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5 décembre 2024
Culture
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LES DERNIERS TIRAILLEURS
Sans eux, il n'y aurait eu ni Bir Hakeim, ni la Marne, ni la conquête de l'île d'Elbe, ni la prise de Toulon. Précieux témoignages des derniers tirailleurs africains et de leur rôle dans l'histoire de France
D'un effectif de 15 000 personnes, en 1914, ils étaient déjà 200 000 personnes et ne venaient plus seulement du Sénégal mais de toutes les nations africaines dépendant alors de l'Empire français. Ces tirailleurs ont été de tous les combats, des tranchées de 14-18 au débarquement de Provence en passant par les rizières d'Indochine et les montagnes d'Algérie.
Ils ont servi l'armée française dans ses pages les plus glorieuses : la libération de Toulon, le débarquement de Provence. Mais aussi dans des moments plus sombres, comme la répression du soulèvement du Constantinois en Algérie en mai 1945 ou la répression à Madagascar en 1947.
Ils se firent particulièrement remarquer à la prise du fort de Douaumont, en 1916. Trente mille d'entre eux moururent au champ d'honneur. En 1939, 140 000 furent engagés dans la bataille et 24 000 furent faits prisonniers ou tués. Sans eux, il n'y aurait eu ni Bir Hakeim, ni la Marne, ni la conquête de l'île d'Elbe, ni la prise de Toulon.
DES PROPOSITIONS POUR LA RELANCE DE L'ACTIVITE CULTURELLE
Les acteurs de la culture ont fait aux autorités des ‘’propositions pertinentes’’, dont la diversification des mécanismes de financement de leur secteur d’activité, en vue de la relance des activités culturelles sur le territoire national.
Dakar, 2 oct (APS) – Les acteurs de la culture ont fait aux autorités des ‘’propositions pertinentes’’, dont la diversification des mécanismes de financement de leur secteur d’activité, en vue de la relance des activités culturelles sur le territoire national, a-t-on appris vendredi du ministère de tutelle.
Les propositions ont été faites lors d’un atelier qui a duré trois jours, en présence du secrétaire général du ministère de la Culture et de la Communication, Habib Léon Ndiaye. Elles concernent les sous-secteurs de la culture et des arts et doivent servir au redressement durable d’un secteur fortement éprouvé par la pandémie de Covid-19.
‘’Nous avons pu recueillir (…) une masse critique de propositions favorables à des réformes structurantes, qui permettront de mettre le secteur sur la rampe de lancement, notamment la diversification et l’amélioration des mécanismes de financement de la culture’’, a souligné Lamine Sarr, le facilitateur de l’atelier.
La création d’une ‘’banque culturelle’’ est l’une des propositions qui ont été faites.
‘’Le secteur bancaire traditionnel est très frileux quand il s’agit de financer la culture, parce qu’il pense qu’elle n’est pas rentable. Mais c’est une question d’organisation. Les 350.000, voire 400.000 acteurs du secteur peuvent s’organiser et mettre en place (…) une structure financière chargée de financer la culture’’, a rapporté M. Sarr, un ancien fonctionnaire du ministère de la Culture et de la Communication.
Le président de l’Association des acteurs de l’industrie musicale (AIM), Zeynoul Sow, estime qu’il faut ‘’alimenter cette banque par des financements innovants’’. Une proposition à laquelle adhèrent les professionnels du conte, du théâtre, du cinéma et de l’audiovisuel créatif.
Ils appellent à ‘’renforcer et diversifier les sources de financement en rendant effectifs la redevance sur la copie privée, les prélèvements de taxes sur la publicité, les sociétés de téléphonie mobile, les plateformes numériques, le mécénat, les futurs rentes pétrolières, etc.’’
Les acteurs de la musique ont demandé, pour leur part, l’annulation des taxes municipales, pour que les entreprises culturelles puissent redémarrer leurs activités. Ils ont également souhaité qu’une aide financière soit fournie aux organisateurs de spectacles.
Les danseurs ont fait 14 recommandations, dont la mise en place d’un fonds dédié à leur sous-secteur et le renforcement des droits de propriété intellectuelle des professionnels de la danse.
D’autres propositions sont relatives à la formation des acteurs culturels, à leur prise en charge sociale et aux réformes législatives et règlementaires du monde culturel.
Sur le plan institutionnel, l’adoption de la loi sur le statut de l’artiste, la réforme de la loi sur le cinéma et la construction d’infrastructures culturelles dans toutes les régions font partie de la panoplie de propositions.
Habib Léon Ndiaye assure les acteurs culturels qu’‘’aucun sous-secteur de la culture ne sera marginalisé’’ lors de la mise en œuvre du plan de relance. ‘’Tous les enjeux liés à une bonne relance du secteur culturel ont été passés en revue’’, s’est-il réjoui.
PODOR, UNE VILLE COSMOPOLITE
Des habitations pittoresques témoins d’un envahissement colonial, une population issue de toutes les ethnies du Sénégal, des vestiges d’un passé millénaire. Cette localité située dans le Fuuta est, à elle-seule, une bibliographie
Elhadji Ibrahima Thiam et Oumar Ba, Pape Seydi |
Publication 01/10/2020
C’est un jour de canicule. Une de ces journées où le soleil refuse d’abdiquer. Il rayonne, irradie, impose sa loi. Il fait chaud. Cependant, la nature, verdoyante, a repris ses droits. La période sèche n’est plus qu’un vieux souvenir. Le ciel a suffisamment ouvert ses vannes, au grand bonheur des paysans occupés aux travaux champêtres. Partout pousse une herbe tendre dont profitent comme jamais des troupeaux de vaches et de moutons paissant en bordure des enfilades de points qui jalonnent le tracé vers Podor.
Après des heures de périples, le Dandé Mayo est à vue. Podor dévoile ses charmes. Une ville, tout ce qu’il y a de calme, de «coquette». Elle serait la première localité du Fuuta occupée par des colons. La ville conserve encore aujourd’hui le pittoresque et le charme des vestiges de l’architecture de ce passé. Certaines maisons, autrefois occupées par de riches et influents commerçants, font encore partie intégrante du décor. Elles sont bâties à partir de briques rouges jointes à la chaux naturelle. Les toitures sont couvertes de tuiles de terres cuites. Le principe architectural est conforme et homogène : rez-de-chaussée puis étage.
A côté de ces rares maisons reflétant le vestige d’un passé colonial, se dévoilent, en majorité, d’autres habitats, avec une architecture purement sénégalaise. Quelques très rares demeures sont en banco sur fond de briques de terre séchée. Des ruelles étroites s’entrelacent le long des quartiers. Sur le bord du fleuve, se dégage une bonne humidité. Des enfants nagent avec joie et bonheur. Des maisons aux noms évocateurs d’un passé colonial s’alignent du côté de la rive. Près du quai «Boubou Sall» est stationné un zodiac de la Police nationale des frontières et un autre des services de la Douane.
Sur les portails des demeures attenantes, des noms évocateurs se dévoilent : Prom, Maurel, Teisseire, Singer, entre autres. Ces habitations viennent témoigner de l’effervescence du commerce qui, autrefois, prévalait, dans cette localité. Certains de ces anciens comptoirs commerciaux ont été restaurés et servent aujourd’hui de maisons d’hôtes. «Le quai de Podor était naguère le centre des affaires du Sénégal. Pas moins de quatre grands bateaux accostaient quotidiennement ici. C’était le lieu de commerce et de transport des marchandises», souligne l’ancien conservateur du Fort de Podor, Abdourahmane Niang.
Comme le dit l’adage, la main d’œuvre va là où se trouve le travail. Voilà ce qui, en partie, explique le volet cosmopolite de la localité. «Chaque jour, de nombreux bateaux déchargeaient, dans des maisons alors prospères, des marchandises venues d’Europe, avant d’embarquer des produits locaux», affirme le patriarche. A la recherche de travail, tout ce que le Sénégal comptait de communautés se donnait rendez-vous à Podor. Certains sont restés et ont fondé des familles. Leurs descendants sont devenus «podorois».
Le fort, un des symboles du passage colonial
Le Fort de Podor fait incontestablement partie des monuments historiques de ce terroir niché au cœur de l’ancienne province du Tooro. La construction tient sur trois bâtisses totalement réfectionnées. Ce fort est un ensemble de fortifications disposé de manière cohérente. «Il a joué un rôle prépondérant dans l’établissement des Français sur le fleuve et même au-delà», souligne le patriarche Abdourahmane Niang. Le fort serait désuet, pillé ou même squatté, n’eut été la détermination de M. Niang et de son ami Ibrahima Sy, tous deux originaires du terroir. Soucieux de son maintien, au vu notamment de son poids symbolique dans l’histoire du Sénégal, ils ont volontairement pris l’initiative d’en être les dépositaires. Ils en assurèrent la surveillance et l’entretien. D’ailleurs, sur indication de M. Niang, nous avons trouvé Ibrahima Sy sur place. Ibrahima est un charmant vieux. Lunettes de soleil bien vissées, il est l’incarnation de la sociabilité. Très disponible, malgré le poids de l’âge, à peine avons-nous franchi le portail qu’on le voit debout et disposé à être utile. «Le fort a été abandonné par l’armée française à l’indépendance. Il a ensuite été occupé par l’armée sénégalaise jusqu’en 1984, puis par la gendarmerie jusqu’en 1997», indique-t-il. Aujourd’hui, le lieu est devenu un patrimoine historique classé, donc sous la tutelle des services du ministère de la Culture. Bien qu’inhabité, le fort a été totalement réfectionné. Il est aujourd’hui la symbiose des vestiges du passé sur fond de travaux modernes.
Dans la cour de l’école élémentaire Amath Ba, un groupe de «Podorois» sirotent le thé sous l’ombrage des arbres. Ils se chahutent et rient dans une ambiance bon enfant. Toutes les tranches d’âge sont représentées, les ethnies de la localité aussi. Cette rencontre synthétise, à elle seule, le volet purement cosmopolite de la ville de Podor. Ici, autour de la théière, se côtoient un Sarakholé, un Maure, un Wolof, un Bambara, un Sérère, un Peulh et un Toucouleur. «C’est le Podor en miniature que vous avez là», témoigne Balla Mamadou Fall, instituteur. «Du temps de l’épopée manding, l’empereur du Songhaï avait envoyé une mission dirigée par le Général Daouda Boubacar Sy, pour islamiser toute la côte ouest. Arrivé à Podor, Boubacar Sy crée un premier village nommé ‘’Souima’’. Il traverse le fleuve et crée un autre village ‘’Saré Thiofi’’», relate Abdourahmane Niang, pour expliquer la création de Podor. Selon le patriarche, les habitants de Saré Thiofi, constatant que l’endroit qu’ils avaient choisi n’était pas propice à l’habitation, sont partis consulter un Peulh du nom de Diao Dalié. Ils se sont scindés en deux groupes. Le premier groupe s’est installé à Souima et le deuxième est parti à Thioumbé. Le devin leur avait clairement prédit que ceux qui allaient habiter à Souima seront des érudits en Islam, des saints et de grands hommes. Les résidents à Thioffi seront des agriculteurs, des hommes riches en mil et en bétail. Sa prédiction s’est avérée exacte. Aujourd’hui, Souima et Saré Thiofi sont les deux plus vieux quartiers de Podor. Avec le temps, d’autres quartiers ont vu le jour, comme Biir Podor, Mbodiène, Lao Demba, Sinthian et Khar Yallah.
Des vestiges d’habitation sérère
Sur la route qui mène à Ngawlé, un site préhistorique a été mis à jour par des fouilles archéologiques en 1958, indique Ibrahima Sy. Il s’agit d’un ancien cimetière appelé «ndangao», du nom de la mare qui le borde. Les lieux renferment des restes de poteries appelés «hulwag» ainsi que des vestiges de sépultures orientés vers l’Est et des monticules dirigées vers le Sud. Cette configuration résume la mythologie grecque et égyptienne. Ces sépulcres sont attribués aux ancêtres sérères. «Pour nous Pulaar, le mot ‘’ndangao’’ n’a aucune signification. C’est un mot à consonance sérère. Au Fuuta, nous avons recensé, de Podor à Matam, 160 sites qui avaient été autrefois habités par des Sérères. Toutes les mares des alentours portent également des noms à consonance sérère : Boloug, Kathié, Ngaar, Bouéla, Kebou, Thiofaye», raconte Abdourahmane Niang. Selon lui, les Sérères sont arrivés avec le mouvement d’Egypte, à l’origine de la traversée du Sahara ; en allant vers l’Ouest, ils se sont arrêtés sur le Fleuve. La configuration de Podor viendrait conforter cette thèse. «Quand vous quittez Podor pour aller à Thilé Boubacar, Dimat, Thiangaye, Fanaye…, toutes ces appellations sont à consonance sérère. Les Sénégalais pensent que le cousinage entre Sérère et Pulaar est né au Sénégal. En réalité, c’est pendant leur pérégrination. Ils sont en fait venus ensemble d’Egypte. Au cours de cette traversée, la communauté sérère riait des maladresses des Pulaars et vice versa», note le notable Niang. Qu’est-ce qui explique le déplacement des Sérères du Fuuta vers l’intérieur du Sénégal ? D’après, les Sérères ont quitté le Fuuta à cause de l’islam. La religion islamique est entrée au Sénégal à travers cette zone vers 1040, soit quatre siècles après la disparition du prophète Mohammed (Psl). Elle est également restée confinée dans le Fuuta, quatre siècles durant, avant de se répandre dans les autres contrées du Sénégal, renseigne-t-il.
A la tombée de la nuit, cette cité aux mille facettes offre une quiétude des plus apaisantes. Pourtant, dans le temps, elle a traversé plusieurs séquences. Pour l’heure, Podor la ville aux mille et une histoires dort sous ses lauriers, en attendant, peut-être, d’ouvrir, dans quelques années, de nouvelles pages de son enrichissante histoire.
MUSÉE DES CIVILISATIONS NOIRES, UN PANAFRICANISME REVENDIQUÉ
Élu par le magazine Time comme l'un des 100 lieux phares à voir dans le monde, le Musée des civilisations noires mise sur un art transafricain contemporain pour mettre en lumière le pluralisme du continent. Un défi inédit devenu réalité en 2018
Élu par le magazine Time comme l'un des 100 lieux phares à voir dans le monde, le jeune Musée des civilisations noires de Dakar mise sur un art transafricain contemporain pour mettre en lumière le pluralisme du continent. Un défi inédit devenu réalité en 2018 grâce au soutien financier de la Chine.
Au cœur de la capitale sénégalaise, la structure du MCN évoque une petite case ronde très commune en Afrique, mais ici de 14 000 mètres carrés sur quatre étages. Le Musée des civilisations noires de Dakar - momentanément fermé en raison de la Covid-19 - se veut le symbole d'une volonté commune de différents pays du continent africain de s'unir afin de montrer la diversité de leurs traditions culturelles et de leurs artistes contemporains. Un projet global panafricain qui remonte aux années 60, finalement permis par l'aide financière de la Chine, et qui aboutit au moment même d'un débat sans précédent en France sur la restitution des biens culturels africains.
Une idée portée dès 1966 par Léopold Sédar Senghor
Suite aux indépendances successives des anciennes colonies du continent, plusieurs voix ont émergé avec la volonté de lancer un projet qui réunisse tous les pays d’Afrique. Il s'agissait de rassembler tous ces peuples autour d’un but commun pour qu’ils puissent s’affirmer sur la scène internationale, en excluant les restes de colonialisme européen.
L’idée d’un musée comme clé de voûte de cet objectif est évoquée en septembre 1956 au premier Congrès des écrivains et artistes noirs, à la Sorbonne. Elle est ensuite proposée en 1966 à Dakar lors du premier Festival mondial des arts nègres par Léopold Sédar Senghor, intellectuel et président du Sénégal de 1960 à 1980. Il souhaite mettre en œuvre ce projet culturel africain au Sénégal même, provoquant dès lors de vives critiques parmi les représentants du mouvement panafricain.
Historien, spécialiste de l’Afrique et du panafricanisme, Amzat Boukari-Yabara revient sur ce mouvement "qui s'inscrit dans une histoire, dans des résistances menées par des esclaves déportés dans les Amériques, donc à partir du XVIe, XVIIe siècle. À travers des résistances culturelles, militaires, politiques, sociales et qui s'est cristallisé au XIXe siècle au moment des abolitions". Cette conception politique qui encourage l'autonomie du continent africain et la solidarité entre ses citoyens sera par ailleurs revisitée à l'aube des indépendances africaines dans les années 50 et 60. Ce projet muséal panafricain souhaite ainsi s'inscrire dans ce mouvement en mettant en avant des objets forts d’affirmations culturelles.
Après un long silence des instances politiques, l’idée ressurgit dans les années 2000 par le biais de plusieurs intellectuels et du Président sénégalais Abdoulaye Wade. Cependant, pendant de nombreuses années les difficultés et les doutes s'accumulent. Malgré une volonté première de construire par leurs propres moyens un projet exclusif au continent, le musée ne pourra voir le jour que bien des années plus tard grâce au financement des infrastructures par la Chine. La première pierre de ce futur musée est posée en 2003 alors même qu’il n’a pas encore été décidé "ce que sera le musée" : sa place dans le paysage muséal, ses missions, les outils à mettre en place, les stratégies et mécanismes pour mener des activités, etc.
Fin juillet 2016 a alors lieu une Conférence Internationale de Préfiguration du Musée des civilisations noires. Plusieurs acteurs et historiens sénégalais se réunissent, dont l’actuel directeur général du lieu, le professeur Hamady Bocoum, afin de déterminer les missions et les visées de ce projet culturel.
Deux objectifs émergent alors :
Réaliser un musée non-ethnographique, c'est-à-dire non consacré uniquement aux arts premiers, et non-commémoratif du passé d’esclaves des populations du continent. L'idée est de mettre en lumière d’autres aspects méconnus de l’Afrique, pour que le musée devienne un "outil de développement scientifique, culturel, économique et social couplant technologie et respect des arts et cultures africaines".
Montrer la vitalité de l’ensemble du continent africain à travers "des cultures et civilisations des mondes noirs". Cette réappropriation de son histoire culturelle passe par la mise en place de logiques et politiques muséales propres au continent africain, tel un musée qui soit aussi un centre culturel avec des espaces d’échanges et de créations.
Le Musée des civilisations noires est finalement inauguré à Dakar le 6 décembre 2018 par le Président du Sénégal, Macky Sall, en présence de nombreux officiels et représentants des pays africains. Plus de 500 œuvres d’art sont ainsi présentées dans ce nouveau lieu de culture. Pour le dirigeant Macky Sall, alors en campagne pour un deuxième mandat à la tête du pays, ce projet culturel fait "resurgir en nous les précurseurs du panafricanisme et de l'identité africaine".
Un financement chinois déterminant
Cet événement pour l'Afrique de l'Ouest n'aurait pu aboutir sans la Chine. Elle a doté le musée d’un financement conséquent en investissant l'équivalent de 35 millions d’euros pour la totalité de sa construction et pour de nombreux équipements culturels. Un investissement croissant dans la sphère culturelle du Sénégal pour la République populaire de Chine qui avait auparavant financé le Grand Théâtre national en 2011 et construit le plus grand stade du Sénégal dans les années 80.
Le 10 janvier 2014, en amont d'une visite sur le chantier du Musée des civilisations noires de Dakar et dans le cadre d'une grande tournée africaine, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, avait affirmé que son pays "serait toujours un champion" des causes africaines. Lors de l’inauguration du musée en décembre 2018, c’est le ministre chinois de la Culture, Luo Shugang, qui vint spécialement de Pékin pour assister à l'événement. Il déclara que cette réalisation de grande envergure était le symbole "de l'amitié et de la solidarité des peuples chinois et sénégalais". Le MCN est par la suite devenu l’emblème du partenariat Sino-Sénégalais pour Dakar et Beijing qui revendiquent des relations politiques, commerciales ou sportives au beau fixe, bien que sa construction fit pourtant l'objet de dissonances entres les équipes des deux pays.
LE TOURNOI DE LUTTE SANS FRAPPE, PASSAGE OBLIGÉ POUR FUTUR CHAMPION
Le « mbapath » est au jeune lutteur ce que le CE (Cours élémentaire) représente pour le jeune apprenant. Il ne peut se soustraire aux contraintes et dures réalités de cet apprentissage qui lui permet de s’aguerrir
Le « mbapath » est au jeune lutteur ce que le CE (Cours élémentaire) représente pour le jeune apprenant. Il ne peut se soustraire aux contraintes et dures réalités de cet apprentissage qui lui permet de s’aguerrir, affûter ses armes au plan technique et de l’endurance au contact de lutteurs qui, comme lui, rêvent de gloire et d’ascension sociale. Pour peu qu’il fasse preuve d’assiduité, de pugnacité et de rigueur durant ce « bizutage », il peut s’ouvrir les portes de l’arène. Toutes les icônes et autres « têtes couronnées » de l‘arène ont fait des piges studieuses dans les « mbapath » avant de franchir le rubicond.
Le « Mbapath » est un tournoi nocturne de lutte simple. Le site d’accueil est souvent un terrain vague que les organisateurs, assistés de bonnes volontés, nettoient pour en extraire tout objet susceptible de constituer un danger pour les acteurs et les spectateurs. Il est organisé le soir, après le dîner sous la lumière de lampes électriques en ville ou au clair de lune en campagne. L’organisateur, habituellement un ancien champion de lutte ou des associations sportives et culturelles, en assure la sécurité en s’attachant les services de volontaires. Le plus souvent, ce sont les jeunes du quartier qui s’acquittent de cette tâche, sans bourse délier. La mise est souvent constituée de sacs de riz et d’espèces sonnantes. Dans les villages, les têtes de bœuf servent de trophées. En pays sérère, on l’assimile aux tournois de lutte traditionnelle disputés après la période de récolte. Les principaux acteurs en sont les jeunes agriculteurs, pasteurs ou pêcheurs, selon la zone, qui sillonnent les villages à la quête de ces séances de lutte dont les mises sont constituées de têtes de bœuf, matériel électro-ménager ou de construction, et espèces sonnantes et trébuchantes.
Si on rate le Cours élémentaire qu’est le «mbapats»), inutile de tenter l’aventure dans l’arène…
Ambroise Sarr, l’entraîneur national des « Lions » de la lutte, un pur produit des « mbapath » ouvre sa page d’histoire, avec beaucoup de nostalgie. « J’ai sillonné tout l’arrondissement de Fimela (département de Fatick) pour me produire dans des « mbapats ». Ces tournois constituent le fondement pour tout lutteur qui aspire à se faire une place au soleil. C’est un passage obligé pour tout jeune lutteur qui rêve de gloire dans la discipline. C’est à partir des « mbapath » que l’on se taille des habits de champion, grâce à un bagage technique indéniable que l’on acquiert au contact des autres durant ces tournois de lutte. Ils sont indispensables pour les jeunes lutteurs et à tous points de vue. Point n’est besoin de se faire d’illusion. Si on rate le Cours élémentaire qu’est le « mbapats »), inutile de tenter l’aventure dans l’arène, elle va tourner court. Le mbapat constitue une véritable école de formation où tout se construit et se façonne. Dans mes pérégrinations, j’ai remporté beaucoup de têtes de bétail. J’ai battu des champions de légende comme Doudou Gangako, entre autres, au cours de mes randonnés à travers les contrées du Sine et des Iles du Saloum». La descente de l’entraîneur national à Dakar coïncide avec l’âge d’or du « mbapath » érigé en passion par nombre d’amateurs dont l’amour fou pour la lutte les transportaient souvent dans la banlieue dakaroise et notamment à Pikine, Thiaroye, Pikine, Rufisque, Bargny et même hors de la région du Cap-Vert pour les plus mordus. Quid de ses prestations à Dakar ? Ambroise Sarr ouvre son album- souvenirs. « Dans la capitale, j’ai croisé le fer» avec la génération des Toubabou Diour, Lamine Cissé, Pathé Diop et un des oncles de Mame Gorgui Ndiaye. », déclare-t-il. Et de lancer le message suivant : « J’exhorte les jeunes lutteurs à se produire dans les mbapath ». Ils en tireront un bénéfice énorme. Il ne sert à rien d’inverser la tendance. La priorité est d’apprendre d’abord à lutter en fréquentant les tournois de lutte sans frappe avant d’aller à l’assaut de la lutte avec frappe.
Nombre de jeunes présentent des lacunes au plan technique. La raison est tout simple. Ils n’ont pas fait leurs classes dans les mbapatsh », déclare l’entraîneur national. Cette complainte de Ambroise Sarr trouve un écho favorable auprès des habitants du populeux quartier Grand-Dakar connu pour son célèbre « mbapath » organisé par l’ancienne gloire Aliou Camara di Boy Bambara. «Le mbapath de Boy Bambara était très couru à l’époque. Il a révélé les « cadres » de l’écurie Fass et des lutteurs comme Manga 2, Mbita Ndiaye « managé » alors par Mame Gorgui Ndiaye. Cette séance nocturne de lutte simple était le plus grand et le plus attrayant. Tous les lutteurs s’y produisaient sans aucune frayeur. Il était suivi par les amateurs de Grand-Dakar, de Niary Taly, de Bène Tally et des quartiers environnants. J’ai vécu dans cette ambiance particulière dès ma tendre enfance, à l’âge de douze ans. L’ambiance de ce « mbapath » était particulière. Voilà qui explique sa grande audience et sa célébrité », se souvient avec un brin de nostalgie l’un d’entre eux, véritable féru de lutte simple, rencontré dans une des ruelles du quartier.
« De nombreux grands champions ont été piqués par le virus au contact du « mbapath »
Le « mbapath » est riche de son histoire écrite en lettes d’or et nombre de ses acteurs sont aujourd’hui devenus des anciennes gloires qui, après une brillante carrière dans l’arène, se consacrent à la formation des jeunes dans les écuries et écoles de lutte qu’ils ont créées et dont ils assurent la direction technique. Ils doivent cette aura à leur passage par les « mbapath » qu’ils ont marqués. «Cela me fait de la peine en voyant certains jeunes lutteurs évoluer comme le feraient de véritables nains au plan technique. Ceux-là n’ont pas fréquenté les « mbapath ». La lutte est faite de techniques dont l’ignorance ou la non maîtrise constitue un handicap majeur, voire un frein pour tout jeune lutteur qui aspire à devenir un champion. Quand on peine à faire du « rassou », du « rignaane » ou du « sol bou deguër » inutile de tenter l’aventure dans l’arène. Elle sera éphémère.», se désole notre interlocuteur De nombreux grands champions ont été piqués par le virus au contact du « mbapath » alors qu’ils étaient venus en simple spectateurs. Poussés par des amis ou insensibles à l’appel du tam-tam, ils ont pris goût à la chose et se sont laissé entraîner par cette force mystérieuse qu’est la passion et cette curiosité positive de découvrir une discipline vite érigée en religion. Les mbapaths étaient le plus souvent organisés par des lutteurs à l’image de celui de Grand-Dakar dont le maître d’œuvre était Boy Bambara. A la Médina, feu Riche Niang et Youssou Diène ont assuré ce rôle, ainsi que feu Pape Kane et Gora, respectivement à Thiaroye et Yarakh.
A Pikine, ce sont les associations qui se cotisaient pour organiser des mbapats. Fass n’a pas été en reste. Fort de son armada de valeureux « guerriers » qu’ont été les Mame Gorgui Ndiaye, Mbaye Guèye, Assurance Diop, entre autres icônes, le légendaire quartier a souvent vibré au rythme des « mbapath », sous la férule des deux premiers nommés. S’il est un point sur lequel mon interlocuteur a insisté, c’est celui de la violence que l’on vit de nos jours dans l’arène. «Les acteurs et amateurs de cette époque s’interdisaient un tel écart de comportement et de langage. Je prends l’exemple des mbapath de Pkline où on retrouvait des lutteurs venus de Fass, de Thiaroye, de Yoff, et de tous les quartiers de Dakar. Le temps de la compétition, ils cohabitaient sans aucune animosité, même au plus fort des confrontations où la détermination, l’engagement physique et l’envie de vaincre avaient droit de cité. Pas de geste déplacé et encore moins d’acte hostile à même de provoquer des heurts comme on le note actuellement. Ces lutteurs étaient de vrais gentlemen doublés de grands techniciens. Malheureusement, cette espèce se raréfie de plus en plus, au grand dam de la lutte qui pleure toujours ses orfèvres», reconnait-il avec désolation.
TRANCHE D’HISTOIRE : Le «mbapath» de la réconciliation
A Fass, Mbaye Guèye et Mame Gogui ont joué ce rôle, mais sur fond de concurrence au point de provoquer une brouille entre eux. On a encore en mémoire les divergences qui avaient quelque peu détérioré les relations entre ces deux monstres sacrés de l’arène. Ils ont été réconciliés par El Hadj Mansour Mbaye au cours d’un mbapath. L’on raconte qu’une nuit, Mbaye Guèye et Mame Gorgui avaient organisé chacun un mbapath dans leur fief, au plus fort de leur mésentente. Cela a eu le don d’embarrasser les habitants du quartier et les amateurs qui ne savaient plus où donner de la tête. Informé de cette fâcheuse situation, El Hadj Mansour Mbaye a saisi cette opportunité pour réconcilier les deux frères. En quoi faisant ? Il est allé avoir le plus jeune, Mbaye Guèye en l’occurrence, et lui a intimé l’ordre de mettre un terme à son mbapath et qu’ensemble avec tous les amateurs présents, qu’ils aillent à celui de Mame Gorgui. Le 1er « Tigre » de Fass s’exécuta aussitôt et El Hadj Mansour de conduire la manœuvre. A un moment donné, les spectateurs qui suivaient le mbapat de Mame Gorgui ont vu déferler vers eux une foule composée d’amateurs avec à leur tête Mbaye Guèye et El Hadj Mansour Mbyae. Il revenait au plus jeune de faire le premier pas. Mbaye Guèye l’a fait en se pliant à la volonté de El Hadj Mansour Mbaye. Cet acte de grandeur a mis un terme à la brouille au grand soulagement des habitants du quartier Fass
RESTITUTIONS D'OEUVRES D'ARTS, UN NID À POLÉMIQUES ET UN DOSSIER QUI S'ENLISE
Le retour des objets volés pendant la colonisation en Afrique et exposés dans les musées français se heurte à de nombreuses difficultés et reste minime
Trois ans après le discours à Ouagadougou d’Emmanuel Macron, qui souhaitait à la jeunesse africaine d’avoir accès à son patrimoine, la restitution des objets d’art volés pendant la colonisation en Afrique et exposés dans les musées français se heurte à de nombreuses difficultés et reste minime.
Le rapport des universitaires Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, remis en novembre 2018, appelait à de vastes restitutions des œuvres arrivées en France pendant l’époque coloniale. Mais aujourd’hui, seul un sabre – un objet européen – a été rétrocédé au Sénégal et vingt-six objets le seront d’ici à un an au Bénin.
Ces totems et sceptres, pillés lors de la mise à sac du palais d’Abomey par les troupes coloniales en 1892, restent au Musée du quai Branly tant qu’un musée au Bénin n’est pas prêt pour les accueillir.
Une loi, permettant des dérogations au principe d’« inaliénabilité » des œuvres dans les collections publiques, a permis ces transferts, parce qu’ils avaient fait l’objet de pillages caractérisés.
Le rapport Sarr-Savoy dressait un calendrier de restitutions et un inventaire des dizaines de milliers d’objets que les colons ont ramené d’Afrique. Il proposait un changement du code du patrimoine pour faciliter leur retour quand les Etats africains en feraient la demande.
Dans les limbes
Mais à part quelques pays menés par le Bénin, la mobilisation des gouvernements africains sur les restitutions reste faible. Dans plusieurs pays, les priorités sont autres que les objets d’art pour lesquels les équipements manquent, selon une source proche du dossier.
Quant au projet d’Emmanuel Macron d’une rencontre entre partenaires européens (Belgique, Royaume-Uni, Allemagne principalement) et africains pour définir une « politique d’échanges », il semble être tombé dans les limbes.
Au moins 90 000 objets d’art d’Afrique subsaharienne sont dans les collections publiques françaises. Quelque 70 000 d’entre eux au Quai Branly, dont 46 000 arrivés durant la période coloniale.
Dynastie régnante du Fuuta de 1512 à 1776, les Deniyankés avaient fait d’Orkadiéré, situé à 60 km de Matam, sur la route de Bakel, leur fief. Deux stèles, l’une sur la place publique du village, l’autre à l’arrière-village, rappellent cet épisode
Elhadji Ibrahima Thiam et Oumar Ba, Pape Seydi |
Publication 29/09/2020
L’endroit est bucolique, colonisé par les hautes herbes qui font le bonheur d’une horde de chevaux et d’un troupeau de vaches. Pas la moindre trace d’un humain et pourtant, ici, le sol semble fertile. Le bon hivernage aidant, on se dit qu’il aurait suffi de semer pour que la terre donne ce qu’elle a de meilleur. Pour un «étranger», la question se pose, mais pour un habitant d’Orkadiéré, non. La charge symbolique de ce lieu et tous les préjugés qu’il charrie ne le prédisposent ni à la mise en valeur ni à l’habitat. Cet endroit sanctifié, les habitants d’Orkadiéré l’appellent «Toulndé Soulèye Ndiaye». En pulaar, «toulndé» veut dire «zone élevée» et Soulèye Ndiaye, c’est Soulèye Ndiaye 1er, un des derniers rois Deniyankés appelés Satigi. Il est resté célèbre pour avoir tenté de tenir tête à Thierno Souleymane Baal lorsque ce dernier a lancé le mouvement qui allait aboutir à la révolution Toroodo de 1776.
C’est ici donc que vivaient Soulèye Ndiaye et sa cour royale, entourés des redoutables «sebbes koliyaabés», du nom de ces guerriers qui formaient l’essentiel de l’effectif de l’armée Deniyanké. Se distinguant par la pratique d’une «islam tiède», cette dynastie était plus portée sur le paganisme. Les pratiques païennes auxquelles les Satigis s’adonnaient en ces lieux justifient donc la méfiance des habitants d’Orkadiéré à les occuper. Question de superstition, précise Issa Demba Niang, adjoint du chef de village. «Plus de deux siècles après, les gens ont la conviction que des esprits maléfiques peuplent cet endroit à cause des rites païens qui s’y déroulaient. C’est pourquoi vous ne verrez jamais les populations cultiver dans les parages. Quant à y habiter, elles n’y pensent même pas», indique le vieil homme. L’adjoint au chef de village tente de nous montrer des trous dans le sol, mais avec la broussaille fournie, difficile de les percevoir à l’œil nu. Tout comme les restes du puits «Karang Koulé». Selon lui, ces cavités qui ceinturent le puits auraient été creusées par les ruades des chevaux de l’armée Deniyanké. «Ces chevaux qui étaient attachés près du puits n’étaient pas ordinaires. Ils avaient la particularité de deviner, à la veille d’une campagne militaire, si leur jockey allait revenir sain et sauf ou serait tué sur le champ de bataille. On pouvait le savoir dans leur manière de ruer autour du puits», explique Issa Demba Niang.
Bien que les Orkadiérois «fuient» cet endroit, il n’en demeure pas moins que cette partie de l’histoire de leur localité, ils l’assument non sans fierté. «C’est notre histoire, nous ne la renierons jamais. Nous en sommes même fiers», martèle Ndiogou Saly Seck, fils du célèbre feu Farba Saly Seck, qui animait une émission sur l’histoire du Fuuta sur la 2STv. Ce devoir de mémoire assumé justifie la construction, sur l’ancien emplacement de la demeure royale, d’une stèle. Mais, mieux, ils en ont construit une autre, plus imposante, cette fois-ci sur la place publique du village. Ce monument, en forme d’obélisque d’une hauteur de trois mètres, est surmonté d’une statuette représentant un guerrier «sebbe koliyaabé» sur un cheval cabré. «Cette stèle a été construite en 1994. Le choix du lieu n’est pas fortuit, c’est ici que se déroulent tous les grands évènements du village. Elle nous rappelle notre fibre ‘ceddo’ et guerrier derrière notre statut de musulman», ajoute Ndiogou Saly Seck.
Non loin de cette place publique, un point d’eau coupe le village en deux. Il s’agit du « wendu Birame Bidji», la «mare de Birame Bidji». Dans l’histoire d’Orkadiéré en tant que capitale des Deniyankés, ce lieu est porteur de sens. «A l’époque, c’était un terrain vague, sablonneux. A la veille de chaque bataille, les «sebbes koliyaabés» se réunissaient ici et chacun faisait le serment de tuer un certain nombre d’ennemis quitte à se laisser mourir si la promesse n’est pas tenue», confie Salif Sall, un notable. «On appelait ces joutes oratoires ‘’lengui’’, les cantatrices et les musiciens y jouaient un rôle important en galvanisant les soldats», ajoute Ndiogou Saly Seck.
La rencontre mémorable entre Thierno Souleymane Baal et Soulèye Ndiaye 1er
Fief des Deniyankés, les historiens s’accordent à dire que c’est à Orkadiéré que s’est jouée la scène qui allait affaiblir, puis mettre fin à la dynastie fondée par Koli Tenguela deux siècles et demi plus tôt. En effet, selon le Pr Mamadou Youry Sall de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Thierno Souleymane Baal, après s’être fait un nom un peu partout à travers le Fuuta par ses prêches contre les razzias maures, le «moudou horma» (impôt prélevé sur les populations du Fuuta par les Maures), l’esclavage et contre l’incapacité des Satigis à assurer la sécurité des Fuutankobés, le futur leader de ce qui deviendra donc la révolution Toroodo est venu s’installer à Orkadiéré où il avait des partisans. Cet acte inquiéta le souverain Souleye Ndiaye 1er qui lui ordonna de quitter la ville. Thierno Souleymane Baal obtempéra et rejoignit Nguidjilone. Mais, il reviendra plus tard à Orkadiéré et on l’amena devant le Satigi qui le reçut, entouré de sa garde rapprochée que constituaient les «sebbes koliyaabés».
Devant cette assemblée, Thierno Souleymane Baal tint un discours qui fera se retourner les «sebbes koliyaabés» contre leur souverain. «Thierno Souleymane Baal a dit au Satigi, qu’en tant que musulman, il ne lui était permis de n’avoir que quatre femmes ; or, lui en avait une centaine. Le Satigi lui répondit, qu’à part ses deux femmes Deniyankobés et les deux autres Jawambés, tout le reste était des «sebbes koliyaabés», donc des «taras», c’est-à-dire des esclaves concubines. Cette réponse a vexé les Koliyaabés qui constituaient, depuis Koli Tenguela, le gros de l’armée des Deniyankobés», explique le Pr Mamadou Youri Sall.
Furieux, les «sebbes koliyaabés» entrèrent en rébellion et émigrèrent à Janjoli, non loin de Sinthiou Garba, à une trentaine de kilomètres d’Orkadiéré. De son côté, Thierno Souleymane Baal exploite à fond l’indignation des «sebbes koliyaabés» et finit par rallier à sa cause leurs chefs. Soulèye Ndiaye 1er, sentant son trône vaciller, décide d’aller affronter l’armée de Thierno Souleymane Baal qui avait pris de l’envergure avec les ralliements venant de toutes parts. Mais, il mourra avant même de faire face au leader de la révolution Toroodo. «Il perdit la vie par accident au cours de sa préparation. Son fusil, trop chargé, lui a éclaté entre les mains», souligne le Pr Sall. On est en 1765. Il faudra attendre encore onze années pour que le mouvement révolutionnaire, qui allait instaurer au Fuuta un nouvel Etat «fondé sur des principes de démocratie et sur le règne de la justice et de l’équité», n’arrive à maturité lorsque le dernier Satigi, Souleye Boubou Gaysiri, fut défait à Agnam et alla trouver refuge chez les Maures. Orkadiéré, comme toutes les autres localités du Fuuta, basculèrent toutes définitivement dans l’ère de l’almamiyat qui durera 114 ans.
par Birane Diop
DAHIJ
C'est une œuvre mystique. Ce livre est une révolution in fine un retour à l’initial. Une vie motivée par l’essentiel. Lire ce texte pour se détacher des chaînes de sa propre ignorance, pour s’élever et aller plus loin, est une priorité
Felwine Sarr est un intellectuel jusqu’au bout. Il est à la fois musicien, poète, romancier, essayiste, économiste et philosophe. Sa plume mystique et philosophique rapproche les humains quel que soit leur lieu d’habitation. De Niodior à Durham. Car l’humanité est sa culture !
Il est l’auteur de plusieurs livres dont (Méditations africaines, Afrotopia, Habiter le monde, Dahij…). Ce dernier est à l’origine de ce papier.
Je me suis procuré le bouquin ce samedi 26 septembre chez Présence Africaine. J’avais en tête toute la semaine, ce livre. Dahij. L’anagramme de Jihad. Sa première publication parue en 2009.
Texte de 131 pages. Je l’ai dévoré en moins de 2 heures, prise de notes comprises. Au cœur de la belle écriture, le temps n’existe plus. Le tout accompagné d’un café et des pistaches. Je me suis enivré sans trêve. L’explication est simple. Dahij perfore les âmes. Dahij est beauté. Dahij est vérité. Dahij est éthique. Dahij est une œuvre mystique. Enfin, ce livre est une révolution in fine un retour à l’initial. Une vie motivée par l’essentiel !
Dans ce texte, Felwine mène un Jihad intérieur. Il fait des efforts contre ses ombres. Pour y arriver, il emprunte plusieurs chemins : Les arts martiaux. La littérature. Le Coran.
Les mots couchés sur la quatrième de couverture expriment ce besoin d’amélioration pour une parfaite montée en humanité. Felwine fait le récit de son voyage intérieur. Sa conquête spirituelle pour s’élever vers le ciel en ces termes : « Ce livre est un jihad. Une guerre intérieure. Un jihad pour sortir de moi-même, de ma race, de mon sexe, de ma religion, de mes déterminations. Un jihad pour aller vers moi-même. C’est un désir de naissance, donc de mort. Exister par ma volonté de vie, comme Ptah l’émergent. Ce livre, c’est le mot qui déborde. Celui qui ne contient plus. Celui que n’étouffent pas mes préoccupations quotidiennes. Ce mot qui résiste au trajet du tram, à la journée de travail, à la prose quotidienne, aux vicissitudes quotidiennes. Écrire comme par débordement, comme par excès. Ce mot qui survit. Ce mot qui résiste à l’assignation au temps social, à la confiscation du présent, à la dilapidation du temps, à la résignation, à la fatigue, à l’abdication, à la mort lente. Ces mots rescapés qui se tiennent la main pour résister à la prochaine bourrasque. Ce livre est une promesse tenue. Une potentialité qui finit par advenir. Un postmaturé, un tard né. Ce livre, ce n’est pas Zugafar, l’épée à deux têtes d’Ali qui tranche les têtes des infidèles à la bataille de Badr. Ce n’est pas non plus une confession, car il n’y a rien à avouer. C’est un combat spirituel. Pas celui que mènent les anachorètes ni les ascètes. Il ne vise pas à libérer l’âme du corps, l’esprit de la chair. Il est tentative de « posséder la vérité dans une âme et un corps ». Ce livre est une kalachnikov. L’arme du désir de liberté. Celle qui envoie des rafales contre le tank social. Contre ses chenilles qui aplatissent, nivellent et asservissent les corps et les esprits. »
Felwine m’a emporté dans son voyage. Mieux, il m’a entraîné dans une errance spirituelle à la fois lucide et éblouissante. Ses mots ont agi sur mon corps comme les effluves du fleuve Saloum. Dahij est un livre immense. Il pose les fondements de la vie dans toute sa plénitude : l’éthique et la morale.
Lire ce texte pour appréhender le souffle de la vie d’une manière différente, pour accomplir son identité multiple, pour se détacher des chaînes de sa propre ignorance, pour s’élever et aller plus loin, est une priorité. Donc, lisez-le.
par Pierre Sané
LETTRE À LA JEUNESSE
Les présidents que nous n’avons pas eus (Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta, Dansokho..) expliquent, en partie mais en partie seulement, nos échecs. Depuis 1960, nous faisons face aux mêmes maux. Jusqu’à quand ?
Aujourd’hui en 2020 nous n’avons pas célébré notre anniversaire d’indépendance. Et pour cause ! Soixante ans après les soi-disant « transferts de compétences » nous, héritiers de cette « indépendance cha-cha», n’avons pas réussi à extirper le Sénégal des griffes crochues du projet néocolonial et de la chape de plomb étouffante du néo libéralisme. Résultat : nous avons échoué dans l’ambition de transformer le système économique colonial et la société traditionnelle. Conséquence : Nous n’avons pas pu emprunter le chemin du développement endogène véritable.
Le Sénégal que nous allons vous léguer se caractérise aujourd’hui ainsi : une démocratie figée, une économie captive, une souveraineté factice, une société exsangue, une mentalité colonisée et des prédateurs intouchables qui toisent le peuple en toute Impunité.
Qui en voudrait ?
Soixante ans après le (faux) départ du colon le bilan est sans fard :
— Échec ! —
Et ce, malgré les alternances qui nous ont fait danser dans les rues.
Comment en est-on arrivés là ?
1. Léopold Sédar Senghor, le « Negre Gréco-Latin » (dixit Jean Paul Sartre)(1.) a été, dès 1962 , l’auteur du 1er coup d’état de l’Afrique indépendante, et le maitre d’œuvre du premier procès politique truqué de l’Afrique contemporaine : Le procès truqué de Mamadou Dia et l’emprisonnement à vie avec Valdiodio Ndiaye, Joseph Mbaye et Ibrahima Sarr.
Senghor a pendant 20 ans réussi l’exploit de figer la nouvelle nation dans son passé et son carcan colonial, confisquant droits et libertés des citoyens, éviscérant toutes les institutions de la République des contrepouvoirs démocratiques, gérant avec un dédain aristocratique la chose économique, utilisant libéralement la torture sur les militants PAI et massacrant près de 40 Sénégalais en 1963 au cours des manifestations dirigées contre lui. (selon les sources. (2). Tout ça au nom d’un « socialisme africain » aérien, curieusement accolé à un essentialisme très 19 eme siècle d’une race dite nègre, dotée bien entendu d’attributs dits immuables. (la négritude).
2.Abdou Diouf «l’Administrateur des colonies » (2), handicapé par son manque de légitimité politique, (après avoir été choisi par le roi lui-même ) venu au socialisme par le biais de la bureaucratie en voie d’embourgeoisement, est contraint d’embrasser le pluralisme politique en anticipation des affres sociales du 1er plan d’ajustement structurel d’Afrique. Ainsi, il a initié le démantèlement des services publics et sacrifié l’encadrement des producteurs ruraux sous la surveillance sourcilleuse des agences de Bretton Woods tout en nous abreuvant d’envolées senghoriennes du genre « ce n’est pas du plus d’état mais du mieux d’état qu’il nous faut... » comme si les deux étaient incompatibles. Senghor a incarcéré Mamadou Dia mais c’est Abdou Diouf qui l’a mis sous terre.
3. Ablaye Wade l’«insurgé de Versailles », champion indécrottable d’un libéralisme tropical débridé et foncièrement corrompu, arrivé à la présidence avec 20 ans de retard, exerçant son pouvoir inespéré avec une jouissance maladive, déstabilisant l’administration, fragilisant la nation, antagonisant l’Afrique, et mettant en place un système grossier et glouton de rapines. Il a pourri l’esprit des Sénégalais et pour longtemps. Il a gouverné les Sénégalais avec négligence sauf quand il s’agissait de son distributeur de billets, culminant avec le naufrage du Joola (crime d’état s’il en est). Et pour couronner ce festival des horreurs il a eu le toupet de fantasmer sur une dévolution monarchique
Mais c’est quand même bien qu’il ait une retraite paisible en tant que « grand sage de Dakar ». On lui pardonne. En plus il fait tourner la presse !
4. Macky Sall, « le président émergent », chef du parti des républicains, (comme si nous ne l’étions pas tous ) et grand amateur de desserts, est le digne héritier de ses trois prédécesseurs. Mais en pire : à la présidence impériale de Senghor, il a ajouté des pouvoirs encore plus exorbitants bien que manquant la « méthode », chère à Senghor. Allant jusqu’à choisir les futurs députés de Benno. (« Les députés de Macky » disent certains d’entre eux.) Bien que dépourvu de la « rigueur » d’un Diouf, il a remis l’ajustement structurel au gout du jour par le biais du « Doing business », autre escroquerie intellectuelle de la Banque Mondiale. Il a porté la rapine, à grande échelle d’un Abdoulaye Wade, à un niveau industriel sous couvert d’investissements ruineux dans des infrastructures de prestige livrées clés en mains avec retro commissions et endettement compris. (Mais Wade au moins nous faisait rire, en grinçant des dents il est vrai).
Le TER : Garer une Mercedes devant un abri provisoire
Et voilà maintenant que notre président louvoie pour nous imposer la présidence à vie. Après avoir caporisé la haute administration par le biais de nominations purement politiques et partisanes, voilà qu’il va se choisir son chef de l’opposition après avoir embastillé ses adversaires candidats comme lui à la présidence. Il veut donc nous confisquer notre futur. Après avoir « dégraissé » les partis politiques et « engraissé » certains médias, le voilà qui hésite à entamer le pas de danse, très risqué pour notre pays.Très risqué ! Pourquoi créer une crise là où il n’y en a pas ?
Quelle calamité !
Jeunesse Sénégalaise sachez que le 3eme mandat est la voie royale vers une présidence à vie. Quelle que soit la question la réponse est : Non.
Après 60 années perdues, face à une crise économique annoncée, on en est encore à discuter fichier électoral, report d’élections, assemblée nationale impotente , justice inféodée, détournements d’intrants agricoles, système de santé défaillant, non-respect des engagements pris par l’état a l’égard des syndicats et encore et toujours corruption, corruption et corruption !
Du déjà vu ! Jusqu’à quand ?
La jeunesse n’a-t-elle pas raison de s’époumoner : « Y en a marre ! » ou « France dégage ! » ?
Plus de la moitié de notre population vit dans une pauvreté indigne aussi bien dans les villes que dans les campagnes. La moitié de nos compatriotes ne savent ni lire ni écrire. Ceux d’entre vous qui ont été scolarisés y compris ceux qui ont eu un parcours universitaire peinent à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications et vivent les affres du chômage depuis des années. La violence à l’encontre des femmes affecte un foyer sur deux et les jeunes filles sont traitées au mieux comme des mineures. Vingt-deux mille enfants de moins de 5 ans meurent chaque année des suites du paludisme. Et on nous tympanise avec…émergence !
Pourquoi ces échecs répétés ?
Ce n’est pas une malédiction divine ni quelque chose causée par le « changement climatique »
Non.
C’est parce qu’a fait défaut la volonté politique de s’émanciper des facteurs puissants de corruption que représente la double étreinte néocoloniale (France Afrique) et néo-libérale (investisseurs étrangers laissant en plan le peuple. Ou plutôt cette volonté n’a pas encore été imposée à nos dirigeants par le peuple.
Les présidents que nous n’avons pas eus (Mamadou Dia, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop, Amath Dansokho, ...) expliquent, en partie mais en partie seulement, nos échecs. Beaucoup dans la classe politique, obnubilés par la conquête et l’exercice du pouvoir sont recyclés au fur et à mesure des alternances, se constituant ainsi en véritable aristocratie républicaine réunie autour d’un onarque élu. Ils ont administré l’économie et la société plutôt que de les transformer. Ils ont géré la souveraineté octroyée plutôt que d’arracher la souveraineté complète. Ils ont freiné les avancées démocratiques au lieu de les approfondir. Depuis 1960 nous faisons du sur place et faisons face aux mêmes maux. Encore et encore.
C’est simple , ils sont nuls
Que faire ?
Je sais que vous trouverez votre propre voie comme l’a si bien dit Frantz Fanon.(2), sachant que nous serons 33 millions de Sénégalais dans 30 ans (et 65 millions en 2100).
Permettez-moi néanmoins de vous faire quelques suggestions
1. Pour abattre (il n’y a pas d’autres mots) ce système engagez-vous en politique et dans l’action sociale mais n’en faites pas un métier. Les droits et libertés s’arrachent et ne sont jamais donnés par le pouvoir. D’où la nécessité de bien connaitre vos droits. Aussi bien vos droits constitutionnels qu’universels. Au minimum maitrisez la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (ONU), la Chartre Africaine de la Jeunesse (AU) (4) et la Constitution du Sénégal. Équipés de ces droits faîtes vous un devoir d’accompagner les combats des populations pour protéger leur patrimoine foncier ou halieutique ainsi que les ressources naturelles et minières du pays. Défendez sous leur leadership leurs droits tout en articulant avec eux les ruptures indispensables dans notre pays. Après tout l’art 25 de notre constitution stipule que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie. ».
On l’obtiendra une manifestation à la fois.
Ce patrimoine, c’est votre héritage.
2. Combattez ensemble avec toute votre énergie les discriminations a l’encontre des femmes. L’Afrique ne pourra jamais faire fructifier toutes ses potentialités sans une égalité sincère entre Hommes et Femmes. Engagez-vous ensemble (Hommes et Femmes) dans tous les combats, épaule contre épaule et en égale dignité. La promotion et le respect des droits des femmes est une tache qui nous incombe à tous sans distinction de sexe. Ce n’est pas une question de femmes, c’est une question de droits humains. D’ailleurs la constitution stipule en son article 7 que « les hommes et les femmes sont égaux en droit » En plus, jamais , au grand jamais ne doit la violence être utilisée à leur égard que ce soit au domicile, sur le lieu de travail ou dans l’espace public. C’est ensemble que vous pourrez étape par étape imposer les transformations dont notre pays a tant besoin.
Respect.
3. Ne croyez jamais, mais alors jamais, au mythe de l’Homme providentiel. En démocratie nous n’en avons pas besoin et de toutes façons les cimetières en sont remplis. Croyez plutôt en vos propres forces ce qui implique une auto-éducation continue, des efforts d’organisation, une vision claire de ce que vous voulez accomplir. Ayez des principes intangibles et l’éthique chevillés au corps. Soyez exigeants envers les dirigeants du pays. Exigez l’exemplarité, l’honnêteté, la bonne gouvernance a tous les niveaux et soyez intraitables face a la corruption et au « Wakh Wakhett ».Peut-être que les résultats ne seront pas immédiats mais trouvez toujours le moyen de faire entendre votre mécontentement et votre dégout à chaque fois.
N’hésitez pas à protester (Article 10 de la constitution) à manifester, sans oublier les villes du pays et la diaspora, pour dénoncer les turpitudes du régime. Il faut des campagnes pour amplifier la parole du peuple. Et surtout votez ! Mais votez selon votre conscience et jamais en échange de quelques billets de banque. Soyez conscients toutefois que les élections seules, n’amèneront pas les transformations attendues. Il faut les imposer d’en bas en mobilisant toutes les régions et toutes les villes.
Détermination.
4. Dans le travail soyez persévérants. Il n’y a pas de sots métiers mais ayez toujours l’ambition d’aller plus haut et plus loin. Que vous soyez cultivateur, ouvrier, enseignant, artisan ou jeune fonctionnaire mettez du cœur à l’ouvrage et encouragez vos collègues à faire de même. L’effort et la discipline finissent toujours par payer à condition de ne pas céder à la facilité au fatalisme et au découragement. Au contraire soyez des apprenants toute la vie. Éduquez-vous et faites des espaces de travail des lieux de lutte pour imposer la justice sociale.
Lisez au moins un livre par mois. Formez des clubs de lecture.
5. Si vous souhaitez émigrer (ce qui est votre droit consigné dans l’article 14 de la constitution et qui ne requiert aucune autorisation) privilégiez les destinations africaines. L’Europe et l’Amérique ont entamé leur déclin et notre avenir est dans nous en Afrique. Croyez en notre continent. Il a beaucoup souffert mais il fait preuve d’une résilience qui est le terreau sur lequel vous pourrez bâtir une Afrique juste prospère et unie. Gardons autant que possible nos talents et nos énergies chez nous et surtout faites des efforts d’intégration dans les pays d’accueuil. Développez et nourrissez des réseaux avec les jeunesses des autres pays africains et de la diaspora afro-américaine.
Faites de l’utopie panafricaniste d’hier la réalité de demain.
6. Finalement (ré)écoutez Bob Marley dans Redemption Song : « Emancipate yourselves from mental slavery. None but ourselves can free our minds » (4). Nos esprits ont été colonisés par le grand récit colonial, par l’école et par les médias occidentaux pour nous inculquer un complexe d’infériorité préalable à la perpétuation de l’impérialisme. Des auteurs comme Ivan van Sertima, Cheikh Anta Diop et bien d’autres ont mis a nu cette supercherie. Soyez fiers de notre histoire, de la couleur de notre peau, bannissez le xesaal corporel et mental. Nous n’avons rien à prouver à quiconque sinon qu’à nousmêmes. Nous ne sommes pas des « nègres et des négresses ». Les races n’existent pas comme l’a prouvé l’Unesco voilà bientôt 80 ans et ce malgré les élucubrations de Senghor ! Nous sommes des Africains et incarnons sur notre continent toutes les diversités humaines.
Voilà pourquoi il est si important de commencer par le déboulonnement de Faidherbe pour libérer les esprits de l’emprise néocoloniale. Ce n’est qu’un début
Aux adultes et compagnons de ma génération j’ajouterai ceci : La jeunesse se construit en opposition a l’autorité parentale et sociétale. C’est inéluctable
Les générations montantes sont toujours porteuses de changement et de paradigmes novateurs. Ce qui déclenche bien entendu une contradiction majeure avec une société ou les conservatismes sont légion. Dépasser cette contradiction la transcender est la condition d’avancement des sociétés. Ce qui implique que la jeunesse ne soit pas uniquement considérée comme un potentiel en attente de l’exercice de responsabilités. Transcender la contradiction exige que les jeunes et moins jeunes soient parti prenante dans la conduite des affaires de la cité, sans ségrégation.
Jeunesse sénégalaise, la balle est maintenant dans votre camp.
A vous de relever les défis que nous n’avons pas pu ou su relever.
Et sachez que tant que vous résisterez vous ne serez pas vaincus.
Que Dieu vous bénisse
(1) Peaux Noires Masques Blancs de Frantz Fanon. Préface de Jean Paul Sartre
(2) Abdou Diouf est diplôme de l’ENFOM (École nationale de la France d’Outre-Mer ; École de formation des administrateurs des colonies)
(4). Émancipez-vous de l’esclavage mental. Personne d’autre que nous ne peut libérer nos esprits
Pierre Sané est Secrétaire national du parti socialiste du Sénégal, chargé des relations avec les partis de gauche et mouvements progressiste
BODÉ, LIEUX DE GERMINATION DES IDÉAUX DE LA RÉVOLUTION TOROODO
Patelin situé au cœur du Fuuta, dans le département de Podor, Bodé a vu naître Thierno Souleymane Baal. Cet éminent érudit est le concepteur des percepts de l’almamiyat, nouvelle forme d’Etat instaurée, dans le Fuuta Toro, en 1776
Elhadji Ibrahima Thiam et Oumar Ba, Pape Seydi |
Publication 27/09/2020
C’est un matin calme. Tout le long d’une voie goudronnée circulent peu de véhicules. Des villages apparemment paisibles défilent devant les yeux du visiteur novice, séduit par le cadre bucolique. La voiture roule à vive allure et les tableaux d’indication dévoilent des dénominations de contrées : Ndioum, Gamadji Saré, Dodel…Halte. Bienvenue à Bodé ! Un village situé, administrativement, dans la région de Saint-Louis, département de Podor. Mais, sur le plan historique, sociologique et culturel, on est bien dans le Fuuta.
Au premier abord, le visiteur a l’impression d’aller à l’aventure. Les lieux dégagent un paysage inachevé presqu’inhabité. Seule la mairie, située à l’entrée de la localité, tient debout sur un espace désespérément vide de tout habitat. Devant le bâtiment de la représentation municipale, un homme, en tenue d’Agence de sécurité de proximité, tee-shirt bleu, casquette et pantalon noirs. Après les salutations d’usage et la déclinaison du but de la mission, nous voici édifiés. Il faut parcourir encore un kilomètre avant de voir se dévoiler, à l’horizon, les premières demeures de Bodé.
Le temps est caniculaire. La plupart des habitants sont cloîtrés chez eux. Partout où elle passe, la voiture blanche à bord de laquelle se trouvent des «étrangers masqués» reçoit un curieux et discret coup d’œil. Les concessions ne sont pas espacées. La délimitation des maisons est étroite, s’alignant le long des voies argileuses exigües.
Au centre du village se ploient de gros arbres qui libèrent une précieuse ombre, dans un milieu conquis par une forte chaleur. Moutons, chèvres et bœufs, bien gavés, paissent aux alentours des concessions. L’herbe est abondante, en cette période pluviale. Des poules repues sautillent entre les demeures. Des enfants encore à l’âge de l’insouciance s’adonnent à un jeu de cache-cache. La chaleur de plomb n’enfreint point leur bonne humeur.
Deux minarets imposants trônent fièrement dans la cité. Ici, se côtoient des cases en pisé et quelques maisons construites en dur. Voilà Bodé, lieu de naissance, vers 1720, de Thierno Souleymane Baal, personnage emblématique de l’histoire du Sénégal, de manière générale, plus particulièrement de celle du Fuuta. Il est l’une des figures principales de la révolution foutanké, communément appelée «Révolution toroodo», intervenue en 1776.
Sur indication d’autochtones, nous atterrissons dans la demeure des Dia. Un groupe de jeunes sirotent tranquillement le thé préparé autour d’un fourneau rempli de charbons de bois. Rien que l’évocation du nom de Thierno Souleymane Baal captive toutes les attentions. Pour cause, à Bodé, on est fier de compter parmi ses fils, le leader du mouvement théocratique qui a mis en place, dans la Moyenne vallée, un Etat fondé sur des principes de démocratie, de justice et d’équité. Débarrassant ainsi le Fuuta de la dynastie des Deniyanké dont le pouvoir s’était délité face aux invasions maures.
Thierno Souleymane Baal, le visionnaire
Tout le monde connaît l’histoire de cette «fierté du terroir, un visionnaire sans commune mesure», indique Alassane Dia, la trentaine. Trouvé au milieu de la concession familiale, cet étudiant à Sup de Co, tout comme les autres jeunes autour de la théière, fait montre d’une disponibilité et d’une chaleur dans l’accueil qu’on ne voit que dans les villages. Dia accepte de partager gracieusement avec nous les pans qu’il maîtrise de l’histoire de Souleymane Baal avant de nous conduire dans la demeure familiale du leader de la Révolution Toroodo. Des descendants de l’illustre homme habitent encore la concession. L’accueil est avenant. Des membres de la famille, arrière-petits-enfants de Thierno Souleymane Baal, s’affairent autour d’une marmite au milieu de la cour familiale.
Dans cet immense espace, un lieu est jalousement entouré d’une rangée de briques formant un cercle. L’endroit est dépouillé. Seuls quelques vestiges de mur affaissé témoignent, qu’autrefois, ce lieu fut le centre d’activités humaines, un espace porteur de sens. Il s’agit, selon les explications d’Abou Aliou Djigo, conseiller municipal et proche de la famille, «de l’endroit où Thierno Souleymane Baal enseignait le Coran à ses disciples, appelés ‘’doudal’’ en pulaar».Un de ses descendants, Hamdou Raabi Baal, a repris le flambeau de la vocation enseignante de son prestigieux aïeul. «Quand il revient au village, c’est sur cette même place qu’il regroupe ses disciples le soir pour l’apprentissage du Coran, d’où ces traces de cendres récentes que vous voyez», ajoute Aïssata Djigo, épouse du grand-frère de Hamdou Raabi qui, lui, est devenu un florissant commerçant établi à Aéré Lao, la grande agglomération voisine de Bodé.
Non loin de là, trois canaris d’eau sont superposés. C’est là qu’était autrefois érigée la chambre du saint homme, indique Aliou Djigo. «Il enseignait ici le jour avant d’effectuer son retrait spirituel, la nuit, dans sa chambre», précise-t-il. Pour qui connaît un peu la dimension et l’apport de cet illustre homme, se retrouver dans pareil emplacement procure un sentiment ineffable. «On peut dire que c’est ici qu’il a pensé, prôné, enseigné avant de mettre en place un mode de gouvernance démocratique inédit basé sur la bonne gouvernance, la justice et la liberté», souligne, avec fierté, Alassane Dia.
Aujourd’hui, l’endroit a des allures ordinaires, mais hier, ce fut le lieu de germination des idéaux qui ont conduit à la chute du régime mis en place par Koli Tenguela deux siècles et demi plus tôt. Nous sommes en 1776, lorsque celui qui autrefois avait occupé ces lieux devenus décombres, ruines, débris, invitait les Foutanké à prendre pour chef un imam savant, scrupuleux et honnête. Il conviait ce même peuple, une fois qu’il aura consciencieusement choisi son dirigeant, de révoquer ce dernier sans ménagement s’il s’enrichissait sur son dos. Le trône n’est point héréditaire, leur disait-il. «Elisez un homme de science et d’action de n’importe quelle origine sociale. Ne laissez pas le trône comme monopole d’une même tribu. Que quiconque le mérite devienne votre roi», ainsi parlait et agissait Thierno Souleymane Baal, rappelle Abdou Aliou Djigo.
Devant la charge historique de ce lieu, les ressortissants de Bodé invitent les autorités à l’ériger en «patrimoine classé». Cette invite s’adresse également à tout individu ou bonne volonté qui seraient dans les dispositions de contribuer à l’érection de cet endroit en un lieu symbolique. «Notre appel s’adresse en premier au Président de la République, défenseur du patrimoine et des lieux de culte de l’histoire du Sénégal», insiste Alassane Dia.
Appel pour réhabiliter la mosquée de Bodé
Sous l’ère du premier Almamy du Fouta, Elimane Abdoul Kader Kane(1776-1807), plusieurs mosquées ont vu le jour dans le Fuuta. Les dignitaires de l’époque choisirent, à la suite d’une réunion tenue à Appé Sakhobé, différentes localités pour y ériger les premiers édifices. Dans un premier temps, sept mosquées ont été construites à Orkadiéré, Horéfondé, Mbolo Birane, Seno Palel, Ogo, Kobilo et Fanaye.
Sept années s’écoulèrent et d’autres lieux de culte sont érigés, cette fois-ci à Nabadji Civol, Kanel, Diaba, DoumgaWouro Thierno, Pété, Bodé et Aéré-Lao. D’autres mosquées seront édifiées sous l’almamiyat d’Abdoul Kader Kane. Au total, le nombre varie entre trente et quarante, souligne le Professeur Mamadou Youry Sall, auteur d’ouvrages sur le parcours de Thierno Souleymane Baal, leader de la révolution du Fuuta Toro.
La mosquée de Bodé fait donc partie des premiers lieux de culte édifiés au Sénégal. Des années sont passées, l’édifice tient encore debout. Toutefois, il est frappé par le poids de l’âge. Devant les agressions du temps, ce lieu hautement symbolique requiert quelques travaux de réhabilitation. «Nous lançons un appel à l’ensemble de la Oumma, pour une contribution collective, dans la réhabilitation de cette mosquée située dans la localité d’origine de Thierno Souleymane Baal», lance Mamadou Djigo, conseiller municipal à Bodé et proche de la famille Baal. «C’est avec joie et fierté que nous avons vu l’érection de la moquée Thierno Souleymane Baal de Guédiawaye, mais nous serions plus heureux si la mosquée où priait quotidiennement Thierno Souleymane est réhabilitée », dit-il. En plus d’être un lieu de culte ouvert à tous les musulmans, cette mosquée porte les marques de l’histoire de la propagation de l’Islam au Sénégal.