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19 février 2025
Éducation
L'ÉCOLE ÉPARGNÉE EN 2024 MALGRÉ LA CRISE SOCIO-POLITIQUE
Malgré une année marquée par des tensions, le secteur de l’éducation a traversé cette période tumultueuse sans perturbations majeures. Un équilibre préservé grâce à la retenue des syndicats et au dialogue engagé entre les acteurs éducatifs.
Dakar, 31 déc (APS) – Le secteur de l’éducation, régulièrement confronté à des crises liées à des grèves d’élèves et d’enseignants, a vécu une relative accalmie en 2024, aux termes de laquelle aucun dysfonctionnement majeur n’a été enregistré qui contraindrait, comme c’est souvent le cas, autorités et acteurs scolaires à s’investir pour « sauver » l’année scolaire.
Il y avait pourtant fort à craindre, au regard des tensions enregistrées depuis plusieurs années, une crise socio-politique quasiment sans précédent qui faisait de la présidentielle de 2024 la mère de toutes les batailles politiques.
Cette situation présageait de potentielles perturbations scolaires, d’autant que l’espace de l’école se trouvait déjà « pollué » par les violences sociopolitiques de mars 2021 et leurs lots d’incarcérations d’enseignants et d’élèves, suivies de marches et de grèves pour réclamer la libération des acteurs scolaires concernés.
« Il n’y a pas grand-chose à retenir de l’éducation pour 2024 du fait de la Coupe d’Afrique des nations (janvier) et de la crise sociopolitique que notre pays a connue. Les syndicats d’enseignants ont préféré taire leurs revendications », a confié le secrétaire général du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (SELS), Amidou Diédhiou.
« Même si cette crise politique a failli conduire à des perturbations dans nos écoles, il faut reconnaître quand même que par la grâce de Dieu et la capacité de discernement des organisations syndicales, l’école a été épargnée », a-t-il dit.
Interrogé sur les faits marquants de 2024 dans le secteur de l’éducation, il a répondu : « Globalement, il n’y a pas grand-chose à retenir ».
« Du fait de la CAN et de la crise socio-politique que notre pays avait vécue, en tant que syndicat, nous avons préféré les taire nos revendications, bien qu’il y en avait, pour ne pas ajouter à cette crise une autre touche », a relevé le secrétaire général du SELS.
Entre temps, la politique et le sport avaient pris beaucoup de place dans la vie du pays, entre janvier et février, soit quelque trois mois après la rentrée d’octobre.
Suite à l’annonce du report de la présidentielle initialement prévue en février, à deux jours du démarrage de la campagne électorale, « des agissements ont voulu entraîner les syndicats d’enseignants, mais la plupart d’entre eux n’ont pas voulu suivre [cette tendance] », relève le syndicaliste.
« On a voulu faire dans le discernement, le distinguo entre politique et action syndicale », a insisté Amidou Diédhiou, ajoutant : »C’est à coup sûr ce qui a fait que l’école n’a pas été impactée et que la crise n’a pas été transportée au niveau de l’école ».
Pas grand-chose à retenir donc, même après l’installation du nouveau pouvoir en avril, les syndicats ayant préféré observer un temps d’attente, correspondant une période de grâce, en privilégiant le dialogue et la concertation.
L’analyse du syndicaliste a été corroborée par le président de l’Union nationale des parents d’élèves et d’étudiants du Sénégal (UNAPEES), qui a fait part de la satisfaction de l’association qu’il dirige quant au déroulement des enseignements apprentissages.
« Nous n’avons pas connu de perturbations significatives », ce qui s’est traduit par l’organisation des examens et concours [comme prévu] avec l’implication des différents ministères », a dit Abdoulaye Fané.
Il s’y ajoute que le Conseil interministériel présidé par le Premier ministre avant la nouvelle rentrée scolaire d’octobre dernier a permis de prendre des « décisions majeures », selon M. Fané.
Pour rester dans cette dynamique, il a souhaité la tenue régulière de la réunion du comité de suivi et des comités techniques sectoriels, afin d’anticiper sur les questions pendantes telles que la situation des enseignants décisionnaires.
Il a aussi évoqué la dématérialisation des actes administratifs, insistant sur la nécessité d’une meilleure implication de la communauté sur les questions relatives à l’école
« Nous sommes dans un secteur où la réflexion et le dialogue sont au cœur de la prise de décision », a répondu le ministre lors de la cérémonie marquant le lancement de l’introduction de l’anglais au préscolaire et à l’élémentaire dès janvier.
Pour Moustapha Mbamba Guirassy, « les ajustements sont nécessaires, car l’école sénégalaise a une tradition de réformes audacieuses depuis 1962, et la construction de la société éducative nous y invite ».
Il considère que le secteur de l’éducation est « confronté à des défis qui touchent aux problèmes des rapports entre société et éducation, à l’équité, aux enjeux du numérique éducatif et de la transformation digitale, à la réforme curriculaire et aux adaptations nécessaires entre l’éducation et le travail ».
Selon Moustapha Guirassy, le ministère de tutelle « a montré sa volonté de rassembler toutes les énergies, toutes les intelligences pour connecter notre école à la société sénégalaise au regard de l’ambition du chef de l’État en faveur d’un capital humain de qualité, tout en souhaitant le déploiement de tout le potentiel d’apprentissage de nos élèves ».
Dans cette optique, un projet de société éducative décliné dans le référentiel « Sénégal Vision 2050 » vise à « faire évoluer positivement le secteur de l’éducation et de la formation vers l’excellence ».
Le débat sur l’interdiction du port de voile dans les écoles privées catholiques a toutefois marqué l’actualité du secteur de l’éducation en 2024, après une sortie du Premier ministre sur cette question.
Ousmane Sonko, présidant la cérémonie de remise du prix du Concours général, avait déclaré qu’aucun élève ne devrait être interdit d’école du fait de ses signes religieux, citant le port du voile. Il a par la suite pris un arrêté dans ce sens.
L’année 2024 a en outre coïncidé avec l’ouverture du lycée nation-armée pour la qualité (Lynaque) de Sédhiou (sud), dont les pensionnaires ont rejoint leur établissement le 4 novembre 2024. Ce modèle est appelé à être dupliqué à l’échelle du pays.
ÉLECTION DE L’ASSESSEUR DE LA FAC DE MEDECINE : UN DOSSIER EN BALANCE
Un processus électoral pour la désignation de l’Assesseur du Doyen de la Faculté de médecine n’a pu aller à son terme, en n’appliquant pas les règles établies depuis des décennies, afin de bloquer une candidate qui avait des chances d’être élue.
Un processus électoral pour la désignation de l’Assesseur du Doyen de la Faculté de médecine n’a pu aller à son terme, en n’appliquant pas les règles établies depuis des décennies, afin de bloquer une candidate qui avait des chances d’être élue. La patate chaude a été renvoyée au Rectorat. Mais on peut parier que cette affaire ne manquera pas de laisser des séquelles.
Une chose inédite s’est déroulée, le samedi dernier 28 décembre, à la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). L’élection du Vice-doyen de la Faculté n’a pu aboutir, et l’affaire a été renvoyée à l’arbitrage du Recteur. Une chose jugée totalement incompréhensible par tous les anciens dirigeants de l’Ucad.
Pour contextualiser les faits, il faut indiquer que l’élection a opposé les Professeurs Fatou Samba Ndiaye, spécialiste en hématologie clinique, chef du service d’hématologie clinique de l’hôpital Dalal Jamm, et Massamba Diouf, épidémiologiste, spécialiste en santé publique.
Le scrutin, à bulletin secret, n’a pu départager les deux concurrents, et contre toute attente, le dossier a été transmis au Recteur pour une décision quelconque. Ce qui est une première. Deux enseignants qui ont pris part au vote ont exprimé leur indignation devant cette manière de faire. L’un d’eux a indiqué au journal Le Quotidien que cela était une première.
«Chacun des candidats a obtenu 145 voix. La tradition académique de l’université a toujours été qu’il n’y a pas d’élection à deux ou plusieurs tours. Les candidats ont toujours été élus au premier tour», explique l’une des personnes qui ont accepté de parler au journal. Elle va ajouter pour préciser que pour départager les parties, on met en avant les critères des diplômes. «La personne qui a été la première à obtenir le grade le plus élevé est choisie. Si cela ne suffit pas, on regarde aussi la personne la plus âgée à avoir le grade le plus élevé.»
Si ces deux critères de grade et d’ancienneté étaient respectés, le Professeur Fatou Samba Ndiaye aurait été désignée haut la main comme Vice-doyen de la Faculté. Ses partisans ne comprennent pas pourquoi, une première dans l’histoire de l’Ucad, cette tradition n’a pas été respectée. La concernée ne se l’explique pas non plus, elle qui se contente de rappeler que, selon elle, elle aurait dû bénéficier de la tradition, et ne comprend pas pourquoi ses pairs ont décidé, en ce moment, de faire fi de cette manière de procéder.
Interpellé, le Doyen de la Faculté, le Pr Bara Ndiaye, a exprimé sa volonté de ne pas répondre aux questions. Il a signalé que cette affaire n’était plus de son ressort, le dossier étant transmis au Rectorat. «Ce n’est pas moi qui organise les élections. Même pour le poste de doyen, ce n’est pas moi qui organise. Je n’ai à répondre à aucune question.» Un son de cloche presque identique à celui du Pr Massamba Diouf. Ce dernier, non satisfait de voir un journaliste posséder son contact téléphonique, a au préalable voulu récuser l’argument de la protection des sources. Semblant se raviser, il a voulu s’abriter derrière «les textes qui régissent l’université», en nous renvoyant au décret 2021-1500 du 16 novembre 2021.
Malheureusement, ce texte, s’il parle de l’élection du Doyen et de son Assesseur, qui «se déroule en un seul tour», précise seulement que «le candidat qui obtient le plus grand nombre de voix est désigné vainqueur». La tradition du choix des critères de diplômes et d’ancienneté, étant de l’ordre de l’oralité et de la coutume, n’est pas indiquée. Mais ni le Doyen ni le Pr Diouf ne l’ont pas contestée. Quelle qu’en soit l’issue, on peut craindre que cette élection ne creuse un fossé partisan au sein de la Faculté. Du fait des critères partisans.
L'IA DE THIES MET LES PARENTS ET LES ENSEIGNANTS DEVANT LEURS RESPONSABILITES
De fortes recommandations ont marqué la clôture de la 2ème édition du camp dédié au leadership et à l'entrepreneuriat tenu à Mboro, et regroupant 58 jeunes venus de 4 régions du pays.
De fortes recommandations ont marqué la clôture de la 2ème édition du camp dédié au leadership et à l'entrepreneuriat tenu à Mboro, et regroupant 58 jeunes venus de 4 régions du pays. L'inspecteur d'Académie de Thiès a soulevé la problématique de l'utilisation d'internet par les enfants et il n'a pas manqué de mettre les parents et les enseignants devant leurs responsabilités
Pendant 10 jours, le Centre International de Formation Pratique (CIFOP) de Mboro a abrité la deuxième édition du camp dédié au leadership et à l'entrepreneuriat, porté par l'Organisation Non Gouvernementale (ONG) Jeunesse Et Développement (JED). Lors de la cérémonie de clôture, l'Inspecteur d'Académie de Thiès a évoqué la problématique de l'utilisation d'internet par les enfants, avant de mettre les parents et les enseignants devant leurs responsabilités.
Selon lui, il faut que tout le monde œuvre afin que les réseaux sociaux soient utilisés de façon bénéfique. "Nous appelons les parents et les enseignants à nous aider dans ce défi, étant entendu que l'Internet est très utile. Donc il ne s'agit pas d'interdire son utilisation aux enfants, mais d'attirer leur attention sur la nécessité d'une utilisation responsable pour eux-mêmes, leurs parents et pour leur nation", a indiqué Gana Sène IA de Thiès. Il a aussi insisté sur l'importance pour les enfants, une fois de retour dans les villages, les quartiers, de réinvestir les acquis de ce camp axés essentiellement sur le leadership et l'entrepreneuriat, conformément au Projet de Formation Professionnelle et d'Insertion (PFPI), de les partager avec les autres camarades.
Pour lui, il s'agit d'une initiative très salutaire, qui consiste à regrouper les meilleurs élèves, les meilleurs apprentis qui se sont distingués dans la mise en œuvre de ce projet. Et il s'est agi principalement de les regrouper, de les encadrer à travers des activités liées à l'entrepreneuriat, au leadership, mais aussi au sport, aux activités artistiques. Il est d'avis qu'au-delà des expériences et d'autres théories, l'occasion a permis aux apprenants et aux apprentis de pouvoir mutualiser, échanger de bonnes pratiques, de les mettre en situation, et de s'exercer à de futurs responsabilités, en tant que citoyens.
Alioune Gaye du projet PFP estime que le camp a été un prétexte pour célébrer l'excellence, la réussite, le mérite des apprenants et des apprentis, qui se sont distingués dans la mise en œuvre du projet. Il ajoute que le camp était aussi un espace pédagogique qui a permis aux élèves, de pratiquer les compétences qu'ils ont acquises, à travers les modules d’entrepreneuriat. Et au-delà de ces modules, il y a un programme d'accompagnement financier, pour permettre aux jeunes qui sont au niveau des centres de formatioan professionnelle, et ceux qui sont au niveau de l'apprentissage, de démarrer des activités génératrices de revenus. Le camp a regroupé 58 jeunes venus des régions de Thiès, Dakar, Ziguinchor, Kolda, accompagnés de leurs encadreurs, formateurs, professeurs, maîtres d'apprentissage. La sélection a été faite sur un certain nombre de critères comme l'excellence dans les études, la distinction à travers la mise en œuvre du projet PFPI. Les activités ont tourné autour de l'élaboration de projets d'animation artistique l'installation chez les enfants de compétences de comportements positifs comme la tolérance, l'engagement.
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LE SÉNÉGAL A MANQUÉ D’AMBITION
Parmi ses milliers d’objets dans les musées français, le Sénégal n’a demandé que le sabre d’El Hadj Omar, alors que ses seuls biens personnels se comptent par centaines. Pour Felwine Sarr, cela reflète un manque d’ambition.
Le retour des œuvres d’art africaines pillées pendant la colonisation a été largement salué sur le continent. Le Bénin, par exemple, a demandé et obtenu la restitution de 26 œuvres, même si certains ont jugé ce nombre dérisoire au vu des milliers d’objets présents dans les musées français. Cependant, l’attitude de l’ancien régime sénégalais, dirigé par Macky Sall, semble encore plus étonnante : le pays n’a demandé qu’une seule pièce, malgré les milliers d’objets sénégalais conservés dans les musées français. Cela traduit, selon de nombreux observateurs, un manifeste manque d’ambition de la part des autorités sénégalaises d’alors. C’est le cas de l’universitaire Felwine Sarr.
Co-auteur avec Bénédicte Savoie du rapport sur la restitution des œuvres d’art africaines, Felwine Sarr rappelle que les biens appartenant à la seule famille omarienne à elle seule se comptent par centaines.
Un héritage artistique pillé et requalifié
Pour rappel, les musées européens, notamment français, abritent des dizaines de milliers d’objets d’art africains volés durant la colonisation. Ces œuvres contribuent au rayonnement culturel et artistique des pays européens, qui n’ont pourtant pas hésité, à une certaine époque, à qualifier l’art africain de « primitif » avant que bien plus tard, cet art ne soit finalement revalorisé et présenté comme « art premier ». (Cf « Le Cri de Picasso », ouvrage du diplomate congolais Jean-Luc Aka Evy qui explore cette évolution du regard occidental sur l’art negre. Cet ouvrage, présenté le 7 décembre à Dakar par Felwine Sarr et le Pr Ramatoulaye Diagne Mbengue, rappelle les contradictions européennes face à cet héritage pillé.
La responsabilité des pays africains
Si la France et d’autres pays ont pris conscience de la nécessité de restituer à l’Afrique son patrimoine, ce sont avant tout les pays africains qui doivent exprimer clairement les œuvres qu’ils souhaitent récupérer, comme le soulignait Felwine Sarr dans une autre entrevue.
Le Bénin a été le premier pays à demander et à obtenir la restitution de 26 œuvres. D’autres processus de restitution sont en cours dans divers pays africains, en collaboration avec d’anciennes puissances coloniales comme la Belgique et l’Allemagne. Une fois les cadres législatifs définis, cette dynamique devrait se poursuivre.
Cependant, pour beaucoup, il est surprenant que les demandes de restitution nécessitent des démarches expresses de la part des pays africains. Mais pour Felwine Sarr, c’est ce que cela va bien au-delà d’une simple restitution : il s’agit de négociations complexes, influencées par des rapports de force géopolitiques et géostratégiques.
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AES, ÉMIGRATION ET L'EUROPE HYPOCRITE
En marge de la 5e édition de Condition Report, organisé par Raw Academy, dont le symposium est intitulé « Sens du lieu : déplacement, replacement, non-placement », l’angliciste Maboula Soumahoro s’est prononcée sur certaines problématiques prégnantes.
La Franco-Ivoirienne Maboula Soumahoro, maîtresse de conférences à l’université de Tours (France), a participé il y a quelques jours à Dakar à la 5e édition de Condition Report, un symposium intitulé « Sens du lieu : déplacement, replacement, non-placement ». Cette thématique a permis aux différents participants - chercheurs, artistes, activistes, architectes et autres spécialistes de la ville - de se pencher sur les modalités d’habitation de la ville, du monde et de l’environnement de manière globale.
En marge de ce symposium tenu au Musée Théodore Monod de Dakar, Maboula Soumahoro, angliciste et spécialiste de la diaspora noire africaine, a répondu aux questions d’AfricaGlobe TV pour revenir sur certains des échanges qui ont eu lieu au cours de cette rencontre pluridisciplinaire, laquelle vise à « produire une pensée globale, collective et spontanée ».
À bâtons rompus, Maboula Soumahoro, connue pour débattre sans concession des enjeux africains dans les médias internationaux, a abordé les grandes thématiques du symposium. Elle a dénoncé l’hypocrisie de l’Europe sur la question migratoire et a mis à nu la fiction du « Grand remplacement », une théorie complotiste et raciste chère à l’extrême droite française, théorisée et promue par un certain Renaud Camus.
Lors du quatrième et dernier jour du symposium, a émergé le débat la teranga sénégalaise attendu que l’hospitalité a été un aspect central de la thématique, dans un monde où l’Occident tend à se barricader et à fermer ses portes aux ressortissants du Sud global, notamment ceux d’Afrique subsaharienne.
Et cela se fait en violation flagrante des droits humains fondamentaux, sachant que le fait migratoire est un droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Comme l’a souligné à juste titre Felwine Sarr dans son entretien avec AfricaGlobe, « Le monde est cosmopolite, et cette condition cosmopolite est inéluctable ».
Maboula Soumahoro a également partagé son point de vue sur l’Alliance des États du Sahel (AES), - le Burkina, le Mali et le Niger qui ont claqué la porte de la CEDEAO- , en espérant fortement que l’Alliance puisse produire des résultats concrets.
Elle a toutefois averti contre le risque de sombrer dans une situation similaire à celle de la Guinée sous Sékou Touré : des intentions louables au départ, mais qui ont abouti à une profonde déception.
Regardez l’entretien complet avec Maboula Soumahoro.
DIARRY SOW EXPLIQUE LES RAISONS DE SA DISPARITION VOLONTAIRE EN 2021
Entre le choc culturel, les difficultés financières, et l'impact du racisme, elle évoque un moment charnière de sa vie marqué par une quête de sens et de résilience. Aujourd'hui, elle poursuit ses études avec de nouvelles ambitions.
Diarry Sow, élue deux fois « meilleure élève du Sénégal » en 2018 et 2019, est revenue sur sa disparition volontaire en 2021, alors qu’elle était inscrite en classes préparatoires aux grandes écoles en France, évoquant le racisme, la solitude, le manque d’accompagnement et de préparation à sa nouvelle vie.
« Il y a eu une période assez compliquée pour moi. Un moment où j’étais trop dans l’interrogation, parce que, parfois, on nous jette un peu dans une société qui n’est pas la nôtre sans accompagnement, à laquelle on n’est pas préparés », a-t-elle raconté dans un entretien avec des journalistes.
Séjournant actuellement à Wendou Bosséabé, dans la région de Matam (nord), Diarry Sow a expliqué qu’en quittant le Sénégal pour poursuivre ses études en France, elle n’avait pas bénéficié d’une bonne préparation, qui »devait être mentale et psychologique ».
En arrivant en France, « un pays différent » pour y continuer ses études, elle dit s’être rendue compte d’un « décalage culturel » avec le Sénégal, sans compter que « financièrement, les choses ont commencé à se compliquer ».
« Il y a eu aussi des problèmes de racisme qui font que, même si tu réussis, on ne te prend pas au sérieux », a expliqué l’ancienne pensionnaire du lycée d’excellence scientifique de Diourbel entre 2016 et 2019, ajoutant que cette situation était à l’origine d’un « choc » qui l’a poussée à se recentrer sur elle-même.
Elle a aussi invoqué la dureté et la cherté de la vie, qui lui ont fait prendre « une pause » pour réfléchir sur son avenir et ses projets.
Diarry Sow dit avoir depuis repris le cours normal de sa vie, en poursuivant ses études d’ingénierie à l’Ecole centrale de Paris, où elle ambitionne de sortir avec un diplôme en Data Scientist et en Intelligence artificielle.
Elle affirme que sa vie a changé, grâce à l’homme d’affaires sénégalais Harouna Dia, sur qui elle ambitionne de consacrer un livre, pour que les Sénégalais le connaissent davantage.
« J’ai envie que les gens découvrent le côté visionnaire de cet homme. Il y a beaucoup de choses à prendre de lui, son parcours, sa générosité, sa foi en l’Afrique », a-t-elle fait savoir.
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LES DEUX VISAGES DU TIRAILLEUR
En qualifiant les tirailleurs de « traîtres », Cheikh Oumar Diagne ravive un lointain débat. L'histoire de ces hommes, faite de loyauté et de trahisons, de courage et de compromissions, dépasse largement les jugements manichéens. Décryptage !
L'histoire des tirailleurs sénégalais se lit comme un roman à double face, où chaque page révèle une contradiction plus profonde que la précédente. D'un côté, des soldats valeureux qui ont versé leur sang pour la France. De l'autre, les instruments volontaires d'une colonisation qui a bouleversé l'Afrique.
Le premier visage du tirailleur naît en 1857, dans l'ombre de la conquête coloniale. La France, confrontée à l'inadaptation de ses soldats au climat africain, trouve une solution pragmatique : recruter parmi les populations locales. Les premiers tirailleurs sont d'anciens esclaves, pour qui l'engagement militaire représente un chemin vers la liberté. Quatorze années de service contre la promesse d'une vie nouvelle. Un marché qui ressemble à s'y méprendre à un simple changement de maître.
Pourtant, ces hommes deviennent rapidement indispensables. Leur connaissance du terrain, leur maîtrise des langues locales et leur capacité à négocier font d'eux bien plus que de simples soldats. Les officiers français, ignorants de tout des royaumes africains, dépendent entièrement de leur expertise. C'est là que se dessine le paradoxe : essentiels mais jamais égaux, respectés pour leurs compétences mais systématiquement maintenues dans des positions subalternes par un racisme institutionnel qui interdit toute promotion au-delà d'un certain grade.
Le deuxième visage du tirailleur apparaît lors des deux guerres mondiales. Face au besoin urgent d'hommes, la France fait miroiter aux Africains la promesse d'une citoyenneté pleine et entière. Des milliers répondent à l'appel, convaincus que leur sacrifice leur ouvrira enfin les portes de l'égalité. Ils se battent avec bravoure, notamment à Verdun, où leur courage devient légendaire. Mais la reconnaissance ne suit pas. Pire encore, pendant l'occupation nazie, alors que les soldats français sont envoyés en Allemagne, les tirailleurs sont parqués dans des camps en France, dans des conditions inhumaines.
Le massacre de Thiaroye en 1944 cristallise cette dualité tragique. Des tirailleurs démobilisés, qui ont risqué leur vie pour libérer la France, sont abattus par l'armée française au Sénégal pour avoir simplement réclamé leurs soldes impayées. C'est le point de rupture où les deux visages se confrontent : celui du soldat loyal et celui de l'homme trahi.
L'après-guerre révèle une nouvelle dimension de cette dualité. Certains tirailleurs, profondément désillusionnés, deviennent les fers de lance des mouvements indépendantistes. D'autres continuent de servir la France dans ses dernières guerres coloniales, en Indochine puis en Algérie, perpétuant malgré eux un système qu'ils ont contribué à maintenir.
Cette histoire à double face se poursuit jusqu'à nos jours dans la mémoire collective. La France contemporaine peine à réconcilier ces deux visages : celui du héros de guerre, célébré dans les commémorations officielles, et celui de l'homme pris dans les rouages de la machine coloniale. Ce n'est qu'en 2022 que les derniers tirailleurs ont obtenu une reconnaissance élargie de leurs droits, comme si la nation tentait tardivement de regarder en face cette histoire complexe.
Les tirailleurs sénégalais nous rappellent qu'il n'existe pas de vérité simple dans l'histoire coloniale. Leurs deux visages nous montrent que l'héroïsme et la tragédie peuvent coexister dans les mêmes uniformes, que la loyauté et la trahison peuvent se confondre dans les mêmes destins. Leur histoire nous invite à dépasser les jugements manichéens pour comprendre la complexité des choix individuels face aux forces de l'Histoire.
PRÈS DE DEUX MILLIONS D'ENFANTS NE SONT PAS SCOLARISÉS
Dr Tomoko Shibuya, conseillère régionale pour l’Éducation de l’UNICEF en Afrique de l’Ouest et du Centre, revient sur les principaux enjeux éducatifs en Afrique, en particulier au Sénégal, après la conférence sur l’éducation organisée par l'UA et l'UNICEF
Docteure Tomoko Shibuya est la conseillère régionale pour l'Éducation du Bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de l’UNICEF, basé à Dakar, couvrant 24 pays dans la sous-région. Diplômée des universités d'Oxford et de Cape Town, elle possède 25 ans d'expérience dans l'éducation à travers plusieurs pays d'Afrique, notamment au Mozambique, au Niger, au Burkina Faso et en Guinée-Bissau en tant que chef éducation de l’UNICEF. Elle aborde ici les enjeux de l'éducation en Afrique et au Sénégal en particulier, en pointant les failles et en relevant les maigres avancées.
Vous venez de terminer la conférence continentale sur l'éducation organisée par l'Union africaine, en collaboration avec l'UNICEF. Quels sont les axes majeurs de cette conférence ?
Je reviens tout juste de Mauritanie où s'est tenue une conférence continentale sur l'éducation passionnante, réunissant environ 400 participants, près de 30 ministres, vice-ministres et directeurs de l'éducation, plus de 100 experts et leaders d'opinion ainsi que des défenseurs des jeunes venus de tout le continent. Organisée par l'Union africaine, en collaboration avec l'UNICEF, l'événement, qui a eu lieu à Nouakchott, le 9 décembre 2024, a mis en lumière un engagement fort pour élargir les solutions innovantes et garantir une éducation de qualité et équitable, répondant ainsi aux défis du XXIe siècle en Afrique. Les principaux points abordés incluent l'accès à une éducation publique gratuite et obligatoire pour chaque enfant, l'apprentissage fondamental, y compris l'éducation de la petite enfance, la priorité à l'accès et à l’apprentissage des enfants affectés par les urgences ainsi que le financement et la gouvernance de l'éducation.
Cette conférence a enregistré la présence de plusieurs chefs d'État. Peut-on avoir une idée sur les décisions prises ainsi que la suite ?
Effectivement, la présence de plusieurs chefs d'État à cette conférence, dont les présidents de l'Algérie, de la Mauritanie, du Rwanda et du Sénégal ainsi que celle du président de la Commission de l'Union africaine et du directeur exécutif adjoint de l'UNICEF, Ted Chaiban, a été un moment fort. Leur engagement a souligné l'importance cruciale de l'éducation inclusive et de qualité pour chaque enfant et jeune en Afrique.
Parmi les recommandations formulées, il a été proposé de déclarer la prochaine décennie comme une "Décennie de l’éducation", afin de concentrer les efforts sur l'amélioration et l'expansion de l'accès à l'éducation à travers le continent. La suite consistera à mettre en place des actions concrètes pour faire de cette vision une réalité, en collaborant avec les gouvernements et les partenaires internationaux.
Justement, où en êtes-vous avec l'agenda 2065 ? Est-ce que l'Afrique sera au rendez-vous ?
D'ici 2050, l'Afrique devrait avoir la population la plus jeune du monde. Les implications sont immenses et nous devons saisir l'opportunité du dividende démographique. Cependant, les États de la région n’investissent pas autant que leur croissance démographique l’exigerait. Cela risque de devenir dramatique : on estime qu’il y aura près d’un milliard d’enfants en 2050 en Afrique et si nous continuons au même rythme d’investissement insuffisant, nous aurons près de 160 millions d’enfants hors de l’école. L'Union africaine s'est engagée à promouvoir un développement inclusif sur l'ensemble du continent, grâce à des stratégies ciblées et concrètes. Le moment est venu de veiller à ce que ces stratégies soient pleinement mises en œuvre au profit de chaque Africain.
À cet égard, la décennie d'accélération pour l'éducation et les compétences sera essentielle pour réussir cette transition.
Le constat est que malgré les efforts, certains pays traînent les pieds dans le cadre de l'éducation pour tous. Quel est l’état des lieux en Afrique et au Sénégal en particulier ?
Aujourd’hui, plus de 100 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en Afrique, représentant 40 % des enfants non scolarisés du monde, alors que le continent compte à peine un quart de la population scolarisable globale. Entre 2015 et 2024, malgré une augmentation de plus de 30 % du nombre d’enfants scolarisés, le nombre absolu d'enfants non scolarisés a augmenté de 13,2 millions. Les situations de fragilité, de conflit et de violence impactent dramatiquement l’accès à l’éducation et sa qualité. Par exemple, le taux d’enfants non scolarisés au Sahel central est trois fois plus élevé que dans le reste du monde. En Afrique de l’Ouest et du Centre, plus de 14 000 écoles ont été fermées en raison de l’insécurité, affectant 2,8 millions d’enfants. En Afrique subsaharienne, près de 90 % des enfants de 10 ans ne parviennent pas à lire et comprendre un texte simple, et ce taux dépasse même 95 % dans certains pays affectés par la violence et les conflits.
Au Sénégal, près de deux millions d’enfants (36 %) ne sont pas scolarisés et parmi ceux qui sont scolarisés dans l'enseignement formel, 67 % ont les compétences minimales en lecture et en calcul.
Le Sénégal est-il un bon élève, selon vous, en matière de progrès pour l'éducation ? Dans le cas contraire, que lui reste-t-il à faire ?
Le Sénégal a fait des progrès notables en matière d’éducation, maintenant les niveaux d’investissement dans le secteur entre 22 et 23 %, dépassant la norme internationale de 20 % du budget national.
Cependant, plus de 90 % de cet investissement est consacré aux salaires, laissant très peu à allouer de manière ciblée pour garantir un réel impact et l’équité. Pour réussir la transformation du système éducatif, il est essentiel d’améliorer l’efficacité et l’impact des dépenses consacrées à l’éducation à tous les niveaux.
Le Sénégal a considérablement amélioré les résultats d'apprentissage, passant de 39 % des enfants acquérant des compétences minimales en lecture et en calcul en 2014, à 67 % en 2019 lors de l'évaluation du Pasec. L'engagement du pays en faveur de l'apprentissage fondamental pour tous les enfants a été récemment réaffirmé par la présence active du gouvernement lors du deuxième échange continental sur l'apprentissage fondamental à Kigali, au Rwanda.
Les deux millions d'enfants hors de l'école ont un droit fondamental à l'éducation. Il est crucial d’offrir davantage de voies alternatives de qualité aux enfants et adolescents non scolarisés, comme l’éducation de la deuxième chance, les programmes d’apprentissage accéléré, l’enseignement à distance ou d’autres modalités alternatives ainsi que des cours d’alphabétisation et de calcul dans les écoles coraniques.
LE MINISTERE CLARIFIE LES CRITERES D’ETAT CIVIL POUR LES CONCOURS D’EXCELLENCE
Face à une polémique née sur les réseaux sociaux concernant l’exclusion présumée d’enfants tardivement déclarés des concours scolaires d’excellence, le Ministère de l’Éducation nationale a tenu à réagir.
Face à une polémique née sur les réseaux sociaux concernant l’exclusion présumée d’enfants tardivement déclarés des concours scolaires d’excellence, le Ministère de l’Éducation nationale a tenu à réagir. Dans un communiqué officiel, il a apporté des précisions pour dissiper tout malentendu et éclairer l’opinion publique.
Selon le communiqué, aucun candidat n’a été exclu des concours pour non-conformité des documents requis, tant que ceux-ci respectent les dispositions règlementaires. Le Ministère a rappelé que les textes organisant ces concours, comme ceux du Lycée Scientifique d’Excellence de Diourbel (LSED), du Lycée d’Excellence Mariama Ba de Gorée (LEMBA) et du Collège DARA RAMA, exigent des jugements supplétifs d’état civil. Ces jugements supplétifs sont distincts des déclarations tardives et doivent respecter des délais précis : Deux ans après la naissance pour le LSED et le LEMBA et cinq ans après la naissance pour le DARA RAMA. Ces critères visent à garantir une homogénéité d’âge parmi les élèves, notamment dans les établissements avec internat.
Vers une réforme des textes
Conscient des difficultés que ces exigences peuvent poser à certaines familles, le Ministère a annoncé être en concertation avec des experts juridiques et spécialistes de l’état civil pour réviser les textes régissant ces concours. L’objectif est d’y intégrer des cas spécifiques tels que les jugements d’adoption, de reconnaissance ou de reconstitution d’acte. Cette réforme ambitionne de mieux refléter les réalités sociales et administratives du pays, tout en maintenant le principe d’équité.
En attendant cette révision, le ministre avait déjà pris une mesure exceptionnelle lors des examens et concours de 2024. Conformément aux directives du Conseil interministériel, une dérogation a été accordée à tous les candidats sans pièce d’état civil, leur permettant de passer les épreuves. Des mécanismes sont actuellement déployés dans les académies pour régulariser la situation administrative de ces élèves.
Appel à la responsabilité collective
Le Ministère de l’Éducation nationale a également mis en garde contre la désinformation ou l’interprétation erronée des règles encadrant les concours d’excellence. De telles pratiques, selon le communiqué, pourraient nuire aux efforts en faveur d’une éducation inclusive et équitable. Le Ministère a enfin réaffirmé son engagement en faveur des enfants et des familles sénégalaises. Il reste ouvert à toute suggestion constructive et entend continuer à promouvoir une éducation de qualité pour tous.
Ce développement illustre la volonté du Ministère de répondre aux préoccupations des citoyens tout en adaptant les politiques éducatives aux réalités du terrain. La réforme annoncée pourrait, à terme, contribuer à renforcer la confiance dans le système éducatif national.
QUAND LES ÉCOLES PRIVÉES SAIGNENT LES PARENTS D’ÉLÈVES
Frais d’inscription et de scolarité « exorbitants », contributions à des fêtes, les études en maternelle plus chères que les études universitaires… les parents d’élèves lancent un cri de cœur face à ce qu’ils qualifient de business des écoles privées
Soucieux de donner un enseignement de qualité à leur progéniture, des parents inscrivent leurs enfants dans les établissements d’enseignement privé. Tout de même, certains se plaignent de la cherté des services offerts. Frais d’inscription et de scolarité « exorbitants », contributions à des fêtes, les études en maternelle plus chères que les études universitaires… les parents d’élèves lancent un cri de cœur face à ce qu’ils qualifient de business des écoles privées. Ils se désolent des dépenses interminables et parfois « inutiles » dans ces écoles qui sont imposées aux élèves.
Certains parents d’élèves les choisissent pour la régularité des cours, d’autres pour les conditions d’études ou encore pour la rigueur dans les études. Mais les écoles privées sont devenues un véritable casse-tête pour eux. Pour cause, les dépenses ne finissent jamais dans ces établissements privés et ce, du début jusqu’à la fin de l’année scolaire. En plus des frais d’inscription et de scolarité qui sont jugés « exorbitants » et qui varient d’une école à une autre, il y a les achats de fournitures scolaires, les contributions pour les fêtes, et bien d’autres frais que les parents d’élèves considèrent comme « inutiles ». Si certains établissements privés annoncent de but en blanc leur augmentation des tarifs mensuels en début d’année, d’autres l’appliquent de façon « détournée » en les imputant aux frais de transport, de fêtes, d’inscription ou autres.
Face à cette situation, beaucoup de parents d’élèves s’interrogent sur les raisons de ces dépenses interminables. Selon eux, toute une stratégie est mise en œuvre pour leur soutirer de l’argent. « Les écoles privées nous sucent. Chaque année, je débourse près de 700 mille FCFA pour mon unique fille. Mais je vous jure que presque chaque semaine, elle rentre avec des notes pour nous dire qu’elle doit payer ceci ou cela. Parfois, ce sont des choses qui n’ont aucune importance mais en tant que parent, je suis obligé de payer pour elle. Les écoles privées n’ont aucune pitié pour les parents. Je vous assure. On est soumis à tous les sacrifices qu’on soit aisés ou pas », se désole un parent d’élève du nom de Lamine Sy rencontré à côté d’une librairie à Grand Yoff.
Un autre parent d’élève embouche la même trompette. A son avis, les écoles privées sont devenues un business qui ne dit pas son nom. « Chaque année, l’école me coûte la peau des fesses. C’est difficile même si j’avoue que dans l’école privée où j’ai inscrit mes trois enfants, on étudie bien. L’année me revient presque à deux millions de FCFA sans compter les autres dépenses », fait savoir Moussa Diop. De quoi se poser une question. «Je me demande même si tous mes enfants resteront toujours dans le privé », s’interroge-til ? Pour sa part, Abdou Guèye, parent d’élève, affirme que tous ses enfants sont scolarisés dans des établissements privés. Tout de même, il se dit épuisé par des dépenses. « Les études en maternelle sont plus chères que les études universitaires. C’est une incongruité sénégalaise. En plus des frais d’inscription, on me demande de cotiser pour les fêtes de Pâques, de Noel, de payer même des photos d’album qui n’ont presque plus de valeur aujourd’hui à cause des smartphones. En début d’année, la liste des fournitures scolaires pour les enfants parfois composées de clés et/ou de fascicules exclusivement conçues par des établissements est tellement longue et on t’exige de tout acheter », a-t-il indiqué
Face à la cherté des services offerts dans les écoles privées, les parents d’élèves appellent le gouvernement à exercer un contrôle sur les écoles privées, en prenant des mesures pour fixer les prix en fonction du niveau et de la capacité de l’école. Pour d’autres, l’Etat doit également refonder l’éducation publique. « L’Etat doit prendre des dispositions. Si les gens envoient leurs enfants dans les écoles privées, c’est parce qu’il n’y a pas une bonne formation dans les écoles publiques. Les grèves sont récurrentes. Sans oublier le déficit d’enseignants. Donc, c’est à l’Etat de renforcer l’enseignement de masse. Avant, il n’y avait pas d’écoles privées mais la formation était de taille. On avait de grands intellectuels », a fait savoir Lamine Sy. Même si les parents d’élèves rencontrés se plaignent de la facture « salée » des écoles privées, ils soutiennent ne pas avoir de choix. Et pour cause, l’école de la République qui a produit nos cinq Chefs d’État, Leopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall et aujourd’hui, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est laissé à l’abandon.