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25 novembre 2024
Culture
EN AFRIQUE, LES GRAMMY DE LA DISCORDE
La prestigieuse cérémonie de récompense de l’industrie américaine de la musique a vu cette année l’artiste béninoise Angélique Kidjo primée au détriment du Nigérian Wizkid, provoquant un tollé chez les fans de ce dernier
De la joie aux grincements des dents. Le 24 novembre 2021 à l’annonce de la liste des nommés aux Grammy Awards, le Nigeria s’enthousiasmait de compter cinq des huit noms africains éligibles à la prestigieuse récompense.
Grâce à son industrie du disque foisonnante de créativité, le pays aux 206 millions d’habitants est depuis quelques années une des places fortes du continent en matière musicale.
Mais l’enthousiasme aura vite tourné à la désolation, voire à une certaine acrimonie, moins de cinq mois plus tard. Finalement organisée le 3 avril 2022 à Las Vegas après un premier report dû à la pandémie du coronavirus, la 64e cérémonie des Grammy a en effet été marquée par l’échec des représentants nigérians à se hisser au palmarès final.
Fortunes diverses
Wizkid, Burna Boy, Tems, Femi Kuti et Made Kuti auront tous échoué à convaincre la Recording Academy – l’organisatrice des Grammy – du mérite de leurs œuvres à être récompensées dans leurs catégories respectives. Cela contraste fortement avec la précédente édition où le géant d’Afrique de l’Ouest était reparti de Sin City avec deux statuettes dorées.
L’une pour l’artiste Burna Boy dans la catégorie "meilleur album de musique mondiale" et l’autre au profit de Wizkid, gratifié du "meilleur clip vidéo" pour sa performance dans la chanson "Brown skin girl" de l’Américaine Beyoncé.
Les mélomanes, les Nigérians en particulier, avaient donc de quoi être frustrés au lendemain de la cérémonie. Mais ce qui suscite davantage leur colère, notamment sur les réseaux sociaux, c’est la défaite de Wizkid, coiffé au poteau par une autre artiste africaine, en l’occurrence la Béninoise Angélique Kidjo.
Vives désapprobations
Cette dernière a en effet triomphé de son jeune compétiteur nigérian dans la catégorie meilleur album de musique mondiale grâce à son opus paru en juin 2021 "Mother Nature", le dernier d’une discographie riche de plus d’une dizaine d’albums. Avec cette nouvelle distinction, la native de Ouidah, désignée première diva africaine en 2007 par le magazine Times, compte désormais cinq Grammy au total. Soit plus que n’importe quel artiste en Afrique.
Reste que sa dernière récompense n’est pas du goût des internautes nigérians. Ils sont depuis mobilisés sur Twitter pour défendre leur vedette Wizkid, estimé plus méritant. Notamment en raison du succès de son album "Made in Lagos", sorti l’année dernière. Propulsée par le titre "Essence" en tête de nombreux hit-parades outre-Atlantique depuis son lancement, l’œuvre de 14 morceaux est l’une des principales réussites musicales africaines de ces derniers mois.
Le succès populaire de "Made in Lagos", n’aura pas suffi à convaincre l’Académie des Grammy qui a manifestement pris en considérations d’autres critères d’appréciation.
«LE STATUT DU CADRE DES FONCTIONNAIRES DE LA CULTURE N’A PAS EVOLUE DEPUIS 1980»
Horizon Thierno Diagne Bâ, président de l’Adac est Titulaire d’un master en développement, spécialiste des industries culturelles de l’université Senghor à Alexandrie et détenteur aussi d’un master en management de projets et gestion axé sur les résultat
Titulaire d’un master en développement, spécialiste des industries culturelles de l’université Senghor à Alexandrie et détenteur aussi d’un master en management de projets et gestion axé sur les résultats de l’université Alioune Diop de Bambey, Thierno Diagne Bâ est le président de l’Association des animateurs culturels et conseillers aux affaires culturelles (Adac). Dans cet entretien qu’il a accordé au journal Le Quotidien, il décline les axes prioritaires de l’Adac. M. Bâ, conseiller technique à la Direction des arts, lance un appel pressant à l’Etat du Sénégal dans sa volonté de développer les industries culturelles, pour que celui-ci veille au suivi et à l’évaluation des différents fonds ainsi que les projets financés. Il estime également qu’il est important de mettre en place des industries nationales, fortes, dynamiques et qui vont à l’assaut du monde.
Maintenant que vous êtes élu président de l’Association des animateurs et conseillers aux affaires culturelles (Adac), pouvez- vous nous décliner vos axes prioritaires d’intervention ?
L’Adac est une association créée en 1979, regroupant les corps des animateurs culturels et conseillers aux affaires ¬culturelles. Les corporations sont le fer de lance et ¬composent, pour l’essentiel, les cadres du ministère de la Culture et de la communication. Ces deux corps sont régis par les décrets n°61-059 du 8 février 1961 et n°80-717 du 14 juillet 1980, portant statut ¬particulier du cadre des fonctionnaires de la culture. Et depuis 1980, le statut du cadre des fonctionnaires de la culture n’a pas évolué. C’est pourquoi, dans notre plan stratégique, notre premier axe prioritaire est la révision du statut des corps des animateurs culturels et conseillers aux affaires culturelles. Nous pensons que le décret est caduque, le secteur de la culture a évolué et est complètement bousculé par le numérique, avec de nouveaux enjeux et métiers. De cette révision découle inéluctablement la création de nouveaux corps. Au ministère de la culture, il ¬n’existe que cinq corps, à savoir le corps des conseillers aux ¬affaires culturelles, celui des conservateurs de musée, le corps des animateurs culturels, celui des techniciens de musée et le corps des gardiens de musée.
Ils sont certes importants, mais ne sont plus suffisants face à l’évolution drastique du secteur. Les industries ¬culturelles et créatives, bouleversées par le numérique, la ¬dynamique du patrimoine et les politiques culturelles, sont obligées de s’adapter à la mondialisation de la culture.
Notre deuxième axe ¬stratégique concerne la visibilité et la lisibilité de l’Adac à travers l’organisation de ¬panels sur des thèmes qui s’articulent autour des industries culturelles et créatives, le patrimoine, le tourisme, la formation, la diplomatie culturelle, les politiques culturelles.
Il sera aussi mis en place la revue annuelle de l’Adac, afin d’apporter notre modeste contribution à la réflexion et de formuler des recommandations pour le développement du Sénégal. Et enfin, le troisième axe stratégique porte sur l’animation, afin de donner vie à notre association à travers des after-works et notamment une soirée annuelle de la diversité de l’Adac, à travers laquelle nous comptons rendre hommage à nos anciens qui ont tout donné à la culture, des personnes de l’ombre comme les secrétaires, les chauffeurs,…qui sont importantes dans la mise en oeuvre de la politique culturelle, mais aussi aux artistes et acteurs culturels qui participent activement au rayonnement culturel du Sénégal.
Depuis quelques années, les industries culturelles bénéficient d’un fonds de développement. Est-ce que ce fonds est satisfaisant ?
L’Etat du Sénégal a beaucoup fait pour la culture. Il est conscient que les industries culturelles et créatives sont parmi les secteurs les plus florissants au monde. Au Sénégal, il existe différents fonds pour le financement et la structuration de certaines filières. Nous pouvons donner l’exemple du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Fopica), d’un milliard par an. Le président de la République, Macky Sall, a bien voulu l’amener à deux milliards par an. Ce que je trouve satisfaisant pour mettre en place une industrie cinématographique au Sénégal.
Il y a le Fonds de développement des cultures urbaines (Fdcu), qui est passé de trois cent millions à six cent millions entre 2017 et 2022 ; le Fonds d’aide à l’édition, qui donne beaucoup de satisfaction, comme le Fonds d’aide aux artistes.
Il faut saluer la dotation de ces fonds par l’Etat du Sénégal, dans sa volonté de développer les industries culturelles et d’accompagner les artistes.
Ce que nous recommandons, c’est de veiller au suivi et à ¬l’évaluation des différents fonds ainsi que les projets financés. Le secteur a besoin de statistiques et d’indicateurs fiables pour prouver son poids essentiel au développement ¬économique et social.
Pourquoi estimez-vous qu’il est nécessaire de réformer et moderniser les instruments de politique culturelle afin de les adapter de façon dynamique au numérique ?
Nous assistons à une nouvelle géopolitique de la culture, accentuée par la mondialisation et le numérique. Frédéric Martel n’a pas tort de souligner que «la guerre mondiale des contenus est déclarée. C’est une bataille qui se déroule à travers les médias pour le contrôle de l’information ; dans les télévisions, pour la domination des formats audiovisuels, des séries et talk-shows ; dans la culture, pour la conquête de nouveaux marchés à travers le cinéma, la musique et le livre ; enfin, c’est une bataille ¬internationale des échanges de ¬contenus sur internet.
Cette guerre pour le soft power met en ¬présence des forces très inégales». Et aucun Etat ne peut résister à ce tsunami des industries de contenus, le paysage culturel est dominé par les plateformes numériques (Google, Amazone, Facebook, Netflix, Deezer, Youtube, Hbo max, Disney +, Spotify…) et la diversité culturelle a un autre visage. Les politiques culturelles n’ont jamais été si interpellées car aujourd’hui, la mondialisation, la culture et le numérique opèrent ensemble.
A mon humble avis, les Etats africains doivent relever le défi d’une culture numérique globalisée dans les décennies à venir. Et cela passe, sans aucun doute, par adapter et renouveler les politiques culturelles à l’ère du numérique.
L’univers culturel est complètement bousculé et il appartient à chaque gouvernement de comprendre les enjeux et trouver les bonnes réponses.
La création artistique reste fragilisée. Que préconisez-vous pour améliorer la qualité de certains contenus ?
La création artistique n’est pas fragilisée. Les artistes sénégalais créent de bons produits et certains s’exportent. Par ailleurs, dans le contexte actuel, il est important de mettre en place des industries nationales, fortes, dynamiques et qui vont à l’assaut du monde. Pour y arriver, la base de toute industrie de qualité est la formation.
Il est heureux de savoir que le décret portant création de l’Ecole nationale des arts et métiers a été adopté. Cette école aura un rôle important à jouer dans la production artistique de qualité et devrait tenir en compte les nouveaux métiers. Il serait aussi important d’y mettre un département cinéma et audiovisuel.
Je rappelle toujours que le Sénégal n’a pas suffisamment investi sur la formation d’une industrie technique. Pour répondre à ta question, je dirais que la formation est aujourd’hui le socle d’une industrie de contenus de qualité.
UN HYMNE POUR LES LIONS
Mamadou Bâ, enseignant à la retraite, y chante en mandinka, pulaar, soninké et wolof, langues que parle couramment cet ancien vice-président de l’Oncav, chargé des affaires culturelles, du temps de Ousmane Oscar Diagne et de feu Dr Issa Mbaye Samb
La mélodie est envoutante. Le rythme inclassable. L’hymne que l’acteur culturel, Mamadou Bâ, 66 ans, a produit en hommage aux Lions de la Teranga, vainqueurs de la Coupe d’Afrique des nations de football et qualifiés pour les phases finales de la Coupe du monde, Qatar 2022, est à la fois un mélange du ekonkone des Diolas Cassa, du diambadong des Mandingues et du riiti des Peuls du Fouladou. Kuu baa keta, un grand événement en mandingue, est le titre de ce single présenté au public de Vélingara la semaine dernière, à travers les plateformes électroniques de la localité.
Mamadou Bâ, enseignant à la retraite, y chante en mandinka, pulaar, soninké et wolof, langues que parle couramment cet ancien vice-président de l’Oncav (Organisme national de coordination des activités de vacances), chargé des affaires culturelles, du temps de Ousmane Oscar Diagne et de feu Dr Issa Mbaye Samb. Il dit : «Tous les refrains sont repris dans toutes ces 4 langues. Une manière de couvrir toutes les zones géographiques du Sénégal : le mandinka et le pulaar sont parlés dans le Sud-est du pays, le soninké à l’Est et au Nord tout comme le pulaar, et le wolof au Centre et à l’Ouest. Le rythme est aussi un mélange des sonorités musicales traditionnelles de toutes ces zones.»
Au niveau du contenu, Madou Bâ, comme l’appellent les intimes, et son duo de ¬choristes y rendent un hommage à l’entraîneur Aliou Cissé qui, malgré les critiques négatives, la forte pression parfois, a maintenu le cap, visé haut et loin et laissé sur le carreau «les kakataar qui ne verront pas le Qatar».
Dans ce flot d’hommages sont confondus Sadio Mané, l’ensemble des Lions de l’épopée de 2022, ceux de 2002, des anciens de la Tanière comme Jules François Bocandé, la Fédération sénégalaise de ¬football, les autorités étatiques, le 12ème Gaïndé, ainsi que les journalistes qui, tous, «ont fait bloc autour de l’Equipe nationale et joué leur partition dans cette double victoire qui a eu le bonheur de mettre d’accord tous les groupes ethniques et de relancer l’élan patriotique et le sentiment de fierté nationale», a renseigné Madou Bâ.
«Nous avons encore besoin de ça pour pousser les Lions à aller loin, à nous valoir ¬d’autres satisfactions car cette ¬équipe est un cran au-dessus de celle de 2002», poursuit-il. Madou Bâ est en train de jouer des mains et des coudes pour la projection de ce single sur petit écran.
LA COMPAGNIE WECCO BLOQUÉE À COTONOU
Remporter un trophée après une première participation et se retrouver dans des difficultés pour rentrer au bercail. C’est ce qui est arrivé à la compagnie théâtrale sénégalaises Wecco.
Pour sa première participation à la 5ème édition de la Semaine béninoise, 9éme arrondissement, tenue au Bénin du 28 mars au 3 avril, la compagnie Wecco a remporté le trophée «Alougbine Dine». Espérant rentrer avec son trophée avant-hier, cette compagnie théâtrale n’a pu le faire à cause de l’indisponibilité d’un vol d’Air Sénégal, qui promet de rectifier le tir aujourd’hui.
Remporter un trophée après une première participation et se retrouver dans des difficultés pour rentrer au bercail. C’est ce qui est arrivé à la compagnie théâtrale sénégalaises Wecco. Après leur victoire, les membres de Wecco devaient rentrer avant-hier à Dakar, mais sont toujours bloqués à Cotonou à cause de l’indisponibilité d’un vol d’Air Sénégal qui devait les ramener après qu’ils ont pris part à la Semaine béninoise.
Espérant voir le bout du tunnel aujourd’hui, les membres de Wecco disent être dans l’impossibilité de savoir où se situe le problème. «On devait rentrer le 7 avril (avant-hier). La compagnie Air Sénégal nous a amenés ici et devait nous faire ramener à Dakar. On a cherché à savoir, mais jusqu’à présent on ne nous a donné aucun motif. On nous dit qu’ils sont en train de discuter avec la direction. Il y a d’autres qui ont besoin, à leur retour, de justifier le retard accusé pour rentrer au Sénégal, mais ils n’ont reçu aucun justificatif. Ils nous ont tout juste dit qu’il n’y avait pas de vol, qu’il est annulé. On a fait l’enregistrement entre11h et midi pour s’envoler vers 14h et arriver à 16h 30 à Dakar. Cela n’a pu avoir lieu», a déclaré Pape Mary Diakhaté, administrateur de la compagnie théâtre Wecco, au cours d’un entretien téléphonique avec le journal Le Quotidien. «Ils ont dit que demain (Aujourd’hui), il y a un vol à 14h. Et qu’ils vont essayer de nous y mettre, un vol régulier d’Air Sénégal», soutient l’administrateur de la compagnie, qui trouve leur situation «trop pénible».
Les tentatives pour recueillir la version d’Air Sénégal se sont révélées infructueuses, dans la mesure où nous n’avons pas pu joindre le responsable de la communication de la boîte. Le numéro à partir duquel nous avons essayé de le joindre, était indisponible. Sélectionné pour prendre part à ce festival après deux tentatives infructueuses dues, en 2020, à la pandémie du Covid-19 et, en 2021, au manque de moyen avant que cette 5ème édition ne soit la bonne avec l’appui du ministère de la Culture, par le canal de la Direction des arts, et le Centre culturel régional Blaise Senghor, la compagnie Wecco a été reçue par le directeur du Fonds d’aide à la culture du Bénin, l’honorable Chantal Ayi. Wecco, qui veut dire partage en wolof, a fait face à d’autres acteurs culturels venant de six pays qui ont participé à ce festival, dont le Bénin, le Niger, le Mali, entre autres.
Durant leur séjour, les acteurs culturels de Wecco ont été reçus par le directeur du Fonds d’aide à la culture du Bénin, l’honorable Chantal Hayi, et celui qui porte le nom du trophée qu’ils ont gagné, à savoir Alougbine Dine. La compagnie théâtrale Wecco a fait honneur au Sénégal en se distinguant de la meilleure des manières lors de sa première participation à la Semaine culturelle béninoise du 9ème arrondissement organisé par Yad-Africa. Cette troupe a en effet remporté le trophée «Alougbine Dine».
La compagnie Wecco a ainsi hissé très haut le drapeau national avec cette distinction, à travers la prestation théâtrale qui a pour titre: «Victime ou coupable.» Une pièce sur laquelle travaillait depuis 2019 cette compagnie théâtrale, a été interprétée par l’artiste comédien Pape Sidy Sy, à travers un «one man show». M. Sy s’est rendu au Bénin avec Pape Mary Diakhaté, administrateur de la compagnie théâtrale Wecco, pour défendre les couleurs du Sénégal
DE LANGUE À LANGUE, L’HOSPITALITÉ DE LA TRADUCTION
Langue dominante. Langue dominée. Langues d’égale dignité. Ce sont là un ensemble de thèmes visités par Souleymane Bachir Diagne dans son ouvrage : « De langue à langue »
Langue dominante. Langue dominée. Langues d’égale dignité. Ce sont là un ensemble de thèmes visités par Souleymane Bachir Diagne dans son ouvrage : « De langue à langue ». Selon que l’on adhère à l’une ou l’autre perspective, les conséquences s’avèrent radicalement différentes. Dans le premier cas de figure, pour affirmer sa suprématie, se profile un nationalisme linguistique qui s’organise autour de la conflictualité et du rejet, contrairement au second où il est plutôt question de domestication de la différence, à travers notamment un plurilinguisme fécond.
En convoquant d’emblée la question de la diglossie, si prompte à hiérarchiser la pratique des langues sur la base de statuts opposant un niveau inférieur, de moindre allure, à un autre, supérieur, capable de véhiculer un savoir de dimension internationale , Souleymane Bachir Diagne nous met ainsi en face d’enjeux fondamentaux. Ceux qui agitent l’espace francophone et que l’on retrouve dans la diglossie français-créole, aux Antilles, ou tout simplement, français langues locales, dans moult pays africains. De par cette dichotomie encore persistante, le français y apparaît comme langue impériale voire de domination, réduisant les autres à la réalité infamante de langues périphériques. De telles postures d’adoubement et/ou d’exclusion déroulent forcément une foultitude d’interrogations qui, en arrière fond, posent la question centrale de savoir si la langue promeut le repli identitaire ou au contraire embrasse l’ouverture. C’est précisément sur cet aspect que porte la réflexion de l’auteur. Elle se focalise sur la capacité de la traduction à tisser une relation, à mettre en rapport, et plus précisément à réconcilier des identités plurielles. Au fil de l’argumentaire on comprend toutefois que la traduction n’est pas chose aisée, parce qu’au-delà de l’ « intraduisible », au sens que lui donne la philosophe Barbara Cassin, à savoir « ce qu’on ne cesse pas de (ne pas) traduire », un détournement de sens reste possible.
A l’image de l’interprète colonial qui refuse d’être cantonné au rôle d’élément devant rendre compte avec exactitude de la parole impériale dans une adéquation qui n’en altère aucunement le sens. Aussi, lorsqu’il est capable de saisir la complexité d’une situation et de la gérer, l’interprète s’évertue-t-il à mettre en place un « troisième espace au sein de l’empire colonial, participant à la fois de l’imperium et du monde colonisé ». Par les codes qui régissent son milieu sociétal, il se positionne alors comme médiateur culturel, en émancipant la traduction de la stricte exposition d’une « pure technique de transposition des mots d’une langue dans ceux d’un autre ». Ce qui explique que moult d’entre eux se soient convertis en écrivains qui ont su sauvegarder le « trésor de l’orature », autrement dit la littérature orale, en l’imprimant dans la langue impériale. Une telle coexistence serait-elle alors de l’ordre de « la reddition » et du « paiement de tribut » puisqu’il ne saurait y avoir de littérature africaine qui ne soit pas portée par une langue éponyme ?
« LA LANGUE DES LANGUES »
Tout en concédant cette possibilité, l’auteur soutiendra toutefois qu’une littérature de traduction a fait de l’anglais, du français ou du portugais des langues d’Afrique. Il la retrouve en période coloniale avec des auteurs comme Amadou Hampâthé Bâ, Bernard Dadié et autre Birago Diop. Quitte à y adjoindre Léopold Sédar Sédar, co-auteur avec Abdoulaye Sadji, de « La Belle Histoire de Leuk-le-Lièvre » . Ce livre destiné aux classes de primaire qui a meublé et accompagné l’imaginaire de tant d’enfants est une traduction en français de la geste de cet animal rusé, héros de maints contes ouestafricains. A travers cet ouvrage, tout comme « Le Pagne noir » de Bernard Dadié, ou les « Contes d’Amadou Koumba » de Birago Diop , Souleymane Bachir Diagne découvre « une contre-écriture » telle que définie par Sartre dans la préface d’Orphée noir , consistant à « un décentrement de la langue hypercentrale pour l’engager dans son devenir-africain ». A travers ces exemples, dit-il, on retrouve « ce que veut dire recréer en écriture, dans la fidélité et la trahison assumée », lesquelles sont constitutives de la tâche de traduire. Pour lui, on est face à un travail de déconstruction dans le sens où , profitant de « l’hospitalité réciproque entre les langues », ces différents auteurs « ont fait de la traduction de l’orature tout autre chose que ce que l’appropriation impériale avait construit sous le label « contes ». Parce que dans l’acte de traduire on se retrouve entre deux langues, entre deux cultures, qu’on les habite, Souleymane Bachir Diagne invite à tisser des liens au sens où Ngugi Wa Thiong’o, militant des langues africaines , affirme que « la traduction est la langue des langues ». Ce rôle que joue la traduction se love aussi dans la religion, à travers notamment le Coran dont le message est révélé en arabe. Souleymane Bachir Diagne de convoquer alors l’œuvre du poète mystique Moussa Ka pour qui, « versifier en wolof, en langue arabe et en toute autre langue est la même chose ». Une manière d’affirmer leur égale noblesse car « dès lors qu’elles s’attachent à chanter le prophète de Dieu, toutes voient leur essence ennoblie ». Il s’agit bien sûr, avertit l’auteur, d’une traduction, non point malveillante, plombée par une volonté de discrédit, mais celle qui se donne comme un art de construire des ponts, de mettre en rapport, de sortir des enfermements identitaires mortifères, pour installer dans la rencontre, la pluralité, le partage et la réciprocité. Cette conviction qui structure toute la production intellectuelle de Souleymane Bachir Diagne dit que nous sommes différents, que cette différence ne doit pas nous atomiser en nous enfermant dans des certitudes exclusivistes, mais plutôt nous installer dans le souci et l’ inquiétude pour autrui. Une manière de suggérer, en clin d’oeil à Léopold Sédar Senghor, que « l’orgueil d’être différent ne doit pas empêcher d’être ensemble ». C’est en cela que consiste « l’hospitalité de la traduction ». « De langue à langue ».
MACKY REVOIT A LA HAUSSE LA SUBVENTION DE LA BIENNALE DAK'ART
L’Etat du Sénégal, ‘’principal contributeur’’ du Dak’Art, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, a fortement augmenté sa subvention annuelle octroyée à cet événement, de 36 % en 2008 à 75 % depuis 2018
Dakar, 8 avr (APS) – L’Etat du Sénégal, ‘’principal contributeur’’ du Dak’Art, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, a fortement augmenté sa subvention annuelle octroyée à cet événement, de 36 % en 2008 à 75 % depuis 2018, a indiqué le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop.
‘’L’Etat du Sénégal est le principal contributeur de la Biennale de Dakar, le montant de son apport au budget dédié à chaque édition est passé d’environ 36 % en 2008, par exemple, à 75 % depuis 2018’’, a déclaré M. Diop dans un document de presse consacré à cette manifestation artistique.
‘’L’Etat a maintenu ce rôle prépondérant, avec la planification effective, à partir de 2020, d’une allocation annuelle de 750 millions de francs CFA’’ à l’événement, a-t-il affirmé dans ce document parvenu vendredi à l’APS.
Au total, la Biennale de Dakar reçoit de l’Etat du Sénégal 1,5 milliard de francs CFA pour chaque édition, a précisé le ministre de la Culture et de la Communication.
‘’C’est dire l’importance que le Sénégal accorde à l’organisation de la Biennale de Dakar, qui a fini de s’ériger en vitrine de la créativité, dans ses plus belles expressions’’, a-t-il souligné.
Le Dak’Art, dont la 14e édition est prévue du 19 mai au 21 juin prochain, bénéficie de ressources additionnelles provenant du secteur privé national et des partenaires techniques et financiers de l’Etat, selon Abdoulaye Diop.
La 14e édition, initialement prévue en 2020, a été reportée à cause de la pandémie de Covid-19. Elle maintient toutefois sa sélection officielle composée de 59 artistes qui viendront de nombreux pays, dont 16 d’Afrique.
Le Sénégal aura huit représentants dans l’exposition internationale, le ‘’IN’’, qui se tiendra dans l’ancien palais de justice du cap Manuel, à Dakar. Il s’agit d’Aboubakry Ba, de Caroline Guèye, de Fally Sène Sow, d’Abdoulaye Ka, d’Omar Ba, d’Alioune Diagne, de Modou Dieng Yacine et de Mbaye Diop.
Malgré le report, le Dak’Art a maintenu l’invitation qui avait été faite à ses quatre commissaires internationales, Greer Odile Valley (Afrique du Sud), Lou Mo (Canada), Nana Oforiatta Ayim (Ghana) et Syham Weigant (Maroc).
‘’Ĩ Ndaffa#’’, l’action de forger en sérère, est le thème retenu pour la prochaine édition, pour laquelle le comité d’organisation a prévu une ‘’programmation diversifiée et inclusive’’.
‘’Bien avant la crise engendrée par le Covid-19, le thème de cette biennale nous invitait à réinventer nos modèles. La pandémie a rendu cette démarche impérieuse et urgente, d’où la nécessité de la penser’’, a expliqué la secrétaire générale du Dak’Art, Marième Ba.
Selon elle, dans le programme de la biennale figure une exposition qui rendra hommage au ‘’grand maître’’ des arts plastiques maliens Abdoulaye Konaté, lauréat du Grand Prix Léopold-Sédar-Senghor de l’événement, lors de l’édition de 1996.
Lors du Dak’Art 2022, l’artiste plasticien sénégalais Soly Cissé va exposer à la Galerie nationale d’Art, sur le thème : ‘’Incursion dans un monde de métamorphoses’’.
Les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs, implantées à Thiès (ouest) depuis 1966, vont présenter les œuvres de grands tapissiers du Sénégal, à l’occasion de la biennale.
par Fadel Kane
L'AVENTURE AMBIGUË ET LE PREMIER CERCLE CONCENTRIQUE
Je me propose ici, pour ce qui est de l'Aventure ambiguë, de partager comment la parution de l'ouvrage a été vécue dans sa famille, ses parents et amis
Lorsqu'on jette une pierre dans un étang, on voit des cercles se constituer, des cercles concentriques par ricochets, d'autant plus forts et rapprochés que le poids immergé est important. Je me propose ici, pour ce qui est de l'Aventure ambiguë, de partager comment la parution de l'ouvrage a été vécue dans sa famille, ses parents et amis pour autant que j'ai pu recueillir de telles informations.
Cheikh Hamidou Kane avait 33 ans lorsque son livre est publié. « Je crois, me dit-il, que maman a peut-être apprécié plus que les autres membres de la famille le livre parce qu’Alioune Diop est venu de Paris me voir». Alioune Diop était un grand intellectuel sénégalais qui a fondé la revue Présence Africaine. Maman connaissait Alioune Diop depuis leur enfance. Mon grand-père Racine était fonctionnaire à Dagana où vivait le père d’Alioune Diop. Alioune est venu à Thiès la saluer et lui dire sa fierté. Elle a compris que quelque chose de particulier arrivait à son fils. Il poursuit « quand j'ai reçu un montant d'argent qui accompagnait le Grand prix d'Afrique noire, je l'ai offert à papa et maman. Ils ont dû l'utiliser pour faire des aumônes ». On me rapporte que son père aurait dit, pour ce qui est du livre en général que « Baba (ainsi appelait-il son fils) connaît qui il est ; il pourrait donc bien se décrire s'il veut parler de lui ».
Venons en maintenant à ses frères. Le plus grand, de cinq ans son aîné, dit ne pas avoir lu le livre tant qu'on lui dit que le roman raconte la jeunesse de l'auteur. Il évoque, avec un brin de malice qu'il en connaît suffisamment, autant qu’un livre ne pourrait raconter. Par contre, il a tenu à ramener à la maison un disque « vinyle 33 tours » où quelqu'un lisait des passages de l'aventure ambiguë. Il y avait aussi une interview de personnes que nous ne connaissions pas ; le tout avec de la musique…
Quant à mon petit frère Fadel, il était très fier de la parution d'un livre de moi. En tant que journaliste et en tant qu’intellectuel. Il a beaucoup apprécié et nous avons retrouvé des traces de cela.
Binta Racine, la Grande Royale des Diallobe m'a dit « toi le petit fou, j'ai entendu ce que tu as dit de moi dans ton livre ». Apres m'avoir dit ça elle a vaqué à ses occupations du jour. Ce fut tout, pas un autre commentaire sur l'aventure ambiguë en ma présence…
Mamoudou Cheikh, un oncle de l'auteur a commenté avec un air taquin. Je crois que Baba Cheikh n'avait pas tous ses sens en écrivant le chapitre 10 de la deuxième partie du livre. Personne n'y comprend rien.
Pendant la période péri-parution du roman, une rumeur circulait dans la famille demandant de s'attendre à un livre dont certains personnages étaient tirés de nous. Fadel Dia, Ibrahima Niang et Abdoulaye Elimane Kane étaient élèves à Saint Louis. Lorsqu'ils ont reçu le livre, ils devraient le lire à tour de rôle. AEK me dit qu'ils se sont empressés de recouvrir le livre dans un papier journal pour ne pas l’abimer. Ce dernier évoque après avoir lu le livre, ses causeries avec sa propre maman à propos du maître des Diallobe, de sa rigueur et sa dureté. Sa maman lui confirmera qu'il en était ainsi. Un homme redoutable à beaucoup d’égards. En effet, sa maman et Samba Diallo ont tous deux été disciples de Thierno.
Les philosophes et littéraires donnent quelques critères pour qu'une œuvre soit universelle : 1) elle est lue par un large public au plan national et international ; 2) elle est traduite dans différentes langues ; 3) elle est enseignée dans les écoles et universités de différents pays, commentée, utilisée dans des exercices et contrôles de connaissances ; 4) ses personnages deviennent des modèles (Thierno, Grande Royale, le Fou, Samba Diallo) ; 5) des expressions formulées par des personnages ou celles de l'auteur dans son récit et ses descriptions deviennent des aphorismes cités et ayant valeur de maximes ; 6) il peut y avoir une interprétation cinématographique ou théâtrale de l'œuvre . D'autres critères sont possibles mais l'Aventure ambiguë remplit tous ceux-ci. D'où l'intérêt de considérer l'avis du premier lecteur du roman.
Il s'agit du Dr Ibrahima Wone qui mentionne avoir lu le manuscrit déjà avec le premier titre du roman initialement intitulé « les orgues mortes » et MG le premier nom de Samba Diallo. Il dit que ni la première lecture du manuscrit et du livre terminé ne l'avaient édifié. Selon ce cousin de l'auteur médecin, bien qu'écrit par un jeune homme, ce livre était destiné aux gens mûrs et même plus mûrs. C'était d'une profondeur remarquable. Parvenir à rassembler dans un seul roman l'ensemble des aventures que leur génération vivait relevée d'une prouesse. Ce brillant intellectuel a avoué lors d’une émission de télévision avoir lu ce roman vingt quatre fois. Il qualifie l'œuvre de fulgurance d'inspiration divine…
Jeune gouverneur de la région de Thiès, Cheikh Hamidou Kane et ses amis se retrouvaient à la résidence de Popeguine les fins de semaine. A l'époque, Popeguine était une résidence secondaire du gouverneur de Thiès. Et, semble-t-il ce fût le début des compilations des réactions dans le monde intellectuel tant au niveau local qu'à l'extérieur du pays. Des « ami de Baba » venaient rendre visite au père de l'auteur (le Chevalier du roman) à la maison familiale de Thiès assez souvent en cette période pour que nous puissions en identifier comme Vincent Monteil, celui qui a fait la préface du roman en février 1961 et un certain Jacques Chevier.
Une petite anecdote qui implique une fille de l'auteur. Elle était petite et voyageait avec ses parents dans une voiture. Son père conduisait et la police l'a arrêté pour un contrôle de routine. Le policier s'avance, se présente et demande les papiers de la voiture. Alors mademoiselle abaisse la vitre et s'adresse au policier « Vous ne savez pas à qui vous parlez. Mon père a tous ses papiers, il a même écrit un livre ! » Le policier a rigolé et les a laissé continuer leur chemin.
Je voudrais maintenant, pour le ‘Inside history’, relater une conversation entre le père et le fils. Non sur le contenu des échanges mais sur l'attitude que chacun adoptait et sur la fluidité de la conversation. Mame Lamine était couché sur son lit, sur toute sa longueur, les yeux fixant le plafond. Quelques fois il se tournait vers son fils la tête et le buste surélevés. Avec cette attitude d'avoir la main droite qui soutient la tête pour mieux suivre une conversation qui l'intéresse. Le fils lui, Samba Diallo donc, était assis sur la natte à même le sol, un oreiller lui servant à supporter soit les genoux soit la tête.
-Tu sais lui dit le fils, on a traduit mon livre dans beaucoup de langues et les commentaires qui y sont relatifs font plus de dix fois le volume du livre.
-Ce que tu y dis intéresse donc les gens, indéniablement.
-Cela me renvoie à une conférence que j'animais en décembre 1957 en France avant la parution du livre. C'était sur la totalisation du monde. Les discussions étaient passionnées. On sait qu'on va aller vers telle direction mais on a peur de s'y engager de peur de se perdre.
-Les autorités ici me disent qu'ils t'écoutent lorsque tu t'exprimes et c'est très bien ainsi.
Cette conversation je m'en souviens, bien que jeune. Je leur amenais du thé entre tisbar et taxussan. Ils ne finissaient pas de parler… Une image gravée dans le cerveau, ineffaçable.
La fin de ce premier cercle concentrique pourrait être ceci. Elle est rapportée par Samba Diallo qui retrouve le Chevalier dans son lit d'hôpital. Ce dernier avait bien vieilli, presque centenaire loin du pays des Diallobe. Il était aimé et respecté dans la société. Les médecins l'avaient gardé lorsqu'il a consulté. Ses enfants l'avaient presque obligé à les suivre. Samba Diallo entre donc dans la chambre d'hôpital et trouve son père en sueurs, tremblant de tout son corps, assis sur le lit. Il se précipite, le tient et voit que son père s'acquitte de sa prière de Taxussan. Il lui dit, « tu sais papa tu n'es pas obligé de prier si tu ne peux pas, assis sur un lit d'hôpital et à ton âge ». Après un petit silence, il lui répondit d'une voix rendue fluette par l’âge et la maladie « comment tu veux que je sache que je ne peux pas si je n'essaie pas ? » Imparable. Ainsi était le Chevalier.
C'était sa dernière semaine.
LE CORAN TRADUIT DANS LES LANGUES AFRICAINES POUR ÊTRE PLUS ACCESSIBLE AUX FIDÈLES
Pour rendre le Coran accessible au plus grand nombre, il faut le traduire dans les langues des croyants. C'est déjà le cas au Sénégal et désormais aussi en Guinée
Pour rendre le Coran accessible au plus grand nombre, il faut le traduire dans les langues des croyants. C'est déjà le cas au Sénégal et désormais aussi en Guinée. En ce mois de Ramadan, c'est le dossier du matin.
Le texte sacré de l’Islam est désormais disponible en langue pulaar, encore appelée fulfulde. C'est un projet mené par l'association Islam House (basée en Arabie saoudite) et par le Centre guinéen d'études et de traduction (basé à Conakry). Les traductions du Coran en pulaar sont très rares et peu accessibles. Cette nouvelle version vient enrichir le site officiel de l'Encyclopédie du Coran (www.islamhouse.com) qui à ce jour, est traduite dans 23 langues, dont le Haoussa et le Kiswahili. En traduisant le Coran en pulaar-fulfulde, ce sont près de 60 millions de locuteurs dans le monde qui sont visés.
Il a fallu quatre ans de travail et de vérifications pour traduire les 114 sourates du Coran en pulaar. Un travail délicat, pour coller au plus près de l'esprit du livre saint, tout en adoptant un niveau standard de langue compréhensible par tous et toutes, comme l'explique à Bineta Diagne, de la rédaction Afrique, Mamadou Tafsir Baldé, le directeur du centre Guinéen d'études et de traduction, porteur de ce projet : « Dans la traduction de sens du Coran, il y a toujours des terminologies qui sont parfois conformes, d’autres qui sont différentes. Nous avons une traduction selon un caractère du pulaar standardisé pour avoir une traduction accessible à tous les (locuteurs de) pulaar. »
Ce projet est mis en ligne en ce tout début de ramadan, pour répondre à l'intérêt des fidèles en quêtes informations sur la Révélation du Coran. Mamadou Tafsir Baldé : « Parmi les versets les plus consultés pendant ce mois du ramadan, les versets de la sourate numéro deux "al-baqarah". Elle parle de la révélation du Coran dans le mois du ramadan. Elle explique comment nous pouvons jeûner. Ce sont les les concepts du ramadan... Le ramadan aussi, c’est un moment de la lecture du saint Coran. Il y a des gens qui lisent tout le Coran pendant le ramadan. »
Le projet n'est pas totalement achevé : l'association Islam House compte se lancer dans la traduction des Hadith, les paroles du Prophète. Par ailleurs, une version papier du Coran en pulaar devrait bientôt être disponible.
La magie des Ateliers réside aussi dans sa capacité à décloisonner les savoirs, les formes et les pratiques artistiques et intellectuelles. C'est l’une des plus grandes initiatives politiques en Afrique de ces 30 dernières années
La quatrième édition des Ateliers de la pensée a vécu. Pendant près d’une semaine, des intellectuels, artistes et universitaires du continent et de la diaspora se sont retrouvés à Dakar autour du thème : «Cosmologies du lien et formes de vie.» Co-géniteurs de la manifestation devenue un lieu physique et symbolique phare du monde des idées, Felwine Sarr et Achille Mbembe contribuent au renouveau de la pensée critique en Afrique et explorent les moyens de repositionner le continent au cœur de la géographie mondiale des savoirs. Depuis leur première édition en 2016, sur le thème de la planétarisation de la question africaine, les Ateliers se sont installés comme un rendez-vous phare des idées africaines, sur l’Afrique et à partir d’Afrique.
En 2019, Achille Mbembe soulignait l’importance des Ateliers. En effet, à partir d’un continent longtemps considéré comme «hors monde», se dessinait peut-être l’outil le plus puissant pour repenser notre humanité abîmée par diverses menaces, et fragmentée en multiples communautés qui se font face. Cette année, la manifestation était attendue après notamment la pause mondiale imposée par la pandémie du Covid-19, qui a éprouvé l’Occident, ancien modèle dominant, et mis en exergue ses fragilités et ses vulnérabilités. L’Afrique, elle, malgré les prédictions sombres, a mieux résisté au choc. Le Covid nous impose une nouvelle façon d’habiter la terre et des nouvelles manières de sociabilité afin de faire communauté. Mais après deux ans de pandémie douloureuse, nous nous acheminons vers une sortie de crise, et tous les engagements pris par les pouvoirs politiques et économiques, semblent oubliés afin de reprendre la vie là où elle était arrêtée.
Les résolutions volontaristes au sujet de ce fameux «monde d’après» cèdent sans surprise à la continuation des pratiques qui ont produit ce monde dont tout le monde annonçait la fin nécessaire. Les Ateliers, à travers ses quatorze panels et des communications importantes qui y ont été données, ont l’avantage de nous rappeler à notre devoir de faire monde, en lien avec toutes les espèces locataires de la terre sur laquelle les humains ne doivent plus se comporter en maîtres et possesseurs. Felwine Sarr et Achille Mbembe, à partir de Dakar, ont invité des penseurs afin de proposer un nouveau chemin, de converger vers de nouvelles pratiques afin de panser les plaies provoquées par le capitalisme et la violence qu’il charrie. Il s’agit aussi de penser le vivant par la configuration de nouvelles solutions.
Les deux animateurs des Ateliers nous invitent face à la «déliaison sociale, économique et environnementale du monde contemporain, à repenser les soubassements philosophiques de notre rapport au vivant en reconstruisant des ontologies relationnelles».
Si c’est aussi parce que l’humain, par le productivisme acharné, la destruction de la nature et le bouleversement de notre écosystème, a provoqué cette pandémie, il convient d’inventer de nouvelles formes d’habitabilité de la Terre par le respect dû aux autres locataires, la sobriété dans la fabrication de la richesse et la conception d’un nouveau rapport entre humains, animaux, végétations, etc.
La magie des Ateliers réside aussi dans sa capacité à décloisonner les savoirs, les formes et les pratiques artistiques et intellectuelles. Aux côtés par exemple des philosophes Souleymane Bachir Diagne et Mathieu Potte-Bonneville, figuraient des économistes comme Seydou Ouédraogo, des romanciers comme Mbougar Sarr, des photographes comme Teddy Mazina, des danseurs, des militants, des musiciens, des performers…
Les Ateliers de la pensée constituent l’une des plus grandes initiatives politiques en Afrique de ces 30 dernières années. Sur les cendres des universités dont la vocation de construction, de pérennisation et d’approfondissement du savoir semble essoufflée du fait de nombreuses causes, et à l’heure de la résurgence de la rétractation nationaliste et de la prééminence des obscurantismes, générer un espace de pensée libre et féconde, c’est opérer un choix de mener un combat culturel pour brandir le drapeau de l’humanisme et interroger des notions aussi cruciales que le politique, la culture, la liberté, l’art, l’écologie, etc.
Où ailleurs qu’à Dakar ? Dans cette capitale qui a longtemps eu l’ambition d’être une terre de débats et au cœur des enjeux culturels du monde. Edouard Glissant invitait à agir en son lieu et penser avec le monde. Pendant une semaine, nous avons, de Dakar, convié le Burkina Faso, le Mali, l’Ukraine, terres en turbulences et théâtres des impasses politiques mondiales actuelles, à nos idéations. Dakar, dont la vocation est d’être la capitale de la rencontre, de la création et de l’universel, est dans son rôle quand elle accueille pour la quatrième fois des intellec-tuels parmi les plus grands du monde, afin d’explorer les formes nouvelles d’habitabilité de la terre et de tisser les liens d’une humanité à inventer.
LA BANDE DESSINÉE POSE LES BASES DE SON ENVOL
Faire la promotion de la Bande dessinée (Bd) et du dessin de presse, tel est l’objectif de l’initiateur du festival «Bulle Dakar».
La première édition du festival de Bande dessinée (Bd) intitulé «Bulle Dakar» a baissé ses rideaux samedi. Cette plateforme des professionnels et passionnés de la Bd vise entre autres à hisser le 9e art et le dessin de presse au rang d’œuvre de premier plan dans le quotidien des citoyens de 07 à 77 ans.
Faire la promotion de la Bande dessinée (Bd) et du dessin de presse, tel est l’objectif de l’initiateur du festival «Bulle Dakar».
Pour Oumar Diakité alias Odia, ce festival d’exposition et de panel d’échanges consacré à la Bd va booster le secteur du 9e art au Sénégal. C’est une salle pleine de planches de Bd qui ornaient les murs de l’espace dédié à l’exposition, où trônait le nom de chaque participant. Parmi les parties prenantes, en plus des dessinateurs qui ont étalé leurs œuvres hautes en couleurs, avec des personnages et des décors locaux, il y avait les Maisons d’édition spécialisées notamment en «Bande dessinée, Bd passion et Sis illustration». Il y avait également une bibliothèque consacrée à la distribution des œuvres illustrées. «La Bd est le premier support de communication, de l’antiquité aux temps modernes. Elle permet de passer des messages. Cette initiative vient d’une volonté des dessinateurs sénégalais de nous affirmer en montrant nos capacités, notre savoir-faire. Il était urgent de nous regrouper», renseigne Odia qui précise dans la foulée que ce n’est certes pas le premier festival de bande dessinée, mais plutôt, la première édition du festival Bulle Dakar. «Il y a eu d’autres initiatives du genre. Seulement, il n’y a pas eu de suite. Mais nous avons la volonté de pérenniser ce festival, d’en faire un événement annuel et de l’inscrire sur le calendrier culturel sénégalais», dit-il avec le sourire, casquette vissée sur le chef.
Invité d’honneur, Ben Barry Youssouph dit Oscar estime que ce premier jet de «Bulle Dakar» démontre que les Sénégalais s’intéressent à la Bd. «Il y a un réel engouement autour de la Bande dessinée, cela démontre que si les autorités appuient les acteurs, il y aura un envol de la Bd. Il y a plein de talents. Il faut les détecter pour assurer la transmission à travers des formations et échanges afin de passer le relais à la nouvelle génération. Il y a un concours initié, dans le cadre du festival, qui permettra de découvrir les jeunes talents ; c’est à eux de poursuivre l’œuvre pour éviter qu’il y ait un gap entre les générations», préconise l’initiateur du festival «Bulle D’encre» de Guinée qui est à sa 7e édition.
Illustrateur de Bd, Seydina Issa Sow mise lui, en sus des initiatives telles que les festivals, sur la formation et l’édition des jeunes talents pour assurer la visibilité et la durabilité. «Je lance également un appel au ministère de la Culture pour qu’il accompagne la Bd. Une école spécialisée permettra aussi la professionnalisation des jeunes. Donc, c’est toute une chaîne qui constitue le 9e art. Il faut qu’il y ait les jeunes talents qui dessinent, les maisons d’édition, les bibliothèques pour la distribution et le ministère qui chapeaute tout cela», souligne l’éditeur de Bd, Seydina Issa Sow.