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22 novembre 2024
Éducation
LE PROJET EDUCATIF
Parmi les leviers stratégiques, il y a le septième qui concerne la promotion de l’enseignement de l’anglais, des sciences et technologies, du numérique et du développement durable
Parmi les leviers stratégiques, il y a le septième qui concerne la promotion de l’enseignement de l’anglais, des sciences et technologies, du numérique et du développement durable. Comme annoncé, le Men va aller vers l’intégration de l’anglais dans les apprentissages dès l’élémentaire.
Dans ce cadre, il est prévu l’élaboration de la note de cadrage d’intégration de l’anglais dans le dispositif d’apprentissage à l’élémentaire, le développement des outils et supports adéquats, l’élaboration et la mise en œuvre du plan de renforcement des capacités des enseignants.
S’agissant du développement de l’apprentissage des mathématiques, des sciences et technologies, il est annoncé la finalisation de la stratégie nationale de développement de l’enseignement des mathématiques, des sciences et technologies, sa mise en œuvre.
Pour le développement et la promotion du numérique, il s’agira de valider la stratégie de développement du numérique à l’école, de développer les contenus innovants (informatique, codage, robotique, Intelligence artificielle), d’élaborer et mettre en œuvre un plan de renforcement et un système d’évaluation des capacités numériques des enseignants. Dans ce cadre, les autorités comptent mettre «à niveau les capacités numériques des établissements scolaires (équipements informatiques, connectivité Internet et électricité)», «lancer le processus puis généraliser progressivement l’enseignement du numérique à l’école».
Quid du développement de l’apprentissage du développement durable ? Sur ce point, il est prévu l’élaboration de «la cartographie des stratégies et programmes dans le domaine du développement durable», la mise à jour et en œuvre de «la stratégie pour une éducation verte», l’intégration de la «problématique du développement durable dans la réforme curriculaire», le développement d’une «filière développement durable au niveau du secondaire».
Pour intégrer ces changements, il faudra évidemment procéder à la réforme des curricula, c’est d’ailleurs l’objet du neuvième levier stratégique. C’est ainsi qu’il sera mis en place un dispositif organisationnel et un cadre d’orientation de la réforme curriculaire et des équipes techniques et organes de pilotage de la réforme. C’est dans ce cadre également que sera élaborée une «stratégie de développement curriculaire aux niveaux central et déconcentré, et du processus de validation des productions».
De même, il est indiqué la réalisation de «l’évaluation diagnostique des curricula en cours (Ceb et programmes scolaires du moyen secondaire), l’élaboration du cadre d’orientation curriculaire (curriculum unifié, articulé et adapté) prenant en compte les orientations nouvelles : le numérique, les sciences et technologies, l’anglais, les langues nationales, les activités péri-para scolaires, l’éducation religieuse, les valeurs)».
L’argent étant le nerf de la guerre, les autorités en charge de l’éducation veulent développer des modes de financements innovants. Elles comptent donc diversifier le mode de financement de l’éducation avec la cartographie des projets et situation des ressources budgétaires, initier un projet de loi visant à introduire une taxe de l’éducation qui sera appliquée aux secteurs des mines, du pétrole et du gaz, créer une banque éducative.
LES 11 LEVIERS STRATEGIQUES POUR UNE SOCIETE EDUCATIVE INCLUSIVE ET EFFICIENTE
«Former à l’horizon 2035, un citoyen bien adossé à son socle endogène de valeurs africaines et spirituelles tout en étant préparé aux défis du développement durable, des sciences et technologies, du numérique et de l’Intelligence artificielle"
«Former à l’horizon 2035, un citoyen bien adossé à son socle endogène de valeurs africaines et spirituelles tout en étant préparé aux défis du développement durable, des sciences et technologies, du numérique et de l’Intelligence artificielle.» Telle est la vision déclinée par le Ministère de l’éducation nationale (Men) dans son nouveau plan sectoriel. Ledit plan est constitué de 11 leviers stratégiques.
Le système éducatif sénégalais va aussi faire sa mue. C’est en tout cas la volonté exprimée par les nouvelles autorités. Dans ce cadre, le ministère de l’Education nationale a défini une nouvelle vision pour «faire évoluer notre système éducatif vers une société éducative inclusive et efficiente, pour enfin former, à l’horizon 2035, un citoyen bien adossé à son socle endogène de valeurs africaines et spirituelles tout en étant préparé aux défis du développement durable, des sciences et technologies, du numérique et de l’Intelligence artificielle». Ce plan sectoriel du Men va s’appuyer, dans sa mise en œuvre, sur 11 leviers stratégiques. Le premier consiste à valoriser la profession enseignante pour une transformation systémique de l’éducation. Il est également prévu avec ce levier de «faire le bilan et mettre à jour le plan de résorption des déficits de personnel enseignant». Celui-ci est basé, entre autres, sur «la rationalisation de l’utilisation du personnel existant, le recrutement des besoins restants, le traitement des instances de gestion administrative des enseignants», la mise en place d’un «guichet unique pour faciliter le traitement des instances». Avec ce plan, le département dirigé par Moustapha Guirassy compte «trouver un accord définitif sur le traitement de la situation des décisionnaires (périmètre, impact financier et décret), vider toutes les instances de gestion administrative des enseignants», renforcer les capacités des enseignants, élaborer un plan d’optimisation des systèmes de formation, un plan de renforcement des compétences des enseignants «basé sur le référentiel de compétences, le référentiel de la qualité des enseignements…». Toujours concernant cet axe, le Men envisage de mettre en œuvre le plan d’optimisation des systèmes de formation, celui de mise à niveau des capacités des enseignants. Pour la motivation, la reconnaissance et la valorisation des enseignants, les autorités promettent d’élaborer un plan allant dans ce sens avec notamment la mise en œuvre d’un projet de logements sociaux.
Le deuxième levier de ce référentiel concerne l’amélioration du bien-être, de l’environnement et du cadre d’apprentissage de l’élève. Il s’agira, selon les services du ministère, d’élaborer et de mettre en œuvre «le nouveau plan de résorption des abris provisoires (salles de classe et ouvrages annexes)», de mettre «à niveau des infrastructures et équipements scolaires», d’élaborer «un plan de mise aux normes et construction des infrastructures scolaires intégrant : le plan d’amélioration du paquet minimum de services intégrés dans les écoles (électricité, eau, toilettes, mur de clôture, latrines, premiers soins…), le plan de construction des nouveaux établissements et classes, le plan de mise à niveau des équipements scolaires». Le nouveau projet pour le système éducatif tient aussi à l’amélioration du bienêtre des élèves. De ce fait, il est annoncé l’élaboration d’un plan en termes : «émotionnel et mental/Cadre de vie/Santé et alimentation /Protection et sécurité/Climat scolaire et prévention des violences», le renforcement des services d’accompagnement et de suivi psycho-social. Le troisième levier de ce projet, c’est de renforcer l’équité et l’inclusion sociale et scolaire. Sur ce point, il est souligné la finalisation et la validation de la politique nationale d’éducation inclusive, sa mise en œuvre et l’élaboration du plan de mise à niveau des instituts spécialisés pour les enfants et jeunes en situation de handicap lourd. Tenant en compte l’inclusivité et l’équité, les auteurs du document insistent sur un plan de mise à niveau afin de «développer le maillage territorial des instituts spécialisés pour les enfants et les jeunes» dans ladite situation. Dans leur nouveau projet, les autorités veulent aussi régler le problème de l’état civil des élèves en mettant en place un dispositif de régularisation. Dans ce référentiel du système éducatif, il est prévu l’optimisation de l’éducation non formelle. Pour y arriver, les autorités vont d’abord procéder à la cartographie, à l’état des lieux des initiatives et projets d’éducation non formelle, des enfants hors système scolaire, la finalisation de l’évaluation des classes passerelles, la définition d’une nouvelle stratégie d’optimisation de l’éducation non formelle.
Il était annoncé la généralisation et l’accélération de l’introduction des langues nationales. Ce sujet est le quatrième levier stratégique du nouveau projet du système éducatif avec la définition de la politique linguistique, l’élaboration de la cartographie linguistique, la finalisation de la codification des langues nationales, l’évaluation de la mise en œuvre du Programme modèle harmonisé d’enseignement bilingue au Sénégal (Mohebs), définition d’une nouvelle stratégie de généralisation de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif.
Voulant bâtir l’éducation et la formation sur un socle inclusif, les auteurs du document parlent de favoriser l’émergence d’une société éducative par le développement des daaras, de l’éducation religieuse et d’autres modèles alternatifs. Pour cela, il est annoncé la mise en place du cadre juridique et de concertation des daaras, la revue du projet de loi portant leur statut, sa validation, le développement et l’intégration des daaras dans le système éducatif, l’élaboration de la cartographie nationale des daaras, la mise en œuvre et la généralisation du curriculum daara moderne, l’élaboration d’un plan de développement des passerelles vers les filières de formation professionnelle.
L’une des innovations dans ce référentiel, c’est le développement de l’éducation religieuse. Les autorités informent ainsi qu’il sera mis en place un comité de réflexion sur le développement de l’éducation religieuse, l’élaboration d’un programme sur ce sujet adapté à nos valeurs nationales, son introduction dans le curriculum révisé, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de formation des enseignants pour ledit programme. Ouvrant de nouvelles perspectives, les initiateurs du projet envisagent de développer des modèles alternatifs d’éducation et de faire une étude sur les stratégies de valorisation et capitalisation des savoirs endogènes.
CICODEV VEUT UNE GENERALISATION DES CANTINES SCOLAIRES DANS LES ETABLISSEMENTS PUBLICS
Dans une note publiée hier, mardi 15 octobre, l’organisation demande aux décideurs et parlementaires d’intégrer le financement durable des cantines scolaires dans les politiques publiques pour assurer un accès continu à des repas sains.
À l’occasion de la Journée mondiale de l'alimentation célébrée ce mercredi 16 octobre, CICODEV Afrique invite tous les acteurs à se mobiliser pour garantir un accès à une alimentation scolaire durable et locale.
Dans une note publiée hier, mardi 15 octobre, l’organisation demande aux décideurs et parlementaires d’intégrer le financement durable des cantines scolaires dans les politiques publiques pour assurer un accès continu à des repas sains.
Le plaidoyer envers la société civile est qu’elle s’engage dans la sensibilisation à la consommation d'aliments sains et locaux, tout en favorisant l'agroécologie pour préserver la qualité des sols et la biodiversité. Le soutien financier des initiatives qui encouragent la production locale et les cantines scolaires afin de créer un impact direct sur la santé des enfants et des communautés, est une sollicitation envers les partenaires et bailleurs de fonds.
Pour CICODEV, l'alimentation scolaire durable ne se limite pas à nourrir les enfants. Elle représente un outil puissant pour lutter contre la malnutrition et prévenir l'émergence des Maladies Non Transmissibles (MNT) telles que le diabète, l'hypertension artérielle, et les maladies cardiovasculaires chez les enfants.
« En favorisant des repas équilibrés à base de produits locaux riches en nutriments, nous contribuons à l’amélioration de la santé de nos enfants, mais également à la réduction des risques liés aux maladies précitées », a dit CICODEV qui juge en outre que le renforcement des chaînes d’approvisionnement locales garantit non seulement une meilleure qualité nutritionnelle, mais apporte un soutien précieux à l'économie locale en rejetant les Organismes génétiquement modifiés OGM.
LA BANQUE MONDIALE SOULIGNE L’URGENCE DE REFORMER L’EDUCATION
Selon la Banque mondiale, « malgré les signes d'une reprise économique fragile, la croissance s’enlise en Afrique subsaharienne, menaçant de laisser de côté un grand nombre de jeunes ».
La Banque mondiale appelle à une réforme de l’éducation pour permettre une croissance plus rapide et inclusive en Afrique. « Actuellement, en Afrique subsaharienne, sept enfants sur dix n’ont pas accès à un enseignement préprimaire, et moins de 1,5 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans suivent une formation professionnelle, contre 10 % dans les pays à revenu élevé. Il est indispensable de combler ces lacunes pour permettre à l’Afrique subsaharienne de réaliser tout son potentiel économique et d’assurer une croissance durable et inclusive. Il est également essentiel de soutenir l’entrepreneuriat et les nouvelles startups, de permettre aux petites entreprises de se développer ainsi qu'attirer des entreprises établies, afin que les titulaires de diplômes qualifiés trouvent des opportunités d’emploi attractives lorsqu’ils entrent et progressent sur le marché du travail », lit-on dans un communiqué en date du 14 octobre dont nous avons reçu copie.
Selon la Banque mondiale, « malgré les signes d'une reprise économique fragile, la croissance s’enlise en Afrique subsaharienne, menaçant de laisser de côté un grand nombre de jeunes ». « Selon la dernière édition du rapport Africa’s Pulse, qui paraît aujourd’hui (hier) sous le titre Transformer l’éducation pour une croissance inclusive, deux facteurs sont essentiels pour parvenir à relancer la croissance : il faut, d’une part, stabiliser les économies et, d’autre part, transformer l’éducation de manière à doter une main-d’œuvre en plein essor de bases de connaissances plus solides et de compétences en adéquation avec les attentes du marché du travail », rapporte la source.
Les gouvernements africains progressent dans leurs efforts de stabilisation des finances et de réduction des déficits budgétaires, souligne Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. Mais le lourd fardeau de la dette limite leurs investissements dans des secteurs cruciaux comme l’éducation, la santé et les infrastructures, qui sont essentiels pour une croissance inclusive à long terme », indique le document.
En effet, la Banque mondiale fait savoir que « la population en âge de travailler augmente à un rythme plus rapide en Afrique que dans les autres régions, à la faveur des progrès de ces vingt dernières années dans la réduction de la mortalité infantile ». « Or, l’Afrique subsaharienne est aussi la région du monde qui consacre le moins de dépenses par habitant à l'éducation. Les auteurs d'Africa's Pulse estiment que, pour parvenir à une éducation universelle d'ici 2030, les systèmes éducatifs devraient absorber environ 170 millions d'enfants et d'adolescents supplémentaires, ce qui nécessiterait la construction d'environ 9 millions de nouvelles salles de classe et le recrutement de 11 millions d'enseignants », a-t-elle ajouté. Non sans dire : « Le défi est de taille, mais la région a déjà accompli des avancées importantes : à l’heure actuelle, 270 millions d’enfants sont scolarisés dans le primaire et le secondaire, et les taux d’achèvement des études primaires se sont considérablement améliorés depuis 2000 ».
VERS DE NOUVEAUX INSTITUTS SPÉCIALISÉS POUR ENFANTS À BESOINS SPÉCIAUX
Le nouveau référentiel de politiques publiques insiste sur la nécessité de développer une éducation inclusive pour ces enfants. Parmi les mesures phares, figure la construction d'instituts spécialisés et la formation d’enseignants en méthodes adaptées.
Dakar, 15 oct (APS) – Les orientations du nouveau référentiel de politiques publiques “Vision 2050”, relativement au secteur de l’éducation, portent sur plusieurs mesures dont la construction de nouveaux instituts spécialisés pour les enfants à besoins spéciaux.
“Il urge de prendre en charge les enfants à besoins spéciaux à travers la construction d’instituts spécialisés pour la mise à l’échelle d’une éducation inclusive sur tout l’étendue du territoire”, peut-on lire dans ce document de politique de développement rendu public lundi.
Selon le document, ”il s’agit de donner les mêmes chances aux enfants et jeunes handicapés avec la codification et l’harmonisation des langages de signes, l’amélioration de l’environnement pédagogique, la prise en compte de la situation des handicapés dans les structures d’enseignements”.
Il réaffirme l’ambition des pouvoirs publics sénégalais d’aller vers la formation d’une masse critique d’enseignants en méthodes spécialisées (braille, langage des signes, orthophonistes, etc.)
Dans cet esprit, le nouveau référentiel des politiques publiques recommande la construction d’imprimeries brailles, de bibliothèques sonores et d’institutions sonores pour non-voyants, malvoyants et sourds.
L'ETAT VEUT SCOLARISER 90% DE SES ENFANTS A L'HORIZON 2050
Le gouvernement s’est fixé comme objectif de scolariser au moins 90 % des enfants en âge d’aller à l’école dans les prochaines années, en améliorant la qualité des services publics scolaires en milieu rural
Dakar, 15 oct (APS) – Le gouvernement s’est fixé comme objectif de scolariser au moins 90 % des enfants en âge d’aller à l’école dans les prochaines années, en améliorant la qualité des services publics scolaires en milieu rural notamment, selon son programme de développement “Sénégal 2050”.
Dans ce document présenté lundi 14 octobre aux partenaires économiques et financiers de l’État et au secteur privé, les autorités disent vouloir faire en sorte que chaque enfant scolarisé obtienne “un diplôme ou une reconnaissance officielle d’acquisition de compétences”.
L’État promet en même temps d'”offrir une éducation de qualité à tous”.
Au Sénégal, le taux brut de scolarisation, qui évalue l’accès des individus scolarisables par cycle, était en 2023 de 18,2 % pour le préscolaire, 81,0 % pour le primaire, 50,6 % pour le moyen et 30,3 % pour le secondaire, indique l’Agence nationale de la statistique et de la démographie.
“La proportion de femmes pauvres et inactives aura été considérablement réduite, par le biais de programmes ciblés de formation, d’accompagnement et de suivi pour leur autonomisation professionnelle”, lit-on dans le programme de développement “Sénégal 2050”.
L’État envisage aussi de prendre des mesures de prévention des grossesses précoces et d’instaurer des programmes de rattrapage pour les jeunes filles en situation de décrochage scolaire.
Des formations destinées aux femmes adultes seront dispensées pour favoriser leur accès aux emplois, selon le document.
SEPT ENFANTS SUR DIX N’ONT PAS ACCES A UN ENSEIGNEMENT PREPRIMAIRE
Se fondant sur un rapport d’Africa’s Pulse, le Groupe de la banque mondiale a alerté hier les pays de l’Afrique de l’Ouest sur l’urgence de «réformer l’Education» afin d’arriver à une croissance inclusive.
Se fondant sur un rapport d’Africa’s Pulse, le Groupe de la banque mondiale a alerté hier les pays de l’Afrique de l’Ouest sur l’urgence de «réformer l’Education» afin d’arriver à une croissance inclusive. S’il est ressorti de ce tableau qu’en «2024, le service de la dette absorbera 34% des recettes publiques» des pays comme le Sénégal, l’étude note que le système éducatif «devraient absorber 170 millions d’enfants et d’adolescents supplémentaires».
Comme moteur de croissance, le système éducatif en Afrique subsaharienne est miné par un déséquilibre qui risque de freiner des pays à l’image du Sénégal. C’est l’essence d’un communiqué d’alerte du Groupe de la banque mondiale publié ce lundi. «Actuellement, en Afrique subsaharienne, sept enfants sur dix n’ont pas accès à un enseignement. pré primaire, et moins de 1,5% des jeunes âgés de 15 à 24 ans suivent une formation professionnelle, contre 10% dans les pays à revenu élevé. Il est indispensable de combler ces lacunes pour permettre à l’Afrique subsaharienne de réaliser tout son potentiel économique et d’assurer une croissance durable et inclusive», a demandé l’organisation financière basé à Washington. S’appuyant sur un rapport d’Africa’s Pulse, le Groupe de la banque mondiale estime que, pour parvenir à une éducation universelle d’ici 2030, les systèmes éducatifs «devraient absorber environ 170 millions d’enfants et d’adolescents supplémentaires, ce qui nécessiterait la construction d’environ 9 millions de nouvelles salles de classe et le recrutement de 11 millions d’enseignants» dans l’espace ouest-africain.
0,5% de croissance du Pib par habitant en 2024
D’après les prévisions de la 30e édition du rapport économique semestriel de la Banque mondiale sur l’Afrique subsaharienne, l’activité régionale devrait croître de 3% en 2024, contre un point bas de 2,4% en 2023, principalement grâce à la hausse de la consommation et de l’investissement privés. «L’inflation devrait s’atténuer, pour passer de 7,1% en 2023 à 4,8% cette année, sous l’effet de politiques monétaires et budgétaires plus strictes, de la stabilisation des devises et d’une diminution des perturbations d’approvisionnement», a indiqué le Groupe de la banque mondiale. Toutefois, l’institution financière précise que cette reprise est toutefois insuffisante pour sortir des millions de personnes de la pauvreté. «La croissance du Pib par habitant reste atone, à 0,5% seulement en 2024, contre une moyenne de 2,4% sur la période 2000-2014. Les conflits, le changement climatique et l’explosion des coûts du service de la dette sont autant de freins aux progrès. En 2024, le service de la dette absorbera 34% des recettes publiques dans la région, au détriment des investissements productifs», s’est projette le rapport.
EDUCATION ET FORMATION, LE SENEGAL AMORCE UNE DYNAMIQUE
Le nouveau régime a pris plusieurs engagements pour asseoir un système éducatif et une formation professionnelle et technique de qualité dans sa Stratégie nationale de développement 2025-2029.
Malgré les efforts consentis par les régimes précédents, des maux continuent de gangrener l’école sénégalaise. Face à cet état de fait, le nouveau régime a pris plusieurs engagements pour asseoir un système éducatif et une formation professionnelle et technique de qualité dans sa Stratégie nationale de développement 2025-2029.
Plusieurs difficultés plombent le secteur de l’éducation et de la formation. Il s’agit par exemple de la faible contribution de l’éducation au capital humain, d’une forte déperdition scolaire, d’une insuffisance dans la prise en charge des personnes handicapées et d’une faible intégration des daara et des langues nationales. Dans le document de la Stratégie nationale de développement 2025-2029 de Vision Sénégal 2050, une éducation encore faiblement tournée vers les TIC et des investissements en infrastructures dans l’enseignement supérieur toujours insuffisants résultent aussi de l’état des lieux du secteur. C’est pourquoi le gouvernement a évoqué plusieurs engagements pour asseoir un système d’éducation et de formation professionnelle et technique de qualité. Sur ce, il compte améliorer la gouvernance, la qualité et le financement du système éducatif.
Pour la réalisation de cet effet, il s’agira de renforcer l’efficacité et l’efficience des dépenses d’éducation par une plus grande responsabilisation des acteurs à la base et des populations bénéficiaires dans la gestion des établissements scolaires et des performances, notamment à travers la promotion et le renforcement de la gouvernance des Conseils de Gestion d’Ecoles ou d’Etablissements (CGE) ; de procéder à un recrutement suffisant d’enseignants bien formés ; de renforcer le développement intégré de la petite enfance ; de densifier la carte scolaire et universitaire ; de réduire la déperdition scolaire », lit-on dans le document. Toujours pour atteindre cet objectif, le gouvernement va « promouvoir l’alphabétisation des jeunes et des adultes dans les langues nationales ; repenser les curricula dans les différents cycles et entre eux, promouvoir le bilinguisme et aligner les partenaires à la stratégie de responsabilisation des acteurs et élus locaux à la base ». En effet, les nouvelles autorités misent aussi sur l’effectivité de l’intégration des « daaras » dans le système éducatif pour asseoir un système d’éducation et de formation professionnelle et technique de qualité. « Pour ce faire, il faudra, notamment renforcer la modernisation des daaras notamment en réformant le curricula ; mettre en place un centre de formation des maitres coraniques ; introduire la formation professionnelle dans les daaras ; engager des concertations inclusives sur l’insertion des daaras dans le système éducatif et réglementer l’enrôlement pour une meilleure organisation des enseignements.
La nouvelle vision du gouvernement consiste également à renforcer l’éducation des enfants handicapés avec « la construction de nouveaux instituts spécialisés (imprimeries brailles, bibliothèques sonores, institutions sonores aux non-voyants, malvoyants et sourds) ; la mise à l’échelle d’une éducation inclusive de qualité sur l’étendue du territoire ; le renforcement du système des Assistants de Vie scolaire (AVS) ; la facilitation de l’obtention de la Carte d’Égalité des Chances (CEC) aux enfants et jeunes handicapés ; la codification et l’harmonisation des langages de signes », entre autres.
A propos du développement de la formation professionnelle et technique, le nouveau régime entend le matérialiser à travers « la définition d’une offre de formation adaptée aux besoins de chaque pôle ; la généralisation de l’approche par les compétences ; la réorientation de certains élèves de l’enseignement général vers la formation professionnelle et technique ; l’orientation de 30% des sortants du cycle fondamental vers la formation professionnelle et technique ; le renforcement des dispositifs d’apprentissage et de formation duals ; l’amélioration du dispositif des unités d’apprentissage et de production; le renforcement de la gouvernance déconcentrée de la FPT et l’amélioration du financement de la FPT »
Concernant l’enseignement supérieur, son renforcement est prévu. « Pour une adéquation avec le marché de l’emploi, il est important d’aligner les offres de formation des universités aux besoins sociaux économiques du pays. Pour ce faire, il s’agira d’élaborer et mettre en œuvre une stratégie nationale de développement d’un enseignement supérieur adapté ; de réguler l’enseignement privé; réformer les curricula au niveau de l’enseignement supérieur ; de renforcer l’accès à l’Enseignement supérieur orienté vers les Sciences, Technologie, Ingénierie et Mathématiques (STEM) en rapport avec les pôles territoriaux ; d’améliorer la gouvernance et la qualité de l’enseignement supérieur ; et de renforcer la coopération, la mobilité et la recherche entre les universités, l’administration publique, le secteur privé et les centres de recherche ».
UNE STABILISATION A RUDE EPREUVE
Entre alerte de syndicalistes, menaces d’étudiants et grève d’enseignants vacataires, la rentrée universitaire 2024-2025 démarre sous hypothèque. Ce, alors que la stabilisation de l’année universitaire demeure une priorité pour les nouvelles autorités.
Entre alerte de syndicalistes, menaces d’étudiants et grève d’enseignants vacataires, la rentrée universitaire 2024-2025 démarre sous hypothèque. Ce, alors que la stabilisation de l’année universitaire demeure une priorité pour les nouvelles autorités.
Depuis sa prise de fonction en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Dr Abdourahmane Diouf a fait montre de détermination pour la stabilisation de l’année universitaire. Pour cause, depuis une dizaine d’années, le calendrier académique au niveau de l’enseignement supérieur est complètement déréglé en raison des grèves des divers démembrements de la communauté universitaire, de la massification notamment à l’Ucad, des problèmes d’infrastructures, des facteurs politiques. Ce qui compromettait le bon déroulement des enseignements et avait un impact financier. Lors du séminaire sur la stabilisation de l’année universitaire organisé à Saly en juin dernier qui a réuni les acteurs-clés de l’enseignement supérieur, sept mesures ont été prises. «Les bacheliers de cette année pourront s’inscrire dès le 21 octobre 2024, correspondant au troisième lundi du mois d’octobre. […] Les étudiants de 2022-2023 commenceront dès le 1-er juillet, tandis que ceux de 2023-2024 débuteront au plus tard le 25 février 2025 », avait fait savoir Dr Abdourahmane Diouf. Il s’est ainsi fixé un délai de 16 mois pour stabiliser l’année universitaire au vu de différents défis notamment la finalisation des infrastructures, le recrutement d’enseignants entre autres.
En effet, l’ouverture du campus social de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar est fixée au 19 octobre prochain mais la rentrée universitaire risque de connaitre quelques difficultés. L’Intersyndicale du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) sonne déjà l’alerte. En conférence de presse avant-hier, jeudi 10 octobre, elle a dénoncé le déficit budgétaire de 10 milliards et annoncé des difficultés au sein du campus social. « Nous devons donc à la vérité de dire que nous allons vers des difficultés car les repreneurs menacent d’arrêter les prestations à cause de la dette qui leur est due. La plupart des hôpitaux ont bloqué les travailleurs du Coud à cause de la dette qui leur est due et pour rappel, les évènements du 1er juin 2023 ont causé l’incendie de tous les bus de transport du personnel du Coud, des véhicules des agents, le saccage de nos locaux et de notre outil de travail », a-t-elle fait savoir.
A l’université Gaston Berger de Saint-Louis, la rentrée devrait avoir lieu le 1er octobre dernier. La Coordination des étudiants de Saint-Louis qui avait demandé aux étudiants de rester chez eux, avait fini par suspendre son mot d’ordre après une rencontre avec les autorités. « Ce jeudi 3 octobre 2024, la CESL a rencontré les autorités du MESRI qui, sur des bases solides et preuves à l'appui, nous ont confirmé le démarrage des travaux du chapiteau du restaurant N°2 ainsi que la plateforme du village O d'ici la semaine prochaine. Compte tenu de ces nouveaux engagements clairs et précis en plus des avancées majeures notées sur la question cruciale de l'assainissement qui causait énormément de soucis aux étudiants, la Coordination des Étudiants de Saint-Louis en toute responsabilité a décidé de suspendre son mot d'ordre. Ainsi, les activités pédagogiques reprendront le lundi 7 octobre 2024. Nous accordons ainsi un délai de trois semaines aux autorités pour le démarrage effectif des travaux annoncés », lit-on dans un communiqué. La même source ajoute : « En cas de non-respect des délais fixés, la Coordination des Etudiants de Saint-Louis ne lésinera sur aucun moyen à faire appel à son arsenal syndical afin de rétablir l'étudiant dans ses droits les plus absolus et toute conséquence qui en découlera de cette situation sera sous leur entière responsabilité ».
A l’Université Alioune Diop de Bambey, des perturbations sont déjà notées avec une grève de 72heures des enseignants vacataires à compter du mardi 8 octobre 2024. Ils dénoncent le non-paiement des salaires et les lenteurs dans le traitement des heures de vacation. Ils exigent également une meilleure prise en charge du retard de trois semestres dans le paiement des heures de vacation et l'arrêt de la réduction des heures de vacation.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
LITTÉRATURE : CITOYENNETÉ ET DÉMOCRATIE
EXCLUSIF SENEPLUS - La vision de l’écrivain doit interagir avec le monde qui l’entoure et qui est en perpétuelle mutation. Et son travail doit s’inscrire dans un combat citoyen, dans un combat démocratique
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 11/10/2024
Dans toute civilisation et son histoire, il existe des vecteurs qu’il convient d’étudier afin de mieux comprendre les fonctionnements d’une société.
La littérature est un terrain immense d’exploration, à la fois dans le domaine culturel et artistique, mais aussi dans sa dimension historique qui façonne nos civilisations.
A travers les époques et les territoires, la littérature constitue un vaste champ d’étude qui mérite quelques éclairages.
L’étymologie du mot « littérature » vient du latin « litteratura » qui signifie tout d’abord « écriture » puis « érudition ». Dans son sens premier, la « littérature » regroupe « l’ensemble des connaissances et de la culture générale ». On voit bien ici que la littérature comprend la somme de tous les savoirs humains dans tous les domaines.
Autrement dit, l’homme de lettres est un érudit capable de s’exprimer sur des sujets très amples. D’autre part, la littérature est aussi une forme d’écrit qui comporte des préoccupations esthétiques qui s’apparentent à une pratique artistique.
La littérature est donc la somme des œuvres écrites sur les connaissances et qui respecte les exigences esthétiques du genre.
Mais cette introduction définitionnelle n’est pas suffisante, il convient également d’observer, à travers l’histoire, l’impact de la littérature sur la culture et l’organisation des civilisations.
On peut donc se demander comment la littérature peut influer sur les agissements d’une société et plus particulièrement ici quel est son rôle dans l’exercice de la citoyenneté et de la démocratie.
Si nous prenons l’exemple de la littérature de l’Égypte pharaonique, celle-ci avait pour principal objet la « maat », c’est-à-dire la justice ou encore la notion de l’équilibre démocratique. Ainsi, on peut dire que c’est un des premiers actes de la citoyenneté dans l’histoire de l’humanité.
L’exercice de la justice, de la démocratie, de la citoyenneté était fortement présent dans la société de l’Égypte pharaonique et ces exigences habitaient tout naturellement la littérature de l’époque. Il y a fort à parier que la littérature elle-même jouait un rôle majeur dans l’orientation humaine et sociale de cette période.
Si l’on regarde du côté de la Grèce antique, qui est une base fondamentale de la culture occidentale, on constate que le travail du philosophe Socrate a puissamment influencé cette civilisation. Socrate avait dans l’idée de travailler pour la conversion morale de ses concitoyens. Il s’était donné pour mission de rendre conscients les Athéniens de leur ignorance en instaurant la science de soi-même. Il n’enseignait pas la rhétorique et vivait pauvrement. Ainsi il s’est imposé aux yeux de tous comme un véritable citoyen, dénué d’intérêt particulier, qui s’interrogeait sérieusement sur la vie politique et s’opposait au caractère démagogique de la démocratie athénienne. Il fut d’ailleurs combattu pour sa rupture avec l’exercice religieux de l’époque qu’il ne reconnaissait pas et fut condamné à mort. Emprisonné, il refusa de s’évader car le respect des lois de la Cité était plus important que sa propre personne.
Un des concepts les plus présents dans la société occidentale et développé par Socrate est la devise « connais-toi toi-même ». Il s’agit ici de s’observer en tant qu’être pensant, en s’élevant au-dessus de ses sentiments particuliers et de ses opinions, qui ne sont la plupart du temps, selon Socrate, qu’une illusion de données. Socrate pensait que l’ignorance de soi-même faisait de l’homme un dépendant ou un esclave de ses opinions. En revanche, la connaissance de soi rend libre et donne à l’homme la capacité de se suffire à lui-même.
On voit bien ici, même si l’on se refuse de systématiser, combien la pensée de Socrate a imprégné la culture occidentale qui s’est approprié, et ce de manière constante, cette figure socratique de la connaissance de soi pour parvenir à une forme équilibrée entre l’existentiel, cher à Sartre, et la libre démocratie partagée par tous.
De même, on peut retrouver cette trace héritière de Socrate dans la vie et l’œuvre de Victor Hugo. Voici un homme qui est considéré comme l’un des plus importants écrivains de langue française tout en ayant marqué l’histoire politique du XIXe siècle par ses engagements. Romancier, essayiste, dramaturge, poète et penseur social, Victor Hugo a contribué à faire bouger les lignes conservatrices de la France du XIXe siècle. Réformiste, il souhaitait changer la société en dénonçant violemment l’injustice sociale. Il s’est engagé à la résistance sous toutes ses formes et a été un farouche abolitionniste de la peine de mort. Ainsi toute la littérature de Victor Hugo est empreinte de ses combats et s’inscrit véritablement dans une esthétique engagée qui contribue à faire grandir les connaissances de l’époque. L’œuvre et la personnalité de Victor Hugo ont marqué la société française et les écrivains du XXe siècle qui ont vu en lui une sorte de Socrate moderne qui avait repris le flambeau de la justice et de la démocratie.
Il en va de même pour Aimé Césaire, grand écrivain contemporain, qui reprend à son compte la philosophie socratique du « connais-toi toi-même ». Cahier d’un retour au pays natal est un long plaidoyer de la conscience négro-africaine. Aimé Césaire plonge sa plume dans les racines africaines et le sang de l’esclavage à travers une œuvre magistrale qui se place au-delà de sa propre quête. La déclaration, « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir », est bien la démonstration de la volonté majestueuse d’Aimé Césaire de porter l’histoire à nu du monde noir dans un esprit de justice sincère et qui allie esthétisme littéraire et promesse. La justice écoute aux portes de la beauté, écrit-il encore. D’ailleurs, toute l’œuvre de Césaire est traversée de cette soif, parvenir à l’écriture érudite et littéraire du monde négro-africain tout en demeurant un citoyen à part entière. Ce qu’il tiendra jusqu’à ses derniers jours sans jamais céder à ses propres intérêts mais répondant seulement à la justice de ses concitoyens antillais, de ses frères africains mais aussi de l’humanité toute entière sensibilisée à sa parole poétique et engagée. A ce titre, Aimé Césaire a profondément marqué le paysage littéraire francophone du XXe siècle de manière unique et son œuvre porte la trace monumentale de ses combats. A travers les écrits du poète philosophe martiniquais, on peut mesurer toute la signification du rôle de la littérature dans l’exercice d’une citoyenneté authentique qui se réclame de la liberté des hommes à exprimer ce qu’ils sont pour être au service de la société, de la culture et de la civilisation.
Si l’on regarde de plus près la littérature africaine contemporaine, il existe également des figures qui répondent à cet engagement artistique qui vient caresser les frontières citoyennes et humaines.
Je citerai tout d’abord pour exemple l’auteure Mariama Ba dont on peut dire que Une si longue lettre, ouvrage publié en 1979, a profondément marqué plusieurs générations de la société sénégalaise. Enseignante et militante engagée dans l’éducation et le droit des femmes, Mariama Ba, à travers son œuvre pourtant brève, a réussi à mettre au centre les problématiques de la société sénégalaise et africaine, telles que la polygamie, les castes ou encore l’exploitation des femmes.
Comme pour Victor Hugo ou Aimé Césaire, la littérature est au service de la cause à défendre, comme une sorte de serment qui va au-delà du simple exercice esthétique. Mais encore une fois, ce qui permet l’appropriation du message par les lecteurs est la forme stylistique qui par sa puissance universelle, son authenticité éclaire la vision de l’écrivain qui observe une société qui doit évoluer et se moderniser. La sincérité humaine et littéraire est au cœur de l’œuvre de Mariama Ba, ce qui à coup sûr en assure la légitimité et la longévité. Il y a aussi ici la question de la transmission, ce que propose Mariama Ba est bien de l’ordre éducationnel. Par un sens pédagogique aigu, elle rappelle la question des valeurs humaines, sociales et morales qui ne doivent pas faiblir et provoquer des injustices criantes, notamment à l’égard des femmes. En ce sens, on peut dire que la littérature de Mariama Ba appelle à plus de justice au sein de la société sénégalaise en bousculant les codes et en proposant des ruptures profondes à la fois sociales et littéraires.
L’autre exemple dans la littérature africaine qui offre une alliance entre l’esthétisme et l’engagement est la production d’Aminata Sow Fall. Femme de lettres sénégalaise, romancière, Aminata Sow Fall est l’une des pionnières de la littérature africaine francophone. A travers ses romans, elle porte un regard critique sur la société sénégalaise, alors en pleine mutation, dont elle dénonce l’hypocrisie et l’idéologie patriarcale. Enseignante, Aminata Sow Fall participe également à la valorisation de la littérature, des arts et de la culture au Sénégal. Toute son œuvre [1] et les thèmes qu’elle aborde sont en lien avec les préoccupations de la société sénégalaise. Dans La grève des bàttu, par une construction fictionnelle habile, elle fustige les autorités qui préfèrent ignorer la misère pour développer le tourisme et l’argent-roi. Ainsi, en superposant l’imaginaire qui traverse le réel, l’auteur parvient à ébranler, à remettre en cause le fonctionnement d’un système dont chacun réclame plus de justice et d’équité. Comme Aminata Sow Fall le dit elle-même, « l’artiste n’est pas une tour d’ivoire. Son rêve ne l’empêche pas de sentir le bouillonnement de la Cité ».
Oui, l’artiste, l’écrivain ne vit pas retranché dans un monde irréel dont les personnages qu’il invente ne seraient que des pantins désarticulés. L’expression artistique est une forme d’engagement en soi, sans artifice, ni discours partisan. Au fond, l’expression des œuvres reflète tout simplement l’expression humaine. Et comme il y a autant d’écrivains qu’il y a d’êtres humains, si différents soient-ils, certains se distinguent par une exigence artistique engagée qui bouleverse à la fois le champ littéraire et la structure sociale dans laquelle ils évoluent.
La pensée de Socrate, les pamphlets de Victor Hugo, le souffle poétique d’Aimé Césaire, la sensibilité de Mariama Ba, l’inventivité d’Aminata Sow Fall portent la marque d’éléments fondateurs des valeurs de liberté, de citoyenneté et de démocratie. Chacun en son genre, a participé à l’évolution de la pensée d’une société à travers la littérature et la création.
C’est pourquoi je pense qu’il est nécessaire aujourd’hui, dans le monde qui est le nôtre, parsemé d’imperfections, d’injustices de plus en plus sévères, de dysfonctionnements divers, que les écrivains africains, et aussi plus largement les artistes, doivent travailler pour réveiller les consciences, faire en sorte que l’engagement artistique soit en phase avec les révolutions qui émergent.
La vision de l’écrivain doit interagir avec le monde qui l’entoure et qui est en perpétuelle mutation. Et son travail doit s’inscrire dans un combat citoyen, dans un combat démocratique. Oui, il s’agit bien, à travers la littérature, de contribuer à faire émerger l’esprit africain citoyen, l’esprit africain démocrate. De reconsidérer que les institutions, garantes d’une équité plus solide, puissent nous permettre de nous élever vers la voie de l’harmonie et de la justice.
La littérature, la poésie, l’art en général, doit permettre l’anéantissement de l’adversité malsaine, ces mauvaises habitudes qui ensevelissent la créativité telles que la corruption, le népotisme ou le marchandage éhonté des privilèges.
Oui, la dimension humaine, la démarche citoyenne, l’acte démocratique doivent reprendre le flambeau au sein de nos sociétés et revenir au centre de nos préoccupations. C’est un préalable fort à la dynamique de la renaissance africaine et du développement.
Amadou Elimane Kane est enseignant et poète écrivain.
[1] Les romans d’Aminata Sow Fall sont devenus des classiques de la littérature sénégalaise et sont inscrits dans les programmes d’enseignement.