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29 novembre 2024
Culture
L’EFFET JAZZ SUR L’ÉCONOMIE LOCALE
C’était l’effervescence dans la ville de Saint-Louis. Partout, les rues grouillent de monde. Amateurs, musiciens, et travailleurs viennent découvrir les sonorités d’Afrique et d’ailleurs
Le festival de jazz de Saint-Louis reste une aubaine pour les restaurateurs, les chauffeurs de taxi, les commerçants…les hôteliers. Ils tirent profit de la fréquentation en continu des hôtes durant tout le festival. L’évènement constitue ainsi une embellie très attendue par l’ensemble des acteurs de l’économie locale.
C’était l’effervescence dans la ville de Saint-Louis. Partout, les rues grouillent de monde. Amateurs, musiciens, et travailleurs viennent découvrir les sonorités d’Afrique et d’ailleurs. Hors de question de rater le festival de jazz de Saint-Louis qui a célébré cette année sa 30ème édition. «Je viens de la France. C’est la deuxième fois que je prends part à ce festival. C’était sympa. Les musiciens sont très forts », raconte Sarah rencontrée à la place Baya Ndar. Tout comme elle, Léonardo a quitté l’Italie pour uniquement assister au festival. « Je surfais sur Internet et j’ai découvert qu’il y a un festival à Saint-Louis. J’ai décidé de venir. Franchement, j’ai trop aimé la musique. Je n’ai pas regretté ma venue. Je serai là l’année prochaine », confie-t-il.
Le festival de jazz de Saint-Louis a attiré beaucoup de personnes qui sont venus de partout. Avec cette importante affluence, vendeurs, chauffeurs de taxi, restaurateurs, hôteliers, entre autres, se frottent les mains. « Je vends des sandwichs de poulet, de viande, des pastels ici juste le temps du festival. Et pour dire vrai, ça marche très bien. Je peux vendre jusqu’à 50 mille F CFA », confie Maman Ndiaye qui s’installe tous les soirs à quelques encablures de la place Baya où le festival a pris ses quartiers.
Un peu plus loin d’elle, Ousmane Ndiaye est dans son taxi. Il a hâte que la soirée se termine pour prendre des clients. « Vive le festival de jazz de Saint-Louis. Vraiment, c’est une bonne chose. C’est beaucoup plus de travail que d’habitude, on fait plus d’argent grâce à une clientèle exceptionnelle. J’essaie de faire un maximum de courses pendant que la clientèle est là», s’enthousiasme le chauffeur de taxi.
Le festival fait aussi le bonheur des restaurateurs. A côté de la Poste, sur un axe très passant de la ville, se trouve le restaurant Darou Salam depuis 2016. Une adresse bien connue. L’endroit affiche le plein. Les commandes ne s’arrêtent pas. A l’accueil, le gérant est ravi de voir le festival revenir. « Si je compare la semaine dernière à cette semaine, je peux dire merci à Dieu. Les gens viennent en masse consommer. D’autres font des commandes pour des livraisons. Mais ce qui est un peu désagréable, c’est qu’à cause des travaux du pont Faidherbe qui ont démarré depuis le mois de février dernier, beaucoup de gens ne viennent plus en ville parce que tu perds trop de temps sur la route », explique Abibou Ka.
A quelques minutes de marche, le ressenti est similaire chez une des gérantes de l’hôtel La Résidence. « Avant le festival, on n’avait pas beaucoup de monde mais durant les cinq jours de l’évènement, toutes nos chambres ont été occupées. On a affiché complet. Vraiment. Les réservations sont faites très tôt. Les clients sont venus de partout. Ça a été une bonne occasion pour nous. Les prix n’ont pas bougé », nous fait savoir Mame Penda Ba.
Ce que confirme la propriétaire du Centre des Arts et des Cultures « On a dû ouvrir nos portes pour pouvoir accueillir des résidents. On n’était pas encore prêts mais vu la demande qui était forte, on en a profité pour loger un groupe de journalistes et d’artistes venus de Dakar », explique Mariéme Thiam. Et d’ajouter : « Ils ont été les premiers résidents du centre. Ce qui nous a amené à comprendre comment accueillir les gens ». Le festival de jazz constitue ainsi une embellie très attendue par l’ensemble de l’économie locale.
LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE JAZZ DE SAINT-LOUIS S’ACHÈVE SUR LES NOTES DE FLAVIO BOLTRO ET D’AVISHAI COHEN
La 30e édition du Festival international de jazz de Saint-Louis (nord) s’est terminée sur de mémorables prestations du trompettiste italien Flavio Boltro et du contrebassiste israélien Avishai Cohen, a constaté l’APS, dimanche.
Saint-Louis, 6 juin (APS) - La 30e édition du Festival international de jazz de Saint-Louis (nord) s’est terminée sur de mémorables prestations du trompettiste italien Flavio Boltro et du contrebassiste israélien Avishai Cohen, a constaté l’APS, dimanche.
De nombreux festivaliers ont pris part au dernier concert, dont la première partie a été assurée par le légendaire Boltro, auteur de plusieurs albums, né dans une famille de musiciens dont un père trompettiste et amateur de jazz. Accompagné de ses deux musiciens, Mauro Battisti (double basse) et Matteo Frigerio (batterie), l’Italien a régalé le public saint-louisien et ses invités.
‘’J’ai voulu faire plaisir à ce grand public et lui transmettre tout le feeling que j’avais pour ce festival’’, a dit le célèbre trompettiste passionné de beatbox, à la fin de sa prestation.
‘’J’ai toujours rêvé de prendre part à ce grand rendez-vous de la culture mondiale. Quand les restrictions (celles liées à la pandémie de Covid-19) ont été levées, j’ai écrit à l’ambassade [du Sénégal en Italie], qui m’avait sollicité, pour faire part de ma volonté de venir jouer’’, a ajouté Flavio Boltro, Grand Prix de l’Académie du jazz (France) en 2003 pour son album ‘’Air’’.
Il a fait part de sa volonté de collaborer avec des artistes sénégalais, notamment des percussionnistes, pour un album qu’il est en train de préparer.
‘’Je vais rester à Saint-Louis pendant quatre jours pour découvrir la ville’’, a dit Boltro.
Des chanteurs de renom, dont le Malien Pédro Kouyaté, le Guinéen Sékouba Bambino et la Française Sélène Saint‐Aimé, ont pris part au 30e Festival international de jazz de Saint-Louis, qui se tenait depuis jeudi sur la place Baya (ex-place Faidherbe). Les Sénégalais Djiby Diabaté et Alune Wade, la Mauritanienne Noura Mint Seymali et le Tunisien Mounir Troudi se sont produits également produits à Saint-Louis.
Les dernières notes musicales de l’événement ont été données par Avishai Cohen, qui était accompagné au piano par Elchin Shirinov et à la batterie par la percutante et talentueuse Roni Kaspi.
Avec un style calme et profond qui laisse souffler sa musique, le trio a joué de grands classiques à l’origine du style Avishai, affirmé depuis son album symphonique ‘’Two Roses’’. Des morceaux tirés de son dernier album, ‘’Shifting Sands’’, ont été repris au cours de cette inoubliable soirée du festival trentenaire, qui n’avait pas pu se tenir en 2020 et en 2021 à cause de la pandémie de Covid-19.
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DAK'ART 2022, CHAPEAU BAS AUX GALÉRISTES
Dans cet entretien, Antoine Viallet, un aficionado de l'art africain salue le professionnalisme des galéristes qui ont organisé le Dak'Art 2022 et propose sa lecture d'une oeuvre d'art.
La sensibilité à l’art peut parfois s’acquérir avec l’habitude. Antoine Viallet est un féru de l'art contemporain depuis des années. Dans ses pérégrinations sur le continent africain, il ne manque pas d'aller visiter des œuvres d'art et d’échanger avec des artistes dans différentes régions du continent.
Longtemps, il rêvait de faire immersion dans la Biennale de l'art africain contemporain de Dakar. Ce fut un pari. Cette année, c'est chose faite. Nous l'avons fortuitement croisé à la Maison de la Culture Douta Seck, l'un des principaux sites officiels de la 14è édition du Dak'Art 2022.
Ce spécialiste de l’immobilier a accepté de se prêter à nos questions et de poser son regard extérieur pertinent sur cette Biennale dont il sort manifestement satisfait de ce qu’il a vu.
Antoine Viallet salue le professionnalisme de cet événement culturel phare du continent et s'émeut de la créativité des jeunes artistes qu'il découvre ainsi que le travail titanesque les commissaires qui ont rendu tout cela possible. Antoine Viallet est face à la caméra d'AfricaGlobe Tv
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DAK'ART 2022, LES FEMMES ONT PRIS LE POUVOIR
Être femme et artiste en Afrique, c’est un grand défi puisque même pour les hommes les choses ne sont pas simples. Toutefois, dans cette édition de la Biennale de Dakar, la gent féminine serait fort bien représentée selon un observateur
Le métier d’artiste et tout ce qui gravite autour n’est pas tout à fait facile à la gent féminine. Toutefois, dans la 14 édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, les femmes se sont illustrées de fort belle manière en ce qui concerne la partie galerie. C’est le constat fait par Antoine Viallet, cet aficionado de l’art africain que nous avons croisé au détour d’une visite à la Maison de la culture Douta Seck.
Parcourant l'Afrique depuis des années, pour lui être artiste en Afrique n’est pas chose facile pour les femmes. Partant, que les femmes puissent être bien représentées dans la partie galerie de la Biennale de Dakar est plus que positif. Leur présence dans cette partie est la voie royale pour promouvoir leurs congénères femmes qui s’activent dans l’art et qui peinent à s’imposer. Les détails dans cet entretien d’Antoine Viallet avec AfricaGlobe Tv.
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DAK'ART 2022 - PLUS QU'UN LIVRE, MON PÈRE EST UNE BIBILIOTHÈQUE
Fille de Serigne Touba S., Mame Diarra, qui comme ses frères et sœurs, ont quitté précocement déscolarisés, estime que son père a tout ce qu'il faut comme connaissance en matière d’art à lui transmette, si bien qu’une formation classique est inopportune
Fille de Serigne Touba Sène, grand collectionneur d’art antique et contemporaine, Mame Diarra Sène a choisi de faire aussi carrière dans l’art. Assistante personnelle de son père, elle a fait souvent office de commissaire d’expo pour le célèbre collectionneur comme à cette 14è édition du Dak'Art 2022 ( Biennale de l'art africain contemporain de Dakar.
A force d’être à côté de son collectionneur de père, Mame Diarra a pris goût à la peinture et même à la restauration des objets des objets d’art sans s’être particulièrement formée.
Trouvée au monument de renaissance africaine dans la carde de la 14è édition de la Biennale de l’art africain contemporain. Mame Diarra nous explique en quoi consiste la mission d’un(e)) commissaire d’expo. Aussi, la jeune peintre en herbe, évoque des projets qu’elle a pour la riche collection de plus de 10.000 œuvres de son père, Serigne Touba Sène.
Admirative de ce dernier, elle dit avoir beaucoup et tout appris sur lui et de lui à telle enseigne qu’étudier l’art dans une école de formation formelle n’était pas opportun.
Les d’détails dans cette entrevue avec AfricaGlobe tv.
LA 30ÈME ÉDITION OUVERTE POUR 5 JOURS AVEC PLUSIEURS ARTISTES DE RENOM AU PROGRAMME
Le Gouverneur de la région de Saint-Louis, Alioune Badara Sambe a présidé avant-hier, jeudi 2 Juin, la cérémonie officielle de démarrage des activités de la 30ème édition du Festival International de Jazz de Saint-Louis prévu du 2 au 6 Juin 2022
Le Gouverneur de la région de Saint-Louis, Alioune Badara Sambe a présidé avant-hier, jeudi 2 Juin, en présence du Secrétaire Général du ministère de la Culture et de la communication, Habib Léon Ndiaye, la cérémonie officielle de démarrage des activités de la 30ème édition du Festival International de Jazz de Saint-Louis prévu du 2 au 6 Juin prochain. Une occasion saisie par le Président de l’Association Saint-Louis Jazz, structure organisatrice de ce festival, Me Ibrahima Diop, pour rappeler que "c’est le seul événement au Sénégal qui maintient le cap depuis trente années, malgré une césure en 2020, liée à la pandémie du Covid19.
Pour cette année, a-t-il souligné, la programmation artistique épouse les formes d’une diplomatie musicale avec un accent particulier mis sur des ténors de la sous-région, tels que Pedro Kouyaté, Sekouba Bambino, Alune Wade, Nourat Mint Seymali, Djiby Diabaté.
Ainsi, ils useront de voix et d’instruments traditionnels, langage le mieux parlé par tous, pour développer une culture de paix, vecteur de cohésion sociale et de fraternité entre les peuples. Aujourd’hui, a-t-il précisé, grâce au soutien du Chef de l'État Macky Sall et du maire de la commune de Saint-Louis, Mansour Faye, "nous revenons à un format normal de 5 jours sur la mythique place Baya Ndar, ex place Faidherbe".
Pour le Président du Conseil départemental de Saint-Louis, Me Moustapha Mbaye, " ce festival est l'événement phare du calendrier culturel du département de Saint-Louis qui mérite tout l'appui et l'accompagnement des autorités".
En plus de Me Mbaye, le Directeur Général de la société BP, Massaër Cissé, le représentant de l’Aibd, Habiboullah Fall, ont tous réitéré l’engagement de leurs institutions à soutenir et accompagner l’organisation de ce festival international de jazz. Pour sa part également, le Gouverneur de Saint-Louis, Alioune Badara Sambe, a dit que cette activité sera inscrite dans l'agenda culturel mondial. « Saint-Louis est l'une des plus belles villes du Sénégal qui a tous les atouts et leviers sur lesquels on peut s'appuyer pour se développer ».
Pour Me Ibrahima Diop, une réflexion en profondeur avec les autorités administratives et municipales s'impose et devra être engagée dans ce sens, dès la fin de cette édition pour la mise en place d’un véhicule plus adapté à son envergure. Il s'y ajoute aussi leur volonté de voir un jour la Fondation Saint-Louis Jazz être mise sur pied pour une meilleure organisation de ce festival.
Ainsi les 30 ans seront un beau prétexte pour revenir aux fondamentaux du jazz avec des musiciens électriques à l’image de Sélène Saint-Aime, Flavio Boltro, African Jazz Roots et Avishaï Cohen. Des prestations en Off telles que le fameux "Autour de minuit" avec l'artiste Ablaye Cissokho et des Masters Class sont au menu des activités de la 30ème édition du Festival international de jazz de Saint-Louis.
LE FESTIVAL DE JAZZ BAT SON PLEIN
C’est désormais une tradition bien inscrite dans l’agenda culturel de la ville de Saint-Louis. Chaque année, le Comité d’organisation donne rendez-vous au public pour le Festival de jazz de Saint-Louis.
Le Festival de jazz de Saint-Louis a démarré dans l’après-midi du jeudi 2 juin dernier pour ce qui est sa 30ème édition, avec une cérémonie d’ouverture qui a réuni les autorités de la ville. Cette année, l’occasion est aussi de célébrer les 30 ans d’existence de l’évènement qui baisse ses rideaux ce lundi 6 juin, avec une riche programmation.
C’est désormais une tradition bien inscrite dans l’agenda culturel de la ville de Saint-Louis. Chaque année, le Comité d’organisation donne rendez-vous au public pour le Festival de jazz de Saint-Louis.
La 30ème édition placée sous le signe de «l’intégration régionale» a démarré dans l’après-midi du jeudi 02 juin, avec une cérémonie officielle tenue à la place Baya Ndar à laquelle les autorités de la ville ont pris part.
Il s’agit, cette année, de célébrer la longue histoire du festival avec ses trente ans d’existence mais aussi de redoubler de créativité pour offrir au public une expérience unique, surtout que l’édition 2020 n’a pas eu lieu en raison de la crise sanitaire et pour celle de 2021, seules les artistes africains et sénégalais avaient pu se produire. «Nous sommes l’une des rares associations organisatrices d’un tel évènement de dimension mondiale, à maintenir le cap depuis trente ans malgré une césure due aux restrictions sanitaires de la covid-19», s’est réjoui le président du Comité d’organisation du Festival de jazz de Saint-Louis, Me Ibrahima Diop.
Venu représenter le ministre de la Culture et de la Communication, le gouverneur de la région de Saint-Louis, Alioune Badara Samb a fait savoir que «le festival est une aubaine pour la ville et avec plus d’organisation, il peut valoir plus de satisfaction et de retombées économiques aux populations de la région».
Pour cause, dira-t-il, Saint-Louis est une ville qui a des potentiels sur le plan économique, minier et des ressources humaines. Il n’a pas manqué de rassurer quant à l’accompagnement de l’Etat pour la résilience de l’évènement qui est une véritable vitrine artistique de la capitale du Nord. Les organisateurs du festival ont insisté sur la nécessité d’engager une «réflexion en profondeur avec les autorités administratives et municipales de la région pour la mise en place d’un mécanisme plus adapté à son envergure».
Comme chaque année, la BICIS accompagne aussi le festival. « Nous sommes heureux d’associer, de nouveau, notre marque à cette grande manifestation qui est l’une des plus réputées en la matière au Sénégal et en Afrique, ce d’autant plus que cette édition marque les 30 ans du festival», a déclaré son Administrateur général, Bernard Levie. Le festival a encore frappé fort avec une programmation dense et diversifiée à travers des affiches hautes en couleur.
Après la soirée d’ouverture animée par le Malien Pedro Kouyaté et le Guinéen Sékouba Bambino, d’autres talents sont à découvrir pendant le festival. Le public aura rendez-vous avec Sélène Aimé de la France, Djiby Diabaté du Sénégal, Alune Wade le Sénégal, Flavio Boltro de l’Italie et Avishai Cohen du Brésil. Et comme à l’accoutumée, l’artiste koriste sénégalais Ablaye Cissoko ne manquera d’enflammer la scène «Autour de minuit» de l’Institut français comme aux plus belles heures de ses concerts. Le grand koriste se produira en OFF dans le cadre du festival qui prend fin le 6 juin prochain.
«NOUS SOMMES DANS UNE SOCIÉTÉ DÉMISSIONNAIRE»
Entretien avec Fama Diagne Sène, écrivaine, grand prix du chef de l’Etat pour les lettres
Entretien réalisé par Alassane Seck GUEYE |
Publication 03/06/2022
Lauréate du Grand Prix du chef de l’Etat pour les Lettres de l’année 1997avec son premier roman, « Le chant des ténèbres », Fama Diagne Sène a depuis fait du chemin. Aujourd’hui, elle est l’auteure de plusieurs œuvres dont « Mbilème ou Le Baobab du Lion » qui a été publiée dans notre Cahier Ramadan et notre magazine du weekend. Au terme de la publication de ce recueil de théâtre, « Le Témoin » s’est entretenu avec la fille de Thiès. Entretien…
«Le chant des ténèbres » vous a consacré Grand Prix du Chef de l’Etat pour les Lettres. Comment écrit-on son premier roman ?
Je vous remercie vivement pour votre question. Avant de répondre, permettez-moi de saluer tous les lecteurs du quotidien « Le Témoin » et de les remercier pour leur fidélité tout au long du mois béni de ramadan et après. J’ai reçu de partout, du Sénégal et de la diaspora, des félicitations et des encouragements pour le texte « Mbilème » que beaucoup de lecteurs ont découvert à travers « Le cahier ramadan ». Merci au journal pour cet appui important pour la promotion de la littérature sénégalaise. Pour en revenir à votre question, je pus dire qu’écrire son premier roman est comme un accouchement. C’est long, c’est lent, c’est pénible. Plus d’une fois, on doute de soi-même et de ses capacités à devenir écrivain. Plus d’une fois, on est en confrontation avec le syndrome de la page blanche, avec une angoisse terrifiante de ne pas trouver les mots justes pour exprimer correctement ce que nous avons dans la tête. Il y a eu plus de cinq versions de ce roman. J’ai commencé son écriture, à peu près en 1989 et je l’ai publié en 1997, soit huit ans. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de maisons d’édition au Sénégal. Les Nouvelles Editions Africaines (NEAS) étaient l’une des meilleures au monde, avec un directeur de la publication, en la personne du philosophe Madieyna Ndiaye, qui était exceptionnel. Plus d’une fois, il m’a fait reprendre mon texte, me disant que je n’avais pas donné le meilleur de moi. « Il faut aller jusqu’au bout de toimême », m’avait –il dit. Je n’avais donc jamais baissé les bras. J’y avais cru fortement. Enfin, lorsque je lui ai apporté la dernière version, il me dit, après lecture, qu’il tenait entre ses mains, un roman capable de gagner le « Grand Prix ». Ce qui fut fait peu de temps après. Madieyna Ndiaye, nous a quittés récemment. Que Dieu l’accueille au Paradis. Je rends hommage à son professionnalisme. Pour écrire son premier texte et peut être même, tous les autres, il faut oublier le rythme des mois qui passent, se faire relire assez souvent, écouter les conseils et remettre sa plume à l’épreuve.
L’originalité de ce roman réside en son thème qui aborde la folie. Comment l’écrivain lucide a pu se retrouver dans cet univers ?
C’était cela toute la difficulté de cette œuvre. Il y a eu dans l’histoire de la littérature, beaucoup de textes sur la folie, mais les auteurs faisaient du fou, un personnage secondaire de l’œuvre. Ils le racontaient à la troisième personne. Par contre dans ce roman, mon personnage, Madjigeen, est le personnage principal. Elle parle avec le « je ». Donc, c’est la folie vue de l’intérieur de la personne malade et cela était un grand défi. Se mettre dans la peau de Madjigueen n’était pas facile. C’est à ce moment que survient le génie de l’inspiration. Quand j’écrivais, j’étais vraiment malade mentale. Comment cela se faisait-il ? Je ne pus le dire. Comment l’écrivain lucide a pu se transformer en personne malade mentale, entrer dans le corps en mouvement de son professeur métamorphosé en un bloc de sang en mouvement, en ressortir et hanter tout son monde ? C’est en cela que réside le génie de l’écrivain. « La plume de l’écrivain est aux pensées ce que le filet du chasseur est aux papillons » nous dit Paul Carvel. C’est cela la magie de la plume. C’est en réussissant ce pari de la folie vue du dedans, que j’ai, il me semble, réussi ce roman.
On constate, hélas, que ces personnes qui vivent dans ce monde de la folie ne sont pas souvent prises en charge et occupent nos rues. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Beaucoup de mal être, en vérité. Nous sommes dans une société démissionnaire. Le malade mental est un citoyen. Il a sa part de l’argent public. On devrait le soigner, l’interner, le nourrir, lui permettre de se marier et de fonder une famille. La folie n’est pas la perte définitive des facultés mentales de l’individu. Beaucoup de fous, comme Madjigueen, sont atteints de schizophrénie. C’est un dérèglement du système. On peut véritablement guérir certains. Mais il faut de la volonté, d’abord familiale, pour communiquer avec les médecins et les malades ; ensuite politique, pour une réelle prise en charge de ces errances. L’Europe a plus de malades du cerveau que l’Afrique. Mais ils sont protégés et ne traînent pas dans les rues. Le fou connait des moments de lucidité intense. Il nous regarde, nous juge et a même parfois pitié de nous. Même s’il n’arrive pas à retrouver toute sa lucidité, il peut être respecté et respectable, s’il est correctement pris en charge par la société. Ce n’est une faveur, c’est un droit. Le grand Ousmane Sembene avait écrit que le malheur ce n’est pas seulement d’avoir faim et soif, le malheur c’est de savoir qu’il y a des gens qui veulent que tu meures de faim. C’est cette incompétence collective qu’il faudra combattre.
On vous connaissait romancière, là avec « Mbilème ou Le Baobab du Lion », on découvre vos talents de dramaturge? Comment s’est fait le processus d’écriture ?
En vérité, je ne savais pas que cette œuvre allait devenir une pièce de théâtre. J’avais mes personnages, l’exposé des faits et les grandes problématiques que je voulais interpeler. Je me suis rendue compte qu’il y avait beaucoup de dynamisme, beaucoup de surprises et d’intrigues. C’était un texte dramatique qui avait commencé avec la mort du griot de Thicky, Samba Tine, et qui devait se terminer par un affrontement entre Ousmane, la jeune génération et les saltiguis gardiens de la tradition. Le drame et le déroulement sont ponctués de tragédies. Ousmane Tine, jeune sénégalais originaire du village de Thicky qui vient de terminer ses études en France a trouvé que la dépouille mortelle de son père a été ensevelie à Mbilème dans les baobabs cimetières à côté des autres griots, comme le veut la tradition en pays sérère. Il n’a alors qu’un seul dessein : reprendre les restes de son père pour l’enterrer dans le cimetière commun et lui bâtir une sépulture digne de lui. S’ouvre une confrontation entre la modernité et la tradition, le droit et les coutumes ancestrales du Sénégal. La pièce de théâtre était pour moi la seule alternative pour donner un corps et une âme à tous ses personnages et rendre les dialogues plus vivants. J’ai eu alors une résidence d’écriture en théâtre, du Festival International des Francophonies en Limousin, en 2004. Et j’ai pu ainsi faire la transition, lire beaucoup de pièces de théâtre, fréquenter des dramaturges et faire le grand saut. Cela n’a pas été difficile. C’est un texte comme tous les autres. Il fallait juste respecter les normes de l’écriture dramatique. La pièce a été jouée par la Compagnie du théâtre national Daniel Sorano en 2009, avec une mise en scène d’Alpha Omar Wane. Cela a été une belle réussite.
Dans cette œuvre, vous opposez deux camps. Ceux qui s’accrochent à la tradition et ceux qui veulent se tourner vers un monde moderne à travers la vision de votre personnage Ousmane ?
En effet. Je pense profondément que c’est dans la confrontation des idées que se bâtissent les grandes nations.
Faut- il cependant tout détruire pour aspirer à cette modernité que prône Ousmane ?
Non. Pas du tout. Le futur nait du passé. Cheikh Hamidou Kane avait écrit dans l’Aventure ambiguë, que le canon contraint les corps, l’école fascine les âmes. Ousmane, pur produit de l’école française, n’a pas pu accepter ni comprendre cette pratique pour lui, dégradante. Il dit : Si, mon village est comptable de mon vécu. Mon éducation aussi et même l’Afrique ! Si j’ai accepté d’accumuler tant de souffrances durant sept ans, sans lever la voix c’est parce que j’ai été éduqué en homme soumis. Nous acceptons tout ! Je me disais c’est la vie, laisse les faire, ils sont idiots. J’ai laissé le temps à l’injustice de me briser l’intérieur. Je ne le tolèrerai plus une deuxième fois. Alors, si tu veux, je serais un toubab noir impitoyable. Il n’y a rien de pire que cette transformation. Je pense qu’à l’origine, cette pratique était faite pour élever le griot et la parole qu’il portait au firmament des êtres sacrés qui ne se couchent jamais. Enseveli à l’intérieur du baobab, il traversait les siècles afin que la parole (tradition orale) continue à être préservée. Mais il me semble qu’au bout des années, les saltiguis y ont rattaché d’autres croyances dégradantes qui ont fait entrer Ousmane dans une colère noire. Ces pratiques, comme Ousmane les énumère, sont il me semble, des rajouts et de pures inventions: Dans ce village nos mères ne peuvent pas s’approcher de la margelle des puits car cela asséchera la nappe d’eau. Tu entends ? Elles posent leurs bassines au loin et attendent qu’une âme charitable les leur remplisse! On ne t’enterre pas de peur que la sécheresse ne s’abatte dans le village ! Tu ne pourras jamais épouser Khoudia parce qu’elle est noble et toi pas. Et tu dis que c’est la coutume ! Elle va durer combien de millénaires ta coutume ? Au nom de quelle divinité existe-t-elle même ? Laisseras-tu tes enfants vivre ce calvaire ? Dis-moi, les laisseras-tu dans ce bourbier ? C’est le système lui-même qui a rendu ce fait, naguère accepté, en un système d’exclusion sociale injustifiée.
Vous faites dire à un de vos personnages cette phrase : « Le griot est le ciment qui nous rattache au passé. Sans sa mémoire et son verbe galvaniseur, nous n’aurions pas autant de respect pour nous-mêmes et pour notre culte ». Ne pensiez-vous pas cependant que cette vision est aujourd’hui autre. Ces griots nous sont –ils utiles ?
Oui, véritablement. Il subsiste quelques rares spécimens à l’intérieur du Sénégal. Ici à Bambey, où je vis, nous avons le vieux El Hadji Alé Niang, communicateur traditionnel émérite, désigné comme trésor humain de la région de Diourbel et qui suscite respect et admiration. Il connait les hommes, leur histoire et leur patrimoine. Malheureusement, je ne vois personne dans sa famille qui s’intéresse à prendre la relève. De nos jours certains ont reçu cet héritage fabuleux dont ils ne veulent pas du tout. C’est une perte véritable pour notre culture.
Tout semble cependant opposer le Premier saltigui à ses autres collègues…-« … Il est temps de laisser nos enfants vivre pour eux-mêmes. Peut-être est-il arrivé le moment de laisser ce culte conduire son propre destin! Qu’on arrête de vouloir tout conduire nousmêmes ! De tout contrôler ! » Quand il prononce par exemple ces mots, n’est-ce pas une façon pour lui d’inviter sa communauté à se libérer d’un certain passé… ?
En effet. Il a dit plus loin qu’il lisait la peur dans les yeux des saltiguis depuis sept ans. Survivront-ils aux soubresauts de leur temps ? Et leurs enfants, continueront-ils à vénérer les mêmes dieux qu’eux? Maintiendront-ils intact l’héritage qu’ils veulent leur transmettre ? En voudrontils même ? Auront-ils le temps d’entretenir le culte ? Ne vont-ils pas laisser mourir les pangols ? Autant de questionnements qui les apeurent. Mais je suis convaincue que ces pratiques seront encore là dans plusieurs années. Dans tous les villages sérères, il y aura un descendant de saltiguis qui fera survire le culte. C’est un passé coriace qui n’est pas près de disparaître.
Vous dénoncez une pratique rétrograde, cependant elle continue de subsister sous d’autres formes à travers des cimetières pour nobles et griots. …
Oui en effet au lendemain des indépendances, le président poète Léopold Sédar Senghor, lui-même sérère, a mis fin à cette pratique. Mais bien avant ce décret, il y a eu beaucoup de soulèvements au sein de la communauté des griots dont plusieurs ont embrasé l’islam. Un paysan a raconté aux saltiguis ceci : Notre griot s’est converti à l’islam avec toute sa famille. Il s’est levé ce matin, a brûlé ses tam-tams et ses gris-gris, s’est entièrement habillé de blanc et s’est mis à prier sur la place centrale du village. Lorsque que les religions révélées ont été en pleine expansion dans le Sine et au Walo, les Sérères ont commencé à se convertir et à abandonner progressivement certaines pratiques païennes. Avec leur conversion grandissante on a aboli de manière définitive cette pratique. Toutefois, le passé reste dans nos mémoires. Son évocation sert à nous souvenir d’où on est venu. Il faut ouvrir ses fenêtres pour ne jamais oublier qui on est.
UN TRIO D’ARTISTES POUR POSER UN REGARD SINGULIER SUR LA SOCIETE…
Pour la Biennale de l’art africain contemporain, l’Institut culturel italien de Dakar a présenté il y a quelques jours, la première étape de IT Out OFF the Ordinary, Matérialité(s), un nouveau projet pour l’internationalisation de l’art italien
Pour la Biennale de l’art africain contemporain qui bat son plein à Dakar, l’Institut culturel italien de Dakar a présenté il y a quelques jours, la première étape de IT Out OFF the Ordinary, Matérialité(s), un nouveau projet pour l’internationalisation de l’art italien. L’exposition présente les œuvres produites par les artistes Leïla Bencharnia, Irène Coppola et Amy Celestina Ndione, au cours d’une résidence collective de recherche sur les pratiques artisanales au Sénégal et une collaboration avec des artistes féminines locales. Les visiteurs ont jusqu’au 21 juin pour voir les œuvres.
Leurs trois installations visuelles et/ou sonores se rejoignent. Leïla Bencharnia, l’artiste de la diaspora africaine, plonge les visiteurs dans un espace sonore imprégné d’un sentiment de déplacement perpétuel et d’un espace d’écoute multidimensionnel. Fille d’un musicien traditionnel marocain, son rapport avec le son, dit-elle, commence dans les vallées autour de Marrakech où elle a passé son enfance. Son travail sonore est constitué de matériaux analogiques tels que des bandes, des vinyles et des synthétiseurs. Elle reconnaît des formes d’écoute radicale comme une modalité de transmission des connaissances.
La pratique de Bencharnia ¬cherche à jouer un rôle actif dans la décolonisation de l’écoute comme moyen d’avoir un impact visible sur les questions sociales et politiques. L’installation et performance, terre rouge sur une plateforme en bois, chutes d’artisanat, chaussures gravées, robe, -calebasse, eau de l’artiste italienne, Irène Coppola réfléchit à la marche comme pratique de la mémoire de l’écriture du temps. Irène Coppola étudie l’espace liminal entre la nature et la culture, récupérant des souvenirs négligés par l’Histoire dominante qui sont traduits en dispositifs de relation. Ainsi, son installation met en scène un rituel qui nécessite la présence du corps pour être exécuté. De ce fait, l’artiste invite la performeuse sénégalaise, Clarisse Lea Sagna, à activer de ses pas la terre qui intègre son installation. Et Amy Celestina Ndione, s’inspire elle, d’une ¬histoire racontée par un vieux tisserand du village de Diobene.
A travers son installation, par le collage, la couture, les fils de pêche, l’entremêlement de ¬tissus sur des panneaux de grillage, elle raconte une histoire de l’origine du tissage à travers la métaphore d’un puits. «Je suis partie du tissage sachant que dans la plupart de ces pratiques endogènes, la matière change mais l’esprit reste le même. Le Tisserand tisse du coton, le cordonnier le cuir, le joaillier le métal, avec le filigrane. J’ai donc choisi à mon tour ma ¬propre matière, le grillage, que je présente sous forme d’installation», raconte la diplômée de l’Ecole national des arts de Dakar qui, avec ses trois panneaux successifs, invite les visiteurs à plonger dans le cercle fermé des pratiques ancestrales.
L’exposition intitulée «Matérialité(s)» est un projet qui a débuté en avril 2022 par une résidence collective féminine à Dakar, et est conçu par la Direction générale pour la créativité contemporaine du ministère italien de la Culture, en collaboration avec la Direction générale pour la diplomatie publique et ¬culturelle du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale, nous explique Fatou Kiné Diouf, la -commissaire d’expo.
S’appuyant sur un exercice de recherche sur les pratiques artisanales au Sénégal et une collaboration avec des coopératives féminines locales, «la résidence questionne les rapports physiques, politiques et économiques à la matière, et par extension à la nature, qui s’expriment dans le processus de création. Les matériaux ainsi que les techniques artisanales de production inspirent le travail des artistes, dans le but de créer une possible carte des connexions culturelles entre l’Afrique et l’Italie», explique Fatou Kiné Diouf.
Les différents sensibilités et domaines d’expression de ces trois artistes ont habité les espaces de l’Institut impliquant les ¬visiteurs dans un parcours inédit avec des va-et-vient incessants. Ce qui donne une ambiance chaleureuse pour une symbiose des cœurs. Les profanes ¬s’émerveillent devant les œuvres affichant leur ignorance au langage des arts visuels et/ou sonores. Certains se tournent vers les artistes qui pour l’encourager, qui pour poser des questions pour mieux ¬comprendre les installations.
L’exposition, aussi rare que spectaculaire et originale dans sa démarche, a été enrichie d’une vidéo produite et dirigée par Tiziana Manfredi, artiste visuelle et réalisatrice italienne basée à Dakar. Le vernissage a connu la présence de plusieurs invités de marque dont l’ambassadeur d’Italie à Dakar, Giovanni Umberto De Vito, et de la directrice de l’Institut, Serena Cinquegrana, de Pascal Montoisy, Délégué général de Wallonie-Bruxelles, Irène Mingasson, l’ambassadrice de l’Union européenne au Sénégal. Selon la commissaire, Fatou Kiné Diouf, le fait de ¬n’avoir que des femmes à cette exposition est aussi une ¬manière d’ajouter quelques voix de plus aux critiques légitimes adressées à la sous-représentation des femmes dans le In et le Off de la Biennale.
DÉBATS PASSIONNÉS SUR LE PATRIMOINE RESTITUÉ À L'AFRIQUE
Lors du colloque scientifique de la Biennale, historiens et philosophes ont débattu des moyens de réinvestir de signification les objets qui reviennent et de les reconnecter à l'Afrique actuelle
"On m'a dit qu'il y avait ici l'âme de l'Afrique ?", souffle un visiteur d'origine africaine à un masque figé dans un musée européen. Dans un rire fou, le masque prend vie sous la forme d'une femme et assène: "Tu ne trouveras ni la vérité sur tes ancêtres, ni ton passé: ici l'Afrique est éteinte!".
"Je suis le cri muet de l'Afrique", poursuit le masque dans "Les Restes suprêmes". Cette oeuvre théâtrale, plastique et performative, création mondiale du metteur en scène rwandais Dorcy Rugamba, a été jouée pour la première fois à Dakar lors de la Biennale d'art contemporain africain.
Comme on épie par le trou d'une serrure un secret de famille, le spectateur est invité à regarder sous les angles morts du récit officiel de l'histoire coloniale qui opposait mondes "civilisé" et "primitif". Partie prenante de l'oeuvre, il se déplace tout au long de la performance et suit le masque à l'intérieur et à l'extérieur de grandes pièces criblées d'ouvertures qui reconstituent les décors de quatre époques.
"Si tu me suis, je te ferai faire la visite des fleuves qui nous ont conduits de tes ancêtres en ces lieux" dit le masque, incarné par la comédienne française Nathalie Vairac, à Malang, le personnage du visiteur. Mais "nous marcherons dans la boue", prévient-il.
Choqué, bouleversé ou riant face aux inepties de la propagande coloniale, le public déambule dans les lieux de séjour du masque en Europe après son arrachement à l'Afrique: chez un "scientifique" de la fin du XIXe, qui veut prouver une prétendue supériorité des Européens sur les Africains en mesurant des crânes, puis chez un général belge ayant bel et bien existé qui conservait dans sa maison les crânes de trois dignitaires africains rapportés de ses expéditions.
L'oeuvre évoque la spoliation des corps. "Des scientifiques commandaient aux conquérants des restes humains par milliers qui ont servi à élaborer des théories raciales et des stéréotypes", dit M. Rugamba.
"Intranquillité"
Ultime décor: les collines du Rwanda, le pays de Dorcy Rugamba. Le masque y est investi d'un nouvel imaginaire lors d'une cérémonie d'initiation. Malang apprend à "désapprendre le passé".
"J'ai été bouleversée par cette performance", a confié l'universitaire française Bénédicte Savoy lors d'un débat après une représentation. "Elle m'a paru traduire en une heure des choses qu'on lit normalement sur des centaines de pages".
Mme Savoy et l'écrivain sénégalais Felwine Sarr ont publié fin 2018 un rapport qui a fait date sur la restitution du patrimoine culturel africain.
Depuis, le sujet est "dans l'espace public" et n'est plus une affaire de spécialistes. "Les musées sont obligés de faire un travail de transparence et de réflexion sur les collections dites ethnographiques, c'est sans précédent; ces musées sont entrés dans un âge d'intranquillité", souligne M. Sarr.
En 2021, Paris a restitué au Bénin 26 oeuvres des trésors royaux d'Abomey, pillées en 1892 par les troupes françaises. Elles étaient conservées au musée parisien du Quai Branly.
La France a restitué un sabre au Sénégal en 2019 et une couronne à Madagascar en 2020.
Récemment, l'exposition des trésors royaux à Cotonou a attiré près de 200.000 visiteurs en 40 jours, selon les autorités.
"Le Bénin veut +républicaniser+ ces objets, c'est une magnifique aventure!", se réjouit M. Rugamba. "Ces objets vont permettre à la communauté de se réinventer autour de cet héritage".
"De plein fouet"
Des centaines de milliers d'oeuvres d'art africain sont détenues en Occident dans des musées ou des collections privées. Les opinions africaines manifestent une sensibilité accrue à la question, alors qu'une réticence persiste de la part des collectionneurs ou des musées, en Europe notamment, devant l'éventualité de restituer.
Felwine Sarr se félicite du "regain" de demandes que la restitution au Bénin a entraînée de la part d'autres pays africains. En 2019, "sept pays d'Afrique de l'Ouest ont demandé l'équivalent de 10.000 objets, y compris des pays qui étaient en guerre et dont on se serait attendu à ce qu'ils aient d'autres préoccupations", relève-t-il.
Lors du colloque scientifique de la Biennale, historiens et philosophes ont débattu des moyens de réinvestir de signification les objets qui reviennent et de les reconnecter à l'Afrique actuelle.
Un objet n'a pas forcément vocation à se retrouver dans un musée africain, dit M. Sarr: il peut repartir dans une communauté s'il a une fonction rituelle et qu'elle le réclame, ou être confié à une université pour la recherche, souligne-t-il.
Dialika Haile Sané, scénariste trentenaire, confie avoir reçu "de plein fouet" l'émotion des "Restes suprêmes". Selon elle, il n'y a "pas de raison" que ces oeuvres "ne reviennent pas là où elles sont nées"."Si on ne se réapproprie pas ce qui nous appartient, on ne peut pas réellement avancer".