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2 décembre 2024
Développement
UN CLIMAT PARTISAN À ASSAINIR
Avec près de 300 formations, dont beaucoup de "coquilles vides", le paysage politique sénégalais donne à voir une anarchie. Diomaye Faye ouvre la voie à des concertations sur le sujet, à la grande satisfaction des experts et de la société civile
Le nombre exorbitant de formations politiques (près de 300) au Sénégal dont la grande majorité ne concourt jamais à une élection, quelle que soit sa forme, ne cesse de s’imposer comme une tare congénitale du modèle démocratique dans notre pays. D’où la nécessité d’y remédier de manière structurelle, comme l’a annoncé le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, par l’entremise de réformes et de grandes concertations politiques nationales. Une initiative validée par beaucoup d’experts électoraux qui voient comme une sorte de « demande sociale » la nécessité de redimensionner le nombre de partis politiques.
Valdiodio Ndiaye du Gradec, expert électoral
« On avait produit un projet de code des partis politiques avec une projection sur la modernité, la rationalisation, une mise à jour des partis politiques »
« Je pense que ça, c’est un débat qui s’est posé depuis plus de 10 ans au Sénégal. Et je vous rappelle quand 2016, il y a eu des initiatives extrêmement fortes qui ont été prises par la société civile sénégalaise qui avait même convié dans ce cadre-là pratiquement une bonne trentaine d’universitaires. Nous avons planché sur la question de la rationalisation des partis politiques durant au moins trente jours. Sur ce point, on avait produit un projet de code des partis politiques avec une projection sur la modernité, la rationalisation, une mise à jour des partis politiques. Parce qu’au Sénégal, il y a des partis qui ont été créés depuis longtemps et le fondateur est décédé. Et il y a que le récépissé qui est là inutilisable, etc. Dans cette rationalisation, on avait mis en avant un certain nombre de critères notamment la nécessité d’avoir un siège politique, une vision et une orientation politique très claire, une mise à jour des sources de financement, entre autres. Il y a le document qui est là classé dans les tiroirs depuis que ça a été soumis aux autorités. Donc, je crois qu’il faut faire sortir ce document-là, le mettre à jour parce que tout évolue très vite. Vraiment, on a une bonne base de travail sur la question qui a été fait par l’ensemble des acteurs impliqués sur le champ politique et également des universitaires et la société civile ».
Djibril Gningue du Cosce, expert électoral
« Il est essentiel que le nombre des partis soit ramené à un niveau compatible à la modernisation, au renforcement de la gouvernance et de la démocratie »
« Après avoir relevé les importants défis de la construction d’un système électoral répondant aux normes ainsi que de la gestion et de la planification du processus électoral, le Sénégal est depuis quelques années confronté au défi de la transparence et de la rationalisation des opérations électorales. Or les partis politiques auxquels la Constitution assigne l’importante mission de concourir au suffrage universel étant impliqués dans la plupart de ces opérations, il est essentiel que les conditions de leur constitution, de leur existence et de leurs activités soient revues afin que leur nombre soit ramené à un niveau compatible à la modernisation et au renforcement de la gouvernance des partis politiques et de la démocratie ».
Frééeric Kwady k Ndecki, expert électoral
« Il est insoutenable qu’il y ait plus de 300 partis politiques légalement constitués, dans un pays comme le Sénégal qui compte quelque 7 millions d’électeurs ».
« Concernant la rationalisation des partis politiques et leur financement, cette reforme est non seulement pertinente et nécessaire, mais elle répond a une ce que l’on pourrait appeler une demande sociale », en tout cas une revendication portée par beaucoup de citoyens et d’organisations de la société civile et qui a fait l’objet de rencontres et de foras de tous genres depuis 2014 au moins. Je pense que le Président Bassirou Diomaye Faye a bien fait d’inscrire cette question dans ses priorités. A mon avis, il est insoutenable qu’il y ait plus de 300 partis politiques légalement constitués, dans un pays comme le Sénégal, qui compte quelque 7 millions d’électeurs. Même s’il y a débat sur les approches et les méthodes à adopter pour réduire cette pléthore de partis, les Sénégalais dans leur majorité sont d’avis que l’on ne peut laisser perdurer une telle anarchie. Il est grand temps de remettre de l’ordre dans ce domaine ».
par Ousmane Thiam
LA MÉTAPHORE DE L’ENTONNOIR
Longtemps dissociés institutionnellement, l'urbanisme et l'aménagement du territoire sont désormais réunis au sein d'un même ministère. Cette réforme marque-t-elle le passage d'une logique sectorielle à une vision systémique du développement territorial ?
Urbanisme d’abord, aménagement du territoire ensuite ? L’inverse ? Ou les deux en même temps ?
Comme beaucoup de mes compatriotes, c’est avec une satisfaction immense que j’ai accueilli le regroupement, dans un même ministère, des départements de l’urbanisme, des collectivités territoriales et de l’aménagement des territoires. Longtemps souhaitée et réclamée par les spécialistes et acteurs du territoire, toutes échelles confondues, cette décision marque sans doute une volonté du nouveau régime à changer de paradigme et à placer les collectivités territoriales au cœur de la mise en œuvre de ces deux compétences transférées.
Urbanisme et Aménagement du territoire : de quoi parle-t-on exactement ?
La différence fondamentale entre l’aménagement du territoire et l’urbanisme se résume à une question d’échelles et de vocations stratégiques. L’aménagement du territoire s’intéresse aux grands ensembles territoriaux, du supranational au département pour prendre l’exemple du Sénégal. Il analyse leurs formes, leur occupation, les tendances lourdes de leurs grandes distributions (populations, établissements humains et armatures, réseaux et divers phénomènes) ainsi que les structures spatiales qu’elles génèrent ou susceptibles d’en résulter dans un horizon temporel défini. Le territoire est l’échelle de la planification spatiale stratégique.
L’urbanisme, quant à lui, se focalise sur les micro-échelles (la ville, la commune, le parcellaire cadastral), les interactions directes entre les communautés et leur milieu de résidence/vie, la superstructure qui en résulte et la conception du dispositif technico-humain et réglementaire visant à promouvoir l’harmonie et l’épanouissement dans la cité. La quête effrénée du bien-être humain fait désormais de l’habitant, ou plus correctement du citoyen, un acteur de droit dont les goûts et les désirs légitimes deviennent des dimensions clés du projet urbain (placemaking).
Urbanisme et Aménagement du territoire : quelle approche pour le Sénégal ?
Si la création de ce méga-ministère est très largement appréciée, la terminologique et la syntaxe de sa dénomination « ministère de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’aménagement des territoires » suscitent néanmoins une grande interrogation. S’agit-t-il tout simplement d’un coup de charme ou, plus sérieusement, d’une réelle volonté disruptive visant à opérer la rupture tant attendue dans la mise en œuvre des politiques territoriales ?
En matière d’aménagement du territoire, la méthode de l’entonnoir est la plus répandue. L’entonnoir est une image parfaite pour décrire, conceptualiser ou modéliser des processus complexes dans divers domaines, l’entonnoir de vente par exemple dans le secteur du commerce/marketing. Dans notre cas, l’axe vertical représente la structure institutionnelle qui promeut la subsidiarité des échelles et les axes horizontaux, le territoire, du niveau global aux niveaux les plus fins.
La méthode de l’entonnoir consiste à partir des grands ensembles du territoire pour constituer un référentiel unique et opposable à toutes les échelles sous-jacentes. Ce sont les tendances lourdes du territoire qui inspirent et déterminent les orientations politiques nationales, toutes échelles confondues, y compris celles de l’urbanisme stratégique. C’est l’approche adoptée au Sénégal depuis l’indépendance du pays, avec comme objectifs l’atténuation du centralisme hérité de la colonisation, la création de dynamiques d’ensemble et une intégrité territoriale renforcée. Le PNAT de 1997, le PNADT adopté en 2020 et la LOADT qui encadre sa mise en œuvre s’inscrivent dans cette démarche.
L’approche en entonnoir inversé (top/down) consiste à s’appuyer sur un ou plusieurs points stratégiques du territoire, des centres urbains en général, pour organiser et contrôler un territoire. Ses sources d’inspiration sont le mercantilisme expansionniste et les théories géographiques des lieux centraux incarnées notamment par les célèbres modèles de WalterChristaller et de Von Thünen.
Elle vise en général deux objectifs, souvent antagonistes dans l’esprit du planificateur :
Un objectif de domination et de contrôle territorial : ce fut le cas de la colonie du Sénégal dont la forme du territoire (partie occidentale), guidée par une volonté « exploitationniste » cynique et sauvage, rappelle étonnement celle de l’entonnoir. Ailleurs dans le monde, l’exemple le plus parfait est représenté par l’ex URSS. C’est l’option des régimes politiques qui aspirent à l’Etat fort. Le centre, lieu du pouvoir et du commandement, détermine et oriente toute la politique d’aménagement du territoire. L’accent est mis sur les grands projets urbanistiques qui doivent refléter le prestige, la grandeur et l’unicité du pouvoir central. C’est une approche actuellement très peu rependue dans le monde (Etats communistes et pétroliers arabes).
Un objectif d’aménagement et de développement territorial : c’est ce que semble suggérer la syntaxe de la dénomination du nouveau Ministère de l’Urbanisme (échelle micro), des collectivités territoriales (échelle méso) et de l’aménagement des territoires. Le mode opératoire consiste, sans être forcément dans une logique dirigiste, à s’appuyer sur des centres de taille et de niveaux divers, des chefs-lieux administratifs de préférence, pour impulser les dynamiques souhaitées et diffuser des règles, des pratiques ou des innovations (effet chef-lieu). Le centre et sa périphérie entretiennent des relations symétriques et complémentaires. Pour le cas du Sénégal, cette approche est consacrée par la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales à son article 15 qui promeut l’« égale dignité » des collectivités territoriales.
Le résultat est un territoire en structure fractale dont la complexité est telle que chaque centre, chaque entité territoriale prend un sens et une identité uniques qui garantissent sa résilience et sa survie.
La mise en commun des similitudes et des avantages comparatifs permet de constituer, à différentes échelles pertinentes, des ensembles (intercommunalités, ententes, …) homogènes, cohérents et robustes favorisant la continuité territoriale des politiques. Les grands ensembles territoriaux sont un mécanisme efficace pour lutter contre l’ «ostracisme» territorial, mais également pour lisser les aspérités et les externalités négatives liées à l’entropie territoriale ou au voisinage (avantage absolu). Il favorise l’équité et bonifie la communication institutionnelle.
L’idée d’organiser le territoire en pôles régionaux émise par le président Abdoulaye Wade (provincialisation), reprise, sans grand succès, par son successeur le président Macky Sall (pôles territoire) et ressuscitée par le régime du président Bassirou Diomaye Faye vise ces objectifs.
La réalisation de ce second objectif peut s’appuyer sur deux mécanismes, non exclusifs :
Un mécanisme de type programmatique (rattrapage) : les actions s’inscrivent dans des programmes spécifiques avec comme objectif de produire des résultats immédiats (court terme) et fortement impactants. La décision historique et audacieuse du Président Abdoulaye Wade d’organiser, de manière tournante, la fête nationale du 4 avril dans les capitales régionales du pays, avec à chaque étape un important programme d’investissements lourds à la clé et les programmes d’urgence du Président Macky Sall (PUDC, PUMA, PROMOVILLE, PACASEN, …) obéissent à ce mécanisme innovant certes, mais non durable à cause d’un portage politique aléatoire et limité dans le temps (durée du mandat présidentiel).
Un mécanisme de type planification stratégique : les actions s’inscrivent dans une temporalité longue et raisonnable. Les ressources et le chemin critique nécessaires à leur réalisation sont objectifs et normalement insensibles aux changements de régime politique. C’est dans cet esprit de continuité de l’action publique que beaucoup de préconisations du PNAT de 1997 ont été reprises et adaptées au contexte du PNADT marquées par des changements institutionnels et des mutations territoriales importantes.
Acquis à consolider et manquements à combler
Les secteurs de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire au Sénégal, pourtant très stratégiques, enregistrent un bilan modeste après plus de 60 d’indépendance. L’existence depuis 1997 d’un Plan national d’aménagement du territoire (PNAT) révisé en 2020 en Plan national d’aménagement et de développement territorial (PNADT), l’adoption, la même année, de la Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADT) et la révision récente des Codes de l’urbanisme et de la construction sont des avancées significatives et appréciables certes, mais très insuffisantes par rapport à l’immensité des besoins et des défis à relever.
C’est pourquoi, dans le but de mieux consolider ces acquis et permettre à ces deux secteurs de jouer pleinement leur rôle, des réformes et mesures fortes s’imposent. Elles concernent prioritairement :
Au plan institutionnel
La signature du décret portant création du Fonds d’impulsion à l’aménagement du territoire (FIAT)
La suppression des doublons institutionnels,
La fusion des agences, directions et services techniques ayant presque les mêmes missions et les mêmes cibles,
La création d’un guichet unique territorial pour les communes et les départements
Le transfert institutionnel et la régionalisation de la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD)
Le transfert de la tutelle technique des services cadastraux
Au plan technique
L’effectivité, le renforcement et la décentralisation des Fonds destinés à l’urbanisme et au logement,
Le renforcement des services techniques déconcentrés
La généralisation des documents de planification urbaine et territoriale
Une meilleure implication dans les instances et dispositifs de gestion foncière et domaniale
La mise à jour, à partir de 2025, du Plan national d’aménagement et de développement territorial (PNADT)
Au plan territorial
La mise en œuvre de la Charte de la déconcentration,
La révision et la mise à jour du Code général des collectivités locales (CGCL),
La réforme des fonds d’appui à la décentralisation, pour une meilleure efficacité,
Une meilleure appropriation du BCI par les collectivités territoriales,
La consolidation de la fonction publique territoriale,
La correction des incohérences territoriales (en priorité la délimitation et le bornage des limites territoriales),
Le retour à la région collectivité territoriale (échelon manquant), en mettant l’accent sur les grands ensembles (pôles, ententes, …),
Le renforcement des Départements par une fiscalité propre
L’adoption d’un statut de l’élu territorial et la réforme du conseil municipal et du bureau du conseil départemental
L’audit du foncier urbain
La généralisation des pôles urbains
Pour un Sénégal fort, juste et prospère … !
Dr. Ousmane Thiam, Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT) - Responsable du Pôle oriental (Tambacounda et Kédougou).
"Notre agriculture paysanne a été démantelée depuis les indépendances." C'est le cri d'alarme de Mariam Sow, présidente d'Enda Tiers-Monde. L'experte en agroécologie révèle les dérives d'une politique agricole coupée des réalités locales
Dans un entretien pour "30 minutes avec" animé par Rama Salla Dieng, Mariam Sow, figure de proue de l'agroécologie au Sénégal, a lancé un vibrant plaidoyer pour la souveraineté alimentaire. Du haut de son parcours allant des Maisons Familiales Rurales à la tête d'un réseau international prônant des alternatives au développement, la présidente de l'ONG ENDA Tiers-Monde, a dressé un constat sans appel : "Notre agriculture paysanne a été démantelée depuis les indépendances au profit de modèles importés prônant l 'utilisation d'intrants chimiques au détriment des savoirs locaux."
Pourfendant les dérives d'une politique agricole oublieuse de ses racines, elle appelle les nouveaux décideurs à opérer un virage crucial : "Il faut d'abord que l'État arrive à croire en notre foncier, notre première richesse. Les terres doivent servir à "Nourrir les Sénégalais, pas à enrichir les multinationales avides de spéculation."
Quand à l'interrogation sur les trois priorités à assigner au nouveau régime, Mariam Sow est cinglante : "Premièrement, accepter et croire que l'agriculture paysanne, l'élevage et les produits forestiers sont des leviers incontournables de création d'emplois, notamment pour la jeunesse."
"Deuxièmement, revoir en profondeur notre système éducatif pour réconcilier l'enfant avec son terroir, ancien dès le bas âge aux réalités du monde rural et inculquer le respect de ces métiers."
"Troisièmement, décentraliser réellement le développement vers les communes, leur donner les moyens d'impulser des dynamiques locales en s'appuyant sur les communautés paysannes et la société civile", martèle-t-elle avec conviction.
Mariam Sow est formelle : pour faire face aux défis des changements climatiques, "l'agroécologie est une obligation pour les pays africains". Une dynamique nationale rassemblant tous les acteurs prend d'ores et déjà corps au Sénégal.
"Il faut que l'État nous écoute et intègre ces alternatives éprouvées dans sa vision politique, intime-t-elle. Les paysans étaient les premiers écologistes naturels, cessons de les délaisser au profit de fausses solutions toutes importées."
Mariam Sow rappelle avec force que bâtir la souveraineté alimentaire, c'est d'abord se réapproprier son destin alimentaire en puisant dans les immenses capacités encore trop souvent ignorées du monde paysan.
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L'INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE À PORTÉE DE MAIN
L'ingénieur géologue Fary Ndao dresse un panorama des ressources pétrolières et gazières sénégalaises. Le véritable enjeu réside dans les projets de valorisation locale, seuls à même d'apporter indépendance énergétique et développement durable
Dimanche 14 avril 2024, le groupe Teranga Perspectives, réunissant de jeunes diplômés et étudiants sénégalais basés à Paris, a organisé une conférence passionnante sur les enjeux du pétrole et du gaz au Sénégal. La séance était animée par Fary Ndao, ingénieur géologue à Petrosen Trading and Services, la société nationale des hydrocarbures.
Ndao a dressé un état des lieux complet des découvertes gazières et pétrolières majeures réalisées au large des côtes sénégalaises entre 2014 et 2017, telles que les gisements GTA, Sangomar et Yakaar-Teranga. Grâce à ces réserves considérables, le Sénégal s'impose désormais comme l'un des principaux détenteurs de gaz en Afrique.
L'expert a ensuite démystifié les contrats de partage de production, soulignant que l'État sénégalais en tire la part du lion, avec 52% à 64% des revenus pétroliers par le biais de sa part directe, des impôts et de la participation de Petrosen. Des revenus s'élèvent à environ 700 milliards de francs CFA par an en moyenne sur 30 ans, soit 10% du budget national actuel.
Mais au-delà des simples revenus, Ndao a mis l'accent sur l'impératif de valorisation locale des ressources. Des projets ambitieux sont en cours, comme le raffinage du pétrole de Sangomar, l'augmentation des capacités de la raffinerie SAR, ainsi que la production d'électricité et d'engrais à partir du gaz naturel.
L'exploitation gazière offre en effet des perspectives prometteuses : indépendance énergétique, réduction des coûts de l'électricité de 30 à 40%, accès universel à l'énergie pour les populations rurales et transition vers les énergies renouvelables en accord avec les engagements internationaux du Sénégal.
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LE FRANC CFA, UNE MONNAIE TOUJOURS SOUS TUTELLE FRANÇAISE
Pour l'économiste Ndongo Samba Sylla, le statu quo perdure tant que Paris conserve un rôle de "garant". "Son image en prend un coup, mais elle n'a aucune raison de lâcher prise sur ce système aujourd'hui"
C'était censé être une réforme historique, mettant fin à des décennies de domination française. Mais dans un entretien avec Le Media, l'économiste Ndongo Samba Sylla démontre que la refonte du franc CFA en 2019 n'était qu'un leurre de plus.
Pour Sylla, spécialiste de la Françafrique, la fermeture des comptes d'opérations auprès du Trésor public français n'est qu'une mascarade. "Dans les faits, une bonne partie de ces réserves n'a jamais quitté les caisses de Paris", assène-t-il, dénonçant le manque de transparence criant.
L'économiste va plus loin en qualifiant la réforme de simple "opération de communication". Rebaptisé l'Eco, le franc CFA devait changer de nom pour tourner la page du passé colonial. Une promesse qui s'est enrayée face aux réticences de pays non-francophones comme le Nigeria.
Pour Ndongo Samba Sylla, le statu quo perdure tant que la France conserve un rôle de "garant" sur la nouvelle monnaie ouest-africaine, avec une parité fixe inchangée face à l'euro. "C'est toujours la tutelle de Paris qui prévaut", tranche-t-il.
Ces faux-semblants peinent à convaincre une partie de la jeunesse africaine, qui voit dans le "nouveau" CFA un symbole néocolonial à abattre. Une fronde s'organise d'ailleurs au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et au Niger pour l'avènement de véritables monnaies nationales ou régionales affranchies de l'influence française.
Face à ces vents de révolte monétaire, Sylla met en garde : "La France n'a économiquement rien à perdre à maintenir le système actuel". Et d'appeler les dirigeants africains à concevoir dès à présent des modèles économiques souverains, seule condition pour qu'une future réforme monétaire ait un sens.
par Nioxor Tine
CONJURER LES PIÈGES CONTRE LA TRANSFORMATION SYSTÉMIQUE
Mettre le bilan immatériel au premier plan, en instaurant une nouvelle gouvernance vertueuse, en assainissant les mœurs politiques, en conquérant toutes nos souverainetés confisquées, reste le plus sûr garant du succès du projet
Le peuple sénégalais n’a pas encore fini d'exulter après la brillante victoire électorale du Pastef, qui aura donné tant de fil à retordre aux faucons de Benno Bokk Yakaar. C’est dire qu’il est du devoir de tous les patriotes et démocrates sincères de notre pays d’accompagner ce mouvement, qui se veut de transformation systémique, tout en gardant un esprit critique.
Passage de témoin dans une ambiance « bon enfant »
Ainsi, il n’a pas échappé, même aux observateurs les plus proches de la nouvelle « mouvance patriotique », l’excès de civilités entre les équipes entrante et sortante, surtout entre le nouveau président, Bassirou Diomaye et l’ancien président, maître-d’œuvre du projet autocratique avorté.
Déjà, l’opinion s’était émue, lors de la conférence de presse tenue au lendemain de leur libération, de ce qui semblait être, sinon une absolution prématurée, tout au moins une indulgence exagérée à l’endroit de l’apprenti-autocrate, contrastant avec un acharnement féroce – quoiqu’amplement mérité – contre le candidat-kleptomane, mal-aimé de Benno Bokk Yakaar.
Il y a eu, ensuite, les discours mielleux lors des passations de pouvoirs entre anciens et nouveaux ministres de la République, qui cadraient mal avec la longue liste de contentieux du régime de Benno Bokk Yakaar avec, d’une part l’opposition sénégalaise, de l’autre avec l’ensemble du peuple sénégalais.
Nous restons convaincus qu’il ne s’agit là que de gestes d’élégance républicaine auxquels, nous ne sommes plus habitués après douze longues années de « barbarie institutionnelle ». Néanmoins, le président nouvellement élu, dont tout le monde salue la politesse exquise doit garder en mémoire ce qu’il est advenu, plus de soixante ans après, de notre prétendue indépendance obtenue à l’issue de négociations très policées d’une petite demi-heure entre le président Senghor et le Général de Gaulle.
Le lourd héritage d’une gouvernance calamiteuse
Contrairement à Me Abdoulaye Wade, après la première alternance de 2000, tout heureux d’avoir hérité d’une importante manne financière du gouvernement socialiste, fruit amer de plus d’une décennie d’un simulacre d’ajustement structurel, responsable d’une paupérisation dramatique des couches populaires, le duo Ousmane-Diomaye, lui, a plutôt eu droit à un endettement colossal. Et encore, s’il ne s’agissait que de ressources financières !
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Pastef dissous et ses fidèles alliés stigmatisés de Yewwi Askan Wi ont pâti d’une déliquescence notoire des institutions de la République, qui aura lourdement handicapé les préparatifs en vue d’une véritable alternative sociopolitique.
Si le monde entier retient surtout le report aussi arbitraire que spectaculaire de l’élection présidentielle le 3 février dernier, le peuple, les démocrates et patriotes de notre pays n’ont pas oublié toutes les autres forfaitures (opacité de la sélection par le parrainage, refus de remettre des fiches de parrainage au mandataire d’Ousmane Sonko, candidats de l’opposition interdits de campagne, procès irréguliers, arrestations arbitraires…).
Tant et si bien que, si notre réputation de vitrine démocratique en Afrique a été préservée et les apparences finalement sauves, notamment concernant le nombre et la durée des mandats présidentiels, ainsi que la victoire électorale attendue du Pastef, beaucoup d’entorses aux normes démocratiques ont été constatées. A titre d’exemple, l’incarcération de la quasi-totalité du staff dirigeant du Pastef a pu impacter négativement sur la cohésion organisationnelle et surtout programmatique de la Coalition Yewwi Askan Wi.
Par ailleurs, en réussissant la prouesse de terrasser, dès le premier tour, le mastodonte que constitue le Parti-Etat apériste, héritier de ses homologues socialiste et libéral, les jeunes cadres politiques du Pastef se sont, de fait, affranchi de toute pression venant de leurs alliés politiques, une situation pleine d’opportunités mais aussi de risques.
Quelle démarche pour écarter les dangers pesant sur la transformation systémique ?
Malgré sa victoire électorale éclatante, le Pastef créé par des cadres de la haute administration, a le devoir impérieux, d’élargir et de consolider sa base sociale focalisée dans les couches moyennes et les grandes agglomérations urbaines, en vue de convertir le vote protestataire en vote d’adhésion au fameux projet patriotique, souverainiste et anti-impérialiste, lors des prochaines législatives.
Il faudra aussi transformer les préjugés favorables dont ce parti et le président Diomaye (lui-même très attaché à sa ville natale, Ndiaganiao) bénéficient dans le monde rural en de solides positions politiques. Il s’agira ensuite de s’ouvrir davantage au monde du travail, notamment aux syndicats et à leurs centrales, sans oublier certains partis de gauche traditionnellement liés à certains secteurs de la classe ouvrière, même ceux d’entre eux qui étaient hostiles au camp patriotique ravalé au rang d’agrégat de sectes populistes.
Pour écarter les menaces, qui pointent à l’horizon, la cooptation dans l’Exécutif, de personnalités neutres, ayant fait la preuve de leur indépendance d’esprit et de leur courage est une excellente chose. Dans le même ordre d’idées, le pays a grandement besoin d’experts, dont les compétences ne font l’objet d’aucun doute, car ayant été concrètement matérialisées et mises en œuvre.
Mais évidemment, les critères de choix les plus déterminants devraient être l’option résolue pour le renforcement de la souveraineté nationale et une véritable transformation sociale de notre pays vers plus de justice sociale, d’équité et de liberté.
On observe déjà quelques embûches dressées sur le chemin des nouvelles autorités allant des décrets de dernière minute sur la nomination de magistrats véreux, les passeports diplomatiques au profit de politiciens affairistes, venant après la fragilisation budgétaire conjuguée au contexte inflationniste.
Il y a aussi cette maladresse avérée et regrettable sur la représentation féminine dans le gouvernement, qui commence à prendre une ampleur disproportionnée, rappelant les éternelles tentatives déjà utilisées par les précédents régimes libéraux, d’instrumentaliser la cause féminine à des fins politiciennes, surtout électoralistes d’ailleurs.
La question est de savoir, si le nouveau régime sera capable de contourner tous ces pièges, pour mener à bien sa tâche de « transformation systémique ».
Dans son allocution du 3 avril, le président Bassirou Diomaye Faye, bien que signataire du pacte national de bonne gouvernance initié par des organisations de la société civile, dont le Sursaut citoyen, a omis de mentionner les Assises nationales, mais a plutôt préconisé des concertations isolées sur le processus électoral et le système judiciaire et d’autres mesures de lutte contre la corruption, la fraude fiscale et de protection des prête-noms repentis et autres lanceurs d’alerte…
Tout en saluant ces mesures courageuses, de rupture par rapport à la gabegie des précédents régimes, nous n’en pensons pas moins, qu’il ne sert à rien de réinventer la roue, avec des mesures disparates, qu’il faudrait plutôt fédérer dans un cadre harmonisé. C’est ce qui nous fait militer pour une approche holistique, telle qu’elle ressort des travaux des Assises nationales et du projet de constitution de la C.N.R.I, qui, à notre humble avis, devrait, après réactualisation, être soumis à référendum, avant la fin de l’année.
Mettre le bilan immatériel au premier plan, en instaurant une nouvelle gouvernance vertueuse, en assainissant les mœurs politiques, en conquérant toutes nos souverainetés confisquées, reste le plus sûr garant du succès du projet qui sera suivi de plusieurs autres victoires du camp du patriotisme et du progrès social.
Par Ababacar FALL
CENA – CENI : QUELLE ALTERNATIVE POUR LE SENEGAL
En annonçant sa volonté de substituer la CENA par une CENI, Diomaye Faye relance le vieux débat sur la meilleure structure pour organiser des élections. Un choix lourd de conséquences au regard des expériences contrastées de ces deux modèles en Afrique
La décision annoncée par le président nouvellement élu Bassirou Diomaye Faye de remplacer la CENA par une CENI, m’offre encore une fois l’occasion de revenir sur un tel sujet qui du reste n’est pas nouveau. A la suite des dysfonctionnements intervenus lors des élections locales de 1996 à Dakar, l’opposition d’alors avait réclamé la mise en place d’une CENI dans le cadre de la commission cellulaire dirigée par le Professeur DiaÏté pour conduire les concertations entre les partis politiques afin d’évaluer les élections locales entachées d’irrégularités et de faire des propositions au Président Diouf pour l’amélioration du système électoral sénégalais.
Ces concertations malheureusement, prendront fin dans la confusion avec un désaccord entre l’opposition regroupé au sein du Collectif des 19 qui voulait une CENI et le parti socialiste qui était pour le maintien du statut quo. Suite à une demande d’arbitrage que lui avait adressé le Collectif des 19, le Président Abdou DIOUF avait tranché la question en optant pour un Observatoire national des élections- ONEL et en créant au sein du ministère de l’intérieur une Direction générale des élections – DGE. Après quelques années d’existence, on s’est rendu compte des limites objectives de l’ONEL bien qu’il constitua quand même une avancée majeure dans le dispositif électoral pour avoir contribué à crédibiliser le processus électoral et à rendre les élections transparentes. Cependant son caractère temporaire, son manque d’autonomie financière, l’absence d’une véritable personnalité juridique et d’un pouvoir de sanction immédiatement exécutoire ont constitué des limites objectives qui rendaient l’ONEL inapproprié dans le cadre d’un processus continu d’approfondissement de la démocratie.
Ainsi en2003, le débat resurgit sur l’opportunité de renforcer les pouvoirs de l’ONEL ou de mettre en place une autre structure, CENA ou CENI à la suite des élections de 2001 et 2002 où la nouvelle opposition qui avait perdu le pouvoir en 2000, convaincue que ces élections n’étaient pas transparentes, fit du renforcement des pouvoirs de l’ONEL une revendication principale.
C’est alors que le président Abdoulaye Wade, par décret n° 2004-673 en date du 02 juin 2004, institua une commission cellulaire chargée de réfléchir sur le cadre juridique, la mission et les attributs de la CENA. La commission cellulaire, dans laquelle j’ai siégé, sous la direction du Professeur Babacar Gueye nommé par décret n° 2004-1379 du 29 octobre 2004 démarra ses travaux à l’école nationale de police le 29 novembre 2004 ; travaux qui s’achèveront le 27 janvier 2005. Le président Wade par décret n° du ……. Mit en place la CENA avec des pouvoirs renforcés avec comme premier Président le Magistrat à la retraite Moustapha Touré. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les points avec les différentes péripéties vécues depuis le limogeage/démission de son président ci-dessus cité et la nomination d’un autre magistrat pour le remplacer, en l’occurrence Doudou Ndir. Je suis largement revenu sur ces différentes péripéties dans mon ouvrage sur l’histoire politique et électorale du Sénégal. La suite, on la connait avec le remplacement brutal de tous les membres de la CENA par le président Macy Sall avec le feuilleton des fiches de parrainage refusées au candidat Ousmane Sonko suite à une décision de justice et l’application parla CENA de son pouvoir d’injonction à l’endroit de l’administration électorale.
La proposition du président de la République dans son adresse à la nation le 3 avril relance Le débat sur l’opportunité de mettre en place une CENI à la place de la CENA probablement à cause de la perception de beaucoup d’acteurs du jeu politique et nombre d’observateurs de la scène politique de l’inefficacité d’une telle institution au cœur du processus électoral. Depuis les élections législatives de 2017 jusqu’à la récente élection de 2024, en passant par celle de 2019, de nombreux faits et actes se sont produits qui pourraient conforter l’idée d’une fragilisation de l’organe de contrôle ou de son inutilité malgré les pouvoirs qui lui sont dévolus.
En 2017, lors de la refonte partielle du fichier, beaucoup de couacs et de dysfonctionnement ont été relevés qui ont traduit une attitude certaine des autorités en charge de l’organisation des élections à mettre la CENA soit sur le fait accompli, soit à agir de manière unilatérale sans l’en informer.
Ainsi que cela ressort du rapport de l’organe de contrôle sur les élections législatives de 2017, à la page 34 on peut noter certains points présentés par cette dernière lors d’une visite d’une délégation conduite par le Ministre de l’Intérieur.
• La CENA n’a pas été associée à l’envoi du matériel électoral et des documents électoraux aux autorités administratives ; cependant au niveau local, aucune récrimination n’a été enregistrée
• Pour la remise des listes électorales aux plénipotentiaires des entités en compétition, la CENA n’a enregistré que deux réclamations, qui ont été satisfaites dès qu’elles ont été portées à la connaissance du DGE
• Un récent communiqué du ministère de l’Intérieur laisse entendre que les bureaux de vote pourraient changer de lieu de localisation pour diverses raisons, amenant la CENA à rappeler que le Code électoral ne permet pas un tel déplacement au stade actuel
• Au sujet de la distribution des cartes d’électeur, la CENA est particulièrement préoccupée par le faible taux de retrait enregistré à la date du 24 juillet 2017.
• Sur l’organisation du retrait des cartes, des communiqués émanant des autorités administratives de Dakar ont été diffusés pour en changer l’organisation et ce, sans l’avis de la CENA
• Enfin, sur l’édition des cartes d’électeur, toujours en cours, la CENA exprime sa vive inquiétude ; au 24 juillet 2017, en effet, un nombre très important de cartes d’électeurs restent à produire et à mettre à la disposition de leurs ayants droits.
Malgré les réponses et les assurances données par le Ministre de l’Intérieur de l’époque Abdoulaye Daouda Diallo quant à sa volonté de respecter la loi, il n’en demeure pas moins que la CENA à bien des égards a été tenue à l’écart de beaucoup d’activités notamment dans la phase de production et de distribution des cartes où une volonté nette de désorganiser le scrutin a été murie et planifiée de façon délibérée.
A la page 46 du rapport, la CENA note pour le déplorer qu’à côté des retards dans l’installation du matériel et des documents électoraux, l’on a noté le manque, voire l’absence totale de bulletins de certaines coalitions dans des bureaux de vote tant au plan national qu’à l’extérieur.
A la page 51 du rapport, le cas de Touba est évoqué, même si la forte pluie de la veille a pu retarder le démarrage du vote, nombre de bureaux de vote n’ont pu démarrer à temps faute de matériel mais surtout de l’absence des bulletins du PDS, ce qui aura été à l’origine du saccage de 220 bureaux de vote. Quid du cas de la Côte-d’Ivoire ou dix-neuf bureaux n’ont pas fonctionné en l’absence de bulletins.
Concernant l’élection présidentielle, environ plus d’un million de cartes d’électeurs ont été distribués sans la présence de la CENA du fait de la modification de l’article L.54 qui permet aux autorités administratives de procéder à la distribution des cartes après le scrutin et d’en tenir seulement informés le comité électoral et la CENA qui a été ainsi privée légalement d’exercer un droit de contrôle que lui confère ses attributs, car elle doit être présente à tous les stades du processus électoral.
Par ailleurs, un des éléments qui fondent l’indépendance de l’organe de contrôle est son autonomie financière ; or dans le cas d’espèces, les moyens nécessaires au fonctionnement de la CENA ont été logés dans le budget du ministère de l’Intérieur exposant l’organe de contrôle à des difficultés financières préjudiciables au bon fonctionnement de ses démembrements départementaux – téléphones suspendues, parc automobile vétuste ou non opérationnel pour cause de panne, mise en congés du personnel après les élections… etc.
Pour rappel, dans une étude comparative des CENI et des CENA en Afrique présentée dans le cadre de la commission cellulaire pour l’institution d’une CENA en 2004, le Professeur Sémou Ndiaye, professeur de droit à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’UCAD en analysant les missions dévolues à ces deux types d’organes, parle de missions variables à savoir :
- L’organisation et la supervision de l’ensemble du processus électoral, d’une part,
- Le contrôle et la supervision du processus électoral, d’autre part.
Dans le premier cas, la commission électorale (CENI) a la maitrise de l’ensemble du processus électoral qui va de l’inscription sur les listes électorales à la proclamation provisoire des résultats en passant par leur organisation. Dans cette hypothèse, l’administration ne dispose plus de prérogatives propres dans le processus électoral. Elle est souvent réduite à assister la Commission qui peut la solliciter pour l’accomplissement d’une tache bien définie à laquelle elle est tenue de s’exécuter. C’est le cas du Niger et du Burkina Faso. Ce dernier pays va plus loin en prévoyant dans son code électoral que la CENI a pour mission la constitution, la gestion et la conservation du fichier électoral national ainsi que l’organisation et la supervision des opérations électorales et référendaires.
Dans le cas du Bénin, la Commission électorale (CENA) est chargée de la préparation, de l’organisation, du déroulement, de la supervision des opérations de vote et de la centralisation des résultats. A cette fin, elle dispose de tout pouvoir d’investigation pour garantir la sincérité du vote. Elle proclame les résultats définitifs des élections locales alors que pour les élections législatives et l’élection présidentielle, elle n’a pour prérogatives que la centralisation des résultats et leur transmission à la Cour Constitutionnelle pour vérification de la régularité, l’examen des réclamations et la proclamation des résultats définitifs. Nous sommes là en présence d’une structure vraiment hybride !
Dans le deuxième cas, on a des CENI qui n’ont comme prérogatives que le contrôle et la supervision du processus électoral, l’administration étant chargée de l’organisation des élections. C’est le cas des CENI de Djibouti, du Togo et du Mali. Pour le CENI de Djibouti, elle contrôle la gestion du fichier électoral, l’établissement et la révision des listes électorales, l’impression et la distribution des cartes d’électeurs, la mise en place des matériels et documents électoraux.
Elle veille également à la publication des listes électorales et des membres des bureaux de vote. Le Mali et le Togo présentent les mêmes similitudes avec pour missions uniquement la supervision, le suivi de la régularité du déroulement des opérations électorales référendaires, législatives, présidentielles et locales. (extraits du rapport du Professeur Sémou Ndiaye cité dans mon ouvrage sur l’histoire politique et électorale du Sénégal – P.186).
A cela s’ajoute des exemples de CENI politisées comme c’est le cas de certains pays comme le Niger et le Togo. Pour le Niger, tout parti légalement constitué est représenté à la CENI. De même, les candidats indépendants à chaque élection bénéficient d’une représentation même si c’est commun à l’ensemble de ces candidats. La politisation de cette CENI tient davantage au fait que seuls participent au vote, les représentants de partis politiques légalement constitués, les représentants des candidats indépendants et celui de l’Etat, les autres membres, en particulier, ceux de la société civile étant exclus du vote.
S’agissant du cas du Togo, la CENI comprend neuf membres, quatre de la majorité présidentielle, quatre de l’opposition en plus du président de la Cour d’Appel qui préside es qualité la CENI. On remarquera dans ce dernier cas que la société civile n’est même pas représentée. Cf. étude du Professeur Sémou Ndiaye)
Dans d’autres états, de par leur composition, les commissions électorales sont « dépolitisées ». La première forme de dépolitisation résulte de l’absence de représentation formelle des partis politiques dans les commissions. Ils sont certes habilités à désigner des membres dans ces commissions mais leur choix doit porter sur des personnalités reconnues pour leur compétence, leur probité, leur impartialité, leur moralité ainsi que leur sens patriotique. La CENA béninoise est représentative de cette forme de dépolitisation.
A un degré moindre, le souci de dépolitisation est présent dans la composition des CENI du Mali et du Burkina. Dans ces deux pays, les dix membres de la CENI sont désignés par les partis politiques suivant une répartition équitable entre les partis politiques de la majorité et ceux de l’opposition. La société civile cependant y est suffisamment représentée pour constituer un tampon entre les deux camps et ainsi s’opposer à une politisation de ces CENI.
La commission électorale de la Tanzanie peut être citée comme autre exemple de dépolitisation en ce que tous les membres de cette commission ne doivent appartenir à aucun parti politique. C’est le Cap vert qui offre l’exemple achevé d’une commission électorale dépolitisée. En effet, si les partis politiques peuvent désigner des représentants à la commission électorale, ces derniers n’ont ni droit à la parole ni droit de vote. (cf. étude du Pofesseur Sémou Ndiaye)
L’auteur souligne également les fortunes diverses des CENA et CENI à l’épreuve des élections. Beaucoup de blocages et de difficultés survenues ont conduit à leur réforme.
Ainsi les crises n’ont pas manqué avec soit des difficultés d’organisation matérielle ou le refus de l’administration de collaborer loyalement.
Si j’ai tenu à faire mention de larges extraits du rapport présenté par le professeur Sémou Ndiaye, et qui ont été pris en compte dans le rapport final soumis aux autorités de l’époque qui avaient mis en place la commission cellulaire dirigé par le professeur Babacar Gueye, c’est pour montrer qu’il a fortement inspiré la décision du pouvoir de mettre en place au Sénégal une Commission Electorale Nationale Autonome – CENA
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L'AUBE D'UNE ÈRE DE SOUVERAINETÉ AFRICAINE
Selon Achille Mbembe, la tutelle des anciennes puissances coloniales est révolue. Il décrit une dynamique portée par l'émergence d'une nouvelle génération de dirigeants souverainistes. Et dont l'élection de Diomaye Faye constitue l'acte fondateur
Dans un entretien exclusif sur iTV, l'illustre penseur camerounais Achille Mbembe a sonné la charge pour un véritable renouveau des relations Afrique-Occident. Selon lui, une nouvelle vague de jeunes dirigeants insuffle un vent de changement majeur sur le continent.
« Le continent est rentré dans un nouveau cycle historique », a martelé Mbembe, évoquant la fin du compromis postcolonial désormais caduc. Cette mouvance souverainiste, portée par des pressions démographiques et l'influence des idées panafricanistes, remet en cause la tutelle des anciennes puissances coloniales.
Le philosophe n'y est pas allé de main morte, appelant au démantèlement des « chiffons rouges » hérités comme le Franc CFA, jugé trop dispendieux. « Il faut s'en débarrasser, et en bon ordre » a-t-il insisté.
L'exemple sénégalais, un modèle à suivre ?
C'est l'élection de Bassirou Diomaye Faye qui a véritablement cristallisé ces espoirs de rupture. Pour Mbembe, l'accession démocratique au pouvoir du jeune président et de son parti Pastef « est sans doute l'événement le plus marquant des dernières décennies ».
Un événement d'autant plus significatif que la France, après ses déboires au Sahel, « commence à comprendre qu'une page est tournée ». La pression de la société civile lors de cette élection « montre que notre sort est entre nos mains », s'est-il félicité.
Intégration continentale et renaissance culturelle
Mais le défi ne fait que commencer selon le Camerounais. Pour franchir un cap décisif, « l'Afrique doit investir dans ses organisations sous-régionales » plaide-t-il, citant l'exemple du nouveau portefeuille " de l'Intégration africaine " au Sénégal.
L'universitaire appelle également à un "rapatriement de l'imaginaire" par la redécouverte des cultures, des savoirs et de l'art africains trop longtemps délaissés. Un prérequis pour "s'ouvrir à elle-même" et dépasser le morcellement actuel.
Si la tâche s'annonce ardue, la brèche est désormais ouverte selon Mbembe : « Une partie de l'élite comprend qu'il faut se positionner autrement ».
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LA TYRANNIE DU YEBBI
La contre-dot, supposée témoigner de la reconnaissance d'une mariée à sa belle-famille, vire à la ruine financière pour nombre de femmes. Une coutume dévoyée qui confisque leur liberté au nom des "valeurs culturelles"
Au Sénégal, une tradition ancestrale se mue petit à petit en fardeau économique pour les femmes. Le "yebbi", également appelé contre-dot, est censé symboliser la reconnaissance de la mariée envers sa nouvelle belle-famille par des présents offerts lors des cérémonies nuptiales. Mais cette coutume, autrefois sobre, a pris une tournure démesurée de nos jours.
Dans une course effrénée à l'apparat et au paraître, de nombreuses familles s'endettent lourdement pour offrir des cadeaux toujours plus luxueux et coûteux à la belle-famille : tissus de grand prix, bijoux somptueux, électroménager dernier cri... Les femmes, principales actrices de cette compétition dispendieuse, en sont souvent les premières victimes.
JACKSON HINKLE, L'INFLUENCEUR AMÉRICAIN SEMEUR DE DÉSINFORMATION SUR LE SÉNÉGAL
Depuis son élection, le chef de l'Etat essuie les attaques d'un propagandiste américain suivie par des millions de personnes, prétendant à tort que le Sénégal a rompu avec la France et se rapproche de Moscou
(SenePlus) - Depuis l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence du Sénégal, l'influenceur américain Jackson Hinkle multiplie les publications trompeuses sur les réseaux sociaux. Comme le détaille Samba Dialimpa Badji dans une enquête pour Africa Check, un site de fact-checking africain, Hinkle a prétendu mensongèrement que "le nouveau président sénégalais rompt les relations avec la France et établit des relations plus étroites avec la Russie".
"Sur X (ex-Twitter), le compte @jacksonhinklle a fait une publication indiquant : 'Le nouveau président sénégalais rompt les relations avec la France et établit des relations plus étroites avec la Russie'. Le post est illustré de photos de Bassirou Diomaye Faye et de Vladimir Poutine", rapporte l'enquête.
Mais rien ne vient étayer ces allégations dans les déclarations du nouveau chef d'Etat sénégalais. "De l'annonce de sa victoire à la publication de cet article, le président élu n'a fait aucune mention de la France ou de la Russie" dans ses prises de parole, souligne le fact-checker.
Un désinformateur notoire
L'article revient sur le profil de cet influenceur de 25 ans, qui compterait 2,5 millions d'abonnés sur X. "Jackson Hinkle est un commentateur politique américain. Une caractéristique de son compte est sa propension à propager de façon délibérée et assumée du faux contenu."
Il est ainsi régulièrement épinglé pour désinformation, comme lorsqu'il "avait illustré la guerre à Gaza avec une photo prise en Syrie en 2016". Le média israélien Haaretz "l'avait interpelé sur X l'accusant de mentir en déformant les conclusions d'une de ses enquêtes".
L'influenceur s'est rallié au "trumpisme" et est devenu un férvent soutien de la Russie dans la guerre en Ukraine, après s'être présenté dans sa jeunesse comme un militant écologiste.
"Il utilise toujours la même technique : un mélange de sensationnalisme, de complotisme et de fausses informations tout en profitant pour gagner de l'argent. Sur X, il demande à ses 2,5 millions de followers de s'abonner à son compte Premium pour 3 dollars par mois afin de l'aider, dit-il, à 'combattre les propagandistes'. Ironique."
L'enquête conclut qu'avec ses allégations sur le Sénégal, Hinkle pratique une fois de plus sa stratégie de désinformation pour attirer les foules et les inciter à s'abonner contre rémunération à son contenu trompeur.