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5 décembre 2024
Culture
«IL Y A UNE AME ARTISTIQUE A SORANO QUI N’EXISTE PAS AU GRAND THEATRE»
L’annonce par le chef de l’Etat de la réhabilitation du théâtre national Daniel Sorano semble venir à son heure. C’est du moins l’avis de son directeur Sahite Sarr Samb.
L’annonce par le chef de l’Etat de la réhabilitation du théâtre national Daniel Sorano semble venir à son heure. C’est du moins l’avis de son directeur Sahite Sarr Samb. Dans cet entretien qu’il a accordé à L’As news, il revient sur les maux de l’infrastructure qu’il dirige, l’avènement duGrand Théâtre qui semble prendre le monopole, mais également les impacts du coronavirus dans leurs activités.
Comment se porte le théâtre Daniel Sorano en cette pandémie de coronavirus ?
Avec la pandémie et les mesures qui ont été prises par les hautes autorités, Sorano n’a pas fonctionné cette année, par rapport à notre clientèle bien sûr. Mais à l’interne quand même depuis la reprise, nous sommes en atelier artistique. Et les troupes artistiques aussi travaillent à l’interne. Mais par rapport à l’ouverture pour le grand public, ce n’est pas encore d’actualité. Sorano reste toujours fermé à cause de la pandémie.
Peut-on évaluer le manque à gagner avec cette absence d’activités ?
Le fait de ne pas se produire a impacté sur nos chiffres d’affaires. Cela a même impacté sur notre image. Mais plus sur le chiffre d’affaires car nous n’avons pas de recettes cette année. Et cela compte pour à peu près 13% sur notre budget de fonctionnement. Ce qui est estimé en valeur absolue à peu près à presque 80 millions de fcfa.
La réhabilitation de Sorano a récemment été évoquée par le chef de l’Etat. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
C’est une excellente nouvelle. D’ailleurs, on se félicite vraiment de cette clairvoyance du président de la République. Il avait instruit cette réhabilitation aux différents services de l’Etat depuis 2016. C’est un rappel qui vient à son heure parce que réhabiliter le site nous permettra d’avoir un outil de travail performant, conforme à nos missions, mais surtout à nos ambitions. Sorano est cinquantenaire comme vous le savez. Ce théâtre a presque même 56 ans depuis sa création. Et jamais, il n’a eu une grande réhabilitation. Le matériel qui est là est d’une vétusté réelle. Ce qui pose parfois des problèmes de sécurité. Nous essayons tant bien que mal, avec nos propres ressources, de faire face. Mais vraiment, il nous faut un appui fort de l’Etat pour nous permettre de réhabiliter le bâtiment, mais aussi un rééquipement qui soit aux normes internationales et conformes à nos ambitions. C’est dans ce sens que depuis les instructions du chef de l’Etat, nous avons commis un cabinet avec qui nous avons fait l’étude de faisabilité pour cette réhabilitation qui a deux (02) composantes. Il y a la réhabilitation et l’équipement. Les deux ont été évalués dans les détails à peu près à trois milliards cinq cent mille Fcfa.
On évoque souvent une subvention annuelle de l’Etat. Recevez-vous toujours cette somme ?
Nous la recevons parce que c’est un théâtre de l’Etat, un démembrement de l’Etat. Sorano, son statut, c’est un établissement public à caractère industriel et commercial qui est sous la tutelle administrative du ministère de la Culture et de la Communication. Il est surtout sous la tutelle financière du ministre chargé des Finances. Donc, nous recevons comme tous les établissements publics une subvention. Cette subvention est surtout une subvention d’exploitation. D’ailleurs, cela explique le pourquoi de ce retard de réhabilitation. Sorano n’a jamais bénéficié d’une subvention d’investissement qui lui permettrait en tout cas de prendre en charge régulièrement ses problèmes récurrents d’investissements, de réhabilitation d’outils de travail. Nous parvenons à prendre une petite partie de cette subvention d’exploitation pour pouvoir faire un peu d’investissements. C’est ce que nous faisons. Et cette subvention est actuellement de 500 millions.
Quelles sont les autres activités qui permettent à la structure de tenir ?
Les autres activités, ce sont nos recettes. Nous avons des recettes à travers les salles de spectacles, mais également des recettes avec les produits dérivés, c’est-à-dire l’exploitation des trois troupes que nous avons. Il s’agit de l’ensemble lyrique traditionnel qui a surtout cet ancrage populaire qui est tourné vers l’intérieur du pays, le ballet national ‘’La Linguère’’ pour les tournées à l’étranger, mais aussi des spectacles que nous faisons ici au Sénégal, et la troupe nationale dramatique. Donc, l’exploitation de la production de ces troupes nous permet de faire un certain nombre de ressources, à côté des ressources de la salle. Ce sont ces ressources que nous n’avons pas eu cette année, compte tenu de la situation de la Covid-19.
A vous entendre, il y a des activités qui se poursuivent toujours ?
Oui, il y a des activités qui sont faites intra muros, mais aussi extra muros. Dans les activités intra muros, c’est nous, nos activités dans nos programmations artistiques à l’intérieur des locaux de Sorano, mais aussi à l’extérieur de Sorano. S’y ajoutent maintenant les activités qui sont portées par des organisations privées à qui nous louons la salle. Ce qui est l’appui que nous faisons pour l’animation culturelle de la ville de Dakar, sinon même du Sénégal de manière générale, en vue d’appuyer aussi ces troupes. Les locaux de Sorano doivent aussi être à la disposition de tous les acteurs culturels.
Avec l’avènement du Grand Théâtre, Sorano semble perdre du terrain. Qu’est-ce qu’il faut pour redonner à ce lieu la place qu’il a toujours occupée ?
Souvent, je pense aussi que cette équation est mal posée. Avec le Grand Théâtre, nous ne sommes pas du tout en compétition parce que nous relevons tous de l’Etat. C’est une bonne chose aussi même. Et il faut se féliciter qu’on puisse l’avoir. Il y a même des spectacles qui sont organisés au Musée des Civilisations Noires. Donc, c’est une excellente chose d’avoir plusieurs infrastructures. Par contre, quand on pose la question, il faut bien savoir que l’identité de Sorano n’est pas celle du Grand Théâtre. Sorano est un théâtre avec des troupes artistiques qui sont à l’intérieur, c’est-à-dire des troupes de l’Etat. Je vous ai parlé de la troupe nationale dramatique, du ballet national « La Linguère » et aussi de l’ensemble lyrique traditionnel. Ce qui n’existe pas au Grand Théâtre. Donc, je peux dire qu’il y a une âme artistique à Sorano qui n’existe pas au Grand Théâtre. C’est un théâtre du point de vue bâtiment. Mais ici quand même, c’est un théâtre national, avec ses troupes qui ont participé à faire connaître le Sénégal depuis les indépendances. Mais aussi qui ont eu à participer à la décentralisation de l’action culturelle à l’intérieur du pays. Voilà ce qui fait notre différence avec le Grand théâtre. Mais aussi on est complémentaires, car parfois, nous avons des programmes que nous menons ensemble. Et il faut s’en féliciter aussi.
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T'EPAULER
Le clip "T’épauler" du rappeur franco-sénégalais Barack Adama, en featuring avec Me Gims est sorti depuis hier ! Dans ce nouveau morceau, les deux chanteurs vendent la "Destination Sénégal"
Le clip "T’épauler" du rappeur franco-sénégalais Barack Adama, en featuring avec Me Gims est sorti depuis hier ! Dans ce nouveau morceau, les deux chanteurs vendent la "Destination Sénégal" avec la promotion de plusieurs produits sénégalais tel que Air Sénégal, l’Agence sénégalaise de promotion touristique (ASPT), Kirène, Orange Money, Ridwan, entre autres.
C’est d’ailleurs le célèbre humoriste Dudu qui joue le rôle principal dans la vidéo très riche en couleurs et aux allures de vacances, dans laquelle apparaissent également d’autres rappeurs sénégalais comme Simon ou Ngaka Blindé.
Le single "T’épauler"est un extrait inédit de l’album "Libertad - Chapitre 3", de Barack Adama.
CONCOURS POUR PROMOUVOIR LES JEUNES ARTISTES DE L’INTERIEUR DU PAYS
C’est une initiative qui s’inscrit dans le projet «Les voix de la terre», lancée par le Goethe-institut avec le soutien de la coopération Allemande/Giz dans le cadre du programme «Réussir au Sénégal».
C’est une initiative qui s’inscrit dans le projet «Les voix de la terre», lancée par le Goethe-institut avec le soutien de la coopération Allemande/Giz dans le cadre du programme «Réussir au Sénégal». Elle vise à mettre en lumière les artistes mais aussi les initiatives artistiques permettant de promouvoir les régions et zones rurales du pays, renforcer la scène culturelle régionale.
Une opportunité pour les jeunes créateurs en musique, danse, théâtre, âgés de 18 à 35 ans, vivant dans 13 régions du Sénégal. Le projet «Les voix de la terre», initié par le Goethe-institut et financé par la Coopération allemande, la Giz, vise à mettre en lumière leurs créations artistiques à travers l’initiative «Sunu talents». Alors, 50 créations vont être sélectionnées représentant environ 250 jeunes. Ils recevront un premier soutien à la production d’une œuvre sous format numérique.
Après cette étape, les 21 créations qui vont être choisies, bénéficieront d’une résidence artistique avec l’assistance de coaches experts dans la production de spectacles vivants. Ce sera sauf changement, dans les centres culturels régionaux de Thiès, Matam, Tambacounda, Louga, Kolda, Ziguinchor et Kaolack. Et d’après les organisateurs, pour chaque centre culturel, un projet sera retenu pour participer à la grande finale, prévue en juin 2021. Donc au total, ils seront 7 créateurs finalistes, dont 3 en musique, 2 en théâtre et 2 en danse.
Les lauréats de «Sunu talents» vont bénéficier d’un accompagnement financier et personnalisé pour la réalisation de leurs productions artistiques et les outils de promotion nécessaires au lancement de leurs carrières au niveau local et international. D’ores et déjà, les prétendants peuvent postuler, car l’appel à candidatures est ouvert du 5 au 25 octobre prochain.
Alors l’autre axe du projet «Les voix de la terre» est la mise en place d’un site web, pour permettre aux gens de s’informer sur l’agenda culturel à travers la plateforme, et l’objectif, c’est de promouvoir 520 festivals. «L’Etat du Sénégal a enclenché depuis quelques années ce qu’on appelle la territorialisation des politiques culturelles en finançant des projets structurants à travers des fonds comme le fonds de développement des cultures urbaines, le fonds d’aide au développement des arts et de la culture qui financent des festivals, des projets de formation, de renforcement de capacités des acteurs culturels etc.», rappelle le chef de division des arts vivants à la Direction des arts, Mamadou Lamine Bâ.
Magnifiant la venue de ce projet, il estime qu’il va renforcer la dynamique de coopération culturelle entre le Sénégal et les autres pays, ce projet va participer au développement des industries culturelles et créatives. En fait, Dakar est écartée dans le projet, parce qu’elle cristallise les manifestations culturelles de grande envergure pendant lesquelles les talents cachés sortent de l’anonymat. Une chance qui manque aux artistes vivant dans les régions de l’intérieur du Sénégal
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LA QUESTION DES RESTITUTIONS EST INSCRITE DANS L'ADN DES INDÉPENDANCES
Les députés français ont donné leur feu vert pour la restitution de 26 œuvres d'art au Bénin et d'un sabre au Sénégal. Marie-Cécile Zinsou, historienne de l'art explique "qu'il ne s'agit pas de vider les musées français au profit du continent africain"
Près de trois ans après le discours d'Emmanuel Macron à Ouagadouou, les députés français ont donné leur feu vert pour la restitution de 26 œuvres d'art au Bénin et d'un sabre au Sénégal. Marie-Cécile Zinsou, franco-béninoise, historienne de l'art et présidente de la Fondation Zinsou, explique "qu'il ne s'agit pas de vider les musées français au profit du continent africain" mais de rendre un patrimoine accessible aux jeunes béninois et sénégalais : "Nous sommes là pour créer l'avenir" dit-elle.
Le problème doit être analysé "d'une façon ouverte" souligne Hamady Bocoum, directeur du Musée des civilisations noires de Dakar : "La question des restitutions est inscrite dans l'ADN des indépendances [...], elle dépasse l'Afrique et implique aussi l'Europe".
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DÉCOLONISATIONS, DU SANG ET DES LARMES
Réalisé à partir d’images d’archives en grande partie inédites, ce film en résonance avec les débats actuels de la société, donnent la parole aux témoins, acteurs et victimes de cette page douloureuse de l'histoire de France ainsi qu’à leurs descendants
Réalisés à partir d’images d’archives en grande partie inédites et mises en couleur, ces deux films en résonance avec les débats les plus brûlants de notre société actuelle donnent la parole aux témoins, acteurs et victimes de cette page douloureuse de notre histoire ainsi qu’à leurs descendants. Trois générations qui des années après les faits sont les dépositaires d’une mémoire à vif et dont les récits constituent une histoire commune qui n’en finit pas de nous façonner et de faire débat.
« Décolonisations, du sang et des larmes » nous rappelle que désormais le dernier grand tabou de l’Histoire de France doit se raconter à plusieurs voix.
DÉCÈS D'AL FARUQ, UN JEUNE SLAMEUR QUI A MARQUÉ LES ESPRITS
Une flopée d’hommages a maquillé les réseaux sociaux, mardi, à l’annonce du brusque décès d'Abdourahmane Dabo. Le jeune artiste slameur n’a pourtant eu que 4 années de carrière au cours desquelles il a étoffé un beau palmarès
Une flopée d’hommages a maquillé les réseaux sociaux, hier mardi, à l’annonce du brusque décès de Abdourahmane Dabo alias «Al Faruq». Le jeune artiste slameur n’a pourtant eu que 4 années de carrière au cours desquelles il a étoffé un beau palmarès, marqué les esprits et conquis les cœurs.
En novembre 2018, à travers un post sur son compte officiel Twitter, le chef de l’État publiait le sacre du Sénégal au tout premier championnat d’Afrique de slam poésie, organisé au Tchad. Le président de la République félicitait «la performance de Abdourahmane Dabo» et voyait en sa «belle victoire» une consécration des jeunes talents sénégalais. Macky Sall et ce triomphe continental venaient de marquer le nom moins réputé d’un jeune homme qui vêtait déjà la toison de coqueluche dans l’univers slam du Sénégal. C’est pourtant un an plus tôt seulement que Al Farùq, de son nom d’artiste, avait fait ses débuts, avec son premier spectacle à la Place du Souvenir africain à Dakar, avec le collectif «Parlons Poésie».
Mais comme pour le destin des belles fleurs, Al Farùq et sa carrière n’auront pas longue. C’est hier matin, mardi, que le slameur a rendu l’âme. La consternation a été la chose la mieux partagée dans le milieu artistique et chez ses amis, sonnés par la brutalité de la funeste nouvelle. Son trait ingénieux et son fonds spirituel avaient amené le champion sénégalais de slam (avril 2018) à choisir le surnom saisissant d’Al Faruq, nom arabe qui identifie celui qui discerne le vrai du faux. «Cela définit aussi ma démarche artistique qui revient à retranscrire en slam la vérité de mon cœur sans être sourd à celle des autres, celle de la nature», nous expliquait le jeune homme, la vingtaine, membre du prestigieux «Club des amis du livre». Cette intelligence sensible, celui qui se fait également appeler «Slamory Touré» l’a cultivée dès son enfance, en sa Casamance natale.
Ses premiers écrits sont d’abord faits de psittacisme, et souvent de douce révolte. Il a voulu au début écrire comme Senghor, Char et Césaire. Ensuite, il finit par se révolter, et par se récolter comme il le disait lui-même et de semer son premier recueil de poèmes, «Déluge de l’esprit», en 2015. Il n’était pas encore question de slam, surtout avec son caractère de garçon introverti et réservé. Mais son engagement dans les mouvements associatifs parascolaires au Lycée Ahoune Sané de Bignona et au Lycée Moderne de Rufisque va essentiellement forger sa personnalité de rhéteur. Il n’était d’ailleurs pas question de partager ses poèmes, jusqu’à ce qu’il découvre le slam.
Très ancré dans ses racines casamançaises, le cofondateur de «Parlons poésie» s’inspire principalement du patrimoine culturel de son patelin, convoque les images et adages des chansons initiatiques des circoncis et puise au répertoire oral mandingue. L’assistant en Business management visitait tous les thèmes et sujets qui pouvaient embrasser ses ressentis, son intérêt et sa curiosité. Abdourahmane Dabo avait écourté ses études de géographe ruraliste en Master, à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. C’est aussi dans cette ville qu’il a découvert le slam, à travers les itinérances «Poètes en vadrouille». Il dirigeait, récemment, une boîte qui offre des services de voix-off, de rédaction publicitaire, de cinéma et d’écriture plaisante.
En 2019, il collabore avec l’Uemoa en animant des ateliers d’écriture et pour monter un spectacle pour des enfants de huit pays venus partager leurs rêves pour l’Afrique. Il initiera également un atelier qu’on pourrait dire de rééducation pour les pupilles de la Nation, qui ont perdu leurs parents dans le naufrage du bateau «Le Joola». Cela a d’ailleurs fait l’objet d’un de ses dernières publications sur son profil Facebook. Al Faruq devait représenter le Sénégal à la Coupe du monde de slam, à Paris, du 18 au 24 mai dernier, un événement compromis par la pandémie.
par Téguia Bogni
LE SÉNÉGAL SUR LA VOIE DE LA GASTRODIPLOMATIE
Créé par Penda Mbaye, le tièèbou dien, est le plat le plus emblématique du pays. Mais ce que très peu de personnes savent en revanche, c’est que ce plat est un emprunt culinaire, fruit probable du contact avec des personnes venues d’Europe ou d’Asie
Jeune Afrique |
Téguia Bogni |
Publication 06/10/2020
Grâce au tièèbou dien, son plat le plus emblématique, le Sénégal étend son influence bien au-delà du continent. Un rôle d’ambassadeur en passe d’être reconnu par l’Unesco.
Le Sénégal est l’un des pays les plus hospitaliers au monde, comme en témoigne logiquement son nom, Tèranga [lequel vient des mots wolofs teer/teerul, qui signifient « accueillir »].
En plus de l’hospitalité dont il fait montre, ce pays de la côte ouest de l’Afrique sait également offrir le gîte et le couvert. Le partage est donc le mot d’or qui sous-tend le vivre ensemble au Sénégal, notamment lorsqu’il s’agit de déguster le plat national de tièèbou dien, dans une atmosphère à la fois conviviale et fraternelle. Dans ce cas d’espèce, l’art de la table se caractérise en effet par un service exclusivement à la main de tous les convives, autour d’un plat commun, et ce selon un ensemble de gestes ritualisés.
Riz au poisson
Créé par la Sénégalaise Penda Mbaye (1904-1984), le tièèbou dien, c’est-à-dire le riz au poisson, est le plat le plus emblématique du Sénégal. Mais ce que très peu de personnes savent en revanche, c’est que ce plat est un emprunt culinaire, fruit probable du contact avec des personnes venues d’Europe ou d’Asie.
À y regarder de près, le tièèbou dien est le riz pilaf revisité. Il est fait à base de riz cuit dans un bouillon composé d’huile d’arachide, de tomate fraîche et/ou concentrée, d’assaisonnements (ail, piment, persil, oignon, etc.), de garnitures légumières (carotte, gombo, chou, aubergine, feuilles et sépales d’oseille de Guinée, etc.) et tubéreuses (manioc) et, enfin, de poisson. Et selon que l’on est à la recherche de l’umami (la cinquième saveur fondamentale) pour un raffinement gustatif, on y ajoutera du yèet, un mollusque gastéropode fermenté. D’ailleurs, de l’avis des professionnels, un bon tièèbou dien ne saurait se faire sans yèet.
LES DÉPUTÉS FRANÇAIS SE PENCHENT SUR DES RESTITUTIONS D'OEUVRES D'ARTS AU SÉNÉGAL ET AU BÉNIN
Le transfert au Bénin porte sur 26 pièces du «Trésor de Béhanzin» provenant du pillage du palais d'Abomey en 1892. Le Sénégal doit récupérer un sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall
Sabre, siège royal, statues…: l’Assemblée nationale se prononce mardi sur la restitution de biens culturels au Sénégal et au Bénin, un geste qui veut marquer un renouveau des relations franco-africaines, mais est jugé insuffisant par certains, hasardeux pour d’autres.
« Ce n’est pas un acte de repentance ou de réparation, ni une condamnation du modèle culturel français », mais l’amorce d’un « nouveau chapitre du lien culturel entre la France et l’Afrique », plaide la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.
Le rapporteur Yannick Kerlogot (LREM) évoque une « décision politique forte », qui traduit l’engagement du président Emmanuel Macron en novembre 2017 à Ouagadougou de refonder le partenariat culturel franco-africain.
Le texte de deux articles seulement -un pour la remise définitive au Sénégal, l’autre pour au Bénin – doit être soumis en vote dans la soirée.
Le transfert au Bénin porte sur 26 pièces du « Trésor de Béhanzin » provenant du pillage du palais d’Abomey en 1892. Elles sont aujourd’hui au musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris.
Le Sénégal doit récupérer un sabre et son fourreau attribués à El Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXème siècle. Détenues par le Musée de l’Armée à Paris, ces pièces sont exposées à Dakar dans le cadre d’un prêt de longue durée.
« En restituant ces objets d’exception au Sénégal et au Bénin, nous contribuons à donner à la jeunesse africaine l’accès à des éléments majeurs de son propre patrimoine », a souligné Mme Bachelot devant les députés de la commission des Affaires culturelles.
Le projet de loi déroge ponctuellement au caractère inaliénable des collections des musées nationaux français, parmi les plus riches du monde en pièces de toutes époques et tous horizons.
Ses adversaires lui reprochent d’encourager une relance sans fin des demandes de restitution qui empoisonnent régulièrement les relations internationales, à l’instar de la Grèce qui réclame en vain le retour des frises du Parthénon exposées au British Museum.
« Comment va-t-on faire pour dire à l’Egypte : non, pas vous? Comment va-t-on faire pour les prises napoléoniennes? » qui trônent dans les musées français, s’interroge Me Yves-Bernard Debie, avocat spécialisé dans les biens culturels. « Le caractère inaliénable des collections va mourir avec cette loi », assure-t-il.
– « petits pas » –
Certains opérateurs redoutent aussi qu’après ces restitutions, le marché légal de l’art ne devienne « frileux » face à un risque « d’instabilité juridique », selon l’étude d’impact remise aux députés.
D’autres en revanche déplorent le caractère trop limité de ces restitutions au compte-gouttes.
C’est le cas du président du Bénin Patrice Talon, qui se dit dans l’hebdomadaire Jeune Afrique « pas satisfait » du projet de loi, même s’il reconnaît de « petits pas » de la part de Paris.
« Voter une loi spécifique pour restituer vingt-six oeuvres est un strict minimum. Ce que nous souhaitons, c’est une loi générale » permettant de négocier « une restitution globale sur la base d’un inventaire précis », explique-t-il.
Et dans la foulée des restitutions au Bénin et au Sénégal, le député des Français de l’étranger M’Jid El Guerrab vient de proposer la restitution du burnous de l’émir Abdelkader, « héros de la résistance à la colonisation de l’Algérie » au XIXème siècle, conservé à Paris.
Mme Bachelot elle-même a reconnu que ces restitutions « sont au coeur de vifs débats, qu’elles nourrissent de nombreux questionnements éthiques, philosophiques, politiques ».
Paris a déjà restitué, selon diverses modalités juridiques, des objets d’art au Laos, une statue volée à l’Egypte en 1981, 21 têtes maories à la Nouvelle-Zélande ou encore 32 plaques d’or à la Chine, a énuméré la ministre.
Ces restitutions s’inscrivent dans un « mouvement international qui prend de plus en plus d’ampleur », et une « réflexion sur le rôle des musées dans le monde », a-t-elle aussi fait valoir.
Tout en dérogeant au caractère inaliénable d’oeuvres précises, le texte de loi ne remet pas en question ce principe « qui cimente le droit français » depuis le XVIème siècle, fait valoir de son côté le rapporteur du projet.
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YAYE KENE GASSAMA, FEMME DE SCIENCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Heritages reçoit la Professeure titulaire à la faculté des Sciences et Techniques de l'Ucad, première femme au Sénégal, à avoir dirigé une chaire scientifique, pour un entretien enrichissant
Pour son troisième numéro, Heritages reçoit Yaye Kène Gassama, Professeure titulaire à la faculté des Sciences et Techniques de l'Universite Cheikh Anta Diop de Dakar. Elle est la première femme, au Sénégal, à avoir dirigé une chaire scientifique.
La chercheure, ancienne ministre de la Recherche scientifique et membre de l’Académie des sciences du Sénégal, parle de sa passion pour la science, de l’éducation des filles, de ses études en France, de ses missions en tant qu’universitaire, de sa rencontre avec le soufisme, de ses projets scientifiques, des enjeux des biotechnologies, de l’intelligence artificielle, etc.
Yaye Kène Gassama répond aux questions de l’éditorialiste de SenePlus, Paap Seen.
LE SÉNÉGAL VEUT FAIRE LABELLISER LE THIÉBOU DIEUNE
Le dossier complet du Sénégal pour l’inscription du plat national au patrimoine culturel immatériel mondial de l’UNESCO, a été déposé début septembre après un long processus ayant débuté en 2019
Le dossier complet du Sénégal pour l’inscription du "thiébou dieune", le plat national du Sénégal, au patrimoine culturel immatériel mondial de l’UNESCO a été déposé début septembre auprès de cette institution spécialisée des Nations unies, après un long processus ayant débuté en 2019, a-t-on appris du directeur du patrimoine culturel, Abdoul Aziz Guissé.
"En février tout était presque fini, nous avions même déposé le dossier d’inscription à l’UNESCO le 30 mars, mais il manquait plusieurs éléments qui devaient être complétés au mois d’avril notamment, un documentaire de dix minutes avec les communautés à Saint-Louis, d’autres informations liées à ce qu’en pensent les ONG, les associations de femmes, de jeunes", a expliqué M. Guissé.
La pandémie du coronavirus a stoppé le travail entamé et c’est le 25 août dernier qu’un comité régional de développement (CRD) a pu être organisé à Saint-Louis sur la question, en présence des autorités administratives, territoriales et municipales, ainsi que d’une quinzaine d’associations, d’ONG et autre instituts de recherche, a-t-il précisé à l’APS.
Selon la direction du patrimoine culturel, l’objectif de cette rencontre était d’avoir l’adhésion des collectivités locales et autres associations, pour que demain, s’il doit y avoir un plan de sauvegarde, elles puissent s’impliquer.
Abdoul Aziz Guissé note que le dossier a été ainsi bouclé et déposé début septembre à l’UNESCO avec "des argumentaires phares" dont celle basé sur le constat que le "thiébou dieune" est un art culinaire qui a fini de gagner tout le Sénégal, "du nord au sud, de l’est à l’ouest".
"On mange tous du riz au poisson qu’il soit blanc ou rouge avec différents condiments et des cuissons variables, mais ce sera toujours du thiébou dieune dans toutes les régions, les restaurants les plus huppés partout, tout le monde fait son thiébou dieune à sa façon", souligne-t-il.
Le Sénégal peut considérer avoir fait tout ce qui lui est demandé dans ce dossier, depuis que "le documentaire de dix minutes a été déposé, tout a été déposé", dit-il.
"L’organe d’évaluation de l’UNESCO a déjà reçu le dossier, on attend maintenant le prochain comité mondial de l’UNESCO pour l’immatériel pour dire oui ou non si le +thiébou dieune+ est classé sur la liste du patrimoine mondial immatériel", indique-t-il.
La date de la réunion du prochain comité n’est pas encore connue du fait de la pandémie du Covid-19. Initialement prévue à Kingston en Jamaïque, elle devrait finalement se tenir au siège de l’UNESCO à Paris (France).
M. Guissé, pour avoir travaillé à l’UNESCO "depuis quelques années" et avoir évalué "plusieurs dossiers", rassure sur le fait que celui du Sénégal "a de forte chance de passer comme la pizza italienne est passée en 2017 (...)’’.
De même que le couscous maghrébin devrait passer également, "le nôtre a toutes les chances de passer et d’être inscrit au patrimoine mondial de l’humanité", ajoute-t-il, en allusion au dossier du Sénégal sur le "thiébou dieune".
Quatre pays du Maghreb, à savoir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie ont déposé une candidature conjointe pour la labellisation du "couscous" par le patrimoine culturel immatériel mondial de l’UNESCO.
Avec la labellisation du "Jollof Rice", "Riz Jollof ou riz wolof", version du "thiébou dieune" au Nigéria, le retard dans l’inscription du plat national sénégalais au patrimoine culturel immatériel mondial de l’UNESCO a fait craindre à certains le risque de tout perdre.
Selon le directeur du patrimoine culturel, au début, les gens disaient que le Sénégal, pour avoir laissé les Nigérians classer le "Jollof Rice", "ne pouvait plus justifier" la labellisation du "thiébou dieune". Mais le travail de constitution du dossier Sénégal a été mené patiemment parce qu’on devait faire d’abord l’inventaire" de la question, fait savoir le directeur du patrimoine culturel.
Le Nigéria a certes labellisé le "Jollof Rice" car faisant partie des habitudes culinaires du pays, mais "ils (les Nigérians) ne l’ont pas proposé au classement pour le patrimoine culturel mondial" de l’UNESCO, a-t-il relevé.
Les Nigérians "se réjouissent déjà que le Sénégal fasse la proposition, car pour eux, si le +thiébou dieune+ est classé patrimoine mondial, le +Jollof Rice+ pourra bénéficier des retombées promotionnelles de cette inscription", a soutenu Abdoul Aziz Guissé.
"Les Nigérians nous disent : + si vous classer le thiébou dieune, ce sera une plus-value pour nous, notre Jollof Rice aura plus d’impact. Ils l’ont labélisé et le vendent très bien dans les vols nigérians, les grands restaurants, les cérémonies officielles, à l’UNESCO ils servent du Jollof Rice, c’est un label chez eux", poursuit M. Guissé.
Le "Jollof Rice", une spécialité du Nigéria et du Ghana inspirée du plat national sénégalais, est connu sous différentes appellations dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire ("riz gras") et au Bénin ("Ceeb").
"Les Sénégalais voyagent beaucoup, que ce soit au Nigéria, au Ghana, au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, un peu partout, il y a des restaurants sénégalais qui servaient du thiébou dieune. Aujourd’hui, ils ont leur pendant qui a la même signification que notre thiébou dieune", fait valoir M. Guissé.
L’inscription du "thiébou dieune" au patrimoine culturel immatériel mondial de l’UNESCO peut avoir plusieurs avantages, selon Abdoul Aziz Guissé.
Cette perspective est de nature à booster la destination Sénégal, "car des gens vont venir à Saint-Louis pour manger du thiébou dieune comme certains vont allez à Nantes pour manger la galette bretonne", note-t-il, étant entendu que ce plat est historiquement considéré comme une invention saint-louisienne et une part de l’identité de la capitale nord du Sénégal.
"Cela va avoir un effet d’entrainement sur les autres recettes naturelles et aussi permettre de savoir que le Sénégal a un patrimoine immatériel riche sur le plan gastronomique, et cela va permettre de revisiter tous les plats nationaux. Cela va participer à la promotion du consommé local", estime Abdoul Aziz Guissé.
D’après le directeur du patrimoine culturel, d’un point de vue historique, le "thiébou dieune" est considéré comme "une réponse à la résilience, un exemple à prendre en compte dans ce contexte actuel où le monde est confronté à la pandémie du coronavirus".
"Ce n’est pas une recette coloniale comme le pensent certains, c’est nous qui avons inventé cette recette de thiébou dieune à partir d’un riz imposé", précise Abdoul Aziz Guissé.
"Le colon a voulu imposer le riz en l’important de ses autres colonies comme l’Indochine et nous imposer la culture de l’arachide comme culture de rente’’, afin "qu’on laisse tomber les cultures vivrières au profit du riz".
"Les gens ont travaillé dans la résilience à faire des recettes avec ce riz. On s’y est adapté et on a créé quelque chose avec ce riz qui va aller au patrimoine mondial, c’est important", poursuit M. Guissé.
Selon lui, le riz "Siam", pakistanais ou thaïlandais a été certes imposé dans le cadre colonial, mais "aujourd’hui on tend vers l’autosuffisance alimentaire en riz. "C’est une bonne chose parce que si on n’avait pas le thiébou dieune, on n’allait pas penser à avoir une autosuffisance en riz", souligne la direction du patrimoine culturel.
Le "thiébou dieune" est originaire de Nguet Ndar, un quartier traditionnel de Saint-Louis où une dame du nom de Penda Mbaye en avait inventé la recette dans une situation de résilience coloniale.
"A l’époque, la résilience était de survivre face à la colonisation, face aux cultures imposées, de trouver les ressources à la fois endogènes, locales et créatives pour pouvoir rester nous-mêmes malgré la colonisation", résume Abdoul Aziz Guissé.