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20 février 2025
Développement
AU PUR, L'IMPOSSIBLE SUCCESSION
Cheikh Tidiane Youm, est contesté par ses pairs, comme l'avait été avant lui Issa Sall. Cette situation révèle une constante : la difficulté pour les numéros 2 du parti à s'imposer face à l'autorité du marabout-président Serigne Moustapha Sy
Les numéros 2 au sein du Pur ont du mal à briller au sein de leur parti, pour laisser uniquement la direction au marabout-président, Serigne Moustapha Sy, la seule constante. Après Issa Sall, candidat du Pur à la présidentielle de 2019, qui avait quitté ce parti pour rejoindre le président Macky Sall, aujourd’hui c’est autour de Cheikh Tidiane Youm, Secrétaire général national, d’être contesté par ses camarades de parti.
Le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) est miné par une crise ces derniers jours. Une crise qui trouve son expression à travers les appels à la démission du Secrétaire général national, Cheikh Tidiane Youm. Le président du parti, Serigne Moustapha Sy, a pris la décision de résoudre le problème au sein de son parti en définissant la direction à suivre.
Au-delà de cette crise, il urge de se demander s’il n’y a pas un problème de numéro 2 au sein de cette formation politique qui évolue dans l’opposition ? Depuis la création de ce parti, en 1998, par feu Khalifa Babacar Diouf, tous les leaders qui ont été désignés par le patron du parti n’ont pas pu tirer leur épingle du jeu. Ils ont dû faire face à une hostilité au sein du parti.
On aura fini de constater qu’au sein du Pur, tout est fait ou organisé de manière à porter ombrage au Secrétaire général dudit parti, afin de laisser uniquement la direction au marabout-président. Candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2019, à l’issue de laquelle il s’était classé 4ème, l’expert en informatique, Issa Sall, qui occupait aussi à l’époque les fonctions de Secrétaire général du Parti de l’unité et du rassemblement, avait quitté la direction pour rejoindre le pouvoir de Macky Sall. Il sera, par la suite, accusé d’avoir eu des accointances avec le régime de l’ancien président Macky Sall, qui le nomma ministre-conseiller. Il finira par rendre le mandat de député de la XIIIème législature à sa formation politique d’origine. Issa Sall n’a, donc, pas fait de vieux os à la tête du Pur.
Autre haut responsable du Pur, autre crise. Cette fois-ci, Cheikh Tidiane Youm, qui a succédé à Issa Sall. Son cheminement avec le Pur connaît des perturbations ces derniers temps, avec le vent de révolte qui souffle dans les rangs de ses principaux collaborateurs, qui se trouvent être les secrétaires généraux de coordination. Ces derniers, estimant lui avoir trouvé des «poux» sur la tête, se croient très légitimes de réclamer sa tête. Cette démarche, même si elle est acceptable en démocratie, a la particularité de placer le marabout-président du Pur au-dessus de la mêlée de militants. Ce qui fait de Serigne Moustapha Sy la constante du Pur. Le retour de la crise au sein du Pur, à cause du bras droit du marabout-président du parti, démontre à suffisance la mainmise de Serigne Moustapha Sy sur l’organisation politique.
Alors que tous les yeux étaient fixés sur Cheikh Tidiane Youm, Secrétaire général national du Pur, pour porter la candidature de l’élection présidentielle de 2024, le choix est porté sur Alioune Mamadou Dia pour défendre les couleurs de son parti. Très peu connu du grand public, celui qui était le candidat du Pur est perdu de vue depuis la dernière présidentielle.
Administrer le Pur après l’éviction d'Issa Sall n’a pas été donc un facteur déterminant pour faire de Cheikh Tidiane Youm le porte-étendard de ce parti lors de l’élection présidentielle du 25 mars 2024. Combattre le pouvoir de Macky Sall au sein de l’Assemblée nationale, lors de la XIVème législature, et dans la rue aux côtés de Ousmane Sonko et des autres leaders de la défunte Coalition Yewwi askan wi (Yaw) n’a pas non plus suffi, au regard des dirigeants du Pur, pour faire de Youm leur champion dans la course au Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor.
Au fond, il y a vraiment lieu de s’interroger sur le meilleur profil du numéro 2 du Pur. Même si le président du Pur, Serigne Moustapha Sy, a pris l’initiative de reprendre les rênes et de définir clairement la direction à suivre pour résoudre cette crise. Le statut, le rôle et la personnalité du numéro 2 risquent d’être remis sur la table dans le futur.
PAR Ndongo Samba Sylla & Jomo Kwame Sundaram
UN PRIVILÈGE EXORBITANT POUR TOUS ?
EXCLUSIF SENEPLUS - La fin de la domination du dollar américain ne suffira pas à mettre fin à l'impérialisme monétaire. Le développement durable du Sud exige de repenser la compensation des paiements internationaux
La fin de la domination du dollar américain ne suffira pas à mettre fin à l'impérialisme monétaire. Seules de meilleures dispositions multilatérales pour la compensation des paiements internationaux peuvent répondre aux aspirations des pays du Sud en matière de développement durable.
De Gaulle contre le dollar américain
Les défis lancés à l'hégémonie du dollar américain n'ont pas commencé avec les BRICS. Le président français Charles de Gaulle s'est illustré par sa posture de dissident dans les années 1960.
Valéry Giscard d'Estaing, son ministre des Finances et des Affaires Économiques entre 1962 et 1966, a inventé l'expression « privilège exorbitant » pour se plaindre de la domination du dollar américain.
Le statut du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale permet aux États-Unis d'acheter à crédit les biens, les services et les actifs étrangers. Cela leur donne également la possibilité de dépenser beaucoup plus pour les bases militaires et les guerres à l'étranger.
Ce privilège autorise de telles extravagances avec des effets négatifs limités sur la balance des paiements et le taux de change du dollar. L'économiste français Jacques Rueff observait que les États-Unis pouvaient ainsi maintenir des déficits extérieurs « sans larmes ».
De Gaulle exigeait de la Réserve fédérale américaine qu'elle convertît les « eurodollars » excédentaires de la France en or monétaire. Le défi français allait faire éclater le bluff des États-Unis, les obligeant à mettre fin en 1971 à la convertibilité dollar-or qui était au cœur des accords de Bretton Woods de 1944.
Pour renforcer son statut économique dans un système dominé par le dollar, la France d'après-guerre a imposé un dispositif monétaire à la plupart de ses anciennes colonies africaines, lui conférant un privilège néocolonial similaire à celui des États-Unis à l’échelle mondiale.
Avec la zone franc CFA, la France a bénéficié de deux avantages. Premièrement, elle n'avait pas besoin de détenir des dollars pour acheter des biens et des services dans les territoires qu'elle dominait. Deuxièmement, elle dispose d'un contrôle discrétionnaire sur les revenus en dollars de la zone.
Le remplacement du franc français par l'euro en 1999 n'a pas mis fin à cet impérialisme monétaire. Aujourd'hui, 14 pays d'Afrique subsaharienne comptant plus de 200 millions d'habitants utilisent encore le franc CFA.
Créé en 1945, ce dispositif monétaire a permis d'utiliser les colonies pour accélérer la reconstruction de l'économie française d'après-guerre. Il demeure encore sous la tutelle légale du Trésor français.
Le fait que la France tire profit de ses relations monétaires avec ses anciennes colonies implique que les rivaux des États-Unis pourraient également en faire de même s'ils parviennent à saper la domination du dollar sans renverser l'impérialisme monétaire.
De la dédollarisation
Le terme de dédollarisation fait actuellement référence au développement d'initiatives alternatives de paiements bilatéraux et plurilatéraux réduisant le rôle du dollar et des arrangements financiers basés sur le dollar dans le règlement des transactions économiques internationales et la gestion des réserves de change.
Ce phénomène s'est accentué. En 2022, le commerce international était estimé à 46 000 milliards de dollars, dont plus de la moitié était facturée dans des monnaies autres que le dollar américain. De plus en plus de pays commercent entre eux et règlent leurs transactions dans des monnaies autres que le billet vert.
Bien que cette tendance ait érodé la part du dollar dans le total des réserves officielles de change, le temps est encore loin où le dollar sera détrôné en tant que monnaie de réserve mondiale.
En effet, le commerce international n'est que la partie émergée de l'iceberg des transactions financières internationales, qui restent principalement libellées en dollars américains.
La remise en cause actuelle de l'hégémonie du dollar a beaucoup à voir avec les sanctions financières unilatérales prises par les États-Unis et leurs alliés, principalement européens, à l'encontre de plusieurs pays, dont la Russie, l'Iran et le Venezuela.
Ces pays ont été exclus du système de messagerie SWIFT et/ou ont vu leurs avoirs à l'étranger, en particulier leurs réserves en dollars, en euros ou en or, confisqués unilatéralement sous divers prétextes.
Face à ces sanctions, de plus en plus de pays souhaitent développer des systèmes de paiements alternatifs, réduire leurs réserves en dollars et en euros et trouver des moyens plus sûrs de sauvegarder leurs excédents extérieurs.
Un récent rapport du gouvernement russe pour les BRICS a critiqué l’instrumentalisation par l'Occident du système international des paiements. Il appelle à la mise en place d'un système monétaire et financier international conforme aux principes de sécurité, d'indépendance, d'inclusion et de durabilité.
Les pays riches en ressources et disposant d'importants surplus extérieurs sont à juste titre préoccupés par cette menace. Mais le rapport n'aborde pas les problèmes et les besoins des pays déficitaires qui constituent la grande partie de ceux du Sud.
Union internationale de compensation
L'un des problèmes fondamentaux du système monétaire et financier international actuel est qu'une monnaie nationale - le dollar américain – joue le rôle d'actif de réserve pour le reste du monde.
Cette situation oblige la plupart des pays, en particulier ceux du Sud, à accumuler des dollars américains pour honorer leurs obligations extérieures. Parce qu’ils peinent à en obtenir suffisamment, ces pays sont particulièrement vulnérables aux crises de dette extérieure.
Leurs problèmes ne seront pas résolus si la domination du dollar américain recule et si son privilège doit être partagé avec d'autres monnaies de réserve internationales.
Un système monétaire et financier international équitable et favorable au développement durable devrait éliminer l'obligation d'accumuler des réserves de change, par exemple en permettant à chaque pays de payer ses importations dans sa monnaie, ce qui est techniquement possible.
Avec une Union internationale de compensation, Ernst Friedrich Schumacher notait que « chaque monnaie nationale [deviendrait] une monnaie mondiale, ce qui [rendrait] inutile la création d'une nouvelle monnaie mondiale ».
Cette proposition permettrait de résoudre les crises financières, d’endettement et climatiques auxquelles le Sud est confronté. Cependant, depuis 1944, aucun effort n'a été renouvelé pour obtenir le consensus multilatéral nécessaire à une telle transformation.
Ndongo Samba Sylla est Économiste sénégalais, Directeur Afrique de l’International Development Economics Associates (IDEAs)
Jomo Kwame Sundaram est Économiste malaysien, ancien professeur d'économie, a été sous-secrétaire général des Nations unies pour le développement économique et a reçu le prix Wassily Leontief pour avoir fait avancer les frontières de la pensée économique.
Cet article a été traduit de l’anglais à partir de l’original paru dans Inter Press Service News Agency.
À GOMA, LA DIPLOMATIE DANS L'IMPASSE
René Lake dévoile sur VOA Afrique, les mécanismes d'un conflit en RDC où la dimension identitaire se mêle aux enjeux économiques. Selon lui, l'intervention de Marco Rubio pourrait marquer un tournant pour l'implication américaine dans la région
La situation à Goma, grande ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), semble irréversible ce mercredi 29 janvier 2025. Le mouvement rebelle M23, soutenu par l’armée rwandaise, contrôle désormais la quasi-totalité du centre et des faubourgs de la ville. Cette crise, qui s’est étendue à Kinshasa où plusieurs ambassades ont été attaquées, soulève des questions cruciales sur les perspectives de sa résolution.
Interrogé par VOA Afrique sur la possibilité d’une solution diplomatique, René Lake, analyste politique, a exprimé ses doutes. « Il est très difficile de répondre à cette question avec certitude* », a-t-il déclaré, soulignant le refus catégorique du gouvernement congolais de dialoguer avec le M23, qu’il considère comme un groupe terroriste. En revanche, le Rwanda insiste pour que le M23 soit inclus dans les négociations, une demande rejetée par Kinshasa.
L'invité de VOA Afrique a évoqué le processus de Luanda, initié il y a deux ans, comme le cadre de négociations le plus abouti jusqu’à présent. Comme le rappelle René Lake, ce processus, qui avait réuni les présidents congolais, rwandais, angolais et burundais, avait abouti à un communiqué final appelant à un cessez-le-feu, au retrait du M23 et à la poursuite du dialogue politique.
Cependant, les récentes tensions et le refus du président congolais Félix Tshisekedi de participer à une réunion de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (CAE) convoquée par le Kenya ont jeté un froid sur les efforts régionaux. « C'est malheureux que cette réunion n'ait pas pu se tenir au Kenya, en tout cas avec la participation des principaux acteurs, le président Kagame et le président Tshisekedi », a regretté Lake.
Lake a également souligné les dimensions politiques et économiques du conflit. Il a évoqué les accusations de « haine anti-tutsi » en RDC, un sentiment qui alimente les tensions identitaires. « Les Congolais très clairement ont indiqué qu'il s'agit d'intérêts économiques et financiers, notamment dans l'exploitation des mines, qui poussent le Rwanda à maintenir cette instabilité au Congo parce que cela leur profite économiquement », a déclaré Lake.
La réaction du département d’État américain, marquée par l’intervention du sénateur Marco Rubio, a suscité des interrogations. « L'intervention directe de Marco Rubio qui a appelé Kagame, son implication plus importante me semble indiquer qu'il se pourrait que l'administration Trump soit plus engagée dans l'espace africain et dans ce conflit en particulier », décrypte René Lake.
Cette implication accrue des États-Unis pourrait marquer un tournant dans la gestion internationale de la crise. « On ne sait pas encore si cela est dû à un ajustement de la politique étrangère américaine de Trump ou à la personnalité de Marco Rubio, qui est un spécialiste des relations internationales et qui s'intéresse à l'Afrique », a-t-il conclu.
par Alain Foka
MERCI EMMANUEL MACRON
C'est vrai que nous avons été ingrats, ingrats de n'avoir pas dit merci pour tous ces siècles d'esclavage. Figurez-vous que nous étions persuadés que ce sont les autres qui nous demanderaient pardon
Les récentes déclarations d'Emmanuel Macron sur l'ingratitude présumée des Africains continuent de faire réagir. Dans une analyse cinglante, le journaliste Alain Foka répond au président français, rappelant le lourd passif historique entre la France et l'Afrique.
Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs à l'Élysée, Emmanuel Macron a défendu avec vigueur la position française en Afrique. "La France n'est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise", a-t-il déclaré, avant d'ajouter sur un ton amer : "On a oublié de nous dire merci, c'est pas grave, ça viendra avec le temps. L'ingratitude est une maladie non transmissible à l'homme."
En réponse à ces propos, Alain Foka développe une analyse historique implacable, remontant aux origines des relations franco-africaines. Le journaliste rappelle notamment qu'"après l'abolition de l'esclavage en 1848, la France a choisi d'indemniser les propriétaires d'esclaves", leur accordant "126 millions de francs or aux 10 000 propriétaires d'esclaves, soit 1,3% du revenu national d'alors, l'équivalent de 27 milliards d'euros d'aujourd'hui."
Quand Emmanuel Macron évoque les récents engagements militaires français contre le terrorisme, justifiant les retraits par les coups d'État, Foka répond par une longue énumération historique : "Merci pour cette mission civilisatrice qui nous a débarrassé de nos traditions, de nos croyances, de notre identité, de nos religions [...] Merci pour le partage à Berlin en 1885, de notre continent."
Le journaliste pointe également du doigt le silence des entreprises françaises sur leur passé lié à l'esclavage, contrairement à leurs homologues britanniques. "Un sujet tabou en France", note-t-il, alors qu'au Royaume-Uni, plusieurs institutions financières majeures ont reconnu leurs liens historiques avec la traite négrière.
SONKO RENFORCE SON CONTRÔLE SUR LES MISSIONS À L'ÉTRANGER
Le texte limite notamment à trois le nombre de personnes par délégation et fixe une durée maximale de 21 jours pour les missions avec frais. Cette réforme s'accompagne d'un renforcement significatif du rôle des missions diplomatiques
(SenePus) - Le Premier ministre Ousmane Sonko vient de signer une circulaire fixant un cadre plus strict pour les missions à l'étranger des agents de l'État. Ce document, daté du 22 janvier 2025, établit de nouvelles règles visant à rationaliser les dépenses publiques et à renforcer l'encadrement des déplacements officiels.
La circulaire apporte des précisions majeures sur l'organisation et le financement des missions à l'étranger. "Une mission doit être un déplacement de travail entrant dans le cadre des actions programmées par le gouvernement dans ses relations avec les États, les organisations internationales et toute autre institution publique ou privée", stipule le texte.
Parmi les mesures phares, la taille des délégations est désormais strictement limitée. "La taille des délégations devant représenter le Sénégal à des rencontres internationales ne peut excéder trois personnes, sauf dérogation accordée par le Premier ministre", précise la circulaire. Le document encourage également une plus grande implication des missions diplomatiques pour "éviter des déplacements coûteux et non-indispensables".
"En tout état de cause, la durée d'une mission avec frais ne peut excéder vingt-et-un jours", indique le texte. Les demandes d'ordres de mission doivent être transmises "au moins quinze jours avant la date prévue pour le départ, sauf en cas de force majeure dûment justifiée".
La circulaire interdit formellement "la prise en charge des frais de mission des ministres, des membres du Cabinet, du Secrétariat général ou des autres services des ministères par les entités du secteur parapublic sous contrôle ou sous tutelle, sauf pour des missions organisées par lesdites entités". De plus, "la prise en charge de missions d'agents de l'État à l'étranger, par des structures ou organisations privées, est proscrite, sauf dans le cadre d'une convention dûment approuvée".
Le texte redéfinit également la notion de "mission sans frais" qui, selon la circulaire, "s'entend d'une mission dont la prise en charge financière n'est pas supportée par le budget de l'État ou de ses démembrements". Cette précision vise à éviter toute ambiguïté sur la nature des financements.
La mise en application de ces nouvelles dispositions est confiée au Secrétaire général du gouvernement, qui est "chargé de l'application rigoureuse des dispositions de la présente circulaire".
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M23, LES SEIGNEURS DE LA TERREUR
Équipé d'artillerie lourde et de missiles sol-air , le groupe rebelle étend son emprise sur le Nord-Kivu. Derrière cette guerre se cache une bataille pour le contrôle des richesses minières, pendant que les civils fuient par milliers
Une enquête du journal Le Monde met en lumière l'ampleur de la violence qui secoue l'est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis la résurgence du groupe armé M23 en novembre 2021.
Le mouvement, qui avait connu une période d'inactivité de huit ans, a repris les armes avec une puissance de feu renouvelée. L'ONU pointe du doigt le soutien du Rwanda, attesté par la présence de forces rwandaises aux côtés des rebelles et l'utilisation d'équipements coordonnés, notamment de l'artillerie lourde et des missiles sol-air.
Les civils payent le prix fort de cette reprise des hostilités. Le massacre de Kishishe et Bambo en novembre 2022 en témoigne : plus d'une centaine de civils y ont été exécutés arbitrairement. Des survivants, évoqués par Le Monde, rapportant avoir été contraints d'entrer leurs proches dans des fosses communes, dont au moins 14 ont été identifiées par Human Rights Watch.
L'ONG ACLED dresse un bilan accablant : depuis novembre 2021, au moins 3000 civils ont perdu la vie dans des attaques au Nord-Kivu. Un chiffre probablement sous-évalué, de nombreux villages restant inaccessibles aux observateurs.
La réponse des autorités congolaises s'avère tout aussi problématique. L'armée nationale s'est alliée à diverses milices locales, dont certaines sont connues pour leurs exactions. Elle s'est elle-même illustrée dans des actes de violence, comme lors de la répression sanglante d'une manifestation à Goma en août 2023, qui a fait 57 morts.
En toile de fond de ce conflit se dessinent des enjeux économiques majeurs : le Nord-Kivu regorge de minéraux précieux - or, étain et coltan, ce dernier étant essentiel à l'industrie électronique mondiale.
La crise humanitaire s'aggrave : plus d'un million de personnes ont dû fuir leurs foyers, tandis que le M23 resserre son étau autour de Goma, la capitale provinciale. Une situation qui perdure malgré les engagements de paix du président Félix Tshisekedi.
Par El Hadji Momar SAMBE
PASTEF RENIE SON ENGAGEMENT AVEC LES ASSISES NATIONALES ET LE SURSAUT CITOYEN
Le vote actant la dissolution du CESE et du HCCT révèle une contradiction manifeste avec les engagements antérieurs du parti. Cette décision, en rupture avec les conclusions des Assises, interroge sur la vision démocratique du nouveau pouvoir
Dans un papier du 5 novembre 2024, je posais la question de savoir quel serait le prochain reniement du parti Pastef quand il aurait la majorité au Parlement, du fait de son double engagement sur la question des institutions consultatives que sont le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et le Haut-conseil des collectivités territoriales (Hcct).
Je disais alors « la question se pose de savoir si le parti Pastef va aller dans le sens de respecter son engagement populiste et satisfaire ses électeurs en dissolvant le Cese et le Hcct, comme il l’a tenté en août 2024, faisant ainsi honte au peuple des Assises et à ses amis du « Sursaut citoyen », Ndoye et Loum ?
Ou alors va-t-il renier son engagement premier pris devant ses électeurs et respecter sa signature apposée sur la Charte des Assises et le Pacte du « Sursaut citoyen » ? Voilà le dilemme auquel est désormais confronté le parti Pastef ? Dans quel sens va-t-il trancher quand il aura la majorité au parlement ?» C’est désormais chose faite, depuis le 14 décembre 2024. Le projet de loi portant dissolution de ces institutions et réforme de la Constitution est passé comme lettre à la poste avec la nouvelle Assemblée nationale où le parti Pastef règne en maître avec 130 députés sur 165.
Ainsi, le parti Pastef a choisi de renier son engagement pris avec les Assises nationales dont les conclusions portaient bien la recommandation d’instituer le Hcct, parallèlement au Cese et au Cnse (Conseil national des Sénégalais de l’extérieur), et la signature de son candidat à la présidentielle de mars 2024, Bassirou Diomaye Faye, du Pacte national de bonne gouvernance démocratique élaboré par le «Sursaut citoyen». Ce pacte s’inspire des conclusions des Assises nationales et de la Cnri (Commission nationale de réforme des institutions) dont le projet de Constitution est clair quant à la nécessité d’insérer ces institutions consultatives dans l’architecture institutionnelle de notre pays. Diomaye et Sonko ont donc choisi de faire honte au peuple des Assises et à leurs amis du « Sursaut citoyen », Mamadou L. Loum, Mamadou Ndoye, etc. Grand bien leur fasse !
Ce choix, outre le fait qu’il traduit un énième reniement de Pastef face à ses engagements, exprime de manière plus explicite l’option de recul démocratique de ce parti par rapport à la démocratie participative à laquelle ses leaders font référence dans leur document appelé « Sénégal 2050 » comme dans la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre, Ousmane Sonko.
En effet, dans ce dernier document, le Premier ministre proclame que «la participation accrue des citoyens dans la gestion publique, par la matérialisation d’une véritable démocratie participative, au niveau central comme au niveau local, renforcera également l’adhésion des citoyens aux institutions de la République » (Dpg, P.96), après avoir annoncé : «… Nous mettrons en place une Haute autorité de la diaspora, un organe consultatif rattaché à la Primature, pour conseiller le gouvernement sur les questions touchant les Sénégalais de l’étranger. Les associations de la diaspora les plus représentatives y seront représentées.» (Dpg, p.92).
Deux observations s’imposent à ce propos.
1-La proclamation du PM quant à l’adhésion de son régime à la démocratie participative est en totale contradiction avec la dissolution du Cese et du Hcct ; institutions que la Cnri avait inscrites dans son projet de Constitution aux articles 138 et 139, en cohérence avec l’esprit bien compris de la démocratie participative. Le prétexte d’économie budgétaire avancé pour justifier cette suppression ne tient pas, au regard du maintien des agences et services, et des fonds spéciaux qualifiés de fonds politiques « haram », qu’on avait promis de supprimer, et du recrutement tous azimuts de chargés de mission à la présidence comme à la Primature. Prétexte d’autant plus fallacieux que les budgets de ces institutions sont maintenus à leur niveau antérieur et même augmentés pour l’Assemblée nationale.
2-L’organe consultatif de la diaspora dont le PM annonce la mise en place, est totalement différent de ce que préconise la Cnri à l’article 140 de son projet de Constitution : « Le Conseil consultatif des Sénégalais de l’extérieur est saisi par le gouvernement ou l’Assemblée nationale sur toutes les lois ou dispositions réglementaires touchant la condition de vie des Sénégalais de l’extérieur. Le Conseil consultatif examine périodiquement la condition des Sénégalais de l’extérieur dans les pays où ils résident, ainsi que l’efficacité des services qui leur sont rendus par les représentations nationales à l’extérieur, leur participation au développement national, de même que les conditions de leur réinsertion à leur retour…»
A la place, le PM et son régime veulent un organe sans la dignité d’organe constitutionnel pouvant être saisi par le président de la République, l’Assemblée nationale, en plus du gouvernement. Cela réduit l’envergure de la vocation de l’organe qui reste un organe administratif. Ce qui risque d’en faire un organe captif tout à la dévotion du PM.
Ce faisant, le parti Pastef tourne ainsi le dos à ce qui fait l’essence même de la démocratie participative : la participation et le contrôle des citoyens dans l’élaboration, l’exécution et le contrôle des politiques publiques les concernant.
C’est ce nouveau paradigme que la Cnri, à la suite des Assises nationales, indiquait dans ses recommandations, estimant que pour un véritable approfondissement de la démocratie, « le citoyen ne doit plus être considéré comme un usager passif du service public ou un simple faire-valoir. Il doit disposer du droit d’initiative en matière législative et référendaire, mais aussi du droit d’initier des pétitions ».
C’est à cette vision de la démocratie que le Rta-S et les véritables forces de Gauche, ainsi que le peuple des Assises, adhèrent et restent attachés. C’est la démocratie du « Péncoo », la démocratie participative qui érige «en principe constitutionnel de la concertation avec les secteurs directement concernés de la Nation pour tout projet d’acte juridique ou de décision portant orientation ou réorientation des options fondamentales des politiques publiques». (Conclusions Cnri, P.27).
Le parti Pastef, malgré tous ses bavardages, proclamations et annonces, ignore de tels principes et n’utilise la concertation que de manière opportuniste, quand cela l’arrange ou malgré lui-même, contraint et forcé par la réalité concrète et/ou sous la poussée des forces sociales d’un secteur donné. Sinon, il n’aurait pas supprimé des institutions comme le Cese et le Hcct où siégeaient des représentants des organisations professionnelles (agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, artisans, etc.), de syndicats de travailleurs, du patronat, de foyers coutumiers, religieux, maires, présidents, conseillers territoriaux.
Ces actes excluent des représentants légitimes des forces vives de la Nation de la participation effective, à côté d’institutions exclusivement constituées de politiques, à la construction nationale, depuis l’élaboration, la mise en œuvre et le contrôle des politiques publiques les concernant.
Mais c’est bien connu, du reste, le dialogue et la concertation ne font pas partie de son Adn. Durant les dix ans de son existence, le parti Pastef n’a jamais prôné le dialogue, ni participé à un dialogue appelé par le pouvoir en place autour d’une question d’intérêt national majeur (démocratie, pétrole, santé, éducation, etc.).
Cela ne saurait étonner quiconque comprend bien la nature du populisme qui se nourrit de démagogie et de manipulation pour tromper son monde et l’embarquer dans des projets aussi nébuleux qu’aventureux. Et bien entendu, cela va naturellement avec l’autoritarisme, l’exclusion et l’esprit partisan sectariste en totale cohérence avec toute la politique publiquement assumée du parfait remplacement de tous les directeurs des agences et services, voire des personnels opérationnels, par des militants de Pastef.
La dissolution de la «Coalition Diomaye Président» en était déjà une indication. Pratique politique reposant sur une philosophie manichéiste justifiant les pratiques agressives contre leurs anciens amis de «Taxawu Senegaal» et les opposants de tout acabit (politiques, activistes, chroniqueurs, groupes de presse, hommes d’affaires, etc.).
A quels autres reniements nous rendra le nouveau pouvoir de Pastef ?
LA CEDEAO ACTE LE DÉPART DE L'AES
Si la rupture est consommée, l'organisation maintient une politique de portes ouvertes, avec des dispositions transitoires. Les dispositifs de libre circulation, les documents d'identité et les accords commerciaux sont maintenus jusqu'à nouvel ordre
(SenePlus) - La Commission de la CEDEAO a officiellement annoncé, dans un communiqué ce 29 janvier 2025, le retrait effectif du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger de l'organisation ouest-africaine. Cette décision historique s'accompagne toutefois de dispositions transitoires visant à préserver les intérêts des populations.
Dans un esprit de solidarité régionale et conformément aux directives de la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement, l'organisation maintient ses portes ouvertes au dialogue. Des mesures spécifiques ont été édictées pour assurer une transition harmonieuse.
Parmi les dispositions principales, les passeports et cartes d'identité nationaux arborant le logo de la CEDEAO resteront valides jusqu'à nouvel ordre pour les citoyens des trois pays concernés. Les échanges commerciaux se poursuivront selon le Schéma de libéralisation des échanges (SLEC) et la Politique d'investissement de la CEDEAO.
La libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement sans visa demeurent garantis pour les ressortissants de ces pays. Par ailleurs, les fonctionnaires originaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger continueront de bénéficier du soutien nécessaire dans l'exercice de leurs missions communautaires.
La Commission précise que ces mesures resteront en vigueur jusqu'à l'adoption des modalités complètes régissant les relations futures avec les trois États. Une structure spéciale a été mise en place pour faciliter les discussions avec chacun des pays concernés durant cette période de transition.
Par Henriette Niang KANDE
DÉSERT D’OPPORTUNITÉS VERSUS MIRAGE DE PROSPÉRITÉ
Les rêves de startup agricoles font face à un écueil : « pas de marge de manœuvre ». L’eldorado promis s’avère être… une récolte de raisins en Espagne... Faute d'imagination, les solutions ressurgissent d'un passé qu'on aurait aimé oublier
C'était une époque pas très lointaine pleine de promesses, des discours et une campagne teintés d'idéaux flamboyants. Ils avaient su capter l'attention de toute une génération. Leur programme ? Simple : des emplois pour les jeunes, une économie indépendante des fluctuations internationales et une autosuffisance alimentaire qui nous ferait oublier l'existence même des importations.
L e tout emballé dans une rhétorique pleine d'élan patriotique et de slogans. Le programme initial, rappelons-le, était ambitieux. Un plan massif d’investissements, le développement de circuits courts, et des incitations à la création d’entreprises locales devaient redonner au pays un lustre économique qu’il n’avait jamais connu. Les jeunes, eux, étaient promis à des emplois dans les technologies, la recherche et l’innovation, ou encore des carrières exaltantes dans l’agriculture « modernisée ». En somme, on leur proposait la Silicon Valley version bio et terroir. C'était leur espoir, le grand souffle de renouveau. En élisant l’équipe de la "Souveraineté et de Rupture" (S&R pour les intimes), le pays semblait avoir trouvé la solution miracle : des emplois dignes et épanouissants pour sa jeunesse, une autosuffisance économique et alimentaire, et un avenir radieux sous un ciel bleu patriotique.
Les promesses étaient un brin trop ambitieux, les rêves de startup agricoles font face à un écueil imprévu : « pas de marge de manœuvre ». Les emplois pour les jeunes se feront finalement, au son du sécateur et du craquement des feuilles sous les pieds et des coups de bistouri dans les structures de santé qataries. Direction les vignobles espagnols, et les projets technologiques ou de médecine du Qatar donc. Nous n’avions jamais imaginé que la "souveraineté économique" consistait à mieux « rentabiliser » les exploitations agricoles espagnoles et combler le déficit de personnels qataris, à coups de maind’œuvre pas chère. En effet, après dix mois plus tard, d’exercice du pouvoir, la réalité s’est imposée avec toute la grâce d’un tracteur déraillant dans un champ de maïs. L’eldorado promis s’avère être… une récolte de raisins et de mandarines, en Espagne ou un travail de forçat « qualifié » au Qatar. L'espoir s'est transformé en une réalité plutôt... terre à terre. Très terre à terre. Terre aride même. Quand l'imagination fait défaut, les solutions viennent souvent d'un passé qu'on aurait aimé oublier. Nos dirigeants, viennent d'appliquer une recette déjà connue : envoyer nos jeunes concitoyens à l'étranger, dans des emplois qui n'ont rien de glorieux, mais qui font illusion sur le papier.
C’est le dernier coup d'éclat en date du ministre Abasse Fall à qui on peut donner le titre de « ministre du Travail et des Perspectives radieuses », qui, revenant du Qatar, brandit un accord comme s'il avait décroché la lune. Son trophée ? Exporter dans ce petit émirat un millier de travailleurs de divers secteurs tels que la technologie, la médecine et la logistique, dont la formation a coûté au Sénégal qui en a grandement besoin.
Dans la foulée, le gouvernement sénégalais a décidé de remettre sur la table un accord de migration circulaire avec l'Espagne. Traduction ? Des bras sénégalais pour aller cueillir fruits et légumes dans les champs espagnols. Oui, vous avez bien lu. La jeunesse, portée aux nues il y a peu, est aujourd'hui invitée à plier bagage et traverser les frontières pour participer aux vendanges et à la cueillette en Espagne. Les emplois promis sont bel et bien là, mais il faudra mettre des bottes, attraper un sécateur, vivre dans des cantonnements, et apprendre à dire "olé, viva Espaňa" sans sourciller
Pendant ce temps, l’opposition politique se frotte les mains. « Voilà où mènent les slogans populistes, à l’exil de notre jeunesse ! », tonnent d’anciens dirigeants gouvernementaux, qui n’avaient eux-mêmes pas mieux proposé quand ils étaient aux affaires. Et maintenant ? À bien y réfléchir, pourquoi la souveraineté à cors et à cris, sur tous les tons, ne nous fait-elle pas réclamer une réciprocité ? Le sens unique doit interroger, d’autant plus que les jeunes du monde entier, ont la mobilité en commun. Pourquoi les Espagnols ne viendraient-ils pas, eux, planter des cacahuètes dans nos campagnes ? À croire que l’équilibre agricole espagnol et le développement du Qatar, reposent sur une subtile stratégie de délocalisation des bras et des cerveaux. Et nos jeunes, le lubrifiant silencieux des rouages de leurs économies respectives.
Au pays pourtant, les terres cultivables s'étendent, désespérément inactives ou louées à des étrangers. Des milliers de kilomètres carrés de potentiel agricole qui attendent une maind'œuvre... qui part ailleurs. Les terres arables locales se couvrent d'herbes folles, d’épineux, repas de roi pour des troupeaux de chèvres, de sachets plastique que le vent accroche aux arbustes, et le pays importe à prix d'or des denrées qu'il aurait pu produire lui-même. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Les exploitants espagnols, eux, se frottent les mains : une jeunesse dynamique, prête à tout pour gagner quelques euros. Pendant ce temps, notre pays regarde ses enfants s’éloigner.
Cherchez l'erreur. Ah, ces pauvres gouvernants, bien plus doués pour planter des promesses électorales et des plants de salade ! Il n'y a pas si longtemps, des rêves nous étaient vendus : des rêves en technicolor : "En deux mois, tout sera réglé ».
À croire qu'il est plus simple de négocier des contrats saisonniers à l'étranger que de construire des infrastructures agricoles chez soi. Après tout, pourquoi ne pas se pencher sérieusement sur une économie locale au lieu de transformer sa jeunesse en travailleurs lowcost pour l'économie hors-frontières ? Une solution pratique : les jeunes travaillent, les statistiques de chômage baissent, et le gouvernement peut se féliciter. Pas mal, non ?
Le plus beau dans cette affaire, c'est le double discours. Officiellement, on nous parle de fierté nationale, de valorisation des talents locaux, de souveraineté alimentaire. Officieusement, on les emballe dans des charters direction l'Espagne avec, peut-être, un petit guide touristique pour se consoler : "L’Espagne et ses merveilles »."Qui croit aux promesses récolte l'exil."
Finalement, cette histoire de jeunesse exportée pourrait être une excellente comédie… si elle n'était pas si tragique. Que faire de cette situation ? Rire pour ne pas pleurer ? Peut-être. Mais il serait temps que nos gouvernants se rendent compte qu'un pays ne se construit pas en exportant ses forces vives. Les champs espagnols ont peutêtre trouvé nos bras, le Qatar nos cerveaux, mais notre pays, lui, risque fort de perdre son âme
Pour arriver au niveau de développement actuel, les Chinois pédalaient en uniforme Mao, une mode sobre qu’on pourrait qualifier d’anti-paillettes. Chez nous, les tenues d’apparat, les carrosses dorés et les privilèges clinquants, liés aux fonctions officielles, sont des arguments motivants pour les jeunes. Rien que ça fait germer l’envie de ne pas rester, mais plutôt de jouer les aventuriers sur des rafiots douteux ou de tester l’endurance dans le désert en mode « esclavage version hardcore ». Mais bon, pourquoi changer ? L’exemple vient d’en haut, et là-haut, on aime bien les paillettes. On garde les vieilles recettes foireuses, convaincus que le frein, ce n’est pas nous. Eh bien si.
Alors, qu'on se le dise : exportateur des travailleurs, c'est peutêtre efficace à court terme, mais ça ne nourrit pas les ambitions nationales. Si nos dirigeants actuels veulent vraiment marquer l'histoire, qu’ils sortent du cycle des idées réchauffées, se dévêtissent de leurs boubous froufroutants, des costumes près-du-corps, des chaussures dont le cuir bêle encore et qu’ils innovent. Sinon, leur place dans les livres d'histoire, risque de se limiter à une simple note de bas de page, juste après la recette du gaspacho espagnol et le majboos, le plat incontournable au Qatar. Ah ! j’oubliais, majboos signifie « être engagé » en arabe. Comme ces milliers de jeunes qui ont littéralement envahis les Bureaux d’Orientation et de Suivi (Baos) et les tribunaux du pays, chacun espérant faire partie du « peuple des élus ». Engagés à quitter ce désert d’opportunités pour aller vivre un mirage de prospérité ailleurs.
PAR Ismaila Madior Fall
L’AES, ENTRE LÉGITIMITÉ DU RETRAIT DE LA CEDEAO, EFFECTIVITÉ ET AVENIR DE L’ORGANISATION SOUS-RÉGIONALE
EXCLUSIF SENEPLUS - La désintégration par dénonciation du traité fondateur de la communauté peut-elle être mise en œuvre sans consultation populaire ni aval parlementaire, mais aussi des autres organes de l’organisation ?
Ce mercredi 29 janvier 2025 marque la date de formalisation du divorce du Mali d’avec la CEDEAO.
Un divorce regrettable
Pourtant, lors des réunions (ministérielles et de chefs d’Etat) de la CEDEAO de l’année 2023 sur les velléités des Etats de l’AES de quitter l’organisation, nous étions convaincus qu’ils n’allaient pas franchir le rubicond de claquer la porte de la maison communautaire et qu’ils allaient revenir sur leur volonté de se délier de l’organisation pour ne pas compromettre les acquis de plusieurs décennies de construction d’un modèle d’intégration, qui bien qu’imparfait, est bien meilleur que beaucoup d’autres expériences du genre sur le continent et dans le monde.
La lettre du président de la Commission (Docteur Omar Alieu Touray) (en date du 13 janvier passé) adressée au ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République du Mali, (Abdoulaye Diop) l’invitant à engager les formalités de séparation à compter du 29 janvier 2025 nous ramène à la dure et douloureuse réalité de l’effectivité du divorce avec plein d’incertitudes qui concernera aussi le Niger et le Burkina Faso.
Réserves sur des divorces engagés par des régimes de transition
Malgré le respect qu’il convient d’accorder à cette séparation qui constitue un risque sur la viabilité de l’organisation et l’avenir de l’intégration en Afrique de l’Ouest et, au-delà, en Afrique, l’on peut s’interroger sur le bien-fondé de la décision de retrait d’une organisation régionale de la part d’Etats dont les autorités sont dépourvues de la légitimité du suffrage universel et n’ont pas pris l’initiative d’une ratification populaire d’un acte de cette envergure de désaffiliation affectant le destin d’une communauté, quoi qu’on en dise, soudée par l’histoire, la géographie, la culture, l’économie et un ambitieux droit qui définit les principes de convergence constitutionnelle régissant le mode de vie politique de cet espace ; une communauté de droit qui récuse et sanctionne audacieusement la prise de pouvoir par des moyens portant atteinte aux bases ontologiques de l’intégration.
La décision unilatérale des juntes militaires de délier leurs Etats de leurs obligations vis-à-vis de la CEDEAO, même si elle est, bien sûr, conforme aux principes régissant les organisations internationales (dénonciation) et au traité fondateur de la Communauté (retrait), elle pose un problème de légitimité quant à la validité procédurale et substantielle de la démarche, tant en droit international qu’en droit interne. En effet, si, en droit international, l’effectivité du pouvoir peut parfois l’emporter sur la légitimité, en droit de l’intégration en revanche, on peut s’interroger sur l’admission automatique d’un retrait assumé par des autorités investies en violation des textes de la CEDEAO, notamment du Protocole de Dakar. Doit-on se limiter à la lettre du droit communautaire et laisser libre cours aux retraits ? Ou ne devrait-on pas, sans aller jusqu’à loi de l’enchaînement de l’Etat fédéré à l’Etat fédéral, davantage rigidifier la procédure de retrait, avec l’objectif de donner du temps et de la chance à la diplomatie intégrative. Ce qui pose le débat de la réforme institutionnelle de la CEDEAO après que le traité soit éprouvé par l’expérience.
Au surplus, la désintégration du processus d’intégration par des actions initiées dans le cadre de la dénonciation du traité peut-elle être accueillie et mise en œuvre sans consultation du peuple par voie référendaire, des parlements nationaux suspendus ou dissous, mais aussi des autres organes de l’organisation (Parlement au titre des saisines facultatives au moins, Cour de justice) ? Ces derniers devraient aussi, au nom de la logique institutionnelle, avoir leurs initiatives à prendre et leur mot à dire, même si le dernier mot revient à la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement.
A dire vrai, au-delà de la légalité de la démarche, ces retraits, spectaculaires et inédits depuis le départ en 2000 de la Mauritanie qui a envisagé heureusement son retour par la signature en 2017 avec l’organisation d’un accord d’association, doivent être pris au sérieux et subir le traitement juridique et politique requis. Ils pourraient souffrir d’un déficit de légitimité apaisante lié à l’absence d’onction démocratique tirée du défaut d’élection des dirigeants de la transition et de la non tenue de consultation référendaire, comme on l’a vu par exemple dans le cadre du Brexit où après le référendum, la Cour suprême britannique avait exigé l’approbation parlementaire, avant d’activer l’article 50 du Traité de Lisbonne sur les négociations de sortie. A juste titre, car le référendum reste le procédé de droit commun de validation et de légitimation d’une décision d’un pays décidant se retirer d’un projet d’intégration cinquantenaire, dont l’Etat en question est membre fondateur.
Les réserves de principe démocratique sur l’initiative de désaffiliation de la CEDEAO de la part de régimes à vocation transitoire sont également valables pour celle de leur affiliation à l’AES. En tout état de cause, il est clair qu’après 50 ans de vie dans une organisation d’intégration, se retirer de celle-ci signifie tourner le dos à une expérience de fraternité africaine cinquantenaire, pourtant citée en exemple par les benchmarkings de fonctionnement de modèles d’intégration.
Une opportunité pour sécuriser le droit de retrait et sauver l’intégration
Bien entendu, le propos ne consiste pas ici à délégitimer ou à contester la décision de retrait des Etats de l’AES ou à critiquer la mise en branle de la procédure de séparation, mais plutôt à inciter la CEDEAO à transformer cette crise en opportunité pour sécuriser le processus d’intégration et éviter d’ultérieurs retraits liés notamment à des changements anticonstitutionnels de gouvernement (on le sait doublement condamnés par la CEDEAO et l’Union Africaine) qui peuvent se révéler des parenthèses bien circonscrites dans des périodes de transition d’une durée limitée. Ce besoin de sanctuarisation de l’organisation ne répond pas seulement aux Etats théâtres de coup d’Etat, mais à tous types de manifestations de volonté de rompre avec celle-ci. Il faut, à cet égard, prêter attention à la récente déclaration du ministre togolais des affaires étrangères Robert Dussey qui n’exclut pas une adhésion de son pays à l’AES. A l’évidence, un autre retrait et une éventuelle attractivité de l’AES (avec l’intention prêtée au Tchad d’y adhérer) seraient un coup dur pour les efforts méritoires de construction de l’intégration des Etats et des peuples de l’Afrique de l’Ouest.
L’organisation communautaire devrait, donc, marquer le coup en engageant, sans remettre en cause la souveraineté des Etats qui restent maîtres des traités, la réflexion sur la sécurisation de la clause du droit de retrait et définir une doctrine préventive y relative pour endiguer quelque tentation de cascades de décrochages qui saperaient la dynamique intégrative, mais aussi les efforts collectifs de construction de la paix et de la sécurité de la sous-région.
En définitive, parce qu’il y va de la survie de l’organisation, cet ajustement institutionnel salvateur de l’intégrité de l’organisation devrait être un des points de l’Agenda attendu des réformes de la CEDEAO.
L’urgence d’engager la réforme de l’architecture institutionnelle
Au total, pour éviter de se désagréger et plutôt s’élargir en se consolidant, la CEDEAO doit, d’urgence, se réformer dans le sens d’une meilleure balance entre la sauvegarde des principes constitutionnels, la gestion des susceptibilités souverainistes et l’atteinte des objectifs économiques.
Ismaila Madior Fall est Professeur des Universités, ancien ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur.