le magistère de Macky que des émissions telles que « Hiirde », « Dingiral Fulɓe », « Yeelaa », « Yiitere Golle », « Yeewtere Islam » naquirent mais devinrent rapidement irrégulières et finirent par passer à la trappe. Rares parmi elles étaient hebdomadaires. C’est le lieu de préciser que certaines d’entre elles trouvèrent refuge à la 2STV (qui compte actuellement six émissions en pulaar) ou à la TFM. Au moment où Chérif Sy qui animait la seule émission religieuse en pulaar émigrait vers la TFM, le wolof se taillait 7 à 8 magazines consacrés à l’islam. Pourtant vu le rôle des poularophones dans l’islamisation de l’Afrique et particulièrement celle du Sénégal ainsi que leur nombre, la RTS n’aurait jamais dû commettre un tel déni de justice. Si nous récapitulons, au moment où nous écrivons ces lignes, la RTS compte une seule émission de 26 minutes en pulaar (Yiitere Golle) contre 6 émissions à la 2STV, une télévision privée, appartenant certes à un ressortissant du Fuuta (El Hadji Ndiaye). Ainsi, si Macky peut se targuer d’avoir désenclavé et électrifié la partie waalo du Fuuta, avec toutes les conséquences bénéfiques que cela induit, force est de reconnaître qu’il fut véritablement un bourreau des autres langues du Sénégal. Son statut de « métis » pulaar-seereer-wolof l’a conduit sans doute à croire que le wolof pouvait être le dénominateur commun des Sénégalais, mais si l’ingénieur des mines avait prêté une bonne attention à la géographie du pays plutôt que de se focaliser sur le nombre impressionnant des locuteurs du wolof des grandes villes, toutes situées dans le tiers ouest du pays, il aurait sans doute vu qu’imposer le wolof à tous relevait d’un tour de force quasi insurmontable dans l’environnement de ce premier quart du XXIème siècle, où la révolution de l’information et de la communication a fini de rendre vaine toute tentative de contrainte linguistique comme nous l’avons vu un peu plus haut.
Celle de la RTS et d’autres sociétés et leurs conséquences
Disons dès maintenant que la pratique des présidents décrite ci-dessus rejaillit nécessairement sur celle de la RTS qui est une société d’État. On aura donc un déséquilibre dans la grille des programmes de plus en plus favorable au wolof et qui finit par aboutir au constat que :
Au Sénégal, on note une « uniformisation au plan linguistique due à l’hégémonie de la langue wolof » (FES, 2013). Le diffuseur public intègre dans sa programmation les huit langues nationales reconnues. Cependant, la langue pulaar semble être favorisée, elle dispose de programmes spécifiques sur les TV mainstream tandis que des groupes ethniques restent complètement marginalisés (voir : Charles Moumouni et Sokhna Fatou Seck Sarr, « La télévision en ligne : enjeux de régulation et pratiques de diversité culturelle en Afrique subsaharienne », in Les enjeux de l’information et de la communication, n° 22/2, 2021/22, pp. 181-195 [https://shs.cairn.info/revue-les-enjeux-de-l-information-et-de-la-communication-2021-22-page-181?lang=fr, citation, p. 188].
Ce que remarquent ces observateurs s’explique par l’ostracisme que subissent les langues autres que le wolof à la RTS. Comme les poularophones sont plus nombreux et ont plus de moyens, ils ont tout simplement trouvé leur salut dans les TV mainstream. Notons que c’est là une riposte à laquelle la RTS ne s’attendait sans doute pas : la révolution communicationnelle est allée trop vite.
Pour analyser le cas spécifique du pulaar, les attaques contre la langue commencèrent d’abord par la technique du « cheval de Troie » qui a bien fonctionné en Mauritanie sur le plan politique. Mais le dernier ministre haal-pulaar nommé pour avaliser la « hassanisation » totale a fini par être démis faute de vouloir obéir jusqu’au bout. Elle a failli fonctionner avec un grand intellectuel haal-pulaar dont une contribution fit date. Après le tollé général qu’elle suscita au sein de la communauté poularophone, l’intéressé a fini par prendre conscience de la complexité de la question et est, depuis, revenu sur sa proposition et pense aujourd’hui que le multilinguisme est plus adapté au contexte du Sénégal :
Mais le forcing fait pour le wolof a, depuis, pris de l’ampleur. Ainsi, de la technique du « cheval de Troie », on est passé à celle du « camouflage linguistique » : Une certaine journaliste dont les prénom et nom sont loin de sonner wolof est l’animatrice de « Lantinoor », une émission faite en wolof. Cela paraît curieux. Pourtant cela ne l’est pas tant car cette personne est née à Rufisque et dans son portrait consultable sur la toile, on voit qu’elle est très à l’aise en wolof et peut-être même plus à l’aise en wolof qu’en français. Cela explique peut-être pourquoi un autre magazine d’actualité qu’elle animait déjà avant, se fait en wolof. Pourtant le nom du magazine, « Kassabor », est en joolaa et signifie « entraide » ou « confession publique » selon certaines sources.
Deux autres magazines sur la RTS1 s’intitulent « Champ contre Champ » et « Pluriel » alors qu’ils passent en wolof. Pour « Pluriel », nous avons, comme pour « Kassabor », un animateur dont les nom et prénom ne sonnent pas du tout wolof mais plutôt seereer. Ces faits curieux semblent indiquer une technique de camouflage qui permet d’éviter la confirmation du constat qu’au Sénégal, à la télévision, il y a « une uniformisation au plan linguistique due à l’hégémonie du wolof » (voir Charles Moumouni et Sokhna Fatou Seck Sarr, « La télévision en ligne : enjeux de régulation et pratiques de diversité culturelle en Afrique subsaharienne », in Les enjeux de l’information et de la communication, n° 22/2, 2021/22, pp. 181-195 qui citent, FES, 2013).
Quand on analyse cette pratique qui a cours à la RTS, on voit clairement que c’est l’assimilation qui est recherchée : ce sont des personnes wolofisées (c’est leur droit le plus absolu) qui animent des magazines dont le nom est emprunté à une autre langue du pays ou au français mais qui se font en wolof. Un tel choix n’est pas innocent car il contribue à réduire la langue utilisée pour le nom du magazine au rang d’appendice du wolof qui devient ainsi le dénominateur commun au Sénégal. Tous ceux qui ne sont pas prêts à accepter cela, sont qualifiés de sectaires. Dans l’entendement de certains, est sectaire toute personne qui refuse de se laisser assimiler.
Le sectarisme : parlons-en. Parler sa langue, ce n’est pas faire du sectarisme ; c’est tout simplement être soi-même. Qui est le plus sectaire entre celui qui ne parle que sa langue et veut que les autres parlent obligatoirement sa langue et celui qui, en plus de sa langue, parle une autre langue ? Les enclaves soninkés et wolofs du Fuuta sont bilingues, les commerçants wolofs du Fuuta ne sont pas obligés de parler pulaar ; s’ils le font, ils le font en toute liberté et pour le bien de leurs affaires. Alors pourquoi ne pas reconnaître la même liberté aux poularophones en pays wolofs ?
Le « neɗɗo ko banndum » (on ne peut avoir mieux que son parent) : parlons-en. Wade a fait pire que Macky dans ce domaine : il a fait du « neɗɗo ko ɓiyum » (on ne peut avoir mieux que son enfant) et cela poursuit encore le PDS (sans Karim, le parti ne doit rien faire). On s’est beaucoup trompé sur la véritable appartenance des Ba, Diallo, Soh et autres Bary promus par Macky : pour certaines personnes, ignorantes ou malintentionnées, ils ne pouvaient être que des Fulɓe ou des Haal-pulaar-en mais nombreux parmi eux étaient en réalité des gens qui avaient fini de se wolofiser depuis longtemps, ne parlaient un traître mot de pulaar et se reconnaissaient plus dans la peau de Wolofs que dans une autre. Il y a belle lurette que le nom ne fait plus l’ethnie dans nos grandes villes et même dans certaines de nos campagnes. Au nom de quoi Abdoulaye Wade peut-il faire de son fils ministre d’État, ministre de la coopération internationale, de l’aménagement du territoire, des transports aériens, des infrastructures (soit quatre ministères, et des plus juteux, entre les mains d’une seule personne qui, de surcroît, a la possibilité de rendre directement compte au président de la République) ; de sa fille Sindiély sa conseillère spéciale en matière de culture ; donner la présidence du groupe parlementaire libéral à Doudou Wade, son neveu ; tenter de nous imposer comme vice-président le même fils et vouloir encore aujourd’hui le rendre incontournable dans la vie politique du pays sans que certains ne trouvent rien à y redire ? Parce qu’il est wolof ? Macky ne devrait-il pas avoir le droit de nommer son frère ministre comme l’avait fait Abdou Diouf sans remarques sarcastiques ? Non, parce qu’il n’est pas wolof ? Certains suprémacistes doivent se faire à l’idée que ce pays n’est pas un bien des seuls Wolofs et que nous avons tous les mêmes droits et devoirs. Chacun doit donc pouvoir y parler sa langue sans tentative de restriction ou de diabolisation.
Tout observateur objectif conviendra avec nous que cette grande langue ne mérite pas le traitement qu’elle a subi jusqu’ici. En effet, une langue qui est la plus parlée sur plus de 2/3 du territoire sénégalais ; est majoritaire dans 5 régions sur 14 ; 2ème dans 4 régions sur 14 ; 3ème dans 4 régions sur 14 et 4ème dans une seule région sur 14 ; va de l’Atlantique à la mer Rouge ; est présente dans plus d’une vingtaine de pays en Afrique ; compte une importante diaspora (en Europe, en Amérique du Nord, dans les pays du Golfe, en Afrique Centrale et Australe, etc.) ; cette langue, disons-nous, ne mérite pas des tentatives d’étouffement que tout le monde constate à travers des faits concordants :
Parmi ces faits, citons avant tout la violation sournoise de la Constitution du Sénégal qui ne dit nulle part qu’une seule langue doit être utilisée dans les services. L’utilisation exclusive du wolof dans les serveurs des banques, des compagnies de téléphonie, d’Air Sénégal, du TER, du BRT, etc. est contraire à l’esprit et à la lettre de la Constitution. Il est évident que cette pratique illégale ne peut même pas prétendre reposer sur des nécessités commerciales. Si nous prenons Air Sénégal, cela crève les yeux que dans ses différentes dessertes africaines, les locuteurs du pulaar sont plus nombreux que ceux du wolof. Si cette compagnie devait strictement s’en tenir aux bonnes pratiques commerciales, elle aurait dû utiliser le pulaar avant même le wolof, pourtant elle ne l’a pas fait. Mais ce qui est scandaleux, c’est le fait qu’elle s’entête dans son attitude injustifiable malgré les protestations répétées de ses usagers utilisant le pulaar. Dakar étant une métropole ouest-africaine, avec l’omniprésence du pulaar dans cette partie du continent, les lignes du TER et du BRT sont inévitablement utilisées par des Africains poularophones qui ne parlent pas un traître mot de wolof et qui n’auraient eu aucun embarras avec l’utilisation du pulaar. Ces remarques peuvent être étendues à tous les services destinés au grand public.
Tout le monde comprend que ce qui est recherché ici, c’est d’imposer le wolof à tous en faisant fi de nos lois et du bon sens. On oublie seulement que nous ne sommes plus au XVIème siècle où il suffisait d’une simple ordonnance pour condamner une langue à la disparition.
Cette langue doit donc être respectée et valorisée à la hauteur de son poids indéniable. Ainsi, les correctifs qui vont suivre nous semblent indispensables pour éviter au Sénégal une erreur aux conséquences forcément préjudiciables à sa stabilité.
Que faire ?
Il faut donc nous ressaisir et prendre un certain nombre de mesures correctives propres à nous faire retrouver un aménagement linguistique plus conforme aux poids respectifs de nos langues et gage de paix et de stabilité :
En matière d’aménagement linguistique
La première chose à faire est de revoir l’approche de Cheikh Anta Diop et de Pathé Diagne. En effet, leur modèle est loin de tenir compte des réalités actuelles sur le terrain. Le Sénégal ayant reconnu les principales langues du pays depuis 1972, il est difficile aujourd’hui de revenir à une seule langue qu’on imposerait à tous, avec le prix politique que cela suppose parce que cela passera nécessairement par la violence : on n’a jamais vu une communauté linguistique consciente négocier l’étouffement de sa langue. Il s’y ajoute que le résultat escompté, la disparition des langues visées, est quasi impossible à atteindre du fait d’un environnement global peu favorable.
Plus largement, au vu des résultats du recensement et dans la recherche d’une coexistence harmonieuse entre les différents grands groupes linguistiques du pays, le gouvernement du Sénégal devrait adopter, au minimum, comme langues de travail le wolof, le pulaar et le seereer. Pierre Baligue Diouf propose 6 langues mais pas comme langues de travail mais comme langues à enseigner au secondaire. Il s’agit du wolof, du pulaar, du seereer, du manndiŋka, du joolaa et du soniŋke (voir « Innovations pédagogiques pour l’intégration des langues nationales africaines dans l’éducation : quel état des lieux au Sénégal » in https://hal.science/hal-03640374/document, p. 159.
Cela nous rapprocherait du modèle suisse que n’apprécie pas beaucoup Cheikh Anta Diop mais qui est plus conforme à nos réalités et à la préservation de la paix dans notre pays. Ici, nous partageons la critique de Souleymane Bachir Diagne à Cheikh Anta Diop : « …il veut une langue unique. Cela n’a pas de sens d’avoir une langue d’unification : pourquoi le projet devrait-il être un projet qui imite l’Etat-Nation, c’est-à-dire être homogène avec une seule langue, de manière centralisée? ». En effet, force est de constater que nous sommes dans un État multi-ethnique et dans un contexte politique totalement différent. Sans même aller jusqu’en Suisse, le Sénégal peut s’inspirer de l’exemple éthiopien : voilà un pays où 100 langues sont parlées (nous n’en avons pas autant au Sénégal) mais qui a choisi de se doter de 5 langues de travail pour le gouvernement : l’amharique (29% de la population, l’oromo (34%), le tigrigna (6%), le somali (6%) et l’afar (?). Le cas de l’Afrique du Sud est aussi très intéressant. Le 1er alinéa de l’article 6 de la constitution de ce pays dispose :
1) Les langues officielles de la République sont le sepedi, le sotho, le tswana, le swati, le venda, le tsonga, l’afrikaans, l’anglais, le ndébélé, le xhosa et le zoulou.
Pour le statut du pulaar, le Sénégal pourrait s’inspirer de l’exemple rwandais. Voilà un pays où les trois principaux groupes ethniques (Hutus, 81, 7% ; Tutsis, 9, 5%, Twas, 1, 8%) qui font 93,3% de la population parlent tous la même langue, le kinyarwanda. Le Rwanda s’est doté de 4 langues officielles : le kinyarwanda, le français, l’anglais et le swahili. Les 3 premières langues s’expliquent par l’histoire du pays (unité linguistique, colonisation belge et élite tutsie anglophone du fait de son exil en Ouganda). Le choix du swahili est intéressant à analyser. Le swahili a été érigé en langue officielle en 2017 en respect à la promesse faite par le Président Kagamé lors de l’adhésion du Rwanda à la Communauté des États de l’Afrique de l’Est, en 2006. C’est le lieu de rappeler que le swahili est une langue très parlée en Afrique de l’Est alors que le nombre des « Swahiliens » rwandais est estimé à 6500 individus. Autrement dit, le Rwanda a surtout tenu compte du rayonnement régional du swahili pour l’élever au rang de langue officielle. Le statut du swahili en Afrique de l’Est est comparable à celui du pulaar en Afrique de l’Ouest. À cela, il faut ajouter le fait qu’au Sénégal, le pulaar est la 2ème langue du pays après le wolof. Toutes ces deux raisons militent en faveur de l’élévation du pulaar au rang de langue officielle à côté du français et du wolof à l’instar du swahili au Rwanda.
Ce n’est pas par coquetterie que tous ces pays multi-ethniques comme le Sénégal ont choisi le multilinguisme : c’est pour assurer l’épanouissement de toutes leurs composantes ethniques et préserver ainsi une coexistence harmonieuse entre elles. Nous le verrons plus bas : l’unité linguistique a montré ses limites depuis le génocide rwandais. Le Sénégal n’y gagnera rien donc et sa recherche a de fortes chances d’ouvrir la boîte de Pandore et de nous valoir des lendemains tragiques compte tenu de la configuration géographique de nos principales langues (voir carte ci-dessus).
En matière d’éducation
Nous ne sommes pas un spécialiste des sciences de l’éducation, mais le simple bon sens nous fait croire qu’une bonne introduction de nos langues nationales à l’école exige les conditions qui vont suivre :
– Eviter toute précipitation préjudiciable à l’atteinte des objectifs : de nombreux échecs dans ce domaine en Afrique s’expliquent par une absence de préparation suffisante avant le lancement des programmes ;
– Un principe directeur qui permette à chaque petit Sénégalais d’être scolarisé dans sa langue maternelle. Pour ce faire, il faut que le maillage du territoire soit optimal de manière à éviter des choix imposés. Si ce qui est recherché ce sont bien les gains que l’enfant est supposé faire en apprenant dans sa langue, il est évident qu’un tel objectif ne saurait être atteint avec une autre langue imposée du fait de l’absence de la langue idoine ;
– Des enseignants bien formés dans les différentes langues et en nombre suffisant ;
– Des outils pédagogiques de qualité aussi bien pour les élèves que pour les enseignants.
Donner au pulaar sa part légitime pour éviter la déchirure
Pour en revenir au pulaar, il doit être présent dans le TER, le BRT et Air Sénégal, dans la téléphonie (il n’y a pas que les wolofophones qui utilisent ces services ; il faut penser aux nombreux poularophones africains qui vivent au Sénégal ou visitent le pays.
Dans les noms des programmes étatiques, il convient de donner au pulaar la place qui doit être la sienne.
Dans le domaine des media, il est urgent donc de rééquilibrer les grilles des programmes en donnant au pulaar un temps correspondant à son poids démographique au Sénégal (26%) et en Afrique (4ème langue du continent). Autrement dit, revenir au strict respect du poids de chaque langue sénégalaise en lui accordant un temps en conformité avec son poids.
Certaines grandes émissions radio ou télé doivent pouvoir avoir leur version pulaar du fait de leur intérêt particulier ; ce ne sont pas les spécialistes qui manquent.
Une émission genre « Terroir » de la télévision du Mali doit naître : le présentateur introduit et met l’élément tel qu’il a été pris sur le terrain. Cela permet à ceux qui sont dans le pays profond de paraître et d’être connus des autres parties du pays. Pour cela, Il faut se donner les moyens et la volonté de couvrir toutes les manifestations d’envergure sans discrimination de groupes ou de langues et accepter que la télévision nationale appartienne à tous.
Compte tenu du poids du pulaar en Afrique, et pour le rayonnement politique et culturel bien compris du Sénégal, une rédaction entièrement dévolue à cette langue doit être mise en place et une fréquence dégagée pour la diffusion de programmes s’adressant au pays et au monde, à commencer par l’Afrique. En effet, il y a fort à parier que si ces programmes sont bien pensés, l’audience ne fera pas défaut et s’étendra de l’Atlantique à la mer Rouge. Le Sénégal y gagnera sans aucun doute non seulement sur le plan culturel mais aussi économique. Dire cela n’a rien d’une trouvaille car c’est ce que font déjà les grandes radios telles que R.F.I., V.O.A (Voice of America) ainsi que la télévision Canal+ qui a mis dans son bouquet RTI (Radio-télévision Fulɓe Internationale) ainsi que Pulaagu qui ne diffuse que de la fiction en langue pulaar depuis le 29/4/2024.
La marginalisation du pulaar ou, plus grave, sa mort recherchée, n’atteindra pas son objectif du fait d’un environnement peu favorable : révolution de l’audio-visuel qui permet un pluralisme médiatique. Si vous n’êtes pas satisfait d’une télé ou d’une radio, vous pouvez ouvrir la vôtre et la positionner sur satellite, sur le net, la mettant ainsi à la disposition de tous.
Une langue disparaît difficilement d’après le constat même de Cheikh Anta Diop qui cite l’exemple irlandais auquel on pourrait ajouter celui de la Finlande (avec le peuple Suomi qui reconstitua sa langue pratiquement à partir de rien ; voir Kalevala e Fulbheyá d’Elias Lönnrot et d’Alfadyó Mokaheere, 1983).
En clair, ceux qu’on cherche à étouffer linguistiquement ne se laissent pas faire et trouvent d’autres moyens d’exister. Ainsi, ils se créent un autre univers linguistique et culturel qui leur donne ce qu’on leur refuse dans les médias d’État :
Aujourd’hui déjà, de nombreux poularophones du Sénégal et de la Mauritanie ( pour nous en tenir à une information vérifiée) se rabattent sur les radios de proximité ou radios communautaires pour suivre les informations, passer leurs communiqués, participer à des émissions interactives, écouter leur musique préférée, etc. Ces radios deviennent de plus en plus nombreuses et détournent progressivement l’auditoire poularophone des chaînes de la RTS mais également de certaines chaînes privées qui ont connu un réel engouement avec la libéralisation des ondes marquée par la naissance de Sud FM le 1er juillet 1994.
En effet, ne se reconnaissant pas dans les programmes diffusés essentiellement en wolof, les populations ont fini par trouver leur bonheur dans ces radios qui collaient bien à leurs préoccupations. Certaines d’entre elles, bien que portant les noms de villages bien du Fuuta, émettent en réalité sur le net, à partir des États-Unis d’Amérique ou du Canada (c’est le cas de Daw FM et de Radio Haayre-Laaw auxquelles il faut ajouter Pulaar Speaking, une radio d’Association ). Pour les capter, les auditeurs se servent de leurs téléphones portables : il suffit de payer une connexion internet dont le coût est quasiment à la portée de tous, avec la baisse incessante des prix ; donc une solution quasi parfaite permettant d’échapper à ce qui est perçu comme la tyrannie d’une langue et d’une culture. Du coup, nos parents nous ont eux-mêmes demandé de ne plus faire d’avis de décès sur la RTS mais plutôt sur les radios locales au motif qu’ils écoutaient surtout désormais Radio Demet, Radio Tulde, Radio Dóɗél, etc. Et cerise sur le gâteau, les groupes WhatsApp de tous types et de toutes tailles achèvent de « déconnecter » presque totalement les ruraux poularophones des programmes radio de la RTS.
À ces radios s’ajoutent de plus en plus des télévisions en ligne parmi lesquelles on peut citer : RTFI (télé Fulɓe Internationale), Pulaagu, Manda TV Sénégal, Fulɓe Production, Piindi TV, Afrika Pulaar TV, Pinal TV Mali, Pinal TV Winndere, Fuuta Vision TV, Fouta Plus, Kawral Production, Tiitoonde TV, Tele Mbedda Móritani, PPM TV, Hoodere Pulaagu, Fulɓe TV, Fewdaare Fouta TV (Guinée, Fuuta Jaloŋ). Parmi ces télévisions, les plus suivies sont : Afrika Pulaar TV, avec 200 000 abonnés sur Facebook et ip tv ; Piindi TV, avec 192 000 abonnés sur YouTube et ip tv ; RTFI, avec 45 000 abonnés sur Facebook et IPTV.
Étant donné que TFI (chaîne généraliste) et Pulaagu (chaîne thématique diffusant des séries et des dramatiques), sont désormais sur Canal+ et sont accessibles moyennant un abonnement, rien n’empêche plus désormais les téléspectateurs insatisfaits de prendre le large. Les choses sont encore plus simples pour Marodi TV Pulaar qui est sur YouTube. Comme Sunu Yeuf occupe la 3ème place du top 9, avec 10% de parts d’audience derrière TFM (13%) et Sen TV (12%), il est fort probable qu’avec la naissance de Pulaagu (présent sur Canal+ comme Sunu Yeuf), la RTS, déjà absente de ce top 9, dégringolera un peu plus du fait de la perte de ses téléspectateurs poularophones. Il est donc temps que ses dirigeants se demandent si cette descente aux enfers n’est pas liée à une wolofisation de plus en plus poussée, qui fait fuir tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce choix parce qu’ils pensent avoir un droit de « visibilité » sur une télévision qui, en théorie, appartient à tous. En effet ce choix, qui peut être pardonné aux télévisions privées, ne peut l’être pour la RTS qui pensait faire face à leur concurrence en clonant leurs programmes en wolof et en réduisant de manière drastique les programmes dans les autres langues du pays.
Sur le plan de la téléphonie, la porte que refuse d’ouvrir Orange pour des raisons que rien ne justifie, sera grandement ouverte par l’opérateur Free qui va offrir « bientôt la possibilité de choisir la langue pulaar avec le service client, de parler à des téléconseillers dans cette langue ». Free va même proposer un service adapté aux éleveurs, majoritairement poularophones : une puce pour lutter contre le vol du bétail ! Pour plus de détails, suivre le lien https://www.seneweb.com/news/Societe/le-pulaar-dans-les-supports-de-communica_n_431859.html.
Décidément, on n’est plus au temps de François 1er mais bien sous le règne de la révolution technologique qui ne permet plus l’uniformité. En effet, comme le téléphone portable permet de recevoir tout ce qu’on souhaite, assurant ainsi une indépendance et une liberté quasi totales à tous, il devient impossible d’empêcher une diffusion de masse de contenus qui, progressivement, creuseront un fossé de plus en plus profond et large entre le groupe et le reste de la communauté nationale. Autrement dit, on aura un résultat aux antipodes de celui qui était recherché : à la place de l’unité et de la cohésion forcées, on va semer et laisser se développer les germes de la division entre nos différents groupes linguistiques.
Les Sénégalais qui veulent se faire assimiler pour diverses raisons individuelles ou collectives peuvent le faire en toute liberté mais vouloir imposer l’assimilation à tous par l’hégémonie forcée d’une langue est un projet insensé, gros de menaces pour notre pays ; et qui ne nous garantira même pas une plus grande unité nationale, au contraire.
En effet, depuis le génocide des Tutsis au Rwanda de 1994, cette certitude aussi est tombée : Tutsis et Hutus parlent tous le kinyarwanda et pourtant la désunion et la haine entre eux étaient telles que les premiers furent massacrés sans état d’âme par les seconds à hauteur du chiffre effarant de 800 000 personnes ou plus ! Puisque nos autorités actuelles sont convaincues qu’il faut mettre nos enfants à l’anglais dès le primaire (décision dont l’expérimentation débute dès la rentrée 2024-2025), à quoi bon développer un ghetto linguistique qui n’a aucune chance de dépasser les frontières orientales du Sénégal et à plus forte raison conquérir le continent comme on aurait pu le faire avec le choix d’une autre langue ? Revenons à la raison et trouvons un aménagement linguistique plus équitable et plus respectueux de nos réalités !
Aucun peuple n’a renoncé à sa langue sans la violence dont la forme peut varier : elle peut être physique ou morale. Or le contexte actuel du Sénégal et du monde ne permet d’user d’une violence du genre de celle qui a tué certaines langues dans l’histoire. Le prix à payer serait trop fort pour un résultat quasi inatteignable. La paix n’a pas de prix.
Les politiques et les religieux doivent s’assumer
Nos politiciens, hommes et femmes, doivent mieux s’assumer. La plupart des formations politiques qu’ils lancent portent des noms wolofs ou français, le pulaar étant dédaigné :
L’ancien ministre d’État des affaires étrangères de Wade créa, en 2010, un parti auquel il donna pour nom « MPC/Luy Jot Jotna » (Mouvement Politique Citoyen/Luy Jot Jotna). Comme on le voit, il a ignoré le pulaar et choisi le français et le wolof. Faisant preuve de plus de prudence sans doute du fait de son enracinement plus solide, celle qui fut le maire de Podor lança, en 2017, un mouvement politique dénommé « Oser l’Avenir ». C’est du français certes mais elle ne tourne pas le dos à sa langue maternelle au profit d’une autre langue du pays.
Le parti d’un autre Podorois s’appelle AG/Jotna et sa nouvelle coalition mise sur pied à l’occasion des législatives de novembre 2024 a pour nom « And Gor ». Et pourtant, cette personne est bien née à Podor, en plein Fuuta et parle pulaar. Pour être juste cependant, reconnaissons que c’est cette même personne qui lança, dans le cadre du déploiement de « Senegaal Dem-Dikk », une ligne « Fuuta Yaa-Ngartaa » (entre Richard-Toll et Haayre-Laaw) malgré la contestation du syndicat de la compagnie sur le choix d’un nom en pulaar, d’après Gondiel Ka.
Si l’ancien Premier ministre et candidat à la présidence a donné à son parti le nom de « Nouvelle Responsabilité », il a aussi lancé une coalition dénommée « Jàmm Ak Njariñ » ; encore du wolof pour une organisation dont le leader est un poularophone. Ici, reconnaissons qu’il n’a pas les mains libres et que ce choix s’explique sans doute par le consensus qu’il a dû trouver avec ses partenaires.
Il aura suivi en cela les pas du président sortant qui avait appelé son parti APR (Alliance Pour La République) et sa coalition « Bennoo Bokk Yaakaar ». Dans ce tableau morose pour le pulaar, deux exceptions à noter : la coalition « Addu Jam (AJ)», (Apporte le Bien) en pulaar, composée d’agriculteurs et d’éleveurs, a osé choisir un nom entièrement en pulaar. C’est aussi le cas de la coalition « Nafoore Sénégal » dont la base est le département de Goudiry, au Ɓunndu. Ces faits méritent d’être notés. Malheureusement, nous venons d’apprendre (7/10/2024 à 19h 34) que la première coalition a été recalée parce que son chèque a été rejeté. Au moins voilà des gens qui n’ont pas tourné le dos à leur langue pour des raisons électoralistes.
Que nos politiciens et politiciennes ne s’y trompent pas, Ce n’est pas en renonçant à ce qu’on est qu’on aura à coup sûr l’électorat wolofophone qu’ils courtisent. Et que l’électorat poularophone le dise ou non, il ne peut être content d’un tel manque de considération pour sa langue, et cela peut faire beaucoup de déçus qui peuvent faire très mal. Qu’ils trouvent des noms de partis dans lesquels leurs bases électorales, avant tout poularophones, se retrouvent. La leçon que Macky a régulièrement reçue dans une certaine zone du pays malgré les investissements sans précédents effectués pour elle et les actes d’allégeance à l’endroit de ses dignitaires doit les faire méditer : ce n’est donc pas avec un nom de parti emprunté au wolof qu’on fera oublier à certains suprémacistes à quelle communauté on appartient ! Et comme pour ce Jiggeejo (un parent à plaisanterie) qui, sentant un gros poisson sous son pied, lâche celui qu’il avait déjà dans sa main pour pouvoir attraper celui qui était sous son pied, il y a fort à parier qu’ils perdront l’un sans avoir pris l’autre ; lâchant ainsi la proie pour l’ombre !
Nos guides religieux aussi doivent faire plus attention à l’usage du pulaar lors de cérémonies spécifiques au groupe mais aussi dans leurs sermons. Comme nous l’avons déjà écrit ailleurs, quand quelqu’un se déplace de Guédiawaye à la mosquée omarienne (pour prendre un exemple significatif) pour la prière ou la wazifa du vendredi, les deux grandes prières du calendrier musulman, ce n’est pas pour entendre un sermon ou une communication faits en grande partie en wolof. Il serait resté dans son quartier s’il n’était pas à la recherche d’autre chose. Dans le même ordre d’idées, lors de sa ziarra annuelle, le pulaar doit occuper une place centrale parce que de nombreuses personnes qui viennent de l’arrière-pays ne comprennent ni ne parlent wolof. Dans cette mosquée, il y a donc un équilibre à trouver entre le pulaar qui doit être sa première langue et le wolof qu’il faut aussi utiliser pour les wolofophones qui y prient du fait du voisinage. Comme on dit en pulaar « yiɗande hoore mum, wonaa añande banndum » (« vouloir pour soi-même, ce n’est pas vouloir priver le proche ». Parlons d’abord notre langue dans les lieux de culte qui nous sont spécifiques. Dans la mosquée de la Cité Assemblée, les sermons sont faits en wolof même par l’imam titulaire qui est plus à l’aise en pulaar que dans cette langue. Nous trouvons cette pratique normale parce que le wolof est largement majoritaire dans cette zone. Le désir de satisfaire les fidèles de langue wolof ne doit pas amener nos guides à en oublier la langue de leur communauté. Ils doivent s’organiser pour satisfaire les uns et les autres. Avec un agenda dont l’objectif est, clairement, d’étouffer toutes les autres langues au profit d’une seule, il n’y a plus aucun complexe à porter en bandoulière son pulaar ou son seereer et à avoir la garde haute jusqu’au jour où chaque langue du pays aura sa juste place dans notre aménagement linguistique.
Paradoxalement Macky a été aussi celui par lequel a débuté l’inversion tant redoutée par Pathé Diagne, Cheikh Anta Diop ainsi que tous ceux qui militent pour le choix immédiat du wolof comme langue officielle en donnant une remarquable impulsion au développement de l’intérieur du pays. Son slogan « Un Sénégal de tous et pour tous » résume parfaitement son action. Il lança donc les instruments de ce développement (PUDC, PUMA, DAC etc.), avec comme objectif prioritaire l’électrification rurale et les infrastructures de transport et de désenclavement des régions de l’intérieur. Les bases du décollage économique étaient ainsi construites, permettant de ce fait le début du processus de rattrapage entre le centre-ouest et le reste du pays. À terme, les conséquences d’un tel processus seront la fixation des populations dans leurs terroirs où elles pourront s’épanouir sans devoir désormais se rendre en pays wolof où certains de leurs ancêtres sont restés définitivement et se sont fait assimiler. Cette politique d’équité, beaucoup de ceux qui ont profité jusqu’ici de l’exclusivité des actions de développement entreprises par l’État et qui sont conscients de la diminution consécutive de l’influence de leur terroir, de leur culture mais surtout de leur langue, ne l’ont jamais pardonnée à Macky. Cela pourrait expliquer la constance du vote défavorable qu’il essuya du début à la fin de son mandat dans certaines zones du pays. L’acharnement de Macky à museler le pulaar et les autres langues avait essentiellement pour objectif de chercher à éviter les foudres de ces nostalgiques de la suprématie du pays wolof. Peine perdue car il fut accusé d’investir toutes les richesses du pays au Fuuta ; en un mot, de faire du « Neɗɗo ko banndum » quand tous les faits objectifs montraient que d’autres régions ont eu une part plus importante dans ses investissements : autoroute Ilaa-Tuubaa, pont sur la Gambie, différents ponts et routes en Casamance, au Sénégal Oriental, dans la région de Fatick, autoponts, TER et BRT à Dakar, hôpitaux de dernière génération dans plusieurs régions. On voit bien donc que l’aversion (nous pesons bien nos mots) de Macky Sall que charrièrent certains réseaux sociaux ne peut pas s’expliquer par une injustice excessive à l’endroit de certaines communautés ou régions. Il y a incontestablement un sentiment que nous n’aimerions pas qualifier mais qui devrait inquiéter tous les Sénégalais conscients et soucieux de l’harmonie, mieux, de l’amour qui doit prévaloir entre les différentes composantes de ce pays.
Les langues étant les outils d’expression, de communication mais aussi les éléments qui incarnent le plus l’identité des communautés humaines, toutes les décisions qui les concernent doivent être pesées et repesées minutieusement avant d’être arrêtées. À 70 ans passés, on peut s’autoriser certaines vérités, avec l’espoir qu’elles tomberont dans de « bonnes oreilles ». Le pulaar n’est pas une petite langue : il ne l’est pas au Sénégal où, sur le plan géographique, il est la première du pays mais aussi en Afrique où il occupe la 4ème place du point de vue du nombre des locuteurs et la première (des langues autochtones africaines) du point de vue de l’étendue géographique. Si l’histoire générale de l’Afrique a été publiée dans cette langue, ce n’est pas par hasard. Si le pulaar a été pressenti pour faire partie des langues de travail de l’Union Africaine, ce n’est pas non plus par hasard. Une telle langue ne peut pas être mise entre parenthèses ou étouffée comme un dialecte parlé par quelques individus. Cette vérité-là, tous les intellectuels wolofs lucides, épris de paix et de justice doivent l’admettre au lieu de faire la sourde oreille et de fermer les yeux sur ce qui se passe actuellement au risque de mettre en péril cette paix si appréciable que beaucoup d’Africains nous envient. Nous leur rappelons à cet égard une chose qu’ils n’ignorent pas, à savoir que le vrai intellectuel est celui qui s’implique pour combattre l’injustice. Nous ne voulons pas être un oiseau de mauvais augure : la tourmente nous menace déjà tant des frustrations de plus en plus difficiles à contenir s’accumulent. Et si nous voulons rester en paix, suivons ces grands pays cités ci-dessus et écoutons l’un de nos plus brillants intellectuels, pour ne pas le nommer, le Professeur Souleymane Bachir Diagne qui, courageusement, a recommandé, à plusieurs occasions le multilinguisme pour le nôtre. Que nos gouvernants refusent donc d’écouter le chant de certains tritons et s’engagent résolument et irréversiblement dans la voie d’un multilinguisme salvateur. Sur la base de la proposition de Samba Diouldé Thiam, « la possession d’au moins trois langues [dont le français], par tout élève qui termine le cycle primaire », il faut oser demander aux Wolofs de faire un effort d’ouverture vers les autres langues car le problème se pose surtout chez eux. Si l’option de l’officialisation devait être retenue, que ce soit, au minimum, avec nos trois premières langues qui s’imposent par leur poids démographique et géographique.
Livres en pulaar écrits par l’auteur :
– Paalél njuumri. Binndanɗe e jeewte (La gourde de miel, écrits et conférences), Dakar, Éditions Papyrus-GIE, 2000, 2005, 2019.
– Sawru Ganndal. Yoo Tuubaako artir jabbere mum (l’arme du savoir. Que le Blanc soit plus modeste), Dakar, Éditions Papyrus Afrique, 2005, 2019 ; existe aussi en audio (Chérif Ba, sur YouTube).
– Fulɓe gila Héli-e-Yooyo haa Fuuta Tooro (Les Peuls de Héli-et-Yoyo au Fouta Toro), Dakar, Éditions Papyrus Afrique/Presses Universitaires de Dakar, 2012.
Gacha élève Daba. La plasticienne camerounaise rend un hommage mérité à la musicienne sénégalaise, l’une des rares femmes à moto, à Dakar, en toute sérénité, avec une « liberté sans concession » et un caractère qui émerveillent les petites filles.
Deux ans après sa participation dans l’exposition internationale, l’artiste franco-camerounaise Beya Gille Gacha est de retour cette année à la 15è édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, Dak’Art 2024. Toujours avec la même finesse dans ses créations, Beya Gille Gacha a cette année proposé deux installations parmi lesquelles celle intitulée L’Amazone. Œuvre à travers laquelle elle rend un bel hommage à une autre artiste, la musicienne sénégalaise Daba Makhouredia, une des rares femmes motorisées à Dakar et dont la Camerounaise est prise d’admiration.
Ainsi, Gacha, la Camerounaise, a décidé de rendre plutôt un « femmeage » à Daba la Sénégalaise parce qu’inspirante, impressionnante. Pour Gacha, Daba s’affirme à travers sa personnalité, son caractère, « sa liberté sans concession » en se mettant souvent à moto sans se préoccuper du qu’en dira-t-on. Tant que sa manière d’être parle aux petites filles, et même aux petits garçons, ce n’est que du bien.
Pour Beya, Daba fait partie de ces personnes qui changent le monde en y apportant du « chaos » dans un sens mélioratif du terme. Elle parle de « l’ange du chaos ». A travers sa « liberté sans concession » Daba donne au monde une certaine « grandeur, de l’avis de la plasticienne.
Dans sa deuxième installation, l’artiste franco-camerounaise a proposé d’une création particulière, un objet en rapport avec la Seconde Guerre mondiale qui nous plonge dans la problématique de la préservation de l’environnement, du rapport de l’humain à la nature. Pour Beya Gille Gacha que l’Homme se résolve à protéger la nature ou pas, cela ne semble pas très grave parce que la nature « finira toujours par prendre ses droits. »
DABA, L’ANGE DU CHAOS
KOULIBALY RENOVE L’ECOLE DE PONT GENDARME DE NGANO
Après son village natal Ngano à Matam et Ourossogui, Kalidou Koulibaly est revenu à la charge pour encore mener des actions humanitaires cette fois-ci en faveur du secteur de l’éducation.
Baye DIAGNE correspondant permanent à St-Louis |
Publication 12/11/2024
Après son village natal Ngano à Matam et Ourossogui, Kalidou Koulibaly est revenu à la charge pour encore mener des actions humanitaires cette fois-ci en faveur du secteur de l’éducation. Le capitaine des Lions, à travers son Association « Capitaine du Cœur « et son partenaire Total Énergie, a procédé ce lundi 11 novembre, à Pont Gendarme, localité située dans la commune de Diama, dans le département de Dagana à l’inauguration des salles de classe de l’école élémentaire, qu’il a entièrement rénovée.
En plus de cela, le capitaine des Lions de la Teranga a remis des Kits scolaires et cinquante tables bancs à l’école. La cérémonie de remise symbolique a eu lieu en présence des acteurs de l’éducation, des populations, notabilités et élèves de la localité. Au total, le capitaine des Lions du Sénégal a offert cinquante tables bancs, et des kits scolaires à l’école de Pont Gendarme. Après la levée des couleurs, le défenseur d’Al Hilal en Arabie Saoudite a procédé à une visite guidée des salles de classe, de l’espace vert de l’école, avant de procéder à l’arrosage d’arbres et au dévoilement de la plaque. Kalidou Koulibaly s’est engagé à continuer à s’activer dans le social à chaque fois que le besoin se fera sentir. « Je ne suis pas natif de Saint-Louis, mais voir les jeunes en difficulté et les aider est très important pour moi. On va continuer sur cette lancée. Vous les jeunes, vous constituez l’avenir, on sait que c’est difficile, mais avec le travail, on peut atteindre tous les objectifs. Moi qui vous parle, je n’ai jamais été talentueux, mais je me suis toujours évertué à travailler avec acharnement. J’ai essayé de le faire à l’école, mais j’ai eu la chance d’être un footballeur professionnel. Tout ce que j’ai aujourd’hui, je vais essayer de vous le transmettre, car vous constituez le futur « a-t-il déclaré à l’endroit des élèves avant de remercier son partenaire Total énergie qui le soutient. Le défenseur central et capitaine des Lions trouve ce geste plus bénéfique pour lui que pour les bénéficiaires. Il a demandé aux jeunes de bien travailler à l’école, d’avoir de bons résultats pour disposer d’un métier stable. Koulibaly a faits avoir qu’il n’en est pas à sa première activité et ne compte pas s’arrêter. Il a promis de sensibiliser et d’inviter ses autres camarades et coéquipiers footballeurs à faire de même. Le natif de Ngano a exprimé sa volonté de mettre les jeunes dans les meilleures conditions pour leur permettre d’avoir une bonne éducation et un bon apprentissage pour qu’ils soient parmi les meilleurs dans le monde.
Un geste citoyen très apprécié par l’Inspecteur de l’Education et de la Formation de Dagana et le directeur de l’école de Pont Gendarme. «En quarante-huit heures, l’école de Pont Gendarme a complètement changé de visage .La centralité de tout c’est l’apprenant dans la classe, c’est pourquoi je demande au directeur de l’école de tout faire pour avoir les meilleurs résultats de la zone et que l’établissement puisse être cité en exemple « a-t-il indiqué. L’IEF de Dagana a également invité les autorités administratives, locales, à se joindre autour de l’école et les parents d’élèves à encadrer les enfants à la maison. « Nous devons rester patriotes quels que soit nos moyens, accompagner les jeunes et suivre l’exemple de Kalidou Koulibaly qui est natif de Matam, mais qui a jugé nécessaire d’aider les élèves de la région de Saint-Louis « a-t-il souligné. Les témoignages ont été unanimes sur le capitaine courage des Lions de la Teranga qui, malgré un calendrier très chargé a tenu à faire le déplacement pour rehausser de sa présence cet événement qui lui va droit au cœur. Kalidou Koulibaly a très tôt compris que le sport rime parfaitement avec action humanitaire. Depuis quelques années, le défenseur central international sénégalais s’active dans le social dans tous les domaines.