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23 avril 2025
Femmes
MICHAËLLE JEAN SE SOUVIENT
À Niamey la SG de la Francophie revient aux sources institutionnelles de la Francophonie et se rappelle de Dior, Senghor et Bourguiba - L'INTÉGRALITÉ DE SON DISCOURS
SenePlus vous propose le discours complet de Michaëlle Jean à Niamey lors de l'ouverture du Forum Sahel Innov :
Excellences,
Monsieur le Président de la République du Niger,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Madame et Messieurs les chefs d’institutions,
Monsieur le gouverneur de la Région de Niamey,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Directeur général du CIPMEN,
Mesdames, Messieurs,
Chers jeunes entrepreneurs,
Monsieur le Président de la République,
Ma visite dans votre pays touche à sa fin. Je repartirai ce soir avec le sentiment fort et poignant d’être revenue aux sources institutionnelles de la Francophonie.
Dans ce pays où a été signé, en 1970, le Traité de Niamey, fondateur de la Francophonie. C’était tout près d’ici dans l’Hémicycle de l’Assemblée nationale.
Dans ce pays qui a donné à l’Agence de coopération culturelle et technique, ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie, l’un de ses éminents hauts responsables : le Professeur Dan Dicko Dan Koulodo.
Je repartirai aussi avec le sentiment d’être revenue aux sources philosophiques de la Francophonie.
Dans ce pays qui a donné à la Francophonie l’un de ses pères spirituels, Diori Hamani qui, aux côtés de Léopold Sédar Senghor et Habib Bourguiba insuffla à ce projet son humanisme intégral et toute sa modernité.
Le Niger est en train de renouer avec cet esprit avant-gardiste.
Celui du pionnier de l’énergie solaire, le Professeur Abdou Moumouni, cet homme vrai, ignorant l’égoïsme, cet homme lié, ligoté au peuple, cet intellectuel organique comme le qualifiait l’historien Ki Zerbo.
L’esprit avant-gardiste, aussi, du Sommet de Maradi, en 1984, sur la lutte contre la désertification, 8 ans avant le Sommet de la Terre de Rio.
L’esprit avant-gardiste qui a conduit le Niger à accueillir les deux premières éditions, mais pas les dernières, du Forum International Jeunes Emplois verts.
Alors je repars remplie de confiance parce que j’ai ressenti ,à chaque instant de cette visite, combien le Niger est en train de renaître au Monde, à l’Afrique, au Sahel.
Je ne pense pas seulement à cette renaissance culturelle qui vous est si chère, Monsieur le Président, mais aussi à cette renaissance économique, agricole, sociale, technologique, pour plus d’Etat de droit, plus d’infrastructures, plus d’éducation et de formation, notamment pour les filles - je sais combien vous y tenez Monsieur le Président - plus plus de santé, plus de numérique, plus de développement, plus de sécurité dans cette région de tous les dangers, menacée et convoitée par des prédateurs, des criminels sans foi ni loi, plus de jeunesse. Une jeunesse à laquelle il faut donner des raisons d’espérer et les moyens d’entreprendre et de s’épanouir.
La encore, le Niger fait figure de pionnier. Il est le seul pays que je connaisse à s’être doté , en plus d’un ministère de la Jeunesse, d’un ministère de l’entreprenariat jeunesse. Alors je souhaite que vous soyez imité dans tous les pays de la Francophonie comme dans le reste du monde car donner toutes ses chances à la jeunesse , c’est donner au monde toutes les chances d’être plus inventif, plus solidaire, plus démocratique, plus équitable et plus stable.
Cette jeunesse de moins de 25 ans qui représente 70% de la population au Niger, cette jeunesse qui perpétue l’âme et le génie du peuple nigérien, son courage et sa capacité de résistance, sa combattivité et sa créativité face à une nature qui exprime, ici, toute sa délicatesse et sa rudesse, toute sa générosité et son hostilité.
Alors je ne saurais vous dire combien je suis honorée de vivre à vos côtés ces moments formidables de partage avec cette jeunesse qui nous donne toutes les raisons de porter un regard confiant sur l’avenir du Niger, du Sahel et du continent africain tout en entier.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Ce que j’ai vu, ce que je j’ai entendu en échangeant dimanche avec les jeunes entrepreneurs du CIPMEN, en me rendant à Zinder pour découvrir le projet Mon champ, à Goubé pour découvrir le projet Tech-Innov, vaut mieux que tous les discours parce que j’ai vu des femmes, des hommes et des jeunes, la tête et le cœur remplis d’idées, de projets, d’initiatives ingénieuses, innovantes, audacieuses dans une grande diversité de secteurs et de filières, des projets et des initiatives qui ne demandent qu’à être révélés, valorisés, amplifiés et qui nous démontrent que la vraie richesse d’un pays se mesure aux ressources de son capital humain.
Alors je ne saurais vous dire combien je suis émue d’être la marraine de la première édition de Sahel Innov, combien aussi je me sens investie d’une responsabilité que je ferai tout pour honorer.
Croyez-moi ce ne sera pas un défi insurmontable parce que ce Forum
me donne raison, donne raison à la Francophonie de vouloir être un révélateur, un catalyseur, un facilitateur de réussites.
Ce Forum donne raison à la Francophonie de penser que la solution au défi d’un développement humain et économique responsable, d’une croissance partagée, de l’adaptation au réchauffement climatique, de la création d’emplois, au Niger, au Sahel, comme dans d’autres régions, est indissociable de la montée en puissance de l’entrepreneuriat des femmes et des jeunes, de la constitution et de la structuration d’un tissu vigoureux de très petites, petites et moyennes entreprises et industries car ce sont elles qui, partout, on le sait, tirent la croissance, créent de la richesse et de l’emploi.
La Francophonie s’est donnée les moyens de ses convictions pour que les femmes et les jeunes deviennent, pour que vous, chers jeunes entrepreneurs, deveniez, sur le terrain, ces acteurs de développement et ces vecteurs de paix, comme les chefs d’Etat et de gouvernement s’y sont engagés lors des Sommets de Dakar et de Madagascar, -vous y étiez Monsieur le Président - car ce qui est en jeu, c’est aussi la stabilité et la sécurité de l’espace francophone et du monde.
Notre objectif n’est donc pas d’agir pour les femmes et les jeunes, mais d’agir pour eux, avec eux. La nuance est essentielle.
C’est bien dans cet état d’esprit que nous déployons notre stratégie jeunesse, notre stratégie numérique, notre stratégie économique. Et dans le cadre de cette stratégie économique nous avons lancé, voilà deux ans, un programme de promotion de l’emploi par l’entrepreneuriat chez les femmes et les jeunes en créant ou en renforçant des incubateurs et des accélérateurs d’entreprises dans des filières stratégiques et innovantes comme, par exemple, l’ économie numérique, l’économie verte ou bleue, l’économie sociale et solidaire, l’économie de la culture, ou encore l’économie du savoir.
12 pays partenaires ont été identifiés : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Niger, la République démocratique du Congo, le Sénégal, le Togo, et votre pays, le Niger.
Nous signerons, tout à l’heure, l’Accord-cadre qui formalisera la mise en œuvre de ce programme.
Une équipe de l’Organisation internationale de la Francophonie est d’ailleurs actuellement présente à Niamey pour préciser, avec tous les partenaires impliqués, notre stratégie d’intervention et les actions concrètes à mettre en place. Elle le fait bien sûr en étroite collaboration avec le Centre Incubateur des Petites et Moyennes Entreprises, le CIPMEN, premier incubateur d’entreprises du Niger, qui a déjà à son actif une centaine d’emplois créés et une soixantaine de porteurs de projets accompagnés, et qui, en association avec le CTIC, au Sénégal, premier incubateur lancé en Afrique de l’Ouest, exporte le modèle au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, pays également partenaires de notre Programme de promotion de l’entrepreneuriat. Vous voyez la connection !
Certains pensent que nous pourrions aller plus vite. Nous pourrions certes aller plus vite en imposant à tous le même schéma de fonctionnement, un modèle tout fait, conçu ailleurs au mépris du contexte. Il est si facile d’imposer ! Mais ce que nous voulons, nous de la Francophonie, c’est co-construire, c’est prendre le temps de la rencontre et du dialogue, de l’analyse et de la réflexion pour répondre au plus juste, aux attentes, aux spécificités de chacun, aux ressources aussi du terrain qui ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.
Nous voulons prendre en compte les réalités locales, à travers une approche par filières, des filières qui ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre.
Nous voulons, chers entrepreneurs, prendre en compte vos besoins, pour mieux vous aider à surmonter les difficultés auxquelles vous êtes quotidiennement confrontés.
Vous êtes les mieux placés pour savoir qu’il ne suffit d’avoir de l’énergie et de la créativité à revendre pour qu’un projet se concrétise, se pérennise et se développe.
Vous nous disiez dimanche, Cher Almoktar ALLAHOURY, que 80% des entreprises qui se créent au Niger meurent au bout de trois ans. Croyez-moi, ce n’est pas propre au Niger et c’est là que les incubateurs prennent tout leur sens. C’est là qu’intervient la Francophonie pour appuyer le renforcement de l’environnement entrepreneurial, sur le plan réglementaire, administratif, financier, normatif, stratégique.
Pour vous aider à amener vos initiatives à une autre échelle, pour les sortir de l’informel, pour déboucher de manière plus compétitive sur des marchés existants à l’échelle régionale, continentale, et intercontinentale.
Pour vous aider à renforcer vos capacités avec l’appui de son réseau d’experts, son réseau d’universités, de chercheurs, car il est important que les incubateurs, dans un partenariat public, privé, soient adossés aux universités.
La Francophonie est là aussi pour faciliter votre accès aux financements. Au Sommet des Chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie qui s’est tenu fin novembre à Antananarivo, la capitale de Madagascar, où nous avons installé notre premier incubateur d’entreprises, nous avons lancé un Prix substantiel de l’entrepreneuriat pour la jeunesse francophone, en partenariat avec le secteur privé. Une contribution canadienne du gouvernement du Nouveau-Brunswick, l’une des provinces canadiennes dont le dynamisme et les politiques en faveur de la jeunesse sont reconnus. Le Nouveau-Brunswick s’associe d’ailleurs au Niger pour pérenniser le Forum international Jeunes et emplois verts, dont il a reçu la troisième édition.
Nous venons de lancer aussi un programme de financement participatif, toujours pour vous, jeunes entrepreneurs, intitulé « Finance ensemble » dans le cadre du mouvement « Libres ensemble ». Je vous invite vivement à fréquenter la plateforme www.libresensemble.com pour y présenter vos initiatives entrepreneuriales.
Parce qu’un autre objectif de notre programme est de développer des réseaux, des espaces et des occasions d’échange de bonnes pratiques sur l’emploi et l’entrepreneuriat.
J’aime parler de Francophonie des solutions. Il y a tant de réussites qui méritent d’être connues, partagées et croyez-moi, le succès est contagieux.
Et puis il y a chez tous les jeunes de l’espace francophone, un désir fort de rejoindre des réseaux, de bonifier, de faire connaître et de pousser plus loin les initiatives.
cette plateforme "Libres ensemble" en est une de plus pour créer du lien entre vous et vous permettre d’exposer ce que vous accomplissez.
Notre but c’est de créer un réseau dynamique des jeunes et des femmes entrepreneurs.
Car pour vous, entrepreneur(e)s, le pire, c’est l’isolement.
Et croyez-moi les possibilités sont infinies. Parce que la Francophonie, aujourd’hui, c’est officiellement 84 Etats et gouvernements répartis sur les 5 continents. Je dis « officiellement », car les frontières de la Francophonie bougent sans cesse du fait de la vitalité de la langue française. Prenez-en conscience, elle est la troisième langue des affaires avec l’Anglais et le mandarin.
La Francophonie, aujourd’hui, c’est aussi un fabuleux espace d’accomplissements, de modèles de développement, de capacités de faire, de produire, de créer, d’innover et d’inventer. Et vous en faites partie. Il faut que vous en soyez convaincus.
C’est aussi un extraordinaire arc en ciel de traits de civilisation, une mosaïque de centaines de millions de forces vives, d’hommes, de femmes, et surtout de jeunes, animés, comme vous, de ce talent, de ce courage de cette volonté de faire bouger les lignes, de s’engager solidairement .
Alors je veux remercier, pour terminer, les organisateurs de cette première édition de Sahel Innov, que nous avons soutenue financièrement, je veux féliciter aussi le CIPMEN, et dire à tous les jeunes entrepreneurs présents ici : vous pouvez et vous devez être fiers de ce que vous êtes et de ce que vous faites.
La transformation des produits halieutiques donne à des femmes les moyens d'entretenir leurs foyers, prenant ainsi en charge toutes les dépenses afférentes. A Ndeppé, qui est l'un des plus grands sites de transformation du département de Rufisque, plus de 200 femmes, des hommes aussi, dans une chaîne de travail bien huilée, vivent du kétiakh, du guédj, s'en enorgueillissent malgré les difficultés et les aléas d'un marché grandement instable. Sûres d'elles et ambitieuses jusqu'à la moelle, ces braves dames espèrent, comme l'atteste leur présidente Aïssatou Faye, parfaire leur activité, qui crée des emplois et de la valeur ajoutée. Justement le projet de modernisation des sites de transformation du pays, initiée par l'Etat, ouvre une gamme de perspectives nouvelles. Des exportations jusqu'en Europe et en Asie pour un marché confiné, à cause de la méthode traditionnelle en cours jusque-là, au marché intérieur. Le Quotidien s'est invité sur ce site en bordure de mer implanté dans la commune de Rufisque Ouest et qui fait vivre de nombreuses familles en attendant les travaux de réhabilitation qui vont s'étendre sur sept mois.
Des journées au ralenti comme ce mardi du mois de février sont rares au site de Ndeppé 2. Jouxtant le centre départemental d'éducation populaire et sportive (Cdeps) frappé de vétusté et longé par le canal de l'Est qui le sépare, avec une route goudronnée, de l'entreprise Valda, l'aire de transformation de Ndeppé 2 à l'exemple de la plupart des infrastructures de la Vieille cité a besoin d'une cure de jouvence. A l'intérieur du site qui fut le terrain central de football de Rufisque, les femmes transformatrices, formant de petits groupes, devisent tranquillement en cette matinée fraiche sous les tentes du site où elles s'activent depuis plus de deux décennies dans la transformation des produits halieutiques. "Guéth gui dafa kaaya" (Y a pas de poisson en mer), fait savoir Fatim Samb pour justifier cette situation inhabituelle d'inactivité qui ne les agrée guère.
Entre achat du poisson frais tôt le matin au quai de pêche situé à moins de 200 mètres et l'activité proprement dite allant du fumage au séchage sur des claies en bois en passant par le dépiautage et le salage, les journées ne sont pas de tout repos pour ces femmes dont l'intensité du travail est assujettie aux caprices de la mer. "Si la mer est bonne certaines femmes arrivent à fumer jusqu'à 30 cageots de poisson là ou d'autres en font bien moins ; tout est question de moyen", a avisé à cet effet Aïssatou Faye, la présidente des femmes travaillant sur le site. Pour une meilleure efficience dans ce travail, elles se sont regroupées au sein de l'association "Bokk Joom" (ensemble, dans la dignité) forte de "230 femmes".
Le courage en bandoulière, elles ne rechignent jamais, autant que le permet la mer, à l'œuvre pour pourvoir en besoins basiques leurs familles amputées de l'assistance financière d'un père. "C'est une activité très rude mais la fatigue, les femmes la supportent parce que ce qu'elles ont derrière elles comme charges familiales relèguent tout en second plan", assure la présidente. "Certaines sont veuves ou divorcées tandis que d'autres ont des maris dont la main ne leur arrive pas au dos (expression familière pour dire "financièrement pas nanti") ", poursuit la sexagénaire se montrant on ne peut plus clair. Inhalant sans masque, comme les autres dames du site, les fumées âcres qui s'échappent des foyers incandescents pour le fumage du poisson, s'exécute avec entrain une transformatrice aguerrie de poisson séché. "Nous on ne fait pas recours au feu. Juste dépecer le poisson pour en extraire la matière périssable, saupoudrer avec du sel iodé puis exposer sur les claies de séchage", résume-telle sans dévoiler son identité.
L'activité fait vivre avoue la dame avec un pagne noir dépassant à peine les genoux assorti à un vieux blouson épais. "On utilise différentes espèces de poisson pour le guédj et les prix du produit fini oscillent en fonction de la qualité", fait savoir la dame évaluant "entre 2500 et 1800 francs Cfa le kilogramme de poisson séché". En ce mardi, elle est loin des pics de revenus pouvant "aller jusqu'à 25 mille francs". Bien des années après le décès de son mari, elle s'est plu au fil du temps à cette activité malgré des débuts à contre cœur guidée par la recherche d'un moyen de subsistance pour sa famille de 7 enfants. "Je ne regrette pas d'avoir persévéré dans l'activité ", se réjouit-elle savourant les "8 années passées" sur le site.
Astou Ngom *(nom d'emprunt), une cinquantenaire, fait partie de la dernière catégorie de femmes citées par la présidente. "Je parviens à assurer avec mes recettes, en plus des autres affaires courantes du foyer, les frais de scolarité de mes 3 enfants", fait-elle savoir. "Le destin qui a fait que mon mari à perdu il y a quelques années son emploi m'a guidé à ce travail et je ne m'en plains pas outre mesure. J'ai pris le relais pour gérer notre foyer et alhamdoulilah les choses vont bien", philosophe-t-elle avec aise. Emmitouflée dans une camisole de couleur marron flottant légèrement sur un pull over rouge au col roulé pour parer la fraicheur, elle écaille les rares poissons qu'elle à pu se procurer en cette journée où la matière se fait rare, plombant sérieusement l'activité. En période de surabondance du poisson les femmes font recours à d'autres bras pour faire face au surplus de travail.
"Des femmes à la situation précaire et aussi des hommes viennent solliciter un travail en période de surabondance du poisson moyennant une rémunération journalière", affirme la sexagénaire de présidente toute heureuse de créer des emplois. "Nous travaillons dans notre coin, nous créons de la richesse et des emplois pour certaines personnes à la recherche de quoi ramener le soir au foyer", note-t-elle à ce propos évaluant sur la lancée à 20 le nombre d'hommes, "tous à leurs services", s'activant sur le site. "Le fumage se fait à même le sol avec du bois, des morceaux de carton et de la sciure. Ensuite on enlève la peau du poisson avant de l'arranger précautionneusement dans une bassine au fond troué pour les déshydrater", énumère la présidente de l'association parlant du processus de transformation.
Ces opérations faites, suivront "le saupoudrage à forte teneur en sel iodé avant l'exposition au soleil sur des claies", le tout se résumant en 2 jours de travail. Ailleurs, dira-telle, il y a certaines qui font tout en un seul jour. "Mais à Ndeppé assure-t-elle nous maitrisons parfaitement les techniques et parvenons à produire une très bonne qualité. La phase séchage est très importante pour assurer une bonne conservation du produit d'où l'importance des deux jours", a encore soutenu Aïssatou Faye. A Ndeppé, la sardinelle (yaa booy) est la matière de préférence pour faire le kétiakh là où différentes espèces sont mises à profit dans d'autres contrées.
Destin de transformatrices
La sardinelle connait cependant des inflations notoires impactant avec force les revenus des femmes transformatrices. "Rien que la semaine dernière le cageot de sardinelles est monté jusqu'à 25 mille francs mais son prix oscille généralement entre 12 mille et 9000 francs et souvent bien moins même en période de surabondance", a renseigné la présidente. Des fluctuations importantes qui se répercutent sur le produit ainsi fini se vendant entre "800 francs et 500 francs le kilogramme" selon la période "Dès fois aussi le prix chute gravement jusqu'à aller jusqu'à 300 francs, c'est lorsque y a du poisson à foison", soutient-elle encore.
Coté d'une bonne place dans les préparations culinaires ; que ce soit pour se substituer au poisson frais pour le riz au poisson, plat préféré des Sénégalais au déjeuner ou pour le couscous du soir qu'il accompagne à merveille avec des haricots, le kétiakh qui se présente en de petits bâtonnets à l'étape finale enchante bien des Sénégalais. "Le plat préféré de mon mari est le thiébou kétiakh, plat que je prépare deux fois par semaine pour faire plaisir à mon homme", confesse Rama Cissé, une dame d'environ 40 ans rencontrée à la recherche de poisson fumé sur le site de Ndeppé. Entre autres utilisations, il entre dans la fabrication d'aliments pour volaille.
Dans cette activité, qui leur procure des revenus pour gérer leur famille, les dames ont le soutien de plusieurs personnes et organisations. Au volet sanitaire, le Dr Doudou Fall Bâ agit bénévolement pour ces dames confrontées à longueur de journée à la fumée et à des odeurs pestilentielles. "Le Dr Bâ nous assure moyennant aucun sou des visites et contre visite en plus d'un suivi régulier pour celles qui présentent des signes négatifs de santé", s'est réjoui la présidente de Bokk Joom, n'oubliant pas aussi Tété Mbaye, devenu principal relais avec l'entrepreneur chargé de la réhabilitation du site. Le fumage au sol est cependant en parfait désaccord avec les réglementations tel que le précise El Hadj Mamadou Ndao, inspecteur départemental des pêches.
Pour autant, les femmes ne sont pas traquées par ses services. "La transformation artisanale des produits halieutiques se fait dans des conditions délicates parce qu'il n'y a pas assez d'infrastructures (... ) Nous accompagnons les femmes à améliorer les produits. Vu que c'est un phénomène ancien et toujours à l'état traditionnel permettant à des milliers de personnes de subvenir aux besoins de leurs familles, il est difficile d'appliquer dans l'immédiat la mesure d'interdiction du fumage à même le sol", a laissé entendre le départemental des pêches. D'après M. Ndao, le quai de pêche de Rufisque reçoit en moyenne 3000 tonnes de produits halieutiques par mois. "Plus de 85% des produits qui sont débarqués ne sont pas destinés vraiment au fumage (...) C'est le mareyage vers les marchés intérieurs qui occupe la place la plus importante", a-t-il fait savoir évaluant cependant à quelque "600 tonnes" la quantité de ce chiffre mensuel destinée à la transformation artisanale.
"Quelques aménagements certes (claies de séchage, magasins construits par l'Etat et des partenaires sur place) mais par rapport au respect des critères requis pour un site de transformation, ça reste beaucoup à faire", continue le départemental des pêches. De ce fait dira-t-il, l'Etat avec le ministère de la pêche a entamé un vaste programme de modernisation du secteur de la pêche et aujourd'hui, les travaux ont démarré pour mettre en place un site moderne à Ndeppé.
Des perspectives nouvelles avec le projet de modernisation
Des perspectives nouvelles s'ouvrent pour ces transformatrices de Ndeppé écoulant jusque-là leurs produits dans les grands marchés de la région de Dakar et de l'intérieur du pays. "Nous avons le savoir faire, nous créons de la richesse et des emplois", la présidente de l'association avec la conviction que leur activité continuera "de sécher des larmes". Un projet de l'Etat qui sera exécuté en sept mois va donner un nouveau visage à l'aire de transformation de Ndeppé.
"Samedi, 6 camions et 2 tracteurs étaient sur place pour dégager le surplus de sable avant d'entamer le projet d'aménagement", a noté Aïssatou Faye. "Des fours modernes avec une cheminée par où s'échappe la fumée nous ont été présentés lors d'une rencontre au ministère de la Pêche et on nous a dit que ce sont ces fours qui seront aménagés sur notre site", poursuit-elle. "Ce n'est pas un projet calé et figé au niveau central. La discussion se poursuit toujours avec les bénéficiaires car l'essentiel c'est de répondre au mieux à leur besoin en mettant le maximum de fours possibles", a annoncé le départemental des pêches. "Il y aura beaucoup de fours, des bagues aménagés pour les femmes qui travaillent le guédj, une garderie d'enfants des magasins et une infirmerie", relève la présidente parlant des caractéristiques du site avec le projet de réhabilitation.
"Les agents de l'Etat perçoivent leur salaire que la mer soit bonne ou pas donc c'est à nous de travailler si l'Etat envisage de nous accompagner", s'est-elle encore convaincue saluant les efforts déployées par le ministre de tutelle Oumar Guèye. "Il sera ainsi possible d'ouvrir la voie aux exportations avec des produits répondant aux normes hygiéniques et sanitaires", prévoit ainsi Ndao. Ces dames travaillent avec Fenagie pêche qui leur ouvre pour l'heure quelques marchés. "Nous avons déjà une unité d'emballage pour les produits destinés à l'exportation", assure la présidente, optimiste quant au devenir de l'activité.
"C'est l'objectif qui est visé aujourd'hui parce que à travers cette méthode traditionnelle de transformation il est très difficile d'exporter ces produits qui ne répondent pas aux conditions sanitaires et d'hygiène mais, avec l'installation du site moderne qui va s'aligner aux besoins mais aussi aux conditions requises d'hygiène et de qualité nous osons espérer que les femmes d'ici pourront exporter leurs produits. La valeur ajoutée va suivre parce que même avec ces conditions dans lesquelles elles travaillent elles sont tellement expérimentées qu'elles arrivent à faire des produits de qualité qui sont vendus même dans la sous-région. Si elles ont un site adéquat, elles peuvent exporter vers les marchés européens et pourquoi pas asiatiques", a soutenu El Hadj Mamadou Ndao.
Le site "Domaine Beu" est en avance dans le département pour avoir été aménagé quelques mois plus tôt. "C'est autour de Ndeppé et j'espère qu'il en sera bientôt le cas pour Bata et les autres sites", souhaite juste le départemental des pêches qui en note une bonne dizaine dans sa circonscription.
COUMBA GAWLO CHANTE LE MAINTIEN DES FILLES À L'ÉCOLE
En visite de terrain mercredi dernier dans l'arrondissement de Fimela pour s'enquérir des réalisations de l'Ong World Vision Sénégal au bénéfice des enfants et des femmes, la musicienne Coumba Gawlo Seck en a profité pour faire un plaidoyer en faveur du maintien des filles à l'école et contre les mariages précoces.
Les filles de l'arrondissement de Fimela dans le département de Fatick peuvent s'enorgueillir d'avoir une avocate de la trempe de Coumba Gawlo Seck. En direction des femmes qu'elle a rencontrées mercredi passé dans le village de Nobadane situé dans la commune de Loul-Séssène, la diva a fait un très fort plaidoyer en faveur du maintien des filles à l'école mais également contre les mariages précoces. "Je voudrais inviter les mamans ici présentes à laisser leurs filles le plus longtemps possible à l'école pour qu'elles soient bien instruites afin qu'elles puissent bien connaitre leurs devoirs mais surtout leurs droits" dira-t-elle d'emblée.
Prenant exemple sur elle-même, elle ajoute : "Moi qui vous parle, je viens d'une famille modeste et si mes parents ne m'avaient pas laissée à l'école, je ne serais pas la personne que vous êtes venues accueillir si chaleureusement aujourd'hui. Je ferais peut-être partie de ces enfants analphabètes, ignorant leurs droits et qui passent tout leur temps à tendre la main. Egalement, je ne ferais pas partie des personnes que l'on cite en exemple aujourd'hui à travers le monde. Pour toutes ces raisons, je vous demande une fois de plus de laisser vos filles à l'école et de ne pas les donner précocement en mariage afin qu'elles puissent obtenir des diplômes, réussir dans la vie et vous soutenir", a plaidé la star internationale.
Laquelle effectuait une visite de terrain dans l'arrondissement de Fimela en compagnie du patron de World vision (Wv) Sénégal, Andrew Catford, pour s'enquérir des réalisations faites dans cette localité en faveur de l'enfance, par cette Ong caritative. Ceci, dans le but de renforcer le partenariat qui existe déjà entre son association dénommée Lumière pour l'enfance et Wv.
Pour sa part, le directeur des opérations de Wv n'a pas manqué de se réjouir très fortement de la présence de Coumba Gawlo Seck à leurs côtés. "Nous partageons avec Coumba Gawlo les mêmes valeurs en faveur de l'enfance et de la femme. A Wv, nous avons élaboré une stratégie nationale avec comme objectif principal d'améliorer le bien-être de 8 millions d'enfants dans la période 2016-2021. Cela on ne peut pas le faire en solo. Vous pouvez le faire avec des gens engagés dans la même cause. Et nous avons trouvé en Coumba Gawlo une dame de cœur qui a non seulement utilisé sa musique pour défendre la cause de l'enfant et de la femme mais également a créé des outils pour faciliter cela à savoir sa radio (Fem Fm) et l'association Lumière pour l'enfance. Donc c'est une partenaire stratégique avec qui nous pouvons faire beaucoup de choses", a soutenu Diégane Ndiaye.
Ce dernier a, par ailleurs, renseigné que Wv a permis le parrainage de 69 mille enfants à travers le Sénégal dont 3 mille dans la commune de Loul-Séssène et 1800 dans celle de Fimela.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, ALYMANA BATHILY
JEANNE MARTIN CISSÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - Parcours d'une militante africaine
Alymana Bathily, Éditorialiste de SenePlus |
Publication 24/02/2017
Cette dame qui s'est éteinte ce 21 Février 2017 à l'âge de 91ans a été la première femme au monde à présider le Conseil de Sécurité des Nations Unies. C'était en 1972. C'est connu.
Mais beaucoup de faits marquants de la vie de cette femme, dont certains ont déterminé le cours de l'histoire de l'Afrique, sont encore peu connus.
En voici quelques-uns.
On ne sait pas par exemple, même au Sénégal, qu'elle a vécu dans ce pays, une grande partie de sa vie.
D'abord comme pensionnaire de la fameuse Ecole Normale de formation d'institutrice de Rufisque de 1940 à 1944 (Sa promotion précéda celle de Madame Annette Mbaye D'Erneville et de Mariama Ba l'auteur d'Une Si Longue Lettre). Puis de 1948 jusqu'en 1958, à l'indépendance de la Guinée.
Pendant cette période elle enseigne à l'Ecole des Garçons de la Médina (actuelle Ecole ALASSANE Ndiaye Alou) et milite à l'Union Démocratique du Sénégal (USD), section du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) dont elle était membre depuis 1947.
Elle cite parmi ses camarades de l'UDS de cette époque Doudou Gueye, Abdoulaye Guèye, James Benoit, Thierno Ba, Rose Basse, Tiombé Samb, Maguette Diop..
Elle fut à la base des premières organisations de femmes au Sénégal, en l'Afrique de l'Ouest et en Afrique.
D'abord en participant en Octobre 1954 au congrès de la Fédération Démocratique Internationale des Femmes (FDIF) à Asnières en France, comme déléguée de l'Union Démocratique du Sénégal. Puis en participant à la création en 1955 de l'Union des Femmes du Sénégal à côté notamment de Khady Sall, Thiombé Samb, Fatou Diarra, Virginie Camara, Aida Sarr Diop…
Puis dès 1958 elle travaille déjà, avec notamment Marthe Ouandié (épouse du leader de l'Union des Populations du Cameroun Ernest Ouandié et de Margeret Wambui Kenyatta , fille et non épouse de Jomo Kenyatta), à la création d'une fédération des femmes africaines.
Cette fédération ne verra le jour que le 27 juillet 1962 au Tanganyika, actuel Tanzanie. Toutes Les femmes d'Afrique, de l'Ouest, du Centre, du Nord et même des territoires d'Afrique Australe alors colonisés, y sont représentés.
Pour en arriver là, Jeanne Martin Cissé aura contribué à mettre en place d'abord l'Union des Femmes de l'Ouest Africain (UFO) constitué à Bamako le 23 juillet 1959 et qui comprendra pour la première fois, à côté de déléguées de pays francophones, celles du Ghana, du Nigeria, de la Sierra Leone et de la Mauritanie.
Puis elle travaillera à l'élargissement de l'UFO en organisation continentale qui sera actée par un congrès à Tunis en 1962.
En tant que présidente du Conseil de Sécurité des Nations Unies en 1972, Jeanne Martin Cissé aura permis la reconnaissance internationale des mouvements de libération d'Afrique en assurant le leadership du groupe africain qui obtiendra le statut d'observateur aux Nations Unies pour le PAIGC de Guinée Bissau et du Cap Vert, le FRELIMO du Mozambique et MPLA d'Angola.
C'est en grande partie grâce à elle et Salim Ahmed Salim alors représentant permanent de la Tanzanie que l'Afrique donnera 26 voix (le plus important bloc de voix de l'organisation) à la République Populaire de Chine qui sera ainsi reconnue le 25 octobre 1971 comme membre permanent des Nations Unies.
En 1969 elle introduit Stokely Carmichael alors Premier Ministre des Black Panthers auprès de Sékou Touré qui lui donne la nationalité guinéenne et nomme la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba son épouse porte-parole de la délégation de la Guinée aux Nations Unis. La Guinée établit ainsi après Kwame Nkrumah le lien entre les luttes des Africains Américains et celles des Africains. La Guinée dans le même temps donne une visibilité sans précédent à la lutte des Sud-Africains et au Congrès National Africain (ANC).
Ministre de l'Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l'Enfance de 1976 à 1984, elle contribue avec les organisations des Nations Unies et avec la Norvège et la Suède à l'organisation de l'année internationale de l'enfance en 1979.
Elle tente de mettre en place à l'instigation du Président Sékou Touré une institution de prise en charge des plus pauvres…
En Avril 1984 à la suite de la mort de Sékou Touré et après le coup d'état de Lansana Conté elle est arrêtée et détenue, jusqu'en mai 1985, puis libérée sans avoir été jugée,
Elle vit à Dakar de 1985 à 1989. Le Président Abdou Diouf lui délivre un passeport diplomatique sénégalais. Elle reçoit le prix Aline Sitoe Diatta de l'organisation féministe Yewu Yewi.
Elle vit ensuite auprès de ses enfants aux Etats Unis de 1989 à 1998. Elle étudie pendant cette période et obtient un diplôme d'anglais.
En 2006 elle participe avec la veuve et les enfants de Sékou Touré à la première conférence des Clubs Ahmed Sékou Touré à Bamako.
2009 : elle publie aux éditions l 'Harmattan son autobiographie qui est non seulement un compte rendu des moments les plus marquants de sa vie, au plan personnel et au plan politique, mais une description vivante de toute une époque.
Dakar, 24 fév (APS) - Le Groupe AllAfrica Global Media, dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la femme, organise le 7 mars prochain à Bamako (Mali), une journée de réflexion sur le thème : "L’autonomisation économique des femmes et accès des filles à l’école : vecteur de l’émergence en Afrique".
Cet évènement est organisé en partenariat avec le Groupe de travail de haut niveau du Secrétaire général des Nations unies pour l’autonomisation économique des femmes (UNHLP), indique un communiqué parvenu à l’APS
"Après les deux premières éditions tenues à Dakar et couronnées de succès, et grâce aux contributions utiles notées en faveur de la lutte pour l’épanouissement de la gent féminine africaine, AllAfrica a décidé cette année 2017, pour la première fois, de délocaliser la célébration de la Journée internationale de la femme dans la capitale malienne", précise le texte.
La rencontre de Bamako tournera essentiellement autour des questions relatives aux voies et moyens d’accroître l’autonomisation économique des femmes, voire comment favoriser leur accès aux ressources et outils économiques, notamment à l’emploi, aux services financiers, et non financiers (fonciers et formation), renseignent les organisateurs.
Mais, l’édition de cette année portera, également et surtout, sur les réponses à la question fondamentale : Comment l’autonomisation économique des femmes et l’accès à l’éducation des filles peuvent aider l’Afrique à être émergente ?, ajoutent-ils.
"Au terme de la rencontre de Bamako 2017, le Groupe All Africa décernera des prix à des femmes leaders qui se sont distinguées dans leur domaine", indique le communiqué.
"Mme Aminata Maïga Keïta, l’épouse du chef de l’Etat malien, recevra un Prix d’honneur AllAfrica. Une distinction qui est la reconnaissance de la force tranquille. Son dynamisme transparait à travers son ONG +Agir+ qui apporte sa pierre à l’édification du pays’’, lit-on dans le texte.
Le Prix AllAfrica Leadership Féminin sera décerné à cinq femmes africaines qui se sont distinguées par leur volonté et leur engagement à servir en modèle pour susciter le désir de réalisation chez les filles et les femmes du continent.
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JE N'AI PAS ENCORE ÉCRIT DE CHANSONS EN WOLOF, MAIS ÇA ARRIVERA
Au sortir de son concert de samedi dernier à l’Institut français de Dakar, Awa Ly était la star que tout le monde voulait approcher, toucher. Auréolée de toutes parts, elle recevait encore des félicitations du public qui tenait à immortaliser ces instants, avec une prise de photos, des autographes sur un Cd fraîchement acheté, sur une brochure de l’Institut français qui porte son image, sur le bras, pour les plus téméraires. Certains vont même jusqu’à lui proposer de faire une autographe sur la manche de leur boubou. Avec son feutre, Awa écrivait des noms, des bouts de phrases et apposait sa signature. L’instant selfie passé, la diva pouvait enfin dîner et accorder une interview.
Qui est véritablement Awa Ly ?
Je découvre encore qui est Awa Ly (rires). Je suis une chanteuse, actrice à mes heures perdues, Sénégalaise, Française, Italienne, citoyenne du monde.
Qu’est-ce qui fait la particularité de votre style musical?
Le style particulier, c’est justement le fait qu’on ne puisse pas mettre une étiquette ou un label sur ce que je fais. C’est un mélange de folk, de pop, de jazz et de blues des fois. Tout un chacun selon sa sensibilité retrouve plus du folk, du jazz, du pop ou du blues, selon ce qu’il est et a envie d’entendre. Mais je suis très heureuse qu’on ne puisse pas mettre une étiquette ou un label sur ce que je réalise.
Je veux pouvoir être libre de chanter ou de faire la musique dont j’ai envie, au moment où j’en ai envie sans me sentir enfermée dans une cage. Que ça soit celui du jazz ou du rock ou peu importe.
Où est-ce que Awa Ly a appris à chanter et à jouer toutes ces musiques qui séduisent tous les publics à travers le monde?
Je n’ai jamais pris de leçons de chants. C’est quelque chose que j’ai en moi. C’est comme un don. C’est inné ! Chacun de nous a un don. La chanson, la musique, c’est ma chose. J’essaie comme je peux de développer ce don que j’ai en moi. Je crois fortement que Dieu nous donne à chacun des dons et c’est à nous de faire en sorte qu’ils ne soient pas donnés en vain. C’est encore work in progress !
A partir de quel moment avez-vous senti ce don en vous ?
J’adore chanter depuis toute petite. Déjà à l’école primaire, mes camarades me demandaient de leur chanter, à la récréation. Après, c’est vrai que j’ai fait mes études en commerce international, rien à avoir avec la musique. Je n’étais pas partie pour devenir chanteuse. Dans le temps, je ne pensais pas pouvoir en faire ma passion, mon métier.
Les parents étaient toujours inquiets. Ils veulent qu’on étudie d’abord. C’est ce que j’ai fait. Mais à un moment donné, la musique a pris le dessus. C’est seulement, il y a une dizaine d’années que j’ai commencé à devenir une chanteuse professionnelle. Mais ce changement s’est fait naturellement, sans forcer. Les premières personnes avec qui j’ai chanté, ce sont des amis musiciens avec qui j’ai participé à plusieurs spectacles à Rome. Doucement, doucement j’ai pris mon courage à deux mains et je me suis lancée.
C’est la première fois que vous venez vous produire au Sénégal ?
Je suis déjà venue au Sénégal, en étant petite pour des vacances scolaires. Il paraît que j’ai appris à marcher ici avec ma grand-mère. Dès que je peux, je viens au Sénégal parce que j’ai beaucoup de familles ici, et j’aime revenir, me ressourcer. J’ai célébré mon mariage ici aussi.
C’est donc votre première prestation à Dakar en tant qu’artiste. Comment trouvez-vous l’accueil du public sénégalais ?
Oh là, là, là ! C’est fantastique ! Fantastique ! J’ai trouvé un public attentif, curieux, chaleureux, et participatif. Je suis très heureuse et très touchée de l’accueil au Sénégal. Je suis tellement reconnaissante que je ne trouve pas les mots pour dire toute ma reconnaissance. Je remercie tous ceux qui sont venus voir mes concerts à Dakar et à Saint-Louis, en espérant qu’il y aura d’autres occasions Inch’Allah de pouvoir revenir.
De manière générale, quelles sont vos impressions sur le Sénégal ?
C’est un pays très actif, très proactif, c’est un Peuple qui aime et cherche la paix. Notre rapport à la Gambie a été très fort, on a montré le bon exemple. Et on est un exemple pour d’autres pays d’Afrique et pas seulement. C’est pour cela, j’aimerais qu’on retrouve la sérénité d’antan.
J’entends des choses que je n’entendais pas avant sur des violences étranges à l’intérieur du Sénégal.
Il faut absolument qu’on retrouve cette paix qui existait. Pour cela, il faut que tout un chacun fasse son introspection et commence à faire ce changement par soi-même, d’éducation, de respect des uns des autres.
Dans une de vos interviews, vous disiez avoir quelques appréhensions en ce qui concerne ce concert au Sénégal. De quoi aviez-vous peur ?
Oui ! Comme c’est la première fois que je viens jouer dans mon pays d’origine, ce n’est pas... (Elle ne termine pas sa phrase). Les gens m’ont vu jouer sur Youtube ou sur le net, mais ne m’ont jamais vu en live. Je ne savais pas trop... c’est vraiment un genre métisse avec beaucoup de... Même s’il y a sur l’album des apports de musiques africaines et ouest africaines. Parce qu’il y a la kora, du djembé qui y est aussi. Mais ici en live, on était en quartet et c’est très loin du mbalax, même si je n’en écoute pas mal. Mais il y a beaucoup d’artistes folk que j’admire ici. Je savais qu’il y a de la place pour ce genre de musique, comme Yoro Ndiaye, Julia Sarr, et Fadda Freddy qui était avec nous ce soir (Ndlr : samedi dernier). Au début, j’étais très heureuse, un peu nerveuse aussi, mais les deux soirées m’ont montrée qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir.
Composé de 10 titres, votre album Five and feather que vous avez présenté ce soir (Ndlr : samedi dernier) au public sénégalais signifie littéralement «Cinq et une plume». Quel est le sens de ce titre?
Cinq et une plume, c’est un titre que j’ai choisi exprès, très cryptique et très mystérieux. Parce que je voulais qu’à la suite de l’écoute de ces 10 chansons, que tout un chacun puisse se faire une idée de cette formule magique. Five and feather, je pense que c’est une formule magique. Il y a beaucoup de choses qui se dénombrent par le chiffre 5 dont les cinq doigts de la main, les 5 dimensions, les 5 émotions (sens) et la plume pour écrire. C’est l’élément qui te fait arriver au 6e sens... Mais j’aimerais bien que les lecteurs du journal Le Quotidien, en écoutant l’album, me donnent, eux, leur définition.
Quand on écoute les thématiques abordées sur cet opus, elles parlent plus d’amour. Que représente pour vous l’amour ?
Tout ! L’amour ça représente tout, tout. Comme je disais tout à l’heure sur scène, l’amour c’est la base. C’est ce qui fait que tu te réveilles le matin, que tu vis ta journée et qui fais que tu es avec les personnes qui t’entourent le plus possible. C’est ce qui te fait vivre, même dans le travail. La passion pour le travail, c’est l’amour. L’amitié est une forme d’amour aussi.
Il y a autant d’êtres qu’il n’y a d’amour sur cette planète. C’est essentiel. Sur cet album, je parle essentiellement d’amour. De différentes sortes d’amour. Il y a le coup de foudre, l’amour fou, une séparation tragique, l’amour pour l’humanité (Here), Friendship (amitié). Ce n’est pas toutes les formes d’amour certes, mais l’album en présente quelques belles facettes.
Mis à part l’amour, vous parlez aussi du drame migratoire dans Here (ici) ? Une thématique assez particulière. Quel regard portez-vous sur la migration des jeunes africains ?
J’ai mal, j’ai mal, j’ai mal, pour mes frères et sœurs qui recherchent quelque chose qui leur est dû en quelque sorte. Ce n’est pas parce que tu es né quelque part que tu as un petit bout de papier qui te dis : «Toi tu peux aller ici, ou là que c’est juste.» Ce n’est pas juste du tout. Je sais qu’il y a beaucoup de raisons économiques, politiques, sociales... mais la première chose qu’il faut retenir, c’est que l’homme naît libre, il doit pouvoir être libre pour pouvoir aller là où il veut, quand il veut, sans devoir rendre de compte à personne. De trouver des solutions comme cela, c’est-à-dire risquer sa vie au point de... Je trouve cela dramatique. Justement, quand tu fuis la guerre et que tu veux sauver ta vie et la vie des tiens et que tu meures en la recherchant... Le manque d’empathie me blesse énormément.
Vous faites intervenir plusieurs artistes dans cet album à l’instar de Balaké Cissokho (Kora), Faada Freddy...
Oui, il y a le violoniste chinois qui joue de l’eru, le contre-bassiste américain, Faada Freddy à la voix. Oui, j’ai eu la chance d’avoir beaucoup d’artistes très talentueux, qui sont venus partager sur cet album Five and feather. Je ne les remercierais jamais assez.
Dans l’album vous trainez votre public de l’anglais à l’italien en passant par le français, le wolof un peu...
Oui il n’y a que des chansons en anglais. J’ai fait mes études aux Etats-Unis, donc j’ai plus de facilité à écrire en anglais. En anglais on peut avec très peu de mots, exprimer beaucoup de concepts et avoir plusieurs niveaux de lecture. J’ai écrit des chansons en italien, français, wolof pas encore. Mais ça arrivera inch’Allah.
Vous comprenez bien wolof ?
«Degg na wax bi mo diafé» (Elle répond avec un séduisant accent anglophone. (Ndlr : je comprends bien le wolof, mais je m’exprime mal). Quand tu me dis : «Kay ma rayla» (Ndlr : Viens que je te tue), je ne viens pas (rires).
Vous étiez à Saint-Louis vendredi dernier. On organise chaque année le Festival international de jazz dans cette ville. Avez-vous noué des contacts avec les organisateurs de ce festival pour une éventuelle participation ?
Oui ! J’ai vu les organisateurs. Pour cette année, ils m’ont invitée mais ça tombe en plein milieu de ma tournée allemande. Je ne peux malheureusement pas participer à cette édition. Mais j’espère pouvoir le faire l’année prochaine.
Sur votre album, vous avez chanté avec Faada Freddy. Y a-t-il d’autres artistes sénégalais avec qui vous aimeriez partager une chanson dans vos futurs albums ?
Oui ! J’ai parlé de Yoro Ndiaye que j’aime beaucoup. J’aime beaucoup Daara-ji, avec Ndongo D avec qui j’aimerais aussi pouvoir collaborer. Avec Julia Sarr. Avec Xuman, j’aimerais beaucoup.
Quelles sont vos prochaines dates ?
A la fin de la semaine prochaine, je vais donner deux concerts à Casablanca, ensuite, en France. L’album Five and feather sort à la fin du mois en Allemagne et j’ai une tournée prévue dans ce même pays au mois d’avril. J’irai au mois d’avril au Cap-Vert pour le Créole jazz festival. J’espère du fond du cœur pouvoir revenir au Sénégal le plus rapidement possible Inch’Allah.
Un dernier mot en wolof.
«Nouyouna niep, dieureudieuf ci sama biir xol.» (Je salue tout le monde et je les remercie du fond du cœur).
LE RIF RENFORCE LES CAPACITÉS DE 40 ANIMATRICES ET JOURNALISTES
FATICK - Collecte et traitement d'informations sensibles au genre dans des médias communautaires
Quarante animatrices et journalistes des médias communautaires venant des régions méridionales, centrales et septentrionales du pays ont bénéficié la semaine dernière à Fatick d'une formation de trois jours sur la collecte et le traitement d'informations sensibles au genre ainsi que sur le suivi des programmes et l'évaluation de leur impact.
A en croire Mme Bedy Mbow Konté, présidente de la section sénégalaise du Réseau international des femmes (Rif) de l'Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (Amarc), cet atelier de formation vise à renforcer les capacités des participants par la maîtrise du concept de genre, les enjeux des droits humains et implication des Vbg et leur prise en compte dans la collecte et le traitement de l'information.
Au terme de cet atelier, assure Mme Konté, le Rif va développer une vaste campagne d'informations sensibles au genre sur l'impératif d'éradiquer les Vbg, la promotion des droits humains et l'inclusion sociale des femmes et des filles. De plus, «les meilleures productions des femmes seront compilées et mises à la disposition des membres afin d'avoir de la matière sur le concept genre au sein des radios», soutient-elle.
Les populations rurales de la région de Tambacounda, surtout les femmes, commencent à avoir accès à l'énergie grâce à l'Ong Energy 4 impact qui développe des mécanismes d'accès très allégés des ménages à des lampes, des frigos solaires et autres foyers améliorés contribuant grandement à la lutte contre la dégradation de l'environnement et à une meilleure santé de ces dernières.
L'Ong Energy 4 impact a impacté "positivement" la vie des populations rurales et même de certains ménages dans la commune de Tambacounda. Grâce à son projet dénommé "Opportunités pour les femmes dans le secteur énergétique", les ménages des zones rurales ne s'éclairent plus à la lumière des bougies, lampes à pétrole ou autres bouses de vaches, souvent très nocives à leur santé, du fait du Co2 qu'elles dégagent. Le projet leur a apporté des lampes solaires durables et accessibles à toutes les bourses. Mieux, dans certaines localités, il y est même installé des frigos modernes qui fonctionnent grâce à l'énergie tirée du soleil.
A Sinthiou Mamadou Boubou, localité située dans le département de Goudiry, où une équipe de l'Ong s'est rendue la semaine dernière, les femmes ont apprécié l'apport du projet. Abassatou Nguette, présidente du groupement Dental rewbe et porte-parole des femmes, n'est pas allée par 4 chemins pour dire toute l'importance du projet. "Depuis la création du village, nous n'avons jamais eu de l'électricité. Aujourd'hui, grâce au projet, nous avons des lampes solaires qui ne coûtent pas cher et éclairent bien nos foyers. Chaque famille s'en est procurée et ne le regrette pas. Avec les lampes, on cuisine le soir sans grosses difficultés et mieux, elles permettent à nos enfants de pouvoir mieux étudier le soir sans risque de voir leurs yeux atteints. C'est vraiment une avancée", se réjouit la dame.
Cependant, souligne la président du groupement Dental rewbe, le stock dont elle disposait est épuisé. Les populations se sont rendues compte de leur utilité et en demandent encore. Oumy Ngom du Gie Ceesiri de Tambacounda embouche la même trompette. Active dans la transformation de produits céréaliers avec son groupement de plus d'une trentaine de membres, elle indique que son Gie qui s'est procuré de foyers améliorés ne se plaint plus. "Aujourd'hui, grâce à ces fourneaux modernes et très innovants, nous préparons le double de ce que nous préparions avec les fourneaux traditionnels. Et cela, avec une consommation moindre en charbon ou en bois. Aujourd'hui, avec ces fourneaux, on peut même être bien habillée pour préparer, car la fumée qui est nocive pour la santé ne se voit plus et le temps de cuisson est devenu moins long avec moins d'énergie dépensée", témoigne Mme Ngom.
Les lampes, une alternative aux coupures récurrentes de courant
Les lampes ne sont pas seulement utiles en milieu rural. Dans la ville, les femmes du groupement Ceesiri qui en ont acheté se frottent les mains. "Aujourd'hui, même s'il y a coupure de courant, notre travail continue de plus belle grâce aux lampes solaires. Elles ont une bonne lumière et n'exigent aucune dépense, car l'énergie qu'elles utilisent émanent du soleil et notre région en a à suffisance. Auparavant, il nous arrivait de rester des heures à attendre le retour incertain de l'électricité pour redémarrer nos activités pendant la nuit. Mais avec l'avènement des lampes, ces contraintes sont révolues", se félicite la présidente de Ceesiri.
Ces femmes ne sont pas les seules à saluer l'importance de ces lampes solaires. L'infirmier chef de poste de Thiara, localité perdue dans la forêt, informe qu'il leur arrivait "d'accoucher les femmes la nuit, en allumant des bougies, des lampes tempêtes ou parfois même avec la lumière des portables. C'était vraiment difficile"."Maintenant avec ces lampes solaires amenées par Energy 4 impact, c'est une véritable révolution. Nous travaillons maintenant les soirs sans aucune difficulté et parvenons à bien accoucher les femmes", soutient Abdoulaye Issaga Sy, Icp de Thiara.
Thiara doté d'un frigo solaire
Trouver de l'eau fraîche ou avoir une boule de glace était jadis un vrai parcours du combattant dans cette localité, car il fallait parcourir 9 km pour arriver à Bala, chef-lieu de la commune, pour pouvoir acheter une boule de glace ou boire de l'eau fraîche. Grâce aux frigos solaires d'Energy 4 impact, les populations de Thiara boivent maintenant de l'eau fraîche à volonté. Un grand changement, selon un ancien émigré en France. "Il y a de cela quelques années encore, c'était inimaginable", dit-il, joyeux. "Et c'est ça le développement, l'émergence", renchérit ce sexagénaire.
Ce frigo solaire est géré par Ourèye Sow. "Energy 4 impact l'a emmené dans le village et je me suis engagée pour le prendre. Grâce au frigo, je parviens à payer la dette et garder beaucoup d'argent. C'est la meilleure activité génératrice de revenus que je n'ai jamais eue", martèle Mme Sow. Cette dame évoluait dans le petit commerce qui ne lui permettait pas de gagner grand-chose. Mais avec l'appareil, elle parvient à tirer son épingle du jeu. "J'arrive à payer les 52 mille francs Cfa du projet et garder beaucoup d'argent", se réjouit Ourèye qui dit cependant en appeler à la réaction urgente des responsables du projet pour que le nombre de frigos soit augmenté dans le village, car toutes les femmes en demandent.
Autonomisation des femmes
Ce projet vise à renforcer l'autonomisation des femmes par le biais des énergies renouvelables, explique le directeur pays du projet, Louis Seck. Il ajoute : "Le projet encadre ici les femmes entrepreneures dans la vente des produits énergétiques comme les lampes et frigos solaires, mais aussi les foyers améliorés. Nous les encadrons dans l'usage productif de l'énergie." Il s'agit là, poursuit l'ancien ministre des Energies renouvelables sous Wade, "d'accompagner les femmes à pouvoir utiliser l'énergie pour des activités productives, en vue d'augmenter leurs revenus et leurs productions".
Mieux, renchérit M. Seck, le projet contribue à la lutte contre la déforestation, l'émission de gaz à effet de serre et à la promotion de la santé des femmes et de leurs enfants. Sur le choix des femmes, l'ancien ministre sous le Président Wade estime qu'il est beaucoup plus facile de passer par les femmes pour tendre vers un développement durable. En plus, elles sont les plus vulnérables et méritent beaucoup plus de soutien et d'accompagnement.
Il y a un an s'en allait Aminata Sophie Dièye. Une belle plume, fascinante, à bien des égards. Une plume célébrée depuis par le petit monde des arts et lettres du Sénégal, qui s'est sentie amputée d'une partie de lui-même. En ce triste premier anniversaire où témoignages et éloges se succèdent, Ouestaf a choisi de vous proposer ce texte d'une de ses proches amies , qui refuse encore de lui dire adieu. Et de quelle manière. Bonne lecture.
"Pour celui qui comprend les mystères du monde,
La joie et la tristesse sont identiques ;
Puisque le bien et le mal doivent tous deux finir,
Qu'importe que tout soit peine, à ton choix, ou que tout soit remède."
Omar Khayyam
Un an que tu es partie, ma chère Aminata Sophie, "ma mère"...
De bonnes âmes amies, tes familles de cœur, se sont organisées pour te rendre hommage à partir de ce vendredi 17 février 2017. Pour prier pour toi, rappeler au monde ton souvenir. Actuellement hors du Sénégal, je me joins à elles par la pensée. Qu'elles en soient remerciées.
Comment vas-tu depuis l'année dernière ? As-tu gardé tes grands éclats de rire ? Ecris-tu toujours ? As-tu retrouvé ta mère ? Lucio ? Khady ? Djibril Diop Mambéty ? As-tu rencontré Rûmî et Omar Khayyam ? Ah, comme j'aimerais t'entendre raconter ces retrouvailles et rencontres !
Et j'aurais profité de l'occasion pour partager avec toi un texte qui t'aurait peut-être fait sourire - voire dont on aurait ensuite reparlé en en riant -, d'un auteur américain épatant ("épatant", parce que ça sonne aussi comme éclatant et que ça te ressemble). Il s'appelle William Sydney Porter mais il signe O. Henry. Dans une de ses nouvelles ("Le manuel du mariage", Contes du Far-West, domaine public), il met en scène deux amis coincés pendant un mois par une tempête de neige dans une cabane de moins de deux mètres carrés et qui sont sauvés de leurs envies de meurtre mutuel par deux livres poussiéreux dénichés sur une étagère.
Le choix se fait à la belote. L'un, Sanderson Pratt, gagne un Manuel universel des sciences pratiques, l'autre, Idaho Green, Les Quatrains (Rubayat ou Rubaiyat) d'Omar Khayyam. Pratt n'arrête pas de se moquer de Green, tombé sur ce mal nommé d'"Homard" qui serait meilleur dans une assiette qu'avec des mots. Et Green vante "tout ce qu'il y a de riche" dans la prose de l'écrivain et savant persan semblant de prime abord être "une espèce de commis voyageur en vins et spiritueux". O. Henry brode des scènes cocasses avec les conséquences, pour les deux hommes, de leurs lectures imposées finalement par le hasard. Par exemple, une dame de la bonne société que courtisent Pratt et Green s'offusque parce que Green ne fait que lui "réciter des poèmes irréligieux d'une certaine personne qui s'appelle Ruby Hat et qui doit être une femme de mauvaise vie".
Ah, les livres et le hasard ! A notre rencontre, un jour de 1999, premier jour de mon stage au quotidien Walf, tu m'as parlé d'Omar Khayyam parce que tu m'as vue avec Le prophète de Khalil Gibran, tu te rappelles ? Le hasard... Existe-t-il, d'ailleurs ? A moins que ce soit, pour emprunter ses mots à Felwine Sarr, "comme si quelqu'un guidait mes rencontres et traçait mon chemin à travers les livres. Et ce quelqu'un" serait "le grand instructeur" ("Le Texte et les textes", Dahij, Editions Gallimard, 2009).
Les livres, les écrits, tes mots. Ta vie, Aminata Sophie Dièye. Je ne me résous pas à te dire adieu. Comment te dire adieu… Ce n'est pas une question, c'est une réflexion. Tu penses à la chanson, j'imagine ? Moi aussi, mais pas la version avec Françoise Hardy. Prends plutôt celle avec Jimmy Somerville parce qu'elle est dansante, légère. Parce qu'on ne comprend rien aux paroles, on dirait du yaourt. Oh et puis on s'en f…, n'est-ce pas ?
J'espère qu'ils sont nombreux à prendre soin de toi, là où tu es. En tout cas, sache que tu as été aimée, ici. Sûrement maladroitement, et certainement silencieusement par beaucoup, mais tu as été aimée. Ca me fait penser à ces mots lus dans le journal français Libération du 27 décembre 2016 en hommage à George Michael, avec une de ses chansons, You Have Been Loved (Tu as été aimé), triste au possible (mais enfin, "la joie et la tristesse sont identiques"…). Cette chanson évoque une femme ayant perdu le fils qu'elle a eu, selon les paroles, après avoir livré tant de batailles. Les mots d'épitaphe pour George Michael disent simplement : "Alors, mec, ne l'oublie pas, +You Have Been Loved+. C'est tout ce qui compte."
Voilà. Toi aussi, ne l'oublie pas, d'accord ?
Coumba Sylla est Journaliste
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"FÉLICITÉ" SACRÉ
Grand prix du jury pour l'unique film africain de la Berlinale
L'unique film africain en compétition à la Berlinale, "Félicité", portrait d'une chanteuse de bar à Kinshasa se battant pour son fils, a remporté samedi le Grand prix du Jury.
"C'est un film sur nous, le peuple, nous sommes beaux, nous pouvons aimer ce que nous sommes", a lancé lors de la remise du prix son réalisateur, le franco-sénégalais Alain Gomis, déjà venu à Berlin en 2012 avec le remarqué "Tey" ("Aujourd'hui).
Dans "Félicité", son quatrième film, il brosse le portrait d'une mère courage, qui après son boulot de chanteuse dans un bar tente le tout pour le tout pour amasser la somme nécessaire à l'opération de son fils victime d'un accident.
"Félicité" a été tourné dans la capitale congolaise et suit le quotidien de ses habitants, des hôpitaux aux marchés de Kinshasa, mais se refuse à toute dimension sociologique ou documentaire, malgré le contexte politique tendu en République démocratique du Congo (RDC).
"C'était difficile de faire ce film. Ca a été une année difficile en RDC", a souligné le réalisateur, évoquant notamment les élections.
Le report de l'élection présidentielle, en raison du maintien au pouvoir du président Joseph Kabila malgré l'expiration de son mandat a enflammé le pays et donné lieu à de très violents affrontements.
"J'ai l'impression que le moment est important" pour le cinéma africain, avait souligné Alain Gomis lors de la présentation de son film à la Berlinale.
Le film produit en partie par la France et le Sénégal sera aussi en compétition au Fespaco, le festival panafricain du cinéma qui se tient fin février à Ouagadougou
"Je vois arriver une génération de réalisateurs qui n'a jamais été au cinéma car il n'y a plus de cinémas" sur le continent africain, a-t-il déploré.
Samedi soir, remportant avec lui, le grand prix du Jury, l'Ours d'argent, le cinéaste a notamment plaidé pour un financement plus généreux du cinéma des pays africains