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24 avril 2025
Développement
HCCT, UNE CHAMBRE EN QUÊTE DE RÉFORMES
Les contempteurs de cette institution la trouvent « inutile et budgétivore ». Pour autant, le Hcct semble joué un rôle majeur en ce qui concerne la démocratie locale en remettant des rapports, des avis, des études et des recommandations au chef de l’Etat
Beaucoup de voix, notamment dans l’opposition, se sont élevées pour réclamer la dissolution du Haut conseil pour les collectivités territoriales (Hcct). Les contempteurs de cette institution la trouvent « inutile et budgétivore ». Pour autant, le Hcct semble joué un rôle majeur en ce qui concerne la démocratie locale en remettant des rapports, des avis, des études et des recommandations au chef de l’Etat. Ces hauts conseillers prouvent ainsi toute la pertinence de leur mission même s’ils souhaitent que le statut de cette institution soit revu.
Inutile et budgétivore. Ce sont les deux qualificatifs utilisés par ceux-là qui ne veulent plus du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) et souhaitent simplement qu’il soit dissout. Les partisans d’une telle posture, notamment les opposants de l’intercoalition Yewwi-wallu l’ont ouvertement dit dernièrement. Allant même jusqu’à boycotter l’élection des hauts conseillers devant se tenir ce 4 septembre sur l’ensemble des départements du pays. Seulement, Me Ousmane Sèye, vice-présidente de ladite institution ne partage pas leur avis. Selon lui, ces contempteurs du Hcct ne sont pas bien inspirés ou sont simplement des mal intentionnés. « Tout cela rentre dans le cadre d’une tentative de discrédit de certaines institutions de l’Etat par une certaine opposition. De la même manière qu’on a essayé de discrédit la justice, l’action du président de la République, il y a une certaine opposition qui fonde sa politique et son programme sur le discrédit des institutions », explique Me Sèye rappelant que le Hcct n’est pas la première institution créée par un régime donné. D’ailleurs, il signale qu’aucun régime ne peut être installé sans créer une institution qui encadre la décentralisation. Il explique que sous le régime socialiste de Abdou Diouf, le Conseil de la République avait été créé. Abdoulaye Wade va le maintenir avant de créer le Sénat. Mais Macky Sall a opté pour le Hcct.
Dans la même lancée, Pr Mouhamadou Mawloud Diakhaté, conseiller de la présidente du Hcct et responsable des pôles territoires estime que c’est peut-être par méconnaissance du rôle de cette institution que ces critiques sont formulées. « Ceux qui ont pris la parole pour se prononcer sur l’utilité ou pas du Hcct auraient dû au préalable se renseigner, documenter leur avis pour être crédibles. Parce que ce qu’ils ont avancé est totalement faux. Il faut qu’ils sachent que la mission du Haut Conseil est fixée par la Constitution », soutient M. Diakhaté. Selon lui, il y a un nouveau paradigme en matière de décentralisation. Celui-ci est basé sur l’Acte 3 et le Pnadt avec la création de territoires compétitifs et porteurs de développement durable. « Cela passe obligatoirement par une institution, un organe qui est l’interface entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux. Donc le Hcct joue le rôle d’une courroie de transmission. Parce que sa compétence c’est d’approfondir la décentralisation, mais aussi l’aménagement du territoire et le développement territorial », explique le professeur Diakhaté.
Le haut conseiller n’a pas droit à la retraite
D’ailleurs, depuis sa création, cette institution a fait bouger les lignes sur bien des questions. Notamment en faisant le plaidoyer sur l’équité territoriale en permettant, entre autres, aux communes rurales de bénéficier du Pacasen (Programme d’appui aux communes et agglomérations du Sénégal). De même, les hauts conseillers ont permis de revaloriser le statut chef de village qui est le premier maillon du pouvoir décentralisé. D’autres actions ont été menées par les hauts conseillers comme la création de la valise de l’élu sans compter le plaidoyer fait sur la Fonction publique locale.
Malgré toutes ces réalisations, le Hcct est vu comme une institution qui consomme trop de moyens. Aussi bien financiers que matériels. Une idée réfutée par le Pr Mouhamadou Mawloud Diakhaté. Selon lui, le Haut conseil vit avec des « conditions spartiates » et contrairement à ce que les gens disent, ce n’est pas un lieu où l’on se régale et se partage des cadeaux. « Si le budget du Sénégal est l’équivalent de 10 000 Fcfa, le Hcct a consommé 30 Fcfa sur ces 10 000 Fcfa. En consommant 30 Fcfa, le Hcct créé plus de 250 emplois dont les chauffeurs qui sont pris en charge par les Hauts conseillers », explique Pr Diakhaté. Il s’y ajoute, selon lui, qu’un haut conseiller n’a pas de salaire, mais dispose d’indemnités mensuelles de session. « Ensuite, il faut rappeler que le haut conseiller n’a pas droit à la retraite. Même s’il effectue plusieurs mandats, ce n’est pas comme à l’Assemblée nationale. Il s’y ajoute que le haut conseiller ne dispose pas de prise en charge médicale. Il se soigne à ses frais lui et sa famille et plus de la moitié des hauts conseillers qui proviennent des régions louent un appartement et à ses frais. Le Hctt ne dispose pas d’hôtel », soutient Pr Mouhamadou Mawloud Diakhaté.
LA MAISON NORMANDE DE SENGHOR OUVERTE AU PUBLIC
L'ex-demeure normande de l'ancien président du Sénégal va être ouverte au public pour la première fois, à l'occasion des journées du patrimoine, a indiqué mercredi la mairie de Verson (Calvados)
L'ex-demeure normande de l'ancien président du Sénégal Léopold Sédar Senghor va être ouverte au public pour la première fois, à l'occasion des journées du patrimoine, a indiqué mercredi la mairie de Verson (Calvados).
"C'est une première mondiale. La succession a pris deux ans et demi mais ça se termine bien: nous sommes propriétaires depuis le 7 juillet du parc, de la maison, du mobilier" et de 25 m3 environ d'archives écrites, conformément aux volontés de Colette Senghor, la seconde épouse de l'homme politique, a dit à l'AFP Marie-Hélène Brioul, adjointe au maire de la commune de 3.500 habitants à 8 km de Caen.
Dans son testament, l'ancienne première dame du Sénégal, dont la famille est d'origine normande, demande "que cette maison du poète soit un lieu vivant accessible au public", selon la mairie de Verson.
A partir de 1957, le couple passa tous ses étés à Verson, avant de s’y installer durablement au début des années 1980, selon la mairie. Le poète-académicien y mourut en 2001 et sa muse, Colette Senghor, en 2019.
Pour les journées du patrimoine les 17 et 18 septembre, des visites guidées de la maison de pierres blanches aux nombreuses fenêtres seront proposées au public qui aura également accès à son grand parc arboré.
La demeure, aux volets et portail aujourd'hui défraîchis, sera nettoyée, précise Mme Brioul. Des travaux sont envisagés mais dans un second temps.
La Fondation du Patrimoine a effectué un diagnostic sanitaire de la maison et du parc et "l’état sanitaire général est bon", avait indiqué le conseil régional en 2021.
Dans la maison se trouvent "quelques cahiers", du poète, selon Mme Brioul.
Mais la plupart des archives dont Verson a hérité ne peuvent pas encore être présentées au public. Conservés dans un hangar à Bretteville-sur-Odon, entre Verson et Caen, les documents doivent encore faire l'objet d'un inventaire précis.
On y trouve notamment des courriers avec d'autres chefs d'Etat, selon Mme Brioul mais il se peut qu'on y découvre aussi des documents "qui concerne "l’académicien, le poète".
"On est beaucoup sollicités par des chercheurs" qui s'intéressent au "contexte dans lequel il a écrit, les premiers jets d’une élégie pour arriver jusqu’à l’élégie finale. Il écrivait sur des petits cahiers et puis après ça prenait forme", explique Mme Brioul.
Les écrits qui ont donné lieu à publication se trouvent eux à la BNF, selon l'élue.
La mairie réfléchit encore à la façon dont elle rendra la maison accessible au public à plus long terme.
UNE OPPOSITION DIFFICILEMENT RÉCONCILIABLE
L’intercoalition Yewwi-Wallu s’éloigne du soutien d'Aar Sénégal et des Serviteurs. Tout en réaffirmant leur ancrage dans l’opposition, aussi bien Pape Djibril Fall que Thierno Alassane Sall se sont démarqués de l’alliance conduite par Sonko
Jour après jour, l’intercoalition Yewwi-Wallu s’éloigne du soutien des députés d’Aar Sénégal et des Serviteurs. Tout en réaffirmant leur ancrage dans l’opposition, aussi bien Pape Djibril Fall que Thierno Alassane Sall se sont démarqués de l’alliance de l’opposition conduite par Ousmane Sonko. Sur la toile, la guerre est sans concession !
‘’Thierno Bocoum, est-ce que tamite doo bayi mu sedd, mingui niaaw de. Te soo continuer dafay gueneu niaaw’’. En français, cet internaute invite M. Bocoum à arrêter de répondre aux attaques (de partisans d’Ousmane Sonko sur sa page Facebook, NDLR), que s’il continue à rendre les coups, les choses risquent de s’envenimer. Telle est l’ambiance depuis les élections législatives du 31 juillet 2022 sur les différentes pages des leaders d’Aar Sénégal. Presque chaque sortie d’un des leaders de cette coalition pour parler des résultats est l’occasion, pour certains partisans d’Ousmane Sonko, de se déchainer et de ruminer toute leur colère contre cette opposition qu’ils ont toujours soupçonnée de jouer un double jeu. Ce qui en dit long sur les relations quasi irréconciliables entre ces deux coalitions de l’opposition.
Mais il ne faut pas compter sur le responsable d’Aar pour mettre un terme à la polémique. A ceux qui l’y invitent, voici la réponse de Thierno : ‘’Je ne comprends pas ceux qui me demandent de ne pas réagir à mes posts. Je ne construis pas des produits à consommer ; je développe des idées à discuter. Comment discuter sans interactions… ? Je ne comprends pas ceux qui viennent commenter en masse, faire le travail identique à celui des robots en disant la même chose sur un même sujet. Je n’ai jamais compris le but de leur coach. Et surtout, je n’ai pas compris que des lecteurs n’aient pas compris le jeu…’’
Il n’est point besoin d’être devin pour comprendre que les ‘’robots’’, ce sont les partisans de Sonko qui essaiment sur ses différents posts. Leur coach pourrait alors être leur mentor.
Ainsi, jour après jour, Aar Sénégal s’éloigne de Yewwi Askan Wi et, par ricochet, de l’intercoalition Yewwi-Wallu. Pour autant, ses leaders sont formels : il ne faut jamais s’attendre à ce qu’ils rejoignent le camp présidentiel. Dans un communiqué à la suite du scrutin, ils réaffirmaient leur position : ‘’La coalition Aar Sénégal, résolument ancrée dans l’opposition, jouera pleinement son rôle dans la volonté commune des leaders d’apporter de vrais changements de paradigme dans la manière de faire fonctionner l’Assemblée nationale et de représenter le peuple sénégalais. Elle réitère sa volonté de faire face à toutes velléités de troisième mandat.’’
La tête de liste de la coalition, Thierno Alassane Sall, s’est voulue encore plus tranchante lors d’une émission sur Sud FM. Il disait : ‘’Nous ne sommes pas des vendus. Pour l’instant, je fais partie de la coalition Aar Sénégal et on ne s'est pas encore prononcé. J’ai aussi mon propre avis. On est résolument du côté de l’opposition, moi en particulier. Quand j’ai quitté le président Sall, je l’ai fait pour des principes et jamais je ne vais retourner travailler avec lui. Il faut que les choses soient claires.’’
Voilà qui mérite d’être assez clair, sauf pour les partisans de Yewwi-Wallu qui estiment que ne pas être avec cette dernière, c’est ne pas être dans l’’opposition. Thierno Bocoum s’indigne : ‘’Le mensonge et la manipulation ont de beaux jours dans notre pays. Mentir sur des gens, le justifier à travers un autre mensonge et faire la promotion des deux mensonges, ça paie. Personne n’a le réflexe de demander des preuves. On trouve finalement au mensonge un côté séduisant. C’est l’arme fatale du ‘guerrier’.’’
A en croire le responsable de Pastef/Les patriotes Ababacar Sadikh Top, Aar a simplement joué et a perdu. ‘’… En définitive, réagit-il à une des nombreuses sorties de Bocoum, vous avez fait le choix de mettre une coalition, d’aller aux Législatives et les Sénégalais ont voté. Si la sortie d’un homme (Ousmane Sonko) qui a appelé à voter utile vous a fait perdre, alors apprenez pour une fois à respecter la dimension politique de ce leader. L’histoire retiendra cette 14e législature’’.
En fin politique, conscient que cette guerre intra-opposition ne risque de profiter qu’à la majorité présidentielle, le jeune leader a tenu néanmoins à tourner la page et à se pencher sur 2024. ‘’La force n’est pas toujours du bon côté, donc elle n’est pas vérité. L’histoire nous l’apprend, notre présent en donne une belle illustration avec un régime qui a échoué, mais qui continue à s’imposer par la force de l’électorat et des institutions. Restons véridiques. C’est d’abord pour nous-mêmes. Restons constants, c’est aussi pour nous-mêmes. Ensuite, préférons tirer les vertus avec nos frêles épaules que d’aider le mensonge à travers une vague déferlante envahir nos cités…’’.
Décidés à faire le vide dans l’opposition, à baliser le chemin à leur leader qu’ils tiennent vaille que vaille à présenter comme seule alternative possible pour 2024, les partisans de Pastef n’épargnent pas non plus l’autre non-inscrit. Quand ils ne l’accusent pas d’être un traitre, ils le traitent tout bonnement d’une sorte de 84e député de la majorité présidentielle. Pourtant, PDF a toujours réaffirmé son ancrage dans l’opposition, même s’il a tenu à marquer sa différence avec l’intercoalition. Il disait : ‘’Nous sommes dans l’opposition et nous allons travailler justement avec opposition. Mais ceux qui ont voté pour nous n’ont voté ni pour Yewwi Askan Wi ni pour Benno Bokk Yaakaar. Aujourd’hui, les Sénégalais ont montré une voie qui veut défendre l’intérêt général et les populations, en n’étant pas dans des jeux politiques ou d’appareils.’’
Ainsi, aux côtés des deux principaux blocs que sont Benno Bokk Yaakaar et Yewwi Askan Wi, il faudra compter sur le bloc des non-inscrits incarné par Thierno Alassane Sall d’Aar et Pape Djibril Fall des Serviteurs. Cette posture leur permet non seulement de prendre le lead d’une troisième voie, mais aussi de profiter des privilèges accordés par le règlement intérieur aux non-inscrits. Au-delà d’un temps de parole un peu plus conséquent, ils auront également le privilège de siéger à tour de rôle à la Conférence des présidents, qui est l’instance de décision par excellence de l’Assemblée nationale.
QUEL PROFIL POUR CONDUIRE LE PROCHAIN GOUVERNEMENT
Coup de projecteurs sur les profils susceptibles d’être les locataires du Petit Palais
Après les dernières élections législatives du 31 juillet 2022, le Sénégal fait face maintenant à son destin. C’est parce qu’il est confronté à un contexte sociopolitique bien particulier, un cas de figure jamais rencontré dans sa trajectoire depuis l’indépendance. En effet, au-delà des défis socio-économiques, marqués par le renchérissement du coût de la vie, consécutivement à un contexte mondial insupportable, le président Macky Sall faitface à un cliché politique inédit, avec une majorité pas très confortable à l’Assemblée Nationale, alors que l’élection présidentielle se tient dans deux ans. C’est dans un tel contexte que le bureau de l’Assemblée Nationale doit être élu ce 12 septembre, une opération périlleuse qui sera suivie de la formation du nouveau gouvernement. Justement pour cet attelage gouvernemental, la question qui taraude l’esprit de bien des Sénégalais est bien liée au profil adéquat et qui serait une denrée rare par ces temps qui courent, pour le conduire et faire face efficacement à ces défis majeurs.
En tout état de cause, les Sénégalais agitent des noms depuis quelques jours, comme celui de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, président du parti Rewmi. Mais selon certains observateurs, même s’il a de bonnes dispositions pour affronter les questions économiques, il souffre actuellement d’une certaine légitimité politique, un aspectfondamental devant l’agenda de 2024. En effet, il était perçu comme un baobab politique indéboulonnable à Thiès, son seulfief politique, mais il vient de subir deux revers électoraux qui risquent de désagréger le reste de sa carrière politique. Et pourtant, pendant plus de 15 ans, il a su maintenir son hégémonie dans la cité du Rail, avec des scores à la soviétique dont les différents régimes ont été des victimes. N’ayant que Thiès comme terrain politique favorable ces dernières années, Idrissa Seck a ainsi un handicap sur ce plan. Le nom de l’ancien ministre des Finances Amadou Bâ revient également comme un leitmotiv dans la liste des personnalités du régime pouvant assumer cette fonction. Mais il n’a pas la légitimité populaire à Dakar où il est politiquement contesté dans les rangs du parti.
Il y a aussi dans une certaine mesure Abdoulaye Seydou Sow, actuel ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène Publique (MULHP) qui bouscule avec une forte dose d’activisme. Au-delà de sa transhumance du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) qu’iltraine comme un boulet, il peine à incarner un leadership fort même dans son fief. Autre chose, parce qu’il a fini de s’aliéner beaucoup de ses amis politiques à cause de son inaccessibilité. Quid du grand argentier de l’Etat Abdoulaye Daouda Diallo ? L’actuel ministre des Finances incarne un profil rare et il remplit à merveille le critère de
loyauté et de représentativité.
Mais cela est-il suffisant pour être à la tête d’une équipe de combat, afin d’affronter des défis de grande envergure ? En tout cas, force est aussi de constater qu’il parle peu. L’ancienne Première ministre Aminata Touré dite Mimi aurait été un bon cheval aussi sur certains points. Mais elle préférait sans doute la tête du parlement qui enrichirait son curriculum vitae. Le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome est également sur toutes les lèvres. Proches parmi les plus proches, l’ancien procureur spécial s’investit corps et âme pour consolider le régime. Même si sa légitimité politique est en cause. Il ne faut présager de rien avec le président Macky Sall qui a le don de déjouer tous les pronostics et de dérouter les analystes les plus pertinents. Il peut ainsi sortir comme une tour de magie un Premier ministre que personne n’attendait surtout qu’il dispose dans sa besace plusieurs profils à même de coordonner cette équipe choc. Sidiki Kaba, Aly Ngouille Ndiaye, etc. Le DG du Budget peut bien être la surprise du chef. Certains de nos interlocuteurs trouvent une bonne opportunité sur sa personne. Décrit comme une personnalité d’une extrême loyaut, pas trop trempé dans la chose politique, Mahamadou Moustapha Bâ fait presque l’unanimité sur ses compétences et sa courtoisie légendaire. Même si beaucoup le prédestinent à la tête du ministère du Budget, il peut valablement driver le prochain gouvernement de combat du président Macky Sall.
Par Yoro DIA
NOSTALGIE DE LA TYRANNIE
A l’heure du bilan, le seul pays qui a réussi sa révolution du Printemps arabe est la Tunisie, parce que c’est l’une des rares sociétés arabes avec une Société civile que la dictature de Ben Ali n’avait pas réussi à détruire
En voyant l’anarchie qui sévit en Libye après la mort de Kadhafi et celle qui déchire l’Irak depuis la chute de Saddam Hussein, on comprend la vieille sagesse populaire arabe qui dit qu’«il est préférable d’avoir 60 ans de tyrannie que vingt-quatre heures d’anarchie».
En Libye et en Irak, il y en a probablement beaucoup qui regrettent la chute des tyrans Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi parce qu’au moins dans une tyrannie, il y a comme aurait dit Weber, «un monopole de la violence» dont on connaît le lieu d’origine et que l’on peut éviter par conséquent. Ce qui n’est le cas dans l’anarchie car, en Libye, on ne sait même plus qui se bat contre qui. Ces situations anarchiques en Libye et en Irak, permettent aussi de comprendre pourquoi Rastum Pacha, l’un des rares gouverneurs ottomans de l’Arabie, qui a réussi à mettre fin aux guerres tribales, était appelé «Abu Jarida», c’est-à-dire le «Père du bâton».
En Egypte, le Marechal Al Sissi, le nouveau Abu Jarida, a rapidement fermé la parenthèse démocratique du Printemps arabe, alors que le Abu Jarida syrien, Bachar Al Assad, n’a même pas laissé la parenthèse s’ouvrir.
Du temps de la splendeur de l’empire abbasside, Haroun Al Rashid avait édifié une «baytil hikmati», une maison de la sagesse dans sa capitale Bagdad, la plus belle ville du monde à l’époque.
A Bagdad, l’ancienne capitale de l’empire, on disait que «si les livres sont écrits en Egypte, ils sont vendus au Liban, mais lus à Bagdad». Aujourd’hui la sagesse a quitté la capitale de Haroun Al Rashid où les livres ont été remplacés par les armes et la sagesse par la violence, depuis que George W. Bush a ouvert la boîte de Pandore du conflit sunnite/chiite lors de la 2e guerre d’Irak. Même si le régime de Saddam Hussein était marqué par l’hégémonie des Sunnites qui sont minoritaires, l’allégeance des Chiites à l’Etat irakien n’a jamais été prise à défaut lors de la longue guerre contre l’Iran chiite, parce que l’Irak de Saddam était un Etat laïc.
Ce primat de l’allégeance à l’Irak se joue encore aujourd’hui avec des partisans de Moktada al Sadr qui refusent l’inféodation de l’Irak à l’Iran, contre ceux qui pensent que l’appartenance au chiisme doit primer sur l’appartenance nationale. Après l’invasion de l’Irak par Bush, à Téhéran, les ayatollahs ont pensé que le Président américain avait réalisé leur plus grand rêve, rendant possible une sorte «d’arc chiite» entre Téhéran, Bagdad et Damas. Ce qui se passe en Irak va gripper la machine, avec la remontée à la surface du vieux conflit entre Arabes et Perses, au-delà de l’appartenance commune au chiisme.
Ce vieux conflit s’exprime aujourd’hui en Irak dans le cadre d’une démocratie plus que surréaliste, fondée sur la logique tribale et la violence qui lui est consubstantielle. Cette tradition de violence ancestrale fait aujourd’hui qu’il n’y a presque pas de Société civile dans les Etats dynastiques arabes, les seules forces organisées étant celles de l’appareil de l’Etat dynastique et son appareil répressif qui fait face aux islamistes. Ce qui fait que les indépendances ont produit des dictatures, des Etats dynastiques, et la démocratisation a produit l’islamisme (Algérie, Irak, Palestine et Egypte).
A l’heure du bilan, le seul pays qui a réussi sa révolution du Printemps arabe est la Tunisie, parce que c’est l’une des rares sociétés arabes avec une Société civile que la dictature de Ben Ali n’avait pas réussi à détruire. La Société civile y est tellement forte qu’un de ses membres, le constitutionnaliste Kais Saied, a doublé les islamistes en se faisant élire Président.
L’OPPOSITION JOUE LES TROUBLE-FÊTE
Le séisme des élections législatives du 31 juillet dernier risque de perturber profondément le fonctionnement de l’Assemblée nationale. L'opposition entend elle aussi, briguer la présidence du parlement
Le contrôle du perchoir ne semble pas parti pour être une partie de plaisir pour le groupe parlementaire affilié au pouvoir en place. Pour cause, l’opposition forte des 80 députés de l’inter-coalition Wallu-Yewwi et des deux parlementaires de la coalition Aar Sénégal et du Mpr-Les Serviteurs, en l’occurrence Thierno Alassane Sall et Pape Djibril Fall, entend elle aussi briguer la présidence de l’Assemblée nationale. Surtout que pour cette 14ème législature, elle se retrouve face à une mouvance présidentielle dont la majorité parlementaire ne tient que sur un fil ténu.
Le séisme consécutif aux résultats des élections législatives du 31 juillet dernier qui ont écorné la majorité parlementaire mécanique du pouvoir en place risque de perturber profondément le fonctionnement de l’Assemblée nationale, notamment en sa quatorzième législature.
A commencer par le perchoir qui pourrait connaitre une véritable guerre de nerfs avec l’élection de son titulaire au poste, lors de l’installation prévue le 12 septembre prochain des députés issus du dernier scrutin législatif. Alors que cette élection s’effectuait quasiment de façon mécanique lors des dernières législatures, tant la majorité du pouvoir en place était manifeste, la donne a sérieusement changé pour cette fois.
Le président de la République et son camp qui comptaient disposer d’un effectif assez confortable de députés-maison, afin d’accompagner sans aspérité les politiques publiques lors des deux dernières années du quinquennat se retrouvent, contre toute attente, sans majorité réelle. Crédités de 82 députés seulement contre 125 lors de la treizième législature, le parti présidentiel et ses divers alliés ont été obligés de piocher dans l’opposition pour se garantir une majorité absolue qui ne tient cependant qu’à un fil.
Et c’est l’ancien président de l’Assemblée nationale sous Me Abdoulaye Wade, en l’occurrence Pape Diop de la Convergence Bokk Gis Gis Ligguey, qui lâchera l’opposition pour gonfler les rangs des députés du pouvoir en place. Lesquels passent de 82 à 83 parlementaires seulement, une majorité ténue dans un hémicycle fort de 165 membres. C’est dire à quel point le remplacement de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse de l’Alliance des forces de progrès (Afp) qui a dirigé l’hémicycle pendant 10 années (2012-2022), ne sera pas mécanique pour Macky Sall et son camp.
D’autant que l’opposition forte dans sa globalité de 82 parlementaires, dont les 80 sont de l’inter-coalition Wallu-Yewwi et les deux autres parlementaires de la coalition Aar Sénégal et du Mpr-Les Serviteurs, en l’occurrence TAS et Pape Djibril Fall, se dit déterminée à batailler ferme pour le contrôle du perchoir.
Quelques jours avant l’installation de la 14ème législature, le président Abdoulaye Wade aurait ainsi trouvé celui qui peut être placé à la tête de l’Assemblée nationale. Il s’agirait bien de Mamadou Lamine Thiam, l’ancien questeur de l’Assemblée nationale et mandataire national de la coalition Wallu Sénégal aux Législatives. Une proposition qui aurait été validée par les membres de la coalition en question en faveur de ce parlementaire qui sera cette année à sa quatrième législature.
Du côté de Yewwi Askan Wi, la coalition qui regroupe Pastef-Les Patriotes d’Ousmane Sonko, Taxawu Sénégal de Khalifa Sall, Pur de Serigne Moustapha Sy et leurs alliés, le temps serait aussi à la concertation ou aux réglages pour la journée cruciale du 12 septembre prochain qui consacrera l’élection du président et/ou présidente de l’Assemblée nationale, l’installation du bureau de cette institution et des commissions parlementaires. Des sièges non seulement juteux mais d’importance politique majeure dans le format de la 14ème législature marquée par le coude-à- coude entre la majorité (83 députés) et l’opposition (82 députés).
MIKHAÏL GORBATCHEV EST MORT
Le dernier dirigeant de l'Union soviétique est décédé mardi à l'âge de 91 ans en Russie, a indiqué un hôpital cité par les agences de presse russes. Partisan d'une politique de rapprochement avec l'Occident, il avait reçu en 1990 le prix Nobel de la paix
Le dernier dirigeant de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, est mort mardi à l'âge de 91 ans en Russie, a indiqué un hôpital cité par les agences de presse russes.
"Aujourd'hui dans la soirée (mardi), après une longue maladie grave, Mikhaïl Sergueïvitch Gorbatchev est décédé", a indiqué l'Hôpital clinique centrale (TSKB) dépendant de la présidence russe.
Arrivé au pouvoir en 1985, Mikhaïl Gorbatchev avait lancé une vague de réformes politiques et économiques visant à moderniser et à démocratiser l'Union soviétique confrontée à des graves crises.
Partisan d'une politique de rapprochement avec l'Occident, il avait reçu en 1990 le prix Nobel de la paix.
Entre 1990 et 1991, il avait occupé le poste de président de l'Union soviétique, avant finalement de devoir démissionner le 25 décembre 1991, ce qui avait entraîné la fin de l'URSS.
L'UNITÉ DE L'OPPOSITION À L'ÉPREUVE
En attendant le 12 septembre, jour de l’installation des nouveaux députés, la guerre des affiches et des slogans fait rage dans les rangs de l’intercoalition Yewwi-Wallu. Déjà, quatre candidatures sont agitées au sein même de Yewwi contre une pour Wallu
Les affiches sont assez révélatrices. Elles en disent long sur les ambitions des uns et des autres au niveau l’intercoalition Yewwi-Wallu. A tel enseigne que beaucoup se demandent s’il leur sera possible d’avoir un seul et unique candidat, pour espérer barrer la route à Benno Bokk Yaakaar pour la présidence de l’Assemblée nationale. Sans écarter totalement une telle éventualité, un des responsables de l’intercoalition confie à ‘’EnQuête’’ que la probabilité reste très faible. ‘’Cela m’étonnerait beaucoup, enchaine l’opposant. En fait, il ne faut pas oublier qu’il y a moins de deux ans qui nous sépare de la prochaine Présidentielle. Et comme chaque entité a des ambitions, il ne faut pas s’attendre à ce que les gens se fassent des cadeaux’’.
Déjà, c’est la guerre des slogans et des affiches. Laquelle se joue jusque dans les différents groupes WhatsApp de l’intercoalition. Notre interlocuteur avoue et dédramatise : ‘’C’est vrai que chacun est en train de vanter les mérites de son leader, dans la perspective de la Présidentielle de 2024. Mais jusque-là, ça se fait de manière civilisée, sur le ton même de l’ironie. Nous sommes quand même en politique et les gens sont libres d’avoir des ambitions. C’est même ce qui est normal.’’
Dans cette guerre de positionnement, c’est Yewwi Askan Wi qui risque le plus d’en pâtir. Déjà, pas moins de quatre candidats ont été signalés au sein de ce bloc le plus représentatif de l’opposition. Troisième à la dernière Présidentielle de 2019, figure de proue de l’opposition, Ousmane Sonko a été l’un des premiers à officialiser sa candidature. À peine sorti des Législatives de 2022, il a invité ses partisans à faire ‘’focus sur 2024’’. Dans la foulée, le président de Pastef avait annoncé une tournée nationale qu’il compte lancer à partir de ce mois de septembre. Aussi, prend-il un peu d’avance sur ses éventuels concurrents, de l’opposition comme du pouvoir.
Bien avant même les élections législatives, à la veille des Locales, l’autre grande figure de Yewwi Askan Wi, en l’occurrence Khalifa Ababacar Sall, avait lui aussi déclaré sa candidature, suite à une interpellation des journalistes de RFI et de France 24. Il disait sans ambages : ‘’Inch’Allah, je serai candidat en 2024.’’ Sans se faire prier, l’ancien maire de Dakar expliquait le deal au sein de la coalition naissante : ‘’Notre coalition Yewwi Askan Wi, qui est la coalition de l’espoir, a décidé d’aller ensemble pour les élections locales ; elle a décidé d’aller ensemble pour les élections législatives ; nous gouvernerons ensemble… Mais, pour la Présidentielle, c’est la pluralité qui est préconisée. C’est-à-dire tous les candidats se battront et au deuxième tour, on va se ranger autour du mieux placé.’’
Depuis quelque temps, certains de ses partisans sortent leur affiche avec le hachage SN2024KAS. ‘’Un président, lit-on dans une de leurs affiches, ce n’est pas un nom, c’est un comportement’’.
Mais à ce rythme, il risque de ne pas y avoir de deuxième tour pour aucun des candidats de Yewwi Askan Wi. En effet, à côté de Khalifa Ababacar Sall et Ousmane Sonko, d’autres profils ont déjà annoncé leur candidature. Soit directement, soit par le biais de leurs partisans. Candidat recalé à la Présidentielle de 2019, le patron du Grand parti, Malick Gakou, n’a pas tardé à emboiter le pas à Ousmane Sonko. Lors d’une rencontre organisée par les femmes de son parti, il s’est dit ‘’prêt’’ pour la bataille de 2024. Dans la foulée, des partisans de Déthié Fall sont montés eux aussi au créneau p
our vendre la candidature de leur leader. ‘’Déthié Fall, 2024 Yaw la (Déthié Fall, 2024 c’est vous)’’, scandent-ils. Last but not least, il y a le Parti de l’unité et du rassemblement qui a participé à toutes les élections depuis au moins 2017. Il ne serait donc pas surprenant qu’eux aussi viennent allonger la liste déjà assez longue de prétendants.
Dislocation des forces de Yewwi Askan Wi ?
Cette dislocation des forces de Yewwi Askan Wi, si elle se concrétise, pourrait constituer un lourd handicap pour ladite coalition. Elle pourrait profiter, en revanche, à Wallu qui reste malgré tout un bloc plus ou moins homogène, avec un seul candidat déclaré pour la prochaine Présidentielle. Sur les différentes affiches des partisans de Wallu, on peut lire : ‘’Cap sur Karim 2024’’ ou bien ‘’Karim, le candidat du peuple’’. Une candidature qui est loin d’être une surprise, mais qui fait face à un obstacle juridique, à l’instar de celle de Khalifa Sall.
En effet contrairement à Yewwi qui compte en son sein plusieurs fortes personnalités, au niveau de Wallu, il n’y a que le Parti démocratique sénégalais avec comme principal allié Mamadou Lamine Diallo.
C’est dans ce contexte de guerre de positionnement que se profile l’installation des députés de la 14e législature, avec comme point d’orgue le choix du futur président de l’Assemblée nationale. Qui va accepter de s’effacer pour mettre le ‘’rival’’ sous le feu des projecteurs ? Voilà toute la difficulté pour l’intercoalition d’avoir un seul candidat. C’est d’autant moins évident que celui qui sera choisi va diriger l’Assemblée pour toute la durée de la législature, s’il arrive à sortir victorieux de l’élection. Ce serait un butin de guerre non négligeable en direction de la prochaine Présidentielle.
En effet, la présidence de l’Assemblée nationale, c’est non seulement la deuxième personnalité de l’État, celui qui remplace le président de la République en cas d’empêchement, des compétences diplomatiques qui le mettent en selle sur la scène internationale, mais aussi, et surtout le contrôle effectif sur une manne financière de plus de 17 milliards F CFA...
AUTORISATION DES OGM, LE SÉNÉGAL FACE À SON DESTIN
Les OGM seront bientôt autorisés dans le pays, en attendant la promulgation de la nouvelle loi sur la biosécurité par le président de la République. Un choix déploré par beaucoup d’acteurs de la société civile
OGM. Rien qu'évoquer ces trois lettres suscite la peur chez beaucoup de personnes averties. L’être humain joue-t-il avec la création divine ? Ou trouve-t-il un moyen de répondre aux innombrables défis de cette vie (santé, souveraineté alimentaire, etc.) ? La question est loin d’être tranchée. Pendant ce temps, la science avance à grands pas et offre des possibilités toujours plus grandes, mais jamais sans risques.
Cette réalité atteint le Sénégal, à l’heure de répondre à cette question humaine qui ne nous épargne pas. La loi sur la biodiversité de 2009 a été modifiée et adoptée par l’Assemblée nationale. Désormais, les OGM vont bientôt être autorisés dans le pays, en attendant la promulgation du président de la République. Un choix que beaucoup d’acteurs de la société civile déplorent, tant dans la manière que dans les implications pour les populations. Cet article tente d’apporter quelques éclaircissements aux indécis sur la question des OGM.
ADOPTION D’UNE NOUVELLE LOI SUR LA BIOSÉCURITÉ
Un virage à 360°
Dans la plupart des pays développés, l’adoption des organismes génétiquement modifiés (OGM) s’est faite après bien des débats publics, vu la controverse que suscitent ces produits de ‘’nouvelle’’ nature. Toutefois, au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, la manipulation des gènes avance avec une communication très silencieuse.
Une révolution se prépare-t-elle dans l’agriculture sénégalaise ? Un pas décisif a été posé en ce sens. Pourtant, l’information est passée sans tambour, ni trompette. L’Assemblée nationale a adopté, le vendredi 3 juin 2022, en procédure d’urgence et sans débat, le projet de loi n°08/2022 portant sur la biosécurité. Celui-ci abroge la loi n°2009-27 du 8 juillet 2009 portant sur la biodiversité. Et ce qui interpelle dans cette nouvelle réglementation, c’est l’élimination de l’article 18 qui dispose : ‘’Il est interdit d’importer ou de mettre sur le marché des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou produits dérivés susceptibles de provoquer une dégradation de l’environnement ou un déséquilibre écologique ou de nuire à la santé humaine ou animale.’’
Défendant la nouvelle loi, le ministre de l’Environnement, Abdou Karim Sall, a souligné que cette disposition (l’article 18) ‘’outre qu'elle constitue un frein au développement des activités liées aux OGM, est difficilement conciliable avec le Protocole de Cartagena qui, au contraire, vise à assurer un degré adéquat de protection pour la manipulation, le transfert et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine’’.
Macky Sall : ‘’Il est indéniable que les OGM peuvent aider à relever les défis de l’heure…’’
Si les risques sur les OGM sont établis, le gouvernement évoque ainsi ses engagements internationaux pour justifier l’introduction de produits issus de ces manipulations génétiques au Sénégal. Mais il s’agit d’un long processus qui vient d’aboutir à l’Assemblée nationale. En 2017, le président de la République s’est prononcé pour la première fois en faveur de l’introduction des OGM au Sénégal. Lors de la 8e séance académique solennelle de l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS), Macky Sall assurait : ‘’Il est indéniable que les OGM peuvent aider à relever les défis de l’heure, concernant la sécurité alimentaire, les problématiques de la santé publique, la conservation des ressources naturelles et la lutte contre les changements climatiques. Sans aucun doute, le Sénégal pourrait, à l’instar d’autres pays, tirer de ces technologies des avantages socio-économiques considérables. Il faut engager une réflexion sérieuse afin d’élaborer une stratégie permettant l’utilisation optimale des OGM, tout en atténuant les risques y afférant.’’
A cet effet, la rencontre d’alors permettait à l’Académie nationale des sciences et techniques du Sénégal (ANSTS) de publier son rapport intitulé ‘’Les organismes génétiquement modifiés : état des lieux, enjeux et perspectives au Sénégal’’, résultat d’une étude de la problématique des OGM, sur instruction du président de la République, qui souhaitait disposer d’une base de données scientifiques permettant de prendre une décision concernant introduction des OGM au Sénégal.
Le rapport de l’ANSTS (2017) conclut ‘’qu’il n’y a aucun risque à consommer des aliments issus d’OGM’’. L’étude menée sur les OGM dans les 14 régions du Sénégal révèle que, globalement, 68 % des populations enquêtées, tous secteurs confondus (chercheurs, agents de l’Administration publique, acteurs de la société civile, secteur privé, acteurs du monde rural) sont ‘’pro-OGM’’ et, par conséquent, ils sont favorables à l’introduction, à la production et à la commercialisation des OGM au Sénégal.
Études contre études
Cependant, un passage du rapport affirme que les ‘’principaux acteurs du monde rural, notamment les agriculteurs, ont une connaissance très limitée de la question’’. Dans un article publié en 2018, le Comité ouest-africain des semences paysannes (COASP), qui lutte contre l’utilisation des OGM en Afrique, affirme que ‘’d’après les déclarations des paysans enquêtés, les enquêteurs (de l’ANSTS) n’ont pas utilisé le terme OGM, mais plutôt celui de ‘’semence de la recherche’’ et les paysans ont répondu en fonction de cette terminologie’’.
Dénonçant l’évocation légère de conclusions d’études ‘’françaises’’ et ‘’américaines’’ sans les citer, comme justification de l’absence de dangers majeurs dans l’utilisation des OGM, le COASP se fonde sur deux études pour affirmer les risques sanitaires liés aux OGM : un rapport de l’Académie américaine de la médecine environnementale (AAEM) publié en 2009, qui montre que les produits alimentaires génétiquement modifiés provoquent des dommages d'organes et les désordres de système immunitaire et gastro-intestinal, le vieillissement accéléré et l'infertilité. L’AAEM appelle à un moratoire immédiat sur les OGM et conseille aux docteurs de prescrire des régimes non-OGM pour tous les patients. Une étude publiée en 2012 par le professeur Giles-Eric SERALINI sur les effets à long terme (deux ans) des aliments transgéniques qui montre que la consommation par les animaux expérimentaux du maïs transgénique (le NK603) provoquait l'apparition de tumeurs, ainsi que des troubles hépatiques et rénaux.
La Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) est un cadre qui regroupe une diversité d’acteurs comprenant des paysans, des organisations communautaires de base, des collectivités territoriales, des organisations non gouvernementales, des chercheurs et des entreprises privées dans le but de contribuer aux réflexions de l’État sur la question de la transition agroécologique. En avril 2020, dans un document intitulé ‘’Contribution aux politiques nationales pour une transition agroécologique au Sénégal’’, elle affirmait déjà que ‘’les évolutions récentes du contexte réglementaire national et régional suggèrent qu’il existe un risque imminent d’introduction d’organismes génétiquement modifiés (OGM) au Sénégal. (…) Si elles sont introduites au Sénégal, les variétés OGM de cultures vivrières risquent de contaminer les semences natives, alors que les risques sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux n’ont pas été évalués. Les OGM risquent d’affecter négativement la vie des producteurs et des consommateurs, comme ce fut le cas au Burkina Faso avec le coton BT (pour Bacillus thuringiensis, le nom d’une bactérie qui permet de résister à certains insectes)’’.
Ali Tapsoba (société civile burkinabé) : ‘’Le Sénégal va bientôt vivre les mêmes problèmes que les pays qui ont accepté cette législation’’
Un témoin de cet épisode burkinabé est Ali Tapsoba. Membre de la Coalition ouest-africaine pour la protection du patrimoine génétique (Copagen) il suit régulièrement la législation sénégalaise dans le cadre de l’autorisation des OGM. ‘’Quand j’ai vu que le Parlement sénégalais a adopté cette nouvelle loi sur la biosécurité, je me suis dit waouh ! Le Sénégal va bientôt vivre les mêmes problèmes que les pays qui ont accepté cette législation’’, alerte-t-il après l’adoption de la nouvelle loi sur la biosécurité.
Au Burkina Faso, d’autres expériences continuent d’être menées autour des OGM. Parmi les acteurs majeurs de la révolte contre le coton BT, Ali Tapsoba continue son combat. ‘’Dans la société civile, assure-t-il, nous menons des rencontres dans le but d’expliquer aux populations les enjeux autour de ces questions liées aux OGM et quelles stratégies mettre en place pour que ces OGM ne viennent pas envahir l’Afrique. Le Sénégal est pratiquement la capitale de l’Afrique. Si des choses sont implémentées ici, c’est le continent entier qui pourrait être tenté’’.
Un mois après son passage à l’hémicycle, la DyTAES a tenu un point de presse pour exprimer ses inquiétudes et son indignation pour la manière dont les députés sénégalais ont adopté, à l’unanimité, sans débat et en procédure d’urgence, la nouvelle loi sur la biosécurité. ‘’Cette loi n’a pas fait l’objet d’un vrai processus inclusif et participatif avec les différents segments de la société, en particulier avec les agriculteurs et une diversité de représentants de la société civile’, assure-t-elle, avant de demander au gouvernement de surseoir à sa promulgation, le temps d’ouvrir un débat populaire autour de ce texte, ‘’conformément aux exigences de l’article 13 de la Convention sur la biodiversité et de l’article 23 du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques’’.
Texte Collectif
CE N'EST PAS À MACRON MAIS À L'UA DE S'EMPARER DE LA QUESTION MÉMORIELLE
Plutôt que de monter un nouveau comité d’historiens, il faut exiger l’ouverture de toutes les archives de la colonisation européenne et mettre sur pied un comité d’intellectuels africains qui y travaillerait, non pendant un an, mais cinq ans s’il le faut
Jeune Afrique |
Texte Collectif |
Publication 29/08/2022
« Je souhaite que nous puissions avoir et lancer ensemble un travail conjoint d’historiens camerounais et français. » C’est la proposition faite par Emmanuel Macron lors de sa visite des 25 et 26 juillet au Cameroun pour tenter de liquider un passé colonial qui ne passe pas. Il s’agit d’un passif considérable et de graves crimes commis sur les nations africaines, encore douloureusement ressentis par les populations, les familles de victimes et les humanistes. La France traîne depuis plus de soixante-dix ans ce boulet mémoriel et peine à se sortir honorablement de ce bourbier.
Massacres
Si le président Macron est revenu sur cet épineux problème, sa proposition irrite davantage qu’elle n’apaise. Les faits sont établis, répertoriés, connus, déjà publiés. La méthode choisie reste tout aussi contestable pour nombre de Camerounais et d’Africains, en particulier s’agissant des bilans chiffrés des événements sanglants qui ont rythmé la fin de la colonisation. Pour le seul Cameroun, le bilan est lourd, même si les spécialistes ne s’accordent pas tous sur les chiffres.
Par-delà les assassinats ciblés de leaders indépendantistes tels que Ruben Um Nyobé, Félix Moumié ou Castor Osendé Afana, l’écrivain et historien camerounais Jacques Kago Lélé va jusqu’à dénombrer entre 800 000 et un million de morts entre 1955 et 1960, lors de la guerre de libération, dans le département de la Sanaga-Maritime ou dans les villes de Douala, Nkongsamba, Sangmélima, Ebolowa, dont 8 000 personnes massacrées dans la localité de Yogandima et quelque 400 000 en pays bamiléké. Dans leur livre Kamerun. Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, paru en 2011, Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa et Thomas Deltombe évoquent, eux, « plusieurs dizaines de milliers de morts ».
Qu’apporteraient les commissions d’historiens suggérées par le président Macron ? Certes des détails plus précis. Et, probablement, la révélation d’exactions commises par le camp nationaliste, voire de trahisons internes. Là n’est pas l’essentiel.
Le point de départ de toute action sur cette question mémorielle devrait être la reconnaissance, par l’État français, des crimes commis en son nom et la présentation d’excuses aux peuples outragés par un système criminel, néfaste, brutal et prévaricateur. Il a pour nom la colonisation et pour mobile l’exploitation. Il est, par sa nature même, juridiquement condamnable et moralement indéfendable. En outre, on peut douter de l’efficacité des travaux promus par le président Macron car le dispositif qu’il propose est non contraignant.
La colonisation en Algérie surpassa en effet en massacres, en drames, en tortures et en spoliations toutes les entreprises identiques, en raison du type particulier de colonie dont il s’est agi – une colonie de peuplement – ; en raison, aussi, de sa durée, de son intensité et des horreurs du système d’exploitation et d’assujettissement que le colonisateur exerça dans ce pays.
Mais, en évitant une approche globale (du moins continent par continent) de la colonisation, on tombe dans le piège tendu par la diplomatie de la commission Théodule ou dans celui du rapport commis par un savant amadoué. Elle s’apparente à une diplomatie de l’édredon et emprunte les allures du « colonisateur de bonne volonté », comme dirait Albert Memmi. Ce colonisateur-là admet moins par conviction que par tactique les crimes du passé colonial. Il cherche surtout à dissoudre ce méfait colossal dans le souhait de liquider davantage encore une prétendue « rente mémorielle ». Il évite d’entendre les blessés et les outragés de ce traumatisant épisode des relations internationales.
Cet empressement est fait pour redorer une image et repeinturlurer un drapeau sans condamner le système colonial et ses prolongements. Ses promoteurs ne visent pas un dialogue franc et sincère. Ils cherchent à éviter le procès post-colonial instruit par des peuples écrasés hier et spoliés à jamais. L’idée de créer un comité franco-camerounais est l’une des ficelles à partir desquelles on cherche à habiller de vertu une démarche qui n’utilise que la ruse pour gagner du temps. Cette approche apparaît donc pour ce qu’elle est : grotesque par ses finasseries, insupportable aux nations, aux populations comme aux familles martyrisées. Examiner les crimes coloniaux et post-coloniaux en les segmentant nation par nation serait un aveuglement et une grave entorse à la vérité globale.
Approche globale
Plutôt que de monter un nouveau comité d’historiens, il faut exiger l’ouverture de toutes les archives de la colonisation européenne et mettre sur pied un comité d’intellectuels africains qui y travaillerait, non pendant un an, mais cinq ans s’il le faut. L’Algérie, le Cameroun, le Nigeria, le Mali, le Maroc, l’Angola, le Mozambique, Madagascar, les Comores, la Guinée, la Sierra Leone, le Cap-Vert, le Kenya, les Congos, pour ne citer que ces pays, attendent une reconnaissance sans contorsions des terribles dommages que leur a causé le système colonial : massacres, violences, avilissement, spoliation.
Emmanuel Macron gagnerait à le dire sans tarder et à présenter, pour l’Histoire et non pour les seuls historiens, les sincères regrets qui s’imposent avant que ne débute l’examen global des désastres produits par la colonisation. Ne cédons pas au saupoudrage, en examinant les dégâts colon par colon, autrement dit, au cas par cas, logique que tente de mettre en œuvre M. Macron et qui renvoie au bilatéralisme. L’ampleur du phénomène autant que la nocivité du système colonial exigent une réflexion plus large et une approche multilatérale.
C’est donc l’échelon continental et une instance supranationale qui nous paraissent les mieux indiqués pour éviter le retour du refoulé colonial et la logique du dominant et du dominé. Ils sont les mieux à même pour traiter les vastes chahuts que causa l’usurpateur colonialiste et leurs effets, qui bouleversent encore tant d’existences. L’Union africaine (UA) est parfaitement qualifiée pour s’emparer de cette affaire. C’est à elle de mandater des intellectuels africains du continent ou de la diaspora pour analyser ce que la conférence de Berlin a institué, en 1884-1885, et ce qu’elle a produit durant une longue période sous la logique de l’impérialisme et des politiques suprémacistes.
L’UA proposerait à l’Union européenne le cadre de sa démarche, ses objectifs et un calendrier de travaux portant sur « la tragédie que fut la colonisation et les moyens à mobiliser pour l’apaisement des mémoires et le repos des morts ». Il s’agit de sortir d’un cycle infernal et de la distance naguère établie – et qui perdure – entre le colonisateur et le colonisé. Il n’y a rien de particulier à attendre des initiatives isolées de M. Macron, car il feint de solder le passif pour mieux se présenter en libérateur. Ce faisant, il n’entretient que le doute ou, pis, la distance.
Albert Memmi, dans Portrait du Colonisateur (1957), a écrit au sujet de la distance qu’entretien le colonisateur avec le colonisé : « Pour se justifier, [le colonisateur] est amené à augmenter encore cette distance, à opposer irrémédiablement les deux figures, la sienne tellement glorieuse, celle du colonisé tellement méprisable. »
Le couple soulèvement-répression, qui s’ouvrit à Thiaroye, au Sénégal, le 1er décembre 1944, se poursuivit à Sétif et à Guelma, en Algérie, le 8 mai 1945, avant de s’étendre à Madagascar en 1947 puis au Cameroun dans les années 1950 a laissé des traces et des traumatismes encore vifs. Il est temps que la mémoire réellement partagée s’en saisisse dans l’espoir d’une résolution durable de ce qui demeure une fracture profonde et douloureuse dans le cœur des nations hier exploitées et aujourd’hui souveraines. Les Africains sont prêts à faire cette anamnèse. Et l’Europe ? Elle doit clairement s’exprimer. Il faut que ceux qui veulent en finir avec les drames et le passé colonial examinent cette affaire en la plaçant au bon échelon, sous l’égide d’institutions politiques, et en mobilisant un collège de personnalités choisies par les instances continentales. Le moment est venu de réaliser ce travail.