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27 novembre 2024
Femmes
ONU-FEMMES RENFORCE LES CAPACITÉS DES FEMMES CHEFFES D’ENTREPRISES
Elles sont 520 femmes entrepreneures et 76 agents issus des autorités contractantes à Dakar et dans les régions à bénéficier d’un renforcement de capacités en passation de marchés.
Onu-Femmes, en partenariat avec l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP), a initié une formation dédiée aux femmes entrepreneures. Ce programme de formation vise à renforcer les capacités managériales des femmes cheffes d’entreprises au Sénégal. Il s’agit, selon la coordonnatrice d’ONU-Femmes Sénégal, Mme Djenaba Wane Ndiaye, de permettre aux femmes de pouvoir soumissionner dans les marchés publics et de les gagner. Elle s’exprimait hier, mardi 20 décembre 2022, en marge d’un atelier de capitalisation du programme intitulé «Lier les besoins en matière de commande publique avec les Petites et Moyennes Entreprises (PME) gérées par des femmes au Sénégal»
Elles sont 520 femmes entrepreneures et 76 agents issus des autorités contractantes à Dakar et dans les régions à bénéficier d’un renforcement de capacités en passation de marchés. Ce programme, selon la coordonnatrice d’ONU-Femmes Sénégal, Mme Djenaba Wane Ndiaye, a été développé pour accompagner les femmes pour qu’elles puissent avoir les capacités à soumissionner dans les marchés publics et à gagner des marchés. «Maintenant, nous sommes en train de faire la capitalisation du projet. C’est de voir les capacités que les femmes ont acquises ; mais, en même temps, nous allons continuer ce programme de suivi parce qu’il ne sert à rien de leur donner les supports et de ne pas suivre ce qu’elles vont faire après», a relevé la coordonnatrice d’ONU-Femmes Sénégal, hier mardi, en marge d’un atelier sur le programme intitulé «Lier les besoins en matière de commande publique avec les Petites et Moyennes Entreprises (PME) gérées par des femmes au Sénégal».
Sous ce rapport elle soutient que «la perspective, c’est de les mettre en réseau d’abord, d’identifier les catégories de femmes qui ont participé à cette formation. On n’en a vu qui sont dans l’agroalimentaire, d’autres qui sont dans le BTP (bâtiment et travaux publics, ndlr), il y en a même qui sont dans le gardiennage ou la prestation de service.»
Relevant les contraintes auxquelles sont confrontées les femmes dans le cadre de l’accès aux marchés publics, Mme Wane cite, en premier ressort, l’accès à l’information.
A l’en croire «Les femmes entrepreneurs n’avaient pas accès à l’information pour savoir que, quelles que soient leurs activités, elles peuvent se formaliser et répondre aux sollicitations des marchés publics.» «Autres contraintes, décèlera-t-elle, c’est la maîtrise des procédures et les pesanteurs socioculturelles. De manière générale, quand on parle de chefs d’entreprises, on pense que c’est pour les hommes.»
C’est pourquoi elle plaide pour une discrimination positive dans l’accès aux marchés publics. «Il faudrait une discrimination positive. Si on veut, peut-être, que les femmes accèdent à ces marchés. Compte tenu de toutes ces contraintes là, ce n’est pas du jour au lendemain qu’on aura un bon pourcentage de participation des femmes à ces marchés publics.»
L’ŒUVRE DE SAFI FAYE ET KHADY SYLLA
MULTIPLE PHOTOS
LE MONOLOGUE DE LA MUETTE OU L’HISTOIRE DU TRAVAIL DE SOINS DOMESTIQUE INVISIBILISÉ AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers ce film, Sylla et van Damme attirent notre attention sur tous les travailleurs migrants y compris des lavandières et des ouvriers agricoles saisonniers, ces surgas dont regorge Dakar
Série de revues sur l’oeuvre des réalisatrices Safi Faye et Khady Sylla
Co-éditrices de la série : Tabara Korka Ndiaye et Rama Salla Dieng
Khady Sylla et Safi Faye, des noms qui devraient résonner dans notre imaginaire collectif tant elles ont été pionnières, dans leur art et dans leur vie parce que pour elles, l’art, c’est la vie. Leur vie et leur œuvre nous ont particulièrement ému. Pourtant, elles semblent porter en elles, la marque de celles vouées à être des égéries en avance sur leur temps! Le tribut en est lourd. Si lourd! Et si dramatique. On demeure sur sa faim. Sur la promesse d’un potentiel. On reste sur le regret de ce qu’elles auraient pu être, auraient dû être, si célébrées comme le monstrueusement gigantesque Sembène. On reste sur les si…sur la fleur de toute l’œuvre dont elles étaient fécondes.
Safi Faye a en tout réalisé treize films : La Passante (1972), Revanche (1973), Kaddu Beykat (Lettre paysanne) (1975), Fad’jal Goob na nu (La Récolte est finie) (1979), Man Sa Yay (1980), Les Âmes au soleil (1981), Selbé et tant d’autres (1982), 3 ans 5 mois (1983), Ambassades Nourricières (1984), Racines noires (1985), Tesito (1989), Tournage Mossane (1990) et Mossane (1996).
Elle s’est surtout intéressée au monde rural, à l’émancipation de la femme comme à l’indépendance économique et au poids des traditions, le tout en pays sérère.
Khady Sylla pour sa part, a été une férue de l’auto-exploration, pour théoriser depuis l’expérience propre. D’abord celle des marginalisés de la société avec Les bijoux (1998), Colobane Express (1999) qui capturent l’expérience du transport urbain avec un chauffeur de car rapide et son apprenti, puis la sienne avec Une fenêtre ouverte (2005) dans lequel elle parle de la santé mentale et enfin Le monologue de la muette (2008) qui parle des conditions de travail des ‘bonnes’. Auparavent, en 1992, Khady Sylla a publié chez L’Harmattan un superbe roman : le jeu de la mer. Les mots, Khady les jongle comme elle s’y accroche car ils la maintiennent en vie. Ainsi qu’elle le reconnaît dans Une fenêtre ouverte : ‘on peut guérir en marchant’.
Dans cette série, nous vous proposons nos regards croisés sur l’oeuvre de Safi Faye et de Khady Sylla, ceux d’une curatrice, créative et chercheuse Tabara Korka Ndiaye dont le projet s’intitule ‘Sulli Ndaanaan’ et celle d’une auteure, créative et universitaire, Rama Salla Dieng, passionnée de documenter la vie et l’oeuvre des oublié.e.s, marginalisée.e.s et silencié.e.s, toutes les deux férues de film, de musique et de littérature.
Le monologue de la muette (2008) ou l’histoire du travail de soins domestique invisibilisé au Sénégal
Autrice : Rama Salla Dieng
Le Monologue de la muette est un film de 45 minutes réalisé par la sénégalaise Khady Sylla (1963-2013) et le belge Charlie van Damme (1946-). Tourné à Dakar, le film s’interroge sur la condition des travailleuses domestiques communément appelées, ‘les bonnes’. Avec elles, Sylla et van Damme attirent notre attention sur tous les travailleurs migrants y compris des lavandières et des ouvriers agricoles saisonniers, ces surgas dont regorge Dakar. Si leur travail rend la vie quotidienne de tous et de toutes possible car elles tiennent à bras le corps notre économie domestique, leur présence est à peine tolérée et leur destinée ne semble ni intéresser ni émouvoir. D’où la question centrale de Khady Sylla qui nous interpelle tou(te)s : ‘Pourquoi faut-il que l’émancipation des unes se paie aux prix de la servitude des autres ?’
Après plusieurs années à suivre et traquer à distance les pépites que constituent le travail cinématographique de Khady Sylla, c’est finalement à Saint-Louis, ville mythique que j’ai eu l’occasion de regarder le film puis de modérer un débat avec des syndicalistes sur le film lors d’une session de cinéma organisée par l’Institut d’Études Avancées (IEA) de Saint-Louis, à l’Institut Français de la ville éponyme. Cette projection organisée par Mme Maty Ndiaye Sy, ma collègue de l'IEA, institut dirigé par le Professeur Babacar Fall à la riche production académique sur le travail au Sénégal, se tenait dans le cadre de conférence internationale de l’histoire du travail à Saint-Louis en décembre 2022. Quel cadre plus adapté pour parler des conditions des travailleuses domestiques que cette conférence qui portait sur les mutations sociales et les recompositions spatiales du travail ?
Le film
Amy, le personnage principal du film est une jeune femme dans la vingtaine qui a migré de son village natal à Dakar la capitale, pour offrir ses services de travailleuse domestique dans une famille de classe moyenne. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Diouana dans La Noire De…(1966) d’Ousmane Sembène qui migre avec une famille française et est contrainte à devenir leur servante à Antibes en France. Le parallèle est aussi possible à établir entre le destin d'Amy et celui de Ngor dans Kaddu Beykat (1975) de la réalisatrice Safi Faye qui quitte son Fadial natal dans sa quête de travail à Dakar.
Au début du film, personne ne parle, la caméra se contente de suivre Amy, ombre silencieuse levée aux aurores et déjà à l’ouvrage. Puis on nous la montre en train de balayer le trottoir de la maison tout aussi silencieusement, nous permettant de saisir à travers sa solitude, la terrible condition humaine qui unit ces milliers de travailleuses dont le labeur indispensable maintient les foyers dakarois ensemble alors que dans le même temps, ce travail de soins qui s’inscrit dans le travail de care, est invisibilisé et se produit souvent sans contrat. Informelles ou plutôt informalisées, ces travailleuses vivent dans la précarité et sont parfois soumises aux pires abus et maltraitances dans nos foyers…y compris aux violences sexuelles.
Dans le film, tout d’un coup surviennent des chuchotements qui augmentent comme un frémissement d’une foultitude de conspirations, pour libérer Amy et ses semblables du joug de la servitude.
‘…Nous sommes minoritaires,
Nous sommes marginales mais Spartacus est avec nous !
…Il paraît que ce n’est pas pour nous que tourne ce monde
Que ce n’est pas pour nous que brille le soleil et que luit la lune
Mais ce printemps sera pour nous
Pour toi Amy,
Pour nous.
…
Le temps est notre allié.’
Puis la voix s’évanouit aussi lentement qu’elle était apparue, prometteuse d’une révolution à venir pour libérer la masse silencieuse qui œuvrent et veillent dans de piètres conditions de travail. Amy ne parle que lorsque c’est nécessaire, préférant le silence ; d’où la suggestion d’un monologue de la muette. Amy que l’on nous présente comme sans-voix, travaille en silence, sa voix confisquée et rendue obsolète par le trop-plein d’ordres, de demandes et de mouvements de la dame aux ordres de qui elle obéit, et qui surveille ses moindres faits et gestes. C’est que Amy a la tête remplie de rêves et de désir d’ailleurs, si habitée par les lieux de son enfance qu’elle se recrée magiquement en les imaginant, s’est retirée du monde alentour. Comme par un effet de dissociation, Amy survit grâce à ses souvenirs du jardin de son père, de la case de sa mère, du parfum des eucalyptus, du souvenir du goût des mangues dans sa bouche comme dans son enfance, la présence des bougainvilliers.
Seulement le jardin qu’elle voit n’est pas celui de son enfance. Aux frontières de l’onirisme, le jardin se situe en réalité à la périphérie de Dakar et est peuplé de travailleurs agricoles migrants qui se déversent dans la ville à la recherche d’emploi salarié. Femmes, hommes et enfants, personne n’est en reste dans cette quête darwinienne du mieux et du minimum. Des filles aussi jeunes que 8 ans font partie de l’aventure, suivant leurs parents, parce qu'il n’y a guère le choix.
Deux jeunes adolescentes témoignent : l’une a abandonné ses études car sa mère ne voulait pas qu’elle étudie la battant même lorsqu’elle s'épanche sur son désir d’éducation scolaire. Elle finit par suivre la trajectoire maternelle, en devenant ‘bonne’ par héritage, pour se soumettre aux lois de la reproduction sociale. La deuxième elle devient bonne après avoir abandonné ses études suite au décès de son père et pour lutter contre le désœuvrement et le déclassement social.
Amy, fait comme elles, le choix de se taire et de courber l’échine pour pourvoir aux besoins de la famille restée au village. Elle ne répond pas face aux menaces et invectives de celle qui la suit comme son ombre, lui faisant des reproches et lui donnant des ordres. D’où ma préférence pour le terme de ‘silenciée’ à celui de ‘sans-voix’.
'Comme Ngor dans Kaddu Beykat (Lettre Paysanne de Safi Faye) qui partage une chambre avec sept autres travailleurs, Amy, elle, dort dans un étroit réduit infesté de moustiques avec cinq autres jeunes filles. Comme Ngor aussi qui fut renvoyé le premier jour de son embauche à un travail pour faire le linge d’une dame nantie, le film représente une scène de theatre qui se produit dans des conditions similaires justifiant l’intervention des proches de la domestique maltraitée et impayée, puis celle de la police qui préférera croire l’employeuse plutôt qu’au prédicament de la travailleuse domestique. Un clin d’oeil de Khady Sylla à Safi Faye?'
Amy a pourtant une idée fixe, son projet de restaurant, qui ne verra pas le jour. Elle cessera de travailler comme ‘bonne’ après son mariage à Omar, ce mécanicien, migrant lui aussi, qui lui rappelle être la seule chance d’Amy de ‘sortir de la servitude’, lui fait miroiter un ‘mariage heureux et des enfants scolarisés.’ Elle cumule les postes et devient alors tour à tour lavandière, femme de ménage et travailleuse agricole sans que cela ne lui donne un salaire décent. Malgré tout, Omar, son mari, n’envoie pas d’argent à elle et son enfant. Cette situation illustre comment l’entrée ou la sortie du travail domestique de ‘bonne’ est déterminée par le truchement de l’intervention des hommes comme l’a si bien montré Dr. Absa Gassama, dans sa recherche sur les travailleuses domestiques à Dakar. Résolument, Amy décide alors de repartir à Dakar pour reconquérir son autonomie financière et une plus grande émancipation sociale. Car au village, il n’y a plus de jeunes hommes ou de jeunes filles, que des vieux, des enfants et des mères. Elle se sait condamnée à devenir comme eux si elle restait, ‘passant la saison sèche à attendre la saison des pluies’, ne vivant que pour le moment où elle enverrait ses enfants à la ville pour qu’ils la nourrissent. Amy décide de retourner à Dakar pour rompre le cycle de la reproduction sociale.
La voix qui chuchotait une promesse de révolution hurlait alors que le film se clôt. Les impatientes ne veulent plus attendre. Spartacus est avec elles et leur printemps n’attendra pas.
Cet appel à la conscience collective est prononcé par Khady Sylla pour qui : Il faudra plus que des bons sentiments pour que la servitude et la subjugation des travailleuses domestiques appartienne définitivement au passé.
Nous sommes coupables.
Pour Mariama Sylla, la sœur de la défunte Khady Sylla et réalisatrice comme elle, ‘ce film est un ‘manifeste’ pour la condition des femmes au Sénégal. Car au-delà de la représentation de la travailleuse domestique qui est muette dans ce film, on retrouve comment les femmes sont muselées et asservies. Le droit à la parole et à des conditions de travail décentes est une lutte qui n'est pas encore gagnée au Sénégal.
La métaphore de cette voix intérieure nous interpelle tous, hommes et femmes, à revoir nos propres comportements et notre vision de la vie.’
Au Sénégal, l’arrêté qui réglemente le travail domestique date du 23 janvier 1968. Il définit les conditions générales d’emploi des domestiques et gens de maison du Sénégal dans son article premier : « Est réputé gens de maison ou domestique, au sens du présent arrêté, tout salarié embauché au service d’un foyer et occupé d’une façon continue aux travaux de la maison. » L’arrêté ne couvre pas le personnel à temps partiel embauché pour une durée inférieure à 20 heures de présence par semaine laissées aux seules négociations entre parties prenantes, laissant entrevoir le risque de surexploitation pour ces personnes pour la plupart vulnérables et sans force de négociation.
Les travailleuses domestiques évoluent dans un cadre juridique à réformer. En effet, il y a un besoin de légiférer car le socle minimum de garanties d’un travail décent ne leur est pas acquis, ni même du reste, une (bonne) protection sociale. Au niveau de l’Organisation Internationale du Travail, la convention 189 concernant le travail décent définit le travail domestique comme ‘ travail effectué au sein de ou pour un ou plusieurs ménages’ et le travailleur ou la travailleuse domestique comme ‘toute personne de genre féminin ou masculin exécutant un travail domestique dans le cadre d'une relation de travail’. Pourtant les représentants syndicaux avec qui j’ai dialogué à la fin de la projection du film avouent avoir tout le mal du monde à faire appliquer cette convention et les autres textes y relatifs.
Le changement est possible mais il commence d’abord par une prise de conscience individuelle, puis collective. Ce film pourrait en être un déclencheur. Comme en témoigne Mariama Sylla : ‘je connais des femmes qui, après avoir vu le film, ont porté un autre regard sur la condition des ‘bonnes’.’
Le monologue de la muette constitue en définitive un puissant outil de plaidoyer.
L’ŒUVRE DE SAFI FAYE ET KHADY SYLLA
MULTIPLE PHOTOS
UNE FENÊTRE OUVERTE DE KHADY SYLLA, CRÉER OU S’ANÉANTIR
EXCLUSIF SENEPLUS - En dialogue avec Aminata Ngom et avec elle-même, Khady Sylla nous guide vers les chemins de la douleur, des silences, des stigmatisations, de l’exclusion, de l’enfermement, de l’altérité, du suicide, de la peur de soi
Série de revues sur l’œuvre de Safi Faye et Khady Sylla
Co-éditrices de la série : Tabara Korka Ndiaye et Rama Salla Dieng
Une fenêtre ouverte de Khady Sylla : Créer ou s’anéantir
Autrice : Tabara Korka Ndiaye
Khady Sylla et Safi Faye, des noms qui devraient résonner dans notre imaginaire collectif tant elles ont été pionnières, dans leur art et dans leur vie parce que pour elles, l’art, c’est la vie. Leur vie et leur œuvre nous ont ému particulièrement. Pourtant, elles semblent porter en elles, la marque de celles vouées à être des égéries en avance sur leur temps ! Le tribut en est lourd. Si lourd ! Et si dramatique. On demeure sur sa faim. Sur la promesse d’un potentiel. On reste sur le regret de ce qu’elles auraient pu être, auraient dû être, si célébrées comme le monstrueusement gigantesque Sembène. On reste sur les si…sur la fleur de toute l’œuvre dont elles étaient fécondes.
Safi Faye a réalisé en tout treize films : La Passante (1972), Revanche (1973), Kaddu Beykat (Lettre paysanne) (1975), Fad’jal Goob na nu (La Récolte est finie) (1979), Man Sa Yay (1980), Les Ames au soleil (1981), Selbé et tant d’autres (1982), 3 ans 5 mois (1983), Ambassades Nourricères (1984), Racines noires (1985), Tesito (1989), Tournage Mossane (1990) et Mossane (1996).
Elle s’est surtout intéressée au monde rural, à l’émancipation de la femme comme à l’indépendance économique et au poids des traditions, le tout en pays sérère.
Khady Sylla pour sa part, a été une férue de l’autoexploration, pour théoriser depuis l’expérience propre. D’abord celle des marginalisés de la société avec Les bijoux (1998), Colobane Express (1999) qui capturent l’expérience du transport urbain avec un chauffeur de car rapide et son apprenti, puis la sienna avec Une fenêtre ouverte (2005) dans lequel elle parle de la santé mentale et enfin Le monologue de la muette (2008) qui parle des conditions de travail des ‘bonnes’. Auparavant, en 1992, Khady Sylla a publié chez L’Harmattan un superbe roman : le jeu de la mer. Les mots, Khady les jonglent comme elle s’y accroche car ils la maintiennent en vie. Ainsi qu’elle le reconnaît dans Une fenêtre ouvre : on peut guérir en marchant’.
Dans cette série, nous vous proposons nos regards croisés sur l’œuvre de Safi Faye et de Khady Sylla, ceux d’une curatrice, créative et chercheuse Tabara Korka Ndiaye dont le projet s’intitule Sulli Ndaanaan et celle d’une auteure, créative et universitaire, Rama Salla Dieng, passionnée de documenter la vie et l’œuvre des oublié.e.s et silencié.e.s, toutes les deux férues de film et de littérature.
Créer ou s’anéantir
Dans Une fenêtre ouverte (2005), Khady Sylla nous dévoile les expériences de la maladie. La maladie veut dire la maladie mentale. Pour les malades, il n’y a pas besoin de dire l’expression en entier. Comme si c’était une évidence. Il semble que ce soit une évidence pour elle et les personnes qui s’identifient à elles, comme moi.
En dialogue avec Aminata Ngom et avec elle-même, Khady Sylla nous guide vers les chemins de la douleur, des silences, des stigmatisations, de l’exclusion, de l’enfermement, de l’altérité, du suicide, de la peur de soi et des autres, d’un trop pleins d’émotions difficiles à nommer parfois. Khady Sylla a clairement fait une recherche sur soi. Elle rappelle : après avoir fait l’expérience de l’intérieur, la douleur a envahi le monde. Une fenêtre ouverte raconte une histoire d’amitié entre deux femmes qui toutes deux se sont retrouvées là l’une pour l’autre, particulièrement en temps de maladie. Sylla, en gros plan, débite les mots en un rythme avec une intensité sans nom. Elle est pleine et même la caméra semble trop petite pour la contenir. En la regardant, on reçoit ce trop plein d’émotions vives. Son regard (nous) dérange. Ses yeux nous transpercent. Elle se filme et son corps demi-nu est plein d’expériences, de vécu. Depuis son film les surexposés, elle passe ‘de l’autre côté’ comme elle le dit. Elle rejoint ainsi son amie Aminata Ngom et d’autres malades dans le terrain de la douleur indescriptible, de la souffrance indicible et de la perte, puis de l’exploration de soi. L’image du miroir en morceaux qu’elle convoque au début du film est une représentation de soi associé à la lumière et à sa violence par moment.
‘Tu te regardes dans un miroir brisé.
Tu vois des morceaux de ton visage. Ton visage est en miettes.
Et celui qui te regarde dans le miroir brisé, il voit des morceaux d’images de ton visage.’
Elle se positionne en cinéaste transparente dans sa démarche autoréflexive. La discussion sur le consentement d’Aminata à participer au film ou non est rendue dans son intégrité à la caméra. Cette transparence de la réalisatrice nous édifie sur le fait que le consentement n’est jamais définitif et est à renégocier en permanence, surtout lorsque la personne qui l’accorde est vulnérable. D’où l’importance d’obtenir le consentement des proches, ce que Khady Sylla a recherchée en les incluant. D’abord en entamant une médiation avec la mère de Aminata, puis avec sa fille Thiané.
Sylla a une admiration pour Aminata qu’elle qualifie de résistante, ‘exhibant sa folie librement’. Khady et Aminata partagent des silences complices. Sylla fait une médiation pour que la famille accorde à Aminata des moments à elle, hors de la maison : des promenades quotidiennes comme des bouffées d’air dont pourtant Aminata ne veut pas, mais que Khady recherche ardemment. Khady Sylla s’avoue être ‘la clé’ d’Aminata et la réalisation de cette responsabilité est un terrible fardeau pour elle, qui a eu des épisodes similaires. Aminata, pour sa part, préfère rester cloisonnée. L’envie d’avant de sortir en cachette pendant des jours parfois ne l’intéresse plus du tout. Elle donne l’impression d’avoir peur de l’extérieur et surtout des autres. De la même manière que l’autre a peur de vous. Comme Khady le dit si bien dans sa narration : L’autre a peur de vous. Vous avez changé, vous avez le regard hagard, vous avez enflé. Et vous aussi qui faites peur, avez peur de l’autre’.
Elles se remémorent ensemble du poids du regard des autres sur la maladie : ‘les autres pensent que vous n’avez rien, que vous faites semblant ‘da fa reew, dara jotu ko’ alors que les malades n’ont, selon elles, aucun intérêt à prétendre. Khady Sylla se comporte comme elle prêche. La maladie, ‘c’est le moment où on a besoin que quelqu’un nous retienne sur cette terre’. À la place, comme elle se rappelle à juste titre, on nous rappelle constamment que les suicidés vont en enfer. Aminata Ngom habite dans la cité silencieuse et déserte que Khady Sylla nomme et vient peupler, dardant ses yeux hagards sur l’innommable. Dans la nouvelle cité qu’elles habitent toutes les deux dans ce film, Aminata fait l’expérience d’une féminité retrouvée, après l’étrangeté de la maternité. Sylla la sort en promenade. Toutes les deux se retrouvent devant le vendeur de perruques. Dans cette scène, Sylla veut qu’Aminata choisisse une perruque qui lui convient et elle lui retourne que le sol se dérobe sur ses pieds. Éventuellement, elle accepte d’essayer une perruque. Cette image contraste tellement avec la terrible histoire d’Aminata. C’est une femme à qui on a refusé l’expérience de la maternité car malade. Elle ne savait comment allaiter. Et personne ne lui a appris. Sylla entame une conversation entre Aminata et son autre fille Thiané. Les quelques mots que Thiané partagent sont noyés dans son regard et son silence. À quoi doit ressembler une absence d’expérience de l’enfance et de la maternité ? Deux femmes partageant le même toit en font des expériences de la vie complètement différentes.
Khady Sylla termine ce film avec ces mots laconiques :
‘Les fous errants ne sont pas des rois-mages. Ce sont des personnages à la conscience fracassée par la douleur. Même leur marche est une forme de résistance.’
Un film actuel sur la santé mentale à (re)voir absolument !
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NE PLUS ACCOUCHER DANS LA VIOLENCE
Négligences, brimades, tapes, gifles, mots et gestes brutaux : mettre un enfant au monde se fait encore trop souvent dans la violence au Sénégal. Une situation dont peu de victimes osent parler publiquement
Négligences, brimades, tapes, gifles, mots et gestes brutaux : mettre un enfant au monde se fait encore trop souvent dans la violence au Sénégal. Si, au lendemain de la mort d’Astou Sokhna, une mère de 34 ans, à l’hôpital public de Louga (nord-ouest) le 7 avril 2022, les victimes ont été nombreuses à témoigner sur les réseaux sociaux, peu osent en parler publiquement et aucune n’a porté plainte pour de tels actes. Suite à ce drame, pour la première fois, trois sages-femmes ont été condamnées à six mois de prison avec sursis pour « non-assistance à personne en danger ».Mais aujourd’hui, ces cas sont encore identifiés comme de simples « négligences médicales » et le terme de « violences gynécologiques et obstétricales » n’est toujours pas utilisé par les pouvoirs publics.
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LES ÉTOILES AFRICAINES DE DORINE GUÈYE
Les industries créatives pourraient être une niche potentiellement rentable qu’il faut explorer. C’est cette conviction qui a poussé Dorine Guèye à lancer le concept Etoile africaine, magazine qui promeut ces industries ainsi que l’entrepreneuriat.
Professionnelle des Médias, Dorine Guèye est la Fondatrice du concept Etoiles africaines, un projet médiatique comprenant un magazine imprimé, un magazine digital et qui expose des succes stories de jeunes africains qui peuvent inspirer dans le domaine de l'entrepreneuriat.
Dans cette entrevue accordée à AfricaGlobe Tv lors de la s semaine mondiale de l'entrepreneuriat, la jeune entrepreneure explique son concept et les défis que se posent à elle.
Pour ceux qui, dans les médias, pensent que le digital est une solution miracle ou une panacée en matière d’entrepreneuriat, Dorine Gueye, en ce qui la concerne, a compris que ce n'est pas tout à fait le cas et qu’un mix s’impose.
Suivez son entretien sur AfricaGlobe Tv
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
KHAÏRA THIAM, UNE FÉMINISTE RADICALE SANS FARD
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette psychologue clinicienne et criminologue a toujours été caractérielle mais, nuance-t-elle, avec de sérieux arguments. Elle espère que les féministes sénégalaises mettent à mort le système qui les oppresse au quotidien
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Aida Sylla, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos8 divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Khaïra Thiam, une féministe radicale sans fard
Ne vous y fiez pas ! Derrière l’accroche-cœur de son sourire de lune se cache un cerveau vorace, un appétit de justice insatiable, une liberté farouche. Quand elle tient son sujet, elle ne le lâche pas, cela jusqu’à l’épuisement, jusque dans les plus infimes détails. Si elle est exigeante avec autrui, elle l’est avant tout envers elle-même et consent les sacrifices les plus durs pour parvenir à un résultat de qualité. Elle dit qu’elle a toujours été caractérielle et oppositionnelle mais, nuance-t-elle, avec de sérieux arguments. Elle observe, murit sa réflexion et essaie de comprendre les ressorts de certains systèmes particulièrement ceux qui détruisent des vies, avant de les attaquer. Si côté cour, elle affiche une intransigeance intellectuelle sans faille nourrie à l'éthique, côté jardin c'est exactement la même chose.
Dans le registre du refus, c’est une cumularde. Elle est contre la pornographie dont elle estime que c’est le summum de l’humiliation pour les femmes et une manière de les rabaisser à l’état animal dans la société. Elle est contre tous les systèmes idéologiques fermés et en « isme » mis en pratique pour peser sur la destinée d’êtres humains. Khaira est encore contre les systèmes d’oppression : le racisme, le sexisme, le capitalisme, l’impérialisme, l’autoritarisme.
Le féminisme pour elle est une manière de lutter contre toutes les formes d’oppression de manière transversale mais surtout contre l’oppression des femmes par les hommes. Elle le répète souvent : « La liberté que je veux pour moi-même, je la veux pour les autres et je passe beaucoup de temps à défaire des systèmes de pensée et des systèmes plus globaux, plus méta-institutionnels, plus institutionnels, plus politiques."
Sa pratique clinique au Sénégal a mobilisé en elle une colère extraordinaire de voir des femmes et des filles dont la vie est fracassée par des hommes et un système social d’un autre âge qui n’ont aucun sens ni d’un point de vue de la réflexion, ni d’un point de vue socio-historique, ni d’un point de vue pratique et économique. Cela dans l’indifférence générale voire dans une délectation généralisée devant l’expression de formes abjectes de cruauté. Elle estime que les filles sont égales aux garçons et les femmes égales aux hommes et elles doivent savoir se défendre physiquement d’abord, psychologiquement et légalement.
Elle ne sait pas depuis quand elle est entrée en féminisme mais sait qu’en arrivant à Dakar elle a ressenti le besoin de muscler sa pensée par une autoformation massive pour améliorer ses arguments et affûter ses armes. En deux ans, elle a lu tellement d’écrits féministes qu’elle ne sait plus précisément quoi. Pêle mêle, elle cite Sylvia Federetti qui parle d’une guerre mondiale contre les femmes, Mona Eltahawy, l’une des voix féministes les plus entendues du monde arabe qui a écrit un magnifique essai intitulé Fuck le patriarcat ! Les 7 péchés pour prendre le pouvoir dans lequel elle analyse comment se déploient les violences sexistes et sexuelles dans le monde arabe. Elle lit Asma Lamrabet, féministe islamique qu’elle a rencontrée et qui l’a validée comme féministe « révolutionnaire ». Elle a lu les écrits du féminisme lesbien tels que les ouvrages de Monique Wittig. Elle a rencontré Jules Falquet, chercheuse féministe française dont elle affiche la validation avec fierté. Elle a beaucoup lu Professeur Fatou Sow et ses écrits sur les fondamentalismes, les féministes africains anglophones comme Sylvia Tamale, sur les questions des sexualités en Afrique. Elle s’intéresse aux féminismes noirs américains au travers des écrits d’Audre Lorde, aux féministes du Canada et à celles d’Amérique du Sud avec qui elle a un lien particulier car la psychologie politique et les violences institutionnalisées par des systèmes totalitaires ou les questions de guerre civile la passionnent. Elle puise en Amérique du Sud des ressources intellectuelles et féministes.
Une expression revient parfois dans son vocabulaire, la validation par ses pairs. En particulier celle de Patricia Mercader, professeure émérite de psychopathologie et de psychologie clinique, féministe queer française d’origine libanaise à qui elle doit une partie de sa formation universitaire et qui est très attentive à ce qu’elle fait au Sénégal. Dans les validations, elle tient particulièrement à celles des féministes d'Afrique, du Maroc, de la Guinée, du Cameroun, du Togo, de la Côte d'Ivoire…Celles de l’Europe aussi.
Quand on lui demande qui sont ses modèles féministes, la première des femmes qui l’inspirent ne savait pas qu’elle l’était, c’est la Reine du Walo Ndatté Yalla pour le pouvoir qu’elle avait, pour sa direction des armées, pour son opposition à Faidherbe, pour sa capacité à imposer un point de vue et à s’imposer elle-même, sa capacité à diriger, à être un leader. Le féminisme est un pouvoir : celui de dire stop ou non comme de dire oui. Mais en plus, Khaïra aime les femmes de pouvoir. Elle a besoin de femmes de cette trempe-là pour savoir qu’elle a du pouvoir et peut s’en servir. Sa mère, est de ces femmes qui ont fondé son féminisme. Le palmarès de cette algérienne du Sénégal est impressionnant. Elle lui a ainsi démontré par l’exemple qu’être une femme n’était pas un handicap. Une autre forte personnalité l’inspire aussi, c’est Gisèle Halimi, avocate clairement féministe française née en Tunisie qui a beaucoup œuvré pour la criminalisation du viol, l’avortement, qui a défendu des lesbiennes et des personnes du FLN en Algérie contre la France. Professeur Fatou Sow est de celle qu’elle admire pour sa personnalité qui en impose et ses travaux, même si elles ne sont pas toujours d’accord. D’une discussion avec Professeur Fatou Sow, dit-elle, on ne sort jamais amoindrie mais lestée d’arguments supplémentaires de nature à dynamiser sa pensée et à élargir le champ de sa représentation.
Khaïra défend la liberté de tous et de toutes de faire ce que bon leur semble sans être sous contrainte ou soumis ni au regard, ni à la validation, ni au jugement d’un homme ou d’un système hétéronormatif qui se donne pour seule vérité. Elle défend le droit pour toutes et pour tous de ne pas être agressés sexuellement par le viol, par les violences conjugales, par toutes les violences sexuelles, comme l’excision.
Ses modes principaux de lutte sont l’écriture sur les réseaux sociaux, dans les journaux mainstream. Consciente du pouvoir de la parole, elle distille la sienne dans des conférences politiques ou scientifiques, dans les projets qu’elle mène. Elle est engagée dans de multiples projets au Sénégal pour l’émancipation des femmes dans toutes les couches de la société. Si elle prête main forte aux autres projets des autres féministes, en revanche elle est hypercritique envers celles-ci qu’elle trouve encore trop tièdes. Elle voudrait qu’elles arrachent leur liberté à ceux qui la leur refusent, vautrés dans le confort de leurs privilèges. Elle espère que les féministes sénégalaises montent encore d’un cran pour mettre à mort le système qui les oppresse et les esclavagise au quotidien. « La femme sénégalaise n’est pas sortie de l’esclavage de l’homme sénégalais. Il va falloir en sortir car ce n’est pas en caressant leurs maîtres dans le sens du poil ni en mendiant leur liberté que les esclaves se sont libérés ».
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
OUMOU FADLY TOURÉ, UNE FÉMINISTE QUI TAPE DU POING SUR LA TABLE
EXCLUSIF SENEPLUS - La jeune femme médecin spécialisée en pédiatrie veut forcer le monde à revoir ses standards pour que toutes ses paires accèdent au bien-être et à l’accomplissement professionnel
Khaira Thiam, Fatima Diallo et Fatou Sow |
Publication 10/12/2022
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos8 divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Oumou Fadly Touré, une feministe qui tape du poing sur la table
« We should all be feminist » de la très connue Chimamanda Ngozi Adichie est son credo depuis toujours. Alors, le choc de sa vie, Oumou Fadly Touré, l’a eu en découvrant que toutes les femmes n’étaient pas féministes. Le féminisme pour elle est une évidence et devrait l’être pour toutes. D’autant plus fondamentale, que dans le Sénégal qui l’a vu naitre, elle a su très vite qu’en tant que femme, elle devait hurler, taper du poing, travailler deux fois plus que les hommes et que l’on pouvait parfaitement les battre à plate couture dans tous les domaines.
Pour Oumou Fadly Touré le féminisme est un mode de vie qu’elle a affirmé au fil de ses discussions d’adolescente et de ses lectures. Elle reconnait toutefois que le milieu dans lequel elle a grandi l’a favorisé dans ses velléités féministes. En effet, issue d’une famille nombreuse, à majorité féminine, les filles y ont toujours été encouragées à faire ce qu’il faut pour atteindre leurs objectifs. Son cursus scolaire lui a ouvert le monde et l’a poussé sur le chemin de l’achèvement personnel et professionnel.
Notre jeune femme médecin est une fervente défenseuse de l’équité de genre. Elle veut forcer le monde à revoir ses standards pour que toutes accèdent au bien-être et à l’accomplissement professionnel. Eté féministe revient, pour elle, à réclamer un nouvel équilibre mondial, c’est renégocier et redéfinir les rapports sociaux de genre. Enfin, être féministe c’est être consciente du pouvoir que constitue le fait d’être née femme. Et pour cela, elle prend exemple sur des personnalités du soin et qui sont à différents pôles du féminisme. Il s’agit principalement d’Asma Lamrabet, médecin biologiste marocaine, chanteresse du féminisme islamique et Khaïra Thiam, psychologue clinicienne sénégalaise, féministe radicale, universaliste et laïque.
Son métier favorise sa lutte contre les violences obstétricales ainsi que le refus de la discrimination basée sur le fait d’être née fille. Dans le milieu professionnel, elle combat les discriminations à l’embauche fondée sur le genre, le harcèlement sexuel mais encore le libre-choix des femmes de déployer toutes les facettes de leur féminité sans que cela ne soit un frein à leur évolution professionnelle. Comme tout soignant, Oumou Fadly Touré, sensibilise d’abord dans son proche entourage et étend son influence en cercles concentriques du plus proche au plus lointain. Ainsi l’une de ses plus récentes actions a été de dénoncer et de lutter contre les violences subies par les femmes médecins en milieu hospitalo-universitaire. Cela lui a valu une volée de bois vert mais celle qui se spécialise en pédiatrie, n’entend pas se taire sur ces états de fait.
Oumou Fadly Touré espère toutefois, qu’un jour prochain, elle n’aura plus besoin d’être féministe et de devoir se battre ou être combattue parce qu’elle est une femme. Elle espère pour nous toutes un système plus équitable et juste.
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
FATIMA DIALLO, DES CRIS SOUS LA PEAU
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est par ses lectures qu’elle a développé les prémisses de son féminisme. Née dans une famille ultraconservatrice, elle suffoque dans ce Sénégal qui impose une culture de la soumission des femmes
Khaira Thiam, Fatima Diallo et Fatou Sow |
Publication 10/12/2022
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Fatima Diallo, des cris sous la peau
Réputée pour sa grande douceur, son respect méticuleux des traditions halpulaar, son écriture sensible à la cause des femmes, Fatima Diallo a pourtant des cris sous la peau. Des hurlements même, disons. Fatima Diallo porte en elle une rage venue du fond des âges devant le traitement qu’elle a subi et que subissent encore des milliers de filles et de femmes, pour le seul fait qu’elles soient nées femmes au Sénégal. Première fille d’une fratrie de sept filles et d’un garçon, les privilèges accordés à son frère du seul fait qu’il soit garçon la mettaient déjà hors d’elle. Ce qui provoquait régulièrement des bagarres entre eux d’ailleurs.
Plus tard, c’est par ses lectures qu’elle a développé les prémisses de son féminisme. Cela notamment au travers des écrits de Simone de Beauvoir, George Sand ou encore Mariama Ba ou Awa Thiam. Au cours de ses études en France, la kâgneuse a réalisé qu’une autre vie était possible. Une vie dont les formes de clivages étaient moins franchement défavorables aux femmes. Aujourd’hui encore, la professeure de lettres, lit assidument des textes estampillés « féministes » tel que ceux d’Olympe de Gouges, de Gisèle Halimi, de Calixthe Beyala, de Françoise Vergés ou encore de Christiane Taubira…
En même temps que Fatima Diallo naissait aux études littéraires, elle mettait aussi le doigt sur les mécanismes de domination mis en place pour former un système de soumission des femmes aux hommes. Elle comprenait également comment ce système s’équilibrait sur la base des freins à l’épanouissement d’un être humain au motif qu’il est du genre féminin. En ce sens, bien avant de mettre un mot dessus, Fatima Diallo, devenait une féministe radicale, au sens premier du terme : celui qui cherche à percer l’origine de la violence à l’égard des femmes : le système de domination patriarcal.
Ainsi s’est-elle progressivement intéressée à la manière de promouvoir une justice dans le traitement des hommes et des femmes. Pour ce faire, c’est par ses textes, ses prises de paroles publiques et son enseignement qu’elle entend lutter contre les injonctions de genre et l’absurdité des assignations faites aux femmes, notamment dans le cadre du mariage. Elle est heurtée par les justifications religieuses données aux violences faites aux femmes et suffoque dans ce Sénégal qui impose une culture de la soumission des femmes, inoculée depuis l’enfance. Elle qui est née dans une famille ultraconservatrice et qui a reçu comme mantra « n’oublie jamais que tu n'es qu’une femme », travaille aussi à sa propre libération et à son propre épanouissement. En effet, elle a de moins en moins peur d’afficher clairement ses positions, y compris en s’immisçant dans des lieux réservés strictement aux hommes et en y prenant la parole, ou encore en marchant, quand il le faut, notamment avec le Collectif de la Marche blanche des femmes, de création récente et dont elle est une des figures de proue.
Fatima Diallo a très bien compris qu’il fallait faire disparaitre d’abord le patriarcat internalisé par les femmes, dans leur tête, depuis leur naissance pour qu’elles soient totalement libres d’aspirer à la vie qu’elles souhaitent. Ainsi espère-t-elle réaliser une égalité de droits et de devoirs entre femmes et hommes, une tolérance des uns vis à vis des autres et une acceptation des différences. Son credo : « Sois comme tu es et laisse-moi vivre sans me dire ce que je dois être !» Cela ne vous rappelle rien ? Le rappel profite aux croyants…
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
MAME WOURY THIOUBOU, UN REGARD PERMANENT SUR LE QUOTIDIEN
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec sa caméra ou sa plume, elle dénonce, questionne et tente de comprendre les dynamiques sociales. Elle croit fermement à l’égalité entre les femmes et les hommes
Khaira Thiam, Fatima Diallo et Fatou Sow |
Publication 09/12/2022
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Not2re unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Mame Woury Thioubou, un regard permanent sur le quotidien
Elle qui dit, de sa petite voix fluette, ne pas avoir assez de culture féministe est pourtant validée par les plus connues qui la poussent à se dépasser. Mame Woury Thioubou est journaliste et réalisatrice de documentaires qui portent régulièrement sur la condition des femmes sénégalaises. Originaire de Matam dans le Fouta, Mame Woury Thioubou a très tôt goûté sa chance d’avoir échappé au traitement qui y est réservé aux filles : excision, mariages précoces, faible scolarisation…
C’est pourquoi, dans son engagement féministe ce sont ces causes qu’elle porte au quotidien. Et elle ose ! Son métier et la plateforme qu’il lui offre pour parler de ces sujets sont ses principaux atouts pour sa lutte. En effet, avec sa caméra ou sa plume, elle dénonce, questionne et tente de comprendre les dynamiques sociales. Comme elle le dit : « j’écris quand je peux, je filme quand il faut ». Ce que l’on sait moins d’elle c’est le temps qu’elle passe à se documenter, à cibler les personnes ressources, à les interroger, à affiner son point de vue et affuter son regard. Ainsi est-elle donc régulièrement récompensée sur la scène nationale et panafricaine pour cette merveilleuse aptitude qu’elle a de capter, de son œil acéré, les misères de ces vies de femmes. De plus, Mame Woury Thioubou est une formidable facilitatrice et fait la courte échelle à d’autres pour accéder à des plateformes de communications pour y délivrer leurs messages féministes.
Aussi loin qu’elle s’en souvienne Mame Woury Thioubou s’est toujours battue pour le respect des droits de toutes et tous, en particulier pour ceux des femmes. Elle croit fermement à l’égalité entre les femmes et les hommes. Et elle refuse les discriminations basées sur le genre qui empêchent l’éclosion des pleines capacités de ces dernières. Ainsi son féminisme se fonde-t-il sur un puissant humanisme qui veut qu’une partie de l’humanité puisse vivre comme l’autre, être respectée dans sa dignité et jouir des mêmes droits.
Elle souhaite pour elle-même d’abord et pour les autres ensuite, vivre dans une société ou femmes et hommes décident seuls de leur destiné. Que toutes et tous puissent décider seuls de ce qu’elles et ils veulent faire, dire ou vivre. Elle espère vivre dans une société dans laquelle être une femme ne soit plus un handicap pour toute la vie. Elle qui a longtemps regretté d’être née fille au Sénégal ne souhaite pas la même vie à ses enfants.
CES FEMMES QUI FONT BOUGER LES LIGNES
SOKHNA MAGUETTE SIDIBE, LA SNIPEUSE DU NET
EXCLUSIF SENEPLUS - Les germes de la révolte sont à rechercher dans sa prime jeunesse. Elle espère l’avènement d’une société plus juste et égalitaire dans laquelle les femmes seront plus libres dans leur tête
Khaira Thiam, Fatima Diallo et Fatou Sow |
Publication 09/12/2022
Comme chaque année, la campagne des 16 jours d’activisme bat son plein contre les violences faites aux femmes. Toutefois, il est des violences faites à certaines femmes qui passent (presque) inaperçues. Ce sont les violences des institutions nationales et internationales contre les féministes sénégalaises. L’entrisme dans les institutions qui refusent le progressisme, le copinage, les réflexions absurdes, les considérations et compliments non sollicités, les tentatives de corruption financières ou sexuelles, sans doute pour en délégitimer certaines, le flicage, la pratique du blacklistage, du male gaze qui veut que des anti-féministes demandent à des hommes de pouvoir de valider des féministe sénégalaise ou non ; voire de favoriser des personnes que les féministes ne reconnaissent pas comme tel pour des faits graves d’attaques contre des femmes réclamant leur liberté, des victimes de viol ou encore contre des féministes. Les féministes sénégalaises ne valident pas ce qu’il est commun d’appeler, chez nous, des « pick me women ». Celles qui tirent du regard masculin une valorisation de leur existence.
En cette fin des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, qui nous mènent à la journée des droits humains, le 10 décembre, il nous paraissait nécessaire de faire front commun contre ces pratiques patriarcales. Cela d’autant que le thème retenu cette année par ONU femmes est « Tous unis ! L’activisme pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles ». Notre unité féministe se restitue donc dans cette action collective de diffusion d’une partie de notre Hall of fame féministe. L’une des premières leçons à retenir du féminisme est que dans la culture féministe, la seule et unique reconnaissance qui nous importe est celle de nos consœurs toutes obédiences confondues. Nous n’avons besoin ni de la reconnaissance patriarcale, individuelle et masculine, ni de celle plus structurée des institutions. Ainsi, voici une série de portraits, dont le projet est validé par une féministe, Pr Fatou Sow, écrits par une féministe, Khaïra Thiam, corrigés par une autre féministe, Fatima Diallo, et autorisés par toutes celles qui y figurent. Elles ont la reconnaissance et la gratitude de chacune d’entre nous et elles œuvrent au quotidien pour la libération de chacune d’entre nous des fers du patriarcat sénégalais. Et cela bien malgré nos divergences d’opinions, de positionnement, de stratégies ou de modes de lutte.
Ainsi donc pour paraphraser un slogan féministe des années 70 : « Ne nous croquez pas, on s’en charge ! »
Sokhna Maguette Sidibé, la snipeuse du net
Hé bien messieurs, force et honneur, hein ! Les pick me women, aussi ! Si Sokhna Maguette Sidibé vous a dans son viseur, vous êtes faits. Et madame a de l’endurance. Sokhna Maguette Sidibé est le genre de féministe qui n’a pas froid aux yeux, prend son temps pour cibler et qui tire sans sommation. Elle n’a pas de temps à perdre dans des courbettes et autres courtoisies, ce qu’elle a à dire elle le dit et c’est d’une précision chirurgicale.
Quoiqu’elle dise que c’est sa psychothérapie qui l’a mené au féminisme, les germes de la révolte sont à rechercher dans sa prime jeunesse. En effet, très jeune, cet esprit vif et ingénieux, ingénieur étant d’ailleurs son métier, Sokhna Maguette Sidibé, scannait déjà la société sénégalaise et sa violence crasse à l’égard des filles et des femmes. Elle a très tôt questionné puis remis en question l’establishment familial puis sociétal. Fille puis femme fondamentalement libre, rien n’a pu en arrêter la conquête ; pas même les mesures de rétorsion dont elle a fait l’objet, les violences directes ou les punitions et autres tentatives de destinées à la faire taire. Au lieu de l’anéantir, ces violences ont décuplé sa curiosité, son goût de la révolte ainsi que ses explorations personnelles pour se trouver elle-même.
Ayant toujours refusé d’adhérer à une quelconque idéologie pour ne pas étouffer sa réflexion ou ne pas contraindre son mode de vie, elle ne se déclarait pas féministe. Elle pensait le féminisme égal à d’autres systèmes idéologiques enfermant. Après une relative prise de conscience de ce que sont que les féminismes, ses idéologies, ses cultures etc. Sokhna Maguette Sidibé s’est lancée avec une voracité effarante dans une auto-formation acharnée aux féminismes. Sa bibliothèque féministe est une des plus courue dans le milieu tant elle sait dénicher des perles et nous les faire connaitre. Ainsi, aguerrie aux féminismes, elle essaime autour d’elle, pour dit-elle : « faire exploser les révoltes qui dorment en chacune des femmes que je rencontre ».
Pour autant, Sokhna Maguette Sidibé, continue à apprendre, à réfléchir et à discriminer entre les propositions théoriques et pratiques qui lui correspondent et les autres. Elle n’a donc pas un modèle mais plusieurs femmes féministes qu’elle lit ou qu’elle suit s’inspirant de leurs différentes origines, modes de combats et positionnements politiques.
Là où Sokhna Maguette Sidibé déploie le plus ses radars, c’est dans les réseaux sociaux. Outre les tirs nourris ou les balles perdues qu’elle peut y envoyer, elle instruit ses suiveurs de sa culture foisonnante et passe aussi ses messages en prenant soin d’ouvrir des champs et horizons de réflexion. Elle n’impose rien à personne pour laisser chacun libre de ses choix. Aujourd’hui, féministe convaincue, elle se donne pour mission, à partir de faits d’actualité, d’en proposer des analyses critiques féministes et de pointer du doigt les causes réelles des violences faites aux femmes.
Enfin, elle espère encore l’avènement d’une société plus juste et égalitaire dans laquelle les femmes seront plus libres dans leur tête. Car de cette liberté mentale découlera tout le reste. Elle espère que les femmes sénégalaises atteindront un degré de liberté individuelle qui ravira son regard simplement en les observant vivre heureuses et épanouies.