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12 avril 2025
Développement
LE DOUBLE VISAGE DE JUAN BRANCO
L'avocat de 35 ans, figure médiatique des mouvements contestataires, fait l'objet d'une enquête pour viols et agressions sexuelles. Quatre femmes témoignent aujourd'hui d'actes qui se seraient déroulés entre 2017 et 2021
(SenePlus) - Dans une enquête publiée le 13 décembre 2024, le quotidien français Libération lève le voile sur une affaire qui secoue le milieu judiciaire parisien. Juan Branco, avocat de 35 ans connu pour ses engagements médiatiques et ses positions controversées, fait face à de graves accusations de viols et d'agressions sexuelles portées par quatre femmes pour des faits survenus entre 2017 et 2021.
L'avocat triplement mis en examen s'était fait connaître du grand public lors du mouvement des gilets jaunes, devenant une figure de proue de la contestation contre le pouvoir macroniste. Conseil de Julian Assange et auteur d'ouvrages critiques du système, dont "Crépuscule", il s'était forgé une image de défenseur des opprimés et de pourfendeur des élites.
Les récits recueillis par Libération dessinent un mode opératoire similaire. Marie, l'une des premières à témoigner, décrit une rencontre qui commence par des échanges intellectuels avant de basculer dans l'horreur. "J'étais naïve, j'ai cru à une discussion intellectuelle, je n'ai pas vu la drogue", confie-t-elle. Son témoignage fait état d'une soirée qui dégénère rapidement, où elle se retrouve piégée dans une situation qu'elle n'a pas choisie.
Charly, une autre victime présumée, rapporte une agression lors d'une projection en novembre 2017. Après une soirée au Mikado, une boîte du XVIIe arrondissement parisien, elle décrit des comportements inappropriés et des tentatives d'embrassements forcés. "Il a tenté un embrassement plusieurs fois sur la bouche sans prévenir", témoigne-t-elle.
Une stratégie d'intimidation sophistiquée
L'enquête met en lumière un aspect particulièrement troublant : l'utilisation des réseaux sociaux comme outil d'intimidation. Après le dépôt des plaintes, les victimes présumées ont fait l'objet d'une campagne de cyberharcèlement méthodique. Photos, données personnelles, commentaires dégradants : tout a été utilisé pour tenter de les décrédibiliser et les faire taire.
Sous la plume de l'écrivain, l'une des femmes témoigne de cette stratégie d'intimidation en ligne : "On n'est jamais préparée à vivre un viol. C'est terrifiant de voir quelqu'un que vous avez idolâtré pendant des années se transformer en prédateur sexuel face à vous."
Face à la gravité des accusations, la justice s'est saisie de l'affaire. Le conseil de l'ordre du barreau de Paris a prononcé en octobre 2024 une suspension d'activité de trois ans contre l'avocat. Une information judiciaire a été ouverte, et les investigations se poursuivent sous l'autorité d'un juge d'instruction.
Les témoignages recueillis révèlent des traumatismes profonds. Louise, l'une des plaignantes, évoque un "black-out" et des souvenirs fragmentés : "J'ai refait le calcul de ce que j'avais bu, cela n'expliquait pas mon black-out. À ce moment-là, j'ai pensé qu'un mec avait mis un truc dans le verre. Je crois que c'était lui."
Un système bien rodé
Les enquêteurs ont relevé des similitudes troublantes dans les différents témoignages. Les rencontres se déroulaient souvent dans un contexte professionnel ou militant, suivies de moments en tête-à-tête où la situation dérapait. Les victimes présumées décrivent toutes un sentiment de confusion et d'impuissance face à un homme qu'elles admiraient initialement.
Cette affaire s'inscrit dans un contexte plus large de libération de la parole autour des violences sexuelles, particulièrement dans les milieux intellectuels et militants. Elle soulève des questions importantes sur les dynamiques de pouvoir et l'utilisation des réseaux sociaux comme outil de représailles contre les victimes qui osent parler.
Juan Branco, qui bénéficie de la présomption d'innocence, n'a pas souhaité répondre aux sollicitations de Libération. Son silence contraste avec sa présence médiatique habituelle et soulève de nombreuses interrogations. L'enquête se poursuit, tandis que d'autres victimes potentielles pourraient encore se manifester.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
UN DÉTOURNEMENT LITTÉRAIRE EN FAVEUR DES LETTRES AFRICAINES
EXCLUSIF SENEPLUS - On perçoit à travers La plus secrète mémoire des hommes, l’habileté de Mbougar Sarr à se moquer du monde impitoyable des lettres françaises qui catégorise et enferme dans des ghettos identitaires
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le roman à clé est placé au carrefour des genres littéraires derrière lequel se cachent des vérités souvent étouffées et parfumées à l’odeur du scandale. Celui-ci représente, de manière plus ou moins explicite, un espace romanesque où des personnages réels renaissent à travers le tissu de la fiction. Le réel s’imbrique à l’illusion tel un fantôme qui revient pour nous interroger. L’histoire ainsi racontée s’autorise toute liberté pour mettre à jour une énigme en tordant tous les codes littéraires.
C'est bien sur cette nature littéraire que repose le roman de Mohamed Mbougar Sarr, La plus secrète mémoire des hommes, dont le titre s’inspire d’un extrait du livre de Roberto Bolaño Les détectives sauvages, œuvre littéraire libre sur la littérature latino-américaine. Avec le roman de Mohamed Mbougar Sarr, ce processus littéraire est à son apogée car le roman nous captive autant qu’il nous surprend par sa construction habile qui contient des enjeux politiques et historiques, tout en bâtissant un vrai roman aux ressorts fictifs en embrassant la poésie, le fantastique et l’exaltation.
C'est l'histoire d’un jeune écrivain sénégalais, Diégane Latyr Faye, auteur d’un livre intitulé Anatomie du vide, qui vit en exil en France, très lettré et en quête de reconnaissance. Dès les premières pages, le cadre est posé par le truchement de son journal intime et littéraire. Celui-ci devient son alter-ego et le narrateur lui livre toutes ses pensées, en même temps qu’au lecteur que nous sommes. Et là commence la quête d’un mystère autour de la disparition d’un livre ou plus exactement celle de sa malédiction.
De manière fortuite, le jeune écrivain tombe sur un livre impénétrable, voire ésotérique, et surtout oublié, Le labyrinthe de l’inhumain, publié en 1938 par un auteur à l’apparence de squelette T.C. Elimane. La plongée dans la lecture de ce roman sulfureux tourne à l'obsession pour le narrateur. Ainsi commence la chasse à la vérité romanesque et littéraire. Cette énigme va entraîner Diégane Latyr Faye sur les chemins de la mémoire coloniale, de l’exil et de l’identité africaine.
Ainsi, les référents littéraires sont habilement transposés, chacun comprend ce qu’ils recouvrent, tout en créant un véritable univers littéraire. L’écrivain T.C. Elimane, qui a pourtant disparu, est véritablement incarné. Il est l’auteur d’un livre qui a fait scandale et qui figure dans le Précis des littératures nègres et qui a fait l’objet des pages littéraires avant-guerre. En 1948, un critique littéraire se pose la question Qui était vraiment le Rimbaud Nègre ?
On perçoit ici l’habileté de Mohamed Mbougar Sarr à se moquer du monde impitoyable des lettres françaises qui catégorise et qui enferme dans des ghettos identitaires.
Même si l’on sait que le personnage de T.C. Elimane est le double de Yambo Ouologuem, écrivain malien né en 1940, il est son incarnation sans l’être car tout est mouvant et devient fiction. La construction astucieuse de l’auteur tient à cela : qu’est-ce qui relève du réel ? Est-ce que la fiction est proche de la vérité ? La question que semble poser l’auteur : Qu’est-ce que la littérature ? À l’instar de Jean-Paul Sartre qui exposait les affres de l’écriture et de ses gouffres. Ainsi, le narrateur habite sa focalisation intérieure, celle de retrouver les traces de T.C. Elimane qui se dérobe à toutes ses recherches. C’est aussi ce qui fait l’attrait du roman, ce labyrinthe littéraire et humain qui se joue de l’histoire, avec malice, pour mieux dénoncer.
Le roman s’écrit lui-même avec la mise en abîme d’une réalité supposée qu’il détourne pour mieux s’en détacher. Il use de tous les artifices littéraires : épopée historique, récit fantastique et roman noir se côtoient dans une valse de mots, des mots qui n’ont pas peur de choquer ! Ce sont des tableaux imagés aux allures étranges et rocambolesques tout en conservant une langue réaliste, crue qui parfois s’échappe pour des envolées lyriques inattendues.
Dans le même temps, Mohamed Mbougar Sarr raconte, avec subtilité et brio, le destin tragique de Yambo Ouologuem, auteur du livre Le devoir de violence, publié en 1968 et récompensé par le Prix Renaudot, accusé alors de plagiat et effacé des pages littéraires. Ce qui va conduire Yambo Ouologuem à quitter le monde des lettres pour regagner son Mali natal, loin des caricatures du monde néocolonial.
Le talent de Mohamed Mbougar Sarr tient en cette capacité à bâtir un univers littéraire solide, référencé et documenté, tout en s’autorisant une grande liberté d’énonciation pour mieux dire la réalité de la littérature africaine.
Avec ce roman, Mohamed Mbougar Sarr fait un coup d’éclat en inscrivant la littérature africaine contemporaine au panthéon mémoriel, en révélant l'ostracisme dans lequel elle est encore maintenue par le regard néocolonial, tout en remportant la victoire du Prix Goncourt, le plus prestigieux des lettres françaises.
La profondeur de son arcane textuelle et intertextuelle et de sa stylistique polyphonique font assurément de Mohamed Mbougar Sarr un auteur majeur de notre paysage littéraire contemporain.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
La plus secrète mémoire des hommes, Mohamed Mbougar Sarr, éditions Philippe Rey, Paris, 2021.
Si Dimaye a évoqué des "avancées" lors du Forum de Doha, les résultats concrets de cette médiation restent invisibles. Les diplomates de la région pointent même du doigt le manque d'expérience de l'équipe sénégalaise sur ce dossier complexe
(SenePlus) - L'Afrique de l'Ouest s'apprête à vivre un moment historique ce dimanche 15 décembre à Abuja. Selon Jeune Afrique, les chefs d'État de la CEDEAO vont officiellement entériner le principe du départ de trois de ses membres fondateurs : le Mali, le Burkina Faso et le Niger, désormais réunis au sein de l'Alliance des États du Sahel (AES). Cette rupture, qui aurait dû être effective le 29 janvier 2025, sera cependant aménagée avec un délai supplémentaire d'au moins un an, conformément aux recommandations du Parlement de l'organisation régionale.
Dans cette période charnière, la médiation sénégalaise a joué un rôle central, bien que controversé. Mandaté par ses pairs en juillet 2024, le président Bassirou Diomaye Faye s'est rapidement positionné comme un potentiel trait d'union entre les deux blocs. Son profil unique - démocratiquement élu mais connu pour ses positions souverainistes et panafricanistes - semblait en faire l'intermédiaire idéal pour renouer le dialogue avec les juntes militaires au pouvoir dans les pays du Sahel.
Pour mener cette délicate mission, le chef de l'État sénégalais a fait appel à l'expérimenté diplomate Abdoulaye Bathily. Comme le rapporte JA, ce dernier est parvenu à rencontrer le président burkinabè Ibrahim Traoré le 10 octobre, avant de s'entretenir avec le général Assimi Goïta à Bamako une semaine plus tard. Lors de ces entrevues, il a notamment évoqué la nécessité d'un "raffermissement" des relations bilatérales et multilatérales.
Toutefois, les résultats de cette médiation semblent mitigés. Si le président Faye a salué des "avancées" lors du Forum de Doha des 7 et 8 décembre, les détails concrets de ces progrès restent flous. Un diplomate ouest-africain, cité par Jeune Afrique, porte même un jugement sévère sur cette initiative : "Il n'avait rien à attendre de la médiation sénégalaise. Bassirou Diomaye Faye et son envoyé spécial ne maîtrisaient pas le dossier."
Cette même source diplomatique suggère que le Togo aurait été mieux placé pour jouer ce rôle de médiateur, étant "peut-être le seul que respectent les dirigeants de l'AES". De fait, Faure Essozimna Gnassingbé a maintenu des contacts étroits avec les dirigeants sahéliens et obtenu plusieurs succès diplomatiques, notamment la libération de militaires ivoiriens détenus au Mali et au Burkina Faso.
Au-delà des questions diplomatiques, les négociations à venir devront résoudre des problématiques cruciales. Parmi elles, le sort des fonctionnaires sahéliens en poste à la CEDEAO - plus d'une centaine selon Jeune Afrique - dont l'avenir professionnel est désormais incertain. Les textes prévoient leur départ dans un délai de six mois à un an, avec des indemnités substantielles, mais des voix s'élèvent déjà pour demander plus de souplesse dans l'application de ces règles.
La question de la libre circulation des personnes et des biens constitue un autre enjeu majeur. Le ministre ivoirien du Commerce, Souleymane Diarrassouba, cité par le magazine panafricain, a souligné l'importance des relations commerciales avec les pays du Sahel, rappelant que le Mali représente le troisième client mondial de la Côte d'Ivoire avec des exportations de 909 milliards de F CFA.
Pour les pays de l'AES, cette sortie de la CEDEAO apparaît surtout comme un moyen de s'émanciper d'une organisation qu'ils jugent partiale et soumise à des influences étrangères. Comme le révèle un proche de la présidence togolaise à Jeune Afrique, cette liberté nouvelle leur permettrait notamment d'organiser des scrutins selon leurs propres termes, sans avoir de compte à rendre sur la candidature des militaires ou le déroulement des élections.
Cette reconfiguration majeure de l'espace ouest-africain pourrait, selon un collaborateur présidentiel cité par le journal, donner l'occasion à l'AES de "faire son printemps". Mais ce printemps sahélien pourrait aussi, prévient Jeune Afrique, précipiter le crépuscule d'une CEDEAO déjà fragilisée, si l'organisation ne parvient pas à tirer les leçons de cette crise historique.
par Sokhna Maguette Sidibé et Amadou Demba Baldé
“LE DERNIER DES ARTS”, UNE ENTRÉE RÉUSSIE
EXCLUSIF SENEPLUS - La finesse de la plume de Fary Ndao, son humour et sa capacité à mêler introspection et critique sociale sont à saluer. Sa narration, riche et sensible, éclaire des facettes souvent ignorées de l’art de la politique
Sokhna Maguette Sidibé et Amadou Demba Baldé |
Publication 15/12/2024
“Le Dernier des arts” de Fary Ndao est un roman captivant dans lequel le narrateur nous promène dans les rouages d’une rude campagne électorale.
Dès les premières lignes, le lecteur est saisi et entraîné dans une scène in media res, au cœur de l’action sans préambule ni préparation préalable. Le narrateur nous tient la main pour faire de nous un spectateur clé de la proclamation des résultats du premier tour. Le récit se passe dans un pays fictif au cœur d’une élection présidentielle opposant un novice Sibilumbaye Fall, personnage principal du récit et la présidente Aminata Sophie Cissé (ASC).
Le narrateur occupe habilement l’espace et aborde tant de thèmes d’actualité comme le Djihadisme, l’immigration, la corruption etc. Dotés de nuances et de paradoxes, les personnages révèlent une complexité intérieure qui reflète la profondeur de la condition humaine si chère à un certain Balzac.
Spoiler Alert !
À la découverte de quelques personnages dans leurs complexités
Tout d’abord, il serait opportun de se pencher sur le personnage de Sibi l’ambitieux qui aspire à diriger son pays. Au début, il scintille par son calme et sa sérénité, un homme politique qui se démarque, droit dans ses bottes et en phase avec lui-même. Sa casquette de politicien n’est pas dévoilée en premier mais plutôt celle d’un citoyen qui rêve de révolutionner son pays.
Nous avons affaire à un idéaliste. L’homme et le politicien se conjuguent ensemble sans tiraillement intérieur. Il est sensible aux maux du peuple, à sa famille qui souffre de son absence, il porte en lui l’espoir de « faire changer les choses ».
Au fil du récit, une dualité s’installe : Sibi le politicien est confiant, sûr de lui, compatissant, et charismatique. Sibi l’homme est mélancolique, romantique, et traîne des séquelles psychologiques d’une enfance difficile. Plus on avance dans le récit, plus ces deux « personnalités » s’entrecroisent à travers plusieurs dilemmes. Le personnage évolue et s’accepte pleinement en passant de l’innocence à une sorte de résilience. Cette “acceptation de soi" fait suite à un déclic matérialisé par deux scènes : la dispute conjugale très houleuse avec Zeynab et la retraite “spirituelle“ de Sibi dans son village natal. La nouvelle version est prête à se mouiller et à faire des compromis si nécessaire pour parvenir à ses fins. Le rideau est désormais levé. On assiste à son engouffrement dans la part sombre de la politique. A la question « La politique doit-elle forcément contenir une part sombre ? », le narrateur répond par l’affirmative. Ce parti-pris relève-t-elle du pessimisme ? Du fatalisme ? Ou encore du réalisme ? Il y a certainement un peu des trois.
Toujours est-il que c’est dans ce tiraillement entre la politique comme cause noble et la politique comme terrain sale, miné de compromis où les bassesses se concurrencent, que les contradictions de Sibi se dévoilent. Il sera amené à faire des choix où l’une de ses personnalités prendra le dessus, il ne peut y avoir d’équilibre dans les moments cruciaux.
Avec le recul, l’auteur redonne de l’humanité à la politique, qui finalement n’est rien d’autre que le reflet de l'être humain dans toute sa complexité, éternellement pris entre l’intransigeance des nobles idéaux et la part d’ombre que semble réclamer le pragmatisme politique. Il nous tend un miroir nous intimant ainsi de nous demander qu’allions nous faire à la place des hommes politiques dans de pareilles circonstances. La critique est aisée, l’art difficile.
Tout au long du récit on découvre que Sibi est aussi un père de famille à l’écoute, qui malgré son absence n’oublie pas sa femme Zeynab, sa fille Sarah (personnage solaire et central dans la vie du couple), et son fils Sidi (moins présent dans le récit). Contre toute attente, une confrontation avec sa femme nous montre aussi qu’il reste un homme qui n’a pensé qu’à sa carrière politique.
Attardons-nous sur le personnage de Zeynab et leur couple. Elle est décrite comme la force pivotante de la famille, assurant seule l'éducation de leurs enfants en l'absence fréquente de Sibi. Ce rôle maternel démontre son engagement silencieux, contrastant avec la visibilité de l’engagement politique de son mari. Sibi la présente aussi comme « la plume ». Ce qui renvoie à son rôle d’intellectuelle et de conseillère morale pour lui. Son personnage complexe et critique représente le dilemme entre l'amour et le devoir. Bien qu’elle soutienne son mari, elle n'hésite pas à critiquer les choix de vie de ce dernier ainsi que les impacts sur leur famille et son bien être personnel. Son personnage met en lumière la charge émotionnelle, assignée silencieusement, qu’assument les partenaires des figures publiques, souvent dans l’ombre mais essentielles à leur équilibre. Son intelligence et son indépendance intellectuelle proposent une autre approche du pouvoir. Sibi a l’air de redécouvrir sa femme durant ces présidentielles. Elle lui fait comprendre qu’il n’a pas le droit à l’échec, elle a sacrifié sa carrière pour lui, sa réussite est donc liée à la sienne.
Sibi se trouva surpris par cette déclaration de Zeynab : il était conscient de son absence au sein de sa famille mais ne mesurait pas le poids et les conséquences de celle-ci. Il a priorisé son projet et sa campagne au détriment de son rôle de mari, de père mais également des rêves de sa femme. Les mots de Zeynab ont constitué un réveil brutal qui engendrera une fuite vers le royaume de l’enfance. Au-delà de ce comportement égoïste, Sibi s’est présenté comme un prototype de la société patriarcale pour qui le rôle de la femme se résume à la gestion des enfants et à la satisfaction des desiderata de son mari. Dans ce cas de figure, Sibi tirera profit également des capacités intellectuelles de Zeynab pour réaliser ses ambitions.
À côté des tiraillements intérieurs de Sibi, l’auteur nous dresse un autre portrait, un politicien qui d’apparence ne vit pas de conflits intérieurs comme notre personnage principal : Diassé. Diassé se démarque par son idéalisme marxiste et son vécu jalonné par de nombreuses années de luttes politiques. C’est une figure qui interroge le sens de la politique et son prolongement sur le peuple. Sibi et Diassé ont une différence marquée dans l’approche politique. Le premier est plus nuancé et pragmatique que le second qui est perché dans ses idéaux.
Le contraste entre les deux personnages met aussi en lumière une question centrale du roman : les compromis nécessaires pour atteindre des objectifs collectifs. La politique est un art où se mêlent passion, talent et coups bas. L’idéalisme ne suffit pas, il faut se mouiller, c’est-à-dire embrasser la part d’ombre comme nous le suggère implicitement Diassé qui regrette que sa génération n’ait franchi le pas. Le personnage de Diassé explore aussi le dilemme de l’intellectuel engagé et le pragmatisme des luttes quotidiennes.
Bien qu’attaché à la quête d’un idéal plus équitable, il ajoute une dimension critique au discours politique du roman. Cette dualité permet d’enrichir les débats sur l’engagement et l’efficacité dans un cadre souvent marqué de désenchantement.
Sibi est entouré d’une équipe de campagne dévouée et rompue à la tâche avec chaque personnage son rôle et son tempérament. Entre autres personnages il y a l’infatigable et téméraire Pape prêt à tout pour faire gagner son leader, Philomène brillante stratège dont on pourrait déplorer l’absence progressive vers la fin du récit. Sans oublier son grand concurrent et rival de toujours Coulibaly dont le personnage est sans doute l’un des plus réussis du roman.
Si l’on peut être certain d’une chose c’est que la fin du dernier dialogue entre les deux rivaux ouvrira une palette d’interprétations chez les lecteurs et sera objet de débats nocturnes sur ce qui s’est passé réellement dans cette scène.
Au milieu de ce capharnaüm et de cette compétition électorale sans merci, une scène marquante et solennelle mérite l’attention : la rencontre entre les deux candidats. Elle est l’illustration parfaite qu’en politique, il y a quelque chose au-dessus de toutes les querelles : la République dont la sacralité est tant invoquée et évoquée. Cet échange franc et direct entre l'opposant et la présidente sortante témoigne d'une élégance remarquable, s'inscrivant dans la plus pure tradition de la realpolitik. Encore une fois, comme pour dire que la politique est tout un art.
Place aux odes…
L'auteur nous offre des odes inspirées, explorant des thèmes et des objets qui ont certainement marqué son parcours intellectuel. À travers le personnage de Diassé, se dessine une vision de la lecture et de la littérature rappelant celle d'Antoine Compagnon. Ce dernier soutient que la littérature nous confronte aux complexités de la condition humaine, elle ne donne pas de réponses simples mais soulève des questions essentielles. Notre vieux marxiste Diassé rejoint cette idée et à travers lui, l’auteur nous offre une tirade qui constitue un des meilleurs passages du roman. Pour lui, la lecture aide l’homme à mieux se comprendre. En nous confrontant à notre ignorance, elle nous pousse à questionner davantage et à accepter la diversité des croyances. Ainsi à la question “pourquoi lit-on” de son interlocuteur, le vieux Diassé termine par cette belle chute : « la lecture n'est pas la vie, elle ne lui est même pas nécessaire mais elle en est le plus beau et le plus grand des agréments »
Dans la même lignée des odes, une part belle est réservée à la Kora, une description digne d’une envolée lyrique qui emporte le lecteur dans le rythme de cet instrument de musique, si cher à l’Afrique de l’Ouest. Cette ode à la Kora apporte une grande dimension poétique à la narration. La profondeur et la subtilité de la plume se font sentir tout au long des scènes. En attestent la page 138 et suivantes dans lesquelles le personnage principal Sibi parle de la pauvreté. Il y fait un réquisitoire et l’état des lieux de tout un système qui a failli. Le narrateur ne décrit pas seulement la pauvreté, il la décortique à l’aune de ses ramifications et la personnifie en ces termes « Là est le génie de la pauvreté : elle s'adjoint toujours de décence pour nous faire croire qu'elle est supportable. Elle se présente à nous avec un voile de simplicité et d'authenticité alors que ceux qui la vivent au quotidien sont broyés par sa brutalité ». Il enchaîne observations et analyses fines de son environnement.
Sibi est un personnage conscient du milieu qui l’entoure et s’oblige à jouer le jeu. Autant il fréquente le milieu du lobbying financier et médiatique utile à sa campagne, autant il sait vivre avec les siens et fréquenter les commerçants d’un marché précaire ; il vacille entre sincérité dans ses dialogues et nécessité de dialoguer pour gagner des voix. Des dialogues qui laissent transparaître le sens humoristique de l’auteur présent dans beaucoup de passages comme celui hilarant sur les « kheut » que le vieux Diassé se plaît à distribuer.
Un titre à interprétations…
Par extension, si nous en revenons au titre après la lecture du récit, deux interprétations sont plausibles :
La politique comme un art en voie de disparition :
Le titre inspire une réflexion plus sombre sur la politique moderne. « Le dernier des arts » nous montre que la politique authentique, faite d'idéaux et de véritables convictions, si toutefois elle a existé, est en train de disparaître dans un monde cynique.
La politique comme l’art ultime :
Parmi les arts, la politique pourrait être considérée comme "le dernier des arts" en ce sens qu’elle englobe et dépasse tous les autres. Il s’agit d'un art complexe qui nécessite autant de stratégie que d’irrationnel. La conquête du pouvoir est tout un art qui convoque l'être humain dans son entièreté, ses qualités, ses défauts, sa grandeur d'âme, ses bassesses et ses émotions. La politique demande énormément de compromis qui peuvent exiger de sortir des sentiers battus de l’éthique et de la morale. Et l’auteur l’exprime encore mieux : “ La politique n'est pas et n'a jamais été une question rationnelle. Elle n'est, en définitive, qu'une affaire de tripes et de cœur. Et c'est peut-être mieux ainsi.”
S’il suscite autant d'interprétations et de questions sur la politique, ce roman démontre aussi et surtout l’essence de la politique. D’ailleurs l’essence d’un roman ne résiderait-il pas dans sa capacité à faire apparaître d’autres questions ? comme nous le fait remarquer Mbougar Sarr.
Fary Ndao fait une excellente entrée dans l’univers du roman avec « Le Dernier des arts ». La finesse de sa plume, son humour et sa capacité à mêler introspection et critique sociale sont à saluer. Sa narration riche et sensible éclaire des facettes souvent ignorées de la politique. Il est certain qu’il nous réserve de bonnes surprises à l’avenir.
Crédit Photo : jade_vision
LES CHIFFRES QUI ONT SCELLÉ LE SORT DU CESE ET DU HCCT
En douze ans d'existence, le Conseil économique, social et environnemental aura englouti plus de 65 milliards, pendant que le Haut Conseil des collectivités territoriales engloutissait 138 milliards en à peine huit ans
(SenePlus) - Dans son intervention ce samedi 14 décembre 2024, le ministre de la Justice Ousmane Diagne a défendu avec succès le projet de loi portant suppression du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT). Le texte a été adopté par l'Assemblée nationale avec 134 voix pour, 8 contre et 2 abstentions.
Le ministre a présenté un bilan financier édifiant de ces deux institutions. Le CESE, de 2012 à 2024, a coûté plus de 65 milliards de francs aux contribuables sénégalais. Plus lourd encore, le HCCT a englouti 138 milliards de francs entre 2016 et 2024. Au total, ces deux institutions ont représenté une dépense de 203 milliards, 702 millions, 705.000 francs pour le budget de l'État.
M. Diagne a souligné que cette suppression s'inscrit dans une "véritable œuvre de salubrité budgétaire". Les ressources ainsi libérées seront principalement réaffectées au renforcement du corps enseignant, pour une meilleure prise en charge de l'éducation nationale. D'autres secteurs pourront également bénéficier de ces fonds, selon les priorités qui seront définies par le gouvernement.
Le Garde des Sceaux a par ailleurs mis en avant le large soutien populaire dont bénéficie cette réforme, rappelant que son adoption intervient quelques semaines après un premier rejet par la précédente législature.
VIDEO
L'OPPOSITION DÉNONCE UNE NÉGATION DES INSTITUTIONS
Aïssata Tall Sall a livré ce samedi un plaidoyer pour la préservation du CESE et du HCCT. L'ancienne ministre et figure de l'opposition a déploré une législature qui s'ouvre sur des "actes négatifs", après la radiation récente de Barthélémy Dias
Dans une intervention à l'Assemblée nationale ce samedi 14 décembre 2024, l'ancienne ministre des Affaires étrangères et députée d'opposition, Aïssata Tall Sall, a vivement critiqué le projet de loi portant suppression du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT).
L'ancienne patronne de la diplomatie a déploré que la nouvelle législature s'ouvre sur des "actes négatifs", faisant référence à la récente radiation du député Barthélémy Dias, suivie de cette proposition de suppression de deux institutions républicaines. Elle a notamment souligné l'absence d'urgence de ces mesures, alors que des dossiers cruciaux comme la loi de finances initiale et le budget restent en attente.
S'agissant du CESE, institution créée en 1961, Aïssata Tall Sall a mis en avant son rôle fondamental dans le dialogue entre l'État et les acteurs économiques, qualifiant l'institution de « consubstantielle » à l'État. Elle a particulièrement insisté sur son importance comme interface avec les patrons d'entreprises et les ordres professionnels, rappelant sa présence dans "toutes les démocraties du monde".
Concernant le HCCT, l'ancien ministre l'a présenté comme l'aboutissement naturel de la loi de décentralisation de 1987, soulignant son rôle essentiel dans le dialogue avec les territoires. Elle a par ailleurs contesté l'argument budgétaire avancé pour justifier ces suppressions, affirmant qu'un gouvernement doit être capable de maintenir ses institutions tout en conduisant une politique de développement.
Malgré cette intervention et d'autres voix discordantes, le projet de loi a finalement été adopté par l'Assemblée nationale avec 134 voix pour, 8 contre et 2 abstentions.
QUAND DIAS RACONTAIT AVOIR DÛ SE BATTRE POUR SA VIE
Barthélémy Dias, désormais ex-maire de Dakar, qui racontait en 2021 comment il avait dû faire face à des assaillants armés dix ans plus tôt, se trouve à nouveau dans une situation de siège, cette fois-ci politique et judiciaire
(SenePlus) - Dans un entretien accordé à Jeune Afrique en juin 2021, Barthélémy Dias revenait sur les événements tragiques du 22 décembre 2011, une journée qui allait marquer un tournant dans sa carrière politique et dont les répercussions se font encore sentir aujourd'hui avec sa récente révocation de ses fonctions de député et de maire de Dakar.
"J'étais le responsable des jeunesses socialistes et luttais contre le troisième mandat du président Abdoulaye Wade", racontait-il à JA, décrivant une période de vives tensions politiques. Ce jour-là, selon son témoignage, des individus "envoyés et convoyés par le Parti démocratique sénégalais (PDS)" ont encerclé la mairie. "Comme la mairie se trouve dans une impasse, je ne pouvais pas m'échapper", expliquait-il au magazine panafricain.
Face à l'inefficacité de l'intervention policière qu'il avait sollicitée, Dias décida de sortir affronter ses assaillants. "J'étais quand même le maire de la commune, je ne pouvais pas fuir devant des voyous !", justifiait-il dans les colonnes de Jeune Afrique. S'en est suivie une fusillade d'une demi-heure, au cours de laquelle il reconnaît avoir "peut-être vidé trois ou quatre chargeurs".
Cette confrontation armée, qui s'est soldée par un mort, a valu à Barthélémy Dias une condamnation en 2017 à six mois de prison ferme. Dans son entretien avec Jeune Afrique, il dénonçait une justice à géométrie variable : "Vous connaissez un pays sérieux où l'on condamne quelqu'un à six mois de détention pour un meurtre ?"
La chute
Douze ans plus tard, cette condamnation, confirmée en appel en 2022 et validée par la Cour suprême en 2023, rattrape l'édile de Dakar. Le 13 décembre 2024, alors qu'il tentait d'organiser une conférence de presse à l'hôtel de ville, les forces de l'ordre ont fait irruption dans la salle, interrompant sa déclaration. "La police est en train d'exécuter une commande politique", a-t-il dénoncé, qualifiant l'intervention de "dictature".
L'arrêté préfectoral, daté du 11 décembre, prononce sa démission du conseil municipal de Dakar, entraînant automatiquement la perte de son mandat de maire. Cette décision intervient une semaine après sa déchéance de son mandat de député.
La coalition qui avait investi Barthélémy Dias a vivement réagi, condamnant dans un communiqué "la décision arbitraire" et "l'incursion brutale, scandaleuse et injustifiée des forces de l'ordre à l'hôtel de ville de Dakar". Elle précise que le maire dispose d'un délai de dix jours pour faire appel de la décision préfectorale.
Cette destitution marque un nouveau chapitre dans la trajectoire mouvementée de celui qui déclarait à Jeune Afrique : "Je suis en paix avec ma conscience." Une conscience qui ne l'empêche pas aujourd'hui de continuer le combat, ayant déjà annoncé son intention de faire appel de cette révocation.
L'ÉTAT OUVRE SON PORTE-MONNAIE POUR LES VICTIMES DES VIOLENCES ELECTORALES
Le président Bassirou Diomaye Faye a inscrit une enveloppe de 5 milliards de FCFA dans le projet de loi rectificative pour les indemniser
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a honoré une de ses grandes promesses avec l’indemnisation des familles des victimes des violences électorales.
Une enveloppe de 5 milliards de FCFA a été inscrite dans le projet de loi rectificative en cours pour « indemniser » ces familles, afin d’apporter un soutien financier aux proches des victimes qui ont perdu la vie ou subi des préjudices lors de ces tragiques événements.
La promesse du président Faye, qui avait évoqué cette mesure dès son accession à la présidence, a été saluée par les Associations des victimes. « Évidemment, ça ne remplace les personnes décédées, mais ça soulage leurs familles. Nous attendons une répartition équitable de cet argent. Il y a des familles qui ont perdu des soutiens, des pères de familles ont perdu la vie dans ces violences », a réagi sur la RFM Djbril Diaw, membre de l’Association des victimes de violences électorales. Selon lui, bien que cette initiative soit un « soulagement pour de nombreuses familles », il est essentiel que « la distribution de ces fonds se fasse de manière juste et transparente », pour éviter toute forme de disparité entre les familles affectées.
Cette mesure, bien que saluée, ne satisfait cependant pas entièrement les attentes des familles des victimes. Si elles considèrent cette indemnisation comme « une avancée », elles appellent également à des mesures supplémentaires. « Nous saluons la mesure, mais les familles attendent l’abrogation de cette loi d’amnistie. Les responsables de ces violences doivent être traduits devant les tribunaux et jugés pour rendre véritablement justice aux familles des victimes », a ajouté Dibril Diaw.
Par Bachir FOFANA
L’ECONOMIE AGONISE PENDANT QUE SONKO SE VENGE
Ce pouvoir n’est pas prêt pour travailler pour le bien des Sénégalais et l’avancement de ce pays. Mais il est juste concentré à régler des comptes politiques avec Barthélemy Dias, Madiambal Diagne, Adama Gaye...
Mon ami Thierno Diop a posé une question sur sa page Facebook : «Plus sérieusement, en neuf mois y a quoi de neuf ?» Chacun a sa réponse, mais la mienne est que la statue de Lat Dior, que le président de la République est allé inaugurer à Thiès, est la première réalisation du «Porozet» en 9 mois. Ça peut faire sourire, mais c’est la triste réalité, et le pays est économiquement morose.
Pour preuve, le Sénégal est rentré bredouille de sa quête de 25 milliards de francs Cfa, pour une échéance de 39 jours, sur le marché financier de l’Uemoa (Cf : Une du Quotidien du 5 décembre). «La somme, soumise le vendredi 29 novembre, sous forme de Bons assimilés du Trésor (Bat), avait pour date de valeur le lundi 2 décembre. Or, à cette date, le Sénégal a reçu… zéro soumission ; personne n’a voulu de l’émission de la seconde économie de l’Uemoa», écrivait le journal. Suffisant pour que Cheikh Diba, ministre des Finances et du budget, monte sur ses grands chevaux pour démentir «formellement cette information infondée et dénoncer vigoureusement une tentative malveillante visant à porter atteinte à l’image du pays». Il ajoute aussitôt après que «l’émission de titres publics sur le marché régional de l’Uemoa répond à des règles et procédures strictes et transparentes que le Sénégal respecte scrupuleusement dans la mise en œuvre de sa stratégie d’endettement». Il reconnaît toutefois un peu plus loin : «Il est vrai que dans le calendrier indicatif communiqué en février 2024, une émission était prévue pour le 29 novembre 2024. Cependant, en raison de la mobilisation réussie, le 15 novembre 2024, d’un montant de près de 92 milliards F Cfa couvrant les prévisions initiales de 25 milliards F Cfa, cette émission n’a pas été finalement confirmée. Cette mobilisation significative, combinée à d’autres financements externes, a permis de renforcer la situation de trésorerie et d’annuler l’émission initialement envisagée pour le 29 novembre 2024.» Diba a cherché à démentir une information et l’a finalement confirmée ! L’info est simple pourtant : une émission est faite et a été finalement retirée. Et au moment de son retrait, il y avait zéro souscription ! Voilà les faits. Par ailleurs, le ministère nous informe qu’il y a eu 92 milliards dans une émission précédente. Sauf que l’information n’est pas complète. Ce que le ministère ne dit pas aux Sénégalais, c’est qu’il cherchait 130 milliards et n’en a obtenu que 92 ! D’habitude, le Sénégal obtenait souvent plus que ce qu’il cherchait. D’ailleurs, transparence pour transparence, nous attendons le «Rapport d’exécution budgétaire» du dernier trimestre et les services de Cheikh Diba tardent à se bouger.
La morosité économique selon la Dpee
Après Cheikh Diba, c’est au tour de Abdourahmane Sarr, ministre de l’Economie, du plan et de la coopération, de nous décrire la morosité ambiante de l’économie sénégalaise à travers deux documents produits par ses services. En effet, le «Point mensuel de conjoncture» d’octobre 2024 et la «Note de conjoncture» (troisième trimestre) montrent une cartographie pas très reluisante. Des documents produits par la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee), logée à la Direction générale de la planification et des politiques économiques (Dgppe).
«Au troisième trimestre de 2024, le climat des affaires s’est dégradé, en variation trimestrielle. L’indicateur synthétique a diminué de 4, 6 points et est resté au-dessous de sa moyenne de long terme. Cette situation reflète les opinions défavorables des entrepreneurs de «Bâtiments des travaux publics», des prestataires de services et des commerçants. Sur un an, l’indicateur du climat des affaires a diminué de 3, 0 points au troisième trimestre de 2024», dit la note. Et l’on comprend pourquoi beaucoup d’hommes d’affaires préfèrent d’autres pays de la zone Uemoa, s’ils n’ont pas tout simplement mis la clé sous le paillasson.
Dans l’industrie par exemple, les contraintes à l’activité relevées par les industriels sont la demande (36%), la concurrence (33%), le recouvrement difficile des créances (28%), l’approvisionnement difficile en matières premières (19%) et la fiscalité (8%). C’est dire que les nouvelles autorités sont responsables à 72% de la situation de morosité dans le secteur industriel.
«Deuk bi dafa Diomy»
Même situation dans le secteur du Btp. Selon le «Point mensuel», dans le sous-secteur des bâtiments et travaux publics, «les obstacles soulevés par la majorité des entrepreneurs sont le recouvrement difficile des créances (83%), la fiscalité (67%), l’insuffisance de la demande (50%), l’accès difficile au foncier (33%), la concurrence supposée déloyale (33%), le coût des intrants (33%) et la vétusté des équipements (17%)». On ne peut tout de même pas bloquer les constructions, ne pas payer les fournisseurs (raison du courroux des étudiants de l’Université de Ziguinchor) et espérer que ça marche ! Ce pouvoir n’a pas compris que «quand le bâtiment va, tout va». Car le bâtiment est l’illustration parfaite d’un pays qui avance. En effet, la construction est le principal moteur de la croissance, capable d’entraîner et de faire prospérer le reste de l’économie. Mais quand on a une démarche de répression fiscale, de dénigrement de son secteur privé et d’emprisonnement de ses champions nationaux, il ne faut pas espérer une embellie économique. Le «Point mensuel» conclut à un «pessimisme des entrepreneurs par rapport à l’évolution des commandes publiques et privées reçues».
Les services de Sarr disent également que l’argent ne circule plus. En plus simple : «Deuk bi dafa Diomy.» D’après la «Note de conjoncture», «l’évolution de la situation monétaire, basée sur les estimations à fin septembre 2024, a fait ressortir une contraction de la masse monétaire de 157, 2 milliards de francs Cfa». Le document ajoute : «La masse monétaire a reculé de 157, 2 milliards de francs Cfa entre fin juin et fin septembre 2024, pour s’établir à 9584, 5 milliards de francs Cfa. Cette dégradation de la liquidité globale est notable à travers la circulation fiduciaire (billets et pièces hors banques) qui a diminué de 201, 4 milliards de francs Cfa pour atteindre 2384, 6 milliards de francs Cfa.»
Ce qui a naturellement une incidence sur les prix à la consommation qui «ont augmenté d’1, 0%, en variation trimestrielle». La viande de bœuf (+1, 6%), les poissons frais (+15, 3%) et les «légumes frais en fruits ou racine» (+18, 3%) ont pris l’ascenseur. De même que le riz local (1, 8%). «Sur un an, les brisures parfumée ordinaire, non parfumée et locale ont affiché des hausses de prix respectives de 5, 3%, 19, 1% et 10, 1% en moyenne sur le troisième trimestre 2024. Sur les neuf premiers mois de l’année 2024, des hausses respectives des prix du non parfumé (+18, 8%), du parfumé ordinaire (+4, 6%) et de la brisure locale (+9, 9%) sont notées». Pourtant, le gouvernement se vantait d’avoir baissé les prix des denrées.
La masse monétaire en circulation a baissé de 117 milliards en un mois
Les Sénégalais sont dans le dur. En témoigne la «masse monétaire (qui) a diminué de 117 milliards» entre août et septembre 2024, selon le «Point mensuel de la conjoncture». La masse monétaire a atteint 9584, 5 milliards à fin septembre 2024. «Cette contraction est principalement imputable à la circulation fiduciaire (billets et pièces hors banques) et aux dépôts transférables, qui ont respectivement reculé de 63, 8 milliards et 60, 5 milliards, pour s’établir à 2384, 6 milliards et 4657, 5 milliards».
Au plan des finances publiques, la morosité de l’activité économique a consacré une gestion budgétaire avec «une progression modérée de la mobilisation des ressources, associée à une exécution soutenue des dépenses». La «Note trimestrielle de conjoncture» comme le «Point mensuel de conjoncture» sont unanimes sur une information capitale : «Aucun don budgétaire n’a été mobilisé à fin octobre 2024.» Ceci est la preuve que le retrait du Fmi entraîne une conséquence terrible sur nos relations avec les partenaires techniques et financiers. De plus, comment voulez-vous que des partenaires fassent confiance à un pays dont le chef du gouvernement accuse ses fonctionnaires d’avoir maquillé ses chiffres sur la dette et sur le déficit budgétaire ?
Pendant ce temps, Sonko règle ses comptes politiques
Par ailleurs, pour un pays qui s’attendait à une croissance de 7 à 8%, les documents du ministère de l’Economie projettent une évolution de 3, 7%, et 2, 8% pour le cumul des 9 mois d’activités.
Pendant ce temps, ce pouvoir n’est pas prêt pour travailler pour le bien des Sénégalais et l’avancement de ce pays. Mais il est juste concentré à régler des comptes politiques avec Barthélemy Dias, Madiambal Diagne, Adama Gaye... Ce pouvoir a pour priorité de régler des comptes, pendant que le Sénégal coule. Vengeance et maintien des clivages sont les urgences de Pastef, une formation politique qui est née et s’est entretenue par la haine jusqu’à accéder au sommet. L’histoire bégaie en effet. Après tout ce qu’on a vécu avec Macky Sall, le duo Diomaye-Sonko se débrouille encore pour ramener les mêmes mauvaises pratiques avec les mêmes armes ! Quelle est la valeur ajoutée de cette destitution du maire de Dakar pour nous le Peuple sénégalais ? En quoi cette destitution est-elle si urgente, si importante à nos yeux ? Que gagne Pastef en se rabaissant de la sorte ? La question à poser est celleci : si Dias était toujours du côté de Sonko, aurait-il le même sort ?
C’est Pastef, le parti hors la loi, qui brandit la loi aujourd’hui. Ceux qui nous parlent d’application de la loi ont en effet la mémoire courte. Ousmane Sonko et ses militants n’ont jamais accepté ni toléré les lois et règlements qui leur étaient appliqués, quitte à détruire ce pays. Donc qu’est-ce qui a changé ? C’est Pastef, qui avait hier parlé du «Préfet de Macky Sall», qui a aujourd’hui utilisé le même Préfet pour de basses besognes. En effet, la personne qui a saisi le Préfet pour destituer Barth’ est un membre de Pastef. Donc, c’est bel et bien Pastef qui est à l’origine de cette destitution, sur commande de Ousmane Sonko. Car derrière l’application de la loi, il s’agit ici de règlement de comptes et de revanche, rien d’autre. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir, et c’est une trahison de la promesse de rupture. Pastef est attendu ailleurs, sa mission sera dure et longue peut-être. Alors, il serait bien que le pouvoir se concentre sur l’essentiel et arrête ces conflits de bas étage.
Par Fadel DIA
CHANGER (ENCORE)… ET BALAYER LES TABOUS !
Faire différemment et mieux : c'est la promesse du changement. Pourtant, la RTS continue de sacraliser le pouvoir, les délégations officielles restent pléthoriques, le parti présidentiel fait main-basse sur le bureau de l'Assemblée sans majorité totale
Changer, c’est ce que promettent tous les opposants qui accèdent au pouvoir, même si tous ne promettent pas des «changements systémiques» et Abdoulaye Wade était allé assez loin puisque, selon un exégète de sa parole, «Sopi» signifie plus «Changeons» que «Changer».
Changer, selon le dictionnaire, c’est faire ou devenir autre, faire que quelque chose ou quelqu’un soit autre, mettre en place quelque chose de différent. Dans le domaine qui nous occupe ici, la gouvernance, changer ce n’est pas ne pas marcher sur les pas du gouvernement précédent, ne pas commettre les mêmes erreurs, faire différemment et mieux. C’est mener des actions à la fois d’ordre interne, dans la manière de faire, et externe, en agissant sur les objectifs recherchés, avec pour but ultime de rendre le pays plus prospère, ses habitants plus heureux, ses lois plus justes et plus humaines. « La Révolution doit s’arrêter à la perfection du bonheur » avait écrit un des héros de 1789 et les révolutions naissent souvent du fait que ceux qui promettent le bonheur ne tiennent pas leurs engagements.
Huit mois sont passés depuis l’avènement d’un nouveau pouvoir, le président élu a déjà effectué plus du huitième de son mandat, des élections législatives anticipées ont confirmé les engagements qui l’ont porté au pouvoir, il a désormais la haute main sur les pouvoirs exécutif, législatif et même judiciaire, et il est donc légitime de lui demander de s’attaquer à des réformes dans des secteurs symboliques de notre vie politique sur lesquels ni lui ni ses opposants ne se sont guère prononcés jusqu’ici. Il s’agit de réformes dont on peut dire, en reprenant un slogan célèbre, qu’en argent au moins, elles ne coûtent rien et rapportent gros, mais qui en revanche exigent un grand courage politique, y compris celui de se rendre impopulaire.
Faire la politique de ses moyens !
Quid, par exemple, du train de vie de l’Etat ? Abdou Diouf nous avait promis un état modeste, mais la promesse n’a pas été tenue et ses successeurs ne se sont pas pressés à s’engager dans cette voie. Il ne s’agissait pourtant pas de contraindre les gouvernants à vivre chichement ni même, à proprement parler, de prôner un Etat modeste, mais tout simplement de tenir compte des moyens d’un pays qui occupe le 165e rang mondial dans le classement des nations les plus riches et dont le PIB représente moins du dixième (1/10) de la fortune personnelle d’Elon Musk. Il s’agit de réduire le nombre de démembrements des services administratifs, de rogner sur les titres, les privilèges et les avantages de toutes natures, les dimensions des cabinets, les voyages à l’étranger, les effectifs des délégations ou la durée de leurs séjours à l’étranger et les conditions de leur prise en charge et de rappeler aux élites publiques que leur fonction est un sacerdoce et non une source d’enrichissement.
En Suède - (deux fois moins peuplée que le Sénégal avec un PIB 20 fois plus élevé !) - le Premier ministre est le seul membre du gouvernement à disposer d’une voiture de fonction à temps plein, le parc automobile du Parlement se réduit à trois (3) véhicules et le seul privilège des députés est de pouvoir voyager gratuitement sur le réseau de transport public. La Suède est, il est vrai un cas particulier et il est illusoire de demander à nos élus d’imiter les siens car nous avons le complexe du paraître et ce n’est donc pas demain la veille qu’ils emprunteront les lignes du BRT ou de DDD pour se rendre à l’Assemblée Nationale. Mais rien ne nous empêche de rêver et si eux, et nos ministres, faisaient un pas pour s’aligner sur leurs collègues suédois, ce serait pour le cas un vrai « changement systémique » !
Encore faudrait-il que l’exemple vienne d’en haut puisqu’en moins de huit mois l’avion présidentiel a parcouru, en kilomètres, l’équivalent de plus de trois fois le tour de la terre et que le chef de l’Etat, qui n’a encore eu aucun contact apaisé avec les Sénégalais des profondeurs qui l’ont élu, a effectué une vingtaine de déplacements hors du territoire national, sur les quatre continents, dont trois dans un court intervalle dans une région distante de près de 8000 km du Sénégal, avec un aéropage de collaborateurs et de journalistes. Sans préjuger des retombées de ces déplacements on peut dire que leur coût, en argent et en carbone, est peu compatible avec les ressources d’un pays qu’on nous dit au bord de la faillite et notre ambition d’être un modèle en matière de sauvegarde de la nature. La perpétuation de cette frénésie des voyages est par ailleurs accompagnée d’un autre héritage de l’ancien monde : un très médiatisé pèlerinage à La Mecque.
C’est une confusion des genres car il s’agit là d’un exercice d’ordre privé qui ne devrait pas être à la charge de l’Etat et qui, au plan religieux, n’a de sens que s’il est personnellement assumé. On peut dire que nos présidents, ainsi que les centaines de personnes qui depuis plus d’un quart de siècle ont fait le tour de la Kaaba dans leur sillage et aux frais de la princesse, ont fait leur umra pour rien ! L’explication selon laquelle il ne s’agirait en fait que d’un petit détour ne tient pas puisque la distance entre la capitale saoudienne et La Mecque équivaut, approximativement, à deux fois celle qui sépare Dakar de Nouakchott !
République et religion : un tabou !
Des réformes s’imposent aussi dans la nature des relations entre les pouvoirs publics et les autorités religieuses, et pour être plus clair, avec les chefs des confréries musulmanes, sujet tabou par excellence. Mais ici il s’agit tout simplement de revenir aux fondamentaux des premières années de notre indépendance, quand il s’agissait de poser les bases de notre « commun vouloir de vie commune ».Il y a une différence de nature entre le pouvoir politique issu du vote de l’ensemble de la population et symbole de la nation dans sa globalité et les confréries religieuses qui sont l’émanation d’une portion plus ou moins importante de la communauté nationale et le modus vivendi qui gouvernait leurs rapports a perdu son équilibre quand, pour la première fois, un Président de la République s’est accroupi aux pieds d’un chef religieux. Ce n’est pas qu’il l’ait fait qui est en cause, c’est qu’il l’ait fait non pas en disciple dévoué et en toute intimité, mais ès qualité, en public et en présence des corps constitués. Un autre pas a été franchi quand l’Etat s’est érigé en maître d’œuvre et bailleur d’appoint du patrimoine immobilier des confréries qui ne manquent pourtant ni de ressources ni de disciples généreux. Nous ne prêchons pas pour une laïcité à la française, nos chefs religieux, toutes confessions confondues, méritent respect et considération, les lieux de culte et les manifestations religieuses ont droit à un soutien logistique et sécuritaire de l’Etat, mais nos dirigeants ,et surtout ceux qui prônent des changements significatifs, doivent marquer la différence entre leur engagement personnel et les symboles qu’ils représentent, demander aux dignitaires religieux des prières pour la nation et non des voix pour leur parti.
La majorité, ce n’est pas la totalité !
Changer c’est aussi cesser de croire que la persuasion n’a pas sa place dans la politique dont les seules armes seraient la carotte et le bâton. Choisir la carotte c’est laisser proliférer une plante vénéneuse, la « transhumance » dont sont devenus accros nos hommes et femmes politiques qui ne découvrent les tares de leurs amis que lorsque ceux-ci ne sont plus au pouvoir. Mais il est difficile de faire du neuf avec du vieux et les dépouilles laissées par l’ancien pouvoir s’avéreront vite plus encombrantes qu’utiles. User du bâton c’est faire mal à la démocratie, c’est ignorer que la majorité ce n’est pas la totalité, et pas seulement en politique, qu’être minoritaire ne signifie pas perdre ses droits, surtout quand on vit dans un pays aux frontières artificielles dont les habitants n’ont pas tous les mêmes convictions religieuses, ne partagent pas la même langue, appartiennent à des milieux sociaux différents et vivent dans des environnements qui varient d’un point à l’autre. C’est enfin confondre deux réalités qui ne sont pas superposables, la majorité électorale et majorité nationale et si le nouveau Président de la République a été brillamment élu, dès le premier tour, il n’a rassemblé sur son nom qu’à peine plus de 2.400.000 voix. Même en ne tenant compte que des Sénégalais qui ont l’âge et le droit de voter, on peut dire que c’est une minorité de ses compatriotes qui l’a porté au pouvoir. Cela ne met pas en cause sa légitimité, mais cela nous rappelle que la majorité, mode privilégié de la gestion démocratique, est une convention commode mais arbitraire. Quels que soient les arguments, voire les arguties, invoqués, il y a cette réalité simple et mathématique : le parti au pouvoir n’a pas 100% des députés élus à l’Assemblée Nationale, il n’est pas logique qu’il ait 100 % des postes de son bureau. La majorité ne donne pas le droit de n’en faire qu’à sa tête et en démocratie le pouvoir n’a de sens que s’il y a un contrepouvoir pour limiter ses dérives !
« Buur », c’est fini, nous sommes en République !
On attend enfin de nos jeunes dirigeants qu’ils dépoussièrent le protocole et mettent fin à la sacralisation et à la peopolisation de la fonction de président de la République comme se plaisent à le cultiver les médias d’Etat. Notre télévision nationale a changé de chef mais pas d’antienne puisqu’elle continue à penser que les activités du chef de l’Etat sont toujours l’évènement le plus important de la journée et nous sert chaque semaine, comme un refrain publicitaire, le condensé de ses faits et gestes. Celui qui occupe la maison qu’habite le Sénégal est certes le premier d’entre nous, mais il le doit à la volonté populaire, ses revenus proviennent de nos impôts, sa fonction est éminemment temporaire, le contrat que nous avons signé avec lui est un CDD et il est appelé, un jour ou l’autre, à redevenir un citoyen devant lequel on ne lèvera plus le drapeau. Cessons aussi d’affubler son épouse, ou ses épouses, du titre glamour de « Première Dame » qui est une pâle copie du protocole américain et n’a aucune existence légale chez nous, qui ouvre la porte à des charges qui échappent à tout contrôle au point que celles qui l’ont porté jusqu’ici ont laissé comme héritage des fondations éphémères qui ont sombré avec corps et biens, sans qu’on ne sache jamais d’où venaient leurs moyens. Notre tradition est en avance sur les modes occidentales et chez nous une femme mariée ne perd pas son nom, alors évitons de tomber dans le ridicule en désignant les épouses de l’actuel chef de l’Etat, puisqu’il faut bien les distinguer l’une de l’autre, par les appellations de « Première- Première Dame » et de « Deuxième Première Dame » !