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24 avril 2025
Développement
par Momar Dieng
PAPE DIOP ENTERRE SES SEPT CHANTIERS
Avant les législatives, l’ancien président de l’Assemblée a agité plusieurs dossiers symboles, selon lui, de la mal gouvernance instaurée par Macky Sall. Recruté en député VIP sauveur du camp présidentiel, il a dit adieu à ses velléités d’opposant
C’est avec fracas mais sans grande surprise que l’opposant Pape Diop, député élu à l’issue des élections législatives du 31 juillet 2022, a rejoint le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), lui assurant ainsi une majorité dans la nouvelle assemblée nationale sénégalaise. Un choix diversement apprécié.
Autant il vient opportunément au secours du président de la république Macky Sall menacé par une cohabitation inédite au cœur de la représentation nationale. Autant il a « déçu » l’inter-coalition d’opposition Yewwi-Wally qui espérait placer des grains de sable dans une machine automatique sans valeur ajoutée pour l’institution parlementaire.
Dans une majorité hétéroclite ou cohabitent depuis dix ans libéraux entrepreneurs, sociaux et plus ou moins conservateurs, socialistes de tendance socio-démocrate et progressiste, gauchistes anarcho-libertaires et politiciens inclassables ouverts à tous les vents du genre traficoteurs de numéraires et documents de voyage, Pape Diop, ci-devant président de l’assemblée nationale devra trouver sa place, lui homme d’affaires pragmatique converti à la politique à partir de sa rampe de lancement de la plage de Soumbédioune. Une place à partir de laquelle il pourrait racheter une once de crédibilité après ce qui a été considéré comme une trahison de tout ou partie de ses électeurs : son ralliement à la majorité présidentielle alors qu’il a fait campagne en opposant.
Opposant, Pape Diop l’a été durant une vie, celle de ses ressentiments contre la gouvernance de Macky Sall. « Depuis 2012, il s’est passé beaucoup de choses dans ce pays. Et si on ne fait rien, ce sera la catastrophe », disait-il dans l’émission « Autour du micro » sur le site Dakarmatin.
À l’appui de son courroux, sept dossiers emblématiques, selon lui, des pratiques non transparentes du régime Sall.
Dossier 1 : l’institution du visa d’entrée au Sénégal.
« A son arrivée, Macky Sall décide d’instituer le visa d’entrée pour les ressortissants étrangers. L’argent était versé dans les comptes d’un individu (…) Trois ans après, il abandonne le projet et dédommage ledit individu à hauteur de 12 milliards de francs CFA. Cette affaire doit être éclaircie. »
La personne mise en cause est Adama Bictogo, actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Il était d’ailleurs à Dakar au mois de juin dernier pour délivrer un discours devant les députés sénégalais.
Dossier 2 : affaire Arcelor-Mittal
« Le président Abdoulaye Wade réclamait 2500 milliards de francs CFA à la multinationale indienne (pour rupture unilatérale de contrat). Macky Sall qui lui a succédé à la tête du pays a abandonné le contentieux judiciaire et obtenu 75 milliards de francs CFA. Vous vous rendez compte, de 2500 à 75 milliards !!! Encore que seuls 70 milliards de francs CFA sont entrés dans un premier temps (car) c’est bien après qu’ils ont fait une loi de finance rectificative pour intégrer les 5 autres milliards. Où étaient passés ces 5 milliards si on sait que les 75 milliards avaient été payés en intégralités ?
Cela doit être éclairci. »
Dossier 3 : Centre international de conférence Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio
« (Les autorités) disent l’avoir construit avec 60 milliards de francs CFA. Il faut éclaircir ce dossier. »
Dossier 4 : Gaz et pétrole
« Dès 2012, son frère se retrouve dans une nouvelle société au capital social de 10 millions de francs CFA. On leur donne des blocs qui sont revendus.
Cela doit être éclairci. »
Il fait référence au business développé par Aliou Sall, frère cadet du président Macky Sall, avec l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis à partir des blocs pétroliers découverts au Sénégal.
Dossier 5 : La ville nouvelle de Diamniadio
« Il parait qu’un jeune est attributaire de l’assainissement (dans cette ville nouvelle de Diamniadio) à 150 milliards de francs CFA. Il aurait encaissé l’argent avant même d’avoir fait quelque chose…
Il faut qu’on en parle. »
Dossier 6 : AIBD
« Le coût de construction de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD), c’était à moins de 500 milliards de francs CFA. Avec les avenants, on est monté à plus de 700 milliards de francs CFA.
Or, à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir en mars 2012, l’aéroport était achevé à 80% et le président Wade devait l’inaugurer en décembre 2012.
Ils ont fait exprès de retarder son achèvement en enlevant Bin Laden Group pour placer les Turcs qui en sont les décideurs tout-puissants.
Cette affaire doit être éclaircie. »
(Ndlr : c’est le consortium turc Summa-Limak qui a fini l’aéroport ouvert en décembre 2017)
Dossier 7 : TER
« On nous a dit que le Train express régional (57 km) a coûté 728 milliards de francs CFA. Comment ce TER sénégalais (57 km) peut-il être plus cher que le TGV du Nigeria dont le 1er tronçon (187 km) a coûté 552 milliards de francs CFA ?
Les explications qui nous ont été données ont été si alambiquées qu’il y a nécessité d’éclaircir cette affaire. »
Dans sa posture d’opposant à Macky Sall, Pape Diop, doté d’une véritable expérience parlementaire à travers l’Assemblée nationale et le Sénat, aurait sans aucun doute appuyé les initiatives visant à instituer des commissions d’enquête parlementaire pour certains de ces dossiers qui lui tenaient à cœur il y a encore quelques mois.
Nouveau membre VIP du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Pape Diop pense désormais certainement à autre chose. Comme profiter de son nouveau statut de « sauveur de la république démocratique du Sénégal » offert par son mentor du palais de l’avenue Senghor, en attendant un fromage plus concret dans l’appareil de l’Assemblée nationale.
par Birane Diop
EN QUÊTE DE SENS
C’est la course sans fin au profit, et l’individualisme est à son paroxysme. 246 ans après, la théorie de Smith est toujours ancrée dans l’imaginaire collectif. Le capitalisme dicte sa loi partout
Ma vie est confinée entre lumière et obscurité mais aussi entre joie et tristesse. Poussières étoiles, je mène une guerre intérieure pour vaincre mes démons, et canaliser mes affects.
J’ai mille et une questions qui me taraudent l’esprit.
Qui suis-je ? Qu’est-ce qu’une vie accomplie ? Quelles sont les causes de ma transformation en homo economicus ? Pourquoi tant d’injustices sociales ? Les inégalités ne cessent de se creuser. Pourquoi l’argent gouverne le monde ? Il fait et défait les relations. Pourquoi tiennent-ils autant au mythe de la croissance infinie dans un monde fini ? Pourquoi malgré la crise climatique, le marché est encore le roi ? Pourtant, on sait tous que l’écologie n’est pas compatible avec l’économie de marché. La catastrophe est déjà là. Les experts du GIEC et d’autres chercheurs très sérieux disent qu’il nous reste peu de temps pour réagir. Mais au nom du progrès, de l’innovation technologique et de la mondialisation heureuse, les élites politiques et économiques ont décidé de faire fi de la vérité scientifique. Je crois qu’ils souhaitent à tout prix maintenir le statu quo. Leur inaction en est la preuve.
C’est la course sans fin au profit, et l’individualisme est à son paroxysme. 246 ans après, la théorie de Smith est toujours ancrée dans l’imaginaire collectif. Le capitalisme dicte sa loi partout. Ce système dévastateur a réussi à faire de nos vies des variables d’ajustement. L’injonction néolibérale est terrible. Peut-être un jour, j’aurais des réponses à mes interrogations existentielles. Mais en attendant, je continue ma quête du bonheur.
Ce bonheur que le philosophe de l’absurde, Camus définissait comme « l’accord vrai entre un homme et l’existence qu’il mène ». Je veux jouir de véritables enchantements dans le pays sans fin : Passer quelques nuits au Mali pour contempler les soleils de minuit du Djoliba. Panser mes blessures secrètes grâce à son message d’humanité. M’abreuver des bons conseils des aïeux. Me lover dans le creux des bras de Madame Aminata Dramane Traoré, femme debout au charisme lumineux et ouverte aux vents féconds du monde. Pays de culture et de tolérance. Mali, terre d’amour et de paix nonobstant l’irruption du terrorisme. M’ouvrir à l’autre sans contrepartie - ne jamais ériger des bastilles. Semer des graines de partage dans mes bassins de vie, revoir ma façon d’habiter le monde, discuter de politique au sens philosophique et sociologique, in fine, au sens gramscien et bourdieusien.
Dans cette cité des bonheurs simples, là où gît l’horizon des possibles, j’irais à la rencontre des tisseurs d’avenir. Les artistes. Ceux qui décrivent sans fard notre condition humaine.
Car à travers l’art, ils nous offrent avec un trop-plein de générosité, le tableau de nos joies éphémères, et de nos souffrances continues.
Les mots justes et pleins de courage de Gaël Faye, la musique mystique de Baba Maal, les notes sensibles de Wasis Diop, la kora de Toumani Diabaté, la plume affûtée et lucide d’Akhenaton, la voix gracieuse de Fatoumata Diawara, la poésie de Solaar, les clichés élégants de Omar Victor Diop, libèrent mon corps des chaînes de la mécanique économique.
Ces belles âmes, créatrices de liens et de sens soignent mes blessures invisibles, me consolent, m’électrisent, mieux elles m’invitent à aller au fond de ma condition humaine eu égard aux grandes questions qui se posent aux Hommes, surtout celle-ci : quel est le sens de la vie ?
De sensibilité de gauche, Birane Diop est intéressé par la politique, l’économie, l’écologie, la culture.
PAR Farid Bathily
L'AFRIQUE CENTRALE AVANCE À GRANDS PAS VERS L'INTÉGRATION RÉGIONALE
Les ministres de l’Intégration ont adopté à Yaoundé le principe d’une fusion des différentes communautés économiques régionales et cela dès l’année prochaine
L’Afrique centrale débarrassée de ces multiples Communautés économiques régionales (CER) en 2023 ? Les autorités veulent en tout cas y croire après la récente réunion du Comité de pilotage de la Rationalisation des Communautés Économiques Régionales en Afrique Centrale, COPIL/CER-AC.
Lors de sa dernière rencontre qui s’est tenue du 11 au 12 août 2022 dans la capitale camerounaise, cet organe technique a, en effet, validé le projet de rapprochement des espaces économiques régionaux d’ici la fin de l’année 2023.
Cette décision suppose notamment la disparition à terme de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), celle de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), ainsi que la Communauté économique des Pays des Grands Lacs (CEPGL) au profit d’une seule et unique organisation.
Fragmentation de communautés
Des propositions de dénomination existent déjà pour ce projet qui répond aux recommandations de l’Union africaine (UA) pour une meilleure intégration des différentes régions du continent, et qui attend l’avis favorable du chef de l’État camerounais Paul Biya, en charge de la rationalisation des CER-AC.
Sur les huit communautés régionales reconnues par l’UA, la zone d’Afrique centrale en compte à elle seule trois, dont la CEEAC avec 11 membres, la CEMAC composée de six membres et la CEPGL regroupant quatre membres. Une fragmentation qui mine les efforts d’intégration entre les pays au niveau institutionnel en particulier.
Alors que le brassage des peuples est bien une réalité malgré les stigmates de la balkanisation, il est parfois plus rapide et plus sûr d’importer à Brazzaville ou à Kinshasa des marchandises provenant de villes bien plus lointaines, que d’effectuer des échanges commerciaux entre ces deux capitales pourtant uniquement séparées par un fleuve.
Goulots d’étranglement
Le manque d’infrastructures transfrontalières de qualité, les procédures de visa, les exigences douanières et les autres contraintes administratives, sans oublier les nombreux conflits parfois sur fond de rivalités entre États, constituent autant de freins à la pleine exploitation du potentiel de cette région.
Selon les chiffres de l’UA sur l’intégration régionale, le commerce intrarégional est estimé à 5,4% seulement au sein de la CEEAC pourtant riche d’un PIB en 2019 de 204 milliards de dollars. En comparaison, la région ouest-africaine (CEDEAO) tourne autour de 13,8% de commerce intrarégional.
Les dirigeants africains espèrent l’élimination prochaine de tous ces goulots d’étranglement grâce à la rationalisation des CER. Cette initiative s’insère dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et le Traité d’Abuja, deux programmes visant « une intégration plus élargie et plus élaborée » du continent africain.
essai-conversations de Koulsy Lamko
TCHAD, OSEZ INVENTER L'AVENIR
EXCLUSIF SENEPLUS - Il faut remettre le pouvoir, tout le pouvoir au peuple. On ne peut trouver de sens du vivre ensemble que pour une rationalité collective. En dehors de ces aspects-là, tout est colonisation (4/4)
Au Tchad, suite à l’assassinat du président Idris Deby Itno au pouvoir de décembre 1990 à avril 2021, son fils Mahamat Deby prend la tête d’un groupe d’officiers : le Conseil Militaire de Transition (CMT), et installe un régime dit de transition dont l’un des objectifs principaux est de préparer le retour à l’ordre constitutionnel au terme d’une période de 18 mois. Un ministère de la Réconciliation nationale a été chargé d’organiser un dialogue national Inclusif DNI, dans le but de faciliter la mise en place d’institutions et mécanismes devant permettre d’organiser des élections libres et transparentes. Ce dialogue, précédé d’un pré-dialogue de groupes de politico-militaires, qui s’est tenu pendant plus de 4 mois à Doha sous l’égide du Qatar et de la France a abouti à un accord entre une partie des belligérants habituels et le gouvernement issu du coup d’état d’avril 2021. Cet accord salué par l’Organisation des Nations Unies, exclut cependant le principal mouvement armé. Ledit dialogue national inclusif (DNI) se tiendra à Ndjaména à partir du 20 Aout 2022.
En marge et pour participer à la réflexion qui se mène dans son pays natal, l’écrivain tchadien Koulsy Lamko publie aux Editions Casa Hankili África, Mexico, un livre d’entretiens dont le titre sibyllin et iconoclaste présage du tumulte ambiant autour d’une rencontre dont il pense qu’elle est pour une énième fois, une ré-initiation avortée tant les dés sont pipés quant à l’issue probable : le risque de la légitimation d’une succession dynastique qui mettra le pays à feu et à sang.
SenePlus lui ouvre ses colonnes permettant que soient partagés de larges extraits de « Mon pays de merde » que j’adore avant la parution de l’essai-conversations à la rentrée d’octobre 2022.
Dans cette partie, Koulsy Lamko appelle à un renversement total du système hérité de la colonisation au profit d'un nouveau modèle de vivre-ensemble.
ARS : Je suis du même avis que vous. Ce que n’ont pas compris certains vieux marxistes de ma famille politique, c’est que le capitalisme n’est pas une « taie d’eau morte » comme dirait Césaire, une donne immobile, uni-pièce, et aisée à circonscrire. Il est évolutif dans ses stratégies et méthodes de spoliation, varie, s’adapte, se construit, feint de reculer, mais toujours se fortifie avec comme mire inaliénable : le profit. Il ne se loge pas dans un domaine fixe, cloîtré ; il éclate les cadres, grossit ses dividendes, ne s’embarrasse pas de la dynamique de la scissiparité, s’adapte aux milieux hostiles, adopte tous les discours mielleux du serpent Kaa, du Livre de la jungle de Rudyard Kipling. Et pour redorer son blason lorsqu’il le sent terne, mue et mute. C’est un virus mutant en perpétuelle transformation avec ses séquences multiples qui s’ajoutent les unes aux autres : un véritable système mouvant.
KL : Seuls les peuples organisés se décolonisent ! Il suffit d’ailleurs de tendre l’oreille vers d’autres cieux pour se rendre compte que dans ces mêmes pays de monarchie constitutionnelle ou de démocratie libérale déguisée en République, l’oligarchie mondialiste mise à part, plus personne, ne veut plus de ces formes de gestion déconcentrée où des représentants continuent d’être un alibi pour le maintien d’un soi-disant équilibre entre l’exécutif, le judiciaire et le législatif. Plus personne n’est dupe. Partout, comme rempart au capitalisme mondialiste qui mue, mute et fabrique ses variants ; partout comme rempart au crime organisé, à l’extractionisme, à la détérioration environnementale accélérée, à l’exploitation abusive des biens communs de la nature, se lève une immense clameur qui dit que les peuples veulent prendre leur propre destin en main. Contre l’offensive néolibérale qui les émascule, les populations essaient de créer une dynamique qui s’appuie sur des structures territoriales à dimension humaine où la gestion facilite une démocratie directe, et l’exercice d’un droit de regard et de décision sur l’application des ressources.
ARS : L’on vous dira que ce sera hasardeux et qu’il faut juste appliquer une gestion saine des finances de l’État, une répartition équitable des ressources… un peu d’éthique pour réguler le social…
KL : Le mythe de la bonne gouvernance, belle invention néolibérale ! On n’en sait quelque chose quant au déploiement des programmes d’ajustements structurels et la perfidie de la suprématie du marché et de l’économie sur le politique.
Au fait, qu’est-ce qui oblige à garder en l’état un territoire immense mal structuré et qui pendant des décennies ne nous pose que des problèmes de gestion ? En quoi d’avoir gardé l’État unitaire colonial nous a-t-il rendu plus forts, plus heureux ? En quoi, pour avoir accordé à ce type d’État, le bénéfice du doute depuis tant d’années en a-t-il fait un État meilleur dans lequel les communautés vivent en paix, ont suffisamment de quoi manger, se vêtir, s’instruire, vivre libre et solidaire ? En quoi l’État unitaire a-t-il promu l’éducation, la santé, l’agriculture, l’élevage, l’autonomie alimentaire ? L’industrie ? En quoi a-t-il empêché les guerres, les violences politique et symbolique, les assassinats, les clivages ethniques et religieux, la prédation, la corruption, le clientélisme ? Qu’en attendons-nous encore si pendant 60 ans, le berger, la bergère continue d’aller chercher le puits au bétail à des dizaines de kilomètres ? Qu’en attendons-nous encore si le paysan après 60 années de Tchad, continue de cultiver sa parcelle à la houe du début de la révolution néolithique, sous 40 degrés sous le soleil ? Qu’en attendons-nous si les étudiants sont obligés d’aller partout au Cameroun, au Soudan, au Burkina Faso, au Bénin, juste pour un premier cycle universitaire ? Qu’en attendons-nous si des millions de jeunes n’ont pas d’emploi, continuent de vivre chez papa maman et n’ont aucune perspective à l’horizon ? Qu’en attendons-nous avec des prédateurs insolents qui capturent tout ce qui leur passe sous le nez, déposent des sommes faramineuses dans les banques et les paradis fiscaux à l’étranger n’investissent même pas dans le pays, le fruit de leurs rapines, cependant qu’ils le destinent à l’acquisition des propriétés mirifiques au Canada, en France, en Egypte, à Dubaï, au Maroc, etc. ?
ARS : Le développement est un processus lent et du temps long.
KL : On a tout essayé : l’État multipartiste jacobin, l’État jacobin à parti unique, l’État jacobin sous la révolution culturelle, l’État d’exception militaire, l’État consensus sous gouvernement d’union nationale, l’État totalitaire policier, l’objet état non identifiable (OENI), l’hybride monarchique militaire républicain, l’état monarchique déconcentré…
ARS: Vous risquez d’être accusé de vouloir diviser le pays…
KL : Diviser le pays ! C’est le cri de ralliement de ceux que Sankara appellerait les hiboux aux yeux gluants ou les crocodiles borgnes ! Ceux qui ont divisé le Tchad, en sapant toutes les dynamiques de construction d’une nation, sont ceux qui ont tué, semé la zizanie depuis des décennies pour voler les biens du peuple… Le Tchad n’a jamais été un pays uni. Il n’a jamais constitué une entité soudée, pour que l’on évoque même sa division ! En quoi donc le diviserais-je, moi, si jamais il n’avait été uni que de façade ?
ARS : Vous manquez d’objectivité, non. Une nation est en route malgré tout, fragile sans doute, et donc à consolider dans sa gestation. C’est ce que je me borne à vous répéter…
KL : Ceux qui croient que les autres doivent subir de manière éternelle leurs bottes de conquérants ou de gouverneurs de colonies, sont ceux-là qui ont divisé le Tchad, si tant est qu’il ait été un jour uni ! Des individus, de groupes d’individus ont essaimé les régions, du nord au sud, de l’est à l’ouest, semé la désolation dans les familles, pillé, brulé les cases. Qu’attendent-ils sinon que des cœurs meurtris nourrissent la colère et parfois le désir de vengeance ! Croit-on qu’il suffira d’organiser, à la sauvette, quelques jours de prise de paroles hypocrites pour apaiser les cœurs ? Croit-on qu’il soit normal que des gens qui ont assassiné en masse, commis de crimes économiques, doivent demeurer impunis ? Croit-on qu’il suffira de distribuer des liasses de billets à gauche, à droite, pour acheter des consciences et espérer de ce commerce vilain et honteux l’amnésie sur les crimes économiques ? Au Tchad, ce sont de millions de cœurs qui sont divisés ; et profondément déchirés alors. Soyons réalistes ! Même la capitale du pays dans laquelle l’on devrait espérer tous se fondre n’est qu’un agrégat géographique de tribus et clans, de familles regroupées sous diverses bannières. Je n’ai aucun jugement de valeur à ce propos de la grégarité. Cependant, je constate simplement qu’il y a un mal profond du vivre ensemble pour le moment et que les fractures communautaires sont légion, et fidélisées topographiquement par une archipélisation outrancière avec ces saraland, zaghawaland, boulalaland, kabalailand…
ARS : Et si la solution se trouvait dans la décentralisation ?
KL : Vous voulez dire la gouvernalisation ? Ici c’est encore la question clef qu’il faut agiter : de quelle légitimité se prévaut l’individu parachuté depuis la capitale et qui impose ses désidératas ou ceux de son administration sans prendre en compte le consentement des populations qu’il oblige ou contraint ?
ARS : C’est vrai que ceux qui racontent les débuts du Frolinat de Goukouny Weddeye révèlent l’incongruité de la situation entre administrés-administrateurs avec une asymétrie dans la perception et l’interprétation du pouvoir d’état au regard des codes culturels. Dans ce cas-là, tout manquement de l’administrateur de Tombalbaye parachuté devient sévices, violation de droits culturels et humains. On se retrouve en plein capharnaüm des frontières du sens, un type de distopie identitaire collectif partagé.
KL : La décentralisation serait encore tout simplement la forme et la structure rêvée pour une meilleure répartition de prébendes entre caciques mandatés par le pouvoir central, contre la volonté des peuples. Cela dit, vous ne faites pas remarquer que ceux qui ont organisé la Conférence Nationale Souveraine en 1993 qui déjà prônait la décentralisation, sont les mêmes qui en ont sabordé les résultats immédiatement… Et au lieu de l’alternance démocratique, ils ont fait des pieds et des mains pour conserver le pouvoir pendant presque 30 années plus tard. Que décentralise-t-on dans un cadre où la volonté de vivre ensemble est mise à rude épreuve par une classe politique qui zigzague constamment et des guérilleros qui vivent de la rente politique ou des généraux propriétaires de ranchs ambulants qui n’investissent en rien dans leurs bétails transhumants et les font paitre au détriment de l’écosystème environnemental. Il faut remettre le pouvoir, tout le pouvoir au peuple !
Le fédéralisme n’est en rien lié à l’ethnicisme communautariste ou à l’appartenance tribale ou géographique primordiale du citoyen. Il s’agit de territoires et de gestion du terroir par les populations qui l’habitent hic et nunc. Dans le cadre d’États fédérés, chaque citoyen aura le choix de s’installer où cela lui conviendra. Celui qui voudra ne pas vivre dans un État en perpétuel guerre et violence s’installera là où les lois le permettront. Que ceux qui sont allergiques à la bière de mil et ne peuvent pas en sentir le drèche, choisissent de vivre là où on ne la fabrique pas. Celui qui souhaitera vivre dans un État où le port des armes est permis, le vol culturellement magnifié par la bravoure qui s’en dégage, pourra aussi s’organiser pour piller comme bon lui semble, si les lois le lui permettent. Que ceux qui veulent vivre sous la loi des États fédérés qui promulgueront la diya islamique aient la liberté de le faire. C’est aussi cela la liberté du citoyen de vivre la plénitude de sa volonté. Le territoire est suffisamment vaste pour que l’on y créé toute la diversité nécessaire aux désidératas des uns et des autres.
ARS : Et pourtant un état unitaire… garantirait mieux la sécurité de tous.
KL : Ah, ce mythe de l’État unitaire ! On sait désormais comment il fonctionne. Pourquoi refuse-t-on l’alternance à la tête de l’État et le renouvellement de la classe politique, sinon parce que le pouvoir d’État représente et est ainsi conçu, comme une rente, le lieu trouble à partir duquel l’on va s’enrichir. Pas comme l’espace du service à la collectivité. Les gouvernements et les peuples ont fini par se faire à l’idée et s’y complaisent. Former un gouvernement devient un jeu d’équilibriste : assouvir l’aspiration des différentes communautés tribales à se voir représenter par l’un des leurs au gouvernement, cela pour se sentir participant à l’ensemble. On essaie de rechercher l’équilibre par la logique ethnique ou régionale : la géo-logique ethnologique d’équilibristes ! Et c’est le clan au pouvoir qui détermine et orchestre le mouvement d’ensemble en actionnant le jeu de quille par des décrets. Il en a le contrôle de l’équilibre pourvu qu’il en soit le noyau et fasse tourner tout autour de lui, les électrons. Ceux-ci sont des représentants d’ethnies ou sont, fils ou fille de… papas ayant eu un mot à dire un jour sur la politique tchadienne depuis l’indépendance. La dynamique dynastique est à plusieurs volets, la mille-feuille spéciale ! Et le peuple d’avance soumis à la loi grégaire d’appartenance, en écoutant la liste des membres du gouvernement, veut entendre un nom bien de chez lui, de son terroir d’appartenance ethnique… Peu importe que l’heureux élu n’ait pas les compétences requises pour l’emploi. Peu importe qu’il n’ait suivi aucune formation qui lui permettrait de comprendre les dossiers qui lui seront présentés et dont il devra apprécier la qualité. Peu importe qu’il n’ait présenté de projet préalable ou qu’il ait fait ses preuves dans d’autres institutions qui auraient prouvé ses capacités de gestion d’équipe et ressources humaines… L’heureux élu répond à l’appel y vient pour juste avoir le temps de voler de l’argent public par un détournement de projets ou de biens public impliquant les biens meubles et matériels administratifs du parc mobile. Il n’aura échappé à personne que nous reproduisons l’état colonial non seulement dans ses structures, mais aussi dans la manière dont nous les désignons et les envisageons.
ARS : C’est votre mythe obsédant on dirait, vous y faites une fixation.
KL : Pédagogie oblige. Le colonisateur appelait gouverneurs, ceux qu’il envoyait et dont la mission était de : « gouverner au nom de l'État alors situé en métropole, la distance leur accordant alors de très larges prérogatives. » Dans le cadre de l’État jacobin, même décentralisé, parce que le gouverneur est nommé par le chef de l’État, il ne rend compte qu’à sa hiérarchie, à l’autorité supérieure centrale qui l’a désigné. Et non au peuple puisqu’il n’a pas été élu par lui. Et parce que les distances sont grandes, la tentation est là toute prête de reproduire le schéma colonial du rentier à larges prérogatives sur ses prébendes. C’est classique. Rien de nouveau. C’est de métamorphose dont nous avons besoin, une rupture totale de système. C’est que la puissance de renouvellement générée par tant de douleurs de sang et d’impasse, de faim du corps de la soif de justice et de volonté de vivre, éclose la chrysalide pour que le papillon naisse et se déploie en adulte. Hélas, je crains fort que nous n’en soyons qu’à l’étape larvaire nymphale.
Ce n’est pas d’équilibre dont on a besoin, mais de bascule complète, c’est que soit dégagée toute cette classe politique incompétente d’obligés et d’affidés, de fils et fille à papa; classe vieillie, sans initiative créative, sans passion pour le service au peuple, classe oligarchie clanique et comparses et affidés, instrumentalisée par des parrains étrangers et qui s’arroge tous les pouvoirs et qui pour conserver ses prérogatives et prébendes travaille à maintenir les relations d’interdépendance et de complicité afin de faciliter la déprédation au profit des puissances de l’armement néocoloniales. Il faudra une réflexion profonde pour non seulement changer le leadership qui a failli pendant autant de décennies ; mais aussi inventer de nouvelles institutions jamais encore expérimentées pour aller de l’avant. L’exigence d’une certaine rationalité dans la perception de la vie présente et la vision que l’on se prescrit…
ARS : La vie des hommes, de tout temps est faite de rapports de force. L’être humain a toujours été un conquérant et lorsqu’il a pu marcher pour coloniser des terres où trouver sa pitance, il s’est organisé pour s’y lancer. Bien d’anti-fédéralistes brandissent la menace de la guerre civile.
KL : Normal c’est le seul jeu dont certaines personnes réfractaires au changement et sans arguments se sont familiarisées aux règles : le discours de la violence et de l’inertie. Faire peur aux millions de citoyens, faire trembler ses millions de compatriotes, parce que l’on a constitué une armée clanique, jeté par la fenêtre tous les deniers publics pour l’achat d’armes aux marchands de canons dont on s’est fixé la fidélité et la protection ! Sankara disait à juste titre dans son Discours d’Addis Abeba en 1987 qu’un pays africain qui achète des armes ne peut l’avoir fait que contre un autre pays africain. Quel pays africain ici peut s’armer pour se protéger de la bombe nucléaire ? Aucun pays n’est capable de le faire. Des plus équipés aux moins équipés. Chaque fois qu’un pays africain achète une arme c’est contre un Africain. Ce n’est pas contre un Européen. Ce n’est pas contre un pays asiatique. »
L’on ne construit rien de pérenne en maniant le fouet et la frayeur, en brandissant à tout vent, le spectre d’une guerre civile. C’est cela la colonisation du peuple par l’État militariste. Et l’on voudrait promouvoir le vivre ensemble, quand paradoxalement l’on écrase la population à laquelle l’on impose toutes sortes de violences, en créant constamment des alibis et des boucs émissaires. Comment veut-on que le désir du partage des espaces de vie ne prenne-t-il pas du plomb dans l’aile ? Lorsqu’un peuple connait autant de douleurs au point que les services publics doivent organiser des séances de thé pour que les gens manifestent le vivre ensemble c’est que la douleur est abyssale. La question centrale ici c’est qu’est-ce que ceux qui veulent gérer un pays de seize millions d’âmes proposent comme projet politique, programme, vision et vers quel horizon, ceux qui se proposent de gouverner veulent entrainer le peuple ? Et aussi si cet horizon envisagé est largement souhaité par le peuple… On ne peut trouver de sens du vivre ensemble que pour une rationalité collective. En dehors de ces aspects-là, tout est colonisation !
ARS : Le fédéralisme est-il donc la solution pour le Tchad ?
KL : Vous, dites-moi comment sortir autrement du cercle vicieux dans lequel s’est enfermé le pays depuis six décennies ! Parce que pour moi, nous devons inventer nos modèles, un autre modèle que celui de l’État unitaire jacobin décentralisé ou déconcentré dans tous les cas, un modèle désirable et viable, et, décider de le nommer comme nous le souhaitons, pourvu que nous nous accordions sur les attributions des rôles et les mécanismes de gestion.
Nous avons vécu pendant 60 années, un déficit chronique d’imagination pragmatique. Du personnel politique, personne ne veut courir le risque d’oser inventer l’avenir, et qui nous arracherait à cette espèce de fatalisme béat, cette ankylose mortifère et destructrice à la longue.
ARS ; La tétanie, nous l’avons tous en partage et ce sera l’une des réussites du système ultra libéral. Raidir les peuples comme la pluie et le froid raidissent les fourmis rouges sur le tronc de l’arbre. Tant que l’on n’aura pas compris que l’état-nation de type jacobin, héritier du système westphalien, comme dirait Bertrand Badie, a été imposé pour freiner la seconde phase du panafricaniste qui aura été après la libération, celle de la construction de l’état panafricain fédéral, multinational, multiculturel l’on continuera à naviguer dans le gris douteux.
KL : Les jeunes qui font l’apprentissage violent de la précarité et qui se prennent en ce moment à la figure la barre de la désespérance comme un boomerang lancé par leurs parents, sont ceux qui doivent décider de ce qu’ils veulent pour leur avenir. A un moment donné, il faut être conséquent c’est-à-dire choisir entre la continuité désastreuse puisqu’éprouvée ou le changement ou l’inconnu peut permettre d’inventer une sortie vertueuse. Un rapport de force s’installe depuis l’arrivée des Transformateurs sur la scène politique nationale. Des partis fédéralistes, des plates-formes, s’affirment. Cela signifie l’irruption d’une certaine frange de la population longtemps écartée de la gestion de son destin et qui revendique son droit à l’existence, à l’exercice de la parole et à la prise a en main de son destin. Ce qui irrite un certain nombre de vieux routiniers de la politique politicienne qui, au lieu de faire leur mea culpa pour incompétence notoire et de disparaitre à jamais dans les oubliettes de l’histoire, au contraire, ruent dans les brancards et se hâtent de fixer l’âge minimum pour l’accès à la fonction suprême. Ces attardés de l’histoire, crient aux gémonies et au jeunisme immature dès qu’ils se sentent trembler sur leurs strapontins déséquilibrés. Il faut arrêter avec ces considérations de vieux papa donneur de leçon, cette espèce d’adultocratie endémique digne d’un autre âge. Dans un monde sans repères, il n’y a plus que les jeunes qui ont les outils de l’imagination parce qu’ils peuvent et savent les créer, les adapter aux circonstances. Eux, connaissent la mobilité du monde, des représentations et les réponses à apporter. Et puis, il s’agit de leur avenir, le leur, non plus celui d’une classe politique scotchée á la case « échec flagrant » qui a démontré ses limites en se vautrant dans le compromis et la compromission. Il faut sortir le pays de l’ornière politique dans laquelle le chaos protéiforme l’a plongé.
ARS : Vous voilà revenu à vos envolées lyriques et autres mouvements anaphoriques. Vous semblez plutôt dire un credo, traduire un acte de foi.
KL : Que veut la jeunesse ? Un emploi qui puisse permettre d’envisager un projet de vie, un toit décent où abriter sa famille, des produits alimentaires accessibles, de l’eau saine, de l’énergie pour créer la technologie, un service de santé acceptable, des espaces d’expression de ses talents culturels et scientifiques, un horizon clair dans lequel elle pourra se projeter sous le regard bienveillant des anciens. Et quand je parle des jeunes, je ne me limite pas à ceux à qui l’on a octroyé à la sauvette un diplôme ou qui se sont livrés à la débrouille sur les pistes de Maroua au Cameroun ou Porto-Novo au Bénin et à qui on promet quelques centaines d’emplois en s’égosillant, comme si c’était une prouesse que de faire miroiter des emplois à quelques cinq mille jeunes formés hâtivement à HEC ! Au Tchad, il a plus de cinq millions de jeunes en quête d’espaces viables pour travailler, offrir leurs bras et leur intelligence dans des chantiers de l’immobilier, la construction des routes, dans les usines de transformation agroalimentaires, les plantations agricoles modernes, les fermes pastorales modernes, les bassins de piscicultures, les ateliers de forge et de menuiserie modernes, des marchés de l’artisanat, des orchestres, les théâtres et autres ensembles artistiques, les entreprises de transport, les agences de tourismes, les laboratoires de recherche, des classes d’école, collèges, lycées et universités, les maternités, les hôpitaux, les agences de communication et de tourisme, les banques de développement… et aussi dans la création des emplois. Et ceux-là pour la plupart n’ont pas eu le « loisir » d’aller à l’école de Jules Ferry et qui mériteraient, parce qu’ils en ont eux aussi le droit, qu’on les forme à l’usage des technologies modernes, qu’on les forme à la serrurerie, a la plomberie, à la menuiserie, l’agroforesterie, l’artisanerie, la tannerie et ses produits dérivés. Ce que l’on demande à un gouvernement c’est de créer les conditions de l’apprentissage et d’une certaine modernité. Et non de rabrouer les jeunes ou de les gazer. L’absurde c’est quand un ministre septuagénaire, vante sa propre longévité aux affaires, en tire les raisons d’un know-how et d’une sagesse qui l’autorise à sévir, intimide un jeune responsable de mouvement politique, se plaint de ce que le jeune « immature » soit pressé d’arriver… Il en oublie que pendant que lui a stationné pendant trente ans devant la ruche d’où coule le miel dont il se délecte et se goinfre, le temps, lui, ne s’est pas arrêté. Et que pour qu’il y ait de l’emploi pour les jeunes, qui ont l’âge de ses fils, il faudra bien qu’il parte à la retraite, qu’il dégage !
Bien sûr qu’un modèle d’agglomération de populations pour constituer un territoire économiquement et culturellement viable, appelez-le fédéralisme par défaut, comme l’on veut qui permette qu’enfin ce que Merlot Ponty désigne par « le pouvoir des sans pouvoir » s’actualise, prenne corps, reviennent au peuple que le pouvoir populaire dé privatise les prérogatives de l’élite, renverse la hiérarchie des valeurs de production, dés-administre les galimatias de l’homo administratus imbibé d’eurocentrisme et qu’ils se dissolvent dans une gestion horizontale des rapports inter groupes sociaux, que les mots mobilisant soient plutôt l’explicitation des solutions pratiques à des problèmes de vie, de survie, d’organisation ; solutions proposées, débattues, discutées, amendées par des assemblées populaires de villes, de quartiers ou villages et dont l’application ne découlent que de l’acceptation populaire. Tout cela dans une relation d’échanges productifs, de dialogue permanent, de critique et d’autocritique. Les luttes pour l’horizon du bonheur, se mèneraient alors toutes ensemble et de front. Elles s’incarneraient dans les domaines suivants: le refus du colonialisme despotique et autocratique local, le refus du néocolonialisme d’une élite soi-disant, le refus du féodalisme rampant; la promotion de la lutte contre la corruption, la moralisation de la chose publique; la mise en place d’une économie centrée sur l’autosuffisance, le contrôle et la gestion des moyens de production par les forces productives elles-mêmes ; la jouissance qu’apporterait la valorisation du monde rural; de l’élevage et de la paysannerie, la réhabilitation de la femme dans son rôle moteur de l’émancipation collective; la démocratisation de l’éducation scolaire et de la santé; la mobilisation de l’armée et des forces de sécurité pour le service au peuple, l’exécution des tâches de production d’intérêt commun et de sécurité ; la lutte contre la désertification ; la promotion des méthodes de préservation de l’environnement, l’interrogation critique des valeurs de culture ; la réhabilitation des valeurs de références …
ARS : C’est ce que vous essayez de désigner par le modèle d’agglomération de communautés ! Avec Le communautarisme, vous roulez à tombeau droit à la catastrophe, dans l’abîme !
KL : Non ! Je ne prêche pas la ghettoïsation. Je ne parle pas de repli identitaire, c’est le mot à la mode, je sais. Je promeus un modèle qui facilitera la viabilité d’un territoire physique et de pensée et du corps de la parole partagée solidairement et permettra d’appliquer le principe de la communalité et que l’on pourra appeler le communalisme si l’on veut.
ARS : Il faudra bien que vous l’explicitiez, à un moment ou l’autre de notre conversation. Je n’en vois pas encore distinctement les contours.
KL : Bien sûr qu’un modèle d’agglomération de populations, appelons-le comme l’on veut… fédéralisme par défaut, permettra de retrouver la jouissance du vivre ensemble, de l’interdépendance et du sens collectif de la solidarité… Nous avons besoin d’un réarmement éthique. L’individualisme, le narcissisme, le nihilisme ont pénétré toutes nos fibres et détruisent toutes nos valeurs. Nous pourrions retrouver pour ce faire, ce que d’aucuns appellent l’Ubuntu, une didactique de la pratique communautaire de l’interrelation et de l’interdépendance, cette sagesse, cette philosophie de la vie qui considère que le soi est moi parce que les autres le sont. Je n’existe que parce que le reste du monde me sculpte ; « mon corps est fait du bruit des autres ». L’individu n’est rien sans communauté et vice versa ; ce qui impose par conséquent à tout individu des devoirs et des responsabilités devant la communauté… et le rend mécaniquement éligible dans tout processus de jouissance d’entraide, de solidarité et de justice au sein de sa communauté. J’existe parce que j’ai des droits et des devoirs. Je ne suis pas du même avis que toi. Mais comprenons-nous les uns les autres pour que nos opinions coexistent et nous obligent à créer, à inventer ce qui surgirait en dépassant nos contradictions.
ARS : Je vous suis. C’est cette même philosophie qui impose la vision holistique du monde, considère la globosphère avec toutes ses composantes et attribue à chacune une importance remarquable dans la constitution de l’ensemble et qui nous raconterait à nouveau notre dépendance par rapport à la terre, à l’eau, au feu et à l’air, ces éléments primordiaux et notre respect pour les règnes animal, végétal, minéral, qui font partie d’un tout harmonieux et conditionnent l’équilibre primordial.
KL : Bien sûr qu’un modèle d’agglomération de populations appelons-le comme l’on veut… fédéralisme par défaut, garantirait le refus de bradage des terres pour des champs de roses ou de blé saoudien, le refus d’exploitation éhontée de minerais si elles devaient se mener au détriment du bonheur du peuple… Seuls les peuples conscients de l’importance de leur patrimoine commun peuvent le défendre ensemble. Et pour cela, il faut apprendre ensemble à identifier les vrais ennemis.
ARS : J’en veux pour preuve ce que dit Jean Louis Borloo, ancien Ministre français de l’Economie et des finances : « Et tout le monde s’en rend compte! D’abord les liens avec l’Afrique, même inconscients, restent forts. Ensuite, on ne peut plus éviter le sujet. Pas besoin d’avoir fait des années d’études pour comprendre que, si l’Afrique ne se développe pas, les mouvements migratoires vont évidemment se poursuivre et s’intensifier. Ce n’est pas des centaines de milliers, mais des dizaines de millions de personnes qui voudront aller vers la lumière. Et si l’Afrique se développe, le marché au bout de la rue, avec ses 2 milliards de personnes, pourrait bien remplir les carnets de commandes de nos entreprises. Les grands dirigeants économiques français, ceux dont le métier consiste à définir des visions stratégiques, ont identifié un nid de croissance en Afrique. L’avenir de la France se joue en l’Afrique.»
Après moult hésitations, le voilà qui tapota mollement l’épaule de sa femme pour la réveiller. Son sommeil était si profond qu’il dut répéter le geste maintes fois avant d’y parvenir
Étendu sur le dos, les bras croisés sur l'abdomen, Ngor fixait pensivement son regard sur le plafond malgré l’obscurité qui régnait dans sa chambre. Contrairement à sa jeune femme qui dormait à poings fermés, depuis qu’elle s’était couchée deux heures et demie plus tôt, il avait du mal à tomber dans les bras de Morphée. Il lui était d’autant plus difficile de fermer l’œil que sa voix intérieure, qu’il était incapable faire taire, lui faisait d’innombrables objections et remarques, qui heurtaient sa conscience de plein fouet. Elle devenait même de plus en plus persistante et loquace à mesure que le temps passait. Ce qui créait dans sa tête des acouphènes, qui le tenaient éveillé. En effet, depuis une semaine, Ngor devait prendre une décision, qui pourrait à tout jamais marquer son existence. Aussi en repoussait-il toujours l’échéance tant ses idées étaient devenues confuses à cause des divers avis contradictoires qu’il avait recueillis de quelques personnes de confiance auprès desquelles il était parti demander conseil. Il était maintenant dos au mur, puisque le lendemain matin était le dernier délai qu’il avait donné à un éminent membre du gouvernement, mandaté discrètement par le président de la République, pour répondre à sa demande de rejoindre le parti au pouvoir. Ce ministre lui avait fait plusieurs propositions alléchantes avec de nombreuses opportunités à la clé.
Blanchi sous le harnais, Ngor était un meneur d’hommes hors pair, un rhéteur aguerri et un militant fidèle. Dès lors, il faisait l’objet de convoitises de plusieurs formations politiques dans le pays. Nonobstant sa longue et riche carrière politique et sa vaste culture générale, son niveau d’étude moyen avait été son talon d’Achille. Il avait constitué un plafond de verre l’ayant empêché d’atteindre les cimes des plus hautes nominations dans le pays pendant que le parti au sein duquel il militait depuis plus de 30 ans y tenait les rênes du pouvoir. Tout au plus était-il élu député. Poste qu’il occupa pendant 10 ans, le temps que durèrent ses deux mandats successifs. Depuis lors, il éprouvait de temps à autre quelques difficultés financières pour couvrir ses nombreuses dépenses quotidiennes, envoyer de l’argent à ses enfants qui faisaient leurs études à l’étranger et répondre aux fréquentes sollicitations de quelques-uns de ses amis et camarades de parti qui lui faisaient souvent part de leurs problèmes pécuniaires.
Conscients de cette situation, comme des chasseurs à l’affût, certains membres très importants du gouvernement avaient amorcé une grande offensive visant à le rallier à leur parti par tous les moyens. Mais à 67 ans, Ngor pensait de plus en plus à quitter la vie politique pour se consacrer exclusivement à ses activités champêtres d’où il tirait ses principaux revenus.
Après moult hésitations, le voilà qui tapota mollement l’épaule de sa femme pour la réveiller. Son sommeil était si profond qu’il dut répéter le geste maintes fois avant d’y parvenir. À peine s’était-elle réveillée qu’il se retourna légèrement pour allumer la lampe de chevet. Ndoumbé se mit sur son séant après avoir défait son épaisse couverture. Il faisait froid pendant cette nuit de décembre, et le quartier était calme. Excepté le bruit des feuilles de l’arbre se trouvant au milieu de la cour de la maison, qu’un vent intermittent faisait bouger de temps à autre et le miaulement de quelques chats errants, on n’entendait aucun bruit provenant de l’extérieur.
Ndoumbé prit son oreiller et l’accola au mur contre lequel elle s’adossa plus ou moins confortablement. Ce fut ce moment-là que choisit Ngor pour s’attaquer de but en blanc à la raison pour laquelle il l’avait réveillée. Il se racla la gorge puis entama la conversation :
—Après mûre réflexion, j’ai décidé de décliner l’offre du ministre. La difficulté que j’ai éprouvée ces derniers temps ne serait-ce que pour avoir quelques heures de sommeil paisible m’a prouvé encore plus que : « L'oreiller le plus confortable est une conscience tranquille1. » La mienne a été très troublée ces derniers temps.
—Ne me dis pas que tu vas laisser cette occasion de nous mettre à l’abri du besoin le restant de nos vies te filer entre les doigts, lui répondit sa femme en tournant son regard vers lui, les yeux un peu écarquillés.
—Ma décision est prise, et je la crois irréversible. En repensant depuis quelques jours aux énormes déclarations que j’ai pu faire au fil de ma longue carrière politique; aux positions que j’ai défendues lors de certains débats houleux à l’Assemblée nationale; aux leçons de morale que je n’ai eu de cesse de donner à mes enfants pour mieux les encourager et les aider à se mettre sur le droit chemin ; à l’amour qu’ils me portent et au modèle que j’ai toujours essayé de constituer pour eux ; à la déception que je risquerais de leur causer ; à l’incommensurable estime dont je jouis dans le quartier, aussi bien auprès de mes camarades de parti que de mes adversaires politiques, je me suis dit le jeu n’en vaudra pas la chandelle. Non, Ngor ne transhumera pas : il y a bien des choses que toutes les richesses du monde ne peuvent et ne doivent pas acheter.
Il y eut un moment de silence. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant qu’il ne reprît la parole :
« De plus, je m’en voudrais à mort d’avoir attendu le crépuscule de ma vie pour faire tout le contraire de ce que j’ai toujours dit et/ou recommandé à mes enfants et à mes amis. Non, je ne serais incapable de faire face à la honte que mon ralliement au parti au pouvoir susciterait en moi.»
À ces mots, Ndoumbé répondit par une moue pour marquer sa désapprobation du choix de son mari. Elle était d’autant plus déçue que, deux jours auparavant, elle lui avait fait part de son point de vue sur le sujet, lequel était tout le contraire de ce qu’il était en train de lui raconter. Mais Ngor lui avait juste dit qu’il y réfléchirait.
— Tu viens de faire tomber à l’eau tous les projets que j’avais en tête. De quoi as-tu réellement peur, dis-moi? Je sais que les raisons que tu avances sont valables, mais il faut être réaliste : nous sommes au Sénégal. Dans ce pays, on fait souvent de la politique pour ses intérêts, les idées viennent après. À supposer qu’elles viennent. Fais le bilan de tes décennies d’engagement politique, tu n’y as presque rien gagné à part le salaire et les avantages que tu avais quand tu étais député. Maintenant, c’est toi-même qui contribues de temps à autre au financement de votre pauvre parti pour le maintenir en vie.
—Mon objectif a été toujours de servir la communauté plutôt que me m’enrichir indûment sur son dos. C’est très dangereux de faire de la politique juste pour s’enrichir - même si on peut y gagner quelque chose. N’oublie pas que je suis agriculteur, et que mon rêve a été toujours de voir triompher dans le pays les idées pour lesquelles nous nous battons depuis plusieurs années. De plus, si chacun fait de la politique pour ses intérêts, qui la fera pour celui peuple? Il faut que les mentalités changent dans ce pays si on veut aller de l’avant. On m’a souvent taxé d’idéaliste, mais c’est cela ma position.
—Détrompe-toi. Nous sommes au Sénégal. Je ne t’apprends rien. Tu as peut-être peur d’accepter la proposition du ministre à cause du qu’en-dira-t-on. Mais regarde le cas tous ces anciens opposants qui ont rejoint le parti au pouvoir. La nouvelle de leur ralliement a fait la une de certains journaux, alimenté les débats sur quelques chaînes de télévision et de radio pendant juste quelques jours puis les médias ont braqué leurs projecteurs sur autre chose. Ton cas ne serait pas différent. On oublie très vite dans ce pays. Ce qui a fait dire à un ancien président de la République, qui connaît bien notre société, que : « Nous Sénégalais et Sénégalaises avons du mal à nous souvenir de notre dîner de la veille». Ces anciens opposants jouissent maintenant tranquillement des nombreux avantages qui leur ont été offerts, dit Ndoumbé.
—Tu as raison : mon ralliement n’occuperait l’actualité que pendant quelque temps, mais que ferai-je de ma conscience qui m’accompagnera le restant de mes jours ? Je n’aurai nulle part où aller pour la fuir. De plus, comment affronterai-je tous les regards interrogateurs dont je ferai l’objet quand je me promènerai dans les rues ? Comment regarderai-je mes enfants et mes amis les yeux dans les yeux? Quelle image et souvenirs laisserai-je à la postérité? Tu sais, je ne suis plus jeune. C’est certainement à cause de cela que cette dernière question m’a beaucoup taraudé l’esprit.
—Tu t’accroches encore à je ne sais quelles valeurs. Le monde a changé, il faut évoluer avec lui. Lii politig kese la. Fii ci àddina bi la yem. Pense d’abord à tes intérêts avant de songer à quoi que ce soit d’autre. Def ni ñëp wala ñu bari.
—La dignité et l’honneur ne seront jamais passés de mode quand bien même la majorité des gens choisiraient le chemin de l’indignité et du déshonneur. Je ne veux juger personne, mais je sais que la décision que j’ai prise est la seule à pouvoir soulager ma conscience. Tu sais, j’ai beaucoup appris des différents cas des anciens opposants que tu as évoqués tout à l’heure. Tout ce qui a été dit sur eux dans différents médias m’a poussé à aller sur You tube pour visionner encore une fois certaines émissions télévisées dont j’étais le principal invité, des débats à l’Assemblée national auxquels j’ai participé et quelques-uns des meetings de notre parti. Ce que j’ai noté le plus en les regardant, c’est la récurrence de certains mots comme : éthique, déontologie, faire de la politique autrement, la vertu, lutte contre la transhumance, qui revenaient sans cesse dans mes différents discours. Donc, je me vois mal me lever un beau jour et poser un acte aux antipodes de ces maitres-mots. Non, Ngor ne transhumera pas. Demuma fenn. Gor laa. Te gor àttanul VAR
— Pourtant à 67 ans, cette proposition constitue une opportunité pouvant te permettre de te couler bientôt une retraite en or, reprit sa femme.
—C’est ce qui tu penses. Mais moi je vois les choses autrement. Du reste, de quoi ai-je besoin de plus à 67 ans sinon d’une fin de vie paisible ? Le temps qui me reste pour rejoindre ma tombe est beaucoup plus court que celui qui me sépare de mon berceau. J’ai une belle maison, une belle voiture, mes enfants étudient dans de grandes universités à l’étranger et je parviens tant bien que mal à subvenir à mes besoins grâce aux revenus que je tire de mes activités agricoles. Qu’est-ce que je demande de plus au Bon Dieu si ce n’est qu’Il raffermisse ma santé et m’accorde longue ? Non, l’argent et les autres avantages qu’on me propose ne valent pas ma tranquillité d’esprit. Qui plus est, un ralliement équivaudrait pour moi une certaine de liberté, car, pour les besoins d’un esprit d’équipe, je serais quelquefois obligé de faire des concessions, voire des compromissions et d’approuver en silence certaines choses que j’ai toujours combattues. Or, comme tu le sais, je tiens absolument à ma liberté. Je cherche à être cohérent avec moi-même et avec les idées que j’ai toujours défendues. Pour revenir aux propos de l’ancien président de la République auxquels tu as fait allusion tout à l’heure, je vais te compléter sa phrase: « (…) Nous ne croyons qu’à l’argent et aux honneurs. » Wax ji laluwul ndax ñëp yemeñu. Et c’est l’occasion pour moi de le lui prouver.
Déçue, Ndoumbé eut la certitude qu’elle ne pourrait jamais faire revenir son mari sur sa décision. Elle s’étira, bailla pour feindre une certaine fatigue : « On en reparlera à notre réveil. Je dois me reposer, car je suis très fatiguée, » avança-t-elle comme prétexte pour mettre fin à la discussion qui ne l’intéressait plus.
-S’il plaît à Dieu !
Sur ces mots, Ngor éteignit la lumière et posa sa tête sur son oreiller. Cette phrase de Victor Hugo lui revenait sans cesse à l’esprit avant qu’il ne parvînt finalement à trouver le sommeil vers l’aube : « Mieux vaut une conscience tranquille qu'une destinée prospère. J'aime mieux un bon sommeil qu'un bon lit. »
D’où nous vient le concept de Gauche/Droite ? Pouvons-nous être indépendants mentalement si nous continuons à nous gargariser de ces idéaux venus d’ailleurs ? Nos partis politiques traditionnels n’ont plus de sens
Depuis l’avènement du président Macky Sall, l’on entend de plus en plus d’acteurs du champ politique, en fonction de leurs intérêts crypto-personnels, plaider pour des retrouvailles de la grande famille libérale ou de la grande famille gaucho-socialiste.
En effet, d’où nous vient le concept de Gauche/Droite ? De ce fait, la Révolution française a donné naissance à ce concept. Et, à partir des années 1901, la vie politique française a commencé à se structurer autour des partis avec cette bipartition. Pouvons-nous être indépendants mentalement si nous continuons à nous gargariser de ces idéaux venus d’ailleurs ?
Depuis l’indépendance du Sénégal, nous avons vécu deux alternances démocratiques et, théoriquement, trois partis politiques se sont succédé au pouvoir : le Parti socialiste (PS) de 1960 à 2000 ; le Parti démocratique sénégalais (PDS) de 2000 à 2012 ; l’Alliance pour la République (APR) de 2012 à nos jours. Toutefois, en pratique, seul le PS a conquis le pouvoir et gouverné sans alliance ni coalition. Même s’il y a eu de temps à autre des gouvernements d’ouverture, l’on pouvait parler de régime de gauche ou socialiste tel que nous l’entendons. Néanmoins, le concept Gauche/Droite est-il un clivage encore pertinent au Sénégal ? N’est-il pas une grande mystification ?
En Science politique, le concept Gauche/Droite, du socialisme ou du libéralisme et, partant, les clivages qui en découlent, nous ont été légués par la civilisation occidentale du colonisateur. Ce concept a souvent été un sujet central qui anime le débat public. Aujourd’hui, les réalités ont beaucoup évolué suivant les pays, notamment ici en Afrique, plus particulièrement au Sénégal où ce clivage est défini par le positionnement des acteurs par rapport aux enjeux du moment. Si on retrouve parmi les valeurs qui fondent la Droite, la tradition, le conservatisme, la sécurité, la hiérarchie, la liberté, entre autres, à Gauche, on retrouve l’égalité, la solidarité, le progressisme, la révolution.
Entre ces deux pôles ou idéaux, d’autres enjeux nouveaux se sont greffés et viennent brouiller la donne ; on peut citer les questions de l’Environnement, de Genre, de Liberté, etc. Par ailleurs, l’histoire politique du Sénégal nous renseigne que deux grands courants, que sont le Socialisme (PS) incarné par Senghor et le Libéralisme (PDS) symbolisé par Wade ont dominé la scène politique sénégalaise. Cependant, à y voir de plus près, on peut conclure que le second est sorti des flancs du premier. En effet, le président Abdoulaye Wade fut un responsable du Parti Socialiste de Senghor avant de le quitter pour plus tard fonder le PDS qui se voulait un parti de contribution. Lequel parti de contribution évolua vers les idéaux du libéralisme.
En dépit de cela, il faut constater l’obsolescence des feuilles de route de ces principaux courants, face aux réalités du terrain et de l’heure. Par exemple, si Senghor avait théorisé un socialisme à hauteur d’homme, Sall, le Libéral ayant fait ses premières armes dans le milieu des partis de gauche, s’honore de beaucoup d’actions sociales inspirées du socialisme, comme les bourses familiales, le PUDC, entre autres.
Ainsi, plutôt que de parler de retrouvailles de la grande famille libérale, il me semble plus réaliste et judicieux de créer une voie médiane qui serait un creuset des valeurs humaines et idéologiques partagées des principales tendances de la sphère politique.
Le Sénégal est à la fois une communauté d’héritage et de destin. N’en déplaise aux nostalgiques et conservateurs, nos partis politiques traditionnels n’ont plus de sens. Si je prends le cas du Parti socialiste, celui-ci doit faire le deuil de son passé, évoluer, changer de métonymie et épouser les nouvelles dynamiques de la société sénégalaise. Le PDS de même.
Les Sénégalais ont déjà transcendé ces idéaux Gauche/Droite et font fi des partis politiques traditionnels. Pour ceux qui agitent les proximités idéologiques libérales, si leur plan avait marché, le président Macky Sall ne serait pas au pouvoir.
Le président Wade est arrivé au pouvoir avec l’appui des militants de gauche, même s’il s’en est débarrassé plutôt. Et avec l’actualité du moment, la dynamique Wallu (libéral)/Yeewi (plutôt gauche ?) sommes-nous dans une dynamique de retrouvailles de la grande famille libérale ?
Le peuple sénégalais a atteint sa maturité démocratique et préfère faire les urnes que les rues. Ainsi, ce peuple, sous la bannière de la coalition Benno Bokk Yaakaar – coalition ni exclusivement gauche, ni exclusivement libérale -, avait souverainement porté son choix, en 2012, sur le président Macky Sall. Et l’a réitéré en 2019 d’une manière beaucoup plus affirmée. Car tous les partis alliés ont investi le président Macky Sall comme leur candidat à l’élection présidentielle 2019.
Cette coalition Benno Bokk Yaakaar a une longévité inédite, et cela est dû à la fidélité des différentes parties prenantes, aux engagements souscrits, à la qualité des relations que le président Macky Sall entretenait avec ses alliés, mais surtout à l’esprit de solidarité, au sens élevé du devoir, au patriotisme ainsi qu’au souci premier de privilégier l’intérêt supérieur de la nation. Cependant, le président Macky Sall ne devrait pas prêter une oreille attentive à ceux qui le poussent à affaiblir ses alliés et compagnons de fortune, au profit de la soi-disant réunification de la famille libérale. Pour faire miens les propos de Guizot, attention à ne pas faire du pouvoir ce que l’avare fait de l’or ; il ne faudrait pas l’entasser pour le laisser stérile. L’art de gouverner consiste, non à s’approprier en apparence toute la force, mais à employer toute celle qui existe.
Certes, la Coalition politique Benno a vécu et commence à s’éroder et doit absolument se réinventer ; mais ne perdons pas d’esprit que la longévité de cette coalition, nous la devons à la clairvoyance du président Macky Sall qui a su habilement la sauvegarder en l'élargissant aux nouveaux partis et mouvements de soutien.
Ce coup d’érosion qu’amorce la Coalition Benno est dû, me semble-t-il, à trois principaux facteurs :
Le premier est lié indéniablement à la disparition d’illustres figures de cette coalition, notamment feux Ousmane Tano Dieng et Amath Dansokho ;
Le deuxième peut être attribué au coup de fatigue de certains de ses membres.
Le troisième peut venir du manque de solidarité et des guerres de positionnement de ses membres à la base. Le Benno marche à l'apex de la pyramide et boitille au soubassement de celle-ci.
Il reste à recréer une nouvelle dynamique et un nouveau souffle en initiant une nouvelle coalition politique qui mettrait l’accent sur la Mobilisation pour des Actions Républicaines et Citoyennes Taxawu Askane Wi.
Samba Aly Ba est Docteur en Science politique, Directeur de Cabinet de madame la présidente Aminata Mbengue Ndiaye, ancien Directeur de Cabinet du président Ousmane Tanor Dieng.
PAR Cheikh Anta Babou
L’ÉNIGME DU VOTE MOURIDE
Les mourides, en général, votent comme la majorité des Sénégalais. Pendant longtemps le ndigël était simplement un alibi pour masquer les fraudes massives avant l’adoption du code électoral consensuel de 1992
Le score fleuve réalisé par la coalition Wallu Sénégal dans le département de Mbacké lors des élections législatives (un écart de 72 998 voix) et la défaite historique de Benno Bokk Yaakaar malgré l’engagement de deux arrière petits-fils de Shaykh Ahmadu Bamba dont l’un était tête de la liste départementale a été surprenant. De même, lors des élections locales, certains observateurs ont été surpris par la victoire du bulletin blanc contre le maire de Tuuba, pourtant conduisant une liste officielle unique. Cependant, ceux qui observent le comportement de l’électorat mouride dans la longue durée ne sont pas surpris par ces situations qui, à première vue, peuvent paraȋtre paradoxales.
L’homogénéité de la communauté mouride et la propension du disciple à voter selon le bon vouloir du Shaykh et toujours pour le parti au pouvoir, des certitudes largement partagées par la plupart des chercheurs et des observateurs, relèvent plus du mythe que de la réalité. Un bref rappel historique nous en convaincra.
Dans les années trente, la confrontation entre Blaise Diagne et Ngalandou Diouf avait divisé la communauté mouride. Le Khalife Serigne Muhammadu Mustafa soutenait Blaise Diagne qui avait joué un rôle déterminant dans le contentieux entre la communauté mouride et l’entrepreneur français Tallerie soupconné d’avoir dilapidé les fonds destinés la construction de la grande mosquée de Tuubaa. Son oncle, Shaykh Anta Mbakke, par contre, soutenait Ngalandou Diouf. Cette position lui attira les foudres de Diagne qui le fera exiler à Ségou d’où il ne reviendra qu’après la mort de ce dernier en 1934. Cette même polarisation va se renouveler dans les 1950 avec la rivalité entre Lamine Guèye et Léopold Sédar Senghor. Le soutien déterminé et publique du deuxième Khalife des mourides, Serigne Falilu Mbakke, pour Senghor, n’était un secret pour personne. Serigne Shaykh Mbakke (Gaynde Faatma), fils aȋné du premier Khalife des mourides, par contre, était un ardent supportaire de Lamine Guèye. Serigne Moodu Maamun, le fils aȋné de Shaykh Anta, était également dans le camp de Lamine.
L’avènement de Shaykh Abdul Ahad, troisième Khalife des mourides, va changer la donne. Il aura des relations tendues avec Senghor. Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, les tensions entre le président de la République et le Khalife général des mourides, étaient dans le domaine publique. À côté du Khalife, Serigne Shaykh Mbakke, était un opposant actif au président Senghor, soutenant financièrement et moralement ses adversaires politiques comme Cheikh Anta Diop et mêmes les syndicalistes grévistes des années 60 and 70.
Il n’est pas étonnant que les premières localités gagnées par le PDS de Abdoulaye Wade dans le Bawol soient dans le fief de Daaru xudoos comme Taīf dont Serigne Shaykh était le leader. Durant les élections âprement disputées de 1988 où le Khalife des mourides soutenait Diouf, le pays mouride avait enrégistré un fort taux d’abstention de la part de disciples qui sympatisaient avec Wade mais préféraient ne pas désobéir à leur guide religieux. La politiste américaine Linda Beck, qui a fait des recherches sur les élections au Sénégal, d’ailleurs, suggère que Wade avait en realité, remporté les suffrages mourides et que le supposé triomphe de Diouf n’a été possible qu’à cause de la fraude massive facilitée par la loi électorale de l’époque qui ne garantissait pas des élections justes. La suite des événements semblent lui donner raison. Le score électoral du PDS dans le département de Mbacké et autres fiefs mourides ne cessera de progresser.
L’arrivée de Wade au pouvoir en 2000 lui permettra de consolider les acquis et pérenniser sa mainmise sur l’électorat mouride. Wade se présentera comme un mouride président et dévoué disciple au service de la Muridiyya. Il réussira à gagner l’admiration de la communauté mouride qui, malgré sa puissance économique et son influence culturel, se considérait, néanmoins, marginalisée dans la gestion des affaires de la nation. Son échec de 2012 était dû, en parti, à l’abandon de secteurs importants de la confrérie conduits par des shaykhs mécontents de la tentative du président Wade de vassaliser la confrérie et le danger que cela représente pour leur autorité et crédibilité face au peuple sénégalais. Les résultats des récentes élections locales et législatives montrent que ce désamour étai temporaire. Il y a donc bien une continuité dans le comportement électoral des disciples mourides. Mais ce comportement ne traduit pas l’unanimisme, une obéissance aveugle aux injonctions du Khalife ou un soutien constant au parti au pouvoir. Les mourides, en général, votent comme la majorité des Sénégalais. Pendant longtemps le ndigël était simplement un alibi pour masquer les fraudes massives avant l’adoption du code électoral consensuel de 1992.
Cheikh Anta Babou est Professeur d’histoire, Université de Pennsylvanie, USA.
Le maire de Ziguinchor tourne la page des législatives et déclare sa candidature pour la présidentielle. Si un membre du parti veut également se présenter, il est libre de le faire. A ce moment, on organisera une primaire », a indiqué le leader de Pastef
Pour le maire de Ziguinchor et leader de Pastef, Ousmane Sonko la page des législatives est tournée. Le cap est désormais fixé sur la présidentielle de 2024. À 18 mois de cette échéance « historiques» Sonko se positionne déjà. Face à la presse ce jeudi 18 août 2022, il déclare: « Moi, Ousmane Sonko, je suis candidat à la présidentielle de 2024 ».
Cependant, s’empresse-t-il de préciser: « C’est le parti qui décide. Si un membre du parti veut également se présenter, il est libre de le faire. A ce moment, on organisera une primaire ». En perspective de ce « rendez-vous historique », le leader de l’opposition invite les sénégalais à s’engager pour une vraie alternance en 2024.
« Si on rate encore le coche, les 50 prochaines années seront très difficiles. C’est pour cette raison que nous appelons les militants, sympathisants et l’ensemble des Sénégalais à s’engager pour un changement radical. Il faut préparer la jeunesse à aller s’inscrire dans les listes. Allez créer des cellules jusque dans le Sénégal des profondeurs », lance-t-il aux « patriotes ».
Dans cette même dynamique, Ousmane Sonko annonce une tournée nationale en décembre dans tous les 46 départements.
essai-conversations de Koulsy Lamko
RÉFLEXIONS SUR LA FORME DE L'ÉTAT TCHADIEN
EXCLUSIF SENEPLUS - Le grand mensonge c’est de prétendre que les communautés que l’on rassemble de temps à autres pour une harangue adressée dans un galimatias intraduisible souhaitent avoir pour représentants des gens qu’ils ne connaissent pas (3/4)
Au Tchad, suite à l’assassinat du président Idris Deby Itno au pouvoir de décembre 1990 à avril 2021, son fils Mahamat Deby prend la tête d’un groupe d’officiers : le Conseil Militaire de Transition (CMT), et installe un régime dit de transition dont l’un des objectifs principaux est de préparer le retour à l’ordre constitutionnel au terme d’une période de 18 mois. Un ministère de la Réconciliation nationale a été chargé d’organiser un dialogue national Inclusif DNI, dans le but de faciliter la mise en place d’institutions et mécanismes devant permettre d’organiser des élections libres et transparentes. Ce dialogue, précédé d’un pré-dialogue de groupes de politico-militaires, qui s’est tenu pendant plus de 4 mois à Doha sous l’égide du Qatar et de la France a abouti à un accord entre une partie des belligérants habituels et le gouvernement issu du coup d’état d’avril 2021. Cet accord salué par l’Organisation des Nations Unies, exclut cependant le principal mouvement armé. Ledit dialogue national inclusif (DNI) se tiendra à Ndjaména à partir du 20 Aout 2022.
En marge et pour participer à la réflexion qui se mène dans son pays natal, l’écrivain tchadien Koulsy Lamko publie aux Editions Casa Hankili África, Mexico, un livre d’entretiens dont le titre sibyllin et iconoclaste présage du tumulte ambiant autour d’une rencontre dont il pense qu’elle est pour une énième fois, une ré-initiation avortée tant les dés sont pipés quant à l’issue probable : le risque de la légitimation d’une succession dynastique qui mettra le pays à feu et à sang.
SenePlus lui ouvre ses colonnes permettant que soient partagés de larges extraits de « Mon pays de merde » que j’adore avant la parution de l’essai-conversations à la rentrée d’octobre 2022.
Dans cette troisième partie, Koulsy Lamko explore l'idée du fédéralisme comme possible solution aux misères de l'État-nation jacobin qui, à ses dires, fait tant de mal aux populations
Vous avez participé à une conférence sur la Forme de l’État au Tchad en novembre dernier. Le thème était : « Le Fédéralisme est-il la solution ? » Encore une de vos multiples contradictions…Un panafricaniste…
KL : Ne vous laissez pas abuser pas l’apriori facile dans vos argumentaires. Au contraire c’est mon idéal panafricain qui exige que soit amorcée une réflexion qui inclut des déterminismes géographiques, culturels, confessionnels ou sociétaux sur la question. Et qui pose celle de la décolonialité, le dépassement de ces corsets sociologiques d’hier ou d’aujourd’hui. L’État fédéral multinational multiculturel a toujours été la base politique et idéologique de l’État africain avant les traites et les colonisations arabo-berbères et européennes. On ne dira jamais assez la nécessité de puiser dans les savoirs africains précoloniaux pour comprendre un certain nombre de situations de chaos que nous vivons. Quand on a lu Cheikh Anta Diop et Mbog Basong on s’en trouve très vite convaincu.
ARS : Vous chérissez bien les galères dans vos activités ! Et ce n’est pas pour vous taxer de masochiste.
KL : Les initiateurs de la Conférence ont souhaité que je les accompagne dans le suivi des travaux ; que j’organise en collaboration avec le groupe technique, les aspects scientifiques. Cela avec l’ambition qu’à partir des contributions, naisse un document d’auteurs collectifs. Interroger l’établi, remettre en question ce qui semble être un acquis devrait être un exercice permanent, sain, et qui ne devrait pas souffrir de tabou, d’autodafé ou de fatwa. Et, cela davantage lorsque les faits têtus démontrent l’inadéquation des structures qui moulent nos pensées, nos actions individuelles ou collectives et nous font exister comme des ersatz. Dès lors que l’on jette un regard sur l’évolution du continent ou de nos communautés nationales, l’on peut aisément conclure à l’impasse… Face auquel il faut proposer des esquisses de solutions.
ARS : Revenons au Tchad… Tout bien pesé, analyses, réflexions, débats d’idées sont indispensables quant à la redéfinition de la forme de l’État pour un renouveau sérieux. Le Tchad n’en sera pas à sa première expérience de réflexion sur la forme de l’État. Par le passé, de nombreuses femmes et hommes politiques ont évoqué cette alternative à maintes reprises, pour parer aux insuffisances que vous évoquez par rapport à l’État-nation de type jacobin. Hélas les efforts sont restés vains…
KL : Précisons mots et contextes. Au Tchad, les gens en sont arrivés à créer intuitivement un lexique de mots tabous qui provoquent de l’urticaire ou réveillent des phobies enfouis dans les limbes de la mémoire collective. C’est que j’appelle les mots apocryphes de notre mythe obsédant et du narratif de notre courte et brève histoire de vie. Ils sont nombreux : frères du nord, frères du sud, laoukoura, doum, habit, saarai- alcoolique, zagh, kirdis, mbamban, djaman, domaïn, njékouboujé ge ngal, kara gourbolo, hiner, plata, souweu, esclavage, fédéralisme… Fédéralisme fait partie de ce champ lexical particulier. Pendant longtemps, il suffisait qu’en proposant un débat sur la forme de l’État l’on prononce le mot fédéralisme pour qu’une espèce de police d’opinion vous taxe de sécessionnisme, de séparatisme ou de divisionnisme. Une confusion volontaire dans la perception des mots, de leur contenu et des réalités auxquelles ils renvoient.
ARS : N’est-ce pas aussi parce qu’il y a souvent eu plutôt manipulation ou interprétation tendancieuse. Il faut reconnaître que des femmes et hommes politiques ont battu des campagnes électorales en prônant un régionalisme ethnicisé…
KL : C’est que ces mots cachent un malaise sociétal profond. Quand dans une communauté nationale l’on se refuse de se poser les vraies questions sur le devenir collectif, on laisse le champ libre à l’ignorance et le pas au roman national débridé plutôt qu’à une critique rationnelle de l’histoire. À nul esprit qui ne soit tordu, jamais, il viendrait à l’idée que les peuples décident d’opérer un tri discriminatoire sur des bases régionales ethnicisées pour assigner à perpétuelle résidence cloitrée telle ou telle autre communauté. Depuis des générations les peuples se sont rencontrés, des alliances se sont tissées. Et les gens en Afrique savent qu’ils ont le droit de vivre où ils sont accueillis et les autres le devoir d’accueillir celui qui le souhaite.
ARS : Et pourtant, on a entendu des politiques agiter le « rentre chez toi, ici c’est chez » moi, le principe du « premier occupant », l’autochtonie exclusive et excluant. Des crimes odieux, des génocides, ont été commis avec à la base ce principe ségrégationnel et du déni de l’Autre…
KL : Résultats d’une politique d’instrumentalisation des faiblesses structurelles, dont l’ignorance et l’inculture encouragées sciemment. Si seulement l’on se posait la question du moule que l’on pourrait inventer pour définir la forme d’organisation dans laquelle toutes les communautés se sentiraient vivre pleinement leur existence selon les valeurs qu’elles se sont librement choisies, l’on n’en serait pas à fomenter l’ignorance ou à perpétrer les perceptions erronées et connotées qui ne recoupent pas nécessairement les réalités effectives et affectives.
ARS : Mais la Conférence semblait déjà induire un parti pris parce que le sous-titre se présente comme une affirmation et le mot fédéralisme mis en lumière.
KL : La question centrale dans ces échanges s’inscrivait au-delà de l’intitulé. Le terme fédéralisme comme moule d’idées renvoyait plutôt à une catégorie en opposition à l’État-nation unitaire déconcentré ou même décentralisé. Puisqu’en fait, ce qui préoccupait les participants à cette réunion c’était la réponse à la question : « Quelles articulations trouver pour que les peuples de l’ensemble du territoire, se sentent libres de choisir ceux qui les représentent, de participer à la gestion de leur terroir, d’en conserver les moyens de production et les bénéfices de la plus-value, d’exercer un contrôle sur la gestion, de sanctionner au besoin ceux qui en perturbent l’équilibre ? Et surtout de vivre en toute quiétude sans l’omniprésence de la botte du soldat ou du combattant armé ?» Il s’agissait de ne plus tergiverser sur une discussion qui réactualisait, remettrait à l’ordre du jour des acquis de réflexions déjà menées tout le long de notre histoire tumultueuse, et dont ont émané plusieurs partis politiques fédéralistes. La Conférence Nationale Souveraine en 1993 a fait des propositions de modèles, de centaines d’articles et ouvrages publiés, etc. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il y ait eu pendant les communications une présentation du livre de Feckoua Laoukisam[1] qui 25 ans plus tôt prônait déjà le fédéralisme.
ARS : Et alors pourquoi l’urgence…
KL : Il arrive toujours dans l’histoire des peuples, un moment charnière où l’on doit se regarder en face, froidement, sans faux fuyant, sans flagornerie, sans ressentiment, sans haine, sans violence ; mais avec franchise et fermeté. L’occasion qu’offrait la violation de la Constitution de 2005 en cours par une suspension arbitraire et le vide juridique que pouvait faire constater l’irruption d’un Conseil Militaire de Transition s’y prêtait. Dans ces cas-là, il semble normal que l’on revienne au contexte pour mieux appréhender les tenants et aboutissants.
ARS : Lesquels ?
KL : Un seigneur de guerre règne sans partage pendant 30 ans, maintenu à bout de bras par l’ancienne puissance colonisatrice qui selon lui-même l’a obligé à demeurer au pouvoir même lorsqu’il s’en disait éreinté. Il meurt dans des conditions floues tant la version officielle ne convainc personne. Manifestement c’est un coup d’État, du moment que la junte militaire qui usurpe le pouvoir, dissout l’Assemblée nationale et le gouvernement, faisant fi de toutes les dispositions légales. Il n’y a même pas eu de déclaration de vacance de la présidence de la République. On brandit l’indisponibilité du président de l’Assemblée tout en l’accusant de n’avoir pas voulu assurer l’intérim et pour ainsi justifier l’État d’exception. On ne dit pas assez que la Constitution a prévu qu’en cas d’empêchement du président de l’Assemblée, c’est le premier vice-président qui assure l’intérim. Le coup d’esbroufe réussit puisqu’on fait croire qu’il y a un impératif besoin d’un militaire à la tête de l’État, parce que des rebelles attaquent... Un argument insuffisant, même fallacieux, parce qu’un civil à la tête de l’exécutif aurait pu engager plus aisément des consultations avec la partie adverse. Mais au Tchad, l’on n’a ni honte, ni peur des mensonges grossiers !
ARS : Qu’avez-vous contre les coups d’États militaires ? Ils ont parfois abouti à clarifier la situation.
KL : Mon problème, ce n’est pas le coup d’État militaire, c’est ce qu’on en fait. Si c’est pour organiser une révolution qui impose la volonté populaire et change tous les paradigmes en les tendant vers le mieux-être des populations toutes, why not… Mais si c’est juste pour installer et en pire les mêmes turpitudes sans rien changer aux structures inopérantes, cela ne vaut pas la peine…
ARS : Vous publiiez dans une interview au magazine italien Il libretto … que cela défie le bon sens que de toute la folle pléthore de généraux, c’est-à-dire environ 400, dont certains sont bien plus expérimentés, l’on choisit le plus jeune, la trentaine, qui manifestement ne comprend pas grand-chose aux affaires de l’État, pour diriger un pays dont la Constitution invalide les candidats de moins de 45 ans de surcroît…
KL : L’impensé impensable ! 300 à 400 généraux emmargeant au budget d’un des pays les plus pauvres de la planète ! Il faut un effort surhumain de la pensée pour y croire ! Idriss Deby a juste semé des camps de déstabilisation permanente dans tout le pays : un héritage empoisonné, une bombe à retardement. De dizaines de camps militaires plus ou moins répertoriés, une sous armée clanique au sein de l’armée nationale dont la mission est celui du mercenariat au service des intérêts de la Françafrique. À l’heure de la démobilisation, à quels métiers pourra-t-on convertir ces milliers de braves gens de villages entiers du grand Darfour que l’on a arraché à leurs travaux champêtres et de pâturage pour un enrôlement douteux ?
ARN : Ne vous préoccupez pas de leur sort. Les généraux semble-t-il sont autant commerçants et hommes d’affaires et qui ont investi dans le pays… La rumeur raconte qu’on en a même épinglé quelques-uns dans des trafics de drogue…Et puis l’État devra-t-il prendre en charge des mercenaires, ce serait a minima…
KL : Quant à l’actuel gouvernement de transition, il n’est rien d’autre qu’un remake, un recyclage, agglomérat de bons serviteurs impénitents du système Habré-Deby, ministres « multirécidivistes», les uns depuis le régime habréiste, les autres n’ayant de légitimité que celle des armes, d’éternels affidés-agrippés à la machine du loto-gagnant, ou d’éternels fils à papa. C’est de la poudre aux yeux, une sorte de gage de bonnes intentions face aux probables velléités de sanctions de l’Union Africaine ou des institutions financières « bailleurs de fonds », mais un gage très peu convaincant. L’agenda non avoué, mais qui ne dupe personne, sera d’installer durablement le fils d’Idriss Deby, pérenniser le système clanique, élargir la base des affidés, pour continuer à nager en eau trouble et conserver les propres intérêts de classe, de clans et d’affidés ! Et personne ne rendra compte des crimes politiques, des assassinats, des crimes économiques, des détournements massifs et monstrueux des biens publics.
ARS : Revenons au fédéralisme
KL : La formule interrogative : Le fédéralisme est-il la solution ? Plus qu’hypothèse de travail réflexif, était davantage un cri du cœur qui exprime non seulement l’indignation, le ras-le-bol du peuple qui après des décennies d’espoir et de désespérance à la fois, pensait que seule la mort du tyran le délivrerait de l’étau. Le réveil est douloureux, pour se rendre à l’évidence qu’en tyrannie l’on doit compter avec les rhizomes qui poussent comme à l’état de nature du banian. Le Frolinat avec ses multiples ramifications et seigneurs de guerre qui se relaient au pouvoir depuis plus de quatre décennies et qui pour le comble se paie le luxe d’imposer, à la barbe de l’opinion publique nationale médusée et des alliances internationales, une succession dynastique ! Cela au mépris des souhaits et injonctions de tous.
ARS : Que préconiseriez-vous dans cette situation ?
KL : J’avoue n’avoir ni les compétences du juriste, ni celles de l’historien politiste qui a l’habitude de démêler les écheveaux dans les situations alambiquées, ni celles du chercheur spéculatif. Mais comme tout le monde, je lis, j’observe la réalité, j’analyse et j’interprète avec les outils d’analyse que je glane de ci de là. À vrai dire, de nombreuses études ont été faites sur le Tchad pour l’atypie que présente ce territoire immense au cœur de l’Afrique : ses interminables guerres de fractions, ses régiments claniques menés par des potentats et qui ont étalé le long des décennies leur incapacité à améliorer la vie des populations, le règne généralisé de la terreur, les fraudes électorales, l’instrumentalisation de l’élite et de la classe politique à des fins inavouées du diviser pour régner, l’intimidation systématique de la société civile, la corruption généralisée, le détournement des deniers publics et leur affectation à l’achat massif d’armements, l’absence de créativité politique et de vision. De centaines de rencontres, réunions de conciliation, sommets tous azimuts avec des chartes et traités et accords qui ne sont pas respectés par leurs signataires. Où n’est-on pas allé pour résoudre les dissensions et conflits inter tchadiens ? Soudan, Lybie, Lagos, Kano, Congo Brazza, Congo RDC, Gabon, Algérie, Bénin, Burkina Faso, Yémen, Rome, Doha, Paris… Il ne nous reste plus qu’à aller nous réunir au Groenland ou sur la lune ! Et ce sont pour la plupart les mêmes, qui depuis plus de cinq décennies se sont installés dans ce mouvement de transhumance du politico-militarisme qui vont et viennent au gré des prébendes que ceux qui sont au pouvoir à Ndjamena leur accordent. Ces sont les mêmes délictueux qui sont condamnés mardi, amnistiés vendredi, gratifiés dimanche, nommés à des postes de responsabilité samedi, et qui la semaine suivante reprennent les armes dès qu’ils se sentent fragilisés dans leur contrat avec le pouvoir central et repartent au maquis. Les mêmes qui détournent les deniers de l’État, passent par un séjour initiatique dans une cellule de prison, en ressortent après avoir promis d’en rétrocéder une partie à la hiérarchie et après la geôle sont nommés à de postes supérieurs encore plus juteux pour continuer la capture !
ARS : Vous avez déjà raconté cette dynamique…du chaos
KL : Il me semble que lorsque toutes les tentatives d’organisation sociopolitique ont fait long feu, lorsque l’échec clignote en rouge cinglant au tableau de bord du bolide, la question de la forme de l’État ne peut plus être subsidiaire ou tributaire du roman national naïf où l’on se susurre que tout le monde il est beau il est gentil, tout le monde s’aime beaucoup et qu’il faut continuer à revivre chaque jour les mêmes violences et misères. Pourquoi donc malgré toutes les énergies qui se déploient depuis six décennies, l’on en est toujours à devoir gérer le chaos ?
ARS : Bien de gens pensent et à juste titre que promouvoir fédéralisme c’est semer le grain de la discorde et espérer que pourra croitre l’idée de la sécession, ou l’éclatement du territoire en plusieurs États…
KL : Toujours cette lecture erronée parce qu’incomplète par le prisme nordistes/sudistes, musulmans/chrétiens ! En réalité, la plupart de ceux qui continuent de prôner le maintien d’un État unitaire, sont ceux-là qui en tirent leurs intérêts individuels, de classe, de parti ou de clan, d’hommes d’affaires en eaux troubles et qui tiennent mordicus à la pérennisation d’un système légué par l’Empire Français et qui a fait long feu. Cela, même lorsque la majorité du peuple souhaite la fédération. On retrouve le même type de réticence lorsque l’on évoque le panafricanisme : la frontière qui sécurise les rentes pour l’élite.
ARS : Et pourtant il semble que les résultats des consultations qui ont été menées pour préparer le dialogue révèle une prédominance de l’opinion pour l’État unitaire…
KL : Je n’y crois pas un seul mot. Il suffira d’un référendum sur le fédéralisme, sans fraudes et manipulations pour se rendre compte que si l’on demandait aux populations de s’exprimer sur la question en en expliquant objectivement le bien fondé, aucune communauté qu’elle soit de l’est, du nord, de l’ouest, du sud ne refuserait d’avoir la possibilité de voter directement ses gouverneurs, ses députés locaux, ses représentants locaux et surtout d’être à l’initiative des projets de développement d’un territoire qu’elle connait bien et dont les bénéfices lui seront immédiatement perceptibles. Quelle communauté refuserait-elle d’user de son droit à décider de ce qu’elle souhaite pour elle-même ? Quelle communauté refuserait-elle d’être débarrassée de groupes de parasites, cette protobourgeoisie militaire et civile qui joue à la colonisation, impose ses insuffisances notoires, ne fait même pas l’exercice d’apprentissage de quelques mots de la langue de ses « administrés» ? Le grand mensonge c’est de prétendre que les communautés villageoises que l’on rassemble de temps à autres pour une harangue qui leur est adressée dans un galimatias intraduisible souhaitent avoir pour responsables ou représentants des gens qu’ils ne connaissent ni d’Adam, ni d’Eve. Surtout des gens qu’elles n’ont ni élus, ni désignés, ni choisis et qui leur ont été imposés depuis une capitale lointaine que beaucoup d’entre eux n’auront jamais la chance de visiter avant de mourir. De ces gens-là, ils ne retiennent que le caractère félon et violent d’une élite barbare parachutée depuis un autre pays inconnu, surtout lorsque le comportement violent, irrespectueux des us et coutumes démontrent à satiété le caractère inapproprié de la relation. Rien de différent du commandant militaire des colonies envoyé depuis Paris. C’est d’ailleurs l’une des acceptions sémantiques liée au vocable « gouverneur » et au droit de bastonner, de spolier, d’obliger au travail forcé.
ARS : Nous ne sommes plus à l’ère de la colonisation !
KL : L’état colonial est teigneux et celui que l’on nous a légué draine dans son sillage, le système économique avec qui il fait corps : le néolibéralisme, aujourd’hui, ultra libéralisme.
Retrouvez la dernière partie sur SenePlus.com ce jeudi 18 août 2022.
[1] F. Laoukissam, Tchad, la solution fédérale: une dynamique de paix et une stratégie de développement par la gestion partagée
par l'éditorialiste de seneplus, demba ndiaye
LÉGISLATIVES, LA VICTOIRE DES VAINCUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Pape Diop a offert sa béquille au sursitaire président. On en saura bientôt le prix parce que personne ne croit à une mission de sauvetage (du soldat Macky) de nos institutions contre les flibustiers de Yaw-Wallu
À minuit, l’heure des crimes sordides, ils ont réveillé la presse pour, avec des mines de rescapés d’un naufrage. Ils sont venus dire aux Sénégalais dont beaucoup fêtaient eux leur défaite qu’ils avaient « gagné » 35 des 45 départements du pays. Ce n’était pas drôle, mais d’un tel ridicule qu’on a éclaté de rire devant nos petits écrans : les vaincus fêtaient leur victoire. Victoire qu’ils étaient les seuls à voir, avec des mines de déterrés. Depuis que le ridicule est devenu une valeur et non une honte, tout est possible.
Ne croyant pas aux miracles, j’ai refusé de penser que les tendances lourdes égrenées ce dimanche soir du 31 juillet pendant des heures par les reporters des radios et télés allaient changer notablement, dans les heures et jours suivants et changer ma conviction selon laquelle Benno Book Yaakar (BBY) a bien reçu ce jour historique, une déculottée mémorable.
Quelles que soient les manœuvres qui n’allaitent pas manquer, la gouvernance politique du pays pourrait bien connaître des changements majeurs. Et le président Macky Sall allait connaître des cauchemars pour les deux ans qui lui restent. Parce qu’avec les résultats de ces législatives, son rêve caressé et jamais (encore) avoué d’un troisième mandat venait d’être définitivement enterré par les résultats qui s’égrenaient avec la désagréable musique d’une scie métallique à leurs oreilles bourdonnantes des maudits chiffres issus des urnes.
Il semble bien qu’au-delà de toute attente, avec notamment les ridicules manœuvres de listes électorales amputées de moitié (titulaires pour les uns et suppléants pour les autres), les citoyens aient administré au pouvoir, au parti pris peu éthique de « sa » presse (une véritable cinquième colonne d’une coalition épuisée, usée), une leçon politique majeure : « nous préférons une gouvernance éthique au béton armé d’arène, de stades et autres TER, BRT. Nous votons pour l’espoir que demain la Justice sera juste et non tragiquement sélective, une police qui respecte sa devise, de protéger et servir et non aux ordres de gouvernants provisoires et délestés de ce qui semble être un permis de tuer. Le retour à un véritable service public de l’audiovisuel. Bref, le choix de la morale contre un régime dont les députés se transforment en dealers, trafiquants de passeports, ou, qui gardent par-devers eux des millions au point de se les faire « voler »....
Leur « victoire » est une défaite non assumée, un Waterloo de dimension modeste. S’ils se cramponnent à un résultat d’honneur de 82 députés contre 80 d’une liste largement amputée de ses « stars », c’est pour faire oublier qu’ils dégringolent de 125 députés sur les 165 de la précédente législature à 82 ; qu’ils arrivent notablement derrière l’opposition en termes de voix. Que pour survivre, ils sont obligés de débaucher (acheter) quelques nouveaux députés affamés, ou surtout, amener à Canossa, un politicien au crépuscule de sa vie politique et qui rêve d’occuper à nouveau le perchoir, bien que ne disposant que d’un député. Mais qui vaut cher pour que le cadavre au pouvoir obtienne un sursis afin d’éviter un enterrement prématuré.
Monsieur Pape Diop, a offert sa béquille au sursitaire président. Bientôt on en saura le prix parce que personne ne croit à une mission de sauvetage (du soldat Macky) de nos institutions contre les flibustiers de Yaw-Wallu. De grâce monsieur Diop, n’essayait pas de nous faire croire que vous êtes devenu un Pape investi d’une mission salvatrice contre des irresponsables, couteaux entre les dents, venus charcuter nos institutions. Vous êtes venus vous servir sur la bête et non service la République. En accusant l’opposition victorieuse de desseins cannibales, vous insulter le plus que million et demi de Sénégalais qui ont voté pour elle. Allons ! Ayez donc la trahison « honorable » (si c’est possible) et un certain respect pour ceux qui ont cru à votre discours électoral, vous ont donné leurs voix et à la clé, un député qui vaut plus que les 82 de celui dont vous allez faire les louanges pour les 16 mois qui lui restent pour engloutir nos maigres ressources dans le kérosène de « son » avion à faire le tour du monde au nom d’une certaine Afrique : celle des prédateurs et autres usurpateurs de fonctions...
Et donc le roi est à poils, nu comme un ver. Pas d’héritiers. Tous reniés. Défroqués. Dégradés de la lignée royale ! Même celle qui a voulu (oser) accélérer la cadence en oubliant que Sa Majesté a une démarche de Sénateur et non les jambes d’un sprinteur. Depuis, elle n’arrête pas de valser au gré des pertes de boussole du navigateur en chef. Une sorte de maquerelle de la République. Ses rêves d’une « remontada » dans l’estime du chef viennent de se fracasser sur la déculottée du 31 juillet. Parce que, même le monarque sait pertinemment que « sa victoire » est une défaite magistrale, historique.
Mais voilà, à force de tuer ses potentiels héritiers, à force de les envoyer au casse-pipe pour sauver un empire en déconfiture du fait des orgies d’une gouvernance putride, à cause de ce cannibalisme royal donc, le monarque n’a plus d’héritiers. Même pour sauver le trône pour les seize mois restants. Ainsi donc, « la plus grande coalition que le pays ait connu » comme ils se qualifiaient dans l’euphorie de l’arrivée de « mburu ak soow » s’est transformée en la « plus grande coquille vide » que le pays ait jamais connue. Mais ça, ils refusent encore de le voir, de le reconnaître au mat tanguant d’un paquebot en fin de croisière. Comme le Titanic, ou le Joola, notre tragique Titanic....