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25 novembre 2024
Culture
par Seydou Ka
SOULEYMANE BACHIR DIAGNE, UNE PHILOSOPHIE DE LA TRADUCTION
Le travail de traduction est une des réponses aux conséquences de la domination linguistique. Cette conviction est au cœur de l’ouvrage que vient de publier Souleymane Bachir Diagne intitulé "De langue à langue"
Le travail de traduction est une des réponses aux conséquences de la domination linguistique. Cette conviction est au cœur de l’ouvrage que vient de publier Souleymane Bachir Diagne intitulé « De langue à langue. L’hospitalité de la traduction » (Albin Michel, 175 p., 2022). Le philosophe sénégalais, en humaniste convaincu, y déploie une « éthique de la réciprocité » et un « optimisme de la traduction » qui ne signifie toutefois pas naïveté.
La question de la traduction, de l’universel et du pluriel, est au cœur de la démarche philosophique de Souleymane Bachir Diagne. Depuis son premier ouvrage, « Boole, 1815-1864. L’oiseau de nuit en plein jour » (Bélin, 1989), il ne cesse de faire dialoguer différentes traditions philosophiques (africaine, islamique et chrétienne). Un intérêt qui s’explique peut-être par le parcours de l’auteur qui revendique une triple culture – africaine, française et américaine – et parle plusieurs langues. L’ouvrage qu’il vient de publier, intitulé « De langue à langue. L’hospitalité de la traduction » (Albin Michel, 175 p., 2022), constitue ainsi une sorte de synthèse de cette réflexion philosophique qui traverse en filigrane toute son œuvre. Comme il l’explique lui-même dans l’introduction, cet ouvrage présente « une réflexion sur la traduction et sur sa capacité, son pouvoir de créer une relation d’équivalence, de réciprocité entre les identités, de les faire comparaître, c’est-à-dire paraître ensemble sur un pied d’égalité, en faisant que de langue à langue on se parle et se comprenne ». Il s’agit là de l’essence de la traduction (la mise en rapport) pour reprendre l’expression d’Antoine Berman.
À la vision de la traduction comme instrument de domination, de hiérarchie entre les langues, Souleymane Bachir Diagne, en philosophe humaniste, oppose une « éthique de la traduction » afin de créer de la réciprocité, de la rencontre dans une humanité commune. « Faire l’éloge de la traduction, écrit-il, n’est pas ignorer qu’elle est domination. C’est célébrer le pluriel des langues et leur égalité » (p. 19). Dans cet échange, qui n’est pas transaction, mais « charité », tout le monde gagne, parce que de manière générale, traduire est « faire communauté humaine avec les locuteurs de la langue qu’on traduit ». Ainsi, l’éthique de la traduction, c’est de « faire humanité ensemble ».
À travers l’expérience de la pensée de Willard Van Orman Quine (1908-2000), Diagne montre que si la traduction se montre de prime abord comme une situation d’asymétrie coloniale, elle se retourne en affirmation de l’égalité et en proclamation d’une identité humaine partagée. C’est l’une des leçons qu’on peut tirer de la scène de traduction qu’évoque Amadou Hampâté Bâ dans la biographie qu’il a consacrée à celui qui fut son tuteur, son maître et guide spirituel, intitulée « Vie et enseignement de Tierno Bokar. Le Sage de Bandiagara » (Paris, Seuil, 1980).
Traduire l’orature
La rouerie de l’interprète Oumar Sy pour éviter à Tierno Bokar la prison lors de son interrogatoire par le commandant de Cercle dans l’affaire opposant les « onze grains » au « douze », est un cas d’école. Censé être un simple truchement de l’administration coloniale, l’interprète s’est arrogé un rôle de médiateur (culturel). Pourtant, l’interprétation manipulatrice d’Oumar Sy ne fut pas pour autant une traîtrise ou une trahison de sens, nous dit S. B. Diagne, mais au contraire un acte véritable de traduction, parce que « traduire, c’est prendre en compte la totalité du contexte culturel dans sa complexité ».
D’ailleurs, à l’image d’Amadou Hampâté Bâ, toute une génération d’interprètes coloniaux devinrent tout simplement interprètes de soi et de leur culture donnant naissance à ce qu’on appellera « littérature de traduction ». En traduisant « l’orature », ils imposent à la langue impériale « la douce violence du métissage que crée le commerce de langue à langue ». Dès lors, l’essence de la traduction devient une « fertilisation croisée » pour reprendre l’expression du poète mauricien Edouard Maunick. L’auteur fait une lecture similaire à propos des traductions jadis effectuées par les artistes européens des avant-gardes, Picasso en particulier, en position de médiateurs, du langage visuel d’artefacts qui furent eux-mêmes des médiateurs et non des intermédiaires ou des truchements.
L’argument décisif de Souleymane Bachir Diagne dans cet ouvrage est le suivant : le philosophe est par essence un traducteur. Il rappelle que la « translatio studii », autrement dit le transfert, d’une culture à une autre, d’une langue à une autre, de la pensée grecque a fait du latin en Europe, et ce pendant des siècles, l’idiome par excellence de la philosophie. Le même mouvement a été observé dans le monde musulman (cf. Souleymane Bachir Diagne, « Comment philosopher en islam ? », Editions Panama, 2008). Contre « l’érection de barbelés » autour de la philosophie, supposée être le bien propre de l’Occident, le philosophe sénégalais s’inscrit plutôt dans un mouvement de décolonisation de l’histoire de la philosophie. Le mythe (moderne) faisant du logos le propre de l’Occident est « enfant du colonialisme », écrit-il.
Traduire la parole de Dieu
Mais ce travail se heurte parfois à une sorte « d’ethno-nationalisme linguistique ». Ce qu’illustre la célèbre disputation publique qu’évoque Souleymane Bachir Diagne, qui eut lieu à Bagdad, à la cour du vizir, en l’an 932, et qui a opposé le philosophe logicien Abu Bishr Matta ibn Yunus au grammairien Abu Sai al-Sirafi, sur le sujet de l’universalité des catégories et de la logique aristotélicienne.
Face à la colère d’al-Sirafi dirigée contre les inévitables hybridations que la traduction impose à la langue de la Révélation (l’arabe), Abu Bishr Matta répond que le travail de traduction conserve l’universel, ou mieux : que l’universel est précisément ce qui se conserve dans la traduction. Pour S. B. Diagne, si la colère qu’il manifeste continûment dans le débat ne rend guère sympathique l’arrogant grammairien, elle ne l’aveugle cependant pas sur la vérité de la position qu’il soutient, « que l’universel doit faire fond sur le pluriel des langues, qu’aucune d’elles n’est le logos incarné sur lequel toutes doivent se régler » (p. 121). Diagne pose une autre question plus redoutable : comment traduire la parole de Dieu ? C’est au fond, relève-t-il, la question théologique et philosophique que pose la scène des premières pages de « L’Aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou Kane que tous les lecteurs connaissent par cœur – quand la langue de Samba Diallo a fourché en récitant son verset… Cette scène pose la question de ce que S. B. Diagne appelle, d’une part, la « traduction verticale » de la parole de Dieu, qui est « descente » de l’infini et de l’éternel dans la finitude et la temporalité d’une langue humaine, d’autre part les « traductions horizontales » de cette parole, lorsqu’elle est rendue dans d’autres langues humaines. La Révélation, dit-il, est aussi « le temps de la traduction en langue arabe », pendant les vingt-trois années durant lesquelles elle s’est déroulée. À cette traduction « horizontale » s’insère ce que l’anthropologue sénégalais Fallou Ngom (Boston University) a appelé « l’ajamisation » de la parole de Dieu. En effet, l’expansion de l’islam a aussi eu pour conséquence une « mise en rapport » de l’arabe avec des « ajami » multiples, persan, turc, urdu, peul, mandé…, que manifestent les hybridations que ces langues ont connues en conséquences des traductions. « L’ajamisation manifeste la valeur du pluralisme en affirmant l’égale noblesse des langues humaines et leur ennoblissement continu par la traduction » (p. 157).
Pour que les langues « s’entre-connaissent »
Pour faire référence à un célèbre verset coranique, dans le travail de traduction, les langues « s’entre-connaissent ». C’est au nom de ce principe que Souleymane Bachir Diagne s’oppose à la démarche du philosophe rwandais Alexis Kagamé (1912-1981) sur la philosophie bantu-rwandaise de l’être, qui relève d’une « ethnologie de la différence », parce qu’elle est « relativiste et séparatiste ». Au modèle relativiste et séparatiste d’une décolonisation de la pensée, il oppose un modèle traductif qu’incarne le philosophe ghanéen Kwasi Wiredu (décédé en janvier 2022) qui, en même temps qu’il appelle les philosophes africains à travailler dans les langues africaines, montre aussi tout l’intérêt qu’il y a à aller et venir de la langue anglaise à la langue akan pour ainsi dire mettre « à l’épreuve de l’étranger » concepts et arguments philosophiques. « Parce que les langues ne nous enferment pas dans des philosophies grammaticales incommensurables, le philosophe en général, le philosophe africain en particulier, pensera en traducteur, de langue à langue ». Et, l’entre-deux langues permet de sortir de l’enfermement, parce que la traduction contribue à la tâche de réaliser l’humanité, et même mieux : elle s’y identifie.
Par Vieux SAVANE
UN HYMNE À LA COMPASSION
Le roman "De purs hommes" nous installe au cœur des relations complexes entre la société sénégalaise et l’homosexualité. Déterrer un cadavre. Le couvrir d’insultes. Lui refuser une sépulture. N’est-ce pas interpellant dans un État démocratique et laïc ?
Parce que la rumeur lui était parvenue sur son orientation sexuelle présumée, l’iman avait refusé qu’Amadou puisse être enterré au cimetière du village. En manque d’argent, ne pouvant même pas le faire garder à la morgue, voilà sa mère confrontée à la difficulté de veiller sur sa dépouille. Seule, dans un tête-à-tête livide avec son fils unique, elle s’est retrouvée à lui donner le bain mortuaire, à essayer de le protéger des morsures de l’étouffante et suffocante chaleur qui faisait que son cadavre commençait à se décomposer.
Face à ce corps en putréfaction, fruit de la chair de sa chair, l’odeur fétide qui embaumait l’atmosphère cauchemardesque participait à alourdir la désespérante solitude de la maman éplorée. Dans la moiteur de cette nuit obscure visitée par l’horreur, elle se voyait condamnée à dormir, ou plutôt, à veiller le cadavre de son enfant, étendu à même la natte, dans une pièce dépouillée, envahie par l’odeur de la mort, à la merci de parasites de toutes sortes. Des milliers d’asticots, à l’assaut du cadavre, rivalisaient avec une multitude de mouches nécrophages. Y flottait une odeur de charogne.
La mort plastronnait avec une insolence qui s’était délestée de toute humanité, piétinant les espoirs qu’une mère nourrissait à l’ endroit de son fils et qui avaient fondu comme karité au soleil. Désormais, il ne lui serait plus d’aucun secours. Et elle se devait de lui assurer une sépulture. Acculée, sachant que« l’argent rachète tout, même le dégoût », elle s’était résolue à s’attacher les services de fossoyeurs cupides pour enterrer clandestinement son fils au cimetière.
De ses bijoux confidentiels, elle devait alors se défaire, pour les brader à vil prix. Seulement, tout se sachant, s’entendant, dans un village, même la plus petite toux de l’étranger de passage, elle a été victime de vociférations menaçantes. Au petit matin de ce jour funeste, une foule surexcitée s’était approchée de son domicile, la bouche en feu, déversant des insultes et autres insanités. Au-dessus de leurs épaules était exhibé un cadavre, celui d’Amadou, extrait violemment de son éternité.
Ivre d’elle-même, toute à sa folie furieuse, portée par une audace qui bouscule les limites, la horde sauvage lui a servi cette injonction, cruelle et définitive : « Va enterrer ton goor-jigeen de fils ailleurs ». Un bannissement ! Au fait, Amadou aimait-il les hommes ? Aimait-il les femmes ? Sa maman n’en savait rien. Ce dont elle était sûre par contre, c’était la fierté qui l’habitait. Exemplaire, son fils l’était. Il l’aidait. Elle l’aimait.
Peu lui importait alors l’emballement de la rumeur, inquisitrice, au-delà de la frontière de l’intime. Elle retenait simplement qu’Amadou avait été très tôt confronté à la disparition de son père qui avait déserté la vie alors qu’il n’avait que 3 ans. Qu’elle a élevé seule ce fils unique, se consacrant entièrement à sa réussite sociale. Au moment où ce dernier s’apprêtait à boucler cette année là son cycle universitaire, le malheur s’était invité chez elle par effraction, privant son garçon de cette sépulture et des rites cultuels qui font humanité.
Après avoir refermé la dernière page « De Purs Hommes », continue de nous tarauder cette profanation d’un cadavre soustrait des entrailles de la terre. Puisant son déroulé dans l’actualité brûlante, la construction narrative du roman nous installe ainsi au cœur des relations complexes que la société sénégalaise entretient avec l’homosexualité. Déterrer un cadavre. Le couvrir d’insultes. Lui refuser une sépulture. Nourrir un tel sentiment de puissance et de haine. Toiser ainsi les forces tutélaires. N’est-ce pas interpellant de s’offrir un tel pouvoir dans un Etat démocratique et laïc ? Tel est le nœud de la problématique qui travaille ce troisième roman de Mohamed Mbougar Sarr.
Bien loin d’une quelconque promotion de ceci ou cela, dans le sillage de ses aînés, « Terre Ceinte (2014)», « Silence du Chœur (2017) », il invite à refuser de s’abîmer dans des certitudes mortifères. Il convie plutôt à une introspection, un retour sur soi, sans lesquels n’est possible aucun recul critique, gage de savoir, d’ouverture, de liberté. D’humanité donc. Ce qui oblige assurément à interroger l’homo senegalensis et à méditer notamment sur les propos du philosophe béninois, Paulin Hountondji, pour lequel en effet : celui ou celle « qui sait, qu’il ne faut pas tuer, qu’il ne faut mentir, qu’il ne faut pas voler ni faire du tort à son voisin, et qui fait de son mieux pour se rendre utile aux autres et à sa société, selon ce que lui dicte sa conscience , vaut mieux qu’une personne qui parlerait tout le temps de Dieu pour chanter ses louanges et prêcher sa parole, mais qui n’aurait aucun scrupule à mentir, à voler, à tuer et à léser autrui de mille manières ».
Porté par la subtilité et la délicatesse d’une écriture touchante et bouleversante, fouetté par l’irruption soudaine et incontrôlée d’une violence bestiale, « De Purs Hommes » est un hymne à la mesure, à la compassion. Un hymne au vivre ensemble. On n’en sort pas indemne.
SOUS LE SIGNE DU MÉMORIAL DE GORÉE-ALMADIES ET JEUNESSE DANS LA RENAISSANCE AFRICAINE
L ’édition 2022 de la Journée nationale de Commémoration des résistances et du souvenir aux victimes des traites négrières et de leurs abolitions s’est tenue avant-hier, mercredi 27 avril 2022, en partenariat avec le Musée des Civilisations Noires (MCN).
Le Musée des Civilisations Noires a accueilli avant-hier, mercredi, sous l’égide du ministère de la Culture et de la Communication une manifestation autour du thème : «Mémorial Gorée- Almadies et jeunesse pour une renaissance africaine». Elle a été organisée par la Fondation mondiale pour le Mémorial et la Sauvegarde de Gorée, à l’occasion de la Journée nationale de Commémoration des résistances et du souvenir aux victimes des traites négrières et de leurs abolitions.
L ’édition 2022 de la Journée nationale de Commémoration des résistances et du souvenir aux victimes des traites négrières et de leurs abolitions s’est tenue avant-hier, mercredi 27 avril 2022, en partenariat avec le Musée des Civilisations Noires (MCN). A l’initiative de la Fondation mondiale pour le Mémorial et la Sauvegarde de Gorée, elle a été marqué par un panel autour du thème : «Mémorial Gorée-Almadies et jeunesse pour une renaissance africaine», suivi de discussions. Une exposition «Hommages aux précurseurs» et la projection d’un film documentaire étaient aussi au programme commémoratif. Ce panel a été animé par Amadou Lamine Sall, Secrétaire général Mémorial de Gorée, Dr Fatou Sow, Hamady Bocoum Directeur général du Musée des Civilisations Noires, Éloi Coly, Conservateur en chef de la Maison des esclaves de Gorée, Mamadou Berthé architecte-conseil, entre autres, en présence de quelques étudiants et lycéens.
Demba Fall, le Secrétaire général du ministère de la Culture et de la Communication, a défini le Mémorial de Gorée-Almadies comme un édifice qui se donne une mission «d’amplificatrice de mémoire pour cet héritage». Il a rappelé l’importance de ce mémorial, en somme. Éloi Coly, lui, affirme que le triangle de Gorée n’existe nulle part ailleurs. Revenant sur l’importance de connaître son histoire et de revoir l’estime de soi qui est perdu à travers l’éducation que nous transmettons à nos enfants, il a déclaré que «c’est l’éducation qui libère».
Pour Mamadou Berthé, «le pouvoir et le savoir étaient déjà en Afrique, avant même l’arrivée des colons» et que «s’il n’y avait pas eu la traite l’Afrique ne serait pas appauvrie». Il a relevé que «l’Afrique a toujours été très riche en intelligence» car il a été établi que «les mathématiques sont nées en Afrique, mais cette information a été gommée». Le docteur Abdoulaye Mbengue, quant à lui, s’est beaucoup plus intéressé à la «décolonisation de la mentalité et au leadership de la jeunesse pour faciliter le développement de ce cher continent africain».
Selon lui, «ce n’est pas dans l’intérêt des occidentaux qu’on se développe.» Il a insisté sur le leadership : «s’il n’y a pas d’éthique, il n’y a pas de leadership... alors soyez des serviteurs et vous serez des leaders».
L’activiste panafricaniste, initiateur du mouvement les États Unies d’Afrique, présent à la rencontre, a soutenu qu’il faut une révolution globale des États africains car «ils» ont falsifié l’histoire. Il a annoncé son ambition de créer un concept de «Porte du Retour», en réponse à la fameuse «Porte aller sans retour» de Gorée. Les lycéens (Lycées de Pikine et Bambylor) ont eu à faire de petits exposés sur l’historique et la géolocalisation de Gorée, pour apporter un peu plus d’illumination à cette journée de commémoration. Cette dernière a également permis aux intervenants et aux cibles jeunes d’aborder les multiples fonctions éducationnelle, pédagogique, didactique, historique, «diasplomatique», multilatérale, géoculturelle, géostratégique et géopolitique dudit Mémorial.
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QUAND LA BLOUSE BLANCHE FAIT BON MÉNAGE AVEC LE MICRO
Artiste polyvalent, le Dr Guy Armand Koffi est avant tout pharmacien de profession, musicien par passion et biologiste en devenir puisqu’il s’est donné pour mission de soigner les corps par le médicament et les cœurs par le chant sacré.
Âgé d’une trentaine d’années, le Dr Guy Armand Koffi exerce son métier de pharmacien en officine, poursuit ses études de spécialisation en biologie, tout en menant au pas de charge sa carrière artistique. Pour lui, tout est question d’organisation et de foi en Dieu qui permet tout et qui donne la force de réussir ce qui est entrepris en son nom.
Armand Koffi est né et a grandi en République de Côte d’Ivoire, son pays d’origine. Studieux et brillant élève, très tôt dès l’adolescence, il intègre le séminaire pour sa formation à la fois intellectuelle et spirituelle. Les voies du Seigneur étant insondables, il change de trajectoire mais ne renonce pas à Dieu.
Plutôt que de servir Dieu comme prêtre, il décide de le servir à travers les chorales qu’il a intégrées aussi précocement dès l’âge de 12 ans. Malgré son jeune âge, il avait suffisamment l’imagination fertile en tant que compositeur. De cette période à ce jour sa production est prodigieuse et tutoie les 225 chants, notamment liturgiques. Mais Armand Koffi c’est bien plus que la composition, voire la création musicale.
Artiste polyvalent et presque complet, il a maintes cordes à son arc : auteur-compositeur, interprète, metteur en scène, chorégraphe, décorateur de scène, percussionniste, maître de chœur. Ce prodigieux talent artistique, il le dédie au Père céleste.
« C’est un artiste qui a eu une inspiration débordante. De par ses compositions musicales, au-delà de l’harmonie qu’il y met dans ses compositions, ce sont des musiques qui ont tendance à te mettre dans un état de spiritualité assez intense », témoigne Abel Sanou qui, ex-président de la chorale saint Pierre Julien Eymard qui a collaboré avec l’artiste. Il ajoute : « Il faut reconnaitre que Armand Koffi est un bosseur. C’est quelqu’un qui bosse, qui ne rechigne pas au travail qui n’a pas peur du travail et qui a l’amour du travail bien fait ».
Pour sûr, le jeune artiste n’est ni le produit fini d’un conservatoire, ni d’une école des beaux-arts et pourtant, il excelle dans l’art de la musique chrétienne sacrée. Musicien dans l’âme, il est à la fois théoricien et praticien parce qu’en plus de transmettre (enseigner la musique) en tant que maître de chœur, il compose, chante et interprète. Il s’agit d’un ténor dont la puissance vocale fait vibrer des cathédrales. Il en a aussi bien dans les aigues que les graves. Une voix qui tranche avec la corpulence de l’homme.
Vif et svelte, un peu réservé, ce musicien passionné de belles harmonies est de taille moyenne. La vivacité se lit constamment dans son regard d’artiste et la discrétion dans son pas malgré sa démarche, quelquefois martial tel un soldat. Longtemps resté à l’ombre des chorales, c’est en 2018 qu’il a jeté les dés en se lançant officiellement. Depuis lors, il enchaine des singles. Le jeune artiste y trace patiemment, mais très sereinement son chemin. Son nom est aussi associé à de la rigueur dans son entourage. « Il est très rigoureux et tous ceux qui sont autour de lui peuvent témoigner de cela. Il les pousse à avoir cette rigueur du travail bien fait », confie le maître de choeur Bertin Vivien Biamou-Bamou.
Armand Koffi «apporte surtout de la fraicheur» dans la musique religieuse chrétienne d’Afrique. Il y puise d’ailleurs dans les profondeurs du riche patrimoine culturel du continent. Compositeur prolifique et aguerri, Armand Koffi semble composer à tour de bras et aucune occasion n’est mauvaise pour lui inspirer un son. Travailleur endurant, il doit cumuler depuis quelques années le boulot, les études et la carrière artistique. En tant que croyant, tout est grâce.
Membre du collège des maitre de chœur de la chorale panafricaine saint Pierre Julien Eymard (Paroisse Saint Joseph de Médina) qu’il a intégrée à son arrivée à Dakar, il a laissé ses empreintes à jamais dans cette chorale qui est allée en se modernisant au fil du temps. C’est après 5 singles qu’il a décidé de se dévoiler après une longue réflexion. Guy Armand Koffi a notamment sorti entre autres :
«Amour infini» (2019)
«Praise» (2020)
«Alpha Omega» (2021)
«Mon berger» (20221
« Nul n’est comme toi » (2022).
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DES TRIBUNES DE CHORALES AUX SCÈNES DE SALLES HUPPÉES DE SPECTACLES
Le Dr Guy Armand Koffi, à l’occasion de la sortie de son premier album, donne un grand concert ce samedi 30 avril 2022, au théâtre national Daniel Sorano, accompagné des artistes Fulgence Gackou, Philippe Coly, Urbain Nassalang et Cie
L’artiste chantre ivoirien Guy Armand Koffi avec son équipe, accompagné de l'un des plus grands groupes gospel de la Côte d’Ivoire, ainsi que des chantres du Sénégal, donnent un méga concert, le samedi 30 avril 2022, au théâtre national Daniel Sorano, à l'ocassion de la sortie officielle de son premier album.
C'est l'événement de cettte fin du mois. Placé sous le signe de la Reconnaissance à Dieu, Guy Armand Koffi a réussi à déplacer spécialement le groupe Eden, l'un des plus grands groupes de musique chrétienne de la Côte d'Ivoire.
Aussi, le jeune artiste, qui s'est vu propulser de plain-pied dans la mission d'évangélisation par le chant, a réussi à fédérer autour de lui les chantres les plus célèbres et les plus talentueux du Sénégal à l'occasion de cet événement qui, selon toute vraissemblance, restera mémorable pour les férus de la musique gospel. Ainsi, seront de la partie, les chantres Philippe Coly, Fulgence Gackou, Hubert Nassalang, Jules Badji, Denise, Nushca. "On promet plein de surprises à nos invités dont quelques chants extraits de mes premiers singles" a-t-il dit dans un entretien accordé à la Radio Futurs Médias (RFM, privée).
Après avoir sorti 5 singles, ce premier album intitulé « ReconnaiSens », composé de 8 titres, signe la consécration de ce jeune artiste qui se fraie peu à peu le chemin dans la musique gospel au Sénégal, son pays d’adoption. ReconnaiSens, c'est à la fois, une action de grace à Dieu pour ce qu'il a fait dans la vie de l'artiste, mais aussi le sens, la direction que le jeune catholique pratiquant entend donner à sa propre vie. Armand travaille à ce que tout ce qu'il fait soit guidé par l'action de l'esprit Saint.
Accueilli au pays de la Teranga depuis plus de dix ans, Guy Armand avait quitté sa Côte d’Ivoire natale pour y faire ses études en pharmacie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Formation qu’il a terminée en beauté depuis 4 ans et officie dans une officine à Dakar comme pharamacien.
C’est pendant ses dernières années d’étude que la mission qui sommeillait en lui s’est révélée au grand jour. Alors qu’il était maître de chœur principal de la Chorale Saint Pierre Julien Eymard (Paroisse Saint Joseph de Médina). Cet appel à la mission d’évangélisation, il l’a accueilli favorablement sans rechigner en s’y consacrant profondément et parallèlement à sa fonction de pharmacien, compte non tenu de ses études de spécialisation en biologie.
Précédemment, Armand avait passé ses années d’études de collège et lycée cumulées dans un séminaire pour y devenir prêtre. Mais toujours à l’écoute de son Dieu, après le BAC, il a compris qu’il était appelé à une autre mission : la pharmacie pour soigner physiologiquement et le chant liturgique pour soigner spirituellement et ramener les âmes à Jésus Christ.
En définitive, le Dr Guy Armand Koffi est Pharmacien de profession, musicien par passion et biologiste en devenir puisqu’il s’est donné pour mission de soigner les corps par le médicament et les cœurs par le chant sacré.
Au-delà de la musique
Armand ne sait pas que chanter et danser. Artiste polyvalent et presque complet, Guy Armand a maintes cordes à son arc : auteur-compositeur, interprète, metteur en scène, chorégraphe, décorateur de scène, percussionniste. Ce prodigieux talent artistique, il le dédie au Père céleste. La chorale Saint Pierre Julien Eymard est fortement se mobilise pour aller soutenir son maître de choeur.
LE SAMU SOCIAL MISE SUR L’ART
Prenant en charge des enfants en rupture familiale ou en situation difficile, l’ong Samu social Sénégal mise sur l’art pour aider ces enfants à se «refaire»
Prenant en charge des enfants en rupture familiale ou en situation difficile, l’ong Samu social Sénégal mise sur l’art pour aider ces enfants à se «refaire». C’est à travers une exposition que ces derniers ont réalisée dans le cadre de la clôture du projet «Renforcer la protection des enfants en danger dans la rue dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19» qu’un des responsables de cette exposition, Pape Ngom, directeur des opérations de Samu social Sénégal, l’a fait savoir.
Le Samu social du Sénégal utilise l’art pour aider les enfants en situation difficile à pouvoir se «reconstruire». D’ailleurs, une exposition-vernissage des œuvres réalisées par ces enfants s’est tenue dans les locaux de cette Ong. Une façon de clôturer en beauté le projet «Renforcer la protection des enfants en danger dans la rue dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19». «Dans le cadre de la prise en charge psychosociale des enfants, il y a une exposition qui forge l’imagination des enfants à travers des objets d’art que les enfants eux-mêmes sont en train de faire au niveau des centres d’accueil durant leur séjour. Main¬tenant, il y a un matériel qui est mis à leur disposition, des objets d’art qui leur permettent de confectionner des objets nés dans leur imagination. Nous exposons aujourd’hui ces objets. Il y a des portes clefs, des tableaux d’art, etc., il y a un moniteur qui est là pour orienter la fabrication et on met à leur disposition certains éléments comme de la laine. Les tableaux représentent un peu le parcours des enfants. Souvent en termes de thérapie, ce tableau même nous pousse à avoir une orientation par rapport à l’histoire de l’enfant», soutient Pape Ngom, directeur des opérations de Samu social Sénégal. «Tu peux demander à un enfant de faire une représentation de sa famille, il va dessiner la maman par exemple avec une grande ampleur et le père avec une petite ampleur. Ça veut dire que cet enfant a plus d’estime pour sa maman que pour son père. Ou bien le père est tout simplement à l’origine de sa situation de rue en quelque sorte. On utilise l’art comme thérapie», poursuit M. Ngom. Et ce dernier de souligner que «ça montre également leur degré de sociabilité au niveau du centre». «L’enfant qui arrive au centre n’est pas en mesure de confectionner de très beaux tableaux mais au moment où il s’est resocialisé, il commence à s’intégrer, à être beaucoup plus lisible et pourra confectionner des tableaux d’une manière beaucoup plus visible», argumente-t-il avant de dire que «ça nous aide dans la thérapie».
Thérapie par l’art
Parlant des œuvres dont des tableaux d’art, des portes clefs confectionnés par ces enfants, M. Ngom de soutenir qu’elles sont stockées au niveau du Samu social en attendant de voir ce qu’il y a lieu de faire avec en se projetant dans le futur. «On montre ça aux partenaires. Maintenant, nous sommes en train de réfléchir à comment valoriser ces expositions. Et peut-être que ça pourrait aider les partenaires ou bonnes volontés qui pourront soutenir cette initiative-là», déclare le directeur des opérations au niveau du Samu social Sénégal. Mis en œuvre depuis juin 2020 et ce, jusqu’au 31 décembre 2021, le pro¬jet «Renforcer la protection des enfants en danger dans la rue dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19» permet une meilleure prise en charge des enfants en situation difficile, avec l’appui de l’Agence française de développement (Afd) qui a dégagé une enveloppe de 82 millions, permettant ainsi d’augmenter les capacités d’accueil des centres. L’un qui est situé à Ouakam, est passé d’une capacité de 30 à 60 places et l’autre, au sein du Samu social, passe de 30 à 110 places, selon la directrice, Mme Béatrice Seka
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LA MÉLODIE SELON RUDY GOMIS
Retour sur l'entretien accordé en mars 2021 à Didier Awadi par l'ex-leader vocal de l'Orchestra Boabab, décédé mercredi à Ziguinchor
Retour sur l'entretien accordé en mars 2021 à Didier Awadi par l'ex-leader vocal de l'Orchestra Boabab, décédé mercredi à Ziguinchor.
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DÉCÈS DE RUDY GOMIS
Le chanteur sénégalais, lead vocal de l’Orchestra Baobab, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à Ziguinchor - Auteur de multiples tubes, il chantait dans plusieurs langues
Le chanteur sénégalais, Rudy Gomis, lead vocal de l’Orchestra Baobab, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, à Ziguinchor (Sud), a appris l’APS de source médiatique.
Rudy Gomis, auteur de multiples tubes, chantait dans plusieurs langues.
L’Orchestra Baobab, un groupe de musique sénégalais lancé dans les années 1970, était animé par de grands noms tels que Balla Sidibé, Ndiouga Dieng, Issa Cissokho, Rudy Gomis et le guitariste togolais, Attiso Barthélémy, tous les cinq désormais décédés.
Ce groupe mythique avait renoué avec le succès à l’échelle internationale au début des années 2000, après une interruption d’une dizaine d’années.
Il est surtout reconnu pour son style musical alliant sonorités latines, notamment cubaines, rythmes africains (wolofs et sérères, harmonies casamançaises, mélodies traditionnelles d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb) et des airs de blues ou jazz par moments.
ALUNE WADE, MAAH KEÏTA, MARIAA SIGAA ET SENNY CAMARA, AU CŒUR DES FESTIVITÉS DE LA JOURNÉE INTERNATIONALE DU JAZZ
Le 30 avril prochain, le monde célèbre la journée qui est consacrée au Jazz. Ce sera à l’occasion d’un concert exceptionnel qui se tiendra aux Nations unies, à New York.
Le 30 avril de chaque année, est célébrée la Journée internationale du jazz. Cette année, sous la houlette de Herbie Hancock, une sélection internationale d’artistes donnera un concert exceptionnel au siège des Nations unies à New York. Parmi les heureux élus, le Sénégalais Alune Wade. A cette même occasion, l’Unesco va célébrer des femmes artistes dont les Sénégalaises Maah Keïta, Mariaa Sigaa et Senny Camara.
Le 30 avril prochain, le monde célèbre la journée qui est consacrée au Jazz. Ce sera à l’occasion d’un concert exceptionnel qui se tiendra aux Nations unies, à New York. Ce concert dénommé All-Star Global Concert, rassemblera des stars de la scène internationale dont le Sénégalais Alune Wade. Le concert se tiendra dans la salle de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, a annoncé l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, les arts et la culture (Unesco) en commençant le décompte des 10 jours qui séparent de l’évènement. «Ce concert souligne l’importance du jazz en tant qu’instrument d’unité et de paix à travers le dialogue et la diplomatie. Certains des plus grands noms du jazz s’y produiront», annonce l’organisation internationale. La Directrice générale de l’Unesco, qui s’est exprimée dans un message, a formulé des vœux de paix. «Le jazz est porteur d’un message universel qui a le pouvoir de renforcer le dialogue, la compréhension et le respect mutuels. Alors que le monde fait face à de multiples crises et conflits, cette journée internationale met en lumière la contribution essentielle de la musique et de la culture à la paix», indique Audrey Azoulay.
Jazzman de renommée internationale et président du Jazz Institute qui copréside la Journée internationale du jazz, Herbie Hancock a pour sa part émis l’espoir que cette célébration puisse favoriser la paix dans le monde. «De nombreuses régions du monde sont actuellement en proie aux conflits et aux divisions, j’ai l’espoir qu’à travers le langage universel du jazz, notre célébration cette année encouragera les peuples de toutes les nations à se réconcilier, à espérer et à travailler main dans la main pour favoriser la paix», rappelle le virtuose qui, avec John Beasley, assure la direction artistique de ce concert qui réunira les plus grands noms du jazz contemporain. Outre le bassiste sénégalais, Alune Wade, on y retrouve les noms de Helio Alves du Brésil, Shemekia Copeland, José James, Youn Sun Nah, le Congolais Ray Lema, Tarek Yamani du Liban, les saxophonistes Ravi Coltrane, David Sanborn, Erena Terakubo, etc…
Hommage aux femmes musiciennes
Plus tôt dans la soirée du 30 avril, l’Unesco célèbrera les talents musicaux de femmes issues de toute l’Afrique, lors de la seconde édition de sa série de concerts intitulée JazzWomenAfrica. Cet événement, accompagné d’un débat auquel participeront des femmes artistes et des producteurs de musique, contribue à lutter contre la sous-représentation et le manque de reconnaissance des femmes dans l’industrie musicale, souligne l’Unesco. Maah Keïta, l’ancienne bassiste des Takeifa, Mariaa Sigaa et la compositrice et joueuse de kora, Senny Camara, seront de la partie.
Par Hamidou ANNE
LE CORPS SAIT-IL CE QU’IL DIT ?
L’Ecole des Sables, ses occupants et les artistes de passage, constituent une poétique du lien, de la mémoire, des mythes et de leur sacralité afin d’ancrer une exigence de la liberté créatrice face au dogme du concret
A Toubab Dialao, les vents continuent de souffler et les vagues perlées échouent sur des rochers de cette côte, témoin du temps qui, inexorablement, passe. Les pêcheurs partent en mer et reviennent livrer leur prise aux femmes du village. L’économie de la mer, sous des dehors artisanaux, montre à l’observateur toute la complexité de son mélange, entre le matériel et l’immatériel, le disable et ce qui est appelé à échapper à la prison du verbe. Le récit de centaines d’années va bientôt s’estomper, car Toubab Dialao sera une terre outragée par le fer et l’acier, qui viennent promettre la croissance par le saccage des imaginaires qui fondent la poétique de ce lieu.
Dans l’attente fébrile du «monstre», on danse pour résister et exorciser le lieu des ombres qui rôdent avec comme moteur la victoire de la mort sur la vie. Germaine et Helmut résistent. Ils forgent une armée heureuse en misant sur le lien et sur les corps qui s’expriment. Ainsi est leur arme miraculeuse.
Des hommes et des femmes de diverses nationalités, de plusieurs horizons, de nuances et de sensibilités différentes se mêlent dans une langue commune : celle de la fraternité universelle, ciment face à la finitude triste. Dans ce petit bout de terre sobre de Toubab Dialao, face à l’océan, les esprits et les corps féconds ne cessent de représenter la vie à travers un discours optimiste ; comme si on se prémunissait de la laideur du monde extérieur.
Depuis un quart de siècle, l’Ecole des Sables de la danseuse et chorégraphe, Germaine Acogny, tente d’inventer une possibilité de la rencontre. La prophétie du sage de Yoff a pris forme : le monde entier vient tisser les petits fils d’humanité qui font la grande histoire de la fraternité humaine. L’école de danse qui trône entre la lagune et la mer offre une vue sur les baobabs qui accueillent les esprits et gardent la nuit leur progéniture. Ces esprits des ancêtres que l’on croise quand la nuit baisse son rideau sombre sur les vides entre les bungalows dispersés, au milieu des chuchotements des vents qui viennent rendre compte de la torpeur du monde. L’Ecole des Sables, ses occupants et les artistes de passage, constituent une poétique du lien, de la mémoire, des mythes et de leur sacralité afin d’ancrer une exigence de la liberté créatrice face au dogme du concret. La musique du lieu étale sa grâce sur des corps en mouvement qui récitent une autre musique, elle silencieuse et surprenante.
Un soir, durant mes déambulations nocturnes, au milieu des figures et des formes qui se mêlent, questionnant le sens de ce lieu, de ce qui s’y fabrique et du pouvoir du corps qui y danse, j’ai posé la question aux esprits : le corps sait-il ce qu’il dit ? Réponse : «Il ne suffit pas de se connaître pour appréhender la justesse de son récit. Le corps doit dire pour rendre. Il doit donner à voir et garder l’intimité de son en-soi pour éprouver le présent. Le corps, dans les ultimes instants avant l’acte d’expression, dans cette frontière entre l’inertie et le mouvant, pour se dépouiller de sa vanité, accepte de ne pas savoir ce qu’il sait, il se prive de son éloquence.
Il s’ouvre à l’ignorance pour être dans la transparence de soi-même. Le corps est véhicule, comme la parole, comme le sens, comme le lien qui délie. Imaginaire de la relation, symbole d’un universel ancré, le corps parle la langue de sa torpeur pour se libérer du poids de la morsure initiale. Parole porteuse, entre émetteur et récepteur, dans un corps qui s’ancre dans une temporalité sienne.
Il a fustigé les affres de la mesure ; il lie les abymes du silence aux mots qui délient la poésie sombre de la vie. La parole germe dans le corps, antre outragé, fécondant par petits bouts de rêves la langue qui devient ultime voyage vers la solitude du mouvement ; ce mouvement qui déchire le réel. Les mots libérés du corps qui danse drainent une nuée de songes qui s’entrelacent à l’ombre des dieux souriants. Rire profane. Danse païenne. Le sacré se mêle au profane comme le désir se joint à l’interdit.
La parole est passagère du corps tel ce messager des songes d’été qui retracent les contours d’un silence-clameur. Le corps dit la parole comme acte de rupture des temps suppliciés.» «Danser c’est résister» ont conclu les esprits, avant de retourner se lover dans les baobabs, laissant le soleil imposer à nouveau sa souveraineté sur les corps et les espaces entre eux. Une nouvelle journée commence à Toubab Dialao avec les mêmes gens, le même rythme et la même interrogation, fatale et implacable. Le corps sait-il ce qu’il dit ?