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27 novembre 2024
Femmes
DÉCÈS DE LA CINÉASTE SAFY FAYE
L'une des femmes pionnières du cinéma africain, est morte mercredi à Paris, à l'âge de 80 ans. Elle sera inhumée à Fadial, son village natal, situé dans la région de Fatick
La cinéaste Safy Faye, l'une des femmes pionnières du cinéma africain, est décédée mercredi à Paris, à l'âge de 80 ans, a appris l'APS de son ancien distributeur en Afrique de l'Ouest, Johnny Spencer Diop.
Elle sera inhumée à Fadial, son village natal, situé dans la région de Fatick (centre), selon Diop.
"Notre grande sœur était malade depuis un certain moment et était hospitalisée en France. Elle fait partie de femmes cinéastes qui ont balisé la voie pour les plus jeunes", a dit à l'APS son ancien collaborateur.
Safy Faye avait abandonné son poste d'enseignant pour s'adonner au cinéma, à la suite du Festival mondial des arts nègres de 1966 à Dakar, rappelle le site d'information du journal sénégalais Le Quotidien.
A ce festival, elle avait rencontré le cinéaste français Jean Rouch (1917-2004), qui lui avait confié un rôle à jouer dans son film "Petit à petit", ajoute le même média dans une interview de la cinéaste publiée en 2017.
Entrée au cinéma, Safy Faye est allée poursuivre des études d'ethnologie à la Sorbonne (France). Elle était devenue une figure emblématique du cinéma africain, car étant l'une des premières femmes du continent à exercer le métier de réalisateur.
"Mossane", l'un de ses derniers films - sa filmographie est essentiellement consacrée à la paysannerie et à la vie des femmes -, a été présenté dans la section "Un certain regard" de l'édition 1996 du Festival de Cannes.
LES ORGANISATIONS DE DEFENSE DES DROITS DES FEMMES DEMANDENT LE RENFORCEMENT DE L'ARSENAL JURIDIQUE
La mutilation génitale est pratiquée sur des femmes d’âges divers, le plus souvent jusqu’à l’âge de 15 ans et parfois même sur des femmes adultes, selon la communauté ou le groupe ethnique
La mutilation des parties génitales chez la femme est une pratique culturelle et sociologique au Sénégal. Malgré son interdiction, l’excision est toujours pratiquée par une partie importante de la population. Afin de corser les sanctions et accentuer la sensibilisation, il s’est tenu, à Saly, un atelier sous régional de trois jours, pour l’évaluation des engagements politiques et stratégiques du Sénégal pour l’abandon des mutilations génitales féminines (MGF).
La mutilation génitale est pratiquée sur des femmes d’âges divers, le plus souvent jusqu’à l’âge de 15 ans et parfois même sur des femmes adultes, selon la communauté ou le groupe ethnique. Ces pratiques sont considérées comme une violation des droits des femmes et des filles, comme l’indiquent beaucoup d'instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme. C’est ainsi qu’il y a eu un engagement mondial pour l’abandon de la pratique des MGF ;
Depuis 2005, le Sénégal a mis en place un cadre juridique et réglementaire contre la pratique. A la suite de cela, il a été fortement recommandé de mettre en place une stratégie nationale pour l’abandon de la mutilation génitale féminine. Selon Zakaria Sambakhé, directeur de l'Ong Action Aid, des efforts ont été notés ces dernières années sur le plan législatif et opérationnel au Sénégal. «La législation autour des questions d’excision ne déroge pas à cet engagement de l’Etat. Depuis plus de 20 ans, le Sénégal dispose d’une loi (loi 99 -05) interdisant les mutilations génitales féminines. Malgré cela, plus d’une fillette sur 10 subit cette violence au Sénégal. Près du tiers des femmes sont excisées au Sénégal», renseigne-t-il.
Relevant des disparités en fonction des zones géographiques, M Sambakhé indique que les parties Est, Sud-Est et Sud sont les zones où l’excision est la plus pratiquée. «Dans certaines régions du sud, elles le sont quasiment toutes. En milieu rural, les parents continuent cette pratique en cachette et les associations peinent à changer les mentalités. Si l’on peut se réjouir de voir la pratique reculer, il est cependant inquiétant de noter la stabilité du taux de pratique de l’excision au Sénégal.
En effet, le taux national stagne autour de 25% depuis presque une décennie ; 34% dans le milieu rural, 22% dans le milieu urbain. En tant que norme sociale, il est acquis que son abandon ne sera pas chose aisée parce qu’elle comporte des questions identitaires, culturelles voire métaphysiques qu’il est difficile de résoudre par des analyses et des approches cartésiennes», a soutenu le directeur de Action Aid.
Selon le directeur de cabinet du ministre de la Femme, Mouhamed Ndiaye, les mutilations génitales féminines sont une pratique traditionnelle profondément ancrée qui a de graves répercussions sur la santé des jeunes filles et des femmes, ainsi que sur la dignité humaine. «C’est pourquoi, le gouvernement du Sénégal s’est engagé depuis des décennies à protéger les femmes et les filles de cette pratique. Cette volonté politique s’est manifestée à travers l’adoption en 1999 de la loi N° 99-05 du 29 janvier 1999, qui interdit l’excision, la mise en œuvre de trois plans d’action nationaux 2000-2005 et 2010–2015 et d’une stratégie nationale 2022-2030», indique Mouhamed Ndiaye.
RADIOSCOPIE DE LA DEPRESSION DES FEMMES APRES L’ENFANTEMENT
Derrière le bonheur de l’enfantement se cachent des pathologies qui portent atteinte à la santé de la femme. des complications durant et après la grossesse pouvant aller jusqu’à la dépression.
Derrière le bonheur de l’enfantement se cachent des pathologies qui portent atteinte à la santé de la femme. des complications durant et après la grossesse pouvant aller jusqu’à la dépression. Beaucoup de femmes en souffrent sans le savoir. la dépression post-partum est un fléau méconnu au Sénégal. Pourtant, beaucoup de femmes sont touchées par cette maladie. il s’agit d’un trouble de l’humeur marqué par une tristesse intense permanente, évoluant au moins deux semaines après un accouchement.
Une grossesse programmée ou attendue est souvent synonyme d’allégresse. Elle apporte de l’espoir dans la famille qui va s’agrandir, mais surtout chez la femme. Celle-ci porte pendant neuf mois une grossesse, endure les difficultés, animée par la force de tenir son enfant après neuf mois de peine. Hélas ! L’accouchement ne rime pas toujours avec le bonheur. Il s’agit de complications nommées dépression post-partum. Beaucoup de femmes en souffrent sans le savoir. Dès que l’enfant est né, certaines femmes tombent dans la dépression. Cette situation entraîne parfois des tentatives de suicide. Cette maladie est beaucoup plus fréquente dans les pays développés. Au Sénégal, les femmes qui en souffrent ne font pas le link de leur pathologie avec la grossesse. Elles pensent plutôt à la sorcellerie et autres effets surnaturels. Psychiatre à l’hôpital de Fann, Dr Sokhna Seck se rappelle l’histoire d’une dame de 30 ans, qui aussitôt après l’accouchement, ne supportait pas les cris de son nouveauné. «Les cris du bébé l’agaçaient au point qu’elle a tenté de s’en débarrasser. D’ailleurs, c’est sa famille qui s’occupait de l’enfant», raconte la psychiatre.
«J’AVAIS L’IMPRESSION D’ETRE DANS UN AUTRE MONDE ET JE NE VOULAIS PAS TOUCHER A MON BEBE»
Amina Guèye, 48 ans, se souvient de la dépression post-partum qu’elle a vécue, il y a 12 ans. «En 2010, j’ai accouché, mais ma fille ne voulait pas téter. C’est ainsi qu’on lui a mis une sonde au niveau des narines. Je pleurais tout le temps. Pour un rien, je fondais en larmes. Je ne parvenais pas à répondre aux questions de mon mari. Comme un enfant, je ne voulais regarder que les dessins animés à la télévision», raconte Amina Guèye qui ne voulait plus habiter chez elle. «J’avais l’impression d’être dans un autre monde. Je ne pensais qu’à la mort. J’avais peur de donner à ma fille son bain. A notre sortie de l’hôpital, elle a commencé à téter et prenait du poids. En revanche, moi je souffrais mentalement. Ma dépression a duré trois semaines. Au début, ma mère pensait que je faisais des caprices en tant que nouvelle maman. Mais lorsqu’elle a vu que cela durait et que je n’arrêtais pas de pleurer, elle a commencé à s’inquiéter. Moi-même, je ne savais pas que je souffrais de dépression post-partum. C’est après que je l’ai su. Ma grossesse s’est bien déroulée, mais la césarienne n’était pas programmée. J’étais dans une clinique de la place, c’est par la suite que l’on m’a transférée dans un hôpital», indique Amina Guèye.
«MA SŒUR A FINI PAR SUCCOMBER AA LA DEPRESSION POST-PARTUM»
Si nos deux premières interlocutrices ont fini par vaincre la dépression post-partum, ce n’est malheureusement pas le cas d’Adama Faye qui est décédée après son accouchement. Sa sœur, qui travaille dans la santé, raconte comment elle a été emportée par la dépression post-partum. «Elle souffrait d’une terrible dépression post-partum. Elle ne voulait pas du tout voir son enfant, alors qu’elle était très impatiente de l’avoir. Elle avait acheté des habits et des chaussures pour son fils. A sa naissance, le bébé présentait une malformation. C’est ce choc qui lui a causé la dépression. Elle a vécu des moments difficiles et a fini par succomber à la dépression un mois après son accouchement», révèle la sœur d’Adama Faye.
DR SOKHNA SECK, PSYCHIATRE AU SERVICE DE PSYCHIATRIE DE L’HOPITAL DE FANN «25% DES FEMMES SOUFFRENT DE DEPRESSION POST-PARTUM AU SENEGAL»
Psychiatre de son état, Dr Sokhna Seck fait la radioscopie d’un phénomène particulièrement méconnu qui, pourtant, touche beaucoup de femmes après l’accouchement. Dans cet entretien, la spécialiste renseigne que 25%des femmes souffrent de cette maladie au Sénégal.
C'EST QUOI LA DEPRESSION POST-PARTUM ?
La dépression du post-partum se définit comme un trouble de l’humeur marqué par une tristesse intense permanente, évoluant depuis au moins deux semaines, survenant à la suite d’un accouchement. C’est une maladie qui entraîne une rupture avec l’état antérieur de l’individu. Elle survient généralement deux à six semaines après l’accouchement, mais elle peut apparaître jusqu’à une année après la naissance.
QUELLES SONT LES CAUSES DE CETTE MALADIE ?
Les causes sont multifactorielles comme toutes les maladies psychiatriques. C'est l'intégration de plusieurs facteurs qui va expliquer la survenue de la maladie. Parmi ces facteurs, il y a ceux qui sont biologiques. Pendantla grossesse ou après l'accouchement, on assiste à des remaniements sur le plan biologique, notamment un bouleversement des hormones. Il y a aussi des facteurs psychologiques, parce que la grossesse et l'accouchement s'accompagnent d'un remaniement sur le plan psychologique. C’est le cas des conflits inconscients antérieurs comme par exemple des traumatismes vécus durant l’enfance. C'est un processus normal qui peut aboutir à certaines perturbations. Pendant la grossesse ou après l'accouchement, des conflits antérieurs peuvent refaire surface. Par exemple quand vous avez subi un traumatisme durant l'enfance, des conflits avec des parents, ceux-ci peuvent refaire surface. Pendant la grossesse, la femme imagine son enfant ; c'est ce qu'on appelle l'enfant imaginaire et elle va fantasmer. Elle va penser que son enfant sera beau, de teint clair, de sexe masculin. Et ceci peut avoir un fort décalage avec la réalité après la naissance. Lorsqu’il y a ce fort décalage entre l'enfant imaginé et l'enfant de la réalité, cela peut être source de perturbation sur le plan psychologique qui peut aboutir à une dépression post-partum. Il y a aussi les facteurs socio-environnementaux qui sont plus faciles à détecter. On peut avoir la primiparité, c'est-à-dire : quand il s'agit d'un premier accouchement, cela peut être quelque chose d'assez angoissant et stressant pour la femme. Les antécédents psychiatriques constituent aussi un facteur de risque. Autre facteur également, c’estlorsque la femme est confrontée à des conflits conjugaux persistants. Quand la femme est confrontée à une certaine précarité, c'est une source de stress. Idem lorsque la grossesse est compliquée ou que la femme est porteuse d'un enfant malformé. Il y a aussi tout ce qui tourne autour de l'organisation de cérémonie, notamment le baptême qui peut être un facteur de stress, car pendant la grossesse la femme nourrit le devoir de faire des cadeaux à sa belle-famille. Malheureusement, lorsque les moyens financiers ne suivent pas, cela peut aboutir à une dépression post-partum.
COMMENT SE MANIFESTE LA MALADIE ?
Elle se manifeste comme toute dépression classique. C'est la tristesse permanente. Le sujet ne ressent plus du plaisir pour les activités qui lui procuraient du bonheur auparavant. Ceci va s'accompagner d’idées négatives qui vont tourner autour de la relation avec son enfant. La femme va penser qu'elle n'est pas une bonne mère. Il y a la fatigue. Au moindre effort, elle se sent très fatiguée et n'arrive pas à l'expliquer. Il y a de l'épuisement sur le plan physique et psychique. Elle ne va pas dormir la nuit, car elle rumine en se demandant pourquoi elle est dans cet état. Sur le plan alimentaire, il y a une perte d'appétit, mais aussi une prise de poids. La maladie se manifeste aussi par la baisse de la libido. L’envie sexuelle n'est plus là. Jusqu'à six (6) mois après l'accouchement, la femme n'aura pas envie d'avoir des relations sexuelles avec son conjoint.
COMMENT SE DEROULE LA PRISE EN CHARGE ?
La prise en charge passe par la psychothérapie. On écoute la femme parler de son ressenti. Si cela ne suffit pas, on peut avoir recours à des médicaments. On leur donne des anti-dépresseurs qui peuvent aider les femmes à sortir de cette dépression. Nous les aidons à ne pas sentir cette tristesse pour qu'elles puissent s'occuper de leur enfant. Toute dépression doit être prise au sérieux pour éviter qu'il y ait des complications comme le suicide. Chez les femmes souffrant de dépression post-partum, c'est l'infanticide.
QU’EN EST-IL DES CONSEQUENCES ?
Tout médecin psychiatre qui fait face à une personne souffrant de dépression, a cette hantise par rapport au suicide. Durant tout le traitement, on guette ce suicide pour que le sujet ne passe pas à l'acte. Quand une mère ne va pas bien psychiquement, elle ne s'occupe pas de son enfant et la relation ne va pas se porter au mieux. En cas d’altération de la relation, il peut y avoir le risque sur le développement de l'enfant tant sur le plan psycho-affectif que sur le plan cognitif mais aussi des troubles de langage ou de la marche. Il peut y voir aussi des conséquences sur la vie de couple parce que l'entourage ne comprend pas comment une maman ne peut pas être heureuse avec son enfant. Quand l'entourage ou le conjoint ne comprend pas, il y a des tensions.
QUEL EST L'ETAT DES LIEUX DE LA MALADIE AU SENEGAL ?
Au Sénégal, nous n'avons malheureusement pas encore de données. Une étudiante a fait sa thèse sur cette maladie. Elle a parcouru les structures sanitaires et la prévalence que nous avons tourne autour de 25% au Sénégal. Au niveau mondial, les chiffres tournent autour de 10 à 15%. C'est un problème de santé publique. Parfois, nous les hospitalisons et les prenons en charge ici dans le service. Il faut les détecter de façon beaucoup plus précoce, les prendre en charge avant qu'il n'y ait toutes ces conséquences. Quand les femmes éprouvent ces signes de tristesse, elles n'en parlent pas, parce qu'il y a la honte, car elles vont se dire comment les gens vont les regarder lorsqu’elles disent qu’elles ne sont pas heureuses. Elles taisent tout leur ressenti. Maintenant dans les médias, les femmes osent dire qu'elles en souffrent.
QUELS CONSEILS AUX FEMMES POUR PREVENIR CETTE MALADIE ?
En tant que personnel de santé, nous préconisons que l'on puisse détecter les facteurs de risques notamment les facteurs socio-environnementaux. On devrait plus être regardant envers ces femmes-là pour qu'elles ne tombent pas dans la dépression. Nous espérons qu'un jour, cela va être intégré dans la consultation prénatale. Il faut sensibiliser la population sur le fait que cela existe. Il faut aussi faire des enquêtes pour voir cette pathologie dans notre contexte de travail. Il n'y a pas que la dépression post-partum après l'accouchement, il y a d'autres troubles psychiques tels que la psychose puerpérale. Quand on parle de psychose, la personne n'est pas toujours dans la réalité. Elle va tenir des propos délirants. Elle va être persuadée que l'on est en train de la persécuter, qu'on lui en veut et que l'on veut la tuer. Ce sont ces facteurs que la personne va développer après l'accouchement. Ce sont ces cas que nous voyons plus en hospitalisation.
NB : les noms ont été changés
L’ANC S’ERIGE EN BOUCLIER
L’Alliance pour une nouvelle citoyenneté (ANC) se positionne en bouclier, pour la défense des droits humains en général, et, en particulier, les droits des femmes.
L’Alliance pour une nouvelle citoyenneté (ANC) se positionne en bouclier, pour la défense des droits humains en général, et, en particulier, les droits des femmes. En effet, face à cette situation de «dominées» dont les femmes font l’objet, ces militantes pour la défense des droits de la femme, par la voix de Mme Awa Thiam, exhortent leurs sœurs à se battre pour recouvrer tous leurs droits. Elle a lancé cet appel en marge de son assemblée générale tenue hier, lundi 6 février 2023, à Dakar.
Mme Awa Thiam, philosophe de formation, par ailleurs chercheuse en anthropologie culturelle à la retraite et écrivaine, est d’avis que le poids de la crise au plan mondial comme ici au plan local, pose beaucoup plus de problèmes du côté des femmes. «Vous savez, en ce moment, que le monde est en crise. Et cette crise se répercute partout. Et dans les pays d’Afrique, tels que le Sénégal, la crise se ressent essentiellement du côté des femmes. Les hommes, bien sûr, en souffrent, mais j’ai l’impression que le poids de la crise, au plan mondial comme ici au plan local, pose problème du côté des femmes», a déclaré Mme Awa Thiam, porte-parole de l’Alliance pour une nouvelle citoyenneté (ANC).
Évoquant, par ailleurs, les objectifs de l’ANC dans cette lutte, la chercheuse en anthropologue culturelle à la retraite indique : «ce sont des objectifs qui datent d’il y a très longtemps. Comme vous le savez, les femmes sont dans une situation de dominées. Elles sont dominées dans un système patriarcal et cette domination est encore là. C’est une domination millénaire que les femmes vivent encore aujourd’hui. Et ça se traduit de façons différentes. On s’est beaucoup battu, par exemple, au niveau du Sénégal, pour la parité pendant des décennies. C’était une façon aussi de se battre contre la domination masculine. On se retrouve aujourd’hui avec une loi qui est piétinée.» Elle en veut pour preuve les cas des bureaux de l'Assemblée nationale et des Conseils municipaux. «Prenez le cas de l'Assemblée nationale, il y a une loi qui a été votée. Et qui est-ce qui a violé en premier cette loi ?
C’est l’Etat sénégalais. Si vous prenez en considération la manière dont le bureau de l’assemblée a été mis sur pied, il y a eu un président. En principe, le poste de (premier) vice-président devrait revenir à une dame. On a eu un président, ensuite on a un autre homme (premier) vice-président. Vous prenez tout ce qui concerne les mairies. Sur plus de cinq cents, il n’y a même pas eu trente femmes maires.»
C’est pourquoi l’ANC exhorte les femmes à sa battre pour arracher leur droits. «Il faut simplement que les femmes se battent pour recouvrer tous leurs droits. En fait, elles n’ont pas à recouvrer uniquement des droits, il faut que ces droits-là soient étendus. Qu’elles n’aient pas seulement des postes relativement aux élections, mais qu’on les retrouve au gouvernement, cinquante pour cent, cinquante pour cent», a-telle recommandé.
L’écrivaine s’est aussi prononcée sur le cas de la député Aminata Touré, dite Mimi, déchue de son mandat par le bureau de l’Assemblée nationale. Selon elle, «on se sert de certaines femmes et on les jette après. C’est le sentiment qu’on a eu. Tout le monde a vu qu’elle s’est investie pour ce parti-là ; donc, la moindre des choses, c’était quand-même de lui donner quelque chose de conséquent et non pas de l’humilier comme elle l’a été. Beaucoup de femmes se sont senties humiliées à travers ça».
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LE FÉMINISME COMME PRATIQUE D'ACTION
Retour sur la cérémonie de lancement du réseau des féministes du Sénégal, le 28 janvier 2023, marquée par plusieurs interventions de figures actives dans la lutte pour les droits des femmes au pays et ailleurs
Retour sur la cérémonie de lancement du réseau des féministes du Sénégal, le 28 janvier 2023, marquée par plusieurs interventions de figures actives dans la lutte pour les droits des femmes au pays et ailleurs.
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MUJERES POR AFRICA OU LE BOOSTER DES FEMMES D'AFRIQUE
Fondée en 2012 par l’ancienne vice-présidente Maria Teresa Fernandez de la Vega, cette Fondation espagnole apporte un coup de pouce aux femmes d’Afrique dans divers domaines : éducation, sciences, développement durable, cinéma, etc.
Sur bien des aspects, les femmes sont souvent victimes d’injustices diverses qui remontent à des siècles, voire des millénaires. Toutes choses qui freinent leur ascension et les empêchent leur pleine participation au développement de leur société.
Mais quelques initiatives permettent d’épauler les femmes à remonter la pente et réparer peu ou prou quelques injustices, notamment les femmes africaines. C’est le cas de la Fondation Mujeres por Africa.
Fondée en 2012 par l’ancienne vice-présidente Maria Teresa Fernandez de la Vega, cette Fondation espagnole apporte un coup de pouce aux femmes d’Afrique dans divers domaines : éducation, sciences, développement durable, cinéma, etc.
Juriste spécialiste en contentieux d'affaires, Ndèye Fatou Ndiaye est une ancienne boursière de la Fondation Mujeres por Africa. Ses études terminées en Espagne, elle a été nommée coordonnatrice de la Fondation au Sénégal.
En marge d’une conférence organisée récemment à Dakar et animée par la directrice générale de l’égalité Rita Bosaho, au centre culturel espagnol, Instituto Cervantes de Dakar, nous avons interrogé Ndèye Fatou Ndiaye sur cette association dont elle coordonne les activités.
QUAND LES REGLES ENTACHENT LA SCOLARITE DES FILLES
Dans certaines localités , elle ratent des cours pendant les périodes de menstrues à cause d’une précarité qui les prive d’une hygiène intime adéquate.
Le constat est unanime. Les règles entachent la scolarité des adolescentes. Au Sénégal, comme dans plusieurs pays, les menstrues constituent un frein à l’éducation des filles. Certaines d’entre elles, laissées à leur propre sort, sont emportées hors des salles de cours par le flux sanguin de la précarité.
« Quand j’ai mes règles et que je n’ai pas de serviettes hygiéniques, je suis obligée de rentrer chez moi ». Avec une voix assez timide, elle ajoute : « Cela perturbe mes études, car c’est difficile de se rattraper avec les explications de cours ». Ces propos sont de A. Diallo, élève en classe de 3e au Collège d’enseignement moyen de Kénia (CEM Kénia).
Nous sommes à Ziguinchor, région méridionale du Sénégal. Ici, certaines filles n’ont pas les moyens de se payer des serviettes hygiéniques. Elles sont alors confrontées à une situation des plus désagréables et inconfortables. Au Collège d’Enseignement Moyen (CEM) de Kénia, des jeunes filles le vivent depuis plusieurs années maintenant.
La santé et l’éducation sont des droits pour tous. Là où certains luttent pour la scolarisation des filles, d’autres se démènent pour leur maintien à l’école. A côté, il y a un tout autre phénomène qui prend de l’ampleur ; l’accès des filles à l’éducation est quelquefois limité ou menacé. Dans certaines zones, elles ratent des cours pendant un peu plus de trois jours. Cela est la conséquence d’une précarité dans laquelle elles vivent au point de ne pas pouvoir bénéficier d’une hygiène intime adéquate. Notons que les règles, c’est l’écoulement de sang qui apparait une fois par mois, chez la femme. C’est la définition qui est attribuée aux menstruations, qui d’ailleurs est une autre appellation des règles.
Des morceaux de tissu utilisés en période de menstrues
Elles sont nombreuses les filles qui font face à cette situation. A Saint-Louis du Sénégal, plus précisément à Sor, pour la plupart d’entre elles, l’étoffe est leur kit le plus accessible. Et entre les règles douloureuses et la précarité, la solution est toute trouvée afin de « se protéger ». Pour Salimata, c’est simple. « J’utilise des morceaux de tissu quand je suis en période de menstrues ». La première fois qu’elle est allée chercher de l’aide au niveau de l’administration de l’école, les surveillantes lui ont fait comprendre qu’elles n’ont malheureusement pas de serviettes à lui donner. Depuis ce jour, elle s’est rabattue sur les morceaux de tissu pour ses menstrues. Pour elle, c’est le moyen le plus adéquat pour se protéger. Elle s’y est habituée malgré les nombreux risques qui peuvent en découler.
Dr Seck, gynécologue : « Le tissu synthétique ou en polyester peut créer une réaction inflammatoire, allergique. »
Selon le Docteur Seck, gynécologue-accoucheur, ce n’est pas approprié́ d’utiliser n’importe quelle matière de tissu dans ce genre de situations. « Le tissu synthétique ou en polyester peut créer une réaction inflammatoire, allergique. Si vous avez une réaction due à l’intolérance de fibres synthétiques, ça peut créer des démangeaisons, des réactions inflammatoires avec possibilité de créer des lésions, de petites plaies qui peuvent être le nid de microbes ».
Le 28 mai est la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, mais elle n’est pas connue de tous. Cette date dédiée à cette question semble ne figurer que dans l’agenda de certains particuliers, car nombre des filles interrogées n’ont pas connaissance de cette journée.
L’ONG Action Contre La Faim estime à 500 millions les femmes et filles qui n’auraient pas les moyens de se procurer régulièrement des protections hygiéniques, aujourd’hui dans le monde. Selon Plan International, « 2 adolescentes et femmes sur 5 dans le monde ne vont pas à l’école ou au travail parce qu’elles ont leurs règles ». Pourtant, les stratégies ne manquent pas pour réduire le taux de précarité menstruelle. Ce défi s’annonce à la fois vaste et compliqué en plus des préjugés et des tabous. Pour rappel, en septembre 2019, une jeune fille s’est suicidée au Kenya à la suite de l’humiliation qu’elle a subie de la part d’un enseignant. Elle avait ses règles et sans moyen de se protéger, elle a taché ses vêtements. C’était alors l’occasion pour l’enseignant de la traiter de « sale » avant de la renvoyer de la classe.
Toutefois, les actions menées dans plusieurs pays du monde ont donné naissance à beaucoup d’initiatives allant dans ce sens. Au Cameroun par exemple, KujaEcoPads fabrique des serviettes hygiéniques biodégradables à des prix réduits. Dans plusieurs autres pays, des plaidoyers sont faits afin de faciliter l’accès des kits hygiéniques à toutes les femmes.
Les jeunes filles du CEM de Kénia à Ziguinchor, après avoir vécu cette situation pendant plusieurs années, ont pu bénéficier de l’aide de certaines structures. Il s’agit entre autres, du Village d’enfants SOS de Ziguinchor qui, après une formation, a fourni à plusieurs filles des serviettes hygiéniques lavables. Une aubaine pour ces jeunes qui voient enfin une chance de pouvoir étudier convenablement sans rater des cours. D’ailleurs, l’une d’elles soutient que les serviettes lavables sont plus pratiques et plus sûres même si leur durée d’utilisation ne dépasse pas trois ans.
Ces jeunes filles évoluent toutes dans différents clubs mis en place par le corps professoral de leur collège. Du club Education à la Vie Familiale (EVF), en passant par le club des Jeunes Filles Leaders, elles organisent des causeries, assistent à des formations ou des sensibilisations visant à les conseiller, les guider, leur montrer comment faire face à cette situation. Toutefois, elles ne bénéficient pas d’aides venant de la mairie encore moins des autorités sanitaires ou de l’éducation nationale.
Heureusement pour elles, elles peuvent au moins compter sur Mme Bodian, surveillante au CEM Kénia, encadreuse des filles du club des Jeunes Filles Leaders. Elle est celle vers qui elles se tournent quand elles en ont besoin. Cette femme est celle qui les forme ou encore celle qui les a pris sous son aile afin de leur apporter toute l’aide et tout le soutien dont elles ont besoin. Très touchée par la cause de ces filles qui vivent dans la précarité, elle achète elle-même des serviettes hygiéniques pour elles. Parfois, avec la participation de quelques-uns de ses collègues, ils payent également des médicaments pouvant atténuer les règles douloureuses afin de leur permettre de suivre les cours sans problème.
L’administration de l’école essaie de mettre la main à la pâte. « L’école (le Principal) avait proposé à ce que l’on mette un stock de serviettes hygiéniques à la disposition des filles juste au cas où̀ elles en auraient besoin, mais jusqu’à présent rien n’a été fait ». Ces propos de Mme Bodian traduisent toute la peine qu’elle ressent en voyant la situation qui va de mal en pis sans solution concrète.
La santé de la reproduction constitue un sujet sensible et également un tabou dans certaines zones du pays. Alors, la question des menstrues, qui est parfois liée à la culture, constitue une barrière pour certaines choses. Difficile pour ces filles de s’exprimer librement sur le sujet avec n’importe qui. Aujourd’hui, la situation s’améliore même si elle n’a pas totalement changé. Avec cette condition, une meilleure implication des autorités est souhaitée par les élèves et le corps professoral afin de changer la donne.
Sur le marché, les prix des serviettes hygiéniques varient entre 500 francs CFA et 4.000 francs CFA. Elles sont ainsi un luxe pour certains parents qui préfèrent « s’occuper de choses plus importantes ». C’est ce que Mère Diaité nous fait comprendre. Cette maman de 5 enfants, dont 3 filles, est une ménagère. Le peu qu’elle gagne, elle l’investit dans l’éducation de ses enfants. Pour elle, il est impossible d’ajouter à ses dépenses d’autres frais. « Leur trouver de quoi manger et payer leurs frais de scolarité, c’est ma mission. C’est déjà dur de gérer cela donc si je dois y ajouter l’achat de serviettes hygiéniques, c’est clair qu’ils ne mangeront pas ». Ses filles se voient malheureusement se contenter des vieux t-shirts dont les voisins n’ont plus besoin.
Impact Social 221 à la rescousse des couches vulnérables
Magor Dia est un sociologue de formation, également coach en parentalité. Il a mis en place, avec d’autres collègues, une association nommée Impact Social 221 dont il est le coordinateur. En réalité, Impact social 221 est une organisation à but non lucratif, créée par des travailleurs sociaux, sociologues et psychologues pour promouvoir le développement social à travers des actions qui impactent directement la vie des personnes, des familles et des communautés. L’organisation déroule tous les deux mois une activité sociale pour apporter son soutien à la couche vulnérable. D’ailleurs, « une collecte de serviettes hygiéniques a été lancée en 2022 pour lutter contre la précarité menstruelle. Le choix de cette collecte s'est fait suite au constat que nous avons fait concernant des filles qui sont en situation de précarité menstruelle très avancée ».
Tout comme ces jeunes filles du CEM de Kénia, cette situation est vécue par plusieurs autres femmes, que cela soit à la maison, dans les prisons, mais également dans la rue, c’est partout dans le Sénégal que ce constat est fait. Cette organisation, mise en place par des jeunes à la fois dynamiques et engagés pour la bonne cause, a réussi à collecter un certain lot de serviettes hygiéniques. « Nous avons ajouté à cette collecte (de serviettes hygiéniques) une de vêtements pour toujours permettre à ces filles, en situation de vulnérabilité, de ne pas se sentir seules ».
Œuvrant pour toucher positivement le maximum de personnes vulnérables, Impact Social 221 appelle « tous les Sénégalais à faire un geste pour impacter le social ». Pour eux, « il y a des personnes qui se soucient de leurs (les personnes vulnérables) conditions de vie et qui feront tout pour les accompagner à vivre dans la dignité ».
Plus qu’un plaidoyer, c’est une question d’intérêt général, de santé publique, d’égalité et de dignité, car il s’agit de la vie des jeunes filles qui plus est une question de droit humain fondamental. Et à ce niveau, le cerveau n’a pas de genre.
LES MIGRANTES, HÉROÏNES NÉGLIGÉES DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Les femmes peuvent être, de moins en moins, considérées comme de simples figurantes du projet migratoire des familles dont elles constituent un moteur important de l’ambition de réussite, au Sénégal comme dans bien d’autres pays d’accueil
Les femmes peuvent être, de moins en moins, considérées comme de simples figurantes du projet migratoire des familles dont elles constituent un moteur important de l’ambition de réussite, au Sénégal comme dans bien d’autres pays d’accueil dans lesquels la contribution des migrantes à la création de richesse est une donnée essentielle de ce phénomène, à rebours de tous les clichés sur ce sujet.
La migration, régulière ou non, concerne toutes les catégories de population, dont les femmes, actrices importantes d’un phénomène qui a toujours contribué à la prospérité des pays, à travers les âges et les siècles, malgré la force des préjugés et des idées reçues.
Des migrantes de nationalité sénégalaise ou des étrangères vivant au Sénégal, témoignent pour l’APS des bienfaits de la migration qui leur a permis de prendre leur destin en main en s’ouvrant au monde et en se confrontant à d’autres réalités et cultures.
Aïda Sock, une Sénégalaise d’une trentaine d’années, en est un bon exemple. Cette artiste chanteuse et entrepreneure, a un point de vue plutôt tranché sur la question, en parlant de la migration en termes d’opportunités.
Il est important de partir, sous-entendu chacun doit avoir la possibilité d’aller voir d’autres horizons, chaque fois que le besoin de découvrir des cultures différentes et des choses nouvelles se fait ressentir, dit cette diplômée en administration des affaires et en commerce international du Miami Dade College et de l’université internationale de Floride, aux Etats-Unis.
Aïda Sock considère que son séjour aux Etats-Unis lui a apporté plus de savoir-faire et d’ouverture d’esprit sur le monde, malgré la perception négative que l’opinion a du migrant dans certains pays et sociétés.
Au pays de l’Oncle Sam, elle dit avoir ressenti de la curiosité plus qu’autre chose dans le regard que les autres posaient sur lui, surtout pas de mépris.
‘’Il y avait beaucoup de curiosité vis-à-vis de quelqu’un venu d’Afrique dans les normes, qui travaille et gagne sa vie. Il y a eu plus d’ouverture de portes qu’autre chose’’, confie-t-elle en riant.
‘’Je suis partie aux Etats-Unis pour étudier, avoir plus d’expérience mais également pour travailler. Et lorsque j’ai fini mes études, j’ai décidé volontairement de rentrer pour apporter à mon pays ce que j’ai reçu à l’étranger’’, explique Aïda.
A son retour au bercail, la jeune artiste qui compte notamment une participation à ‘’The Voice Afrique francophone’’, version africaine francophone de l'émission de télécrochet The Voice, se sent suffisamment armée pour lancer son entreprise et s’engager dans les affaires. Ce qui constitue à ses yeux la meilleure manière de participer à la création de richesse au profit de son pays.
Aïda a porté cette entreprise sur les fonts baptismaux avec l’aide de sa sœur et en se servant des différentes expériences professionnelles qu’elle a acquises à l’université mais aussi dans le domaine du mannequinat.
Cette entreprise spécialisée dans l’art, la mode et la nourriture, a contribué à créer des emplois mais a surtout ‘’apporté une nouvelle approche dans ce domaine, un traitement salarial différent, de l’embauche, la formation des employés et plus d’opportunités avec des partenaires’’, se félicite la jeune entrepreneure.
L’appétit venant en mangeant, Aïda lance une autre entreprise dans le domaine de l’art sous son propre label ‘’Mandarga Music’’, histoire de se tester et de voler de ses propres ailes.
La jeune femme, pas dupe, laisse entendre que les risques encourus par cette entreprise individuelle sont bien calculés. ‘’En tant que femme, dit-elle, je sais qu’il y a une question de sécurité qui se pose. C’est plus une question de s’assurer juste de ne pas partir sur un coup de tête, mais de faire attention sur sa destination et d’avoir un objectif à atteindre’’.
L’artiste musicienne convient que parfois il est important de partir de son pays pour mieux apprendre de la vie et s’imprégner d’autre chose, avoir plus de bagages pour apporter un plus à son pays d’accueil et d’origine.
Mais il demeure que la migration, surtout dans le cas des femmes, doit se faire ‘’dans les règles’’, de manière régulière, pour que personne ne soit amenée à risquer sa vie, observe-t-elle.
Partir pour apprendre, se confronter à d’autres horizons
De nationalité ivoirienne, Nathalie Nguessan est établie au Sénégal depuis 20 ans et ne manque jamais de louer l’importance de la formation qu’elle a reçue dans ce pays d’accueil où elle se sent épanouie.
Désormais mariée et mère de 3 enfants, cette employée de l’ONG Enda Energie dont elle est la responsable de la communication, n’était venu au Sénégal que pour renforcer sa formation et acquérir plus de connaissances.
Nathalie se dit plus que jamais décidée à rester dans son pays d’accueil, devenu, par la force des choses, sa seconde patrie.
‘’Je ne voyais pas l’opportunité de rester [en Côte d’Ivoire] dans un contexte de crise politique à l’époque, et je m’étais dit pourquoi pas chercher quelque chose au Sénégal, vu que j’ai fait ma formation ici’’, se justifie cette experte en communication, qui insiste sur la solidité de son cursus de formation ayant facilité son insertion professionnelle au Sénégal.
‘’Plusieurs personnes dans mon cas ont tenté de trouver du boulot ici, sans succès, et ont décidé de rentrer au pays, mais moi par contre, j’ai eu de la chance. Ce pays a été un terrain d’apprentissage pour moi, surtout dans le domaine du développement durable’’, indique Nathalie.
Mme Nguessan reconnait, par contre, avoir dû s’adapter à la culture sénégalaise, ce qui lui a permis de facilement faire valoir ses compétences professionnelles.
‘’Ma présence au Sénégal m’a permis d’aller au-delà de mon travail, pour entreprendre dans le domaine des cosmétiques en valorisant nos matières comme le cacao et le karité’’, renseigne Nathalie Nguessan, qui s’adonne au business à ses heures perdues.
Tout comme Aïda Sock, Nathalie soutient que la migration reste une bonne chose, en ce qu’elle permet aux femmes surtout de prendre leur destin en main, à condition qu’elle soit régulière.
‘’C’est possible de réussir en Afrique aussi, moi j’en suis la preuve. Il n’y a pas que l’Occident qui offre cette opportunité. Même ici, on peut créer des activités génératrices des revenus, mais tout dépend du domaine dans lequel vous vous engagez’’, poursuit-elle.
Nathalie va plus loin. La migration Sud-Sud reste plus bénéfique que celle Nord-Sud, affirme la native de Côte d’Ivoire, qui invite à se tourner vers les pays du continent, plutôt que de tenter l’aventure en mer pour un hypothétique Eldorado européen.
‘’L’Afrique est un terrain vierge’’, constate Nathalie d’un air plutôt sérieux pour le coup, avant d’ajouter : ‘’Les Occidentaux eux-mêmes viennent travailler ici. Si on a la formation et l’accompagnement nécessaire, on peut faire plus dans le continent’’.
Toujours est-il que Mme Nguessan dit se réjouir de voir de plus en plus de femmes profiter des opportunités offertes par la migration pour prendre leur destin en main et devenir de réels soutiens pour leurs familles.
Halima Saker Ahmed Damoh, une jeune entrepreneure d’origine tchadienne, parle à ce sujet d’une véritable prise de conscience féminine, se disant fière à titre personnel de se découvrir des capacités à franchir les obstacles de la vie pour aller toujours de l’avant.
A l’entendre, le Sénégal et la gentillesse dont les Sénégalais ont fait preuve à son égard n’y sont pas étrangers, la vie dans ‘’le pays de la Téranga’’ lui ayant permis de d’ouvrir les yeux sur beaucoup de choses et de devenir plus autonome.
‘’Je me suis fait une autre famille ici au Sénégal, avec des voisins et des personnes qui m’ont accompagnée depuis mon arrivée, en 2006’’, relève Halima, trouvée dans son bureau à Keur Ndiaye Lô, à une trentaine de kilomètres de Dakar, dans le département de Rufisque.
Cette femme battante aux multiples casquettes, entrepreneure dans le domaine de la menuiserie moderne, se félicite surtout de la tolérance dont les Sénégalais font preuve à l’égard des migrants.
Mme Damoh, conquise par ce trait de caractère des Sénégalais, demeure sous le charme de son pays d’accueil, qu’elle considère comme le sien.
Femme battante aux multiples casquettes
Dans sa petite entreprise de menuiserie moderne, elle emploie quelques Sénégalais avec lesquels la Tchadienne d’origine entretient des rapports empreints de cordialité et de respect mutuel, comme souligné par l’entrepreneure elle-même.
‘’Mon entreprise vient à peine de naitre mais j’ai pu créer de l’emploi ici au Sénégal grâce à ce que j’ai appris à l’école. Mon ambition est de faire plus que ce que je fais aujourd’hui’’, indique cette diplômée en ingénierie financière.
D’après Mme Damoh, le Sénégal demeure un pays de paix et de justice pour tous. ‘’Peu importe tes origines, dit-elle, lorsque tu as raison, la justice sera toujours en ta faveur’’.
L’analyse de la socio-anthropologue Oumoul Khaïry Coulibaly, spécialiste de la migration, donne toute la mesure de la place des femmes migrantes dans les pays d’origine et de destination.
‘’Certaines créent des emplois, même si elles sont moins nombreuses. Elles contribuent aussi à l’économie, à travers les transferts de fonds et de matériels, payent des taxes quand elles créent des activités, mais tout cela reste invisible’’, pour des raisons liées à la perception que la société a des migrations féminines, souligne-t-elle.
Il résulte de ce constat que les migrantes ont ‘’un rôle social très important’’, selon cette socio-anthropologue, enseignante-chercheuse à l’Ecole supérieure d’économique appliquée (ESEA) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
‘’Elles contribuent à l’économie de leur famille, voire prennent entièrement en charge les besoins de leurs proches, mais on a tendance à l’oublier, parfois’’, dit Oumoul Khaïry Coulibaly.
‘’Si on parle peu de la réussite des migrantes, cela est due à l’image que l’on a d’elles. Étant perçues comme des accompagnatrices passives, elles sont rarement considérées comme une catégorie sociale à part entière et ayant un projet migratoire’’, analyse-t-elle.
‘’Et pourtant, avance-t-elle, même celles qui partent dans le cadre familial sont souvent animées d’une ambition de réussite socioéconomique. Il en est de même pour les migrantes de retour et de leurs activités dont on parle peu’’.
La faute aux représentations sociales négatives qui empêchent une bonne perception de l’importance du rôle de la femme, observe la socio-anthropologue.
‘’Dans nos sociétés africaines, le rôle de l’homme comme pourvoyeur économique est tellement ancré que les migrations liées au travail sont avant tout perçues comme un phénomène masculin, passant ainsi sous silence les migrations féminines, alors que les débuts de la féminisation des migrations sénégalaises en Europe, par exemple, remontent, au moins, à la fin des années 70, et surtout au début des années 80, notamment suite à la fermeture des frontières françaises à la migration de travail’’, explique la chercheuse.
L’apport des femmes migrantes compte autant que celui des hommes
Pas de doute donc que les femmes migrantes contribuent plus que ce que l’on pense à l’économie de leurs pays d’origine et d’accueil grâce à leur travail et leurs activités.
Il faut déjà partir de ce que de manière générale, la contribution de la diaspora et des migrants de retour au PIB national ne souffre plus d’aucune contestation.
Selon Abdoul Karim Cissé, conseil technique à la Direction des Sénégalais de l’extérieur, la diaspora, hommes, femmes et jeunes réunis, contribuent à hauteur de 10% au PIB national.
La contribution des migrants dans le développement socio-économique est surtout visible dans le domaine des infrastructures sociales de base, note M. Cissé.
S’agissant de l’aide apportée aux migrantes, il indique qu’un fonds d’appui existe au niveau de la Direction des Sénégalais de l’extérieur pour appuyer leurs différents projets dans les pays d’accueil comme dans les pays de départ.
Il cite notamment le Fonds d’investissement des sénégalais de l’extérieur (FAISE) et son volet destiné au financement des femmes de la diaspora (FFD), lequel prend en compte, dit-elle, les migrantes de retour au bercail comme celles vivant à l’étranger.
Selon Abdou Karim Cissé, ce fonds permet aux femmes de fiancer leurs projets sans taux d’intérêt, avec une durée de paiement de 3 mois et de remboursement allant de 12 à 18 mois.
Malgré la relative méconnaissance de ce fonds par certaines migrantes de retour, M. Cissé soutient que beaucoup de femmes ayant bénéficié de cet appui ont réussi dans leurs activités.
‘’C’est vrai que ce fonds n’est pas vraiment connu, mais il y a des femmes qui en ont bénéficié’’, certaines trajectoires relevant même d’une véritable ‘’success story’’, même si ‘’d’autres ne s’en sortent pas parfois’’, précise M. Cissé.
Le hic c’est qu’il existe des migrantes revenues au bercail avec des différents projets nécessitant un appui, ‘’mais elles ne connaissent l’existence de ce dispositif (FDD)’’, déplore-t-il, avant de préconiser que ces dernières puissent se rapprocher du ministère de tutelle à travers le Bureau d’accueil d’orientation et de suivi (BAOS) dans les 14 régions, pour corriger cet impair.
‘’Dans les 46 départements, nous avons de points focaux [à travers les antennes de Sénégal Service]’’, Plateforme de gestion des démarches administratives du Sénégal. Il s’agit de corriger l’accès à l’information et d’animer sur le territoire la partie migratoire, car les réalités diffèrent pour chaque région’’, conclut-t-il.
À KOLDA, DES FEMMES DEMANDENT LE RELÈVELENT DE L'ÂGE DU MARIAGE CHEZ LES FILLES
La section de Kolda de l’union des associations des femmes catholiques du Sénégal, a appelé samedi, les divers acteurs à œuvrer pour le relèvement de l’âge de mariage des filles dans une démarche de lutte contre les mariages précoces dans cette région
La section de Kolda de l’union des associations des femmes catholiques du Sénégal, a appelé samedi, les divers acteurs notamment les parents à œuvrer pour le relèvement de l’âge de mariage des filles dans une démarche de lutte contre les mariages précoces dans cette région sud du Sénégal.
‘’Il faut que les parents tiennent en compte les intérêts des adolescentes afin d’éviter d’éventuelles complications à ces jeunes mises en couples très tôt. Nous disons non aux mariages d’enfants. Il faut que les parents donnent leurs filles en mariage à partir de 18 ans’’, a déclaré Antoinette Nzally.
Elle s’exprimait lors d’une marche de sensibilisation contre les violences basées sur le genre particulièrement les mariages précoces des filles, organisée dans la ville de Kolda.
‘’La fille mariée à 16 ans qui n’est encore qu’une adolescente ne peut être consentante et souvent elle est obligée par des parents à contracter un mariage forcé. Et marier son enfant à cet âge, c’est de la priver de l’éducation si elle était à l’école et de l’exposer aux risques de connaitre des complications dans sa maternité’’, a expliqué Antoinette Nzally.
‘’Cette pratique (mariage précoce des filles) reste d’actualité à Kolda où, le taux de prévalence est très élevé avec 68 % par rapport à la moyenne nationale qui est de 33%’’, a indiqué Marième Diarra, venue représenter lors de cette marche, la Boutique de Droits de Kolda.
Les organisatrices de la marche de sensibilisation contre les violences basées sur le genre ont aussi plaidé pour l’harmonisation du Code de la famille avec les textes internationaux ratifiés et signés par l’Etat du Sénégal, afin de protéger les adolescentes contre les mariages précoces.
par Assiétou Penda DIOP K.
MOI, NOIRE, MUSULMANE, FÉMINISTE
Le mauvais procès fait à la cause féministe, proviendrait alors de l’interprétation arbitraire faite par des hommes de certains textes religieux, et d’un legs colonial inadapté à nos réalités culturelles
WanaData |
Assiétou Penda Diop K. |
Publication 21/01/2023
« Je suis féministe » Aussi longtemps que je me souvienne, cette assertion a revêtu une connotation péjorative, pas seulement au Sénégal, mais dans le monde entier. Être féministe, est assimilé à une revendication insensée menée par des femmes pour la plupart jugées acariâtres, hystériques et « anticonformistes », dans le but d’acquérir des droits longtemps bafoués et/ou profondément annihilés par une solide puissance masculine dominatrice ne souffrant d’aucune équivoque. Être féministe dans mon pays c’est revêtir la toge d’un avocat du diable. Bien entendu, la métaphore n’est pas difficile à saisir : le diable est la femme, le sexe faible comme la société a choisi, sans grand effort, de la caractériser. Aujourd’hui encore, les sénégalais aiment comparer les féministes à des personnes frustrées, n’ayant ni la délicatesse, ni le tact requis pour séduire et retenir un homme dans le but strict et « glorieux » du mariage. Dans l’imaginaire commun des sénégalais, les féministes sont donc cette élite de « vieilles filles », célibataires, qui ont pour la plupart une très bonne condition sociale et qui refusent, (pour une raison évidente qu’est le déni de la subordination légendaire que chaque individu de sexe féminin doit vouer à un homme) de se « conformer » à la norme sociétale. En réalité, revendiquer les droits des femmes et réclamer une égalité parfaite entre les genres humains ne sauraient être le fondement du féminisme, selon eux, il y a sans nul doute une influence occidentale accrue qui chercherait à « pervertir » la société sénégalaise en bouleversant les « us et coutumes de nos ancêtres » bien ancrées dans les « entrailles du patriarcat ».
« Nous ne sommes pas des occidentaux »est certainement la phrase la plus courante qu’un homme ou une femme sénégalaise, sort lors d’une polémique sur la pensée féministe.
Beaucoup de femmes ignorent que des acquis politiques et administratifs (droit de vote, droit de déclarer son enfant né hors mariage, droit d’aller à l’école, droit de s’autodéterminer pour le mariage civil, loi sur la parité, criminalisation du viol …) qui leur semblent aujourd’hui naturels, sont le fruit de longues luttes menées par des féministes noires africaines, souvent au prix du sang. Et au-delà de la revendication exclusive des droits des femmes, ces dernières ont brillamment pris part à des évènements majeurs en y apportant un appui considérable ; on peut citer à cet effet la lutte pour les indépendances, la grève des cheminots de 1947 etc.
On fait souvent recours à la tradition pour demander aux femmes « de rester à leur place ». Le présent a la mémoire courte car notre histoire nous apprend à quel point la tradition accordait une place d’égale dignité aux hommes et aux femmes. Dans la société lébou les « ndey ji rew », figures féminines, dirigeaient l’organe de décision et régulaient la communauté afin d’y maintenir l’ordre. Aussi, la société wolof fut foncièrement matriarcale avec la transmission, par le biais de la mère de l’héritage familial, autant par le nom que par les biens matériels. Nous magnifions aujourd’hui encore la légendaire bravoure des femmes de Nder. C’est certainement grâce à cette « légitimité sociétale » des femmes, que la Reine du Walo Ndatté Yalla MBODJ en 1855 a pu mener la première résistance face aux colonisateurs français. La prégnance de sa lutte trouve un écho dans le sud du pays avec Aline Sitoe Diatta qui s’opposa fermement à l’invasion étrangère, jusqu’à notre histoire politique contemporaine avec Soukeyna Konaré connue pour ses passes d’armes avec Lamine Gueye, tout puissant premier président de l’assemblée nationale sénégalaise. Ces éléments factuels démontrent l’importante place accordée à la femme dans la société sénégalaise d’antan mais sont surtout la preuve que les femmes ont toujours semé des germes de changement solides.
C’est fort de cet héritage socio historique, que plusieurs mouvements féministes et organisations féminines ont fait leur apparition vers les années 70 et 80 (l’Association des juristes sénégalaises (AJS) (1974),la Fédération des associations féminines du Sénégal (FAFS) (1977), l’Association des femmes pour la recherche et le développement (AFARD) (1977), le mouvement Yewu Yewi (1984) etc). Grace à ce bouillonnement associatif et intellectuel, le Sénégal procèdera à la ratification de l’ensemble des Conventions relatives aux droits des femmes et jettera les bases politiques et juridiques pour l’égalité femme-homme (SNEEG). Force est donc de reconnaitre que les transformations sociales et politiques apparues au Sénégal, impulsées par les combats féministes, ont permis une meilleure représentation des femmes dans les institutions dirigeantes, l’intégration du genre dans les politiques de développement, et la mise en place de mécanismes de promotion féminine.
Cependant, malgré ces avancées considérables sur le plan institutionnel, l’absence d’une rupture dans la question de la subordination dans les rapports de genre est palpable. La marginalisation des femmes demeure un fait social indéniable. Ce hiatus entre une base culturelle favorable à la femme et une réalité contemporaine qui l’oppresse s’expliquerait par quelques tournants historiques marquants qui ont quelque peu « déstructuré » le système social sénégalais. Il s’agit de l’arrivée de religions étrangères et de la colonisation française. En effet, le leadership reconnu aux figures féminines citées plus haut (Ndatté Yalla, Aline Sitoé Diatta…) ainsi que la pratique du matriarcat dans la société wolof, s’effriteront au contact de ces apports culturels et cultuels venus de l’extérieur. Le mauvais procès fait à la cause féministe, proviendrait alors de l’interprétation arbitraire faite par des hommes de certains textes religieux, et d’un legs colonial inadapté à nos réalités culturelles.
… La transposition de modèles culturels prônant l’exclusion des femmes du système politique et donc de la sphère décisionnelle, ainsi que la négation de l’accès à la terre opposée à ces dernières (Loi salique XIVe siècle) (F.S.SARR — 2018), dilueront le « pouvoir » des femmes. Cet état de fait se poursuivra jusqu’après les indépendances et s’insurgera dans l’espace socio culturel. Les femmes sont de plus en plus confrontées à des obstacles d’ordre structurel causés par des lois et des institutions discriminatoires (code de la famille-1972) qui réduisent leurs possibilités d’entrer pleinement dans l’exercice de leurs droits humains. A titre illustratif, plusieurs dispositions du code de la famille qui confèrent un total pouvoir à l’homme au sein du foyer au détriment de la femme, sont aujourd’hui encore sujets à une forte polémique (voir référence en bas de page). À noter que ces dispositions ne tiennent pas seulement compte de l’univers socio culturel sénégalais, mais sont fortement inspirées de références juridiques occidentales et arabo musulmanes qui, loin de s’opposer totalement à notre réalité coutumière, s’insurgent pour la plupart, contre une bonne partie de nos valeurs et pratiques socio culturelles habituelles.
L’arrivée de religions étrangères bouleverse le cadre socio culturel sénégalais. En effet, l’interprétation faite des textes religieux, prône une classification sociale foncièrement orientée vers le patriarcat. À croire que « la réaction est humaine de se donner une large portion quand on partage le gâteau », c’est sans grande surprise que les hommes ont conféré aux hommes les pleins pouvoirs sur le plan politique, social, financier, en « s’appuyant », selon eux, «sur des recommandations religieuses». Une multitude de règles restrictives à l’égard de la liberté d’expression, de l’exercice du pouvoir, de la participation à la vie politique, est désormais appliquée aux femmes, « au nom de la religion ». Elles se voient ainsi retirer des espaces de décision communautaires et familiaux. L’imaginaire sénégalais voudrait donc que les femmes soient dûment habilitées à se conformer à une interprétation plus ou moins « erronée » de nos références religieuses. Cette posture devant implicitement impliquer une annihilation d’un mouvement revendicatif de droits des femmes et donc d’une pensée féministe. Le contexte socio historico politique est une preuve concrète du retrait des femmes de l’espace politique, du refus opposé à leur désir de parole.
Le Pr Saliou NGOM révèle à cet effet, que la plupart des recherches faites sur la participation politique des femmes distinguent une période d’exclusion symbolisée par l’absence des femmes dans les instances de décisions dans les années 70 et une période d’inclusion impulsée par les mouvements féministes et les politiques d’empowerment.
« Au nom de la religion », qu’elles se taisent, et qu’elles n’aient droit à la parole que lorsque qu’elles y sont autorisées!
Plusieurs chercheurs dont Zahra Ali, s’interrogent. Cette dernière dans son ouvrage intitulé « Je suis musulmane et féministe, ne soyez pas surpris ! » pose cette problématique : « En tant que musulmane pratiquante et féministe convaincue, j’aimerais que tous ceux qui nient la possibilité de mon existence commencent tout d’abord par se demander pourquoi penser que « l’islam est une religion patriarcale » leur paraît si évident ? D’où leur vient cette certitude selon laquelle l’islam — plus que toute autre religion — serait par définition inégalitaire et oppressif à l’égard des femmes ? »
Tant de questions qui méritent des réponses plausibles, concrètes et réalistes dans une société comme la nôtre qui continue d’alimenter une polémique anti féministe mue par une ignorance totale des fondements de la dite pensée.
En réalité le féminisme est, et demeurera une lutte acharnée d’une poignée de femmes et d’un soupçon d’hommes pour l’atteinte d’abord : des droits humains des femmes, de leur dignité humaine, de leurs libertés individuelles, du respect de leur condition de femme avec tout ce que cela comporte comme singularité caractérielle, particularité et spécificité des besoins. Le féminisme représente aussi, ce mouvement féminin, capable de mettre à nu les failles d’une communauté humaine, qui en lieu et place d’une promotion de l’équité et de l’égalité des genres, creuse les écarts entre ces derniers en magnifiant des pratiques juridico institutionnelles néfastes, en s’auto glorifiant d’un patriarcat funeste, au détriment d’une égale dignité entre les femmes et les hommes.
Aujourd’hui, après plusieurs siècles de combats, avec en poche la consécration de l’égalité des droits entre les sexes en politique et dans la vie publique par l’article 7 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979, les inégalités salariales persistent, la non effectivité ou l’application partielle de plusieurs acquis juridiques (droit à l’avortement, criminalisation du viol, parité etc) sont encore d’actualité et la démocratie telle que pratiquée au Sénégal et le système politique en général, sont de loin favorables à l’exercice des droits des femmes. Les écarts entre les genres sont davantage creusés par des pratiques institutionnelles, auxquelles s’ajoutent des facteurs socio-culturels qui ne favorisent pas la représentation des femmes dans les hautes instances. L’engagement politique des femmes a toujours été prégnant, mais tarde toujours à se traduire par une occupation réelle de postes politiques.
« On ne nait pas femme, on le devient » disait Simone De Beauvoir en faisant référence au processus de structuration des rôles et rapports de genre dans les sociétés. Cette assertion trouve un sens profond dans la modélisation des rôles au Sénégal où la « coutume » voudrait qu’on naisse fille, qu’on grandisse prédisposée à être une femme mariée, qu’on vive une vie d’épouse modèle et qu’on meurt mère. Aucune marge n’est laissée à la possibilité de faire éclore un potentiel leadership féminin propice au développement économique, à la réinvention des savoirs. Au contraire, l’exercice d’acquisitions de savoir-faire, de savoir être, de comportements, d’habitus, tourne autour d’une volonté marquée de façonner « une femme vertueuse » exempte de tout désir allant à l’encontre de la recherche d’« un bon mari » capable de subvenir à ses besoins, à qui elle vouera sa vie terrestre et duquel dépend son « bonheur dans l’autre monde ».
Cette « règle sociale » doit cesser à tout prix. Nous ne devons plus souscrire à une annihilation des droits de la plus grande moitié de la population humaine. Et parce qu’ « en tant que femme, nous devons montrer notre taux d’utilité nationale», j’emprunte l’expression à Mme Nafissatou Wade, je reste formellement persuadée que les luttes féministes ont leur place dans la marche continue de notre pays. Il est temps de mettre fin à des siècles de perpétuation de pratiques discriminatoires, de violences physiques, morales et psychologiques basées sur le genre, d’inégalités sociales grevant l’économie.
Ceci passe par une réappropriation de nos valeurs culturelles pré coloniales, par la revivification de « notre histoire », l’histoire de l’Afrique, du Sénégal, racontée par nous-mêmes, par nos voix autorisées, par nos écrits consacrés (aussi peut soit il).
En réalité, l’histoire, en tout cas la bonne version, est indispensable dans la lutte contre les discriminations faites aux femmes et aux filles au Sénégal. Elle est importante en cela qu’elle reste le seul moyen d’édifier le peuple sur la véritable structure de son système social. En effet, l’occident n’a rien à nous apprendre et nous « n’avons personne à rattraper » en termes de leadership social inclusif et représentatif. Avec le matriarcat longtemps appliqué par la société wolof, avec l’existence des ndey ji rew, le rôle légendaire qu’ont joué nos reines et résistantes d’avant l’avènement des colons, nous avons toujours eu des femmes et des hommes valeureux. Notre histoire, qui débute bien avant l’avènement des religions venues d’ailleurs, nous prouve à plus d’un titre que notre système social était loin d’être inégalitaire.
Ce qui nous amène à dire que le fondement de la pensée féministe des africaines de l’Ouest et particulièrement des sénégalaises ne devraient pas se focaliser sur une acquisition de droits mais plutôt une réappropriation de ceux-ci.
Loin de moi l’idée de « diviser » les féministes et féminismes, mais il se trouve que chaque lutte détient intrinsèquement une origine légitime, un fondement historique. Ceux du féminisme ouest africain devraient résider dans le rétablissement du statut des femmes lors de la période précoloniale, la réappropriation des droits jadis détenus par celles-ci, leur réinsertion dans le système politique, avec comme seule référence, le système socio culturel sénégalais voire africain. Ce féminisme se veut revendicatif des droits des femmes sans aller à l’encontre du culte religieux, sans « déshabiller » les femmes, sans leur ôter les multiples fonctions sociales que la tradition Africaine — Sénégalaise leur assigne, tout en leur reconnaissant une réelle capacité à formuler une pensée, une pensée libre, déconstructrice de préjugés inégalitaires et constructive d’un monde meilleur. Ce féminisme s’identifie partiellement à Simone de Beauvoir — il magnifie sa bravoure, son innovation, il loue la noblesse de son combat mais réfute l’appel à la « dépravation » ainsi que le rejet de l’institution qu’est le mariage. Il en est de même pour la forme de revendication des Femens qui ne saurait être conforme aux valeurs traditionnelles africaines.
Des féminismes, il en existe ! Leurs formes de revendications peuvent diverger ainsi que les fondements théoriques, mais le socle de la dite pensée reste le même, celui de l’établissement d’une société où les femmes et les hommes sont égaux devant les institutions, la grille rémunératrice, la structure juridique, « l’œil socio communautaire ».
25 ans après Beijing 95, des disparités existent toujours au sein de nos communautés. Des avancées sont certes notées mais il persiste un large éventail de gaps à résorber.
Cependant, une nouvelle génération de féministes est née. Une génération qui s’attèle à l’écriture, à la pensée, aux actions et au changement ! Une génération qui s’identifie à une référence féminine africaine, noire, contemporaine, qui s’inspire de Mariama Bâ, Anette Mbaye Derneville, Ndeye Arame Diene, Marie Angélique Savané, Ndioro Ndiaye, Chimamanda Ngozie Adiche etc. Une brand new generation of feminists qui a compris qu’il est possible d’allier ses convictions religieuses avec celles politiques, qui n’hésitent pas à interroger les textes religieux, l’histoire, la realpolitik afin de souscrire à l’exercice de restructuration des sociétés africaines modernes, afin que les générations futures ne souffrent d’aucune discrimination et que l’égalité prime sur tout.