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2 décembre 2024
Développement
par Edgard Gnansounou
REPENSER L’INTÉGRATION RÉGIONALE EN AFRIQUE DE L’OUEST
Nous nous sommes appropriés une identité nationale qui pourtant nous vient de la colonisation. Nous en jouons avec excès en convoquant un nationalisme étroit, prisonniers d’un conditionnement contraire à nos véritables aspirations
La situation économique et politique en Afrique de l’Ouest appelle à un renouvellement de l’idée de l’intégration régionale. Les tentatives volontaristes visant à fédérer certains de nos pays à la veille et au lendemain des indépendances se sont soldées par des échecs. Le Sénégal était au centre de deux de ces initiatives infructueuses : la fédération du Mali et la Sénégambie. La première était circonscrite à la sphère des anciennes colonies françaises et n’avait pas l’assentiment de la France. La deuxième cherchait à concrétiser une réalité historique entre deux peuples que tout devrait unir : le Sénégal et la Gambie. Les historiens ont beaucoup écrit sur les causes de ces échecs et des enseignements constructifs auraient pu être tirés pour poursuivre la voie vers la fédéralisation. Nos pays sont passés à une autre approche. Mais ont-ils eu raison ?
Houphouët-Boigny et le Groupe de Monrovia ont pris le pas sur Kwame Nkrumah, le groupe de Casablanca, Cheikh Anta Diop, et d’autres panafricanistes de première heure.
Aujourd’hui, nous nous sommes appropriés une identité nationale qui pourtant nous vient de la colonisation. Parfois, nous en jouons avec excès en convoquant un nationalisme étroit et en feignant d’ignorer que nous sommes alors prisonniers d’un conditionnement contraire à nos véritables aspirations.
Plus de 60 ans après ces fameuses indépendances, nous savons maintenant que Houphouët et le Groupe de Monrovia avaient eu tort de nous pousser à la fragmentation. Mais les autres, aussi vénérables soient-ils, avaient-ils pour autant raison ? Une fédération africaine centralisée était-elle, est-elle la bonne solution ? Tout semble démontrer qu’aujourd’hui, cette perspective nourrit davantage un activisme sympathique mais impossible à opérationnaliser à moyen terme.
Nous avons besoin de solutions durables à nos problèmes
Alors que nos nationalismes empruntés nous condamnent à l’impuissance de nos micro-états, la fuite en avant vers l’idéal d’un fédéralisme continental ressemble davantage à la politique de l’autruche. Nous devons donc être innovants et développer une approche graduelle mais effective, une approche qui intègre les réalités historiques inscrites dans les entités que sont nos pays et l’Afrique de l’Ouest.
Pour répondre aux besoins socio-économiques d’une population jeune et dont le taux de croissance est l’un des plus élevés au monde, nous devons nous industrialiser. Certes, ceci peut se faire avec nos très petites entreprises, nos petites et moyennes entreprises, l’import-export en nous insérant dans les chaînes de valeurs globales. Mais c’est bien ce à quoi nous nous essayons depuis des décennies avec des résultats mitigés, tant nos besoins sociaux sont prégnants et les termes de l’échange inégaux.
La croissance économique insuffisante et mal répartie, ne permet pas de valoriser un potentiel humain riche et foisonnant. Par ailleurs, la dépendance aux marchés globaux et la perpétuation d’un modèle multiséculaire qui fait de nos économies des exportateurs de biens à faibles valeurs ajoutées nous appauvrissent continuellement au profit des économies avancées. L’aide au développement censée combler nos balances commerciales structurellement déficitaires a fait long feu et participe d’une indignité que nous sommes de plus en plus nombreux à réprouver.
Nos organisations d’intégration économique régionale malgré quelques acquis, n’ont pas atteint leurs objectifs. Les échanges économiques intra-communautaires restent très loin des attentes. Dans notre région, la CEDEAO connait une cerise importante avec le départ en cours du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui se dirigent vers la création de la confédération des Etats du Sahel. Mais en réalité, cette crise va bien au-delà de la scission en cours et il serait vain de chercher à faire revenir ces trois pays dans la CEDEAO telle qu’elle nous est servie, une organisation régionale à vocation économique mais à fonctionnement fortement dépendant de facteurs géopolitiques liés aux intérêts de ses donateurs.
Alors que faire ?
Une nouvelle vision de notre intégration régionale
Nous devons construire des économies industrielles robustes, comprenant certes des TPE et PME, mais aussi de grandes entreprises à dimension régionale, des économies bénéficiant de vrais tissus industriels, des économies résilientes aux chocs des chaines de valeurs globales, donc des économies associant de fortes chaines de valeurs régionales nous permettant de réduire nos vulnérabilités. Ceci ne peut se faire sans une intégration politique car les accords de partenariat économique existant entre nos micro-états et les économies avancées font bénéficier ces dernières des avantages prévus dans nos projets d’unions économiques continentales et en limitent les effets.
Mais au-delà de la pertinence économique, nous avons aussi le devoir de dépasser les frontières héritées de la colonisation afin de permettre aux nouvelles générations de recouvrer la plénitude de leur épanouissement, dans un espace géographique et géopolitique qui sera véritablement le leur et qui permettra de réunifier des groupes socioculturels séparés par des frontières artificielles.
La nouvelle vision de notre intégration régionale cherche à créer à terme une Confédération des Etats de l’Afrique de l’Ouest incluant les 15 Etats actuels de la CEDEAO et ceci, de manière progressive, en trois étapes.
Etape 1
Favoriser une plus grande décentralisation de la fédération nigériane, une fédération de 36 Etats mais dont le gouvernement fédéral détient la souveraineté sur l’ensemble des ressources naturelles du pays.
Créer une deuxième fédération, la Fédération Sahélo-Guinéenne (FSG), avec les 14 autres Etats de la CEDEAO, une fédération décentralisée dans laquelle, chaque Etat gardera la souveraineté sur ses propres ressources naturelles mais où l’espace territorial, la défense, la sécurité collective, la diplomatie seront mutualisés et l’économie sera coordonnée avec le souci d’une meilleure complémentarité et d’une valorisation rationnelle des ressources naturelles dans un marché intérieur de taille critique.
Etape 2
Réformer profondément la CEDEAO en la transformant en une organisation de coopération entre les 50 Etats de l’Afrique de l’Ouest (36 Etats du Nigéria et 14 de la FSG) avec une chambre pour chaque fédération et une délibération consensuelle entre les deux chambres.
Etape 3
Transformer la CEDEAO réformée en une confédération entre les deux fédérations, la Confédération des Etats de l’Afrique de l’Ouest avec un parlement et une présidence élus par les peuples selon des modalités à définir.
Le rôle potentiel du Sénégal
Le Sénégal peut jouer un rôle d’avant-garde dans la promotion de cette nouvelle vision et en faveur de sa concrétisation graduelle. Le pays est ressorti potentiellement plus fort des péripéties politiques qui ont conduit au dénouement du 24 mars 2024. Mais il a besoin d’une vision régionale innovante et mobilisatrice qui donne une plus grande portée à la volonté politique actuelle et une espérance à la jeunesse.
Un préalable au rôle de locomotive que pourraient saisir les nouveaux dirigeants du Sénégal, est une clarification de concepts tels que « patriotes, patriotisme économique », « le Sénégal d’abord » qui structurent les discours politiques et semblent heurter leurs engagements panafricanistes pourtant sincères. L’extrême droite française s’est appropriée les premiers termes, depuis des décennies et en fait son chou gras électoral, contre le fédéralisme européen. Il y a donc le risque d’une confusion politique à se prévaloir de ces concepts même s’ils sont énoncés dans un contexte différent de celui de la France.
Le patriotisme économique au Sénégal est sans doute dirigé contre ceux qui profitent des richesses économiques du pays au détriment du peuple sénégalais. Le patriotisme économique de l’extrême droite française est xénophobe et très protectionniste. Mais hélas, malgré cette différence importante, la sémantique alerte gravement surtout dans la perspective d’une fédéralisation innovante et décentralisée en Afrique de l’Ouest.
En proposant une nouvelle vision d’intégration politique et économique en Afrique de l’Ouest, nous sommes conscients des difficultés de sa réalisation. C’est à une véritable révolution pacifique que nous appelons pour nous sortir de la zone de confort stérile dans laquelle nous nous sommes installés et qui silencieusement nous consume.
Edgard Gnansounou est Professeur honoraire de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPPFL), président du Mouvement des Fédéralistes Sahélo-Guinéens (MFSG).
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GRAND JURY AVEC ABDOULAYE MAKHTAR DIOP
Le Grand Serigne de Dakar dresse un réquisitoire sévère contre Macky Sall, l'accusant d'avoir "perdu le sens de l'État". Il appelle le pouvoir en place à oublier certaines promesses de campagne pour se concentrer sur la gouvernance
Dans son intervention lors de l'émission "Grand Jury" de la radio privée RFM le dimanche 26 mai 2024, Abdoulaye Makhtar Diop, la plus haute autorité de la puissante confrérie des Lébous à Dakar, a dressé un réquisitoire sévère contre la gestion du le président déchu Macky Sall, tout en adressant une mise en garde au nouveau régime de Bassirou Diomaye Faye.
Revenant sur la dernière présidentielle, le Grand Serigne de Dakar a accusé l'ancien chef de l'État d'avoir "perdu le sens de l'État" et d'avoir manqué de respect aux institutions en voulant reporter l'échéance. "C'est extrêmement grave", a-t-il martelé, saluant au passage la position du Conseil constitutionnel qui a préservé le Sénégal "d'un coup d'État".
S'il se félicité de la victoire de Bassirou Diomaye Faye avec plus de 54% des voix, Abdoulaye Makhtar Diop a néanmoins pointé du doigt les motivations troubles de Macky Sall à s'être rapproché dans les dernières semaines de son successeur et d' Ousmane Sonko. Une attitude dictée selon lui par des "considérations personnelles" et la volonté de se "protéger".
L'ancien ministre d'État appelle le nouveau pouvoir à être réaliste et à oublier certaines de ses promesses électoralistes pour se concentrer sur la bonne marche de l'État. Il a insisté sur la nécessité pour le président et le Premier ministre de bien connaître les rouages de l'administration avant de lancer des réformes.
Abdoulaye M. Diop s'insurge contre les dérives dans la gestion des finances publiques, se disant "choqué" par le comportement de certains fonctionnaires et élus révélés par les corps de contrôle dans leurs rapports sur l'utilisation des fonds Covid.
Enfin, fort de son statut de principale autorité coutumière de la capitale, le Grand Serigne de Dakar a réclamé une réforme du foncier, appelant à clarifier le régime juridique des terrains pour mettre fin aux attributions opaques et à l'accaparement des terres par certains privilégiés .
LES NOUVEAUX MAÎTRES DE LA COMMUNICTAION POLITIQUE
Assane Diouf, Ousmane Tounkara et le rappeur Mollah Morgun... Des influenceurs gagnent en notoriété sur les réseaux sociaux avec un style provocateur et transgressif. Cette forme de militantisme suscite un débat de société sur la liberté d'expression
L’intrusion de ‘’pseudo-activistes’’ ou d’‘’activistes 2.0’’ dans la sphère politique semble marquer un changement dans le paysage politique sénégalais de plus en plus clivant et polarisé. Ainsi, des blogueurs ou tiktokeurs comme Assane Diouf, Ousmane Tounkara et le rappeur Mollah Morgun apparaissent, au gré de leur succès sur la toile, comme des acteurs centraux dans la formation de l’opinion publique et le suivi de l’actualité politique.
C’est un monde où l’outrance, la vulgarité et l’offense riment avec bonne visibilité sur la toile. L’intrusion d’insulteurs publics ou de “pseudo-activistes” affiliés à une organisation ou association dans le jeu politique a atteint son apogée avec l’emprisonnement de l’activiste et influenceur Bah Diakhaté, entraînant une mobilisation de l’APR. Celui qui se présente comme le président des activistes républicains et qui anime la page “Baatu Degg (la voix de la vérité)” sur le réseau social Facebook, a accusé le nouveau chef du gouvernement d’être proche des pro-LGBT. Cet activiste très remuant sur la toile s’est vanté dans plusieurs de ses vidéos d'être le défenseur de Macky Sall et de l’ancien régime contre les manipulations et les contrevérités propagées par les partisans de Pastef sur le Net. Il sera jugé en flagrant délit le 27 mai prochain, informe son avocat, Me Amadou Sall.
Pour rappel, l’activiste est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles et offense envers une personne exerçant tout ou partie des prérogatives du président de la République.
Cette arrestation a provoqué une levée de boucliers chez les républicains qui affirment qu’aucun des faits ainsi évoqués et prouvés n’est constitutif ni d’injures publiques ni d’offense, encore moins de diffusion de fausses nouvelles, comme l’indique l’APR dans un communiqué publié le 22 mai dernier.
Ce regain d’activité du parti de Macky Sall autour d’un activiste présent sur le web semble indiquer l’importance des insulteurs publics dans la sphère politique. L’un des pionniers de cette nouvelle tendance de communication est Assane Diouf, depuis les États-Unis.
Ce dernier, à travers ses différentes vidéos postées sur Facebook ou YouTube, s’en prenait vertement au chef de l’État Macky Sall et à son gouvernement à travers des propos insultants et outrageants dès 2016. L’activiste 2.0, porteur d’un discours antigouvernemental, va rapidement gagner en notoriété sur la toile en provoquant avec des révélations chocs non fondées, saupoudrées d’une rhétorique outrancière et injurieuse envers plusieurs personnalités du régime de Macky Sall. Une forme de communication qui allie activisme politique et divertissement.
De retour au Sénégal en 2018, ses vidéos vont se faire plus rares et l’ancien émigré goûtera rapidement aux geôles de Macky Sall à la suite de quelques sorties considérées comme injurieuses envers le régime.
Après de nombreuses péripéties avec la justice, Assane Diouf apparaîtra sur les plateaux télévisés et deviendra, au fil du temps, une personnalité médiatique qui n’hésite pas à donner son opinion sur les faits politiques.
Sur le plan politique, cette outrance ne semble pas lui avoir nui et il figurera même sur la liste proportionnelle de la coalition Wallu Sénégal pour la ville de Pikine, lors des municipales de janvier 2022. Il s'impliquera dans l’élection présidentielle de 2024 en apportant son soutien à Khalifa Sall.
L’agenda politique caché des ‘’pseudo-activistes’’
Selon Ibrahima Bakhoum, la notoriété de ces ‘’activistes politiques’’ peut s’expliquer par la volonté des Sénégalais de satisfaire leur instinct primaire de vouloir épier leur voisin et par la liberté de ton dans leurs déclarations, n'étant soumis à aucune contrainte en matière d’éthique et de déontologie. ‘’Les médias classiques sont trop lents dans la diffusion des informations, car ils doivent fournir au citoyen une information juste et vraie. Tandis que les activistes 2.0, qui peuvent être utilisés par les lobbies, sont à la solde d’un projet politique qu’ils veulent promouvoir. Souvent porteurs d’un discours antigouvernemental, ils sont prêts à toutes les manipulations et contrevérités pour régler des comptes politiques. Ils bénéficient de la culture de l’instantanéité qui marque désormais notre mode de consommation de l’information’’, affirme le journaliste.
Ce mode d’action de l’activisme politique sera copié par des influenceurs tels que le rappeur Mouhamadou Niasse dit ‘’Mollah Morgun’’ basé au Canada et Ousmane Tounkara qui vit aux États-Unis. Ces derniers, sur le même procédé qu’Assane Diouf, ont réussi, au fil du temps, à se constituer une bonne communauté de suiveurs sur la toile autour d’un discours virulent anti-régime de Macky Sall fait de dénonciations, d’attaques personnelles, d’appels à l’insurrection et de propos radicaux et injurieux contre des personnalités politiques.
Ce procédé s’est beaucoup accentué depuis les émeutes de mars 2022 et la forte défiance envers Macky Sall dans un contexte de fortes tensions avec le parti Pastef d’Ousmane Sonko. Ces présumés activistes, qui s’inscrivent dans la dynamique de défendre Ousmane Sonko alors poursuivi pour viol, puis pour atteinte à la sûreté de l’État ont été accusés. Ousmane Tounkara a même avoué avoir acheté des cocktails Molotov et contribué à hauteur d’un million de dollars (environ 603 millions F CFA) pour soutenir les combats de Pastef.
Des activistes 2.0 à l’aune d’une polarisation exacerbée de la scène politique
Cet attrait du public sénégalais pour ces pseudo-activistes reflète une certaine fascination pour les commérages publics et la médisance. ‘’Les Sénégalais dans leur ensemble aiment la médisance’’, avait fait remarquer le journaliste Cheikh Yérim Seck. D’où le succès des journaux de faits-divers ‘’Mœurs’’ et ‘’Tract’’, sans oublier le site people Face Dakar, qui est l’un des sites Internet les plus visités du pays.
Ce succès est aussi un exutoire pour des Sénégalais face à un pouvoir sourd à leurs revendications et à leurs difficultés.
Ce discours anticonformiste prôné par ces pseudo-activistes trouve son efficacité dans la volonté de rompre avec les normes de l’espace public sénégalais régies par un ensemble de règles mieux connu sous le nom de la culture du ‘’masla’’ (NDLR : Capacité de bien vivre avec les gens ou la recherche permanente du compromis) ou du ‘’kersa’’ (pudeur). Internet, de par son caractère anonyme, a libéré la parole citoyenne qui se soucie de moins en moins des contraintes morales et culturelles dans les relations humaines. La seule constante est de choquer au maximum par des propos choquants et clivants pour attiser les passions et susciter des débats enflammés afin de maximiser la monétisation de leurs contenus et vidéos.
Le risque d’une forte polarisation de la vie politique n’est pas exclu avec l’essor de ces activistes 2.0 et le recrutement d’une armée de tiktokeurs ou de youtubeurs par des partis politiques dans le seul but de discréditer le camp adverse.
En outre, l’ancien directeur de publication de ‘’Sud Quotidien’’ informe que ‘’ces activistes politiques’’ bénéficient ainsi d’une capacité de nuisance et d’influence dans la sphère politique, ce qui constitue, à terme, un danger pour la démocratie sénégalaise. ‘’Le citoyen se présentant comme activiste peut désormais participer à la formation de l’opinion en propageant la désinformation et en diffamant des personnalités. Cette capacité de nuisance, reprise dans les médias et les réseaux sociaux par les adversaires politiques de la personne visée, peut réussir, à terme, à ternir l’image publique d’une personne’’, conclut-il.
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DES DÉBATS SOUS INFLUENCE
La récente polémique sur "l'homosexualité" cache en réalité de lourds enjeux politiques. Tandis que l'opposition tente de fragiliser le pouvoir par des manœuvres de détournement, les experts alertent sur les véritables défis de gouvernance à relever
Dérapages nuisibles et manœuvres politiques obscurcissent les réels enjeux de gouvernance au Sénégal. C'est l'analyse des experts de "Décrypter l'Afrique" sur Le Média à propos de la récente polémique sur "l'homosexualité" visant à fragiliser le pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye.
L'arrestation d'un activiste pro-Macky Sall pour propos qualifiés d'orduriers envers le Premier ministre Sonko n'est qu'un "prétexte" pour l'opposition décriée, souligne le spécialiste Félix Atchadé. Une manœuvre de détournement visant à « cacher les enjeux » comme les nombreux rapports véritablement accablants sur la gestion controversée des fonds publics sous l'ère Macky Sall.
"L'opposition est en train de s'engouffrer dans cette brêche pour éviter de parler des vrais problèmes, du bilan de la période Sall en terme de détournements", renchérit l'analyste Fabrice Wuimo. Une opposition "au tapis", minée par les dissensions et incapable d'autocritique après 12 ans de pouvoir.
Face à ce défi, le président Diomaye et sa majorité devront tenir leurs promesses de rupture et d'alternance réelle. "Leur échec créerait une nouvelle opposition", prévient Bernard Houdin. Une mise en garde partagée par Jean-François Akandji Kombé : "Le vrai enjeu, c'est de criminaliser les crimes économiques énormes sous Macky Sall."
Signe d'espoir cependant, l'émergence dans l'opposition d'une "jeune garde" plus progressiste, qui pourrait "renouveler le débat démocratique" avec le pouvoir. Une évolution que le professeur Kombé juge "intéressante pour l'avenir du Sénégal et de l'Afrique".
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LE SÉNÉGAL FACE À SES FONDAMENTAUX
À en croire Cheikh Gueye et Dame Babou, seule une refondation constitutionnelle permettant une véritable indépendance de la justice et des changements économiques favorisant la production nationale seront à même de résoudre les maux du pays
Dans une intervention remarquée sur iRadio ce dimanche 26 mai 2024, le docteur Cheikh Guèye, chercheur à l'IPAR et secrétaire général du réseau sénégalais des think tanks, et Dame Babou, journaliste sénégalais basé à New York, ont sonné la charge pour une refonte en profondeur des institutions judiciaires et économiques du Sénégal.
Selon Guèye, il est impératif de "refonder complètement la justice" au lieu de se contenter de réformes superficielles. Il préconise une nouvelle Constitution qui décoloniserait le système judiciaire en l'adaptant aux réalités culturelles sénégalaises. "Nous avons besoin d'une justice qui fasse sens pour toutes les composantes de la nation", insiste-t-il, appelant à la représentation des traditions musulmanes et coutumières.
L'indépendance réelle des magistrats est aussi une priorité pour couper le cordon avec le pouvoir politique. "Tant que la carrière d'un juge dépendra de la signature de quelqu'un, on n'aura pas une vraie justice indépendante", renchérit Babou.
Baisse du coût de la vie : produire local
Sur la très attendue baisse du coût de la vie promise, les deux intervenants restent dubitatifs quant aux leviers d'action du gouvernement. Selon eux, seules des réformes en profondeur pour augmenter la production locale et la richesse nationale permettront une baisse durable des prix. "Arrêtons les promesses politiques de baisses conjoncturelles, plaide Babou. Il faut des réformes profondes de la production de richesses adaptées à notre pays."
Nouvelle diplomatie : Le leadership panafricain
Concernant la nouvelle stratégie diplomatique axée sur le voisinage et le leadership panafricain, les avis divergent quelque peu. Guèye la voit comme "une vraie rupture" et "une très bonne nouvelle" pour asseoir l'influence du Sénégal. Babou nuance en appelant à ne pas donner de leçons de démocratie, mais à privilégier la sécurité nationale face aux risques régionaux.
En somme, un plaidoyer vigoureux pour des réformes de fond afin de refonder une justice crédible et de doper l'économie nationale. Le nouveau pouvoir est appelé à appliquer réellement les conclusions du dialogue national sur la justice. Le Sénégal de l'après 2024 se jouera sur ces chantiers cruciaux, selon les deux invités d'Alassane Samba Diop.
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POUR UNE GESTION OPTIMALE DE L'OR BLEU
Accès difficile, pénuries récurrentes, iniquité criante... La situation hydraulique sénégalaise n'a de "liquide" que le nom. Face à ce constat alarmant, Mouhamadou Moustapha Ndiaye évoque l'impérieuse nécessité d'un changement de cap radical
Mouhamadou Moustapha Ndiaye, figure de proue dans l'expertise en gestion des ressources hydriques, a secoué le landernau lors de son passage musclé dans l'émission "Objection" de Sud FM ce dimanche 26 mai 2024. Le docteur en sciences politiques de l'Université Gaston Berger de Saint-Louis a dressé un constat inquiétant sur la situation hydraulique au Sénégal.
Bien que reconnaissant les efforts déployés par l'État à travers diverses réformes et l'implication progressive du secteur privé, l'expert en gestion de l'eau a pointé du doigt les nombreuses failles qui persistent. L'accès à l'eau potable pour tous reste un défi de taille, notamment en milieu rural où les délégataires privés peinent à assurer un service optimal, se heurtant bien souvent au rejet des populations.
Dans les zones urbaines, la donne n'est guère plus reluisante avec une multitude de récriminations liées aux ruptures d'approvisionnement et aux difficultés d'accès dans certains quartiers. Une criante iniquité frappe de plein fouet les franges les plus vulnérables, avec les femmes et les jeunes filles comme premières victimes.
Face à ce sombre tableau, Mouhamadou Moustapha Ndiaye a lancé un vibrant appel à une profonde remise en question de la gouvernance de l'eau. Lui qui milite pour une vision futuriste conviant cette ressource vitale à se muer en véritable levier économique, préconise une réforme en profondeur.
Parmi les pistes avancées, l'impératif recherche de fonds propres pour gager la souveraineté nationale tout en ouvrant la voie à des partenariats public-privé judicieux. Une autorité de régulation musclée, promesse d'un rééquilibrage gagnant-gagnant, ainsi qu'un vaste chantier de mobilisation citoyenne pour une prise de conscience collective compétente parmi ses préceptes phares.
L'expert n'a également pas manqué de saluer la pertinence du dessalement comme piste de solutions alternatives, tout en martelant l'urgence de réinventer une nouvelle approche holistique. Une démarche qui, selon ses termes, devra inéluctablement passer par un transfert de technologies issue des meilleures pratiques à même d'être adaptées au cas spécifique du Sénégal.
LA PAROLE CITOYENNE POUR RÉFORMER LA JUSTICE
"Jubbanti" ou l'opportunité pour les Sénégalais de s'exprimer sur les défaillances de leur système judiciaire. Le gouvernement souhaite ainsi replacer le justiciable au cœur des préoccupations avant d'entreprendre un vaste chantier de réformes du secteur
(SenePlus) - Dans une démarche inédite visant à redonner confiance aux Sénégalais dans leur système judiciaire, le gouvernement a lancé cette semaine une plateforme en ligne baptisée "Jubbanti" ("Corriger" en wolof). Comme l'explique Ousseynou Ly, porte-parole de la présidence, cité par RFI, l'objectif est de "remettre le justiciable au centre" en lui donnant "les moyens de faire parvenir ses remarques sur le fonctionnement de la justice".
Le site internet permet à tout citoyen de laisser des commentaires et réclamations de façon anonyme, en français ou en wolof, via un formulaire en ligne. Un numéro vert (1222) a également été mis en place pour contrer la fracture numérique et permettre à tous de s'exprimer.
Cette initiative fait suite à un constat alarmant du magistrat Alassane Ndiaye, conseiller technique au ministère de la Justice : "La justice est victime d'une perte de confiance". Parmi les principaux griefs, il pointe "l'utilisation de certains mécanismes comme les mesures privatives de liberté, l'engorgement des prisons et les lenteurs dans le traitement de certaines affaires".
"Il est nécessaire d'améliorer tout cela", plaide-t-il, rejoignant ainsi la volonté des autorités d'entreprendre des réformes en profondeur. La plateforme "Jubbanti" n'est qu'une première étape avant une grande conférence nationale sur la crise du secteur judiciaire prévue la semaine prochaine.
Si cette démarche de consultation populaire est saluée par de nombreux observateurs, certains s'interrogent sur la réelle prise en compte des doléances citoyennes. La présidence assure que cet espace de réclamation sera maintenu au-delà du rendez-vous de la semaine prochaine et que des réponses concrètes seront apportées.
Pour l'heure, le succès de "Jubbanti" reste à confirmer. Mais son lancement marque d'ores et déjà une avancée symbolique forte : celle de la reconnaissance par les autorités de la nécessité d'associer les citoyens à la refonte d'un système judiciaire rongé par les défaillances.
DIGITAL ADDICT
Sénégalais né à New York, Alioune Ciss dirige depuis 2021 la société Webb Fontaine basée à Dubaï. Un changement de cap après avoir passé 24 ans aux Nations unies, à Genève.
Demba DIENG (Envoyé spécial à Kigali, Rwanda) |
Publication 26/05/2024
Sénégalais né à New York, Alioune Ciss dirige depuis 2021 la société Webb Fontaine basée à Dubaï. Un changement de cap après avoir passé 24 ans aux Nations unies, à Genève. Féru de digitalisation et de dématérialisation des procédures portuaires et douanières, il rêve d’une Afrique connectée, pour une transformation économique au bénéfice de la croissance et des populations.
L’Africa Ceo Forum est l’occasion rêvée pour les dirigeants africains de faire de nouvelles connaissances, nouer d’éventuels partenariats... Alioune Ciss en est bien conscient. Parmi les Sénégalais présents à la 11ème édition, qui s’est tenue à Kigali (Rwanda), du 16 au 17 mai derniers, il a partagé son temps entre le networking et les panels. Dans une ambiance bon enfant, les cartes professionnelles et cartes de visite valsent de main en main. D’anciennes connaissances plongent dans d’interminables échanges. « Nous avons pu rencontrer des Chefs de Gouvernement, des professionnels et décideurs de l’industrie portuaire. Et c’était vraiment riche », dit M. Ciss. De teint noir, le commerce facile, il a fait plus de six heures de vol à partir des Émirats Arabes Unis pour rallier Kigali. C’est dans ce pays asiatique qu’il fait affaire depuis quelques années. Il y évolue en tant que Directeur général de Webb Fontaine. Il s’agit d’un des leaders mondiaux dans les domaines de la facilitation du commerce et de la modernisation des douanes et des ports. L’entreprise est présente en Europe, en Amérique latine, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique et est spécialisée dans l’optimisation des procédures du commerce international en utilisant une « technologie de pointe ». Depuis janvier 2021, Alioune Ciss est à la tête de Webb Fontaine. « Je m'efforce de diriger l'entreprise vers de nouveaux sommets en mettant l'accent sur l'innovation, la qualité et la satisfaction des clients », dit-il fièrement. Auparavant, le Sénégalais a servi dans d’autres segments de la structure. Il a surtout été Directeur exécutif du développement commercial. « C’est en 2015 que j'ai rejoint Webb Fontaine en tant que Directeur exécutif en charge du Développement commercial. J'ai eu l'occasion de collaborer avec des équipes talentueuses pour développer et mettre en œuvre des stratégies commerciales innovantes ; ce qui a contribué à la croissance et au succès de l'entreprise », souligne-t-il.
Des Nations unies à la modernisation portuaire
Au moment d’évoquer ses débuts, M. Ciss y va avec passion. « Je suis conscient que mon parcours est assez atypique et je suis reconnaissant des opportunités qui m'ont été offertes tout au long de ma carrière », dit-il d’entrée. Fils d'un diplomate sénégalais, Alioune Ciss est né à New York. « J’ai eu la chance de vivre dans plusieurs pays. Cette expérience m'a permis d'être exposé à une multitude de cultures ; ce qui a profondément enrichi mon ouverture », ajoute-t-il. Après des études en mathématiques, il se spécialise en informatique. C’est ainsi qu’il a intégré l’Organisation des Nations unies en 1991. « À l’époque, l’Onu cherchait de jeunes informaticiens. J’ai été reçu. Dans ce cadre, j’ai beaucoup travaillé en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest », révèle-t-il. À l’Onu, où il a passé une bonne partie de sa carrière (24 ans), il est passé d’informaticien programmateur, à ses débuts, à la gestion des projets liés à l'automatisation des procédures douanières et à la facilitation des échanges internationaux. Aujourd’hui, au sein de Webb Fontaine, il dit porter et assumer le costume d’un Sénégalais à la tête d’une grande structure. « C’est avec beaucoup d’honneur et d’humilité que j’assume cette position stratégique. Avec le sentiment d'être parmi ces Sénégalais et Africains qui brillent à l'échelle internationale, c'est une source de fierté immense. Cependant, le plus important, c’est que je suis conscient de l'importance de donner, en retour, à ma communauté, non seulement au Sénégal, mais aussi à l’Afrique », martèle M. Ciss. Sur ce, il a l’ambition de créer des opportunités pour les générations futures en passant par la digitalisation. À l’en croire, grâce à un mélange d’experts issus d’horizons divers, de la douane à la logistique en passant par l’industrie portuaire, il est possible de digitaliser l’ensemble de la chaine de valeur du passage des marchandises en permettant à tous les acteurs de travailler électroniquement et de manière intégrée. Des solutions qui, à son avis, permettent d’accroître les recettes, réduire les coûts pour les usagers, favoriser la transparence et faciliter la dématérialisation des procédures pour la délivrance et le paiement rapide des services de l’État.
L’entreprise que dirige Alioune Ciss intervient dans 22 pays, le Sénégal y compris à travers une filiale dont la vocation est de travailler sur les projets de digitalisation sur le territoire national. Une manière pour lui d’accompagner les mutations dans son pays. « L’année dernière, nous avions démarré des séances de travail avec le Port autonome de Dakar et les acteurs portuaires pour la mise en place d’un Guichet unique portuaire. Puis, nous avions prévu de créer au Sénégal notre premier Centre de recherche et de développement en Afrique. Et nous sommes plus que jamais prêts à accompagner la politique de souveraineté digitale », dit-il.
Accompagner la connexion de l’Afrique
Son intervention, il compte également l’étendre au continent où, dit-il, la demande est également importante. « Sur le continent, de plus en plus de gouvernements veulent, aujourd’hui, révolutionner le commerce international afin de rendre nos pays plus attractifs. Webb Fontaine est fier de pouvoir accompagner certains États dans leurs programmes de modernisation et d’optimisation des procédures du commerce extérieur à travers les partenariats public-privé et un vaste programme de transferts de technologies et de compétences », souligne M. Ciss. Il suggère ainsi de privilégier la mise en œuvre de solutions, dans un format où Webb Fontaine assure directement la totalité des investissements nécessaires au développement et à la mise en place des services, des charges financières en découlant ainsi que l'ensemble des coûts opérationnels liés à la gestion de ces projets. À ses yeux, ceci permet non seulement de créer de l’emploi pour la jeunesse dans le domaine des nouvelles technologies, mais également de mettre en place ces solutions dans les meilleurs délais et conditions optimales pour le bénéfice des populations. Parmi les solutions pouvant permettre le développement dans ce domaine, le patron de Webb Fontaine prône des systèmes de gestion des procédures douanières utilisant les technologies avancées de l’Intelligence artificielle, l'audit de la valeur et la classification des marchandises déclarées, le guichet unique du commerce extérieur, le guichet unique portuaire, le suivi de cargaison par Gps. Sans oublier des solutions de digitalisation des régies financières, telles que les impôts, via notamment une plateforme nationale de paiement électronique. Une façon pour lui de contribuer au développement de l’Afrique, en particulier du Sénégal où les nouvelles autorités placent la digitalisation au cœur du « Projet ».
par l'éditorialiste de seneplus, tidiane sow
VIVEMENT LA RUPTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les petits fauves sortent du bois, déjà irrités de l’exil, loin du pouvoir. Le clan des ex-noceurs, ceux qui s’étaient installés dans le confort « mackysard », las de se tourner les pouces, s’est trouvé une nouvelle activité
Les petits fauves sortent du bois, déjà irrités de l’exil, loin du pouvoir et de ses bénéfices. Ils flairent aussi les hésitations du nouveau pouvoir à frapper vite et fort contre eux. Ils sont surpris par le calme de l’exécutif, qui semble prendre son temps pour mettre à plat tous les défis qui se posent. Alors les carnassiers s’enhardissent et prennent la parole publiquement. Ils ont la mémoire courte, ils oublient que c’est juste le mépris des citoyens qui les mettait encore à l’abri de leur courroux. Comment un Moustapha Diakhaté peut-il critiquer un Diomaye ou un Sonko quand on sait les méfaits commis par son camp dans le pays ? Comment un Yoro Dia peut-il reprocher à un Sonko de recevoir Jean-Luc Mélenchon, quand son mentor avait reçu le président putschiste gabonais dont la lame était encore sanglante ?
Mais pourquoi Mélenchon, homme politique français, ayant combattu aux côtés des Patriotes contre la dictature rampante de Macky Sall et défenseur des droits des immigrés en France, ne serait-il pas reçu par le président du Pastef ?
Est-ce à eux de battre la mesure et d’indiquer la voie ? Assurément non !
Il faudra qu’ils apprennent à se taire. Pas pour écouter, car cela ils en sont incapables, mais se taire, pour laisser le temps à leurs funestes pensées, de s’auto-détruire, de se recréer, pour renaitre sous forme de critiques positives qui profiteront à tous.
Avec ces rapports maintenus sous son coude, Macky Sall a appliqué la politique des GAFAM consistant à racheter toute start-up qui pourrait devenir son concurrent. Il a usé de la menace, pire que la sanction, sur toute tête citée dans des affaires. Pour d’autres, il a commandité mille rapports pour leur trouver une faiblesse par laquelle les tenir à sa merci. Ses hommes sont habitués à sa menace ; jusque-là, lui seul savait. En décidant de rendre publics les rapports, c’est tout le peuple qui sait et qui devient une menace pour ces brigands.
Aucun secteur n’aura échappé à leurs pratiques scandaleuses de pomper dans des finances publiques. Les rapports des corps de contrôle sont terrifiants : tel politicien se retrouve détenteur de plusieurs maisons, en quelques mois à peine de fonction, tel autre Directeur Général n’hésitait pas à s’octroyer, avec l’ensemble de son comité de direction, des maisons à priori réservés aux classes moyennes, à des prix préférentiels, et tandis que d’autres accaparaient des hectares de terres. Que sais-je encore ?
Comment des directeurs généraux, des gestionnaires d’entreprises publiques peuvent-ils être pris autant à défaut de bonne gouvernance ? Comment surtout l’ex-président, au courant de ces dérives, a-t-il pu ainsi laisser faire ?
L’intérêt de quelques brigands – on ne peut pas les appeler autrement – ne doit pas l’emporter sur l’intérêt national. Il faudra sévir. « Battre le cadavre pour corriger le vivant », comme dit si bien le proverbe.
Cet acte salutaire est à poser et nul doute qu’il le sera, car c’est lui qui annoncera la rupture tant préconisée et signera l’aggiornamento des classes politiques que nous avons tant souhaité jusque-là. Il mettra définitivement au banc ceux qui, sous le couvert de servir, ne faisaient que se servir.
Ceux qui tancent Sonko d’avoir attaqué bille en tête, sans précautions oratoires, Emmanuel Macron, en présence de Mélenchon dans une salle d’UCAD bourrée comme un œuf, ont tort. Macron ne respecte pas les Sénégalais, on ne lui doit donc en retour aucune convenance. Les lignes sont claires. Après avoir perdu le Mali, le Niger et le Burkina, il perdra le Sénégal.
Jamais un officiel sénégalais, de surcroit Premier ministre, ne s’était adressé en ces termes peu amènes à un président français et ce devant un officiel français, fût- il un leader de l’opposition française. Macron a dû trembler d’entendre Sonko lui reprocher ses postures ambiguës et peu amicales au demeurant, vis-à-vis des Sénégalais. Il avait pris l’habitude de les humilier sans en payer le moindre prix. Visiblement, Il n’aura pas retenu la leçon malienne lorsque le ministre des Affaires étrangères de ce pays, du haut de la tribune des Nations Unies, avait fustigé l’arrogance française. À l’époque, il avait déjà très mal pris, ce qu’il considérait en définitive, comme une incartade de mauvais aloi. Cette fois, c’est Ousmane Sonko qui lui reproche, par médias interposés, en pleine figure et sans gants, son silence coupable devant les agissements scélérats d’un Macky Sall, qu’il louait en public et soutenait sans retenue. Comme le prédisait Fanon, Macron paiera le prix fort de ne toujours pas comprendre la nouvelle dynamique politique qui se joue en Afrique. Sonko l’a dit sans ambages, les bases militaires françaises, du moins ce qu’il en reste, seront démantelées et le Sénégal, à terme, sortira du franc CFA. Après la « révolution citoyenne » qui a eu lieu en mars 2024, ces symboles du néocolonialisme ne peuvent plus perdurer quelque soixante ans après les indépendances. L’empire africain de la France s’effondre petit à petit. La faute à Macron de n’avoir pas vu venir les changements et de réinventer un modèle de coopération plus inclusif, plutôt que se reposer sur de vieux schémas de la françafrique, animés par des présidents pions honnis par leur peuple.
Proposer un poste d’envoyé spécial - autant dire de garçon de course - à notre ex-chef d’État délaissé par les Sénégalais, fut perçu comme un profond signe de mépris vis-à-vis de notre peuple. Que l’ex-chef d’État l’eut accepté fut encore plus avilissant pour nous autres, même si on sait qu’il excelle dans l’infiniment rien. Aucune éthique, aucun sens de l’honneur ne jalonnent son parcours politique. On n’est pas surpris de ses postures plus indignes les unes plus que les autres. Contrairement aux règles de bonne élégance et de convenance, le voilà, à peine chassé du palais et hors du Sénégal, qui essaye de réactiver ses réseaux locaux, distillant sa voix et ses ordres dans des réunions publiques organisées par ses hommes de main. Aucune trace de classe dans ses actes. Il faudra rendre son retour impossible comme il a rendu l’élection d’Ousmane Sonko impossible en l’emprisonnant lui et tout ce qui gravitait autour du Pastef, allant jusqu’à la perfidie ultime de dissoudre le parti.
Pour le vaincre définitivement, il faudra élever la dureté de la réaction. Que les alter noceurs de son camp sachent qu’une fin infame sera réservée à ceux qui ont abusé des biens sociaux.
Que tous ceux épinglés dans les différents rapports se défendent devant une Cour de justice et que justice soit rendue au nom du peuple sénégalais !
Comme ces footballeurs qui refuseraient carrément de faire la passe parce qu’une passe à l’adversaire serait soumise à l’amende financière par le club, on risquerait de tomber dans ces travers dignes des « stratégies absurdes » de Maya Bacache en voulant criminaliser l’homosexualité. Des juges pourraient refuser de condamner à de lourdes peines de prison pour des faits pas toujours faciles à établir. Certes Sonko a prononcé le mot qui lui aurait arraché la bouche : « l’homosexualité est tolérée », dira-t-il mais la politique consiste à être dans les nuances. Être homosexuel n’est pas puni, mais les actes contre nature le sont ; Telle est la nuance. « Seul l’homme absurde ne change pas », disait Clémenceau. Les accusations de trahison relèvent toujours de la mauvaise querelle. « Trahir » dans l’intérêt général, pour un mieux vivre-ensemble peut s’avérer nécessaire. La politique ne consiste pas à appliquer les programmes dans les détails, à la virgule près. Bien naïfs ceux qui croient le contraire.
« Sonko avait promis de criminaliser l’homosexualité, il n’a qu’à tenir parole », entend-on çà et là. Macky avait promis qu’il vivrait au Sénégal après son magistère. Après sa passation de pouvoir, il n’aura pas passé une nuit de plus dans sa résidence de Mermoz.
Les Sénégalais aiment s’occuper de l’accessoire, et cela les détourne des vrais problèmes. En réalité, c’est leur peur de faire face aux véritables challenges qui les pousserait vers la parlote, vers les choses de seconde portée qui ne nécessitent aucune action. Sinon comment expliquer que, parmi tous les sujets d’importance abordés par les leaders des partis LFI et Pastef, seul celui de l’homosexualité ait fait les choux gras de la presse locale et entretenu les débats du café de commerce le lendemain ? De la conférence sur « l’avenir dans les relations entre l’Afrique et la France », l’opposition sénégalaise, partisane de l’ancien régime, n’aura voulu retenir en définitive, qu’une vulgaire histoire de …fesses ! Quand Mélenchon convoquait le déterminisme imparfait de Bergson et évoquait « l’espoir qui se mesurait au degré de combativité » de Fatou Diome, leurs esprits étaient déjà ailleurs, se délectant à l’avance de la brèche sur les mœurs, ainsi ouverte.
Entre une possibilité de volte-face et une certitude de détournements de fonds publics, on préfère jacasser sur la possibilité !
Ces temps-ci, le clan des ex-noceurs, ceux qui s’étaient installés dans le confort « mackysard », du jouir sans être inquiétés, las de se tourner les pouces, s’est donc trouvé une nouvelle activité : occuper les pavés de la DIC pour manifester contre des auditions de leurs anciens sous-fifres, accusateurs et insulteurs toujours actifs.
Il leur faudra s’armer de courage pour tenir, car ils en auront sûrement pour la prochaine décennie. Les temps changent.
Dr Tidiane Sow est Coach en communication politique.
AU BURKINA, LA TRANSITION PROLONGÉE DE CINQ ANS
Le capitaine Ibrahim Traoré, qui a renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et assuré la présidence de la transition, pourra se présenter aux futures élections présidentielle, législatives et municipales
(SenePlus) - Les Assises nationales sur la transition au Burkina Faso, qui se sont tenues samedi 26 novembre à Ouagadougou, ont abouti à la prolongation de la période de transition pour une durée de 60 mois supplémentaires, selon un compte rendu de la radio RFI.
Ces assises, qui devaient initialement durer deux jours, se sont achevées de manière anticipée cet après-midi avec la signature d'une nouvelle charte de la transition fixant la période transitoire à cinq ans à compter du 2 juillet 2023. La mouture antérieure du texte proposait trois ans et demi (42 mois).
Ont participé à ces discussions les représentants des différentes composantes de la société burkinabè dont les chefs coutumiers et religieux, la société civile, les partis politiques et les forces armées. L'objectif était de faire le bilan de la transition en cours depuis le coup d'État d'octobre 2022 et de définir les prochaines étapes.
Selon des sources proches des débats citées par RFI, le capitaine Ibrahim Traoré, qui a renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba et assuré la présidence de la transition, pourra se présenter aux futures élections présidentielle, législatives et municipales. Le texte indique par ailleurs que des élections pourraient être anticipées "si la situation sécuritaire le permet".
Pendant ce temps, des centaines de partisans du régime se sont rassemblés aux abords du lieu des assises, réclamant un mandat d'au moins 10 ans pour le président Traoré. Ils ont dû être repoussés par les forces de sécurité, alors qu'ils tentaient de pénétrer dans l'enceinte.
Pour Emile Zerbo, ministre de la Réconciliation nationale et de la Cohésion sociale, les Burkinabè sont entrés dans "un tournant décisif de leur histoire", nécessitant un "sursaut patriotique" pour reconquérir le territoire national, en proie à une grave crise sécuritaire.