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30 novembre 2024
Femmes
LES FEMMES DE LA CASAMANCE PREOCCUPEES PAR LA MONTEE DE LA TENSION POLITIQUE
La célébration de la journée du 8 mars a été l’occasion pour Ndèye Marie Diédhiou, la présente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, d’exprimer les inquiétudes des femmes de la Casamance
Jean DIATTA correspondant permanent à Ziguinchor. |
Publication 09/03/2023
La célébration de la journée du 8 mars a été l’occasion pour Ndèye Marie Diédhiou, la présente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance, d’exprimer les inquiétudes des femmes de la Casamance par rapport à la tension qui ne cesse de monter en flèche au Sénégal. Une tension, marquée, selon elle, par des violences physiques et verbales qui mettent en péril tous les secteurs de la vie des populations, ce qui, à son avis, n’honore pas du tout le Sénégal.
‘’Je voudrais saisir ce moment solennel pour exprimer, au nom du Comité Consultatif de la Femme, notre inquiétude par rapport à la tension sociale et politique actuelle qui plane sur le pays… De plus en plus, des violences physiques et verbales assombrissent le tableau culturel, social, politique et religieux de notre cher Sénégal. Ces actes n’honorent point notre pays, réputé pour ses belles convenances sociales et sa Teranga élégante. A ce sujet, il est important de rappeler que chacun a le droit de s’exprimer, mais également chacun de nous a l’obligation de respecter le choix de l’autre, et surtout de respecter nos institutions. Œuvrons tous ensemble pour bâtir une société paisible et inclusive, au bénéfice de tous’’, a-t-elle lancé.
Elle est largement revenue également sur le thème choisi cette année pour célébrer cette journée, à savoir ‘’La Protection des femmes et des filles dans les espaces numériques’’. ‘’Cette thématique a justement, pour objectif d’enseigner à bon dessein aux femmes et aux filles, l’usage approprié de l’outil numérique, afin qu’elles puissent l’intégrer avantageusement dans leurs activités, d’autant que la technologie offre des moyens multiformes pour l’autonomisation des femmes et des filles, relève-t-elle. Elle poursuit pour dire que ‘’mais, elle peut, dans le même temps, être source de divers maux pour elles, en raison des violences véhiculées sur la Toile… Il nous incombe dès lors un devoir de veille et d’alerte sur l’utilisation de l’outil informatique, ainsi que sur la nécessité d’un recadrage de cet important véhicule de communication et d’échanges. Vous conviendrez avec moi que les normes à poser devront être imposées à tous les utilisateurs sans différence de genre’’, mentionne-t-elle à ce propos. Toujours dans ce même sillage, la présidente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance a fait un très fort plaidoyer pour mettre fin aux violences sexuelles basées sur le genre en ligne.
Mettre fin aux violences sexuelles basées sur le genre en ligne
‘’Il s’agit encore et surtout d’une alerte, d’un plaidoyer, d’une sensibilisation, pour mettre fin à la violence sexuelle basée sur le genre en ligne. Fléau qui impacte de plus en plus notre société, et dont nous sommes tous victimes, principalement les femmes, les jeunes filles, les enfants et aussi les hommes. Le combat contre ce fléau passe par l’information, la formation et la sensibilisation de toutes les franges de la population. Car nous sommes tous en réalité, acteurs et victimes sans distinction. Une autre arme contre ce mal, chers jeunes, Mesdames et Messieurs, c’est le respect d’autrui, le déni du jugement non fondé, et l’éthique conformément à nos valeurs et principes de société’’, fait-elle remarquer.
Sur un autre plan, elle s’est félicitée des résultats obtenus de haute lutte par les femmes, il s’agit notamment du retour progressif de la paix en Casamance pour laquelle son organisation a toujours œuvré et d’autre part de l’adoption de la loi qui permet à un époux étranger d’une Sénégalaise d’obtenir la nationalité du pays. La paix a été facilitée par les efforts faits, de part et d’autre, l’Etat du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc), confie -t-elle. ‘’L’heure est à la consolidation de cet acquis que nous, de cette accalmie que nous vivons, les effortsfaits par les deux parties ; l’Etat du Sénégal et le Mfdc. Nous, en tant que femmes, nous devons accompagner cette dynamique pour arriver à une paix définitive en Casamance’’, appelle-telle. Par contre, pour ce qui est de l’autonomisation des femmes qui demeure un sujet très préoccupant, elle souligne que le travail qui reste à faire demeure immense pour atteindre cet objectif. Et le principal obstacle est lié aux problèmes récurrents du foncier en Casamance. Le conflit qui perdure dans la région, depuis des décennies, demeure le second facteur de blocage, souligne Madame Diédhiou. ‘’Ce conflit a tellement affaibli les femmes à tous les niveaux au point que ces femmes casamançaises que l’on connaissait pour leur indépendance économique ont perdu cette indépendance’’, déplore-t-elle. À ce sujet, elle pense qu’on doit impérativement déminer les sols de la Casamance et que ceux-ci soient répartis de façon équitable aux populations.
«L’ACCES ET LE CONTROLE D’UN FONCIER SECURISE PAR LES FEMMES EST DE NATURE A AMELIORER LA RESILIENCE DE LEURS FAMILLES»
Selon l’expert foncier Kader Fanta Ngom, Les femmes doivent être mieux accompagnées afin qu’elles puissent jouer leur partition dans l’atteinte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Les femmes doivent être mieux accompagnées afin qu’elles puissent jouer leur partition dans l’atteinte de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Parmi les mesures à prendre pour cela, il faut, selon l’expert foncier Kader Fanta Ngom, commencer par une forte vulgarisation des avancées juridiques de promotion des droits fonciers de la femme.
Alors que l’Etat semble être à fond dans sa volonté/politique d’autosuffisance alimentaire, qui peine encore à produire les résultats escomptés, force est de constater que plus de la moitié de la population (les femmes) éprouve d’énormes difficultés à accéder à la terre. Quelle est la place des femmes dans l’agriculture au Sénégal ?
La place de la femme dans l’accès au foncier agricole est ambivalente. La femme peut avoir physiquement accès au foncier, mais ne le gère pas et n’a aucune maitrise sur ces terres. Cela me rappelle cette fameuse citation du président Julius Nyerere qui disait qu’en Afrique : «la femme trime toute sa vie sur une terre qu’elle ne possède pas pour produire ce qu’elle ne contrôle pas. Et si son mariage se termine par un divorce ou la mort de son mari, elle peut être renvoyée les mains vides.»Or, il n’est plus à démontrer la place fondamentale de la femme dans la production agricole notamment en zone rurale. Selon le Plan d’action national de la femme, les femmes constituent 60% de la force de travail et assurent environ 70% de la production vivrière. Cela veut dire qu’en réalité, c’est la femme qui nourrit le monde. Ce constat se vérifie aussi au niveau international. Une étude de la FAO (2010) avait déjà publié des statistiques selon lesquelles «les femmes produisent 60 à 80% des aliments et sont responsables de la moitié de la production alimentaire mondiale». Malheureusement, elles ne tirent pas, proportionnellement à cette production, les retombées économiques adéquates. Les femmes sont en général des ouvrières et non propriétaires de ces exploitations agricoles. Elles ne maitrisent pas le principal facteur de production, à savoir la terre qu’elles mettent en valeur. Et pourtant, elles sont fortement impliquées au Sénégal dans toute la chaine de valeur agricole (transformation, commercialisation…). L’accès et le contrôle d’un foncier sécurisé par les femmes est de nature à améliorer la résilience de leurs familles respectives et de la communauté en général. La faible maitrise des principales sources de production (terres, eau à usage agricole, etc.) rend les femmes dépendantes des hommes, eux-mêmes confrontés aujourd’hui au rétrécissement du foncier dû aux accaparements fonciers et à la poussée démographique. Pour contribuer efficacement à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, les femmes doivent être appuyées à dépasser ces activités de subsistance pour la satisfaction de leurs besoins élémentaires et embrasser des activités économiques consistantes. Pour ce faire, la femme doit avoir accès à un foncier sécurisé et aménagé dans le cadre d’une production à grande échelle et une autonomisation économique pérenne. Enfin, le renforcement de la participation des femmes dans les activités agricoles et l’amélioration de leurs accès aux terres contribuent largement au développement et à la sécurité alimentaire et nutritionnelle ; d’où la pertinence de l’adoption de mesures de discrimination positive à leur égard.
Qu’est-ce qui explique que les femmes ont des difficultés à accéder à la terre au Sénégal notamment en milieu rural ?
En réalité, deux séries de difficultés peuvent être notées. Premièrement, il s’agit de la faible (voir absence) mise en application des textes juridiques favorables à l’égalité d’accès entre homme et femme et d’autre part de la persistance des pesanteurs socioculturelles. Le Sénégal a non seulement ratifié les instruments internationaux relatifs à la protection et à la promotion des droits fonciers de la femme, mais a adopté, au niveau national, un cadrage politique très favorable aux droits de la femme ainsi que des textes juridiques progressistes. Le PSE, par exemple, fait la promotion de «l’équité et de l’égalité de genre» et prévoit la prise en compte des questions de genre considéré comme un enjeu transversal pour l’ensemble des programmes de développement national. Quant à la Constitution, elle proclame, dès son préambule, le rejet et l’élimination, sous toutes leurs formes, de l’injustice, des inégalités et des discriminations. L’article 15 de la Constitution dispose que«l’homme et la femme ont également le droit d’accéder à la possession et à la propriété de la terre dans les conditions déterminées par la loi». Cela veut dire que l’accès à la possession et à la propriété foncière est érigé au Sénégal en règle constitutionnelle. Concernant la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (loi n°2004- 16), elle institue même une discrimination positive en faveur de la femme. Aux termes de son article 54, l’Etat doit assurer «la parité des droits des femmes et des hommes en milieu rural, en particulier dans l’exploitation agricole. En outre, des facilités d’accès au foncier et au crédit sont accordées aux femmes». Le cadre juridique interdit toute forme de discrimination envers les femmes. Les textes en vigueur donnent ainsi aux femmes des droits d’accès à la terre égaux à ceux des hommes. Malgré toutes ces avancées, la réalité de terrain est tout autre. Ces textes et visions politiques ne se traduisent pas en actes concrets dans la réalité. Cette volonté d’opérationnaliser l’équité et l’égalité de genre dans la distribution foncière n’a toujours pas permis de lever toutes les contraintes relatives à la question. Les statistiques révèlent que les femmes ne possèdent que 4% des terres agricoles au niveau national (IRD, 2018). L’autre série de difficultés est la persistance des pesanteurs socioculturelles qui constituent les contraintes majeures auxquelles les femmes sont confrontées dans le contrôle du foncier. Dans beaucoup de localités rurales au Sénégal, la femme accède au foncier par le canal d’un homme (mari, frère, père etc.). C’est pourquoi, on dit que la femme est encore placée sous «tutelle foncière». Son accès au foncier dépend de la volonté et des grâces d’un homme et non de la législation ou autre document de vision politique officielle. Certains, pour rejeter les droits fonciers de la femme, considère celle-ci comme une cible mobile qui peut, à tout moment, quitter le village pour aller rejoindre le domicile conjugal qui peut se trouver dans une autre localité. Donc, elle n’a pas droit là où elle habite, mais là où elle doit vivre avec son mari. Or, la famille d’accueil, également, rétorque que ce sont ses enfants qui ont droit au patrimoine foncier du mari et non la femme qui pourrait, demain (en cas de divorce ou de décès du mari), avoir un autre mari d’une autre localité. Ce ballotage de la femme est constant en zone rurale. Pour rejeter ces droits, il est dit que la femme est une cible mobile alors que le foncier est une cible fixe, donc les deux ne peuvent aller de pair. Tout ce contexte fait que les femmes sont en général exclues des assemblées où on discute des questions foncières. Pour justifier cette marginalisation foncière de la femme, des idées mystiques sont même développées, telles que la femme ne doit pas assister à ces séances au risque qu’un malheur ne s’abatte sur elle et ses enfants. Il faut quand-même avouer que certains maires développent de bonnes pratiques de promotion des droits fonciers de la femme (Toubacouta, Mbadakhoune, Tattaguine etc.), mais il ne faut pas aussi perdre de vue l’impuissance des communes rurales face au poids des coutumes portées par certains propriétaires fonciers coutumiers ou autres notabilités encore réticentes à la promotion des droits fonciers de la femme. En effet, les communes rurales, malgré leurs prérogatives d’affecter et de désaffecter, sont obligées de négocier avec les chefs de villages, les notables et/ou les propriétaires terriens, pour obtenir des parcelles à affecter aux GIE de femmes. La situation est encore plus difficile pour les femmes individuelles qui souhaitent s’investir dans la production agricole puisque, contrairement aux GIE de femmes, elles bénéficient rarement du soutien des propriétaires terriens.
La culture et l’interprétation de la religion (favorable aux hommes) n’ont-elles pas une grande part de responsabilité dans cette donne ?
A la place de la religion, je parlerais plutôt de certaines coutumes. Car, selon le système successoral musulman, la femme hérite la moitié de ce qu’hérite l’homme. Mais cette règle ne saurait s’appliquer sur les terres du Domaine National. En effet, la règlementation sur le Domaine Nation (l’essentiel des terres du Sénégal), interdit toute transaction sur ces terres dont l’héritage (art. 3 décret 72/1288). Les entraves auxquelles les femmes sont confrontées sont effectivement d’ordre social avec ces pesanteurs socioculturelles très ancrées dans le monde rural ainsi que la réticence encore manifeste de certains hommes. Dans ce même ordre d’idées, nous pouvons citer la conception patriarcale qui se définit comme l’accès prioritaire des hommes aux moyens de production et dans les prises de décisions. Ce sont donc les représentations sociales qui accordent aux hommes le maximum de chances pour accéder aux ressources, dès lors qu’ils doivent supporter les dépenses familiales.
Les textes et lois en vigueur sur le foncier favorisent-ils un accès équitable à la terre?
Sur ce plan, le Sénégal a enregistré des avancées salutaires. Les textes juridiques en vigueur sur le foncier favorisent effectivement un accès équitable à la terre. Les instruments internationaux (CEDEF, Protocole de Maputo…), sont ratifiés pour la promotion de l’accès et du contrôle par les femmes des ressources productives telles que la terre. Au niveau national, au-delà des textes fondamentaux et référentiels politiques (Constitution PSE…), plusieurs textes vont dans ce sens. La loi n°2010-11 du 28 mai 2010 sur la parité absolue Homme-Femme et son décret d’application instituent la parité dans les Institutions municipales ainsi que les Commissions techniques dont la Commission domaniale. C’est important, parce que l’essentiel des terres du Sénégal relève du Domaine National et la gestion de ces terres est confiée aux Collectivités territoriales. Malheureusement, si le respect de la parité au niveau de l’Institution municipale est acquis, tel n’est pas le cas au niveau de la Commission domaniale qui est le bras technique de la commune sur toutes les questions foncières, en termes d’investigation, d’enquête et de préparation des décisions foncières de la commune. L’objectif de cette disposition était de renforcer la participation égalitaire des femmes dans le processus décisionnel. En outre, en 2018, le ministre de l’Agriculture avait pris une importante circulaire portant réduction des inégalités genre au niveau des activités agricoles, en accordant aux femmes 15% des parcelles dans les aménagements, 20% des engrais subventionnés, 20% de semences certifiées, 10% des tracteurs subventionnés, 40% du financement et 20% de taux de représentation. Même si l’application laisse à désirer, je la considère comme une bonne initiative. Globalement, le cadre juridique interdit toute forme de discrimination envers les femmes, même si certaines dispositions devraient être revues. Par exemple, l’article 7 du décret 72/1288 dispose qu’une nouvelle demande de réaffectation de la parcelle doit être adressée au maire, dans un délai de trois mois qui suivent le décès du précédent affectataire (par exemple le mari). Les femmes jugent que ce délai est très court, en ce sens qu’il coïncide avec la période de veuvage. Et, socialement, la femme serait mal vue par la société, si elle s’occupait de telles formalités administratives pendant cette période. Ensuite, aux termes de l’article 18 du décret 64-573 portant application de la loi 64-46 sur le Domaine National, la cessation de résidence sur le terroir est une cause de désaffectation. Or, par nature, la femme est mobile et pourrait quitter le terroir pour rejoindre le domicile conjugal. Cette disposition est alors en défaveur de la femme qui serait ainsi dans une insécurité foncière constante.
Quelle politique foncière pour corriger un tel préjudice à l’égard des femmes ?
Plusieurs leviers peuvent être actionnés. Il faudra commencer par la forte vulgarisation/médiatisation des avancées juridiques de promotion des droits fonciers de la femme. Dans certains milieux en zone rurale, l’ignorance de ces textes est patente. Il faudra les traduire en termes très simples et en langues locales et tenir des émissions dans les radios locales, avec la participation de toutes les parties prenantes (élus, autorités administratives, notabilités religieuses et coutumières, chefs de village etc.). Ce qui permettra de faciliter progressivement la réduction des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes dans la distribution foncière. Dès l’instant que le foncier est une compétence transférée, les maires ont un grand rôle à jouer dans cette dynamique. Et je magnifie, au passage, les bonnes stratégies locales. Je pense notamment aux vastes campagnes de délivrance de délibérations foncières aux femmes dans certaines communes, où des négociations ont été d’abord organisées dans les ménages et auprès des autorités coutumières, dans le cadre d’un dialogue communautaire, pour recueillir les accords des différentes parties prenantes. La stratégie consistait à mettre le focus sur les arrangements locaux. Certaines communes également, pour faciliter cet accès juridique, procèdent à l’allégement ou à la gratuité des frais de bornage, pour faire sauter toute contrainte d’ordre financier dans l’accès au foncier pour les femmes. A Matam, un Projet (SAED/Coopération française) a mené des caravanes de sensibilisation auprès des chefs religieux et des autorités coutumières sur la promotion des droits fonciers de la femme rurale. Les messages positifs et de soutien ont été enregistrés et ont fait, par la suite, objet de large diffusion au niveau des radios locales. Le renforcement de l’adhésion des leaders d’opinion (coutumiers et religieux) à la reconnaissance des droits fonciers des femmes est fondamental. Ces résultats ont «libéré» les maires qui ont, par la suite, facilité les processus d’attribution de titres aux femmes. Ce qui a fait dire à certains experts, qu’il n’y a pas de problème d’accès des femmes au foncier, mais plutôt un problème d’approche. Par ailleurs, les représentants de l’Etat, de leur côté, doivent veiller à ce que la réglementation sur la parité soit rigoureusement appliquée, afin d’améliorer la gestion inclusive et paritaire du foncier, avec une bonne implication des femmes. En résumé, la politique foncière devra aussi promouvoir des sessions de formation massive sur les procédures foncières. Une étude réalisée en 2018 montre que les femmes déposent rarement des demandes au niveau des communes. Or, le dépôt d’une demande foncière est une condition substantielle avant toute délibération foncière. Je suis aussi de ceux qui pensent que la promotion des droits fonciers de la femme ne doit pas se faire avec les femmes exclusivement. Il faudra mobiliser et engager les hommes, pour un soutien et un meilleur plaidoyer des droits fonciers de la femme. Il est constaté, également, un faible taux d’alphabétisation des femmes. Ceci ne favorise pas la maitrise des procédures foncières et des voies de recours. Le taux d’analphabétisme est de 54,6% au Sénégal dont 62% de femmes (RGPHAE 2013). Cette situation réduit forcément l’accès à l’information sur les droits fonciers de la femme ainsi que les procédures pour accéder à la terre. Pour une durabilité de l’activité économique, l’accès au foncier ne doit pas être considéré comme une fin en soi. Il y a aussi des entraves d’ordre technique, avec le manque de moyens de production (équipements agricoles modernes), sans oublier les entraves financières marquées par des difficultés d’accès au crédit et enfin les entraves organisationnelles qu’il faudra corriger par un meilleur niveau d’organisation et d’encadrement des femmes. Une fois l’accès au foncier est acquis, les autres accès doivent suivre, par exemple l’accès au financement adéquat, l’accès aux équipements, l’accès au marché etc.
Considérant que l’agriculture au Sénégal est essentiellement familiale et que les revenus des femmes servent grandement à nourrir la famille et entretenir les enfants, le fait qu’elles n’aient pas accès au foncier n’accentue-t-il pas les récurrentes menaces d’insécurité alimentaire dans certaines régions du pays ?
Au Sénégal des enquêtes de terrain, portant sur l’affectation des revenus des femmes chefs de ménage, ont révélé que : - 50% de leurs ressources sont destinées aux dépenses alimentaires, 15% aux dépenses de santé, 15% à l’éducation des enfants, 10% à l’habitat, 10% aux dépenses vestimentaires (habillement et parure). Sachant que le foncier constitue le principal facteur de production pour les femmes, le fait qu’elles n’aient pas accès à cette ressource constitue naturellement un sérieux frein à l’autonomisation économique des femmes que le président de République surnomme les «héroïnes au quotidien». L’insécurité foncière ou parfois la dépossession foncière que vivent les femmes, enfonce celles-ci dans une situation de vulnérabilité, ce qui constitue une menace d’insécurité alimentaire pour toute la communauté.
Le fait qu’elles soient mises à l’écart ou presque des politiques agricoles, parce que n’ayant pas accès au foncier, n’impacte-t-il pas négativement à l’atteinte de l’autosuffisance ?
Vous me donnez ici l’occasion de saluer l’approche du PSE qui intègre les questions de genre de façon transversale dans tous les programmes publics. Cette approche est utilisée pour faire en sorte que les exigences et la situation des femmes, comme celles des hommes, soient prises en compte dans toutes les actions, dans le but d’améliorer la gouvernance foncière. Cette approche permet notamment de combattre la marginalisation foncière de la femme. Cette marginalisation impacte effectivement et négativement l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. La femme constitue une part très importante de la main d’œuvre agricole ; il est alors fondamental de mobiliser et de mettre cette main d’œuvre dans de bonnes conditions de production. Je crois que l’appui à la sécurisation foncière de cette main d’œuvre féminine est nécessaire dans la stratégie de l’autosuffisance alimentaire. Cet objectif pourrait être atteint avec la mise en place, à l’échelle nationale, de fermes agricoles génératrices d’emplois. Il faut, par contre, déplorer le fait d’affecter un lopin de un à deux hectares à un GIE composé d’un nombre important de femmes. Chaque femme se retrouve, après morcellement, avec une parcelle de taille peu viable et non rentable. Ainsi, les gains obtenus sont très en deçà des efforts fournis et cela hypothèque très souvent la pérennisation de l’investissement et entraine des abandons. Les revenus tirés de ces lopins sont très faibles pour ne pas dire nuls. Tous ces facteurs impactent négativement à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire.
Les changements climatiques ont des conséquences sur la rentabilité des productions agricoles. Pensez- vous que les femmes qui n’ont pas accès à la bonne terre peuvent développer dans ce contexte une activité qui garantira leur indépendance financière ?
Le contexte actuel n’est pas favorable, ce qui justifie la nécessité pour l’Etat d’accorder une attention toute particulière à l’autonomisation économique de la femme. Dans certaines localités, la nappe baisse, ce qui complique l’accès à l’eau au niveau des exploitations agricoles des femmes. Dans d’autres sites, c’est la salinisation qui progresse ou l’érosion côtière qui amenuise par exemple les terres utilisées par les femmes transformatrices de produits halieutiques. L’érosion côtière a réduit, dans la plupart des sites, leurs aires de travail. Bref, la dégradation de l’environnement et le changement climatique réduisent la disponibilité des ressources en terres et rendent encore plus vulnérables les femmes, déjà socialement et économiquement marginalisées. Ces conditions sont aggravées parfois par l’attribution aux femmes de terres éloignées du village, d’accès difficile et de moindre qualité. Ce qui entraine leur abandon de l’activité agricole. Il est clair que, dans ces conditions générales, la femme ne pourrait développer une activité qui garantira son indépendance économique ou financière. Ce contexte a même obligé bon nombre de femmes à se repositionner dans le segment de commercialisation de produits agricoles produits par d’autres ou à exploiter d’autres opportunités économiques qui n’offrent pas des gains importants.
LA DISCRIMINATION, L’ANALPHABETISME ET LA PAUVRETE FONT LE BOULEVARD DU MAL !
L ’accès à la terre n’est toujours pas facile pour les femmes de la région de Sédhiou. Les raisons sont à chercher dans plusieurs facteurs socio-culturels et, dans une moindre mesure, institutionnels
Très peu de femmes ont accès à la terre dans les régions du Sud et de l’Est du pays. C’est du moins ce qui ressort d’une Enquête du projet Femmes et agriculture résilientes (FAR), qui situe à seulement 13% le nombre de femmes ayant accès au foncier dans le Sud et l’Est du pays. C’est le résultat d’une discrimination dans la répartition des parcelles, sur l’autel de pratiques culturelles obsolètes, et l’analphabétisation chronique qui les éloigne du cadre législatif à en exiger de droit.
L ’accès à la terre n’est toujours pas facile pour les femmes de la région de Sédhiou. Les raisons sont à chercher dans plusieurs facteurs socio-culturels et, dans une moindre mesure, institutionnels. En réalité, en milieu mandingue traditionnel, la croyance populaire a répandu dans la conscience collective que «la femme est appelée à se marier, parfois très loin de ses parents. Donc, lui attribuer des terres qu’elle va laisser derrière est dénudé de tout sens et de bon sens», dit-on dans le cercle des sages mandingues.
Dans la zone du Pakao, l’approche culturelle dans la répartition des terres n’autorise pas la femme de disposer de parcelles. L’ancien maire de Oudoucar, Sankoung Sagna, explique qu’«en milieu mandingue, on considère que la terre appartient à la famille dans son sens large. Et la femme qui arrive pour les besoins de lien conjugal, intègre le cercle et peut avoir accès à une parcelle à usage d’exploitation agricole. Cela, pour éviter de morceler le foncier et qui va sans doute fragiliser l’approche communautaire dans la gestion des terres», a-t-il souligné avec force.
Et l’ancien édile de ce gros bourg de l’Est de Sédhiou d’ajouter : «en réalité, les femmes, chez nous, ont la possibilité d’exploiter une parcelle, une fois qu’elles intègrent la concession. Mais, par mesure de prudence, on se garde de lui faire des titres d’attribution, pour éviter que l’assiette foncière ne se brise entre les membres d’une même et grande famille et le tout dans un contexte de polygamie »
UNE OPTION OBSOLETE ET DISCRIMINATOIRE !
Selon les organisations de femmes de la région de Sédhiou, aidée par la classe d’intellectuels en puissance, cette option est jugée obsolète et discriminatoire car elle exclut les femmes de la course au foncier. «Les droits humains encouragent les femmes à disposer de la terre, à égale dignité avec les hommes. Il faut progressivement se départir des pratiques vieilles de plusieurs siècles et qui sont vraiment rétrogrades et facteurs de pauvreté féminine», se désole Mme Khady Mané, ancienne parlementaire de Sédhiou.
Comme pour conforter ses allégations, le projet FAR(Femmes et agriculture résilientes au Sénégal), qui intervient dans les régions de Sédhiou et Tambacounda en faveur de l’amélioration des conditions sociales et économiques des jeunes et des femmes, promeut l’accès à la terre. Lors d’un atelier organisé par ce projet mis en œuvre par le GADEC, il est ressorti des débats «la problématique de la divagation des animaux dans la région de Sédhiou, l’égalité hommes-femmes notamment dans le Pakao où il est établi qu’il faut un plaidoyer fort envers les hommes pour qu’ils comprennent qu’il ne s’agit pas de leur ôter leur pouvoir social, mais de donner aux femmes ce qui leur revient de droit »
SEULS 13% DES FEMMES ONT ACCES A LA TERRE
Dans ce contexte potentiellement défavorable pour les femmes, il apparait dans une Enquête menée par le projet FAR que seuls 13% des femmes ont accès à la terre dans le Sud et l’Est du pays. Ce qui dénote assurément la dépendance de la femme à l’agenda de l’homme mais aussi les pesanteurs qui astreignent son élan d’autonomisation économique. «Les femmes exploitent les terres qui ne leur appartiennent pas. Et, généralement, ce sont des parcelles familiales difficiles à valoriser»,reconnait Sankoung Sagna, l’édile de sortant de Oudoucar. Les contraintes sont nombreuses et multiformes. D’abord l’analphabétisme chronique qui fait que rares sont celles qui peuvent lever le bout du doigt pour en formuler la demande, au risque de se faire congédier pour activité fractionniste. Toutefois, cette considération tend à disparaitre.
L’IMPACT DE LA SENSIBILISATION DE AJWS EN MILIEU RURALE
De concert avec son partenaire traditionnel de mis en œuvre dans la région de Sédhiou, l’association «Le Gabou», la fondation AJWS (American Jewish world service) a accompagné les communautés de plusieurs collectivités territoriales de Sédhiou, notamment la cible féminine, à connaitre leurs prérogatives en matière d’accès à la terre. Ainsi et à titre d’exemple, avec les rencontres de partage plusieurs fois organisées à Diendé, les femmes sont passées de 05% à plus de 10% de demandes officielles d’attribution de parcelles, selon le registre de la Sous-Préfecture.
La solution durable passe nécessairement par la volonté politique manifeste de l’Etat à mettre en œuvre l’égalité des chances entre homme et femme et la lutte contre la féminisation de la pauvreté au Sénégal. En attendant, généralement, les femmes sont aussi victimes de surcharge des travaux domestiques, de manque de temps et de violences qui freinent leur autonomisation. A cela s’ajoute l’analphabétisme des femmes, avec un taux jugé élevé de 93% contre 70% chez les hommes, si l’on en croit le projet FAR. Au demeurant, le renforcement du leadership des femmes apparait comme la meilleure intégration dans les processus décisionnels.
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NÉGROPHOBIE : KAÏS SAÏED DOIT S'EXCUSER ET PRENDRE LA PORTE
En marge du concert, qu’elle a donné samedi dernier à l’Agence TRAMES de Dakar, la chanteuse Corinna Fiora d’origine italienne et viscéralement africaine, s’est indignée sur la dérive oratoire du président tunisien Kaïs Saïed, à propos des émigrés
En marge du concert, qu’elle a donné samedi dernier à l’Agence TRAMES de Dakar, la chanteuse Corinna Fiora d’origine italienne et viscéralement africaine, s’est indignée sur la dérive oratoire du président tunisien Kaïs Saïed, à propos des émigrés d'Afrique subsaharienne présents sur le sol tunisien.
Que fait donc encore Kaïs Saïed à la tête de la Tunisie après ses propos racistes et profondément négrophobes qui ont heurté les habitants d’Afrique subsaharienne ?
En tout cas pour l’artiste Italo-africaine Corinna Fiora qui a profondément le continent à cœur, non seulement le président tunisien doit présenter des excuses pour cette offense, mais il doit rendre le tablier.
En d’autres termes, Kaïsd Saïed n’est plus qualifié pour présider aux destinées du pays de Habib Bourguiba. Démission pure et simple. L’intérêt d’AfricaGlobe tv on ne peut pas pour des intérêts politiciens immédiats se permettre diviser un continent. Le séparatisme ce n’est pas pour l’Afrique.
Le président tunisien se doit de comprendre que les présidents (politiciens) passent mais le peuple reste. Attention donc à ce genre de dérives. Pour Corinna, cette sortie malvenue n’est qu’une diversion puisque Kaïs Saïed fait face à une grogne interne dans le pays. Face à son incapacité à apporter de réponses adéquates et à apaiser son peuple, il se trouve un bouc émissaire en la personne de migrants subsahariens. Monsieur le président Saïed, le séparatisme, ce n’est pas pour l’Afrique !
Pour mémoire, le 21 février, M. Saied a affirmé que la présence de « hordes » d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de « violence et de crimes » et relevait d’une « entreprise criminelle » visant à « changer la composition démographique » du pays. Des propos racistes qui ont indigné beaucoup de citoyens africains.
Corinna Fiora est née en Egypte, mariée à un Gambien, elle vit au Sénégal depuis 17 ans où elle développe ses projets artistiques.
LA GRANDE EPINE DANS LES PIEDS DES FEMMES
Ziguinchor- Problème d’accès a la terre - Seules 2% des femmes ont accès au foncier dans la région de Ziguinchor
Seules 2% des femmes ont accès au foncier dans la région de Ziguinchor. Un faible niveau d’accès des femmes au foncier qui illustre toutes les difficultés que rencontrent ces femmes dans leurs activités agricoles. Les principales contraintes qui freinent l’accès des femmes au foncier tournent autour de considérations coutumières. Une problématique que tentent de transcender ces femmes dans une région où les pesanteurs socioculturelles ne plaident pas souvent en leur faveur.
Elles sont dans les rizières, dans les champs. Mais elles sont confrontées au problème du foncier. Elles, se sont ces femmes de la Casamance, actrices du développement, qui vivent une disparité dans l’accès au foncier. «Nous travaillons dans ces terres ; mais nous n’avons aucun droit sur celles-ci», se désole Madame Sadio Thioune, présidente régional des Groupements de Promotions féminines qui étale les difficultés qu’ont les femmes de la Casamance à disposer de ces terres. «Les pesanteurs socioculturelles restent des contraintes majeures. Nous n’avons pas le droit d’hériter de ces terres, ni d’en être les propriétaires. Ces terres nous sont léguées, juste le temps de nos activités…», lance avec dépit Madame Thioune.
STEREOTYPES ET AUTRES PESANTEURS SOCIOCULTU- RELLE ET ECONOMIQUE, EN STATISTIQUES
Seuls 2% des femmes disposent de terre ; une disparité que déplore cette actrice au développement qui fait porter le chapeau de la responsabilité aux hommes et aux autorités. Des réalités coutumières qui plombent le développement des activités culturales dans plusieurs localités de la Casamance. Dans le Kassa, les femmes qui s’illustrent dans la riziculture peinent à s’approprier les terres qu’elles exploitent... Les hommes héritent des terres de leur père qu’ils s’approprient. Par contre, les femmes exploitent les rizières que leur attribuent leurs belles-mères, mais elles n’en deviennent pas effectivement propriétaires. Ces rizières restent en leur possession, aussi longtemps qu’elles demeurent dans le ménage, nous confie une dame habitante d’Oussouye. Toutefois, le phénomène d’accès au foncier des femmes est moins sévère dans le Blouf. A Thionkessyl, certaines femmes ont pu transcender cette difficulté, disposant de terres à la faveur d’une «lutte». Les résultats d’une Etude, finalisée dans un Rapport sectoriel, sont formelles. Les femmes sont réellement confrontées à ces difficultés, même si 48,7% des enquêtés de cette zone ont répondu que les femmes n’ont pas de contraintes d’accès à la terre. Les principales contraintes qui freinent l’accès des femmes au foncier, sont coutumières : 26,3% (persistance des tenures traditionnelles), économiques (8%) et les contraintes relatives au manque d’équipements agricoles (7%).
A CAUSE DE L’HERITAGE, LES FEMMES ONT UN ACCES INDIRECT AU FONCIER, PAR LE MARI OU LE FRERE OU LEURS ENFANTS OU PAR LE GROUPEMENT
En instaurant une disparité entre homme et femme, l’héritage, qui est le mode d’appropriation du foncier le plus courant, est une des principales contraintes à l’accès au foncier identifiée par les acteurs. Même si les femmes ne sont pas exclues ipso facto de l’héritage, elles n’ont généralement qu’un accès indirect, par l’intermédiaire du mari ou du frère ou par l’héritage de leurs enfants etc. ou un accès collectif par le groupement. C’est ce que souligne cette femme leader d’organisation de groupement féminin. «La femme n’hérite pas de terres (…). Ce sont les frères qui héritent, ils peuvent décider ou non de prêter à leurs sœurs (…) La femme travaille dans les champs de son mari, mais une fois qu’elle quitte le ménage, abandonne temporaire son domicile conjugale ou si elle divorce, elle n’y a plus accès», précise Mme Thioune, qui fait un plaidoyer aux allures de cri de cœur : «Nous demandons à nos maris, à nos frères de nous céder ces terres. Les pesanteurs socioculturelles ne nous permettent pas d’avoir la terre. Les hommes doivent avoir pitié des femmes, pour disposer de terres», plaide-t-elle.
LA SALINISATION DES TERRES RIZICOLES, L’AUTRE FREIN
Cependant, ces femmes ne sont pas exemptes de reproche sur cette situation. La majorité des femmes ignorent leur droit sur le foncier, un véritable handicap pour l’accès au foncier de ces femmes. D’où l’urgence d’une sensibilisation accrue pour inverser la tendance et permettre à ces femmes de disposer des mêmes droits que les hommes. A cette panoplie de difficultés liées à l’accès au foncier, il faut adjoindre d’autres difficultés liées à la salinisation des terres. Une véritable contrainte qui freinent le développement agricole et les ambitions de ces femmes à la fois mère et actrices de développement dans une région où les considérations culturelles, coutumières continuent de peser sur la question de l’accès des femmes au foncier.
SOUVERAINETE ALIMENTAIRE COMPRISE !
Après plusieurs projets et programmes qui n’ont pas donné des résultats satisfaisants, le Sénégal s’est encore engagé dans la voie d’une souveraineté alimentaire. Radioscopie des réalités sur le terrain
Après plusieurs projets et programmes qui n’ont pas donné des résultats satisfaisants, le Sénégal s’est encore engagé dans la voie d’une souveraineté alimentaire. Sous la direction du ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rurale, Aly Ngouille Ndiaye, diverses stratégies sont mises en œuvre afin d’arriver à ce résultat. Cependant, la faible implication des femmes (52% de la population) aux activités agricoles, peut être nuisible à ce projet. Ces dernières, très importante dans la production vivrière, ne disposent pas très souvent de terres pour mener convenablement leurs activités, alors que la majorité des femmes vivent dans le monde rural.
Le Sénégal s’est engagé encore une fois dans une politique d’atteinte de sa souveraineté alimentaire. Sous la direction du ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural, les autorités en charge d’atteindre cet objectif, multiplient les rencontres, affinent les réponses. Toutefois, il ne semble pas trop de dire que ce nouveau souhait de l’Etat risque de subir le même sort que les anciens efforts fournis pour que le Sénégalais puisse produire ce qu’il consomme. En effet, arriver à une autosuffisance alimentaire mérite que de nombreux écueils soient levés ; parmi ceux-ci figure le fait de donner la possibilité aux femmes de mener convenablement leurs activités agricoles.
Ce qui n’est pas possible, pour le moment, car elles n’ont pas accès au foncier. Alors que le contexte de cherté des prix notamment des denrées alimentaires, à cause de la guerre en Ukraine, mettant à nu la vulnérabilité des pays pauvres et en développement, surtout en Afrique qui dépend de l’extérieur pour se nourrir malgré son énorme réserve de terres arables, n’épargne pas le Sénégal qui, un peu plus d’un mois, a accueilli le deuxième sommet de Dakar sur la Souveraineté alimentaire et la Résilience (Dakar II, du 25 au 27 janvier 2023), organisé sous le thème «Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience».
L’Etude sur la Contribution de l’entreprenariat et du leadership féminins à la valeur ajoutée de l’économie sénégalaise d’Onu-Femmes, publiée en août 2022 et réalisée par la Direction des Statistiques économiques et de la comptabilité nationale (Dsecn) de l’Ansd, montre que les femmes qui s’activent dans l’agriculture informelle occupent 11.242 parcelles, soit 15,7% du nombre total. Selon toujours les données de cette enquête, les femmes sont plus représentées dans les cultures de fruits, avec un pourcentage de détention de parcelle de 55,9%. Dans les autres types de culture, une part prépondérante des hommes (88,0%) est notée notamment sur l’arachide et autres cultures d’oléagineux (sauf graine de coton). Ceci ne fait qu’attester la difficulté qu’elles ont à accéder à la terre.
Des organisations comme l’Initiative prospective agricole etrurale (Ipar) ou encore Cicodev Afrique fustigent ce déséquilibre. Selon Cicodev, avec 52% de femmes au Sénégal, seuls 11% ont accès à des terres. Cicodev qui milite pour plus d’accès des femmes à la terre, en initiant la campagne «Stand for her land» (Debout pour les droits fonciers des femmes, en anglais).
AVEC SEULS 11 % D’ACCÈS À DES TERRES, LES FEMMES CONTRIBUENT À HAUTEUR DE 458, 4 MILLIARDS DE FCFA DE VALEUR AJOUTÉE; SOIT 27,3% DE LA RICHESSE CRÉÉE DANS LE SECTEUR AGRICOLE
L’enquête sur la Contribution de l’entreprenariat et du leadership féminins à la valeur ajoutée de l’économie sénégalaise d’Onu-Femmes signale qu’en milieu rural, elles dirigent de plus en plus leurs propres entreprises. Et pourtant, leurs apports socio-économiques et leur potentiel de création d’entreprises demeurent largement non reconnus et inexploités. Elles sont concentrées dans des activités de très petite taille, de faible productivité, de faible rendement et opérant dans l’économie informelle. Selon toujours l’enquête, dans le secteur agricole informel au sens large, les femmes contribuent à hauteur de 458,4 milliards de FCFA, en termes de valeur ajoutée ; soit 27,3% de la richesse créée dans ce secteur. Au Sénégal, la petite de terre dont disposent les femmes, n’est souvent pas de bonne qualité. Elles occupent des parcelles déjà utilisées et peu productives. La salinisation des terres portent atteinte à leurs activités dans la région de Fatick et en Casamance. Dans la zone des Niayes, la prédation foncière réduit leur chance d’avoir un lopin de terre. Elles louent ou empruntent des surfaces cultivables.
Dans la Vallée du Fleuve Sénégal, elles ne sont pas aussi mieux loties. Elles peinent à s’imposer, face à la rude concurrence des firmes agricoles. Alors qu’elles n’ont accès qu’à une infirme partie du foncier, les femmes ne parviennent à exploiter la terre qu’à travers des groupements. Cheffes de ménages à qui revient la charge de bouillir la marmite dans beaucoup de zones, c’est à peine qu’elles arrivent à sortir la tête de l’eau. La survie au Sénégal est fortement dépendante des exploitations familiales dont les tenanciers sont parfois des femmes. Ce mode d’agriculture, confronté à plusieurs difficultés, tend à disparaitre. Tous ces facteurs, parmi tant d’autres, font qu’il est difficile d’envisager un Sénégal où les produits de la consommation quotidienne proviendraient entièrement et exclusivement de la récolte des producteurs locaux.
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CORINNA FIORA, EXPLORATRICE DE MUSIQUES MULTIPLES
Italienne d’origine, égyptienne de naissance et sénégambienne d’adoption, Corinna Fiora est profondément africaine. Elle vit et respire l’Afrique plus que bien d'Africains d'origine. Mariée à un Gambien, Corinna vit au Sénégal depuis 17 ans
Dans cette interview, la chanteuse Corinna Fiora nous parle fièrement de ses expressions artistiques très mixées. Italienne d’origine, égyptienne de naissance et sénégambienne d’adoption, Corinna Fiora est profondément africaine. Elle vit et respire l’Afrique plus que bien d'Africains.
Mariée à un Gambien, elle vit au Sénégal depuis 17 ans où elle développe des projets artistiques avec son groupe I-Science. Éclectique, elle se refuse un certain enfermement dans son art. Elle a choisi d’explorer tout ce qui lui parle et l’inspire : jazz, pop, Saul, hip-hop, musique d'Afrique...
Cela étant, il est presque impossible de dire qu’elle fait ou telle musique. Ce samedi, elle faisait partie des artistes qui ont presté à l’agence TRAMES de Dakar devant un public charmant et très cosmopolite.
En marge de sa prestation, la jeune artiste afro-italienne a répondu aux questions d’AfricaGlobe Tv, non sans fait incursion inattendue dans la politique en évoquant notamment la dérive du président tunisien Kaïs Saed qui semble faire siennes les thèses de l’extrême droite européenne ( Voir la 2è partie de l’entretien).
«JE SAIS CE QUE JE DOIS A LA FEMME…»
Que ce soit sa mère, son épouse, les femmes qui l’ont accompagné dans son combat et la femme tout simplement, Macky Sall a chanté la femme hier
Moustapha DIA et Moustapha Boye |
Publication 08/03/2023
Que ce soit sa mère, son épouse, les femmes qui l’ont accompagné dans son combat et la femme tout simplement, Macky Sall a chanté la femme hier. « Je sais ce que je dois à ma mère, à mon épouse, à toutes les femmes qui m’ont accompagné, à la femme tout court » a exalté Macky Sall dans une cour du Grand Théâtre remplie de femmes venues participer aux Assises nationales de l’entrepreneuriat féminin et de l’autonomisation. Le chef de l’Etat a révélé à cette occasion que 80 % de femmes ont bénéficié de financements de la DER/FJ, parmi lesquelles 90% en nano-crédit, selon Macky Sall.
Un hymne à la femme sénégalaise. Le président de la République n’a pas raté hier ce grand moment de rassemblement des femmes en prélude à la Journée internationale qui leur est dédiée ce mercredi 08 mars. Le chef de l’Etat, accompagné de son épouse, sous le regard du Gouvernement conduit par le Premier ministre Amadou Ba a voulu tout simplement rendre « un hommage appuyé à la femme sénégalaise qui a été au cœur de tous les combats inlassables dans la marche du Sénégal ». « Je sais ce que je dois à ma mère, à mon épouse, à toutes les femmes qui m’ont accompagné dans ma carrière politique » a souligné le président de la République devant les caméras de la RTS.
Macky Sall, entouré par une marée humaine toute blanche composée de membres de groupements féminins venus des 14 régions du pays, des autorités administratives, de la ministre de la Femme, de la Famille et de la Protection des enfants s’est dit déterminé à travailler davantage pour l’autonomisation des femmes. « Toutes les opportunités du pays sont à votre portée. Si le Sénégal a avancé, c’est parce que vous êtes là, vous les femmes. Je renouvelle, en cette date symbolique pour toutes les nations éprises de paix et de progrès durable, mes chaleureuses félicitations à l’ensemble des femmes avec une mention particulière aux femmes militantes des causes nobles dont l’engagement et le plaidoyer constants constituent des stimulants dans le processus d’amélioration de la condition des femmes » a indiqué Macky Sall.
Le président de la République a expliqué qu’il veut, à travers cette célébration, « rendre un hommage appuyé à la femme sénégalaise dont le rôle pour la cohésion sociale et la consolidation des valeurs qui fondent notre nation, ainsi que son développement, n’est plus à démontrer. C’est aussi l’occasion de vous témoigner que l’Etat est à vos côtés, le restera et que son action en faveur des femmes et des filles ne fera que se renforcer » s’est-il engagé.
D’après lui, cette date est fortement symbolique pour toutes les nations éprises de paix et de progrès durable. Il a souhaité renouveler ses chaleureuses félicitations à la communauté féminine avec une mention particulière aux femmes militantes dont l’engagement et le plaidoyer constituent de puissants stimulants dans le processus d’amélioration de la condition féminine. « Comme nous y invite le thème international de la journée de cette année « Pour un monde digital inclusif : l’innovation et la technologie pour l’égalité des sexes », nous devons porter la réflexion et l’action sur les moyens innovants permettant de donner un nouveau souffle au processus d’autonomisation des femmes et de faire progresser nos sociétés » dira Macky Sall.
80 % DE FEMMES ONT BENEFICIE DES FINANCEMENTS DE LA DER/FJ ET 90 % EN NANO-CREDIT
Evoquant le thème de la journée notamment l’Entreprenariat féminin et l’autonomisation des femmes, le chef de l’Etat a révélé que 80 % de femmes ont bénéficié des financements de la DER/FJ et 90% en nano crédit.
Le président de la République Macky Sall a salué les efforts faits par l’Etat pour soutenir les femmes afin qu’elles soient autonomes. Il a cité les différents financements octroyés par les structures chargées de fiancer les femmes. ‘’A ce jour, 80 % des bénéficiaires des financements de la DER/FJ sont des femmes, soit 180.284 sur un total de 225 879. Afin de renforcer l’autonomisation socio-économique des femmes, la DER/FJ a accompagné 178 555 initiatives entrepreneuriales féminines pour un volume total de 43 milliards de FCFA. S’agissant du nano-crédit, les femmes sont largement majoritaires avec 90 % des bénéficiaires (soit 120 137 femmes bénéficiaires) et 87 % des financements soit 27 milliards de FCFA octroyés’’, a ajouté le chef de l’Etat.
Macky Sall a également cité les crédits alloués aux femmes par le Fongip à hauteur de 5.650.0874.941 FCFA et de 2.068.867.066 FCFA pour 4116 bénéficiaires avec 7002 emplois créés. Il ajoute qu’en perspective, une enveloppe de 13.500.000.000 FCFA est mobilisée par le FONGIP dans le cadre des programmes ETER et PAAICE pour accompagner l’autonomisation économique des femmes. Concernant le 3FPT (Fonds de formation professionnelle et technique), 10 milliards FCFA ont été alloués pour 111.493 travailleurs des entreprises et organisations professionnelles formés en 2022 dont 61 218 femmes, selon lui.
Quant au volet Financement pré emploi des jeunes, il a mobilisé en 2022 6 316 420 068 FCFA pour 27 120 jeunes formés dont 41 % de femmes. ‘’L’enjeu reste la constitution d’un fichier national unique des bénéficiaires des formations et des financements afin d’optimiser les interventions et asseoir leur efficacité’’, a dit Sall.
Pour lui, favoriser l’autonomisation économique des femmes et des jeunes filles passe aussi par une formation professionnelle adaptée et l’émergence d’un entreprenariat actif, inclusif, durable et porteur de croissance.
Selon le président de la République, c’est ce qui a motivé la mise en place de la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ), du Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) et du Fonds de Financement de la Formation Professionnelle et Technique (3FPT). A l’en croire, la DER/FJ a, dès sa création, affirmé une stratégie volontariste envers l’entrepreneuriat féminin en supprimant la contrainte d’âge pour les projets portés par des femmes.
Par Fatou SOW
LES ENJEUX DU FÉMINISME AU SÉNÉGAL
Le fondamentalisme culturel et religieux est rampant. Les femmes sont prises au piège. Trois domaines doivent être examinés pour leur pertinence : le corps féminin, le système juridique et l’organisation politique
Nous ne pouvons pas nous prétendre féministe, si nous n’en connaissons pas les principes et les règles, si nous les comprenons pas, si nous ne les déconstruisons pas, si nous ne les adaptons pas pour capter nos réalités et nos préoccupations qui peuvent être lointaines ou proches des celles du reste du monde. Nous devons lire, apprendre, discuter, réfléchir, échanger, participer aux débats (féministes ou veiller à les rendre féministes) de notre propre société et de notre continent (l’Afrique des femmes pense et bouge plus qu’on ne le croit), des femmes du Sud (des Caraïbes à l’Asie, de l’Amérique latine au Moyen-Orient dont nous partageons des expériences dont celles de la colonialité). Oui, comme Africaines et femmes du Sud global, nous avons nos débats particuliers. Nous devons faire le même exercice avec les femmes d’Occident (le terme est vague, car les différences peuvent être vertigineuses). Nous partageons le même espace humain ; ne leur laissons pas le pouvoir de dominer la réflexion et organiser l’agenda des femmes en leurs termes.
Préoccupations majeures
Parmi les inégalités inhérentes à la société sénégalaise, celle entre les sexes représente un défi primordial : les abolir est un enjeu capital de nos luttes. Ces inégalités sont évidentes et connues. Le sociologue Abdoulaye Bara Diop ne dénonçait-il pas, dans ses travaux scientifiques, « les systèmes d’inégalité et de domination » (1981) de la société wolof ? Le féminisme a fondamentalement pointé du doigt la construction sociale des rapports sociaux entre les sexes, comme rapports de pouvoir, leur construction politique dans les cultures africaines : hiérarchie des âges, des sexes, des ethnies, des castes, des classes, des formations sociales, etc. On a tendance à penser que l’égalité est une requête des féministes occidentales, qu’elle est une utopie. Mais cela nous empêche-t-il de mesurer ce que nous avons longtemps qualifié de pesanteurs de toute sorte, puis de discriminations et enfin d’inégalités imposées comme normes sociales, culturelles et religieuses. On a du mal à dénoncer ces dernières, de peur de déranger un ordre social et sacré, d’être inconvenante, de pécher, d’offenser, de blasphémer; il est des pays où l’on peut passer en justice pour blasphème, comme en Mauritanie ou au Soudan. Le fondamentalisme culturel et religieux est rampant. Ce que j’appelle fondamentalisme, c’est le supposé retour à la culture et à la religion dites authentiques et en appliquer les règles, alors que le monde change (Sow 2018).
Il est plus qu’urgent de rechercher à quel moment la culture devient source et lieu d’expression des fondamentalismes et se laisse happer parles dérives fondamentalistes qu’elles soient sociales, morales ou religieuses. Pour discuter des inégalités de genre et de l’influence des fondamentalismes, trois domaines doivent être examinés pour leur pertinence : le corps féminin (santé, sexualité, fécondité), le système juridique (code de la famille et autres lois et règlementations) et l’organisation politique (positionnement dans la prise de décision, parité dans les institutions).
Nous avons besoin de connaître notre histoire et nos valeurs sociales, tout en cessant « d’essentialiser », c’est-à-dire nous réduire à notre condition féminine qui est d’être enfant, épouse, mère et grand-mère/ancêtre qualifiée de Grande Royale, merveilleusement décrite par Cheikh Hamidou Kane (1961). Nous «essentialiser », c’est nous figer dans une identité figée d’un passé africain ; ceci nous empêche de contester les privilèges réels de la masculinité face à des sociétés qui « culturalisent » les inégalités entre les sexes, à des religions patriarcales (islam, christianisme) qui les « fondamentalisent » ou encore à des États qui se disent musulmans et chrétiens, qui les « légalisent », alors que leur constitution est laïque. Il faut toujours interroger le « avant, c’était mieux » et faire le tri entre nos différents héritages sociétaux d’avant la colonisation (période qui a ses défis), durant la colonisation et de la post indépendance, de nos conversions à diverses confessions religieuses et spirituelles.
Le patriarcat, comme donnée anthropologique universelle, a été largement décrié par la recherche africaine, alors que le mouvement féminin avance son impact, donc son existence, dans l’analyse des situations contemporaines des femmes. Auteur de L’Unité culturelle de l’Afrique noire (1982, 2° édition), Cheikh Anta Diop, théoricien du matriarcat africain, en fait la base de nos sociétés. « « Le matriarcat n’est pas le triomphe absolu et cynique de la femme sur l’homme; c’est un dualisme harmonieux, une association acceptée par les deux sexes pour mieux bâtir une société sédentaire où chacun s’épanouit pleinement en se livrant à l’activité qui est la plus conforme à sa nature physiologique. Un régime matriarcal, loin d’être imposé à l’homme par des circonstances indépendantes de sa volonté est accepté et défendu par lui » (p.114). Les principes fondamentaux ont été l’assurance de la filiation par les femmes, l’hérédité par la lignée utérine, transmission des droits politiques, etc. D’où un statut éminent des femmes. Diop montre que « le régime matriarcal est général en Afrique, aussi bien dans l’Antiquité qu’à nos jours et ce trait culturel ne résulte pas d’une ignorance du rôle du père dans la conception de l’enfant » (p. 69). C’est ce qui fait noter une certaine dualité mettant en parallèle lignages matrilinéaires et patrilinéaires et la place d’un patriarcat africain. Enfin les femmes occupent une place importante dans les représentations et pratiques religieuses, différente de celle des hommes. Ce sont l’introduction de religions nouvelles (ici, islam et christianisme) et l’intervention coloniale européenne qui ont imposé le patriarcat et ses hiérarchies.
Centrales mais pas égales
L’une des lignes importantes de fracture dans les analyses des femmes est à ce niveau. Tout un pan de la recherche des Africaines récuse la division sexuelle bio-logique des sociétés africaines, arguant du fait que l’idéologie du genre occidentale ne correspondait pas à leurs réalités. Les femmes pouvaient tenir un rôle masculin et diriger, de même que les hommes pouvaient endosser un rôle féminin, rôles masculin et féminin n’étant pas aussi rigides pour être sources de transgression. C’est la démonstration de l’ouvrage de Ifi Amadiume, Male Daughters, Female Husbands (1987), qui s’interrogeait sur les notions de sexe et genre dans la société africaine. Nombre d’Africaines, à partir de leurs histoires, reconnaissent cette base sociale illustrée par la place de la maternité dans la vie des femmes comme valeur sociale et obligation divine. Elles reconnaissent aussi l’importance de la transmission matrilinéaire de la filiation (naissance) et de liens spécifiques bâtis entre enfants sur cette relation utérine (doomu ndey). Il reste encore des indices de dévolution du pouvoir politique (appartenance requise à une famille maternelle pour qu’un homme accède au pouvoir), de transmission de certains biens matériels, culturels et spirituels, etc. Mais, nous posons cette question : ce rôle si essentiel donnait-t-il pour autant du pouvoir aux femmes, en dehors des Lingeer, femmes de l’aristocratie, et des personnalités féminines de l’élite politique ? Quelle sorte d’autorité et à quel niveau ? Si des tâches de gestion et de contrôle leur ont été attribuées, dans l’espace sénégalais, ce sont des hommes qui ont été au faîte du pouvoir. Ces souverains ou autorités ont porté des titres masculins : Dammel, Buur, Brak, Maad, Teeñ, Almaami, Lamaan, Jaraaf, etc. Le débat s’engage difficilement dans le féminisme sénégalais (et africain), alors qu’il est indispensable, car la place « exceptionnelle » du féminin, dans les sociétés précoloniales, est toujours agitée, avec plus ou moins de bonheur, face à ses revendications. Ne peut-on s’atteler une relecture du matriarcat, de la matrilinéarité, des faits et des valeurs en découlant, pour en comprendre l’impact sur nos sociétés d’alors et d’aujourd’hui ? Car, quel que soit le système, la masculinité y porte sa marque : rôles importants des frères et oncles, dans tous les cas de figure.
L’espace de cet article ne permet pas de développer la question. Je pense, personnellement, que la base matriarcale a laissé ses indice ; on est frappé de la centralité des femmes dans l’organisation sociale. Leurs contributions à la reproduction des familles, à leur entretien domestique, à l’éducation et à la transmission des valeurs culturelles, l’utilisation de leurs connaissances et compétences indispensables au développement économique des sociétés et leurs charges sociales et morales (leurs xew de toute nature organisent la société) ont occupé une telle place dans les structures précoloniales que celles-ci n’ont pu les marginaliser dans la gestion des affaires et du politique. D’où la présence de toutes ces femmes « fortes » et la valeur de notre « matrimoine », malgré leur invisibilisation dans les mémoires, la rivalité dans les précessions masculines. Les femmes ont été centrales, mais n’ont jamais été égales. Elles ont rarement accédé au niveau suprême du pouvoir. Mais, y-étaient-elles attendues ? La colonisation, avec sa logique patriarcale, les a marginalisées en instaurant de nouvelles institutions d’éducation et de gestion du politique, tout en utilisant leur force de travail pour nourrir et entretenir la colonie. Les pouvoirs indépendants, en maintenant les modalités coloniales de gouvernance, ont continué d’utiliser cette force, sans leur redonner plus de pouvoir. Les obstacles à cette conquête du pouvoir sont massifs.
Nous avons encore besoin, au Sénégal, de cerner et de déconstruire la domination masculine et toutes les autres formes de domination que forge le patriarcat qui en est la source ou en découle. Ces forces de domination peuvent être locales et/ou mondiales, comme en témoignent les interventions de la mondialisation sur tous nos systèmes socioculturels, économiques et politiques. Il est important de reconnaître que la domination masculine explique de très nombreuses situations d’oppression actuelles. On n’élargit pas les espaces de pouvoir des femmes, en niant ceux de l’oppression.
Nous avons besoin de reconsidérer, voire remettre en question, les rapports de pouvoir dans la famille, dans le monde politique (quelle parité ?), dans la société globale (lutte contre les inégalités et les discriminations). Les combats contre les inégalités dans le code de la famille ont été significatifs à ce niveau. Je n’en exposerai pas le débat, sauf pour dire que la lutte a été longue et que chaque point gagné est une victoire à préserver, car c’est un défi contre les abus des forces conservatrices.
Notre corps est politique. Il est l’objet de tant de normes, de règles, de règlementations, de tabous et de préjugés. Il est l’objet à la fois de contrôle et de violence que tout le monde trouve normales. Écoutez ou lisez ce qui se dit dans la société, à travers les media, les réseaux sociaux, les autres moyens de communication. Je prendrai quelques exemples d’enjeu, un peu en vrac.
Scolariser les filles est, reconnaissons-le, une ambition des familles et du politique. Leur scolarisation est en progression, selon les chiffres officiels. La SCOFI et les politiques d’éducation ont fait leur chemin. Mais cette scolarisation bute encore sur bien des obstacles, si ce n’est des discriminations. Scolariser une personne, c’est développer ses capacités intellectuelle et morale vers la connaissance, mais pour les femmes, c’est aussi leur apprendre le chemin vers la liberté sous tous ses aspects et l’égalité. Scolariser, ce n’est pas seulement créer l’autonomie des femmes (comme le veut un certain lexique du genre), mais c’est développer leur pouvoir (empowerment), les former à le gérer, à le renforcer pour leur position dans la famille, en société. Diverses contraintes continuent de peser sur elles. Les premières sont liées à des attitudes culturelles affectant leurs statuts et rôles des femmes dans la famille qui les empêchent d’accéder à l’éducation, à l’achever dans les meilleures conditions. Ce sont les difficultés de leur maintien à l’école, les mariages et les grossesses précoces, même si les derniers recensements montrent le recul progressif de l’âge d’entrée en nuptialité et en fécondité. Les conditions matérielles et financières (pauvreté des familles, insuffisance des infrastructures éducatives et précarité des niveaux d’enseignement), les maigres débouchés vers l’emploi, la préférence masculine à certains emplois et positions, la complexité des tendances de l’économie informelle qui est pourtant la plus grande pourvoyeuse d’emplois et d’activités rémunérées et regroupe la majorité des activités féminines), autant que les diverses crises climatiques, politiques et sanitaires sont sources de multiples contraintes et discriminations.
Requalification
Nous sommes dans des sociétés où le développement des femmes, bien que ces dernières constituent plus de la moitié de la population, crée une sorte de panique, sinon de gêne morale dans la société. Il leur est demandé de se développer, de grandir par la formation, sans pour autant changer et surtout ne pas déranger leur positionnement en société. Malgré leurs diplômes et formations, quel qu’en soient les niveaux, il leur est toujours exigé de prouver leur capacité en faisant plus d’efforts, de restreindre leurs ambitions audessous de leurs capacités et performances, de subir toutes sortes de préjugés sexistes dévalorisantes et d’actes de violences sexuelles qui visent soit à punir leurs ambitions soit à casser leur progression, droit de cuissage toujours en vigueur dans les facultés sénégalaises de toutes disciplines, harcèlement sexuel, viol, refus du congé maternité aux jeunes femmes médecins en spécialisation, etc. La liste n’est pas close.
Le féminisme force à revisiter les liens entre rapports familiaux et rapports économiques. Qui entretient les familles et quel pouvoir en retire-t’on ? S’agit-il de l’entretien domestique, de l’entretien économique ? Comment jauger les tâches domestiques des femmes ? Ligeey, dit-on en wolof ; c’est du « travail gratuit des femmes », renforcent les féministes. Le code la famille a fini par le reconnaître dans cette qualification et le compte dans la contribution des femmes au ménage. Comment gère-t-on les ressources naturelles dans les familles rurales : qui est responsable de l’allocation des terres ? Qui a accès à la terre ? Les tâches sont réparties dans les économies de la pêche, selon une répartition sexuelle du travail. Qu’en-est-il aujourd’hui ? L’approche habituelle de la femme lebu en fait une femme forte. En quels termes ? Comment devons-nous repenser ce rôle. En quoi devoir être « une femme forte » vulnérabilise les femmes? Nous avons tellement à faire à cause des débats incroyables sur la fécondité et l’exigence de maternité (valeur morale et religieuse sublimée de la femme). La maternité, par-delà le besoin d’enfant, est une obligation, à la fois sociale et religieuse. On attend des femmes qu’elles en assurent la fonction jugée « naturelle » et divine. Le non-désir d'enfant est vécu comme un sacrilège et un égoïsme féminin. Seules les femmes sont poursuivies en cas de néonaticide. N’oublions pas que la recherche en paternité est interdite par l’islam. La loi interdit dans la déclaration de naissance d'un enfant la référence au père incestueux. La femme stérile est incriminée pour ne pas avoir contribué à la « fabrication » de cette descendance (nombreuse) qui permet à l’homme d’assurer sa masculinité et d’asseoir son pouvoir social. Ce prestige, d’abord masculin, passe par le corps des femmes, dont la sexualité et la fécondité sont contrôlées par des règles sociales définies dans chaque groupe : virginité, circoncision, surveillance, dot, mariage, soumission au désir du conjoint, capacité de fécondité, gestion de la fertilité, durée et rituels contraignants du veuvage (coupe des cheveux, habillement spécifique, interdiction de se regarder dans le miroir, réclusion et absence de relations sexuelles), lévirat/sororat, etc…
Ce devoir de reproduction (devoir conjugal) peut renforcer la subordination des femmes, conditionnées socialement, idéologiquement, religieusement à assurer la reproduction physique du groupe, au prix de leur santé. Ce défaut de reproduction, qu’il s’agisse d’infécondité ou de stérilité, est d’abord imputée aux femmes. Ce sont elles qui s'inquiètent de la stérilité ou de la non-survenue de la grossesse socialement requise. Elles sont critiquées soit directement, soit par des allusions ou des conduites relationnelles spécifiques : angoisse, nervosité, mauvaise humeur, etc. Elles endossent la responsabilité de l'échec et, après le recours à diverses thérapeutiques laissent un membre de l'entourage ou le médecin aborder le problème avec le mari, alors que lui-même est impliqué dans cette infertilité. Les médecins le diront mieux que moi.
L’accès contrôlé à la contraception, ce qui est en parfaite contradiction avec la loi sénégalaise et le Protocole de Maputo et autres conventions signées par le Sénégal, ainsi que la criminalisation du droit à l’avortement rendent souvent problématique la santé des femmes. Que fait-on des femmes qui subissent descente d'organes et fistules à cause des grossesses répétées? Quel est le sort des enfants qui perdent leur mère morte de fatigue d'enfanter. Cette santé qui n’est pas seulement maternelle. On devrait plus s’interroger sur ce qui arrive à la femme, hors de cette période de fécondité. Quel est le vrai statut de la ménopause ? Quel est chemin pavé de lourdes conditions et d’embûches qui mène au statut de grande royale?
Il a fallu requalifier les actes de violences physiques, morales, symboliques et sexuelles autant qu’obstétrico-gynécologiques, etc. Se souvient-on encore du cas Doki Niasse, qui a fait marcher des centaines de femmes dans les rues de Kaolack et Dakar ? À cette occasion, les femmes et leurs mouvements (féministes ou non) ont été accusées de remettre en question le droit du mari à battre sa femme que l’on disait autorisé par la tradition et l’islam. N’est-il pas temps de penser les femmes en termes de droits sur la base d’un contrat social qui ne dépende pas de textes religieux, mais d’un contrat négocié, arraché sur la base de principes contemporains de justice et de liberté ? Le code de la famille se débat encore dans ses principes religieux. On a échappé, au début des années 2000, à un retour légal de la Sharia proposé par le CIRCOFS, délaissant le code actuel aux non-musulmans.
En conclusion
Les femmes sont prises au piège entre les préjugés ordinaires des communautés à leur égard, les argumentaires religieux de soumission, les décisions et attitudes paradoxales du politique, légitimés au nom de la culture et de la religion. Elles doivent faire face à leurs défis. Des droits à plus d’égalité et de justice sociale acquis de haute lutte au niveau local, national et international par le mouvement des femmes sont comme des espèces en danger, car subvertis par la remontée des fondamentalismes d’ordres divers. Aucune révolution culturelle, aucun retour aux sources ou à l’authenticité ethnique, religieuse ou nationale revendiqués par les groupes qui s’en réclament ne sauraient légitimer la persistance, imprégnée d’idéalisation, de valeurs dites traditionnelles ou ancestrales, porteuses de graves discriminations et d’inégalités. C’est un immense défi pour les femmes qui ont entériné culturellement et religieusement le discours patriarcal ou celui de la domination masculine, de les remettre en question. C’est une tâche immense pour les féministes de les en sortir pour transformer notre monde d’inégalités et de transformer le regard et le discours masculin qui dominent la scène politique, pour comprendre et porter les mutations nécessaires en cours au Sénégal, en Afrique et dans le monde.
* De la conférence prononcée en janvier 2023, au Musée Henriette Bathily, par Mme Fatou Sow, Sociologue CNRS, à l’occasion du lancement du Réseau des féministes du Sénégal, nous proposons une synthèse à nos lectrices, à nos lecteurs, en ce 8mars, Journée internationale de la femme.
1. SCOFI est le programme de scolarisation des filles, créé au Sénégal en 1994
2. CIRCOFS : Comité islamique pour la réforme du Code de la famille au Sénégal, créé en 1996 qui a voulu supprimer le code de la famille pour mettre la Sharia. M° Mbaye Niang, avocat, en était le président.
«C’EST LE SIGNE D’UNE PRISE DE CONSCIENCE DU SECTEUR DANS LA RESORPTION DU CHOMAGE ET DE LA PAUVRETE»
Le président de la République, Macky Sall, a présidé hier, mardi 7 mars, la Journée internationale de la Femme et Assises nationales de l’entreprenariat féminin et de l’autonomisation des femmes.
Le président de la République, Macky Sall, a présidé hier, mardi 7 mars, la Journée internationale de la Femme et Assises nationales de l’entreprenariat féminin et de l’autonomisation des femmes.
«J ’ai tenu à présider personnellement la cérémonie de restitution des conclusions de ces assises, pour rendre un hommage appuyé à la femme sénégalaise dont le rôle pour la cohésion sociale et la consolidation des valeurs qui fondent notre nation, ainsi que son développement, n’est plus à démontrer», a déclaré le Chef de l’Etat, devant un public venu nombreux. A l’en croire, la tenue des premières Assises nationales de l’entreprenariat féminin et de l’autonomisation des femmes est le «signe d’une prise de conscience des énormes atouts du secteur dans la résorption du chômage et de la pauvreté».
«Les conclusions et recommandations issues de ces assises, depuis les larges consultations régionales sous l’égide des Gouverneurs, démontrent la volonté d’engager les ruptures nécessaires et de mettre en place des réformes consensuelles et des projets susceptibles de renforcer la marche du Sénégal vers l’émergence. J’ai pris bonne note des mesures phares issues de vos assises et vous assure qu’elles feront l’objet d’un examen attentionné de la part de mon Gouvernement», a dit Macky Sall. Et d’ajouter : «Qu’il s’agisse de l’accompagnement des femmes dans l’entreprenariat agricole ; de la généralisation des maisons de la Femme dans chaque département ; de l’élargissement de la base de données des bénéficiaires des bourses de sécurité familiale ; et de la motivation des Badjiénou Gox, entre autres».
Selon Macky Sall, «favoriser l’autonomisation économique des femmes et des jeunes filles passe aussi par une formation professionnelle adaptée et l’émergence d’un entreprenariat actif, inclusif, durable et porteur de croissance». C’est ce qui a motivé, dira-t-il, «la mise en place de la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide des femmes et des jeunes (DER/FJ), du Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) et du Fonds de Financement de la Formation Professionnelle et Technique (3FPT). « L’enjeu reste la constitution d’un fichier national unique des bénéficiaires des formations et des financements afin d’optimiser les interventions et asseoir leur efficacité», a fait savoir le Chef de l’Etat.
Revenant sur la célébration de la Journée internationale de la Femme, le Chef de l’Etat dira : «Comme nous y invite le thème international de la journée de cette année, «Pour un monde digital inclusif : l’innovation et la technologie pour l’égalité des sexes», nous devons porter la réflexion et l’action sur les moyens innovants permettant de donner un nouveau souffle au processus d’autonomisation des femmes et de faire progresser nos sociétés».
Poursuivant son propos, il ajoute : «Cette exigence de changement de rythme s’impose pour l’avènement d’une Planète 50-50 et l’atteinte des Objectifs de Développement Durable. La transformation qualitative vers des sociétés suffisamment inclusives, passe nécessairement par une vision globale et une démarche holistique».