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25 novembre 2024
Culture
MON AMBITION POUR LA BIENNALE ET POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE SE CONSTRUIT PROGRESSIVEMENT
Le Président Macky Sall qui a procédé à l’ouverture de la biennale de Dakar a dégagé les grandes orientations pour la culture, avant de justifier le choix porté sur la Chine et la Côte d’Ivoire comme pays invités d’honneur.
Le Président Macky Sall qui a procédé à l’ouverture de la biennale de Dakar a dégagé les grandes orientations pour la culture, avant de justifier le choix porté sur la Chine et la Côte d’Ivoire comme pays invités d’honneur.
« La Chine est un grand pays à la civilisation millénaire où l’esprit s’est sublimé dans la création d’œuvres artistiques et artisanales. Les créateurs de ce pays ont admirablement réussi à concilier le génie propre du peuple chinois, ses cultures et ses traditions à la dimension universelle de l’art », a indiqué le Chef de l’Etat. Concernant la Côte d’Ivoire, il a indiqué que ce pays a « très tôt compris, avec le Sénégal, la puissance de l’art comme marqueur d’identité et facteur de développement et d’ouverture au monde. C’est ainsi que dès 1962, ce pays a créé sa première école d’art ».
Puis, revenant sur le thème général de cette Biennale « I Ndaffa », qui signifie forger en langue sérère, il a martelé : « Forger oui, mais que forger ? La forge, dit-on, comporte un aspect cosmogonique et créateur. Forger nous plonge dans la création, c’est-à-dire la capacité d’un individu ou d’un groupe à imaginer ou à construire et donner forme à un concept neuf ».
« La formation, une impérative » selon le Chef de l’Etat
Selon lui, « Dire ‘I Ndaffa’, c’est donc creuser, dans l’histoire propre du peuple, explorer ses trésors et élever ce qui est touffu à la forme supérieure de l’être, c’est-à-dire l’Art. (...).
Tenant beaucoup à la construction de l’Ecole nationale des arts et métiers de la culture, qu’il compte édifier dans la nouvelle ville de Diamniadio, le Président de la République a indiqué que cette nouvelle école devra « permettre à la communauté artistique de se réinventer dans ses métiers et dans ses projets ».
Macky Sall a également estimé que « le marché de l’art devrait permettre de transformer le potentiel esthétique en valeur économique ».
Il a par ailleurs souligné que son ambition pour la Biennale et pour le développement de la culture se construit progressivement. « En plus du Musée des civilisations noires, nous avons également les chantiers du Mémorial de Gorée que je vais construire à compter de cette année, ainsi que du Mémorial du Joola. Il en est de même des Maisons de la jeunesse et de la citoyenneté dans les 46 départements du Sénégal, tout comme l’ancien Palais de justice qui est en train d’être transformé en un palais des arts ».
En 2018, dit-il, il avait décidé d’augmenter la subvention de l’Etat à la Biennale, mais tient-il a précisé, « cette édition, nous sommes passés à un milliard de francs et ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi, j’ai demandé pendant cette édition que les sociétés nationales du Sénégal puissent apporter leur contribution ». Il a ainsi annoncé « la création d’un fonds de soutien à la participation aux grands événements du monde pour contribuer à la promotion de nos œuvres d’arts ». Mais, renchérit–il, « il faudra d’autres subventions pour accompagner le salon national des arts visuels ».
LA BIENNALE DAK’ART FAIT SON RETOUR
Dakar renoue avec l’énergie de la créativité ! La Biennale d’art africain contemporain Dak’Art fait son retour pour sa quatorzième édition.
C’est parti pour la quatorzième édition de la Biennale d’art africain contemporain Dak’Art axé sur le thème général «I Ndaffa/Forger/Out of the fire». Le coup d’envoi a été donné hier, jeudi 19 mai, par le Président de la République, Macky Sall, après deux ans d’attente en raison de la pandémie de covid-19. Une kyrielle d’expositions à visiter jusqu’au 21 juin prochain.
Dakar renoue avec l’énergie de la créativité ! La Biennale d’art africain contemporain Dak’Art fait son retour pour sa quatorzième édition.
Après deux années de pause en raison de la pandémie de covid-19, le grand rendezvous de la créativité africaine a débuté hier, jeudi 19 mai et se poursuivra jusqu’au 21 juin prochain. Il s’inscrit sous le thème «I Ndaffa/Forger/Out of the fire» qui signifie «forger» en langue sérère. «Forger nous plonge dans la création. C’est-à-dire la capacité d’un individu ou d’un groupe à imaginer ou à construire et donner forme à un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème», a expliqué le Président de la République, Macky Sall qui présidait la cérémonie d’ouverture. Les deux pays d’honneur de Dak’Art 2022 sont la Chine et la Côte d’Ivoire.
«La Chine est un grand pays à la civilisation millénaire où l’esprit s’est sublimé dans la création d’œuvres artistiques et artisanales aussi belles qu’ingénieuses (…). La Côte d’Ivoire a très bientôt compris, avec le Sénégal, la puissance de l’art comme marqueur d’identité et facteur de développement et d’ouverture au monde», a fait savoir Macky Sall. Cette année, 59 artistes visuels et collectifs sont retenus pour l’exposition officielle internationale qui mettra en lumière une belle palette de créations avec des innovations et qui intègre «un focus» sur le grand maitre malien Abdoulaye Konaté, grand prix du chef de l’Etat lors de la biennale 1996.
L’ancien Palais de justice de Dakar où est érigée une maison de la Biennale sur le parvis, la maison de la Culture Douta Seck, la Corniche Ouest (projet Ndokhantou), le musée des Civilisations Noires, le musée Théodore Monod, le Monument de la Renaissance, l’UCAD, les Manufactures des Arts décoratifs de Thiès, entre autres endroits, vont accueillir des expositions et d’autres activités comme un colloque, des programmes pédagogiques, des rencontres professionnelles, la tenue de la première édition du Marché international de l’Art africain de Dakar (MIAD) organisé par le peintre Kalidou Kassé. «Les expositions du Off disséminées dans toute la ville de Dakar, dans d’autres départements du pays et de la diaspora offrent une vitrine à des artistes qui n’ont pas été sélectionnés dans des expositions officielles. Le Off qui a contribué à l’émergence de nombreux artistes sénégalais comme étrangers compte cette année plus de 400 manifestations», a indiqué le président du Comité d’orientation de la Biennale, Me Moustapha Ndiaye.
«LA BIENNALE 2018 A GÉNÉRÉ PLUS DE 8 MILLIARDS DE TRANSACTIONS D’ŒUVRES D’ART»
En effet, concernant l’impact socio-économique de la Biennale, Me Moustapha Ndiaye a annoncé que «la Biennale 2018 a généré plus de 8 milliards de transactions d’œuvres d’art». Une évaluation faite par le secrétariat de la Biennale et l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie, selon lui. Sur ce, il a invité les sociétés à soutenir le secteur de la culture. «Je profite de cette tribune pour demander à nos entreprises publiques et privées dans l’esprit de I Ndaffa de créer, imaginer de nouveaux modèles économiques pour le financement et la valorisation de l’industrie culturelle», a laissé entendre Me Moustapha Ndiaye.
LE PLAIDOYER DE SIDIKI DIABATÉ POUR LE MALI
De l’ambiance, il y en avait également lors de la cérémonie d’ouverture de la Biennale avec l’Orchestre Baobab, le chanteur malien qui va d’ailleurs animer le concert de lancement ce vendredi à l’ancien palais de justice. Sidiki Diabaté a profité de sa prestation pour envoyer un message fort à Macky Sall. «Le griot de l’Afrique est là ce matin pour vous faire plaisir ici à Dakar, et pour vous dire que le Mali et le Sénégal, c’est le même pays (...) Monsieur le Président, je suis là pour déployer l’amour du Mali envers vous et vous faire changer d’avis, oui on vous aime Monsieur le Président et demande aussi des doléances pour que la situation puisse changer pour mon pays, le Mali», a déclaré le jeune chanteur. Pour rappel, le Mali a été placé par la CEDEAO sous embargo depuis que la junte militaire qui dirige le pays, a annoncé le report des élections. Par ailleurs, le peintre éthiopien Tegene Kunbi Senbeto a reçu des mains de Macky Sall le prix du Président de la République d’une valeur de 20 millions de F CFA.
DAK’ART 2022, L’ÉTHIOPIEN TEGENE KUNBI REMPORTE LE GRAND PRIX LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
Le Grand prix du chef de l’Etat, prix Léopold Sédar Senghor, a été décerné, jeudi, à Dakar, à l’artiste éthiopien Tegene Kunbi à l’ouverture de la 14e Biennale de l’art africain contemporain Dak’Art 2022, a constaté l’APS.
Dakar, 19 mai (APS) – Le Grand prix du chef de l’Etat, prix Léopold Sédar Senghor, a été décerné, jeudi, à Dakar, à l’artiste éthiopien Tegene Kunbi à l’ouverture de la 14e Biennale de l’art africain contemporain Dak’Art 2022, a constaté l’APS.
’’Je suis très honoré. Ce prix est une opportunité pour moi et tous les artistes. Merci à Dak’art, merci au gouvernement sénégalais’’, a réagi l’artiste éthiopien qui revient à la Biennale pour la deuxième fois.
Le lauréat 2022 a reçu son prix des mains du chef de l’Etat sénégalais Macky Sall qui a présidé la cérémonie d’ouverture officielle du Dak’art, au Grand théâtre national Doudou Ndiaye Coumba Rose.
Le prix est doté d’un montant de vingt millions de francs CFA, a précisé l’animateur Boucar Diouf, humoriste canadien d’origine sénégalaise.
Tegene Kunbi a quitté́ l’Ethiopie en 2008 pour poursuivre ses études de peinture à l’’Universität der Künste’’ à Berlin (Allemagne), où il a obtenu un master ‘’of Fine Arts’’ en 2011.
Depuis, il travaille à Berlin et a participé à de multiples expositions collectives et individuelles en Allemagne et à l’étranger.
Le prix revient ainsi à l’Ethiopie après Leila Adjovi (Bénin 2018), Youssef Limoud (Egypte 2016) et Driss Ouadahi (Algérie) et Olu Omoda (Nigéria) lauréats 2014, Youness Baba Ali (Maroc 2012), etc.
Le jury a fait son choix sur les 59 artistes sélectionnés dans l’exposition internationale ‘’IN’’ où on compte sept artistes sénégalais.
Ces derniers ont remporté la majeure partie des prix décernés, notamment le prix du sculpteur Ousmane Sow pour le droit de suite remis par la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs.
Il a été décerné pour la première fois au plasticien Abdoulaye Ka, lauréat en 2019 du ’’Prix du président de la République’’ du 10e Salon national des arts visuels.
Le prix de la mairie de Dakar est revenu à deux artistes sénégalais, Mbaye Babacar Diouf et Arebayor Bassène qui exposent au pavillon Sénégal dont le commissaire est le journaliste et critique d’art Massamba Mbaye.
Les prix de l’Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont été attribués à des artistes sénégalais, Mbaye Diop établi en Suisse et Caroline Guèye astrophysicienne de formation qui a choisi de travailler dans l’art.
Le Prix du ministère de la Culture, d’une valeur de dix millions, a été remis à la Tunisienne Férielle Doulain Zouari tandis que le prix visant à promouvoir la sculpture ’’un peu disparue’’ est revenu au Béninois Parterne Achille Agossou Adonon
’’C’est un plaisir de recevoir le prix de la mairie de Dakar à cette Dak’art. Le travail présenté est une installation fait en duo Arébayor et moi intitulée +Sang et poussière+ Sine Saloum inspirée de la richesse historique, culturelle et sociale de cette région’’, a dit Mbaye Babacar Diouf, médaillé des Jeux de la Francophonie en 2017.
Arebayor Bassène abonde dans le même sens exprimant son honneur et espérant que ce prix soit une étape dans leur cheminement. Caroline Guèye, lauréat du prix de la meilleure créatrice d’art plastique de la CEDEAO, très émue, a décerné son trophée au peuple sénégalais.
’’La sélection dans le IN de la biennale de Dakar est très importante dans la carrière d’un artiste. Tout prix reçu est pour le rayonnement de mon pays, le Sénégal’’, a t-elle dit.
Ndèye Sow, fille du célèbre sculpteur sénégalais Ousmane Sow, dont un prix porte le nom et dédié pour la première fois à Dak’Art, a évoqué ’’un moment très émouvant’’.
’’Ce prix de la Cisac coïncide avec la remise hier de son siège d’académicien à quelqu’un d’autres’’, a t-elle fait savoir.
L’ART EST LE CORDON OMBILICAL ENTRE LES PEUPLES
Petit par la taille, mais grand par l’esprit, Kalidou Kassé est un artiste plasticien chevronné, commissaire du marché de l’art de la 14e Biennale de Dakar.
Il est un grand maître de l’art, très respecté par ses pairs. Il est même surnommé le « Pinceau du Sahel ». Petit par la taille, mais grand par l’esprit, Kalidou Kassé est un artiste plasticien chevronné, commissaire du marché de l’art de la 14e Biennale de Dakar. Cet événement marque cette année le 30e anniversaire de ce rendez-vous artistique. En prélude à cette Biennale, prévue du 19 mai au 21 juin, nous sommes allés à sa rencontre pour lever un coin du voile sur les préparatifs de ce Dak’Art. Trouvé dans son atelier, au milieu de ses tableaux, sa tenue noire tachetée affiche une palette de couleurs, il arbore un visage serein. Visiblement, il est dans son élément. Il revient dans cet entretien sur les avantages de cette manifestation culturelle. Et surtout sur l’importance de l’art dans le monde actuel.
Après 2 ans de Covid-19, que peut-on dire de la Biennale 2022 ?
Je pense que la biennale est sortie renforcée de cette Covid-19. En 2020, les artistes étaient déjà prêts. Nous avions travaillé en termes de comité d’orientation. Les artistes avaient véritablement déposé des dossiers assez solides. Nous étions partis pour dérouler la biennale malheureusement, la pandémie est arrivée. Cela a même quelque chose de positif parce que nous en avons profité pour réinventer, reprendre des choses et peaufiner ce qu’on avait déjà fait en termes de programme et d’offre artistique. Et aujourd’hui, je peux dire que les artistes sont déjà dans de très bonnes dispositions avec des offres intéressantes. Sur le plan organisationnel, nous avons réorienté certaines choses pour arriver à un résultat beaucoup plus satisfaisant par rapport à la dernière biennale. La biennale se tient tous les deux ans. 30 ans de biennale, c’est une période de maturité pour voir ce que cet événement nous a offert depuis lors, les retombées positives en termes de plus-value et en termes d’offre accessible et de capacité de nos artistes créateurs.
Dakar présente-t-elle des atouts pour accueillir cet événement ?
Dakar présente des atouts extrêmement intéressants. Dakar est devenu un carrefour international d’art. Cette biennale est la quatrième du genre reconnue au monde entier et, depuis lors, tous les projecteurs sont braqués sur Dakar.
Avez-vous déjà reçu des demandes d’artistes qui souhaitent prendre part à la biennale ?
Absolument ! Tout le monde est impatient d’arriver. Nous sommes en train de nous préparer. Nous avons des appels émanant de partout dans le monde. Des collègues artistes nous appellent pour nous faire part de leur désir de participer à cette biennale. Cela montre que nous avons grandi en maturité, en partenariat. Car, il faut savoir que l’art est le cordon ombilical entre les peuples. C’est ce qui nous unit et nous réunit autour de l’essentiel. L’art, c’est aussi la découverte de la vérité. Ce sont les échanges, le partage, la générosité. La biennale a su donner beaucoup de formation aux artistes qui ont été sélectionnés ici et là. D’autres artistes ont été accompagnés dans le cadre de leur projet pour être en mesure de dialoguer avec le monde.
Sur le plan économique qu’est-ce que la biennale a apporté au Sénégal ?
La biennale a énormément apporté au Sénégal. Elle arrive avec ses contingences sur le plan économique. Les hôtes que nous recevons achètent dans les boutiques, dans les marchés. Ils logent dans les hôtels et prennent nos moyens de transport. Même nos mamans qui vendent la cacahuète en tirent profit. Tout cela rentre dans la plus-value sénégalaise et doit être évalué et réévalué. Et si nous en sommes à ce stade, c’est grâce à l’entregent de Marieme Ba, la Secrétaire générale de la biennale qui a su, depuis deux éditions, positionner la biennale sur la ligne de crête pour permettre au monde entier de s’identifier à cet événement. Aujourd’hui cela sera plus renforcé avec cette biennale. Nous sommes contents des réalisations qui sont en train d’être posées sur Dakar et dans différents sites. Que ce soit le « in » ou le « off », nous avons des œuvres de hautes factures. Il faut dire que l’Etat du Sénégal a soutenu la biennale en augmentant la mise. C’est le lieu de faire aussi un appel aux sociétés, aux entreprises, aux mécènes pour soutenir davantage la biennale et ainsi atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. C’est une biennale dakaroise, sénégalaise, ensuite africaine et mondiale.
Quels sont les lieux qui vont abriter les expositions ?
Il y a beaucoup d’espaces. L’ancien Palais de justice abrite l’exposition internationale. Le Musée des civilisations noires va accueillir l’exposition des salons nationaux et des rencontres scientifiques. Le Monument de la Renaissance africaine va recevoir le Marché des arts international de Dakar (Miad). Nous avons aussi d’autres sites qui sont en « off », situés dans la région de Dakar et jusque dans les régions. Aujourd’hui, la biennale est allée vers la diaspora.
Parlez-nous du marché de l’art dont vous êtes le commissaire ?
Le marché de l’art était une initiative que j’avais tentée en 2016 sur le plan local. C’était pour voir quelle était la place de ce marché de l’art dans le cadre de la biennale. En 2018, je ne l’ai pas refait. Je l’ai lancé en 2022 sur le plan international, notamment dans le cadre de « in » de la biennale. Nous avons eu des retours extrêmement positifs. Aujourd’hui, nous attendons des artistes qui viennent de Los Angeles, de la Jamaïque, de New York, de Washington, du Ghana, du Maroc, de Nice, de Paris, etc. Ces artistes, une trentaine, vont se retrouver au Monument de la Renaissance africaine pour dialoguer, échanger, partager nos expériences. A l’époque, la biennale faisait la rencontre professionnelle et scientifique dans un seul cadre. Mais pour cette édition, nous avons dissocié les rencontres professionnelles de la rencontre scientifique. Nous allons, dans les panels, nous interroger sur les droits et les devoirs des artistes. Car, nous produisons des vidéos, des images, des pensées que nous partageons avec le monde. C’est pourquoi nous avons invité l’Ompi, l’Unesco, la Sodav, l’Adgpad, qui reçoivent mes droits depuis la France par rapport à mes œuvres qui sont montrées dans le monde.
Pouvez-vous revenir sur la naissance de la biennale ?
Tout au début, c’était la biennale des Arts et des Lettres, organisée par les écrivains. J’ai eu la chance et l’honneur de participer à cette première biennale à la Place de l’Obélisque avec mon ami Pollan. Mais une idée qui naît, grandit et se professionnalise. La Place de l’Obélisque est mythique mais, nous avons pensé que dans les normes internationales, il fallait que cette biennale puisse épouser toutes ces formes qui, aujourd’hui, appellent à une professionnalisation du secteur. C’est pourquoi nous avons investi d’autres espaces. Tout cela est une fusion qui nous rappelle « I ndafa », le thème de la biennale. C’est pour cela, j’en profite pour dire à la population sénégalaise de cesser d’acheter de l’or et d’acheter une œuvre d’art qui est pure.
Quel a été le déclic de la biennale et qui l’avait porté ?
Le déclic, ce sont les écrivains et les cinéastes qui étaient à l’origine de cette biennale. On peut citer Amadou Lamine Sall, Mamadou Diop Traoré, Alioune Badara Beye, Cheikh Ngaido Ba. Bref, des hommes très puissants qui ont su mener de main de maître cette première biennale qui a été récupérée par les jeunes et qui continuent aujourd’hui de poser des jalons.
Cela fait au moins trois éditions successives qu’un Sénégalais n’a pas remporté le Grand prix. Cela ne signifie-t-il pas que le reste de l’Afrique est en avance sur le Sénégal ?
L’art est une démocratie absolue, la créativité transcende les frontières. En plus, c’est un jury international qui délibère. Ses membres sont les seuls habilités à dire le vainqueur du Grand prix. Et, ce n’est que mieux parce qu’on ne peut pas toujours organiser et remporter le Grand prix. C’est important de montrer la vitalité de la gouvernance culturelle dans le monde. Ce sont des jurys assez alertes pour comprendre les créations proposées par les artistes en termes de projet de société. Maintenant, les anglophones ont beaucoup d’avance. Ils ont compris très tôt les enjeux de cette création contemporaine. Mais au-delà, il y a l’aspect de la maîtrise des technologies qui a été d’un apport important par rapport à ce Covid. C’est maintenant que les artistes africains ont compris que c’était le meilleur moyen de poser le pied sur l’accélérateur pour montrer leur créativité à travers le numérique. C’est là que Pierre Taugourdo a bien apprécié cette période de Covid pour que les Africains prennent conscience que les galeries à cette époque-là ont beaucoup fait de propositions dans le net.
Justement des artistes proposent une manifestation d’envergure entre deux biennales, qu’en pensez-vous ?
Je pense que la création est libre. C’est important s’il y a des propositions intéressantes et c’est bien si ce sont des artistes qui le font. Je ne vois pas de mal à cela, parce que la création doit être dynamique et continue. A mon niveau, je suis en perpétuel changement.
Vous faites partie de la Commission d’orientation de la biennale. En quoi consiste ce travail ?
C’est un travail fastidieux, intéressant et passionnant. Ce comité permet de donner la politique à définir pour orienter la réussite de cette biennale. A partir de ce moment, on voit tous les projets et on se focalise pour aider tel secteur à réussir son projet. Aujourd’hui, nous avons le professeur El Malick Ndiaye, Directeur artistique qui fait énormément de propositions intéressantes.
La 14e biennale coïncide avec les 30 ans de cet rendez-vous. Que faudrait-il faire pour améliorer l’événement ?
L’amélioration se fait tout naturellement. Aujourd’hui, quand on se souvient de la biennale de 90, on sent qu’il y a beaucoup d’amélioration concernant les propositions d’offres, d’organisation. On sent que l’autorité est derrière et cela est encourageant.
Parlez-nous maintenant des Sénégalais et de l’Art. Est-ce qu’il est de notre culture d’acheter un tableau d’art à des centaines de millions ?
C’est l’objet d’ailleurs de ce marché. Car depuis fort longtemps, quand j’étais tout jeune artiste, on nous disait que quand vous faites une exposition, il faut garder la liste des prix à côté. Mais la plupart du temps, il y a un changement de paradigme. Aujourd’hui, quand vous dites à une personne classique normale, un père de famille que vous avez acheté un tableau à plus de 5 millions FCFA, il va le trouver ahurissant. Alors qu’ils ne savent pas que le tableau est une valeur refuge. Ce n’est pas comme l’or qui subit des fluctuations. Le travail, c’est nous les artistes, les promoteurs d’art, l’amateur d’art, les critiques d’art, les gestionnaires… Il faut construire cette architecture. Nous devons faire rentrer dans la mentalité des Sénégalais que l’art est un corps de métier et cela nous renvoie au statut de l’artiste qui est en train d’avancer mais très lentement. Je souhaiterais qu’il y ait beaucoup plus de diligence pour permettre d’asseoir ce projet et de passer à une autre étape. On parle de la loi du 1% depuis plusieurs années, de la loi sur le mécénat, mais on n’arrive pas encore à asseoir cela. Tous les ministères qui sont arrivés, ont fait des efforts pour gérer cette situation, mais il nous faut encore beaucoup d’énergie pour que ces artistes puissent se retrouver dans ce qui est en train de se faire.
Souvent on vous reproche la cherté des tableaux.
La dernière fois quelqu’un est venu me voir pour me demander si ce qu’il a vu sur les cartels est le prix réel des tableaux. Il y avait des tableaux de 6, 5 millions, de 9, 5 millions, une toile de 40 millions FCFA. C’est un travail de dur labeur pour en arriver là. Il faut croire en soi, croire à sa création et dire que chaque œuvre d’art est destinée à une personne.
Alors qui sont vos potentiels clients ?
Nous avons beaucoup de clients d’ici et d’ailleurs. Nous avons des Sénégalais qui investissent dans les œuvres d’art. Ils ne sont pas nombreux. C’est un petit groupe qui achète des œuvres quel que soit le prix. Je vous donne un exemple : il n’y a pas longtemps, une autorité étrangère est venue au Sénégal pour chercher une œuvre de Pape Ibra Tall, quel que soit le prix.
Que pensez-vous de certains Sénégalais qui pensent que l’art doit être gratuit ?
Je pense que c’est un processus en construction, l’art doit être gratuit. Effectivement, j’ai eu beaucoup de personnes qui m’ont interpellé en me disant, M. Kassé, offrez-moi un tableau. Mais je sais ce que je fais. Je sais l’importance de ce que j’ai. Je sais la valeur de ma création. Les tableaux ne sont pas à donner. Je peux offrir parce que j’ai envie de donner. Mais, il faut savoir dire non quand il le faut. C’est pourquoi j’ai toujours dit qu’il faut le Bac art plastique. Il faut associer les artistes dans l’élaboration des curricula du système éducatif. Et un artiste doit se documenter, comprendre les enjeux sociaux économiques et culturels de ce monde pour pouvoir exister. J’invite les jeunes à aller apprendre. La guerre entre artistes a plombé la création artistique. Senghor, en tant qu’arbitre, regardait faire. Quand Iba Ndiaye en a eu marre, il est parti s’installer en France. Ibra Tall, quant à lui, est allé créer l’Ecole des beaux-arts avec une esthétique africaine. C’est ainsi que Senghor avait dit qu’il nous faut un art nouveau pour une nation nouvelle.
Mais est-ce qu’on en est arrivé là en termes de vision ?
Un art pur, une nouvelle nation, nous n’en sommes pas encore arrivés-là. Maintenant, est-ce qu’on doit faire un art pour nous-mêmes ? Je ne peux pas prétendre dire que je vais faire de l’académisme. Car je ne peux pas amener des femmes ici, nues, pour les dessiner, alors que cela se fait en Europe. Voilà le choix culturel et tout cela maintenant, il faut le réinventer par rapport à nos véritables réalités, nos us et nos coutumes. Car, on ne peut pas prétendre faire de l’art et continuer dans le néant sans avoir une véritable pédagogie, une feuille de route, une vision pour en arriver là.
MACKY SALL AU GRAND-THÉÂTRE POUR DONNER LE COUP D’ENVOI DU DAK’ART 2022
Le chef de l’Etat, Macky Sall, vient d’arriver au Grand-Théâtre national, où il va présider la cérémonie officielle d’ouverture de la 14e édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’art).
Dakar, 19 mai (APS) - Le chef de l’Etat, Macky Sall, vient d’arriver au Grand-Théâtre national, où il va présider la cérémonie officielle d’ouverture de la 14e édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’art).
Initialement prévue en 2020, cette édition du Dak’art (19 mai-21 juin) avait été reportée raison notamment de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19.
Le corps diplomatique accrédité à Dakar est fortement représenté à cette cérémonie officielle, de même que des représentants d’institutions internationales accréditées à Dakar.
L’humoriste canadien d’origine sénégalaise Boucar Diouf a été choisi pour animer cet évènement, l’Orchestra Baobab de Dakar étant chargé du volet musical de la manifestation.
Le thème "Ĩ Ndaffa#" (ou Forger/Out of the fire) choisi pour l’édition 2020 a été maintenu malgré le report de l’évènement et bonifié d’un dièse (#).
Le Dak’art est devenu une biennale en 1996 et depuis lors ces thèmes ont été déclinés en français notamment "L’Heure rouge" (2018), "La Cité dans le jour bleu" (2016) ou encore "Création contemporaine et dynamiques sociales" (2012).
59 ARTISTES DONT UN SCULPTEUR LAURENT CARVALHO
Laurent Carvalho est né à Dakar et a grandi à ziguinchor, il travaille aux Parcelles assainies dans la sculpture. Il a commencé la sculpture depuis l’âge de 12 ans. Son amour pour la sculpture s’est révélé pendant les vacances.
La 14ème édition de la Biennale de Dakar regroupera 59 artistes et collectifs d’artistes pour forger un nouveau destin commun, créer, imaginer et inventer. Parmi ces artistes figure Laurent Carvalho amoureux de la sculpture depuis l’âge de 12 ans
Laurent Carvalho est né à Dakar et a grandi à ziguinchor, il travaille aux Parcelles assainies dans la sculpture. Il a commencé la sculpture depuis l’âge de 12 ans. Son amour pour la sculpture s’est révélé pendant les vacances.
C’était d’abord une simple attirance vers la sculpture pour se divertir et après c’est devenu une vraie passion. Il a débuté professionnellement en 2006-2007 avec Madame Ndione, propriétaire de ADT où il a fait la découverte d’autres perspectives dans la sculpture (début lignes droites, d’autres formes plus techniques entre autres).
En 2010, après sa participation grâce à l’entreprise ADT à FESMAN, il décide d’arrêter son travail (6ans) suite de la maladie (AVC) de mon père car, étant le plus jeune, il a dû s’occuper de ce dernier jusqu’à sa mort. Mais durant ces 6 années, il a pu développer son côté artistique précisément dans le dessein, technique de coupe du bois, mieux comprendre les différentes qualités de bois. Son défunt père, avant sa mort, avait insisté pour qu’il continue sa voie dans le monde artistique.
L’artiste Carvalho profondément attaché à ses parents qu’il décrit comme ses “plus grands supporters (soutiens) et influenceurs” malgré les critiques, d’autres personnes qui ont contesté sa voie (mieux à faire, domaine qui pourra subvenir à mes besoins …) a pu faire des merveilles dans son domaine. Il a été Influencé artistiquement par Louis XIV. Ses centres d’intérêts, à part la sculpture, sont l’élevage, le contact avec la nature.
Dans le future, il envisage une continuité dans le domaine, acquérir d’autres connaissances, s’améliorer vu qu’il n’a jamais eu de formations et ne détient pas de diplômes dans le domaine, aller plus haut pour avoir la possibilité de faire des études plus avancées dans le domaine. Il aimerait aussi pouvoir travailler la sculpture du fer (combinaison avec le bois). Il est inspiré par la nature (l’environnement), le quotidien, les rencontres, le rejet de certaines œuvres qu’il veut reprendre pour en sortir un meilleur point de vue. Il donne quelques explications de l’œuvre, pour le poisson (piss espada, espadon) pour dénoncer les attaques envers les poissons, la pollution marine. C'est plus une œuvre de sensibilisation, de protection de la mer pour les générations futures, la rareté de certaines espèces.
Pour Laurent Carvalho, la patience est un art, il se dit que le temps de Dieu n’est pas le temps des humains, faire avec le cœur sans tricherie et sans état d’âme, tout ce qui vient du cœur retourne au Coeur. C’est pourquoi son amour pour la sculpture triomphera !
SANT-LOUIS, TERRE D'INSPIRATION LITTÉRAIRE
De nombreux écrivains, poètes et romanciers originaires de cette ville multiculturelle se sont inspirés de leurs preux devanciers pour tenir le flambeau de la culture très haut, raviver la flamme de la littérature négro-africaine d’expression française
L’histoire culturelle de Saint-Louis est restée profondément marquée par la vie littéraire intense de grands intellectuels qui ont fait rayonner la vieille cité par leur plume. De nombreux écrivains, poètes et romanciers sénégalais, originaires de cette ville multiculturelle se sont inspirés du talent de leurs preux devanciers métis, pour tenir le flambeau de la culture très haut, raviver la flamme de la littérature négro-africaine d’expression française, qui a accompagné la période coloniale dans la cité.
Première capitale de l’Afrique occidentale française (Aof), Saint-Louis est aussi le berceau de la littérature sénégalaise d’expression française. Le transfert de la capitale de l’Aof de Saint-Louis à Dakar a été effectué en 1902. Alors commença la régression de la ville sur plusieurs plans, notamment économique, mais sa richesse culturelle est restée intacte.
Saint-Louis, étant une vieille terre de culture, toutes les formes d’expressions de l’art s’y trouvent revigorées, voire renforcées, du fait d’une tradition multiséculaire de multiculturalisme. Les mélanges culturels y sont, comme qui dirait, naturels ! On y trouve de tout, en termes de métissages culturels, des plats sénégalais dont on pourrait se demander s’ils l’étaient vraiment, tellement les relents des cuisines françaises, anglaises, maures, marocaines, congolaises, maliennes, guinéennes… y sentent si fort que l’on croirait déguster au banquet de l’universel. En effet, nous explique Alioune Badara Coulibaly, enseignant à la retraite et président du Cercle des écrivains et poètes de Saint-Louis (Ceps), la ville tricentenaire doit son rayonnement actuel à la richesse de son remarquable patrimoine culturel, qui lui a valu son inscription par l’Unesco au patrimoine mondial de l’Humanité en 2000.
La vieille cité se distingue également par une production littéraire considérable. Selon M. Coulibaly, des auteurs comme Aminata Sow Fall qui n’est plus à présenter dans le monde littéraire africain, Abdoulaye Sadji dont le roman « Nini ou la mulâtresse » fait partie des classiques africains, Malick Fall, un précurseur de la modernité dans le roman d’Afrique francophone et autres auteurs bien connus, se sont servis de Saint-Louis comme espace de leur production littéraire. De nombreux jeunes auteurs se sont manifestés ces dernières décennies, « ce qui confirme la caractéristique de Saint-Louis, à savoir ville au bouillonnement culturel qui compte le plus grand nombre de poètes au Sénégal ».
Alioune Badara Coulibaly fait aussi partie des honorables fils de la vieille ville qui se distinguent par la qualité de leurs œuvres. Il est l’auteur de plusieurs œuvres poétiques, de même que Elie Charles Moreau qui a publié un recueil dans le cadre de la célébration des 140 ans de la ville. L’ouvrage en question, « Saint-Louis est un infini poème d’amour », montre toute la passion qui lie le poète à sa ville natale.
Roman, poésie et littérature
Très intéressé par ce sujet, Pape Samba Diagne, romancier et Inspecteur de l’enseignement élémentaire, en poste au niveau de l’Inspection de l’éducation et de la formation (Ief) de Saint-Louis/Département, fait des analyses pointues à travers des questionnements. Et l’environnement ? se demande-t-il. Presqu’irréel, selon certains, Saint-Louis avec ses plages, ses couchers de soleil, ses ponts, ses rues, à l’origine si bien dessinés, ses vieilles bâtisses coloniales, ses brises marines, ses chaumières, ses touristes blancs, ses marchands maures, ses marchands ambulants… Et ce métissage ethno-racial, a-t-il souligné, est si profond que, de part et d’autre, et de quelque côté qu’on puisse se tourner, l’on aura forcément affaire à un « métis culturel », quel que soit, du reste, le nom qu’il porte, puisque son sang aura fini de réconcilier les ethnies et, même parfois, les peuples ! Si, à cela, poursuit M. Diagne, « on ajoute une certaine propension à un Intellectualisme, pour certains suranné et d’autre âge, fruit d’un long compagnonnage avec l’Ecole française, l’Ecole arabo-coranique et le Presbytère, le type Saint-Louisien devient un homme de culture dans tous les sens du terme ».
De l’avis de Samba Diagne, du fait donc de son environnement et de son histoire, personnelle, à la fois psychosociale et socioculturelle, il sent le besoin de partager sa sensibilité et son regard sur ce qui l’entoure. Et comment ne pas partager ces émotions, sensations et ressentis qui vous assaillent autrement que par l’expression, quelle qu’en soit la forme artistique dont l’écriture n’est pas des moindres ? Car, selon lui, en vérité, écrire est juste une façon, parmi tant d’autres, de partager ses « ressentis », puisque, nul n’étant indifférent (délibérément), « notre environnement, avec, du reste, nous, interagit sans cesse, agit sur nous et influence nos pensées, nos croyances, nos convictions, pire même, nos certitudes, plus même, les conforte ou les remet en question ».
Saint-Louis du Sénégal, ville d’Histoire et d’histoires, est multiculturelle. Il y a du tout ! Qu’il s’agisse de ports vestimentaires, que de (recettes culinaires) cuisines, qu’il s’agisse de brassages racio-ethno-religieux, qu’il s’agisse de traditions coraniques ou politiques ou sportives ! Tout y est, dans l’ancienne Capitale de l’Aof puis de la Colonie du Sénégal colonial. C’est pourquoi, nous explique Samba Diagne, la littérature en général, la prose et la poésie en particulier, y ont joué -et continuent d’y jouer- un rôle important. Que Saint-Louis serve de cadre spatio-temporel à des intrigues romanesques ou à des envolées lyriques poétiques ! Cela a pu être le cas d’Abdoulaye Sadji, le natif de Rufisque dans « Nini, la mulâtresse », tiraillée (entre deux cultures) de Saint-Louis du Sénégal.
Cela a pu être aussi « Karim », dandy d’une Saint-Louis coloniale, de son auteur saint-louisien Ousmane Socé Diop, auteur du premier roman sénégalais. Cela a pu être apparent chez l’honorable Amadou Dugay Clédor dans ses « Monographies ». Cet héritage à la fois religieux, politique et culturel a pu pousser feu Alioune Diop à créer la première Maison d’édition d’Afrique noire, Présence Africaine, sans oublier, parmi les plus illustres, feu Charles Carrère (9 décembre 1928/17 janvier 2020), Officier des Arts et des Lettres et auteur d’ « Océanes » (1979), « Mémoires de la Pluie » (1983), « Hivernage » (1999), entre autres.
Certaines figures emblématiques
Mais qui oserait parler de belles lettres et plumes à Saint-Louis sans faire la part belle à feue Madame Amina Mbaye Sow disparue le 28 janvier 2021 (« Mademoiselle » (1984), « le Sang du mortier » (2001), son fils, Pape Samba Sow « Zoumba », Aminata Sow Fall (« La grève des bàttu », « Le Revenant », « L’Appel des Arènes »), Louis Camara (« Le Choix de L’Ori »), Papis Diallo, Alioune Badara Coulibaly, le président du Ceps, le brillant Alpha Sy, et tant d’autres de Saint-Louis, sans y être, sans y résider.
Tous ces auteurs, fait savoir Pape Samba Diagne, et leurs successeurs qui essaient, tant bien que mal à tenir le flambeau très haut, ont pu vanter la culture du métissage sur fond d’enracinement aux traditions, sachant qu’à Saint-Louis, la tradition en elle-même y est métissée, multiculturelle et interculturelle, au point, pour de bonnes dames, musulmanes de Saint-Louis, d’aller à l’Eglise soutenir des proches chrétiens éplorés par le deuil.
Quant à nos valeureux poètes, soutient ce romancier, le lyrisme les emmène dans des envolées dont l’esthétique des paysages décrits n’a d’égale que l’esthétique des mots qui les décrivent, fidèles, en cela, au plus ancien héritage des Citoyens français de Saint-Louis du Sénégal : l’amour, voire le culte du Beau, le beau étant, bien entendu, universel, comme le rappelle si à-propos Kant.
M. Diagne pense que ce serait une méprise impardonnable qui friserait le lèse-majesté que de passer sous silence les fameuses séances de dithyrambes du quartier Nord durant lesquelles les exquis (délicieux) poèmes (Badiyou) enjoliveurs) de Madior Goumbo Cissé dit « Baye Madior » dont les déclamations ferventes et lyriques faisaient échos aux non moins délicieuses poésies de ses hôtes et amis Seydil Hadj Malick Sy et Cheikh Ahmadou Bamba, sous la censure coranique de Serigne Amad Diop Gora, l’érudit, « voilà encore des moments de littérature qui ont participé, pour beaucoup, à la transmission de la Culture islamique à Saint-Louis du Sénégal, surtout sous l’angle de l’Affection illimitée vouée au Prophète de l’Islam ».
Pour Charles Ndiaye, président de l’Association Entre’Vues, Saint-Louis est une ville multiculturelle ouverte au monde, qui a toujours été un lieu de brassage culturel et un creuset d’intellectuels. En atteste la composition d’une partie de sa population métisse. Et si la littérature d’expression française a été inaugurée par les Métis, la population autochtone islamisée n’en était pas pour autant constituée d’analphabètes puisque certains « Ndar-Ndar » — Ndar est le nom ouolof de la ville — écrivaient dans les langues vernaculaires avec des caractères arabes. C’est donc avec sa population métisse que la littérature d’expression française a commencé à s’exprimer. Abbé David Boilat fut l’un des écrivains les plus représentatifs de cette période.
BIENNALE DE DAKAR, PRÉS DE 430 SITES RÉPERTORIÉS POUR LES EXPOSITIONS "OFF"
Prés de 430 sites sont répertoriés dans le cadre des expositions "OFF" labellisées de la 14e édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar prévue du 19 mai au 21 juin, a appris l’APS mercredi du responsable de ce volet.
Dakar, 18 mai (APS) – Prés de 430 sites sont répertoriés dans le cadre des expositions "OFF" labellisées de la 14e édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar prévue du 19 mai au 21 juin, a appris l’APS mercredi du responsable de ce volet.
"Nous avons à peu près 430 sites d’expositions qui peuvent être élargis parce qu’il y a des sites où il y a deux, voire trois exposants’’, a souligné Mauro Petroni, artiste, céramiste, établi au Sénégal depuis plusieurs décennies et en charge de ce volet ‘’OFF’’ depuis 2002.
Dans un entretien avec l’APS, il a fait savoir qu’il y a une augmentation des sites de l’ordre de 25% de plus comparée à la dernière édition en 2018 lors de laquelle les organisateurs avaient enregistré 320 sites.
Ce nombre croissant d’exposants ‘’OFF’’ prouve "l’intérêt des opérateurs pour la biennale de Dakar qui n’est plus un évènement dakarois, ni sénégalais", a-t-il fait valoir.
"On voit que la biennale s’étale dans les autres régions du Sénégal, notamment sur la Petite côte où il y a énormément de sites cette année, Saint-Louis éventuellement, Tambacounda, Kédougou et les centres régionaux qui ont organisés un réseau biennale", a ajouté Petroni.
Selon lui, il y a même des "Off" dans la diaspora pour cette édition. "Il y a deux expositions en Italie dont une à Rome, et une autre dans une ville universitaire, il y a en France, en Hollande et à Martinique".
Le Dak’Art, a-t-il dit, est un évènement qui est en train de voyager et qui amène l’image du Sénégal loin. Mais, "le centre de la biennale reste Dakar", a-t-il lancé.Dakar, 18 mai (APS) – Prés de 430 sites sont répertoriés dans le cadre des expositions "OFF" labellisées de la 14e édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar prévue du 19 mai au 21 juin, a appris l’APS mercredi du responsable de ce volet.
"Nous avons à peu près 430 sites d’expositions qui peuvent être élargis parce qu’il y a des sites où il y a deux, voire trois exposants’’, a souligné Mauro Petroni, artiste, céramiste, établi au Sénégal depuis plusieurs décennies et en charge de ce volet ‘’OFF’’ depuis 2002.
Dans un entretien avec l’APS, il a fait savoir qu’il y a une augmentation des sites de l’ordre de 25% de plus comparée à la dernière édition en 2018 lors de laquelle les organisateurs avaient enregistré 320 sites.
Ce nombre croissant d’exposants ‘’OFF’’ prouve "l’intérêt des opérateurs pour la biennale de Dakar qui n’est plus un évènement dakarois, ni sénégalais", a-t-il fait valoir.
"On voit que la biennale s’étale dans les autres régions du Sénégal, notamment sur la Petite côte où il y a énormément de sites cette année, Saint-Louis éventuellement, Tambacounda, Kédougou et les centres régionaux qui ont organisés un réseau biennale", a ajouté Petroni.
Selon lui, il y a même des "Off" dans la diaspora pour cette édition. "Il y a deux expositions en Italie dont une à Rome, et une autre dans une ville universitaire, il y a en France, en Hollande et à Martinique".
Le Dak’Art, a-t-il dit, est un évènement qui est en train de voyager et qui amène l’image du Sénégal loin. Mais, "le centre de la biennale reste Dakar", a-t-il lancé.
AMADOU HAMPATÉ BA, LE «VIEILLARD-BIBLIOTHÈQUE» QUI A ÉBLOUI LE MONDE OCCIDENTAL DE SA SAGESSE
Amadou Hampaté Bâ est né en 1900 ou 1901 à Bandiagara, chef-lieu du pays Dogon et ancienne capitale de l’Empire toucouleur. Enfant de Hampaté Bâ et de Kadidja Pathé Poullo Diallo, il est descendant d’une famille peule noble
Amadou Hampaté Bâ est né en 1900 ou 1901 à Bandiagara, chef-lieu du pays Dogon et ancienne capitale de l’Empire toucouleur. Enfant de Hampaté Bâ et de Kadidja Pathé Poullo Diallo, il est descendant d’une famille peule noble. Peu avant la mort de son père, il sera adopté par le second époux de sa mère, Tidjani Amadou Ali Thiam, de l’ethnie toucouleur. Il fréquente d’abord l’école coranique de Tierno Bokar, un dignitaire de la confrérie tidjaniyya, avant d’être réquisitionné d’office pour l’école française à Bandiagara puis à Djenné. En 1915, il se sauve pour rejoindre sa mère à Kati (Mali) où il reprendra ses études. Il manquera d’être mobilisé par l’armée Française à Mopti, en 1916, pour partir au front en Europe, comme il n’arrivait pas à prouver la date de sa naissance. Finalement, il ne sera pas recruté, les Français estimant qu’il avait sans doute 15 ans, un âge trop jeune pour combattre. En 1921, il refuse d’entrer à l’École normale de Gorée. À titre de punition, le gouverneur l’affecte à Ouagadougou, en qualité d’« écrivain temporaire à titre essentiellement précaire et révocable ». De 1922 à 1932, il occupe plusieurs postes dans l’administration coloniale en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) puis jusqu’en 1942 à Bamako. En 1933, il obtient un congé de six mois qu’il passe auprès de Tierno Bokar, son maître spirituel.
De l’Ifan à l’Unesco…
En 1942, il est affecté à l’Institut français d’Afrique noire (IFAN) de Dakar grâce à la bienveillance de son directeur, le professeur Théodore Monod. Il y effectue des enquêtes ethnologiques et recueille les traditions orales. Il se consacrera notamment à une recherche de quinze ans qui le mènera à rédiger l’Empire peul du Macina. En 1951, il obtient une bourse de l’Unesco lui permettant de se rendre à Paris et de rencontrer les milieux africanistes, notamment Marcel Griaule. En 1960, à l’indépendance du Mali, il fonde l’Institut des sciences humaines à Bamako et représente son pays à la Conférence générale de l’Unesco. En 1962, il est élu membre du Conseil exécutif de l’Unesco. En 1966, il participe à l’élaboration d’un système unifié pour la transcription des langues africaines. En 1968, il est nommé ambassadeur du Mali en Côte d’Ivoire. En 1970, son mandat à l’Unesco prend fin.
Ahmadou Hampaté Bâ et son disciple Alfa Ibrahima Sow seront récompensés en 1975 par l’Académie française en reconnaissance des services rendus au dehors à la langue française (Médaille d’argent du Prix de la Langue Française). Amadou Hampaté Bâ se consacre alors entièrement à son travail de recherche et d’écriture. Les dernières années de sa vie, il les passera à Abidjan en Côte d’Ivoire à classer ses archives accumulées durant sa vie sur les traditions orales d’Afrique de l’Ouest ainsi qu’à la rédaction de ses mémoires, Amkoullel l’enfant peul et Oui mon commandant !, qui seront publiés en France en 1991. Il meurt à Abidjan en mai 1991. La publication, la révision et la conservation de ses écrits ont reçu l’aide de Hélène Heckmann, devenue sa femme en 1969.
Passionné par le patrimoine culturel africain, Ahmadou Hampaté Bâ le recueille, le transcrit et le traduit dès son plus jeune âge pour le sauvegarder, et rassemble de précieuses archives en français, pular, adjami, bambara, arabe qui alimentent son œuvre. Il collecte, transcrit, commente et publie ainsi de nombreuses traditions orales peules. Il accorde une grande importance aux valeurs de solidarité et de responsabilité présentes dans les civilisations africaines traditionnelles, et au rapport au monde naturel et à la spiritualité. Il affirme : « On se condamne à ne rien comprendre à l’Afrique traditionnelle si on l’envisage à partir d’un point de vue profane ». Dans sa première recherche à l’Ifan « L’Empire peul du Macina », Ahmadou Hampaté Bâ explique comment la tradition orale, analysée avec méthode, peut être considérée comme une archive fiable. Pour lui, « C’est notre devoir, à nous qui avons hérité d’une tradition orale, que d’essayer d’en transmettre ce que nous pouvons avant que le temps et l’oubli ne la fassent disparaître de la mémoire des hommes ».
« Chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle »
Lors de la onzième conférence générale de l’Unesco Amadou Hampaté Bâ prononce un discours le 1er décembre 1960 où il demande « que la sauvegarde des traditions orales soit considérée comme une opération de nécessité urgente au même titre que la sauvegarde des monuments de Nubie ». Il a cette métaphore : « Pour moi, je considère la mort de chacun de ces traditionalistes comme l’incendie d’un fond culturel non exploité ».
En 1962, au Conseil exécutif de l’Unesco où il a été élu, il répond au sénateur américain Benton qui traite les Africains d’ingrats, analphabètes et ignorants : « Je concède que nous sommes des analphabètes, mais je ne vous concède pas que nous soyons des ignorants.[...] Apprenez que dans mon pays, chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui a brûlé ». Dans la pure tradition orale, la formule est abondamment reprise et déclinée en de multiples variantes, telles que « Chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle ». L’auteur fait lui-même une mise au point lors du Festival mondial des arts nègres de Dakar en 1966 et reformule ainsi sa pensée : « En Afrique, chaque fois qu’un vieillard traditionaliste meurt, c’est une bibliothèque inexploitée qui brûle ». Sa déclaration – « véritable fleur de l’oralité » – a pris le rang de proverbe africain et Hampaté Bâ incarne désormais le « vieillard-bibliothèque ». En 1975, l’Académie Française décerne à Ahmadou Hampaté Bâ la médaille d’argent du prix de la langue française pour ses services rendus à la langue française au dehors. En 1974, le Grand prix littéraire d’Afrique noire lui est octroyé pour L’Étrange Destin de Wangrin.
Une fondation Ahmadou Hampaté Bâ, soutenue par les autorités ivoiriennes, a été créée à Abidjan, avec pour vocation, notamment, de préserver le riche patrimoine que constituent les manuscrits, y compris non publiés, les recherches et les archives d’Ahmadou Hampaté Bâ. Une pièce de théâtre a été consacrée à l’héritage d’Ahmadou Hampaté Bâ et à Dakar (Zone B), une université privée porte son nom. Dans le 10e arrondissement de Paris, le square Amadou-Hampaté-Bâ lui rend hommage.
par l'éditorialiste de seneplus, Jean-Claude Djéréké
DADIÉ, L’ÉCRIVAIN QUI JAMAIS N’ACCEPTA LE DIKTAT DE LA FRANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour lui, si le Blanc refuse la liberté et la sécurité au Noir, c’est parce que, "dans le bureau où je travaille avec d’autres Africains, beaucoup d’Européens viennent, regardent, puis repartent déçus, disant : Il n’y a personne"
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 17/05/2022
“Le travail et, après le travail, l’indépendance, mon enfant. N’être à la charge de personne, telle doit être la devise de votre génération. Et il faut toujours fuir l’homme qui n’aime pas le travail.” Lorsque Bernard Binlin Dadié alias Climbié entendait ces paroles de l’oncle N’Dabian dans le roman éponyme, il était loin d’imaginer qu’il aurait à mener un jour, avec d’autres, le combat pour l’indépendance de son pays.
Nous sommes dans les années 1920 et Dadié n’a que 4 ans. La Côte d’Ivoire et d’autres pays de l’Afrique francophone subissent les affres de la colonisation. Gabriel Angoulvant, Jean-Baptiste Chaudié, Pierre Savorgnan de Brazza et d’autres gouverneurs français règnent en maîtres absolus sur les populations africaines. Que ce soit à Grand-Bassam pendant ses études primaires ou à l’École normale William Ponty de Gorée (Sénégal), là où étaient formés les futurs cadres de l’Afrique occidentale française, le jeune Dadié se heurte vite au complexe de supériorité du Blanc. Il ne comprend pas que ce dernier veuille remplacer la culture africaine par la culture occidentale.
À l’Institut fondamental d’Afrique noire de Dakar qui l’emploie comme bibliothécaire-archiviste pendant dix ans (1937-1947), il est confronté au même mépris. Pire encore, il est témoin du massacre des tirailleurs africains au camp de Thiaroye, le 1er décembre 1944. 70 anciens prisonniers de la Seconde Guerre mondiale sont tués ce jour-là par des gendarmes français. Leur crime ? Avoir osé réclamer le paiement de leur solde. De retour dans son pays, Bernard Dadié milite dans le Rassemblement démocratique africain (RDA) de Félix Houphouët-Boigny. Malheureusement, il est incarcéré en 1949.
Pendant seize mois, il séjourne dans la prison de Grand-Bassam en même temps que Mathieu Ekra, Jean Baptiste Mockey, Ladji Sidibé, Alloh Jérôme, Jacob William, Albert Paraiso, Philippe Viera, Bakary Diabaté. En prison, il note tout ce qui lui vient en tête dans un journal qui sera publié en 1981 sous le titre ‘Carnets de prison’ dont un extrait dit ceci : “Une voix partie d’une force homicide, dit : tuez-les, comme cela le monde sera libre. Tuez-les, comme cela nous pourrons digérer en paix.”
Pourquoi Dadié fut-il emprisonné ? Parce qu’il avait dénoncé l’exploitation dont les paysans ivoiriens étaient victimes, parce qu’il avait protesté, dans ses écrits, contre le café, le cacao et la cola achetés à un prix dérisoire par le colon. Celui-ci estimait, pour sa part, que Dadié était un antifrançais, qu’il s’était retourné contre la France qui l’avait formé, qu’il semait le désordre, qu’il poussait les indigènes à la révolte, bref que ses articles et discours “avaient excité les paisibles paysans qui maintenant refusaient de vendre leurs produits”. Le natif d’Assinie a beau ne pas avoir droit, dans cette prison, “au lit, au couvert, au repas venu de l’hôtel mais à la natte, à la vieille gamelle rouillée et sale, au repas infect cuit dans un fût d’essence au coucher de dix-sept heures”, il croit dur comme fer qu’on “ne peut l’empêcher de penser ce qu’il pense, de penser que l’homme a droit à un minimum de bien-être, un minimum de liberté, de sécurité, sans lequel il ne pourra jamais s’épanouir”. Pour lui, si le Blanc refuse la liberté et la sécurité au Noir, c’est parce que, “dans le bureau où je travaille avec d’autres Africains, beaucoup d’Européens viennent, regardent, tournent, se retournent, puis repartent déçus, disant : Il n’y a personne”.
C’est un des passages que j’aime beaucoup dans le récit autobiographique ‘Climbié’ (Ed. Seghers, 1956). Pourquoi ? Parce que l’Occident, à mon avis, continue de penser qu’il n’y a personne en Afrique. Car comment comprendre qu’il se comporte régulièrement en Afrique comme bon lui semble sans que nous ne réagissions comme Israël sait si bien le faire quand il est attaqué ? Notre passivité, notre tendance à nous résigner facilement et notre manie de nous défausser au moyen de formules aussi stupides que “à Dieu la vengeance et la rétribution” ne le confortent-elles pas dans l’idée qu’il n’y a personne en Afrique et que, quoi qu’il fasse contre les Africains, il n’y aura aucune sanction contre lui ?
Le 26 juillet 2007, à Dakar, Sarkozy nous insulta en déclarant ex cathedra que l’homme africain n’était pas assez entré dans l’Histoire et il n’y eut personne dans la salle de l’université Cheikh Anta Diop pour le contredire, séance tenante. En 2011, Mouammar Kadhafi fut abattu comme un chien dans un pays détruit par les bombes de l’OTAN et il n’y eut personne pour riposter. L’armée française commit des massacres en Côte d’Ivoire en 2004, puis en 2011 mais il n’y eut personne pour porter plainte contre elle. Le Togolais Sylvanus Olympio fut assassiné le 13 janvier 1963, parce qu’il voulait sortir du franc CFA, le Malien Modibo Keïta qui prônait le non-alignement à l’extérieur et un modèle de développement socialiste sur le plan local fut renversé le 19 novembre 1968, le Burkinabè Thomas Sankara perdit la vie dans un coup d’État le 15 octobre 1987, parce qu’il refusait de faire allégeance aux gouvernants français et il n’y eut personne pour se battre pour que justice leur soit rendue. Si Dadié était encore en vie, il remercierait et féliciterait les autorités judiciaires maliennes d’avoir convoqué à Bamako Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères de la France, pour atteinte aux biens publics.
C’est en 1960 que la Côte d’Ivoire devint “indépendante”. 17 ans plus tard, Dadié est nommé ministre de la Culture. Il occupe cette fonction pendant 9 ans. Son départ du gouvernement est un soulagement pour lui. Il faut dire que, après le désapparentement du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avec le parti communiste français en octobre 1950 et la décision prise par ce parti de travailler désormais avec l’administration coloniale, Houphouët avait perdu l’estime de Dadié. C’est la raison pour laquelle Dadié affirmait être “ni houphouétiste ni anti-houphouétiste mais RDA”.
Dans ses nouvelles, contes, romans, poèmes, pièces de théâtre ou chroniques, Bernard Dadié a toujours milité pour l’indépendance et la souveraineté de l’Afrique, fustigé cette “France qui dit bien la voie droite et chemine par les chemins obliques” (Léopold Sédar Senghor dans ‘Hosties noires’, Seuil, 1948), plaidé pour que personne ne décide à la place des peuples noirs car la Seconde Guerre mondiale a révélé que “l’Européen, tout comme l’Africain, est un homme qui peut souffrir, avoir faim, soif, un homme constamment à la recherche de la sécurité” (cf. Climbié’). Défenseur de la culture africaine, Bernard Dadié reçoit en 2016, des mains de la Directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, le premier prix Jaime Torres Bodet. Il obtient à deux reprises le Grand prix littéraire d’Afrique noire pour ‘Patron de New York’ (1965) et ‘La ville où nul ne meurt’ (1968).
Au début des années 2000, la cible de Dadié n’est plus le colonialisme mais le néocolonialisme, que Kwame Nkrumah présente comme “le dernier stade de l’impérialisme”. Lorsque la Côte d’Ivoire est attaquée et divisée en deux dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 par une horde de voyous et de renégats soutenus par Paris, Bernard Dadié ne tarde pas à prendre position pour la République et ceux qui l’incarnent. C’est logiquement donc qu’il est choisi pour présider le Congrès national de résistance pour la démocratie (CNRD). Malgré son grand âge, l’écrivain publie des articles pour appeler le peuple à la résistance. Le 16 juin 2016, avec l’ancien Premier ministre togolais, Joseph Kokou Koffigoh, il lance une pétition pour la libération de Laurent Gbagbo déporté à La Haye, le 29 novembre 2011. En six mois, la pétition récolte plus de 26 millions de signatures.
Hommage est rendu à ce grand résistant en septembre 2010 devant plusieurs personnalités du monde de la culture et de la politique parmi lesquelles Émile Derlin Zinsou, ancien président du Bénin, Seydou Badian, Cheikh Hamidou Kane et Christiane Yandé Diop, la veuve d’Alioune Diop. Il s’agissait d’honorer et de célébrer un homme qui jamais n’accepta de subir le diktat de la France, un homme qui en 1956 déjà écrivait ceci : “Contact des Blancs et des Nègres, la guerre ! Toujours la force. Arracher au faible sa bouchée de pain, l’asservir puis, sur les hécatombes, danser de joie, crier sa victoire. Voilà ce qu’on appelle asseoir la Civilisation, le Droit, la Liberté. À ceux qui acceptent l’état de fait, on donne tout. À ceux qui refusent la sujétion, parlent de droit, on donne l’exil, la prison, la mort.” (cf. ‘Climbié’).