Le franc CFA devrait être remplacé d'ici 2020 par l'éco. Pour l'instant, le projet concerne huit pays francophones d'Afrique de l'Ouest. Le but, à terme, est d'étendre cette monnaie aux 15 membres de la Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Mais le Nigeria, qui représente 60 à 75% du PIB de la Cédéao, voit cette annonce avec beaucoup de prudence.
Pour le Nigeria, l'abandon du franc CFA n'est qu'un premier pas. « On se détache de la France, les pays anglophones de la Cédéao attendaient ce geste », explique une source diplomatique. « Sur le plan politique, les réticences persistent. Paris reste garant de l'éco, mais avec quelle contrepartie?», s'interroge de son côté l'analyste nigérian Emmanuel Igha.
Abuja, qui gère déjà sa propre devise, le naïra, conditionne la mise en place de l'éco à une discipline budgétaire. La ministre nigériane des Finances, Zainab Shamsuna Ahmed, le répète à chaque réunion : les critères de convergence doivent être respectés. À savoir un déficit budgétaire qui n'excède pas les 3%, une inflation de moins de 10% et une dette inférieure à 70% du PIB. Or à ce stade, seul le Togo répond à ces exigences. « Il est évident que nous ne sommes pas tous prêts, reconnait un responsable ouest-africain. Abuja a l'impression que l'on veut brûler les étapes ».
Bismarck Rewane, consultant et PDG du cabinet Financial Derivatives, résume les enjeux : « Pour nous, l'éco est une transition vers une éventuelle monnaie commune en Afrique de l'Ouest, qui rassemblera les pays anglophones et francophones. D'abord, côté nigérian, il nous faut lever une question : le naïra n'est pas une monnaie convertible. Ensuite, il faut que les critères de convergences soient établis et respectés. Enfin, il faut que les pays francophones soient indépendants du soutien dont ils bénéficient avec la France. En effet, avec ce nouvel accord, Paris conserve un rôle de garant financier. Pour nous, pays anglophones, cela pose une question de gouvernance d'autant que l'éco sera toujours arrimé à l'euro. Mais selon moi, cette garantie ne peut pas durer de manière illimitée. Donc nous sommes dans une période de transition, qui prépare progressivement nos États à une intégration régionale, dans laquelle tous les pays d'Afrique de l'Ouest auront une monnaie unique, basée sur des critères de convergence. Cela va prendre du temps. »
Le Nigeria fait donc preuve de prudence. En témoignent les longues discussions avant d'adhérer à la zone continentale de libre-échange; ou encore, la fermeture de sa frontière terrestre depuis août, pour lutter contre la contrebande. Selon Abdoul Salam Bello, chercheur invité à l'Atlantic Council et auteur de La régionalisation en Afrique, « le Nigeria cherche avant tout à protéger son marché, à diversifier son économie et à s'industrialiser, constate ce spécialiste. Cela l'amène à être réservé sur les questions d'intégration ».
Par Abdou Karim DIARRA
SE FÉLICITER DES ACCORDS D’ABIDJAN
Ne faisons pas la fine bouche parce que personne n’osait penser un jour que la France ne gérerait plus nos réserves de change, ni qu’elle ne siégerait plus dans les instances de gouvernance de l’UEMOA pour y faire le gendarme financier
Rien que la disparition du FCFA, symbole de la dictature coloniale française depuis plus de 75 ans mérite à être magnifiée pour nos dirigeants, mais surtout du coupé décalé pour Alassane Ouattara. Une étape importante vers la souveraineté monétaire a été franchie samedi à Abidjan avec la fin du mécanisme du compte d’opération et le passage prévu à l’Eco pour les huit pays de l’Uemoa. Savourons déjà cela. Le reste attendra.
La France est décapitée. Il reste à l’achever. Cela demande encore du temps et surtout une dose de courage politique qui doit être dicté par un réalisme qui prend cependant en compte l’environnement économique et financier mondial. Comment comprendre certains qui disent qu’avec la garantie de stabilité accordée par la France à l’Eco, rien ne change. Un tel discours ne repose sur rien. Il faut l’honnêteté intellectuelle pour reconnaître quand même qu’il y a eu quelque chose d’inédit dans ce qui s’est passé à Abidjan. Il reste qu’entre ce samedi et ce dimanche, on aura tout entendu surtout venant d’agitateurs, d’économistes dépassés et d’une autre époque jusqu’à prédire l’échec du projet d’intégration de la Cedeao, de pseudo-économistes qui ont pollué les médias pour plus s’exposer que d’expliquer aux 80 millions d’habitants de l’Uemoa la portée historique des accords d’Abidjan du samedi 21 décembre 2019.Le danger énorme, c’est le pessimisme de mauvais aloi de certains intellectuels de notre espace. Tout peindre en noir.
Tout est suspect à leurs yeux. Cela frise de la désinvolture. Ne faisons pas la fine bouche parce que personne n’osait penser un jour que la France ne gérerait plus nos réserves de change au niveau de son Trésor, ni qu’elle ne siégerait plus dans les instances de gouvernance de l’UMOA pour y faire le gendarme financier. Que le franc CFA disparaisse de la circulation, que nos réserves de change ne soient plus logées obligatoirement en France et que des fonctionnaires français ne siègent plus dans nos instances de gouvernance monétaire…
Et après cela, il se trouve des gens pour soutenir encore que rien n’a changé ? Il est vrai que nos chefs d’Etat ont toujours tellement courbé l’échine devant la France, son président et ses ministres que tout ce qu’ils font avec l’ancien colonisateur est forcément suspect. Il n’est qu’à rappeler la fameuse dévaluation du FCFA en 1994 imposée en quelques heures par un petit ministre français de la Coopération du gouvernement Balladur, M. Michel Roussin en l’occurrence, pour se convaincre de cet asservissement. La tutelle française est un facteur de blocage pour l’avènement de la monnaie unique de la CEDEAO. De nombreuses tentatives ont échoué du fait que la France était encore omniprésente dans notre système monétaire. Cela, des pays comme le Nigéria et le Ghana, les têtes de pont du système anglophone, ne pouvaient l’accepter.
L’acte posé ce samedi doit être vu comme un processus bien lancé. Un processus qui rend possible la fusion monétaire avec les autres sept pays de la Cedeao. C’est pourquoi, on ne doit pas cracher dans la soupe en soulevant des futilités qui sonnent comme une cosmétique de représentation. Les enjeux sont importants et, pour une fois, demandent une convergence de toute la société civile, des économistes, et, surtout, de la classe politique pour rendre possible cette grande ambition d’une monnaie commune à toute la CEDEAO. Prenons les acquis déjà obtenus et laissons se dérouler le processus de création de cette future monnaie commune. Un processus qui pourrait faire l’objet de rectifications nécessaires au fur et à mesure. Ne soyons pas nihilistes, en pensant toujours au petit coup fourré de l’homme blanc. Certes, il est vrai que ce dernier n’est pas digne de confiance, mais tout de même quelque chose s’est passé à Abidjan ce samedi 21 décembre 2019. Dégustons donc ce que nos chefs d’Etat ont pu décrocher à Abidjan en attendant….
SORO, LE FUGITIF
Le visage de l’ancien chef rebelle et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne 2020 est à la Une de tous les journaux de son pays. Et rien que le choix des titres indique la passion qui entoure cette personnalité
Le visage de l’ancien chef rebelle et candidat déclaré à la présidentielle ivoirienne 2020 est à la Une de tous les journaux de son pays. Et rien que le choix des titres indique la passion qui entoure cette personnalité. Certains sont strictement factuels. « Un mandat d’arrêt contre Soro » : c’est le choix du Quotidien d’Abidjan ou du journal Le Miroir. L’Intelligent d’Abidjan fait le récit le plus précis possible de son arrivée manquée dans la capitale économique, son avion dérouté vers Accra. Le Matin nous dit qu’il est en fuite vers l’Espagne, qu’Interpol est « à ses trousses ».
Mais il y a aussi des titres qui font davantage figure de commentaires. Le journal Le Rassemblement semble satisfait des derniers événements : « Soro a cherché, Soro a trouvé, enfin ! » Le Temps annonce : « Le président Gbagbo avait prévenu Soro ».
D’autres paraissent beaucoup moins enthousiastes, comme le Nouveau Courrier : « Le régime déclare la guerre à Soro ». « La machination ! », titre Générations Nouvelles. « La guerre des ex-alliés s’intensifie », ajoute Notre Voie.
Crainte pour la paix
Quoi qu’il en soit, le retour au pays de Guillaume Soro est manqué. C’est tout le sens de l’éditorial de l’Observateur Paalga. « Ce devait être le retour triomphal de l’enfant prodige, écrit le quotidien burkinabè. Cela s’est transformé en véritable désillusion. Drôle d’akwaba(bienvenue en baoulé) pour celui qui était, il n’y a pas longtemps, la 2e personnalité de l’État ivoirien.L’ancien patron des Forces nouvelles a passé presque un semestre à l’extérieur, tissant sa toile internationale, échappant de peu à Barcelone en Espagne à une arrestation dans son hôtel ; opération, selon lui, téléguidée depuis Abidjan, avant de déclarer sa candidature, même si c’était devenu un secret de Polichinelle. »
«Le divorce était déjà consommé entre Soro et son mentor ADO, poursuit le journal burkinabè. Avec ce dernier rebondissement, la guerre est maintenant déclarée, et elle sera impitoyable. N’ayant plus rien à perdre politiquement, il faut craindre qu’il ne joue le tout pour le tout pour sa survie politique, sociale et même physique. Malheureusement, quand deux éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit le plus. Il faut donc craindre que la paix ne soit menacée. »
Alliés d’hier, ennemis d’aujourd’hui
La descente aux enfers commence pour Guillaume Soro, estime pour sa part Le Pays. Mais « pour qui connaît sa pugnacité et sa ténacité, il y a lieu de craindre pour la Côte d’Ivoire, tant ce jeune loup aux dents longues est capable de tout. Soro, faut-il le reconnaître, compte de nombreux soutiens qui sont loin d’être des enfants de chœur. En tout cas, à l’allure où vont les choses, la Côte d’Ivoire n’est pas à l’abri d’une nouvelle rébellion. Cela dit, s’il y a quelqu’un qui, actuellement, peut boire son petit lait en voyant ADO et Soro dressés l’un contre l’autre, c’est bien Laurent Gbagbo contre qui les deux hommes s’étaient coalisés pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Comme quoi, en politique, les alliés d’hier peuvent subitement devenir les ennemis d’aujourd’hui et vice versa. »
Par Moustapha Kassé
L’ECO OU LA CONTINUITE DES FONDAMENTAUX DU CFA
Je ne suis pas surpris par l’effacement du CFA et la continuité de ses fondamentaux dans une nouvelle institution monétaire : l’éco.
Je ne suis pas surpris par l’effacement du CFA et la continuité de ses fondamentaux dans une nouvelle institution monétaire : l’éco. Depuis les années 80, dans plusieurs articles et ouvrages toutes mes recherches ce sont focalisées sur l’impérative nécessité des réformes adaptatives, encouragé en cela par le Professeur Samir Amin. Je dois rappeler trois écrits qui, depuis les années 90, jalonnent mes réflexions sur l’impérative nécessité de réformes adaptatives de la Zone Franc en vue de l’organisation d’un Système Monétaire Régional en Afrique de l’Ouest (SMR) comme alternative aux crises permanentes du Système Monétaire International (SMI) et aux défaillances des organisations internationales de régulation (FMI, Banque mondiale, BRI, l’OMC) révélée par l’impertinence de leur épure théorique, la panne d’idéologie, le manque de légitimité, la concurrence d’autres organes de régulation (PNUD, CNUCED etc.). En premier lieu, dans mon ouvrage sur le « Développement par l’intégration » au chapitre 4 relatif à la création d’un système monétaire régional (aux NEA) dans lequel j’avais conduit une évaluation critique de la disparition de la Chambre de compensation de l’Afrique de l’Ouest (CCAO) dont la faillite était évidente du fait de certains facteurs dont les difficultés opérationnelles notamment l’instabilité du taux de change, les mauvaises télécommunications, le retard dans le traitement des transactions, l’accumulation d’arriérés importants payables en devises étrangères, la faiblesse des systèmes de paiements dans certains pays etc.).
En second lieu, nous avons organisé avec le Professeur Hakim Ben HAMMOUDA un Colloque qui a réuni à Ouagadougou, en 2001, plus de 300 chercheurs africains. Les travaux ont été consignés dans l’ouvrage : « L’avenir de la zone franc » (Editions Karthala). Dans la même direction, dans le cadre de l’Union Africaine, le Congrès des Économistes africains a traité, en 2009, à Nairobi de l’unification monétaire en Afrique conformément à la Charte Constitutive de cette organisation panafricaine. En 2009, nous avons assuré la présidence du Comité scientifique d’une recherche collective regroupant les économistes et universitaires de la CEDEAO autour du thème « Sortir du sous-développement, quelles nouvelles pistes pour l’Afrique de l’Ouest ». Cette organisation regroupait les Professeurs Bamba Abdoul GADIRI (Problématique de la convergence), IGUE John Historien (« Le Bénin un État entrepôt ») et G. SEMEDO (« La Zone franc Mécanismes et perspectives ») et des auteurs anglophones (Nigéria, Ghana, Libéria, Cap Vert etc…), un symposium de restitution a été organisé à Ouagadougou en juin 2010, suivi de la publication d’un ouvrage en 3 tomes sur le même titre (Éditions l’Harmattan).
En troisième lieu, nous avons publié en2016 un article de synthèse intitulé : « Perspectives de réformes adaptatives de la zone franc: Pour des ajustements concertés ». Je soulignais en toute lucidité les avantages des fondamentaux du CFA et les réformes qui peuvent être introduites.
I/ QUELS SONT LES APPORTS DU DÉFUNT SYSTÈME.
Dans toutes les mutations, il faut savoir sauvegarder les bonnes règles qui ont induit des progrès certains. La Zone franc a produit des avantages bien connus qui sont au nombre de cinq : la stabilité de la monnaie que recherchent toutes les monnaies du monde ; la convertibilité qui encourage les Investissements Directs étrangers rendus nécessaires par le lourd déficit d’épargne ; l’accroissement des échanges avec l’UE qui est la première puissance commerciale mondiale suite à l’absence de risque de change et de commission; le levier pour l’assainissement des finances publiques et la lutte contre l’inflation ; un espace de solidarité et de coprospérité tiré par les principaux moteurs que sont la Côte d’Ivoire et le Sénégal : les excédents des uns ont toujours comblé le déficit des autres.
Ces avantages ont créé un climat de confiance qui a facilité les Investissements Directs étrangers et ont eu pour conséquence d’abord une croissance économique appréciable des États (que les politiques d’offre du PSE peuvent accroitre), ensuite une faible croissance monétaire et une inflation maitrisée (influe sur le pouvoir d’achat), en outre, une forte surliquidité des banques et enfin un niveau appréciable des réserves extérieures de la Banque Centrale. À cela s’ajoute une rigoureuse discipline monétaire consistant à contenir l’expansion de la liquidité pour éviter les tensions inflationnistes ruineuses ( Cf, Zaïre, Mali, Zimbabwe, etc.).
II/ QUE FAIRE DES RÉSERVES DE LA BCEAO ?
Antérieurement, 50% des avoirs étaient placés auprès du Trésor public français (Compte d’Opération) qui les rémunérait au taux de fiscalité marginal de la Banque Centrale Européenne. Il semblait apparaitre un paradoxe apparent entre des besoins de financement les États et les réserves substantielles, mais brutes de la BCEAO. En réalité, cette question se décompose en deux interrogations, la première est de savoir si effectivement les réserves extérieures de la BCEAO sont excessives par rapport à leurs utilisations et la seconde étant, si tel était le cas, comment tirer profit de l'ampleur de ces réserves.
Le compte d’opération est fermé, mais la question demeure toujours de savoir que va-t-on faire de ces ressources trop fortement fantasmées en ignorance totale avec les utilisations de tels avoirs dans une Banque Centrale ?
Théoriquement, le niveau des réserves de toute Banque centrale est apprécié à partir de ratios clairement établis et qui sont de quatre ordres: (i) le respect d’un ratio des réserves rapportées à la masse monétaire, c’est le taux de couverture de l’émission monétaire dont le niveau dépend des caractéristiques institutionnelles (il est à 60%, 183% au Japon, 53% en Corée et 71% en Thaïlande, ce taux est modifiable); (ii) l’amortissement des risques de change face à la montée en puissance des forces du marché réel ou supposé, les actions individuelles des États seraient inopérantes suite à la spéculation financière), (iii) la couverture des importations la couverture de sept mois d’importation pour l’ensemble des États est modifiable et (iv) les avoirs déposés par le système bancaire caractérisé par sa surliquidité qui relève d’une optimisation des profits en fonction de la nature des crédits. Ces divers ratios conjugués montrent que le volume des réserves extérieures brutes est moins important que les chiffres faramineux avancés dans le débat. À ce montant brut, il faut soustraire le total des utilisations obligatoires, les accumulations d’arriérés extérieurs des États et les dépôts du système bancaire. C’est le surplus disponible qui formait le compte d’opération géré par le Trésor français était rémunéré par un taux de placement supérieur à celui de l’EURIBOR, du LIBOR et à certains taux d’intérêt des obligations émises par les Trésors publics des États membres.
Alors quelle serait l’affection possible des excédents (surplus ou bénéfices)? L’utilisation de ces bénéfices relève du Conseil des Ministres de l’UMOA (art 67 des statuts). J’avais postulé quatre scénarios d’emploi possibles : le premier pourrait être le transfert d’une partie des réserves extérieures restantes de la Banque Centrale aux Trésors publics des États membres. Cela reviendrait tout bonnement à faire des avances directes de la Banque Centrale aux trésors publics. Dans le passé, cette pratique s’était avérée inefficiente, le second serait la répartition des avoirs entre les États de l’Union au prorata de leurs parts respectives, dans ce cas de figure, la Cote d’Ivoire raflerait la mise, suivi du Sénégal? Certains pays auront des parts modestes et même d’autres pourraient ne rien avoir. Le troisième scénario serait l’Émission d’obligations publiques, soit à la diligence des États ou de la Commission de l’UEMOA pour financer le Programme économique Régional (PER) ce qui va consolider la gouvernance et approfondir l’intégration par le développement des infrastructures économiques, les investissements productifs, la promotion des ressources humaines et les innovations et la recherche. Le quatrième cas de figure pourrait être l’affectation d’une partie des ressources excédentaires à la BOAD qui emprunte sur les marchés externes pour prêter aux États membres.
III/ QUELLES MUTATIONS INSTITUTIONNELLES ET DE GOUVERNANCE DE LA BCEAO : QUELLES NOUVELLES MISSIONS POUR UNE BANQUE CENTRALE INDÉPENDANTE.
Selon Dominique PLIHON, « Dans leur histoire, les banques centrales ont rempli plusieurs fonctions (financement des États, stabilité économique et monétaire, etc.), 1) depuis leur création, elles ont dû évoluer pour s’adapter aux transformations de leur environnement ; 2) au cours de la seconde moitié du 20e siècle : deux générations de banquiers centraux « keynésiens » et « monétaristes » ont appliqué les mutations de leur chapelle idéologique et 3) au début du 21e siècle, elles tentent de s’adapter pour faire face à trois défis majeurs : L’instabilité financière, le changement climatique et la transition écologique (économie verte).
La principale mission de la BCEAO, prêteur en dernier ressort, demeure toujours de garantir la stabilité de la monnaie avec de nombreuses règles prudentielles (les règles de Bale) et d’assurer un certain niveau des liquidités pour lutter contre l’inflation comme objectif central (contestée par les partisans du free banking). Depuis la dure crise financière de 2007/2008, les Banques centrales ont de nouvelles missions : booster l’économie, protéger les États par des taux directeurs très bas, injecter plus de liquidités afin d’inciter les banques à accroitre les prêts. Cette mission prend du relief pour notre système bancaire caractérisé par une forte concentration de l’activité sur le court terme, l’absence de différenciation de l’offre bancaire (mêmes types de produits et de services), la présence de plus en plus affirmée de non-banques sur certains segments du marché bancaire (marchés contestables avec entrée et sortie à moindre coût, Pape Diallo, ISF, Financial Afrik). Ce système ne peut guère financer le long terme et sert des taux d’intérêt élevés.
En évaluant la courbe des taux, les rendements à court terme sont supérieurs aux rendements à long terme ce qui signifie que les banques vont arbitrer en faveur des opérations de court terme donc au détriment de l’investissement productif. Seule la BCEAO peut inverser cette évolution pour amener les rendements à long terme à un niveau supérieur à ceux du court terme. Les leviers existent par exemple l'établissement d'une corrélation entre taux directeur et taux d’intérêt, l'exonération des crédits d’investissements lourds de la TOB, la révision à la baisse ou l'élimination même des réserves obligatoires (sous réserve des recommandations de Bale 1,2 et 3). Ces missions sont celles d’une Banque centrale indépendante même s’il est vrai que la souveraineté de la Banque Centrale n’est pas inscrite dans les traditions monétaires francaises. Cette option d’autonomie de la BCEAO est réalisable progressivement par amélioration des organes d’audit, de contrôle interne de gestion et par révision de la réglementation bancaire en supprimant les multiples protections dissuasives. Le Sénégal de par sa stabilité pourrait abriter des «Banques offshore» (le premier Président sénégalais de la Chambre de commerce, Issa DIOP, avait fait la proposition au Président SENGHOR dans les années 70).
EN CONCLUSION
Les réformes à venir de la Zone Franc qui viennent d’être prises notamment le changement d’appellation, la fermeture du compte d’opération, l’éviction des représentants de la France dans les diverses instances monétaires, l’arrimage à l’euro avec une parité fixe constituent des pas importants qu’il faut articuler au projet de création d’une monnaie unique de la CEDEAO. Les autorités politiques font preuve d’un engagement renouvelé pour une mise en œuvre rapide du projet : les institutions chargées de la mise en œuvre redoublent d’effort pour une collaboration accrue; les pays membres sont plus que déterminés à accélérer ou au moins soutenir le processus de mise en œuvre; des progrès même s’ils sont insuffisants ont été faits dans le cadre du Programme de Coopération Monétaire.
En définitive, d'initiative en initiative, cette stratégie tarde à se matérialiser à cause des difficultés d’instaurer des mécanismes de convergence économique et d’harmonisation budgétaire et fiscale. Pourtant, les critères, arrêtés depuis 2000 déjà, ne sont pas très éloignés de ceux en vigueur dans l’UEMOA à savoir : l’inflation devait être réduite à 10% en 2000 puis 5% en 2003, le déficit budgétaire à 5% en 2000 et 4% en 2002, la limite maximale des avances par la Banque centrale à 10% des recettes fiscales de l’année précédente, les réserves de change de trois mois en 2000 et six mois en 2003, la pression fiscale d’au moins 20%, des investissements publics et d’au moins 20% des recettes fiscales et une masse salariale de 30% au maximum des recettes fiscales.
Ces insuffisances et d’autres ont conduit au blocage de la première phase relative à la création de la seconde zone au sein de la CEDEAO, dénommée Zone Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (ZMAO) qui est sensée regrouper des pays à indépendance monétaire, fortement asymétriques (Nigéria, Ghana, Guinée, Sierra Léone, Libéria, Cap-Vert, Gambie). Les reports successifs du lancement de cette Zone ont alimenté le pessimisme quant à la volonté politique des États de la ZMAO d'aller, comme prévu, à la fusion des différents mécanismes monétaires. Si tout cela était réglé, il faudrait finir par définir de nouvelles règles de parité entre toutes les monnaies, de convertibilité et de gestion de la monnaie centrale (KASSE, Pour un Système monétaire régional, 1994). Depuis l’élaboration de la stratégie «d'Approche accélérée de l'intégration» formulée en décembre 1999 à Lomé », les échéances sont toujours ajournées ce qui me fait dire que la monnaie unique de la CEDEAO est un véritable serpent de mer.
Par Professeur Moustapha Kassé,
Doyen honoraire, Membre de l’Académie et Officier des Palmes académiques, Commandeur de l’Ordre du Mérite universitaire
par Abdoulaye Cissé
AUDIO
KAAW MACKY, FAUT NOUS PARLER !
On le savait déjà, pas plus tard que le 03 décembre, que pour toi aussi le CFA était la monnaie la plus stable de la zone CEDEAO. Mais maintenant, on fait quoi ?
Une nouvelle monnaie nommée ECO et 1000 questions, et attend que Kaaw Macky nous explique le nouveau projet.
Mais par par-delà le débat idéologie, interrogeons le discours et la méthode d'enterrement de première classe notre désormais ancienne pauvre monnaie CFA.
La pièce montée Macron-Ado valait bien de payer un ticket au balcon pour apprécier le spectacle.
Abdoulaye Cissé, vous n'en avez pas loupé 1 minute !
En seront pour leur frais ceux qui croiront un seul mot de ce que les deux acteurs, qui se sont présentés à nous dans leur pièce montée du samedi soir, nous ont présenté comme un enterrement de première classe de notre monnaie, le CFA. En réalité un enterrement de vie garçon, de ce Grand gaillard nommé CFA. Le genre de cérémonial qu’on s’offre dans un dernier tour de piste comme pour se donner bonne conscience de changer de statut, tel le maton avec son bâton et qui promet qu’il ne matraque plus.
Foutaise bien sûr !
On peut parier qu’ils ne s’entendaient pas parler. Ni Macron, ni Ouattara !
Sérieux, on va finir par verser notre petite larme pour ce Macron qui apparemment tient vraiment à refaire son image auprès d’une jeunesse africaine, ce Macron qui veut démontrer par A + B qu’il ne nous veut que du bien. C’est finalement lui, le meilleur allié de tous les anti-français, que dis-je dans anti francs CFA. Comme dans la chanson, « les derniers sont les premiers » . . . au front bien sûr !
Avez-vous seulement écouté le président Français révéler à la face de l’Afrique et flanqué du président Ouattara à sa gauche. Je cite Emmanuel Macron : c’est aussi en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme du francs CFA. J’ai entendu les critiques, je vois votre jeunesse qui nous reproche de continuer une relation qu’elle juge postcoloniale. Alors, rompons les amarres », fin de citation.
Sacré Macron, parce qu’après ça la pirouette tentée par le président Ouattara le visage défait par cette suprême humiliation, sa pirouette ne fait pas échos ici. C’était bien tenté quand même je cite Ouattara : « Cette décision historique a été prise en toute souveraineté ». Fin de citation.
Tu parles seulement pour ne rien dire, très cher ADO ! Car, elle est bien brusque cette souveraineté qui n’existait pas le 03 décembre dernier seulement à Dakar où vous avez laissé à ses revendications, cette jeunesse africaine aujourd’hui chantée par Macron jusque dans votre palais. La sentence de Dakar avait refroidi tout le monde en ce que vous nous aviez fait comprendre que les pays de l’union n’étaient pas prêts pour une monnaie commune.
Quelqu’un d’autre disait que le débat sur le franc n’est pas un jeu à somme nulle. C’est pour les mêmes raisons d’ailleurs qu’il ne faut pas penser que, parce que nous ne croyions pas Ouattara, qu’on est alors d’accord avec Macron !
Non, surtout pas, car il n’y a certainement aucune sincérité dans le propos du président Français pour son regard attendrissant à l’endroit de la jeunesse africaine alors que la jeunesse de son pays est en gilet jaune sans qu’il ne daigne l’entendre, le 2éme, le 3éme et le grand âge de son pays, tous ces gens sont en rouge depuis, rejoignant le front de la contestation pour préserver leur pouvoir d’achat se mettre vent debout contre la réforme des régimes de retraites en France sans que Macron ne verse sa larme pour son peuple. Alors, qu’on ne nous trompe pas !
Mais qu’importe les moyens finalement, cette réforme du franc CFA est déjà un pas vers la souveraineté monétaire et donc, bon à prendre.
Le reste est une question de confiance en ceux qui sont chargés de mettre en route la réforme. Et c’est ça le problème : les opinions publiques anti-CFA sont déjà très fâchées avec les dirigeants africains qui avec ce numéro de Macron n’ont pas arrangé leur cas, d’être tout juste des marionnettistes assistant au spectacle de la Baule.
Mais fallait-il attendre l’émergence de nouveaux types de dirigeants sur le continent pour engager la réforme : on aurait encore perdu beaucoup de temps.
La monnaie c’est important, mais ce qui nous concerne directement en tant que goorgoorlou, en pièces et billets de banque en circulation, ça ne représente guère plus que 5% des transactions. Tout le reste est en écriture et en transactions électroniques. C’est dire.
On désespère surtout de lire dans la résolution Macron-Ado pour les 8 que la France prépare déjà la sortie de la sortie du CFA, c’est-à-dire de l’échec de la sortie.
Le processus de sortie est déjà pépié par la France, mais ça c’est la faute des dirigeants que la vieille France a en face d’elle.
Demain, après l’échec de la sortie, Elle dira : vous voyez, ils n’ont pas été capables de conduire seuls leur « monnaie ».
C’est convenu de façon expresse que Si jamais les pays de la zone Eco n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France le fera. Et le cas échéant, Paris se réserve le droit de revenir dans une instance de décision, notamment dans le Conseil politique monétaire. La porte d’entrée du retour quoi.
Djié djié djiééé comme dirait le comédien Michel Gohou : battara-ding, ils nous l’ont encore mis à l’envers !
Salif Keïta a bien interpellé son Koro IBK.
Moi c’est Kaaw Macky que j’ai envie d’interpeller.
Kaaw, c’est comment ?
Mon oncle, Faut nous parler toi aussi !
On le savait déjà pour toi, pas plus tard que le 03 décembre, que pour toi aussi le CFA était la monnaie la plus stable de la zone CEDEAO.
Mais maintenant, on fait quoi ?
K’est-ce qu’on fait, W’est-ce qu’on va Oncle Macky ?
Faut nous parler, Kaaw !
LE CNOSS ÉLARGIT LE CERCLE DE SES PARTENARIATS À LA CHINE
Le Comité national olympique et sportif sénégalais et le comité d’organisation des Jeux paralympiques d’hiver ont décidé de signer ‘’un protocole d’entente’’ en perspective des JOJ prévues en 2022 - COMMUNIQUÉ DE PRESSE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de presse reçu le 23 décembre 2019, du Comité National Olympique et Sportif Sénégalais (CNOSS), suite au récent séjour de son président Mamadou Diagna Ndiaye en Chine pour des partenariats en perpspective des prochains JOJ 2022.
"Dans la poursuite de la même dynamique depuis que le Sénégal a été officiellement désigné par le Comité International Olympique (CIO) en octobre 2018 à Buenos Aires pour l’organisation des Jeux Olympiques de la Jeunesse Dakar 2022, Monsieur Mamadou Diagna Ndiaye, président du Comité National Olympique et Sportif Sénégalais (CNOSS), membre du CIO a effectué une visite de travail à Beijing, du 18 au 20 décembre 2019, visite préparée d’un commun accord avec l’Ambassade de Chine à Dakar.
Le président du CNOSS conduisait une délégation de haut niveau comprenant monsieur Oumar Demba Ba, ministre Conseiller en chargé du Pôle diplomatique au Cabinet du président de la République, spécialement désigné par le chef de l’Etat qui démontre à suffisance toute l’importance accordée aux JOJ. Monsieur Ibrahima Wade, vice-président du CNOSS et Coordonnateur Général du Comité d’Organisation des JOJ Dakar 2022 était également de la délégation.
Naturellement, l’Ambassadeur du Sénégal en République populaire de Chine, S.E.M. Mamadou Ndiaye a pris part à tous les rendez-vous.
Cette visite s’inscrit dans la ligne des excellentes relations qu’entretiennent les présidents Xi Jinping de la République Populaire de Chine et Macky Sall du Sénégal, ainsi que de l’amitié et la fraternité qui lient les peuples chinois et sénégalais.
Durant la mission, la délégation a eu plusieurs audiences avec des officiels chinois, des représentants du monde sportif et des entreprises chinoises.
Avec Monsieur Gou Zhongwen, ministre de l’Administration générale des Sports de Chine, en présence de madame Li Lingwei, membre du CIO, les discussions ont porté sur les perspectives d’appui au CNOSS pour l’organisation des JOJ 2022. Le ministre, particulièrement attentif aux propos du président du CNOSS, s’est engagé à mobiliser l’ensemble des institutions chinoises susceptibles d’être impliquées auprès du Sénégal d’ici à 2022.
Monsieur Yu Zaiqing, vice-président du Comité International Olympique qui a eu un entretien avec la délégation, a fait part de sa grande satisfaction quant aux avancées dans la préparation des JOJ 2022. Il a notamment salué le leadership du président Ndiaye, la visibilité de son pays dans le gouvernement olympique et sa contribution déterminante durant les différentes sessions du CIO et dans la promotion des Valeurs olympiques.
Les échanges avec monsieur Zhang Jiandong, vice-Président du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de Beijing 2022 ont porté sur les axes de coopération entre Beijing 2022 et Dakar 2022. A ce titre, les deux parties ont convenu de signer ultérieurement un Protocole d’Entente.
Les entretiens avec Monsieur Deng Boqing, vice-président de l’Agence chinoise de Coopération internationale pour le Développement (CIDCA), instance chargée de toute la coopération chinoise à l’étranger, ont tourné autour des modalités d’appui de la Chine aux JOJ 2022. Ils ont été poursuivis avec monsieur Wang Weidong, président Directeur Général de China Sports Industry Group Co. Ltd, institution qui sera chargée de mettre en œuvre le partenariat arrêté.
Enfin, monsieur Mamadou Diagna Ndiaye s’est entretenu avec monsieur Wang Xiao, Directeur du Département des Affaires publiques du Groupe Alibaba et toute son équipe, un des sponsors TOP du CIO, pour explorer les partenariats possibles, suite à la dernière rencontre entre Jack Ma, Fondateur d’Alibaba et Thomas Bach, président du CIO. Ce dernier avait fortement encouragé le CNOSS à se rapprocher du Groupe Alibaba pour nouer un partenariat en perspective des JOJ 2022. Monsieur Xiao a rappelé la visite que le président de la République du Sénégal a effectué en septembre 2018 à Hangzhou au siège d’Alibaba.
Au terme d’échanges extrêmement fructueux et emprunts d’ouverture entre les deux délégations, les deux parties ont abouti à ce qui suit.
La partie chinoise s’est engagée auprès du CNOSS dans l’accompagnement financier pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux, et par la mise à disposition d’experts et de metteurs en scène chinois, l’entrainement des jeunes sénégalais à la gymnastique de groupe et à la chorégraphie, l’octroi de matériels pour les spectacles Sons et Lumières.
La partie chinoise s’est également engagée à appuyer le Sénégal par la préparation des jeunes athlètes pour des disciplines choisies, afin d’une mise à niveau élevé de performance à même de garantir des médailles, notamment par leur accueil au sein de centres d’entrainement en Chine, la formation de coaches, et l’octroi d’équipements individuels et collectifs.
Les deux parties ont convenu d’explorer d’autres pistes de collaboration ultérieure.
En marge des rencontres de travail, la délégation a visité plusieurs infrastructures destinées à abriter des activités sportives lors des JO d’hiver de Beijing 2022, à savoir :
le Site d’entrainement des sports d’hiver « Quatre Glaces » ;
le Site national de Patinage de Vitesse « Ruban de Glace », en cours de construction, qui sera le principal centre d’attraction sportive pour les J.O. d’hiver de 2022 ;
le Stade olympique « Le Nid d’oiseau » qui avait accueilli la cérémonie d’ouverture de J.O. de Beijing en 2008.
« Nous sommes très fiers de voir le Sénégal accueillir pour la première fois de l’histoire, les jeux olympiques sur le Continent africain. Nous sommes des amis, nos deux leaders le sont aussi, et le Sénégal peut compter sur notre soutien sans limite pour la réussite totale des JOJ de Dakar en 2022 », a confié monsieur Gou Zhongwen, ministre de l’Administration générale des Sports de Chine, qui a reçu à deux reprises la délégation.
« Les résultats de cette visite ont été à la hauteur de nos attentes et même au-delà. Nous sommes confiants quant à l’organisation de la qualité des Jeux qui seront délivrés par le Sénégal en 2022. Nous avons convenu avec nos amis chinois de collaborer pour des jeux exceptionnels à Dakar en 2022 », a déclaré pour sa part monsieur Mamadou Diagna Ndiaye au terme de la mission.
Pour rappel, la visite de la délégation en Chine fait suite à celle conduite quelques jours auparavant à Dubaï où un protocole d’accord a été paraphé entre le président Ndiaye et la Société PETRODIVE basée à Dubaï, en perspective des JOJ Dakar 2022./."
"LA FIN DU FRANC CFA, CE N'EST PAS ENCORE LA FIN DE LA FRANÇAFRIQUE"
L'écrivain Alain Mabanckou revient sur la suppression du FCFA, en rappelant que ce n'est qu'un pas franchi vers l'indépendance de l'Afrique vis-à-vis de la France : il faut désormais s'attaquer aux relations incestueuses avec les dictatures africaines
France Inter |
Ali Baddou |
Publication 23/12/2019
Alain Mabanckou, écrivain, est l'invité du grand entretien d'Ali Baddou à 8h20. Il revient sur la suppression du Franc CFA, en rappelant que ce n'est qu'un pas franchi vers l'indépendance de l'Afrique vis-à-vis de la France : il faut désormais s'attaquer aux "relations incestueuses" avec les dictatures africaines.
Bientôt, le franc CFA va disparaître dans huit pays d'Afrique de l'Ouest au profit d'une nouvelle monnaie, l'Eco. Une avancée saluée par l'écrivain, auteur de "Dictionnaire enjoué des cultures africaines" : "Il faut prendre la mesure de ce que représente le franc CFA, qui veut dire "le franc des colonies françaises d'Afrique", créé en 1945. Il continuait à donner l'impression que la domination de la France était toujours là."
"Et chaque fois que nous autres Africains faisions des dépenses, on avait presque une sorte d'impôt à payer à la France, puisque le franc CFA était frappé ici, à Clermont-Ferrand ! Comment vouliez-vous qu'on ait une indépendance économique ?"
Pour autant, l'Hexagone continue de "sponsoriser les dictatures" en Afrique Centrale
Si ce changement de monnaie est à saluer, Alain Mabanckou observe que "six autres pays d'Afrique centrale vont certainement continuer à utiliser le franc CFA, alors même qu'on retrouve dans ces six pays les plus grandes dictatures de l'Afrique Centrale, qui restent en relations étroites avec la France. On sponsorise quasiment les dictatures là-bas ! [...] On en est pas encore à dire que c'est la fin de la Françafrique. La vraie question, ce n'est pas le changement de monnaie, c'est de s'attaquer aux relations incestueuses entre la France et les dictatures, les "régimes bananiers" comme on dit."
"J'espère qu'Emmanuel Macron s'attaquera à ce problème"
L'écrivain dit espérer que le président de la République se saisisse de la question : "parce que pour l'instant ce que j'ai vu, c'est que la France a reçu deux présidents qui sont les doyens des dictatures d'Afrique centrale. Donc ça se passe de commentaires." [...] "La génération du président Macron doit être une génération qui décortique tous les problèmes. La monnaie, on en parle : parlons de la dictature. Et parlons de ça clairement."
"Quand on reçoit un dictateur, il faut le dire ! Parce que si vous recevez Sassou N'Guesso et Paul Biya, autant recevoir Kim Jong-Un."
DÉCOLONISATIONS, LA SÉRIE DOCUMENTAIRE ÉVÉNEMENT
À travers les destins uniques de femmes et d’hommes célèbres ou anonymes, d’Afrique ou d’Asie, la série déploie un récit percutant et universel qui éclaire la complexité du monde contemporain
France Culture est partenaire de Décolonisations, la série documentaire événement en 3 épisodes de Karim Miské, Pierre Singaravélou et Marc Ball, avec la voix de Reda Kateb, mardi 7 janvier à 20h50 sur Arte.
Décolonisations raconte 150 ans d’un bouleversement mondial : le renversement des empires par les colonisés. À travers les destins uniques de femmes et d’hommes célèbres ou anonymes, d’Afrique ou d’Asie, la série déploie un récit percutant et universel qui éclaire la complexité du monde contemporain.
Episode 1. L’apprentissage
De la révolte des Cipayes de 1857 à l’étonnante République du Rif, mise sur pied de 1921 à 1926 par Abdelkrim el-Khattabi avant d’être écrasée par la France, ce premier épisode montre que la résistance, autrement dit la décolonisation, a débuté avec la conquête. Il rappelle comment, en 1885, les puissances européennes se partagent l’Afrique à la conférence de Berlin, comment les Allemands commettent le premier génocide du XXe siècle en Namibie, rivalisant même avec les horreurs accomplies sous la houlette du roi belge Léopold II au Congo. Il retrace aussi les parcours de l’anthropologue haïtien Anténor Firmin, de la Kényane Mary Nyanjiru, de la missionnaire anglaise Alice Seeley Harris ou de Lamine Senghor, jeune tirailleur sénégalais devenu communiste et anticolonialiste.
Episode 2. La libération
Ce deuxième épisode, de 1927 à 1954, est celui de l’affrontement. Que ce soit à travers la plume de l’Algérien Kateb Yacine, qui découvre à 15 ans, en 1945, lors du massacre de Sétif, que la devise républicaine française, tout juste rétablie, ne vaut pas pour tout le monde, ou celle de la poétesse Sarojini Naidu, proche de Gandhi, qui verra en 1947, dans le bain de sang de la Partition de l’Inde, se briser son rêve de fraternité, un vent de résistance se lève, qui aboutira dans les années 1960 à l’indépendance de presque toutes les colonies. Mais à quel prix ? Cet épisode suit aussi les combats de l’insaisissable agent du Komintern Nguyen Ai Quoc, alias Ho-chi Minh, futur vainqueur de Dien Bien Phu, ou celui de Wambui Waiyaki, intrépide jeune recrue des Mau Mau.
Episode 3. Le monde est à nous
Des indépendances à l’ère de la postcolonie, ce troisième épisode, de 1956 à 2013, s’ouvre avec les mots du psychiatre antillais Frantz Fanon (Peau noire, masques blancs, 1952), qui rejoint les maquis du FLN en Algérie. Il se poursuit dans l’Inde d’Indira Gandhi, qui se dote de la bombe atomique, dans le Congo sous influence de Mobutu ou dans le quartier d’immigration londonien de Southall, secoué en 1979 par une révolte, pour s’achever avec l’essor d’un cinéma 100 % nigérian dans les années 1990 et la victoire juridique des derniers Mau Mau face au gouvernement britannique.
par Nioxor Tine
UN DIALOGUE NATIONAL À L’OMBRE DES BAÏONNETTES
Il est illusoire de vouloir tenir un dialogue national fructueux, tout en refusant de respecter les droits de l’homme, particulièrement le droit constitutionnel de marche et en procédant à des arrestations massives de manifestants pacifiques
Des esprits naïfs pensaient, qu’après avoir prolongé, le 24 février dernier, leur gouvernance calamiteuse, les autorités politiques de notre pays allaient faire amende honorable, rompre d’avec leur démarche despotique et leur propension pathologique à la tromperie et au reniement.
Dans un passé plus ou moins récent, d’autres politiciens, bien qu’ayant conduit des politiques tout aussi désastreuses que celle en cours, avaient su, à un moment donné, faire preuve d’une certaine hauteur (démission de Senghor, code consensuel de 1992), pour éviter à notre pays des convulsions dommageables à sa stabilité.
Malheureusement, dix mois après avoir entamé son second et dernier mandat, le président de l’APR, pose des actes préoccupants, qui ont fini d’installer le désenchantement (yakaar bu tass) au niveau de nos chaumières sénégalaises.
Une des meilleures illustrations en est la récente hausse du prix de l’électricité, qui constitue un révélateur des graves dysfonctionnements de la gouvernance du pouvoir actuel et plus particulièrement des mensonges des autorités en charge de l’énergie.
Profitant de la baisse du prix du baril de pétrole au niveau international, qui avait atteint les sommets, dans les années 2011-2012, le gouvernement actuel a réussi à améliorer sensiblement la distribution de l’énergie électrique. Il a, alors, tôt fait de mettre cette embellie au crédit du directeur sortant de la Senelec et du régime APR, même s’il faut reconnaître leurs efforts encore insuffisants dans leur stratégie du mix énergétique avec l’inauguration de centrales solaires à Santhiou-Mékhé, Bokhol, Malicounda et Ten Marina...
Ce renchérissement du coût de l’électricité survient dans un contexte où l’État APR rencontre des difficultés croissantes à satisfaire la demande sociale, lui qui a toujours prétendu placer son premier mandat sous le sceau des réalisations sociales et de l’équité. Mais les arrière-pensées électoralistes, les dépenses de prestige et la désastreuse gouvernance financière ont fini par mettre à mal les finances publiques, entrainant des tensions de trésorerie, que le ministre des finances refuse obstinément de reconnaître.
Cette situation financière catastrophique se répercute au niveau des secteurs sociaux comme l’Éducation, avec l’incapacité de l’État à honorer les factures dues aux écoles privées d’enseignement supérieur et à caser les nouveaux bacheliers dans des établissements publics saturés depuis belle lurette.
Les syndicats de fonctionnaires (agents de santé et enseignants), déçus par le non-respect des promesses gouvernementales, sont presque tous sur le pied de guerre. Quant à la promesse d’augmentation de salaires dans le secteur privé, au moment où certaines entreprises ont du mal à payer les salaires mensuels de leurs employés, elle ressemble, à s’y méprendre à un effet d’annonce et semble plutôt destinée à désamorcer une bombe sociale en gestation.
De plus, après le moratoire accordé au président-candidat, durant la période électorale pour le gel de toutes les subventions à caractère social, l’heure est venue d’appliquer la vérité des prix telle que préconisée par les officines financières internationales.
De fait, on observe, depuis la fin des élections, des agressions répétées contre le pouvoir d’achat des masses populaires, la dernière en date étant la hausse du prix de l’électricité survenant après celles du ciment, du carburant...etc.
C’est ce qui justifie cet appel au dialogue national, qui offre au pouvoir l’occasion de s’atteler aux vastes chantiers qui l’attendent, pour rendre à notre pays sa réputation de vitrine démocratique en Afrique subsaharienne.
Malheureusement, cette concertation nationale, qui est loin de faire l’unanimité au sein de l’opposition semble être dans l’impasse.
En témoigne, en premier lieu, le retard de la prise de fonction du président du comité de pilotage du dialogue national, annoncée pour le 26 décembre prochain, presque six mois après sa nomination par décret présidentiel, en date du 05 juillet dernier.
Il y a aussi, paradoxalement, la prédominance de fait du dialogue dit politique portant sur le processus électoral qui, lui avait démarré très rapidement, juste après le lancement, en grandes pompes, du dialogue national, le 28 mai 2019. Il se poursuit encore, avec comme seul résultat tangible, pour le moment, le report illégal, de la date des élections locales en 2021.
Il s’avère, donc, de plus en plus, que le dialogue politique remplit une double fonction de diversion de l’opposition et de neutralisation de ses velléités protestataires.
Si la classe politique traditionnelle semble se complaire dans des conciliabules interminables autour du processus électoral, la détérioration progressive de la situation économique pousse les acteurs socio-politiques inéluctablement vers la confrontation.
C’est ce qui explique le succès retentissant de la marche du 13 décembre dernier, qui marque un tournant dans les luttes sociopolitiques depuis la survenue de la deuxième alternance de 2012.
Elle projette également, au-devant de la scène, la jeunesse patriotique, particulièrement les activistes de FRAPP et ceux du mouvement Y’EN A MARRE, qui s’efforcent d’élargir le mouvement social en direction d’autres forces comme les partis et les syndicats.
Au-delà des actes de bravoure et d’héroïsme individuel, il faudra davantage privilégier un travail patient d’édification d’un puissant mouvement vers une véritable alternative populaire.
Mais il est important que le gouvernement comprenne qu’il est illusoire de vouloir tenir un dialogue national fructueux, tout en refusant de respecter les droits de l’homme, particulièrement le droit constitutionnel de marche et en procédant à des arrestations massives de manifestants pacifiques.
PAR Ndongo Samba Sylla
DU FRANC CFA À L’ECO CFA : CHANGER LES SYMBOLES, MAINTENIR LE SYSTÈME ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Si la France voulait « rompre les amarres », elle aurait pu abolir l’accord de coopération monétaire qui la lie aux pays de l’UEMOA - Macron et Ouattara n’étaient pas les personnes les plus indiquées pour annoncer "la fin du franc CFA"
Après avoir soutenu à Ouagadougou en novembre 2017 que le franc CFA était une « monnaie africaine » et donc un « non-sujet » pour la France, le président Emmanuel Macron est récemment revenu à la réalité sous la pression de mouvements panafricanistes soucieux de voir l’Afrique francophone couper les liens coloniaux avec l’ancienne métropole. Macron a décidé souverainement d’apporter des réformes à la dernière monnaie coloniale qui circule encore sur le continent africain. « C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme », a-t-il déclaré à Abidjan, le 21 décembre 2019, avec à ses côtés le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara.
Premièrement, le nom franc CFA, qui porte l’empreinte de ses origines coloniales (« franc des colonies françaises d’Afrique »), va être rebaptisé « ECO », apparemment dès juillet 2020 pour les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Deuxièmement, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) n’aura plus l’obligation de déposer auprès du Trésor français la moitié de ses réserves de change. Troisièmement, le gouvernement français ne sera plus représenté dans les instances de la BCEAO. Telles sont les annonces du duo Macron-Ouattara.
Des réformes symboliques de nature populiste
Au cours des décennies passées, la logique des réformes du franc CFA a toujours été de rendre moins visible la tutelle monétaire française. Au début des années 1970, la France, acculée par une forte demande de décolonisation monétaire, acceptait le transfert à Dakar et à Yaoundé des sièges des banques centrales et l’africanisation de leur personnel. Malgré cette « africanisation » des institutions de la zone franc, elle gardait le contrôle du système puisque ses représentants disposaient d’un droit de veto statutaire dans les instances de la BCEAO et de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) et qu’elle contrôlait au moins 65% des réserves de change de ces dernières, lesquelles étaient déposées sur un compte spécial ouvert dans les livres du Trésor français, le compte d’opérations.
Dans les années 2000, le taux de dépôt obligatoire des réserves extérieures a été abaissé à 50 %. Les banques centrales de la zone franc sont devenues statutairement indépendantes vis-à-vis de leurs États membres. Mais elles restent sous le contrôle du Trésor français, dont la réduction du nombre de représentants a été « rééquilibrée » par le verrouillage de leurs statuts. Jusqu’à présent, aucune décision de nature statutaire ne peut être prise par la BCEAO et la BEAC sans le consentement du gouvernement français.
Les réformes annoncées par Macron ne dérogent pas à cette logique historique. La fermeture du compte d’opérations et le retrait du gouvernement français des instances de la BCEAO reviennent à passer d’un système de contrôle direct à une forme de contrôle indirect. La politique monétaire et de change en tant que telle n’est pas affectée par ces évolutions. Du moment que la parité fixe avec l’euro est maintenue, les réserves de change, quels que soient la forme ou le lieu où elles sont détenues, serviront d’abord et avant tout à la défense de cette parité. Ces réformes ne rendent donc pas la BCEAO plus autonome : elle demeure une annexe de la Banque de France, rivée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
Soulignons que l’absence d’obligation de dépôt des réserves de change au Trésor français n’implique pas nécessairement une rupture des relations financières entre ce dernier et la BCEAO. Dans le cas de la BEAC, la quotité non-obligatoire des réserves de change a souvent été investie dans des obligations du Trésor français.
Si la France voulait vraiment « rompre les amarres », selon les mots de Macron, et mettre fin au franc CFA, elle aurait pu simplement abolir l’accord de coopération monétaire qui la lie aux pays de l’UEMOA. Mais elle a choisi de le renouveler et de maintenir son rôle de « garant ». Ce qui implique qu’elle reste de facto souveraine sur la gestion du franc CFA renommé ECO. Il s’ensuit également que les pays de l’UEMOA demeurent toujours sous la tutelle indirecte des autorités de l’Eurozone étant donné qu’elles encadrent la « garantie » de convertibilité supposément apportée par la France.
Que signifie cette « garantie » ? La France promet de jouer le rôle du Fonds monétaire international (FMI) auprès des pays qui utilisent le franc CFA en leur fournissant des liquidités en cas de problèmes de paiements extérieurs. Plus précisément, à chaque fois que la BCEAO se trouve dans une situation de zéro réserve de change, le Trésor français s’engage à lui prêter les montants souhaités en monnaie française (autrefois le franc français, aujourd’hui l’euro).
Or, le fonctionnement de la BCEAO (et de la BEAC) est paramétré pour que cette situation arrive le plus rarement possible, voire jamais. Dès que ses réserves de change atteignent un niveau critique, elle prend des mesures restrictives – limiter les possibilités de financement des économies de la zone – pour reconstituer ses avoirs extérieurs. Grâce à ce mode de gestion la garantie a été rarement activée pour les pays de l’UEMOA entre 1960 et aujourd’hui. La France a honoré sa promesse de « garantie » uniquement pendant la période 1980-1993. Elle l’avait fait pour permettre aux entreprises françaises, qui anticipaient une dévaluation du franc CFA, de rapatrier leurs capitaux et leurs revenus. Selon la BCEAO, la « garantie » française portait à cette époque sur un montant annuel de 32 milliards de francs CFA, un chiffre relativement dérisoire comparé à une fuite de capitaux estimée dans la zone franc à 750 milliards de FCFA pour les seules années 1988-1989. Doit-on s’étonner de voir qu’il est systématiquement inscrit le montant « zéro » dans la loi de finances française au titre de la « garantie » de convertibilité ? Dans un document publié en 2018, intitulé « Gestion des réserves internationales de la CEMAC », le FMI notait qu’il « existe des incertitudes quant à la capacité du Trésor français, qui lui-même doit respecter les règles plus larges de la zone euro, à offrir ce type de garantie à grande échelle pour une période indéfinie. » Dans ces conditions, comment la France, qui ne parvient pas à respecter ses engagements budgétaires au niveau européen, pourrait-elle se porter « garante » ? Quand les pays africains ont des difficultés économiques, comme c’est actuellement le cas dans la zone CEMAC, c’est le FMI qui est appelé à la rescousse par Paris pour imposer des politiques d’austérité, lesquelles produisent toujours et partout les mêmes résultats : misère et désolation.
Quand le ministre français des Finances, Bruno le Maire prétend que la « garantie » française permet aux pays de l’UEMOA d’avoir la certitude de pouvoir toujours financer leurs importations, il montre nolens volens son manque de considération pour l’intelligence collective des peuples et des économistes africains. Le désir de maintenir un lien formel sur le plan monétaire – et donc de garantir les intérêts économiques français – pouvait se passer d’une justification aussi paternaliste que malhonnête.
Pourquoi 14 pays rassemblant une population de plus de 160 millions auraient-ils besoin de la France pour leurs paiements extérieurs là où un petit pays comme la Gambie bat sa propre monnaie nationale sans solliciter la « garantie » d’aucune puissance extérieure ? Le concept de « garantie » de convertibilité employé par les officiels français et les partisans de la relique coloniale est d’autant plus absurde que nous vivons depuis les années 1970 une ère post-Etalon or, où la monnaie émise par les États est de nature essentiellement fiduciaire. Visiblement, la France et les thuriféraires du franc CFA ont toujours du mal à sortir du paradigme monétaire du 19e siècle, le siècle colonial par excellence !
Court-circuiter la CEDEAO
Les réformes envisagées par Macron s’attaquent seulement à certains aspects visibles de la colonialité du franc CFA devenus particulièrement embarrassants pour la France. Elles ne constituent pas une base crédible pour parler de la fin du franc CFA. Tant qu’il existera un lien formel de subordination monétaire, tant que le franc CFA/ECO sera arrimé fixement à l’euro et tant que la Banque de France continuera de détenir 90 % du stock d’or monétaire de la BCEAO, le colonialisme monétaire aura encore de beaux jours devant lui.
Ce serait cependant faire une erreur d’analyse que de croire que les motivations du président Macron sont exclusivement populistes. Ses réformes ont également pour objectif de court-circuiter le projet d’intégration monétaire tel qu’il a été conçu jusque-là dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Les 15 pays de la CEDEAO, y compris les huit qui utilisent le franc CFA, avaient choisi le nom ECO pour leur future monnaie unique et s’étaient mis d’accord pour l’adosser à un panier de devises. Avant de pouvoir adopter l’ECO, ils étaient chacun tenus de remplir un certain nombre de critères d’entrée (les « critères de convergence »). Or, d’après une déclaration récente de Zainab Ahmed, la ministre nigériane des Finances, aucun pays de la CEDEAO n’était qualifiable pour l’ECO en 2020, à l’exception du Togo, un pays qui à l’évidence n’a pas la taille suffisante pour porter seul ce projet.
Au moment même où Macron, en présence de Ouattara, annonçait ses réformes, les chefs d’État de la CEDEAO étaient en train de clore une réunion à Abuja, où ils étaient censés se prononcer sur l’avenir du projet de monnaie unique régionale. Le communiqué final de la CEDEAO a dû se résoudre à accepter le fait accompli : « Cette réforme de la zone monétaire de l’UMOA facilitera son intégration dans la future zone monétaire de la CEDEAO (ECO) », peut-on lire.
En s’appropriant indûment le nom ECO sans remplir les critères d’entrée de la zone éponyme, Macron et les pays de l’UEMOA, avec Ouattara à leur tête, signifient clairement qu’ils se moquent de l’intégration monétaire telle qu’elle était envisagée dans le cadre de la CEDEAO. Á Abidjan, Macron a appelé nommément quasiment tous les pays ouest-africains n’utilisant pas le franc CFA à rejoindre l’UEMOA, à l’exception du Nigéria et du Ghana. Le message est clair : il s’agit d’isoler le géant nigérian voire le Ghana. Ce projet n’est pas nouveau. On le trouve dans un rapport sur la zone franc de l’ex-ministre français Dominique Strauss-Kahn, publié en 2018. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire et le Sénégal s’étaient déjà alliés à la France pour faire capoter un projet de réforme monétaire porté par le président du Niger, Hamani Diori, et qui devait renforcer la coopération monétaire entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Près de cinquante ans plus tard, rien n’a visiblement changé.
Soulignons au passage que le travail de sabotage de la Côte d’Ivoire ne se limite pas au domaine monétaire. En ratifiant, en 2016, un accord de libre-échange intérimaire avec l’Union européenne alors que la CEDEAO évolue déjà dans le cadre d’une union douanière, elle a mis également en péril l’intégration commerciale régionale.
Le « kidnapping » de l’ECO par la France et les pays de l’UEMOA a au moins un « mérite » : celui d’avoir mis fin à l’ajournement récurrent du lancement de la monnaie unique de la CEDEAO. La passivité des chefs d’État de la CEDEAO face à ce détournement d’objectif est sans doute une conséquence logique au fait qu’ils n’ont jamais pris la peine d’associer leurs peuples à la discussion sur l’ECO et de leur tenir un discours de vérité. Ils ont toujours prétendu que l’ECO – une copie grossière de l’Euro qui pose des problèmes similaires au franc CFA en tant que monnaie unique – était faisable et qu’ils déployaient les meilleurs efforts du monde pour son lancement, alors qu’ils devaient savoir que la méthodologie des critères de convergence, importée de l’Union européenne, était la meilleure manière de perpétuer l’immobilisme monétaire. Macron et Ouattara, ayant compris l’impasse de l’ECO version CEDEAO, ont profité de la situation. Et, même si cela est triste pour les supporters de l’ECO version CEDEAO, le couple franco-ivoirien a en partie rendu service aux chefs d’État de la CEDEAO qui devaient logiquement annoncer un nouveau report du lancement de l’ECO. Au moins, certains pourront avoir l’illusion/l’espoir que les choses « avancent » dans la bonne direction, pour une fois.
Dans la mesure où les pays de l’UEMOA ont adopté l’ECO sans satisfaire les critères d’entrée requis, quel sens y aura-t-il à exiger des sept autres pays de la CEDEAO qu’ils les respectent afin de faire partie de la zone monétaire ECO ? Difficile d’envisager présentement comment le projet de monnaie unique CEDEAO pourra se relever de ce coup de massue. Au revoir le franc CFA, vive l’ECO CFA ! Sans doute qu’une telle prouesse incitera le gouvernement français à considérer avec bienveillance d’éventuelles ambitions de troisième mandat de certains actuels dirigeants des pays de l’UEMOA.
La lutte continue
Les réformes de Macron n’apporteront aucun changement significatif à la conduite de la politique économique et à la situation matérielle des populations. Il est cependant ironique que des réformes à la portée essentiellement symbolique aient échoué justement sur le plan des symboles. Car Macron et Ouattara n’étaient pas les personnes les plus indiquées pour annoncer « la fin du franc CFA ». L’annonce aurait eu plus de crédibilité si elle était venue, par exemple, des chefs d’État de la CEDEAO et, éventuellement, si elle avait eu l’onction des peuples. Voir le président de l’ancienne métropole coloniale « décider » de la fin d’une relique coloniale lors d’une revue des troupes françaises stationnées en Côte d’Ivoire n’est pas la manière la plus convaincante de décréter une nouvelle mort de la résiliente « Françafrique ».
Ceci étant dit, les nombreux mouvements panafricanistes, intellectuels, économistes, citoyens ordinaires qui se battent pour une seconde indépendance de l’Afrique peuvent savourer une petite victoire. Ces réformes symboliques sont des concessions qu’il faut apprécier à leur juste mesure. La forteresse CFA commence à vaciller. Une bataille vient d’être gagnée. D’autres devront être menées.
Sur le plan économique et monétaire, il faudra viser à doter le continent de monnaies souveraines qui garantissent son indépendance financière. Au-delà de la nécessité de récupérer leur souveraineté monétaire formelle vis-à-vis du gouvernement français et du FMI, les pays africains devront également procéder à des réformes en profondeur du secteur bancaire et financier, lequel conserve son fonctionnement colonial malgré le recul des banques françaises. Ils devront mettre en place des banques centrales « agents de développement », avec lesquelles ils travailleront étroitement pour faciliter le financement des économies, les projets d’industrialisation, la création d’emplois et la transformation écologique. Ils devront essayer d’éviter de s’endetter en monnaie étrangère en misant au maximum sur la mobilisation des ressources domestiques. Ce qui suppose de rompre avec l’attitude qui consiste à organiser toute la politique économique autour de la nécessité d’attirer des « financements extérieurs ». Bien entendu, tout ceci ne sera possible sans une mobilisation permanente des peuples pour exiger des « représentants »/« élus » qu’ils garantissent un cadre politique plus égalitaire.
Nous aurions tort de nous arrêter aux symboles et à la seule réforme monétaire.
Ndongo Samba Sylla a coécrit un livre sur le franc CFA avec Fanny Pigeaud : L’Arme invisible de la Françafrique, une histoire du franc CFA, La Découverte, 2018.