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25 novembre 2024
Culture
TOUBA, LE LEGS DE CHEIKH IBRA FALL RÉSISTE AU TEMPS
Chaque année, le Khalife général reçoit les « ndogou » que lui livre la communauté Baye Fall. Ce legs de Cheikh Ibrahima Fall, aujourd’hui perpétué par ses petits-fils, constitue la partition de cette communauté pendant ce mois de pénitence
Pendant le mois béni du ramadan, la cité religieuse de Touba connaît plusieurs formes de vivification symbolisées par une spiritualité pleinement vécue par toute la communauté mouride. Chaque année, le Khalife général Serigne Mountakha Bassirou Mbacké reçoit, dans la résidence Khadim Rassoul, les « ndogou » que lui livre la communauté Baye Fall. Ce legs de Cheikh Ibrahima Fall, aujourd’hui perpétué par ses petits-fils, constitue la partition de cette communauté pendant ce mois de pénitence.
L’institutionnalisation des « ndogou » (repas après la rupture du jeûne) du ramadan à Touba fait suite à une recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba à son disciple Cheikh Ibrahima Fall. À ce dernier, il avait demandé de cuisiner des plats durant le mois béni. C’est ainsi qu’il cuisinait 12 grands bols et une soupière de poulet à Diourbel. Tout au long de sa vie, il a procédé de cette manière. Sa descendance a perpétué son legs. Baye Malick Sarr « Matt », un baye Fall de 70 ans, soutient qu’à la disparition de Serigne Touba, Cheikh Ibra Fall a poursuivi le même système pendant trois ans avec Serigne Modou Moustapha Mbacké. « Après lui, Serigne Modou Moustapha Fall, Serigne Mor Talla Fall, Serigne Ablaye Fall Ndar et aujourd’hui les petits-fils perpétuent cet acte. L’actuel Khalife général de la communauté, en l’occurrence Serigne Amdy Modou Mbenda Fall, s’est inscrit dans la tradition et, à l’image de ses prédécesseurs, l’applique à la lettre », indique-t-il.
Une communion inédite
À l’unisson, la communauté Baye Fall s’investit pour servir de copieux repas aux jeûneurs pendant toute la durée du ramadan. Pour cette année, les disciples de la communauté Baye Fall de Touba et Mbacké ont répondu à l’invitation du Khalife général des Baye Fall pour cuisiner à partir de la résidence Cheikh Ibrahima Fall sise à Djanatou. Depuis le premier jour, les activités ont démarré avec une récitation du Coran, des déclamations de panégyrique et des zikrs qui accompagnent la cuisson des fameux « ndogous » démarrée très tôt pour être remis à temps, renseigne Baye Malick Sarr Baye Fall, un disciple septuagénaire plein d’entrain.
Des « Mbanas » (grande marmites) à foison, des bols empilés à ras-bord de viande bien mitonnée, de poulets et d’œufs, des sacs de pains croustillants délivrés par les boulangers forment le décor.
Dans une atmosphère de joie communicative, la résidence Cheikh Ibrahima Fall de Djanatou refuse du monde. Le fumet des mets embaume l’atmosphère, au moment où les préparatifs vont bon train pour acheminer les repas à la résidence Khadim Rassoul où attendent les « jawrignes » (responsables de dahiras) du Khalife général chargé de la réception et de la distribution des victuailles.
Des caisses de fruits et de boissons sur la tête, les Baye Fall défilent. « C’est la tradition qui est respectée, car ces déjeuners remis au Khalife général datent du vivant de Cheikh Ahmadou Bamba. C’est Cheikh Ibra Fall lui-même qui le faisait et aujourd’hui encore nous perpétuons la tradition », relève le vieux disciple Baye Fall. Les camions sont chargés et les disciples prennent d’assaut les cars, les motocyclettes ouvrent le chemin et la procession démarre : direction la résidence Khadim Rassoul.
La procession des « Baye Fall », une véritable attraction
L’une des attractions du mois béni du ramadan à Touba, c’est la procession des Baye Fall. Elle a démarré dès le premier jour. Hommes, femmes, jeunes et vieux, emmitouflés dans des accoutrements de différentes couleurs (noir et blanc, bleu et noir, jaune et noir, beige et noir), selon l’appartenance et le style choisis par le disciple, forment les convois qui se suivent pour amener à la résidence Khadim Rassoul les repas destinés à la rupture du jeûne.
Pour les disciples de Diourbel, renseigne Serigne Bassirou Diop, il en était ainsi jusqu’en 1954. « C’est à cette date que Serigne Mouhamadou Fallou Mbacké a recommandé à Cherif Assane Fall de cuisiner tous les vendredis et depuis la descendance de ce dernier perpétue la tradition à travers Serigne Amdy Khady Fall, son khalife qui a revu à la hausse le nombre de plats », indique-t-il. « De 12 grands bols, les repas sont passés à 24 grands bols en 1974 grâce à Serigne Assane Fall. Aujourd’hui, ce sont des centaines de bols qui sont préparés, mais c’est toujours en deçà de sa volonté », fait savoir Serigne Malick Sarr.
Ce premier vendredi du mois béni du ramadan, la communauté Baye Fall de Touba, à l’unisson avec la famille de Chérif Assane Fall de Diourbel, a remis les fameux « ndogou » au Khalife général des Mourides. Et pour Serigne Mamoune Ndao « Baye Fall », c’est un grand jour.
Point de convergence des dévotions
L’atmosphère pittoresque de cette remise est exceptionnelle avec les Hizbut Tarqyyah qui déclament les khassaïdes à côté des Baye Fall qui entonnent un zikr au nom d’Allah. La résidence Khadim Rassoul refuse du monde. Des processions de bols en provenance de Djanatou, de la résidence Cheikh Ibrahima Fall où se trouve le Khalife des Baye Fall, de Palène, de Mbacké et de Diourbel ont convergé vers la résidence où se trouve Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, le Khalife général de la communauté mouride. Pour Serigne Cheikhouna Mbacké Ibn Serigne Sham Ndoulo, la relation entre Serigne Touba et Cheikh Ibra Fall dépasse l’entendement. « C’est au-delà et nous nous exhortons à suivre l’exemple de Cheikh Ibra Fall. C’est le « ndigël » et nous y sommes », assure-t-il.
Selon lui, le ramadan de cette année est inédit. Il traduit, dit-il, la marche du Baye Fall. La communauté Baye Fall, comme à son habitude, poursuivra cette démarche tout au long de ce mois de pénitence pour bénéficier de l’agrément du Cheikh, mais aussi de l’adoration à travers les actes de solidarité posés à l’endroit de son prochain.
AU SALON DU LIVRE DE PARIS, LE SÉNÉGAL NOUVEAU CHEF DE FILE DU PAVILLON AFRICAIN
Pour l'occasion, une délégation conduite par le ministre sénégalais de la Culture, une dizaine d'auteurs et trois éditeurs ont fait le voyage
L'Afrique est présente depuis plus de dix ans à la grande messe littéraire parisienne. Le traditionnel Salon du livre a cédé la place aujourd'hui au Festival du livre de Paris, installé dans un nouveau lieu. Il a déménagé de la porte de Versailles où se tiennent les foires pour un lieu plus convivial et central: le Grand Palais éphémère au pied de la tour Eiffel. Et le pavillon africain y figure en bonne place aux côtés des éditions Gallimard.
La fête du livre est de retour, après deux années blanches en raison de la pandémie de Covid-19. Et après la Côte d'Ivoire comme chef de file dans les précédentes éditions, c'est le Sénégal qui porte le Pavillon africain cette année au Festival du livre de Paris. Pour l'occasion, une délégation conduite par le ministre sénégalais de la Culture, une dizaine d'auteurs et trois éditeurs ont fait le voyage.
« Le Sénégal est venu avec ce qu’il a de plus beau en sachant que les années 2021 et 2022 ont été les années du Sénégal dans la littérature, explique Abdoulaye Diallo des éditions l'Harmattan Sénégal à Muriel Maalouf, du service Culture. Notamment avec le prix Saint-Simon de Souleymane Bachir Diagne, le prix Neustadt de Boubacar Boris Diop qui est avec nous dans la délégation, le prix Goncourt avec Mohamed Mbougar Sarr mais aussi le prix Ahmed Baba avec Khalil Diallo dont les livres sont bien évidemment là. »
NOMMER LES CHOSES POUR LES FAIRE EXISTER ET POUR QU'ON S'EN OCCUPE MIEUX
En période de crise, les droits des plus vulnérables continuent d’être violés. Fidèle à sa mission, le Haut-commissariat de l’ONU s’est joint à Medicos del Mundo et à l’Instituto Cervantes pour célébrer la photographie humanitaire dans le monde.
La 25è édition de l’expo photo Prix Luis Valtueña de Medicos del Mundo est ouverte, cette année, à Dakar ce 21 avril 2022, à l’Instituto Cervantes. Mettre un nom sur des maux. C’est en cela que peut se résumer cette exposition photo à laquelle le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCDH) a été associé.
A cette occasion AfricaGlobe Tv a interrogé Moetsi Duchatellier, la conseillère Genre du HCDH, sur cet évènement. Pour elle, cette expo est hautement importante en ce qu’elle est une sorte de piqure de rappel qui alerte l’opinion que la situation des droits de l’homme continue d’être malmené dans le monde et qu’il faut agir.
Même si des avancées sont notées, le combat dit continuer. Rien n’est gagné. Et cette exposition est une sorte de sensibilisation car si les chose ne sont pas matérialisés par des images fortes, on peut avoir tendance à penser qu’elles n’existent pas. Suivez l’entretien de Moetsi Duchatellier.
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MULTIPLE PHOTOS
OMBRES ET LUMIÈRE DES CRISES HUMANITAIRES
Les 25 ans de photographie humanitaire de Medicos del Mundo célébrés du 21 avril au 21 mail pour mettre des images sur des maux : les crises sanitaire, environnementale, migratoire ou la crise des réfugiés sont toutes mises en exergue
Diverses crises humanitaires secouent notre monde et la situation des humanitaires dans le monde n'est nullement enviable en raison des risques auxquels ils s'exposent pour porter assistance aux autres, pour rendre de la dignité à ceux qui en ont besoin. C’est pour honorer la mémoire de ses anciens membres assassinés que Medicos del Mundo a institué depuis 25 ans un Prix en photographie à travers une exposition photo en Espagne : le Prix Luis Valtueña dont les images receuillies exposent toutes les atrocités commises en situation de crise partout dans le monde.
Pour la responsable Afrique de Medicos del Mundo, Angela Sevillano interrogé dans cette entrevue, il s’agit de garder la mémoire vive sur ce drame des membres de Médicos del mundo et en même temps alerter toujours l’opinion sur le drame de crises humanitaire. Angela Sevillano s'est spécialement déplacée de Madrid pour le vernissage de cette expo à Dakar.
Cette année, la 25è édition cette exposition a quitté l'Espagne pour et a été délocalisée à Dakar avec l'appui de l'Ambassade d'Espagne à Dakar. L’exposition a été officiellement ouverte à l'Instituto Cervantes de Dakar ce jeudi 21 avril et se poursuivra au 12 mai 2022. Des images montrent différentes thématiques de crise humanitaire sont mise en exergue : de la guerre, la crise migratoire, de la crise environnementale au drame sanitaire, la tragédie des réfugiés.
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POUR L'ORGANISATION D'UNE SEMAINE DU LIVRE AU SÉNÉGAL
Le patron de la maison d'édition L'Harmattan, Abdoulaye Diallo, appelle les autorités, depuis le festival du livre de Paris, à concrétiser la tenue d'un rendez-vous littéraire similaire à Dakar pour le rayonnement culturel africain
Le patron de la maison d'édition L'Harmattan, Abdoulaye Diallo, appelle les autorités, depuis le festival du livre de Paris, à concrétiser la tenue d'un rendez-vous littéraire similaire à Dakar pour le rayonnement culturel africain. Il est interrogé par Abdoulaye Cissé de la RFM.
LE CINÉMA EST UN JEU SÉRIEUX
Entretien avec Mamadou Socrate Diop, scénariste/réalisateur
«Baby Blues», son deuxième court-métrage après «Wuutu» en 2018, a obtenu la mention du Jury au dernier Festival du film africain de Louxor, en Egypte. Mamadou Socrate Diop est avant tout un passionné de cinéma, de littérature et de philosophie. «Baby Blues», qui est inscrit sur les catalogues d’une quinzaine de festivals à travers le monde, porte l’empreinte d’un homme qui cherche à comprendre le monde dans lequel il vit. Mamadou Socrate Diop est aussi l’auteur d’un ouvrage : «Les Etoiles de la destinée», un recueil de textes dans lequel il se livre à un dialogue avec lui-même.
Comment vous présenteriez-vous ?
Je ne vous ferai pas le cliché du jeune homme qui a toujours rêvé de faire du cinéma. Le cinéma est venu à moi dans une période où je commençais à faire de la littérature. En 2012, j’ai rencontré par hasard Abdel Aziz Boye, le fondateur de Ciné-Banlieue. Je partais au stade pour voir le match du Sénégal. J’ai vu, en passant devant une maison, un écriteau sur lequel il était griffonné «Silence ça tourne». Je me suis rapproché p r u d e m m e n t . Quand il a senti que quelqu’un regardait la cour par l’entrebâillement de la porte, il est venu, m’a invité à rentrer. Il m’a «forcé» à assister à son cours. Depuis, je n’ai jamais quitté le cinéma et le cinéma ne m’a jamais quitté. Evidemment, j’ai appris là-bas les bases de l’écriture du scénario et de la réalisation, l’histoire et les métiers du cinéma. Mais, c’est en 2017 que les choses ont changé. J’ai rencontré Amath Ndiaye, réalisateur et formateur. Pour faire simple, j’avais un scénario sur lequel je bossais depuis 2 ans. Il l’a lu et m’a dit que c’était trop littéraire (d’ailleurs, on en rigole toujours). Mais il m’a pris sous son aile, m’a intégré dans son studio, Obelus film & animations studio. En 2017, alors que ma plus grande expérience de plateau c’était en tant que décoaccessoiriste, il m’a fait assistant-réalisateur pour son film Maty (que je considère jusque-là comme le meilleur film de notre cinéma). Tout est parti de là. En 2018, il a encadré et assisté le tournage de mon 1er film, Wuutu. La même année, j’ai quitté le Sénégal pour m’installer en France. J’ai traversé une longue période durant laquelle j’ai eu un blues artistique énorme. Je me suis éloigné un peu du cinéma et des plateaux. La cause ? L’éloignement, le changement… ? Toujours est-il que le cinéma ne m’avait jamais paru si loin. J’ai raccroché. Je suis retourné à la littérature. Ce n’est qu’en fin 2021 que j’ai renoué avec le cinéma, en réalisant Baby Blues.
De quoi parle votre film, Baby Blues ?
L’histoire du film pourrait être présentée de la sorte : un couple apprend au bout de 26 semaines de grossesse que le cœur de leur bébé s’est arrêté de battre. Le film est une immersion dans l’intimité de ce couple, dans un huis-clos total, pour saisir les clivages, divergences, conflits au sein de la maison. Le contexte ayant prévalu au film est complexe. En 2020, ma bellesœur avec qui j’étais très proche, est décédée après son a c c o u c h e m e n t. C’est ce malheureux évènement qui m’a ramené au cinéma. Car après son décès, j’ai traversé une période assez compliquée. Une sorte de blanc total dans ma vie. C’est comme si le jour de son décès, je me suis endormi, en me disant naïvement «demain, tu te réveilleras, rien ne se sera passé». Souvent, la critique voit le film comme une histoire de déni (de la femme) et de lâcheté (du mari) ou d’espoir perdu (cet enfant destiné probablement à mourir). Peut-être, ont-ils raison parce que toutes ces émotions m’ont habité après son décès. C’est pourquoi, pendant l’écriture du scénario, cloitré à la maison, coupé de l’extérieur, je me suis battu pour amener le film à l’usure, qu’au bout de l’histoire, la personne appelée à mourir ou pas, ne soit pas ma belle-sœur. Je ne voulais pas la voir mourir une deuxième fois… Le film est donc écrit à l’envers. Dans l’histoire, c’est l’espoir de faire un enfant qui s’éteint. Techniquement, il fallait amener quelque chose de nouveau, travailler sur l’esthétique, les ambiances visuelles et sonores pour arriver à contourner des écueils classiques comme «je fais un film pour… ». Un scénario prêt, un découpage solide, des intentions artistiques claires, c’est tout ce qu’il faut. Le reste appartient à la ruse de l’artiste et ça c’est du secret de laboratoire ! Voyezvous, un film s’écrit tout seul. Il se nourrit des influences de ceux qui le portent. J’ai eu la chance, pendant la gestation du film, de rencontrer les personnes qu’il fallait. A l’issu de chaque projection, on me parle du jeu d’acteurs, de la musique, du cadrage, de la chef-operie. Si un tel genre existe, le film pourrait être classé comme une œuvre de «compagnonnage». Pendant un an, on a tissé des liens, des amitiés, avec les acteurs et les techniciens. Cette proximité a grandement servi le film. J’en profite pour rendre hommage à mes deux magnifiques interprètes, Marième N’diaye et Lassana Lestin, ainsi que tous mes techniciens, au premier rang Massène Yacine Sène (chef-op, assistant-réa, monteur, producteur du film par ailleurs) et Mouhamadou Sarr (qui a fait la prise de son, le mixage, le sound design), Adam Boukalea (le classique de la bande, cadreur). Je n’oublie pas Stéfanie Sylla pour la belle musique originale qu’elle a composée pour le film et tous les amis qui ont apporté de leurs services et leurs forces. Personne n’a demandé un rond pour participer à l’aventure. Nous y étions tous avec le cœur et les tripes.
Qu’est-ce qui vous inspire au cinéma ?
Le cinéma est un jeu, mais un jeu qui en vaut la chandelle. C’est un outil puissant qui peut bousculer certaines de nos certitudes et/ou de nos incertitudes. Soit. C’est un jeu qui n’admet pas l’amateurisme. C’est un jeu sérieux ! Ma grand-mère, Maty Fatim, était une grande conteuse. Le soir, avec tous les jeunes du quartier, on se regroupait sous le manguier, l’écouter nous conter des histoires de chez nous. Je suis encore nostalgique de cette époque où dans sa voix, un vaudeville ne valait pas moins qu’une grande histoire politique. Je pense être de cette souche. Tout le monde a envie de filmer les grands mouvements de la vie humaine. Et souvent, on oublie que de tels mouvements, quelle que soit leur portée, prennent forme dans nos petits quartiers. Le cinéma me permet de revêtir le costume du conteur pour redonner une voix, une âme, à ces petites histoires.
Vous semblez avoir un lien privilégié avec Djibril Diop Mambety…
Djibril et moi avons des liens très profonds. Parfois, je me surprends à me redécouvrir à travers ses yeux, sa voix, son écriture. Je vais raconter quelque chose de surprenant : à l’âge de 15 ans, j’ai rêvé que j’étais à Saraba, assis chez ma grand-mère, Maam Maty, buvant du thé au romarin au bord d’une falaise. Une grande silhouette, tout de noir vêtue, vient à moi. Elle m’a pris par la main et m’a entraîné à la pointe du rocher. Il m’a invité à basculer dans le grand vide avec lui. Il ne m’a pas laissé réfléchir et m’a entraîné avec lui dans sa chute. Quand, plus tard, après avoir regardé Touki Bouki avec ma grand-mère à Thiès, et qu’on ait affiché la photo du réalisateur, elle me dit que celui qui a fait le film est un cousin de la famille. J’avais en face de moi le visage de l’homme de la falaise. J’ai compris que, il y a 1000 ans, tout ceci avait eu lieu. J’étais déjà de l’autre côté de la falaise. Le cinéma, c’était l’œil de l’autre Diop. J’étais le grand-père avant d’être le petit-fils et vice-versa. Le lien, il a été mystique avant d’être artistique, 1000 ans plutôt.
Des projets dans le futur ?
Regarder des films, boire du café (rires !) Plus sérieusement, le troisième film est sur le banc d’écriture. Il est en développement avancé. C’est un courtmétrage. Il y a encore, sur le plan technique et artistique, beaucoup de choses à asseoir. Peut-être, à cette seule condition, je passerais au long. Mais en attendant, on continue avec l’équipe, la distribution du film. Depuis fin 2021, le film est présent sur une quinzaine de catalogues de festivals à travers le monde. Il a récemment eu la mention du Jury au Festival de Louxor, en Egypte. C’est gratifiant. Ça fait partie du jeu. Le plus important, c’est la passion et, un passionné, j’en suis un. J’ai regardé des films avant d’apprendre comment on en fait. Donc, tout ce qui compte c’est de continuer de regarder des films et d’en faire bien entendu, si possible… Ainsi à la fin du jeu, nous pourrons nous asseoir pour ensemble dire : «Vive le Cinéma.»
BABACAR KHALIFA NDIAYE REJOUE LA CAN 2021
Le journaliste-écrivain Babacar Khalifa Ndiaye a dédicacé avant-hier, mercredi 20 avril, son ouvrage «Cœur de Lion : L’épopée victorieuse du Sénégal au Cameroun », paru aux éditions Edisal
Le journaliste-écrivain Babacar Khalifa Ndiaye a dédicacé avant-hier, mercredi 20 avril, son ouvrage «Cœur de Lion : L’épopée victorieuse du Sénégal au Cameroun », paru aux éditions Edisal. Dans le livre, il y raconte le parcours et l’exploit de l’équipe nationale de football du Sénégal lors de dernière la Coupe d’Afrique des Nations de football, Cameroun 2021.
6 février 2022, une date inoubliable pour le Sénégal ! Notre pays venait de remporter sa première Coupe d’Afrique des Nations de football, Cameroun 2021, aux dépens de l’Egypte qu’il a battu aux tirs au but (4 tirs à 2, 0-0 après prolongations) en finale au stade d’Olembé, à Yaoundé. C’était l’explosion de joie partout dans le pays. Le journaliste Babacar Khalifa Ndiaye ne pouvait pas passer de ce sacre des «Lions». Lui qui a couvert 16 CAN où le Sénégal est toujours rentré bredouille. Il retrace ainsi les plus belles heures de l’équipe nationale du football sénégalais dans un livre intitulé « Cœur de Lion : L’épopée victorieuse du Sénégal au Cameroun ». Des « Temps forts d’une soirée historique » aux « Injonctions de l’Etat et les attentes du peuple », jusqu’aux « fiches techniques des matches des joueurs », l’auteur n’a rien laissé au hasard pour faire revivre l’épopée victorieuse du Sénégal à travers 11 chapitres. Non sans faire un 12e qu’il considère comme un « bonus » dédié aux « Prolongations : la Coupe du monde Qatar 2022 ».
Ce nouvel ouvrage de Babacar Khalifa Ndiaye vient après ses deux autres livres que sont : « Le Sénégal à la Can de foot : Pourquoi les Lions n’y arrivent toujours pas » et « Ils ont manqué à la CAN ». « Cette fois-ci, les pages à parcourir ne sont pas marqués par les regrets de rendez-vous manqués et d’espoirs déçus. C’est la célébration d’une épopée victorieuse après une si longue attente par la plume alerte et inspirée d’un journaliste sportif au talent exceptionnel qui nous fait vivre dans un style incomparable les temps forts de l’expédition camerounais », a fait savoir le préfacier du livre, Cheikh Tidiane Fall, journaliste et ancien rédacteur en chef du journal « Le Soleil ». Il ajoute : « Tous les aspects de la consécration continentale des Lions sont passés au tamis pour permettre de bien mesurer le caractère historique et héroïque du couronnement de nos joueurs en terre camerounais ». « Cœur de Lion : L’épopée victorieuse du Sénégal au Cameroun », c’est aussi des « prises de position » de l’auteur.
Selon le président de l’Association nationale de la Presse sportive (ANPS), Abdoulaye Thiam qui faisait la présentation de l’ouvrage, Babacar Khalifa Ndiaye a fait preuve de « beaucoup de courage dans le texte avec des prises de position notamment sur le comportement des joueurs dans le terrain et en dehors du terrain, sur l’entraineur de l’équipe nationale du Sénégal ». Sans oublier le « manko wouti ndamli qui a été une belle trouvaille à mon avis par Me Augustin Senghor et son équipe », dira Abdoulaye Thiam. A l’en croire, l’auteur relève aussi dans son livre « les tops et les flops des joueurs mais à sa manière ».
Dans son ouvrage, Babacar Khalifa Ndiaye évoque une similitude entre l’attitude du Président de la République, Macky Sall qui était hors du pays le jour de la finale et celle d’Abdoulaye Wade en 2001 lorsque l’équipe nationale du Sénégal s’est qualifiée à la Coupe du monde quand il avait bloqué l’équipe à Nouakchott pour pouvoir rentrer». «L’auteur rappelle que Macky Sall qui était en voyage, avait dit au Président des Comores si jamais je gagne la CAN, je vais rentrer directement accueillir mon équipe », a souligné le président de l’ANPS.
Pour sa part, Babacar Khalifa Ndiaye affirme que son livre est «la suite logique» de ses écrits. « Après le sacre, j’ai reçu des appels. Les gens me disaient d’écrire un livre (…). En cinq semaines, je l’ai terminé mais je ne pouvais pas ne pas faire un chapitre sur la confrontation entre le Sénégal et l’Egypte», a expliqué l’auteur. Un match qui a ouvert la voie au Sénégal à la Coupe du monde de football, Qatar 2022. Lors de la cérémonie de dédicace, plusieurs dirigeants et autorités sportives dont le président de la Fédération sénégalaise de football, Me Augustin Senghor étaient présents.
ME AUGUSTIN SENGHOR SUR L’OUVRAGE DE BABACAR KHALIFA NDIAYE : «Il s’agit de la promotion du football sénégalais triomphant»
«Aujourd’hui, en tant que président de la Fédération sénégalaise de football, c’est avec un grand plaisir que je suis venu répondre à l’invitation du grand journaliste Babacar Khalifa Ndiaye qui, au sortir de cette CAN victorieuse du Sénégal, a édité un livre qui parle de cette épopée des Lions au Cameroun. Il entre même dans les prémisses qui ont précédé un peu ce sacre et il parle quand même de beaucoup d’anecdotes, de choses qui vont rester pour la postérité. Il faut magnifier cet esprit de suite que le journaliste Babacar Khalifa Ndiaye a eu. Quelques mois avant cette CAN, il avait sorti un premier livre pour se poser la question de savoir pourquoi le Sénégal n’a jamais pu être sacré malgré ses atouts, ses joueurs de qualité, son statut d’éternel favori ? Et comme une sorte de viatique, il annonçait peut-être ce sacre-là et deux mois après qu’il puisse nous gratifier d’un excellent livre souvenir qui retrace non seulement cette compétition, ces moments forts. Je pense que cette œuvre-là, au premier chef, est réalisé pour tous les footballeurs, les joueurs eux-mêmes, les encadreurs, les dirigeants mais aussi tout le peuple sénégalais qui, comme un seul homme, a accompagné au sacre et Babacar (Khalifa Ndiaye) est méritant parce que son travail est aussi bien que ce travail qu’il a fait, c’est un travail aussi bien fouillé, profond. Il est important que la Fédération puisse apporter sa contribution à la vulgarisation du livre. Il faut que cette histoire-là soit contée. D’abord, je pense à nos contemporains et il est important que nous autres qui sommes au cœur de cette histoire qu’il raconte qu’on puisse se doter de ce livre-là. Et j’estime que le comité exécutif, les autres démembrements du football, les joueurs de l’équipe nationale, l’encadrement, tous doivent être dotés au moins d’un exemplaire dédicacé. Mais au-delà de ça, il s’agit de la promotion du football sénégalais triomphant. Il est important que lors de nos déplacements, de nos compétitions, de nos congrès qu’on puisse amener ce livre comme un beau cadeau pour pouvoir offrir à nos collègues présidents de fédération, aux dirigeants des instances internationales. C’est pour cela que j’ai proposé à l’éditeur qu’on puisse avoir une version anglaise».
par l'éditorialiste de seneplus, Jean-Claude Djéréké
JOSEPH KI-ZERBO, L’HOMME QUI REFUSAIT DE DORMIR SUR LA NATTE DES AUTRES
EXCLUSIF SENEPLUS - Max Weber conseille aux intellectuels de ne pas se mêler de la politique. Ki-Zerbo, lui, descendra dans l’arène politique, non pour s’enrichir avec les deniers publics, mais dans le seul but de changer le cours des choses
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 21/04/2022
Né le 21 juin 1922 en pays samo (dans l’ex-Haute Volta), Joseph Ki-Zerbo commence l’école primaire et secondaire au Sénégal. En 1949, après l’obtention du baccalauréat à Bamako, il intègre la Sorbonne où il étudie l’histoire. Il suit en même temps les cours de l’Institut d’études politiques de Paris. En 1956, il devient le premier Africain agrégé d’histoire. À Paris, il côtoie la plupart des intellectuels africains d’avant-garde, ceux qui luttent pour la décolonisation du continent noir. Certains comme Cheikh Hamidou Kane et Mamadou Dia (Sénégal), Albert Tévoédjrè (Dahomey), Georges Ngango (Cameroun) et Joachim Bony (Côte d’Ivoire) deviendront ses amis. Il milite naturellement dans la puissante fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF). Ses études terminées, Ki-Zerbo enseigne l’histoire à Orléans, à Paris, puis à Dakar en tant que citoyen français. Les Africains nés avant les “indépendances africaines” étaient des citoyens français. En octobre 1965, il est nommé inspecteur d’académie et directeur général de l’Éducation, de la Jeunesse et des Sports. De 1968 à 1973, il dispense des cours à l’université de Ouagadougou. Co-fondateur du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) qui prône une autonomie des pays africains au plan académique, il en sera le secrétaire général, de 1967 à 1979. De 1972 à 1978, il est membre du conseil exécutif de l’UNESCO. C’est à ce titre qu’il collabore à la publication d’une histoire générale de l’Afrique. Le Centre d’études pour le développement africain (CEDA) est porté sur les fonts baptismaux en 1980.
Après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo (le 13 décembre 1998), il prend une part active à la constitution du collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques. Regroupant des partis d’opposition et des organisations de la société civile, ce collectif lutte contre l’impunité des crimes politiques et économiques perpétrés dans le pays. Si Ki-Zerbo ne rate aucune manifestation de protestation, malgré son âge, c’est parce qu’il a été choqué par l’assassinat de Norbert Zongo qui enquêtait sur la mort de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère du dictateur Blaise Compaoré.
Ne sachant pas à quelle sauce ils pourraient être mangés par le nouveau pouvoir, Joseph Ki-Zerbo et son épouse malienne Jacqueline s’exilent au Sénégal en 1983. L’exil durera 9 ans. En leur absence, leur bibliothèque, riche de plus de dix mille ouvrages, est mise à sac. Difficile de savoir si c’est un coup du Conseil national de la révolution (CNR) qui était pour une rupture totale avec l’héritage colonial et pour une transformation radicale de la société. En 1985, certains de ses collaborateurs sont arrêtés pendant que Ki-Zerbo est condamné par contumace par un tribunal populaire révolutionnaire à 2 ans de détention. De plus, il doit payer une forte amende pour “fraude fiscale”. Il bénéficiera d’un non-lieu après son retour d’exil.
Le sociologue allemand Max Weber conseille aux intellectuels de ne pas se mêler de la politique parce que les vertus du politique ne sont pas, selon lui, compatibles avec celles du savant (cf. Le savant et le politique, Paris, Union générale d’Éditions, 1963). Joseph Ki-Zerbo, lui, descendra dans l’arène politique, non pour s’enrichir avec les deniers publics, mais dans le seul but de changer le cours des choses. Pour cela, il crée en 1957 le Mouvement de libération nationale (MLN) favorable à l’indépendance immédiate et à la formation des États-Unis d’Afrique. Le manifeste de ce parti sera présenté à Kwame Nkrumah dont le pays vient d’accéder à l’indépendance. Les militants du MLN viennent majoritairement des syndicats, de l’enseignement et de la paysannerie. Le MLN joue un rôle important dans l’organisation du mouvement populaire qui, le 3 janvier 1966, chasse le président Maurice Yaméogo du pouvoir. L’Union progressiste voltaïque (UPV) voit le jour en 1974. Le Parti pour la démocratie et le progrès (PDP), d’obédience socialiste, est fondé en 1993. Pierre-Claver Damiba, Aimé Damiba, Henri Guissou, Alexandre Sawadogo et Bruno Ilboudo, qui sont des catholiques de gauche comme lui, font partie des personnes recrutées par Ki-Zerbo dans le nouveau parti.
La Guinée était le seul pays de l’Afrique occidentale française à exiger une indépendance immédiate. Elle vote donc le non au referendum du 28 septembre 1958 sur la communauté franco-africaine. À la demande de Sékou Touré, Joseph et Jacqueline Ki-Zerbo se rendent alors à Conakry. Ils y trouvent d’autres panafricanistes tels que l’Ivoirien Harris Memel Fotê ou le Camerounais Kapet de Bana. Tous doivent remplacer les enseignants français rappelés par Paris. Pour les Ki-Zerbo, il s’agit non seulement de se solidariser avec la Guinée abandonnée du jour au lendemain pour son refus de continuer à dépendre de la France mais de concrétiser leur panafricanisme. N’est-il pas vrai que l’amour se manifeste plus dans les actes que dans les discours ? C’est en 1960 que Joseph Ki-Zerbo retournera en Haute-Volta.
En 1997, Ki-Zerbo obtient le prix Nobel alternatif pour ses recherches sur des modèles originaux de développement. Le prix Nobel alternatif est décerné à des personnes qui s’efforcent de trouver des solutions pratiques et exemplaires aux questions liées à la protection de l’environnement, au développement, aux droits de l’homme ou à la paix. En 2000, il reçoit le prix Kadhafi des droits de l’homme et des peuples. Le titre de docteur honoris causa lui est attribué en 2001 par l’université de Padoue (Italie).
Publications :
‘Le monde africain noir : histoire et civilisation’, Paris, Éd. Hatier, 1964.
‘Histoire de l’Afrique noire’, Paris, Éd. Hatier, 1972. Ce volume montre que l’Afrique avait atteint un haut niveau de développement politique, social et culturel avant la traite des esclaves et la colonisation.
‘Anthologie des grands textes de l’humanité sur les rapports entre l’homme et la nature’ (avec Marie-Josée Beaud-Gambier), Paris, Éditions Charles Léopold Mayer, 1992.
‘Éduquer ou périr’, Paris, L’Harmattan, 1990.
‘La Natte des autres. Pour un développement endogène’, Paris, Karthala, 1991. Pour Ki-Zerbo, dormir sur la natte des autres équivaut à dormir par terre. Pour un “oui” ou un “non”, pour une raison ou une autre, le propriétaire peut à tout moment reprendre sa natte. D’où la nécessité de compter sur nous-mêmes et non sur les autres, d’expérimenter et de construire avec ce que nous possédons au lieu d’importer les modèles politiques, économiques et éducatifs de l’Occident.
‘À quand l’Afrique ? : Entretien avec René Holenstein’, Paris, Éditions de l’Aube, 2003. Ce livre peut être considéré comme le testament de Joseph Ki-Zerbo, le message qu’il laisse à l’Afrique, trois ans avant sa mort. On y trouve les idées suivantes :
Loin d’être neutres, les techniques portent la vision du monde de l’Occident.
Nous devons être des conquérants de l’esprit scientifique comme Prométhée qui vola le feu des dieux (il déroba la connaissance à Héphaïstos, le dieu du feu, de la forge et de la métallurgie ; la sagesse à Athéna, la déesse de la sagesse).
Nous devons apprendre à écrire et à étudier dans nos langues.
Dans les cultures africaines se trouvent depuis toujours les ferments d’une autre société. Il faut partir des traditions pour penser et construire l’avenir.
Chaque génération a des pyramides à bâtir.
La tradition orale fait partie des sources de l’histoire africaine.
Les premiers humains, qui ont inventé la position debout, la parole, l’art, la religion, le feu, les premiers outils, les premiers habitats, les premières cultures, ne sont pas hors de l’histoire.
L’esclavage et la traite des Noirs sont des crimes contre l’humanité et il est normal que l’Afrique soit dédommagée pour ces crimes contre l’humanité.
On ne développe pas mais on se développe. Le développement est donc endogène. Il doit s’appuyer sur la culture qui vient avant les ressources naturelles et tenir compte des valeurs écologiques et sociales. Ce n’est pas une course de vitesse, mais plutôt une progression adaptée à nos besoins. Il ne s’agit pas de rattraper le retard technologique de l’Europe.
Toutes les étapes de la vie étaient marquées par des réunions. Il y avait un débat permanent, il y avait l’arbre à palabre où chacun avait non seulement la liberté d'expression mais l’obligation de dire ce qu’il pense.
C’est un abus de langage que de parler de pays francophones, anglophones ou lusophones dans la mesure où 80% de la population africaine ne parlent pas les langues étrangères que sont le français, l’anglais et le portugais.
“Si nous nous couchons, nous sommes morts”. Ce slogan signifie, d’une part, que les Africains n’ont pas le droit de trembler ni de s’aplatir devant qui que ce soit. D’autre part, il les invite à travailler avec acharnement car seul le travail produit la richesse qui, elle, assure le respect et l’indépendance.
Le 26 décembre 2015, l’université de Ouagadougou est rebaptisée Université Joseph-Ki-Zerbo. Pouvait-on rêver d’un meilleur hommage à cet homme qui voulait que les Africains connaissent leur histoire et se prennent en charge ?
AVEC SON NOUVEAU ROMAN, MALAANUM LËNDËM, BORIS, ÉGAL À LUI-MÊME
EXCLUSIF SENEPLUS - Chez Boris, l’axiome selon lequel toute langue est véhiculaire de culture se vérifie au plus haut point. Il pense, réfléchit dans sa langue maternelle, le wolof. Il parvient aisément à exprimer le tréfonds de sa société
Ousseynou Bèye de SenePlus |
Publication 20/04/2022
Et de quatre ! La quatrième publication en wolof de Boubacar Boris Diop (+), Malaanum lëndëm (“Récits nocturnes”, selon la traduction de l’auteur lui-même), vient de paraître aux Éditions EJO. Avec Boris, on ne se mettra plus à compter ses œuvres écrites en langue nationale ; avec lui, nous apprenons (très) progressivement à revenir à la normalité : écrire et lire dans nos langues maternelles.
Pourquoi ce titre si mystérieux pour ce nouveau roman ? Nous y reviendrons. L’histoire commence par le Sénégal, mais se déroule surtout au Nigéria. Non, le propos n’a aucun rapport avec Boko Haram ou quelques organisations terroristes qui pullulent dans ce pays. La quatrième page de couverture nous aura d’ailleurs prévenus.
Le Nigéria, un autre pays du continent : comme pour Murambi, le livredes ossements (Prix international de Littérature Neutsdat), loin de son Sénégal d’origine, Boubacar Boris Diop nous fait un autre clin d’œil panafricaniste. Et comment ne pas relever d’ores et déjà que l’ombre (l’esprit ?) d’Amilcar Cabral va traverser tout son récit ?
La trame du roman
Dans ce nouveau chef-d’œuvre, il nous est relaté les péripéties de l’enquête d’un vieux paysan, Keebaa Jakite, résidant à Tànjuraa, un patelin du Sénégal oriental, à propos de l’abominable assassinat de son meilleur ami, Jonas Akintoye, un Nigérian qui vivait dans son Ingwini natal, un autre patelin de cet autre pays d’Afrique.
Les deux hommes étaient liés par une amitié sincère, authentique, très profonde, qui en faisait des plus que frères. Keebaa Jakite se souvient :
Jonas da ni ma bés, gis nga, mbër, ci man, bànneexu doom-aadama mënuta weesu sol i bot yu gudd, di daagu ca sama biir tool ba ca Ingwini, garab yi wër ma, may gis ni seen doom yi ñore, léeg-léeg am bu ci ne putt daanu ci suuf, fàcc, di xeeñ bann !
Daanaka Jonas dafa sàqami woon lancam ! Naka lañu mënoon a def ba duñ daje bés mook Jonas Akintoye, ku ci nekk ne jàkk sa moroom, ñu yëg ci saa si ne ay doomi-ndey dëgg lañu, ay doomi-ndey yu bokkul deret ?
(Jonas m’a dit un jour, vois-tu, mon gars, comme plaisir de la vie, rien ne vaut pour moi de porter mes longues bottes, de me promener dans mon champs à Ingwini, les arbres m’entourant avec leurs fruits mûrissants ; parfois un qui tombe dru sur le sol, éclaté, et exhalant son parfum exquis !
En fait, Jonas n’avait fait qu’exprimer ses propres pensées ! Décidément, ils ne pouvaient pas manquer de se rencontrer un jour, lui et Jonas Akintoye, chacun dévisageant l’autre pour se rendre compte instinctivement qu’ils étaient de véritables frères).
Mais, au-delà de leur passion commune - creuser, semer, bêcher, arroser récolter, et…croquer de façon gourmande les fruits mûrs -, ces deux-là se ressemblent comme des jumeaux, au regard de leurs caractères communs qui se manifestent dans l’estime de soi, l’esprit d’indépendance, la franchise et le franc-parler, l’attachement à la vérité quoique cela puisse coûter, mais aussi le courage, la droiture, et encore l’amour pour leur origine, leur pays et l’enracinement à leurs valeurs sociétales. Autant de valeurs humaines et sociales qui se raréfient dans l’espace public de nos pays, et que l’auteur a tenu à mettre en jeu, comme autant d’enjeux qui s’imposent dans ce monde de la modernité, en particulier le milieu politique où l’on prétend tout acheter, y compris les individus, par des pièces sonnantes et trébuchantes !
Les deux amis s’étaient rencontrés dans leur jeunesse, dans une ville d’Europe, au hasard d’une rencontre internationale d’organisations paysannes, étant tous les deux leaders d’une association faîtière locale dans leur pays respectif. Ils ne se sont plus quittés, leurs deux familles se rendant mutuellement et régulièrement visite, par-delà les frontières et les distances qui séparent leurs deux pays.
Un jour Keebaa Jakite apprend au téléphone que son ami a été sauvagement assassiné, son corps ayant mystérieusement disparu. De toute évidence, c’était là l’œuvre d’un puissant potentat local, chief Moses Abimbola, un ancien camarade de jeunesse et éternel concurrent de Jonas. Keebaa ne pouvait laisser la mort, plutôt la vie de son ami, passer par ‘pertes et profits’. Il décide de se rendre à Ingwini, au Nigéria, présenter ses condoléances à la femme du défunt, mener une enquête pour élucider l’imbroglio qui entoure cette affaire, et peut-être aider à retrouver son corps. Au prix de sa vie si c’était nécessaire. Un devoir que le tréfonds de son âme lui intime de remplir :
Keebaa Jakite xam (na) ne kóllëre ginnaaw lay féete… (Kébaa Jakite sait que la fraternité ne se perd jamais… »)
Que va-t-il trouver lors de cette intrépide expédition dans un pays réputé pour son manque notoire de sécurité ? Dans quelles circonstances son ami a-t-il été tué et pourquoi ? Va-t-il retrouver le corps de celui-ci ?
Au soir de sa vie, Keebaa Jakite qui n’est pas écrivain, décide de prendre sa plume et de narrer cette fabuleuse histoire à la descendance.
L’auteur s’adresse à son lecteur par le biais de personnages qui vivent des époques différentes, en des lieux tout aussi différents. Ce dernier finit par se familiariser avec ces personnages qu’il côtoie, comme qui dirait ; des personnages parfois attachants, parfois répugnants, mais jamais indifférents, des personnages aussi différents les uns que les autres.
Les personnages à travers l’intrigue
Keebaa met les pieds sur le sol du Nigéria. Son séjour dans ce pays permettra ainsi de découvrir nouvelles têtes : des sbires sanguinaires (chief Moses Ambibola et son homme de main James Vandi), des personnes pittoresques (Mama Wumbi-Oyé, la mère farfelue de Moses), de paisibles citoyens sans histoire (Tony Akintoyé, le frère de Jonas) …
À chacun, l’auteur donne une personnalité propre, dense, complexe, une âme :
Tony Akintoy n’a pas le même caractère que son frère, ce qui n’a pas échappé à Keebaa, dès leur première rencontre :
Man mii sax, boo demee Tony Akintoye daf ma jàppe ni séytaane, xam naa li ko doon gënal mooy ma bañ a jaalesi Debbie doonte dina am kersay wax ma ko. Yu mel nee may tax a xalaat lee-lee ne dugg naa ci lu sama yoon nekkul.
(Il se pourrait que moi-même, il me considère comme un fumier, c’est sûr qu’il aurait préféré que je ne vienne pas présenter mes condoléances à Debbie, même s’il a des scrupules à me le dire. C’est des choses comme ça qui me font penser des fois que je me suis mêlé à une affaire qui ne me regarde pas).
Pourtant Tony sera d’un précieux secours pour les besoins de l’enquête menée par Keebaa Jakite, qui au passage, se révèle un homme ordinaire, avec ses doutes, en dépit de ses qualités propres. Les personnages de Boris ne sont pas forcément des héros.
Chief Moses Ambibola, ancien ami d’enfance de Jonas, devenu un responsable traditionnel, politique et administratif, règne sans partage sur ses ‘sujets’ sur qui il a droit de vie et de mort. Il a gardé une dent de très longue date envers Jonas qui le lui rend bien, par son esprit d’indépendance et son patriotisme à toute épreuve, ne tolérant ni la gabegie, ni encore moins le bradage des ressources nationales au profit d’un clan ou de l’étranger. Moses voue une haine viscérale, qui dépasse l’entendement, à l’égard de Jonas.
James Vandi, l’homme à tout faire et l’exécuteur des basses besognes, également ami d’enfance de Jonas et de Moses au service de qui il est dévoué comme le serf à son maître (‘Diggante surgaak sangam’). Ces deux-là forment une belle paire de crapules. James Vandi est-il l’exécuteur sauvage de Jonas Akintoyé ? Tout porte à le croire.
Moom, “rey nit ak naan ndox la yemele”.
(Pour lui, tuer un homme, c’est comme boire de l’eau.)
Mama Wumbi-Oyé : voilà une ‘reine mère’ qui n’attend de son fils que le mal qu’il peut faire aux autres pour satisfaire ses désirs et ses caprices. En fait, Moses avait tout simplement peur de sa maman. C’est bien évidemment Mama Wumbi-Oye qui, avant de quitter ce bas-monde, avait imposé à son fils, obéissant et aux ordres, un ‘rite’ pour le moins bizarre :
… Moo ni woon Moses Abimbola : "Doom, bés bu may wuyuji Tiyo-Amanze, bëgg naa nga defal ma dëj bu kenn masul a gis ba sunu maamaataati-maam sosee àddinaak tey."
(C’est elle qui avait intimé à Moses Ambibola : “fils, le jour où j’irai rejoindrai l’au-delà, je voudrais que tu m’organises un deuil qu’on n’aura jamais vu depuis les temps immémoriaux de nos aïeux.”)
Ce sont tous ces personnages et d’autres qui se meuvent, pensent, rêvent, causent, agissent, tuent, sauvent des vies, réparent l’injustice, se divertissent… selon l’inspiration de Boris Diop. Au final, nous est contée une histoire tantôt dramatique, bouleversante, tantôt rocambolesque, cocasse, mais toujours instructive sur la marche du monde et le devenir de l’homme.
C’est avec beaucoup de surprises que le lecteur découvrira au fil des pages, le dénouement de l’intrigue. Keebaa Jakite connaîtra-t-il le fin mot de l’histoire ? L’abominable tueur qui a ôté la vie à son ami sera-t-il démasqué et puni ? À quelle fin aurait-il perpétré le crime ? Enfin, Keebaa verra-t-il sa mission accomplie ?
En attendant que toutes ces questions trouvent réponses, l’auteur, bouleversant le temps et l’espace, comme il sait si bien s’y prendre, va nous faire revivre, à travers les pensées, les souvenirs et les rêveries de Keebaa, des épisodes de vie de ces deux braves gens : leurs rencontres, leurs tête-à-tête, leurs confidences, leurs rires, mais aussi leurs inquiétudes, leurs préoccupations liées à leur profession-passion, et encore leurs discussions épiques aux allures… tantôt politiques… tantôt philosophiques, faisant apparaître des divergences idéologiques entre les deux amis – qui s’aimaient bien ainsi, avec leurs différences.
Ainsi iront bon train les échanges des plus incisifs entre les deux amis.
On aura, à l’occasion, retrouvé Boubacar Boris Diop le politique, mais aussi on redécouvre avec plaisir le philosophe qui s’exprime ici plus ouvertement que d’habitude sur ces questions-là.
Les grands thèmes que nous propose Boris
Jonas n’arrêtait pas de railler les croyances religieuses de ses compatriotes, et, bien entendu, mine de rien, celles, identiques, de son ami (et aussi celles du lecteur ?). Il revenait souvent à la charge contre ce qu’il considérait comme des bobards (waxi kasaw-kasaw). Les remarques sacrilèges de son ami interloquaient Keebaa qui restait toujours sans voix devant ces turpitudes que celui-là sortait sans soucis, avec un sourire en coin, quand il ne s’esclaffait pas d’un fou-rire ! Keebaa, si pieux, ne se sentait pas personnellement visé encore moins vexé, mais il ne manquait pas alors de s’interroger :
Ci laa jëkkee xalaat tamit ne, Jonas Akintoye, xéy-na yaram wi neexul.
(“C’était la première fois que l’idée m’était venue que Jonas Akintoye n’était peut-être pas tout à fait sain d’esprit”).
La religion n’était pas le seul sujet de prédilection des deux amis, loin s’en faut ! La démocratie aussi faisait les frais des sarcasmes de Jonas Akintoye, au grand dam de Keebaa, Sénégalais bon teint, fier de la tradition démocratique de son pays, référence en la matière sur tout le continent.
Revenant à son quotidien, il se faisait cependant plus pragmatique, jetant un coup d’œil lucide sur la pratique environnante :
àndumaak Jonas wànte nag, xiif di la bëgg a rey ba noppi ngay bàkkoo demokaraasi subaak ngoon, gaa ñiy sàcc di kàcc, di lekk ribaa ba seen biir yiy bëgg a fàcc, ñuy toroxal baadoolo yi, ku ko seet ci sunu Senegaal gii xam ni su dee loolooy demokaraasi, demokaraasi ay naxee-mbaay kese la.
(Je ne suis pas toujours d’accord avec Jonas mais, on ne peut pas se glorifier tout le temps d’être vitrine de la démocratie alors que les gens se retrouvent dans la pauvreté, sur le point de mourir de faim ; pendant que d’autres volent et mentent, s’appropriant des biens d’autrui pour se remplir la panse, humiliant les misérables ; l’exemple de notre Sénégal est là, si c’est cela la démocratie, alors ce n’est que leurre.)
Une autre fois encore, c’est la question de l’ingérence étrangère qui est posée par cette simple interpellation de Jonas :
Mën nga maa wax luy yoonu Tubaab yi ci sunuy mbir ?
(Tu peux me dire ce que les Blancs viennent faire dans nos affaires ?)
Ces échanges entre les deux amis émailleront les épisodes de l’intrigue qui se déroule sous nos yeux. Des épisodes tantôt intrigants de suspense, tantôt bouleversants d’émotion, parfois tout simplement relaxants par la quiétude d’une amitié profondément vécue. Des épisodes de vie qui nous font cependant toujours réfléchir sur le destin humain et sur le devenir de l’Afrique et de ses habitants.
Revenant sur l’écriture de Boris, il serait intéressant de scruter encore les techniques narratives de l’auteur.
Le style ‘borisien’
Boris va procéder par diverses techniques narratives, comme nous allons le voir, pour développer l’intrigue. Mais derrière quel personnage principal l’auteur se cache-t-il pour nous introduire dans ce monde virtuel, quasi réel ?
Keebaa Jakite qui quitte le Sénégal pour le Nigéria, pour les besoins de son enquête ? Mais, n’est-ce pas le vieux Seega Ture qui a pris sa plume pour nous narrer les péripéties de Keebaa ? N’est-ce pas d’ailleurs Seega lui-même, écrivain par la force des choses, qui emprunte le personnage de Keebaa ? Et pourtant, ce n’est ni Seega, ni Keebaa qui nous adresse directement la parole : toute ces narrations nous sont transmises par Asta Balde, une secrétaire engagée pour taper sous la dictée de Seega qui, comme on le sait, s’est donné pour devoir de transmettre à la postérité l’histoire formidable de deux amis, l’histoire pathétique d’un certain Jonas Akintoye (ou sa propre histoire à lui, Seega ?). Histoire qui date d’une trentaine d’années. Seega Tuure, personnage central donc de ce roman puisqu’il est, dès le début, l’initiateur de toute l’histoire, recrutant Asta Balde pour les besoins de son entreprise. En secrétaire compétente et dévouée, celle-ci se met à la tâche. Mais, s’en tiendra-t-elle à ce rôle passif ? Nous la verrons conseiller son ‘patron’, avec beaucoup de pertinence et de culot, sur les genres littéraires. Mais surtout, c’est elle qui ‘ouvre le bal’ en nous introduisant le sujet, par les lettres adressées à son mari (un émigré en Espagne) par lesquelles le lecteur a plus l’impression de l’entendre que de la lire. Et, c’est donc Asta Balde qui va nous présenter Seega Ture lui-même, de qui et par qui pourtant, tout est censé partir. C’est par Asta aussi que le lecteur prendra connaissance de la maisonnée du vieil homme acariâtre. Mieux encore, elle va camper le contexte de l’intrigue qui va se dérouler, en confiant secrètement à son mari chéri les projets de Seega Ture.
Évidemment, le contrat moral de confiance qui lie le préposé-écrivain (quasi-aveugle) à sa secrétaire est fondamental, autrement plus important que le contrat de travail qui donne un salaire plus que décent à celle-ci. Car finalement, c’est bien la copie rendue par Asta qui sera soumise au lecteur. Ainsi, n’avons pas un roman dans le roman (celui de l’auteur et celui de son personnage central) ? L’identité entre les deux récits aurait été parfaite n’eussent été, ici, les incursions intempestives d’Asta Balde qui ne se prive pas de sa liberté de parole, en direction de son correspondant d’époux. Comme nous l’avons déjà vu, c’est à celui-ci qu’il s’adresse par ses longues lettres où elle lui rend compte de ses moindres gestes… par crainte de ses accès de jalousie. Cet homme (virtuel ?) que le lecteur ne rencontrera jamais !
Mais Jonas lui-même, autour de qui toute l’architecture narrative tourne, ne se présentera jamais non plus, en chair et en os, pourrait-on dire, devant le lecteur avide ; sans les confidences de Keeba-Seega, il serait resté tout aussi bien dans la même virtualité, convoqué qu’il est d’outre-tombe. Même la pittoresque, la farfelue, la capricieuse Mama Wimbi-Oyé a été dérangée de son sommeil pour l’éternité dans sa monumentale tombe pharaonique, pour apporter sa brique à l’édifice romanesque de l’écrivain.
Boris a donc bien usé d’une panoplie de techniques narratives pour nous servir son chef-d’œuvre, Malaanum lëndëm. Une œuvre scindée en quatre parties, chacune d’elles commençant par les interpellations nostalgiques d’Asta Balde lancées à son Siise Ngaari. C’est du reste, cette forme épistolaire qui ferme le roman par une dernière partie à chapitre unique.
La gentille et dévouée secrétaire servira ainsi de fil conducteur au lecteur. Que celui-ci se rassure donc : la virtuosité de l’auteur, véritable joueur d’échecs, permet de mettre de l’ordre dans tout cet écheveau, cette toile d’araignée, pourrait-on dire. Autrement dit, l’écrivain sera resté égal à lui-même. À l’image de son personnage-écrivain, Seega Ture :
Ci gàttal, bu doon sago góor gi Seega Ture, kenn du ko xamal dara. Moom daal, mënees na ko méngaleek doomi Aadama yooyuy làmboo malaanum lëndëm ba noppi ne miig téye seen bopp. Saa yoo naagoo ba yaakaar ne nànd nga seen i mbir walla li seen xel miy nas, ñu mbas la.
(En résumé, si cela ne dépendait que du vieux Seega Ture, on ne saurait rien de lui. En fait, on pourrait le comparer à ces êtres qui s’enveloppent d’obscurité, de mystère, et qui restent coi, se réfugiant dans le parfait silence. Quand on croit enfin les saisir, ils te sèment et t’échappent.)
Quid du titre de l’ouvrage : “Malaanum lëndëm” ? D’aucuns l’auront traduit littéralement par : “Voile/Enveloppe d’obscurité”. On n’aurait pas tort si l’on sait que des moments cruciaux du dévoilement de l’énigme se déroulent dans le cœur de la nuit, alors que le monde dort alentour. Seulement, voilà : ces moments nocturnes se résument inéluctablement, comme dans un rituel, en un seul acte : des récits sur les parties encore secrètes de l’histoire qui se déroule. Des récits sans réparties. Des “récits nocturnes”. Qui saurait mieux traduire l’auteur que lui-même ?
Il faut bien s’en rendre compte : Boubacar Boris Diop ne se contente pas de nous ‘produire’ des textes à la syntaxe parfaite ou quasi parfaite, irréprochable aux points de vue lexical et grammatical. Chez Boris, l’axiome selon lequel toute langue est véhiculaire de culture se vérifie au plus haut point, tant l’écrivain sait manipuler les mots au point de les faire respirer au rythme de la société qui les génère. Ce sont des Africains, des Sénégalais qui s’expriment en Africains et en Sénégalais. Nous sommes donc bien loin des traductions plus ou moins parfaites, laborieuses. L’auteur pense, réfléchit dans sa langue maternelle, le wolof. Ainsi il parvient aisément à exprimer les vibrations, le tréfonds de sa société.
Cheikh Anta Diop et Sakhir Thiam avaient déjà montré la compatibilité des mathématiques, de la science en général, avec la structure des langues africaines ; Mam Younouss Dieng, Cheik Aliou Ndaw et d’autres ont à leur tour fait admirer la souplesse de nos langues nationales et leur génie à traduire les aspirations et sentiments de nos peuples à travers la littérature. Pathé Diagne, Arame Fall, et maintenant Abdul Haadr Kebe et bien d’autres encore, continuent de nous démontrer l’adéquation des lois de la linguistique avec l’évolution naturelle de nos langues maternelles. Et, des écrivains comme Boubacar Boris Diop, véritable étendard de la littérature moderne, continuent de nous faire découvrir avec ravissement, l’extraordinaire instrument que constituent nos langues face aux enjeux de la littérature universelle, dont les techniques d’écriture, ne cessent d’évoluer.
Nawetu deret, théâtre (traduction de ‘Une saison au Congo’ de A. Césaire), Zulma et Mémoire d’encrier, collection Caytu, 2016
Bàmmeelu Kocc Barma, roman, Dakar, Ejo, 2017.
SOULEYMANE FAYE EN DUO AVEC ANTIQUARKS
L’artiste multidimensionnel qui a et continue d’écrire de belles pages de la musique sénégalaise, ex-lead vocal du groupe mythique Xalam 2, Souleymane Faye, rencontre le duo le plus créatif de la scène trad-fusion française dénommé Antiquarks.
L’artiste multidimensionnel qui a et continue d’écrire de belles pages de la musique sénégalaise, ex-lead vocal du groupe mythique Xalam 2, Souleymane Faye, rencontre le duo le plus créatif de la scène trad-fusion française dénommé Antiquarks. Celui qui est considéré comme le philosophe de la musique sénégalaise et l’Antiquarks vont se produire à l’étranger, à travers une série de concerts. C’est l’artiste lui-même qui donne l’information, via un post facebook. « Bien arrivé en France lundi pour une tournée de concerts avec mes amis Antiquarks », poste-t-il.
Dans une note explicative du antiquarks.org, la rencontre entre le duo français Richard Monségu-Sébastien Tron (Antiquarks) et le musicien-chanteur sénégalais Souleymane Faye signe l’acte de naissance d’un cabaret universel qui confirme le nécessaire besoin d’humanité et d’ouverture aux expériences avec le reste du monde. « Souleymane Faye s’impose, avec sa manière féline, sur des textes rythmés, à la fois généreux et engagés (‘’Jarul Xuloo’’). Antiquarks souligne ces textes avec les instruments traditionnels occidentaux (vieille augmentée électro, batterie », lit-on.
En effet, cette collaboration musicale inédite porte les couleurs d’une fiction musicale qui, tout en jouant avec les codes, crée un univers de métissage initiatiques avec un sens de l’expérience qui rappelle les efforts de Brian Eno avec Jon Hassell (album ‘’Power Spot’’) et David Byrne (‘’Talking Heads’’) dans les années 80. « Loin d’une musique du monde taillée sur mesure pour la bonne conscience d’un public occidental consommateur d’exotisme, cette rencontre privilégie, au contraire, authenticité ludique et profondeur des propos. En 2022, les artistes se produiront en France en tournée et Antiquarks sortira son 5e album en duo », poursuit le document. À rappeler que Souleymane Faye, plus connu sous le nom d’artiste Jules Faye et le groupe d’artistes français ont sorti leur dernier clip intitulé « Ça ne vaut pas une dispute », ce 14 avril 2022, entre la France et le Sénégal.