Le ministre de la Communications, des Télécommunications et de l’Economie numérique a annoncé, lundi, le retrait de la licence de diffusion des programmes du groupe Walfadjri ‘’de manière définitive avec effet immédiat’’.
Dans la foulée des violences qui ont éclaté dimanche à Dakar après que des candidats à l’élection présidentielle ont appelé leurs partisans à un rassemblement pour lancer la campagne électorale qui devait débuter le même jour, en dépit de la suspension du processus électoral par le chef de l’Etat, le signal de la chaine de télévision privée Walf TV a été coupé par les autorités pour ‘’incitation à la violence’’.
Le ministre de la Communication Moussa Bocar Thiam a invoqué les dispositions de l’article 142 du Code de la presse selon lesquelles "l’autorité compétente procède à la révocation de la licence si son bénéficiaire ne paie les redevances après mise en demeure ; n’observe pas les prescriptions législatives, réglementaires et contractuelle relatives à la licence…’’.
Selon lui, le groupe Walfadjri ‘’est en état de récidive manifeste’’ pour avoir fait l’objet de mesure de suspension à trois reprises.
Il précise que ces ‘’violations répétées des prescriptions législatives, réglementaires et contractuelles relatives à la licence sont volontaires et visent à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays’’.
La mesure de retrait de la licence de Walfadjri a suscité une vague de condamnation des organisations de défense des droits de l’homme.
« La liberté de la presse est un pilier fondamental de toute démocratie, garantissant la pluralité et la diversité des médias. Nous appelons le gouvernement sénégalais à reconsidérer cette mesure de retrait de licence de Walf TV et à respecter les principes qui sous-tendent la liberté d’expression’’, ont déclaré Amnesty International Sénégal, ARTICLE 19 Sénégal et Afrique de l’ouest, La Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH) et Africtivistes.
LES ÉLÉPHANTS N'ONT PLUS PEUR DE RIEN
Grâce à sa force mentale décuplée par son parcours du combattant, la Côte d'Ivoire, virtuellement éliminée à chaque tour mais qualifiée à chaque fois de façon miraculeuse, croient en son étoile pour cette CAN 2023
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/02/2024
Les éléphants de Côte d'Ivoire se sont virtuellement fait éliminer à chaque tour de la Coupe d'Afrique des Nations 2022 (CAN 2022) qui se déroule actuellement au Cameroun, mais parviennent à chaque fois à se qualifier de manière miraculeuse. C'est ce que révèle Seko Fofana, l'un des leaders de l'équipe ivoirienne, dans des déclarations à l'Agence France Presse (AFP). "On n'a peur de rien", assure déterminé le milieu de terrain de Lens, alors que les Ivoiriens affrontent la République démocratique du Congo mercredi soir à Abidjan pour une place en finale.
D'où vient ce mental de fer ? Selon Fofana, "ça part de la Guinée Équatoriale", en référence à la terrible défaite 4-0 subie lors du premier match de poule, où certains joueurs ont terminé en larmes. "On était au fond du trou", se souvient-il. Pourtant, les Éléphants ont su se relever de ce coup dur grâce à leur force mentale. "On a dû attendre des matches pour espérer une qualification, ce qui est arrivé, maintenant on n'a plus peur de rien", affirme le leader technique des Ivoiriens.
Un parcours miraculeux s'en est suivi. Avec seulement 3 points et une différence de but négative (-3) après leur déroute initiale, les éléphants se sont accrochés à leur rêve de qualification en suivant tous les matchs des autres groupes. Ils ont finalement été repêchés in extremis après les résultats inattendus du dernier match de poule qui les ont placé parmi les meilleurs troisièmes. "C'était très, très dur pour nous", se remémore Serge Aurier, un autre cadre de l'équipe, cité par l'AFP. "On était à l'hôtel, on rasait les murs limite pour aller manger, on a été repêchés, on a attendu la victoire du Maroc pour être là".
Ce parcours du combattant leur a donné des ailes. "Quand tu es ressuscité comme on l'a été, il n'y a plus rien qui te fait peur, on fonce, on y va", affirme Aurier. Cet état d'esprit leur a permis de renverser des situations compromises en 8e de finale face au Sénégal et en quart face au Mali, à dix contre onze. Même l'entraîneur malien Eric Chelle s'est incliné devant leur détermination : "Ils ont cette énergie, et aussi parce qu'il le faut dans le foot, ce petit brin de chance. Ils méritent cette demi-finale", a-t-il déclaré à l'AFP.
En somme, grâce à leur force mentale décuplée par leur parcours du combattant, les Éléphants de Côte d'Ivoire, virtuellement éliminés à chaque tour mais qualifiés à chaque fois de façon miraculeuse, croient en leur étoile et n'ont plus peur de rien dans leur quête du sacre final.
L’UA APPELLE À LA TENUE DANS LES MEILLEURS DÉLAIS DE LA PRÉSIDENTIELLE AU SÉNÉGAL
Moussa Faki Mahamat encourage vivement toutes les forces politiques et sociales au règlement de tout différend politique par la concertation, l’entente et le dialogue civilisés, dans le strict respect des principes qui gouvernent l’État de droit.
Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a invité les autorités sénégalaises à organiser, dans les meilleurs délais, l’élection présidentielle, après que le chef de l’Etat a annoncé samedi l’abrogation du décret convoquant le corps électoral, le 25 février.
‘’Le président de la Commission invite les autorités nationales compétentes à organiser dans les meilleurs délais les élections, dans la transparence, la paix et la concorde nationale’’, rapporte un communiqué publié sur le site de l’UA.
Le président, Macky Sall, réaffirmant sa décision de ne pas se présenter à la prochaine présidentielle, a annoncé samedi avoir abrogé le décret convoquant le corps électoral le 25 février prochain, en attendant les résultats de la commission d’enquête parlementaire visant à clarifier les conditions dans lesquelles certaines candidatures ont été déclarées irrecevables.
Cette annonce équivaut de facto à un report de cette élection.
Le président de la Commission de l’Union africaine a appris le report des élections présidentielles en République du Sénégal avec préoccupation tant la situation politique dans ce pays où le modèle démocratique a toujours été salué avec haute appréciation, ne saurait laisser aucun africain indifférent.
Moussa Faki Mahamat encourage vivement toutes les forces politiques et sociales au règlement de tout différend politique par la concertation, l’entente et le dialogue civilisés, dans le strict respect des principes qui gouvernent l’État de droit dont le pays a une tradition historique enracinée, indique le communiqué.
LA RUE SOUS TENSION
Devant l'Assemblée nationale transformée en véritable "citadelle" par la présence policière, des manifestants ont tenté de se rassembler mais ont été dispersés à l'aide de grenades lacrymogènes. "Macky Sall dictateur", ont scandé certains protestataires
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/02/2024
Les députés ont entamé lundi l'examen d'un texte visant à reporter la présidentielle du 25 février, une décision annoncée samedi par le président Macky Sall et qui suscite la colère de l'opposition et d'une partie de la population.
Devant l'Assemblée nationale transformée en véritable "citadelle" par la présence policière, des manifestants ont tenté de se rassembler mais ont été dispersés à l'aide de grenades lacrymogènes, selon des informations rapportées par l'AFP. "Macky Sall dictateur", ont scandé certains protestataires qui jouaient au "chat et à la souris" avec les forces de l'ordre.
"L'essentiel pour moi est de dire non à cet agenda politique, ce coup de force pour essayer de rester au pouvoir", a déclaré à l'AFP l'un des manifestants, Malick Diouf. Le Sénégal, d'habitude épargné par les turbulences politiques en Afrique de l'Ouest, est en proie à de fortes tensions depuis l'annonce surprise samedi du chef de l'Etat.
Cette décision controversée a suscité "un tollé" parmi les opposants et dans la société civile. Elle a donné lieu à des interpellations, dont celle de la candidate Anta Babacar Ngom et de l'ex-Première ministre Aminata Touré. Les députés ont entamé l'examen d'un rapport proposant de reporter le scrutin de 6 mois à un an. L'adoption requiert une majorité des trois cinquièmes.
Partenaires internationaux inquiets, la Cedeao, l'UA, les USA et l'UE ont appelé au dialogue. La crise fait craindre de nouveaux troubles comme en 2021 et 2023. L'opposition dénonce une "dérive autoritaire" et soupçonne le président de vouloir étendre son mandat, malgré son engagement à ne pas se représenter. La situation demeure incertaine dans ce pays réputé pour sa stabilité.
par Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye
MACKY SALL, ADADA
Monsieur le président de la République, avec vous, notre Nation a eu à subir deux déficits à sa tête : liés à la compétence et à la personnalité. : l’Histoire ne vous célèbrera pas comme un Homme d’État du Sénégal
Monsieur le président de la République du Sénégal, vous êtes un échec.
Cela me fait mal de devoir vous le dire. On m’a appris à ne souhaiter du mal à personne, surtout pas à quelqu’un se trouvant à la tête d’une Nation entière. Nation que vous avez aujourd’hui malmenée, déchiquetée et entraînée dans les abysses de vos turpitudes.
Je vous ai souhaité de réussir de tout mon cœur, même si je ne vous ai jamais fait confiance. En 2012, vous aviez hérité d’un Sénégal déjà en ruines : les caisses de l’État ressemblaient plus à un toŋ- toŋ et les tricheries constitutionnelles de Maître Abdoulaye Wade avaient placé notre Pays sur une mauvaise pente.
Au moins six Sénégalais ont sacrifié leurs vies pour arrêter les manœuvres de votre prédécesseur et vous confier la destinée de notre Nation. Aujourd’hui, vous laissez beaucoup plus de morts derrière vous : au moins 45 personnes tuées, de mars 2021 à ce jour. Non seulement vous n’avez pas eu honte d’imiter votre prédécesseur dans ses errements, mais à sa différence, vous n’avez pas la lucidité ou le cœur pour vous arrêter. Mettre un terme à nos souffrances. Arrêter de rabaisser notre République, de nous ridiculiser.
Jusqu’à trois ans après votre élection, je m’étais imposé de vous donner le bénéfice du doute. Conscient que diriger est un devoir lourd quand on s’y met correctement, j’avais jugé nécessaire de vous observer avant de formuler une quelconque appréciation de votre action à la tête de notre État.
Les années passées ou la pratique du pouvoir n’ont pas inversé la tendance. Elles ne vous ont pas assagi. Ni élevé à la hauteur de votre rang institutionnel. Jusqu’au bout, vous vous révélez incapable d’être le président du Sénégal. D’être notre concitoyen, notre Nawle.
Monsieur le président de la République du Sénégal, avec vous, notre Nation a eu à subir deux déficits à sa tête : liés à la compétence et à la personnalité.
J’ai toujours eu peur de vous écouter, car une gaffe nous tombe toujours dessus. Passons, votre « relation particulière » avec la France qui donnait, selon vous, « au régiment des Tirailleurs sénégalais des desserts pendant que d’autres Africains n’en avaient pas ». Passons, votre atalaku ou bàkku devant Jeune Afrique, en août 2014, quand vous disiez fièrement : « Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n’ai pas donné suite ». Passons, votre invitation aux Burkinabè, aux prises avec la dictature de Blaise Compaoré, à laisser ce dernier en place, car il « contribue grandement à la stabilité de la sous-région ».
Alors que des nervis servaient aux côtés des forces de l’ordre, vous avez lancé un appel à vos maires d’organiser des milices « d’autodéfense », le 1er juillet 2023 : « Bu leen nangu ay nit ñëwseen gox di ko yàq. Loolu yëfu ñàkk faayda la. » Le 17 novembre dernier, en plein conseil présidentiel à Fatick, vous nous avez montré vos carences sur la décentralisation (sur laquelle vous avez pourtant passée des années) et sur la codification des langues nationales en lettres latines (ignorant que des décrets sur le sujet existent depuis 1968, 1975). Dans les crises au niveau de la Cédéao, vous avez foncé tête baissée dans l’asphyxie de pays frères, sans aucun sens historique ou diplomatique.
Bien que graves, ces limites paraissent banales quand on évalue votre personnalité en tant que chef de l’État, garant d’une Nation.
Je suis loin d’être le seul Sénégalais à se demander ce qui vous lie à notre pays, Monsieur Sall. J’ai le sentiment que vous nous détestez, méprisez. Votre mine serrée n’engage que vous, mais votre disponibilité à plus vous adresser aux médias occidentaux qu’à vos compatriotes, les menaces à tout bout de champ en interne, les silences infinis quand la Nation a besoin d’entendre son chef, sont inexcusables.
En mars 2021, pendant que le pays était à feu et à sang, personne ne savait où vous vous trouviez. Aviez-vous fui comme des rumeurs l’ont laissé entendre ? Aux Historiens de nous éclairer un jour. Tout compte fait, vous êtes resté sans nouvelles cinq jours durant. Après l’insurrection de juin 2023, vous vous enfoncez à nouveau dans le mutisme, durant 1 mois 2 jours, pour ensuite lamentablement vous justifier : « Devant l’insoutenable, l’innommable, la prise de parole n’est pas toujours facile ».
Vous, le volontariste qui, en 2015, s’est rendu jusqu’à Paris pour pleurer les 12 morts de Charlie Hebdo, n’aviez pas eu un mot, même pas un vulgaire tweet, en novembre 2020, quand 480 de vos Jeunes mouraient en mer en tentant d’émigrer. Selon l’OIM, durant la seule année 2023, ils ont été plus de 10 000 Compatriotes à avoir atteint l’Espagne, avec 93 morts décomptées par le journaliste Ayoba Faye, entre octobre et début novembre. À la place, nous avons droit à la basse besogne de vos ministres tentant de mettre en doute des informations crédibles, ou de faire croire que les embarcations « proviennent du Sénégal, mais sont remplies d’étrangers ».
Mais, justement, qu’auriez-vous dit, vous, Macky Sall, à ces jeunes ?
Leur auriez-vous appris comment être milliardaires comme vos acolytes et vous dans la fonction publique, sans activités commerciales ou industrielles ? Interrogé sur vos 1,3 milliards de patrimoine déclaré en 2012 (sous-évalué selon plusieurs sources parlant de 8 milliards), on comprend vite que l’intégrité et le sens de l’effort dans vos discours sont vides : « En ce qui me concerne, j’ai bénéficié de privilèges liés à ma fonction de Premier ministre ou de président de l'Assemblée nationale, ce qui est tout à fait normal » (revue Foreign Affairs, 2013).
Et si vous étiez si doué à faire fructifier les richesses par le travail, vous ne vous seriez pas rendu jusqu’à Saint-Pétersbourg en juillet 2023 pour quémander du blé pour notre Nation. Le taux de chômage dans notre Pays ne serait pas passé à 19,5% fin 2023 (contre 10,2% en 2012). Le nombre de pauvres n’aurait pas augmenté de 200 048 personnes entre 2011 et 2018 et notre dette publique ne vaudrait pas 13 331,9 milliards en juin 2023 (contre 3 041 milliards en 2012).
Auriez-vous rassuré ces jeunes, Monsieur Sall, comme vous l’exige votre statut de protecteur de la Nation ? La misère socio-économique n’est pas le seul élément aux trousses de nos Compatriotes. Les Sénégalais vous fuient, Monsieur Sall. Sous votre présidence, en plus des morts, pas moins de 1 000 citoyens ont été jetés en prison. Maîtres coraniques, journalistes, caricaturistes, membres de la société civile, chercheurs, opposants politiques, jeunes mariés, femmes enceintes, mères avec bébés à allaiter, tout le monde aura vécu ou vu ce Sénégal de la terreur.
Ce Sénégal où l’État fait extrader ses propres citoyens depuis l’étranger, sous des motifs tendancieux, afin de les jeter en prison. Ce Sénégal où des citoyens sont cueillis depuis l’aéroport ou réveillés brutalement la nuit pour aller croupir en détention provisoire. Dans ce Sénégal où, sociologiquement la prison est une humiliation pour toute la famille de l’arrêté, le président de la Cour suprême, Monsieur Ciré Aly Ba, n’a même pas eu honte de vouloir nuancer le fait qu’il y ait 6 000 personnes en détention provisoire dans une population carcérale de 15 000 compatriotes.
Finalement, Monsieur Sall, je vous le concède : peut-être aviez-vous eu raison de vous taire. Car, après tout, que vaut votre parole ?
Après avoir dit et répété sous tous les toits que vos deux mandats s’arrêtaient constitutionnellement en 2024, vous n’avez renoncé au troisième mandat que sous la contrainte. Au point où vous n’avez pas laissé émerger un éventuel successeur dans votre parti. Même pour un simple manager, c’est là la preuve d’un manque de vision impardonnable. Au point où vous devez liquider Ousmane Sonko, votre principal opposant, promouvoir une bureaucratie déviante (avec une DGE qui tient tête aux décisions de justice), et pour combler le tout : reporter les élections présidentielles, une première dans notre Nation. À douze heures du début officiel de la campagne électorale. Pour gagner du temps, peureux d’aller aux urnes.
Et en vous dédisant une nouvelle fois. Ici, vos mots, en 2012 : « Le président de la République ne peut pas prolonger son mandat. C’est impossible. Et cette question avait été posée en 2006, je vous le rappelle, parce qu’il y avait des gens qui agitaient aussi la possibilité pour le chef de l’État de reporter un peu les élections et d’engager un dialogue politique avec l’opposition pour organiser les élections en 2009. Mais, nous avions dit que ce n’est pas possible. Il ne faut pas augmenter d’une journée son mandat. Sinon, le pays serait dans le chaos puisque les gens ne le reconnaîtraient plus. Il n’y aurait plus d’autorité dans le pays. À partir du moment où le président n’est plus reconnu, chacun fera ce qu’il veut. Et ça, c’est dangereux pour le pays. Donc ça, c’est une fiction. »
Mais qu’y a-t-il de choquant dans tout cela, Monsieur Sall ? N’est-ce pas qu’il faut de l’élégance, une haute estime de sa personne et de sa fonction, pour s’interdire l’arbitraire ? Ou, au pire des cas, avoir de bons compagnons de route qui vous tirent vers le haut ?
La façon dont vous avez traité Ousmane Sonko vous a rendu petit à jamais. Même Senghor, envers Mamadou Dia, n’a pas été aussi cruel que vous. Même Diouf, envers Wade, n’est pas allé aussi loin que vous. C’est agaçant, en effet, d’avoir un opposant, quelqu’un qui vous apporte de la contradiction pendant que vous dirigez. Mais c’est là où la grandeur d’esprit fait la différence : savoir partager l’espace politique avec l’autre, pour le bien-être de la Nation, sans chercher à l’écraser, l’humilier, l’anéantir.
Enfermer votre opposant avec toute sa famille dans sa maison, durant 57 jours, sans aucune décision de justice. L’engloutir sous des dossiers judiciaires, aussi graves et grossiers les uns que les autres : diffamation, viols répétés, menaces de mort, appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste… vol de téléphone portable. Priver sa ville de maire et mettre en embargo toute la Casamance pendant 1 mois 17 jours, sur fond de ciblages ethniques dans un Sénégal où même les nominations ont commencé à être lues sous ce prisme nauséabond digne de l’époque coloniale.
Je suis désolé de vous l’annoncer, Monsieur Sall : l’Histoire ne vous célèbrera pas comme un Homme d’État du Sénégal.
Et la mégalomanie avec laquelle votre femme et vous donnez vos noms à nos rues ou infrastructures publiques n’y changera rien. Votre action vous condamne à l’oubli. Et l’oubli est plus impitoyable que vous. Vous avez fait le choix de la médiocrité pour nous diriger : vous entourer de femmes et hommes disposés à vous soutenir dans le mensonge, en appelant ouvertement « à tuer ceux qu’il faudra tuer » ou à « brûler vif » votre opposant, « même s’il faut tuer 90% des Sénégalais ». Un député de votre mouvance résumera bien cet état d’esprit : « Pour conserver le pouvoir après 2024, nous du pouvoir, nous marcherons sur vos cadavres. »
À la prochaine génération, vous avez enseigné comment être adulte n’est pas un gage absolu de savoir, de dignité et de droiture, dans un Sénégal, une Afrique, où l’âge est pourtant vénéré. Que de silences de trop, mal placés. Que de deals, de compromissions, sous les lambris dorés d’un dialogue national interminable, insincère, toujours réactivé quand il faut nous faire avaler l’inadmissible. Que de trahisons, de transhumances, de rationalisations d’injustices flagrantes sur fond de « neutralité » ou d’une gérontocratie à deux balles : prompte à conspuer « l’impatience, l’impulsivité ou la violence des Jeunes », mais indifférente, bouche cousue, quand l’arbitraire se déhanche sous leurs yeux. Les manifestations systématiquement interdites. L’usage abusif de la force par nos forces de l’ordre devenu banal. Le principal parti d’opposition dissout dans notre pays. Les autres partis interdits de circuler ou d’accéder à leurs propres locaux.
J’ai davantage compris qu’il ne faut attendre personne pour se lever et se battre pour la Justice. J’ai malheureusement appris que pour de banals titres de « ministres », « députés », « directeurs », pour des joues plus ballonnées, des bijoux ou des voitures climatisées, certains sont encore capables de mentir, trahir et jeter en pâture notre pays.
Pour moi qui ai toujours été hanté par la question de savoir comment, dans les faits, nos sociétés se sont retrouvées assujetties, dans l’esclavage ou la colonisation, les mécanismes à l’œuvre au Sénégal ces derniers mois et années, m’ont édifié. Dans la douleur, dans l’amertume, mais jamais dans l’impuissance.
Monsieur Sall, votre dessein ne s’accomplira pas. Nous ne nous agenouillerons jamais devant vous. Le Sénégal regagnera sa souveraineté, pleine et entière. Et cela, aucun d’entre vous n’y pourra quelque chose.
LE SÉNÉGAL S'ÉLOIGNE DE SA TRADITION DÉMOCRATIQUE SELON LE MONDE
Le journal français pointe une volonté de manipulation électorale, un mépris des institutions et un risque d'embrasement. Pour la publication, Macky Sall joue un jeu dangereux qui menace la stabilité du "phare de la démocratie" en Afrique de l'Ouest
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/02/2024
Dans un éditorial publié le 5 février 2024, le quotidien Le Monde s'alarme du "jeu dangereux" mené par le président sénégalais Macky Sall. En effet, ce dernier a annoncé samedi "de façon surprise" le report sine die de l'élection présidentielle prévue le 25 février, rompant avec "la longue histoire démocratique" du pays.
Selon le journal, "depuis son indépendance en 1960, l'armée n'a jamais menacé le pouvoir" au Sénégal et "une véritable liberté d'expression y nourrit un débat politique dynamique". Ainsi, "depuis 1963, les scrutins présidentiels ont toujours eu lieu à la date prévue".
Or, note Le Monde, Macky Sall "s'était déjà signalé par un comportement alarmant" lorsqu'il avait laissé planer le doute sur sa volonté de briguer un troisième mandat, ce qui est interdit par la Constitution. Finalement, il y avait renoncé en juillet dernier après des "émeutes réprimées dans le sang" en juin.
Pour le journal, "tout se passe comme si le président voulait favoriser la candidature, rejetée par le Conseil constitutionnel, de Karim Wade". En prenant "prétexte de la mise en cause à l'Assemblée nationale, par des élus proches de M. Wade, de l’intégrité des juges constitutionnels", Macky Sall "risque en réalité de mettre le feu aux poudres" alors que le pays a "les nerfs à vif".
Le Monde s'inquiète du "signal" donné et de l'atteinte portée à "la séparation des pouvoirs". Car "que le phare de la démocratie dans la région donne pareil signal ne peut qu’inquiéter sur la pérennité du « modèle sénégalais »".
VIDEO
POUR ABDOU LATIF COULIBALY, MACKY SALL A ARRÊTÉ L'HISTOIRE
Pointant du doigt l'inconstitutionnalité du report électoral, l'ancien secrétaire général du gouvernement dévoile les dessous politiciens de la manœuvre et pointe la responsabilité directe du président dans cette crise démocratique
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 05/02/2024
Abdou Latif Coulibaly, ancien secrétaire général du gouvernement, a accordé une interview à RFI ce lundi 5 février 2024 pour expliquer les raisons de sa démission, survenue deux jours plus tôt. Selon M. Coulibaly, le report sine die du scrutin initialement prévu le 25 février dernier constitue une "entorse" et une "dérive" inacceptable.
Interrogé sur les motifs de son départ du gouvernement, le haut fonctionnaire a indiqué vouloir "retrouver [sa] liberté d'expression" et ne plus se sentir tenu par "la solidarité du gouvernement" face à une décision avec laquelle il est en profond désaccord. Pour M. Coulibaly, ni le président Macky Sall, ni l'Assemblée nationale n'avaient le pouvoir de reporter l'élection, arguant que la réforme constitutionnelle de 2016 était censée garantir l'intangibilité du calendrier électoral.
À ce sujet, il a relevé une contradiction majeure dans la position actuelle du chef de l'État, qui affirmait lui-même en 2012 qu'un président ne pouvait "augmenter d'une journée son mandat". Selon l'ex-secrétaire général, "aujourd'hui, [Macky Sall] décide de renoncer à tout ça. Il arrête l'histoire", se déjugant par rapport aux engagements passés.
Abdou Latif Coulibaly a par ailleurs estimé probable l'existence d'"un accord sur les démarches" avec le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Karim Wade, principal bénéficiaire du report.
Pour l'ancien ministre, la décision de Macky Sall "n'est pas un avantage pour lui et en rien du tout" sur le plan politique. Elle dénoterait selon lui une tendance chez les dirigeants, "quand on est dans l’exercice du pouvoir, [à croire] que tout est possible". Plus grave encore, M. Coulibaly a affirmé avoir "alerté le président sur les risques" d'un tel report, sans être écouté.
En fin d'interview, l'opposant a déploré l’absence de préparatifs logistiques et administratifs sur le terrain en vue du scrutin, contrairement à ce qui a toujours été fait dans le cadre du processus pré-électoral. Une situation qui révèle, pour Abdou Latif Coulibaly, une volonté délibérée de reporter les élections de la part du pouvoir.
L'INTERNET MOBILE COUPÉ
Le ministre de la Communication justifie cette mesure par la nécessité de contrer la diffusion de propos subversifs en plein contexte de tensions
Les autorités sénégalaises annoncent avoir suspendu « provisoirement » l’internet des données mobiles à partir du dimanche 4 février à 22 heures.
« Le ministre de la Communication, des Télécommunications, et du Numérique informe le public qu’en raison de la diffusion de plusieurs messages haineux e subversif relayés sur les réseaux sociaux dans un contexte de menaces de troubles à l’ordre public, l’internet des données mobiles est suspendu provisoirement à partir du dimanche 4 février à 22 heures », écrit un communiqué de la tutelle rendu public le même jour.
« Les opérateurs de téléphonie sont tenus de se conformer aux réquisitions notifiées », indique la source.
Par Abdoulaye THIAM
MACKY, LE COUP DE TONNERRE
Le président porte une atteinte grave à la démocratie sénégalaise qui était une petite embellie dans la grisaille ouest africaine
Coup de tonnerre au Sénégal ! Le président de la République, Macky Sall dont le second mandat prend fin le 2 avril prochain, a pris un décret ce samedi 3 février, à moins de 24 heures du démarrage de la campagne électorale, pour reporter sine-die l’élection présidentielle prévue le 25 février 2024
Le chef de l’Etat estime qu’ily a des soupçons de corruption qui pèsent sur des juges du Conseil constitutionnel et qu’une candidate (Rose Wardini) a été arrêtée et poursuivie pour parjure suite à la découverte de sa double nationalité, pendant qu’un autre, Karim Meissa Wade a été écarté à cause de sa deuxième nationalité française dénoncée par Thierno Alassane Sall, également candidat à la Présidentielle.
Des prétextes plus que fallacieux qui apportent de l’eau au moulin des détracteurs de Macky Sall qui l’ont toujours suspecté de vouloir s’offrir un «mandat cadeau», à l’image de Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire. Un scénario ubuesque digne d’un film hollywoodien.
Pis, Macky Sall porte une atteinte grave à la démocratie sénégalaise qui était une petite embellie dans la grisaille ouest africaine. Pathétique ! Inacceptable ! Inconcevable dans un pays qui, depuis son accession à l’indépendance n’a jamais reporté, pas une seule fois, son élection présidentielle. Et pourtant ce ne sont pas des alibis et des arguments qui manquaient pour les prédécesseurs de Macky Sall. Un juge constitutionnel a été froidement assassiné, des policiers ont été pris dans un guetapens et lâchement liquidés sous le régime socialiste. Mais, Abdou Diouf président de la République d’alors n’a jamais songé à reporter la présidentielle. Plus récemment, quand le Conseil Constitutionnel, a validé la candidature de Abdoulaye Wade pour un troisième mandat, 11 sénégalais ont trouvé la mort. Mais jamais le pape du SOPI n’a envisagé de repousser la présidentielle pour s’offrir un «bonus», comme du reste le théorisait d’ailleurs Idrissa Seck, alors chef de l’opposition sénégalaise (il était deuxième à la présidentielle de 2007).
L’opprobre sur les institutions
C’est Ousmane Sonko et ses partisans qui vont rire sous cape. Sans occulter Alpha Condé, voire Yaya Jammeh. Le leader de l’ex-Pastef a été accusé de tous les noms d’oiseaux à cause de discours sur la neutralité et l’impartialité de certains juges. Aujourd’hui, c’est le gardien de la Constitution, celui qui est considéré comme la clé de voûte des institutions, le père de la nation, le président du Conseil supérieur de la magistrature, chef suprême des armées qui jette en pâture des magistrats en créditant des soupçons de corruption sur des juges du Conseil Constitutionnel. Il veut aussi nous faire croire que notre Assemblée nationale sera en conflit contre le Conseil Constitutionnel. Il veut nous faire croire qu’une enquête parlementaire des députés acquis à sa cause, qui se comportent comme des moutons de Panurge sont capables de nous élucider sur ce supposé cas de corruption. Cette même Assemblée nationale n’avait-elle tenté le coup avec la fameuse affaire des 94 milliards avant que l’OFNAC ne refroidisse leurs conclusions ? Triste sort pour le pays de Senghor, de Abdou Diouf et de Abdoulaye Wade.
Troisième mandat à tout prix
C’est désormais clair, net et limpide. Macky Sall n’a jamais voulu quitter le pouvoir. D’ailleurs, il a toujours usé de toutes sortes de subterfuges pour se présenter à nouveau. Son «ni oui, ni non», le limogeage de toutes les personnes qui osaient dire non au troisième mandat, la promotion de qui ceux qui le soutiennent et le théorisent, la très tardive déclaration aux allures d’une contrainte pour finalement renoncer à briguer les suffrages des Sénégalais, tout a été savamment orchestré pour lui baliser la voie.
On croyait alors que le Président Sall avait fini par entendre raison. Que nenni ! La preuve, c’est le choix porté sur Amadou Ba. Un choix qu’il qualifie de «raison» contre un éventuel choix de «cœur». Comme au théâtre chinois, tel un habile marionnettiste, il tire les ficelles, distribue les rôles. Usant du machiavélisme jusqu’au bout, il se débarrasse d’un de ses fidèles lieutenants, El Hadji Mamadou Diao dont le seul péché est d’avoir osé déclaré sa candidature. Aly Ngouille Ndiaye avait déjà fini de quitter le navire. Quant à Abdoulaye Daouda Diallo, il lui demande de rester sans rester. Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) organise sa capitulation sans prononcer le nom de Amadou Ba, dans un discours fait en français, en wolof et de poular
N’empêche, la machine électorale se met en branle. Nous nous épargnons des forfaitures de la Direction générale des élections (DGE), du limogeage spectaculaire des membres de la CENA, et de l’installation de la nouvelle CENA en violation totale des textes.
On croyait alors avoir bu le calice jusqu’à la lie. Macky Sall décide de porter l’estocade à travers Mame Mbaye Niang qui débarque sur les plateaux de la TFM, le matin même de conseil national de l’APR pour descendre Amadou Ba en plein vol. Le candidat de BENNO se retrouve avec des ailes mouillées mais reste zen. Pendant ce temps, l’opposition surtout le camp de Sonko s’organise autour de Bassirou Diomaye Faye, cloué dans sa cellule de prison. Inédit !
Des candidats débarquent à la RTS pour enregistrer leur première sortie médiatique. Sauf que le chef de l’Etat ne veut pas d’élection. En l’absence d’insurrection souhaitée, de la démission du chef du gouvernent, il sort de son imagination un conflit entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel pour tout arrêter sans préciser de date de la tenue de l’élection. Un coup d’Etat constitutionnel aux conséquences incommensurables.
par rené lake
PLONGÉE DANS L’INCONNU
EXCLUSIF SENEPLUS - La stratégie de Macky, axée sur la survie politique et incarnée par le « Tout sauf Sonko », a engendré une situation bien plus périlleuse pour le pouvoir avec la validation inattendue de la candidature de Bassirou Diomaye Faye
Le Sénégal se trouve actuellement immergé dans une réalité qui lui est étrangère. L'ajournement indéfini de l'élection présidentielle prévue pour le 25 février 2024 intensifie une crise de confiance déjà palpable entre une part significative de la population et les dirigeants de la nation, notamment le président Macky Sall.
Macky Sall diffère les élections, prétextant une crise dont il omet délibérément de préciser la nature, empêchant ainsi une compréhension claire de ses implications et de sa portée. Il évoque d'abord un « affrontement ouvert entre l'Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel », puis mentionne une « controverse autour de la double nationalité d'une candidate », avant de décrire la situation comme étant de « conditions ambiguës ».
Sur ce fond contextuel, il justifie le report de l’élection, arguant que l'Assemblée nationale a proposé une « loi constitutionnelle à suivre en procédure d'urgence ».
Trois termes décrivent la situation : Conflit, Controverse, et Conditions ambiguës. Comment est-il envisageable de suspendre l'ordre électoral, l'ordre républicain, et l'ordre constitutionnel sur des bases aussi peu pertinentes et convaincantes ?
Aux États-Unis, malgré plus de 620.000 décès en quatre ans, de 1861 à 1865, durant la guerre civile – un bilan supérieur aux pertes cumulées lors de multiples conflits historiques –, les scrutins se sont tenus à la date prévue. Le 8 novembre 1864, les citoyens américains ont voté, réélisant Abraham Lincoln.
Même en temps de crise sanitaire, comme lors de la pandémie de grippe espagnole en 1918 qui a fait 615.000 victimes, les États-Unis n'ont pas reporté leurs élections. Le 5 novembre 1918, les citoyens ont été appelés aux urnes, conformément à la tradition des élections fédérales tenues le premier mardi suivant le premier lundi de novembre.
Par ailleurs, selon les propres termes du président Macky Sall, la stabilité nationale n'est pas en jeu. Qu'il estime que le pays « ne peut se permettre une nouvelle crise » relève de son plein droit, mais rien n'indique, à la date du 3 février 2024, l'existence ou la potentialité d'une crise susceptible de déstabiliser le pays et de menacer la cohésion sociale.
Au contraire, la majorité des candidats se montraient prêts pour une campagne électorale dynamique. Cependant, il est de notoriété publique que le camp présidentiel était, à cette date, empêtré dans des conflits internes si profonds que les ponts d'alliance et de collaboration entre Macky Sall et Amadou Ba, son Premier ministre et candidat désigné, étaient rompus. Depuis une semaine, les spéculations abondaient sur le conflit ouvert entre les deux hommes et ses répercussions sur l'élection.
En vérité, une analyse plus approfondie des rapports de cause à effet suggère une inversion de la logique apparente. La stratégie de Macky Sall, axée sur la survie politique et incarnée par la devise « Tout sauf Sonko », a engendré une situation bien plus périlleuse pour le pouvoir avec la validation inattendue par le Conseil constitutionnel de la candidature de Bassirou Diomaye Faye, numéro deux du parti dissous de Sonko. Ce retournement de situation, totalement imprévu, transforme la stratégie du « Tout sauf Sonko » en une réalité impensable pour Macky Sall, aboutissant à une élection « Sans Sonko mais avec Diomaye ».
Au-delà de la crainte des divergences idéologiques et philosophiques entre Macky Sall et Diomaye Faye, il est rapidement devenu évident que le remplaçant de Sonko, bénéficiant non seulement du soutien des membres et sympathisants de Pastef, jouissait également d'une sympathie due à sa condition de victime, surtout en tant que prisonnier politique détenu sous des accusations discutables dans un contexte démocratique ou d'État de droit.
Cependant, la situation se complique davantage pour Macky Sall et ses alliés face à la prise de conscience que depuis sa cellule, le candidat acquiert un avantage supplémentaire, celui d'éviter des erreurs politiques lors d'une campagne électorale. La détention devient ainsi un atout politique majeur pour le remplaçant d'Ousmane Sonko.
Il est devenu manifestement clair au sommet de l'État que la stratégie du « Tout sauf Sonko » a engendré, involontairement, une menace encore plus grande pour Macky Sall et ses alliés. Il devient essentiel de trouver une solution. Face à l'irréversibilité des décisions du Conseil constitutionnel, la seule option restante pour Macky Sall est de reporter l’élection afin de neutraliser la candidature de Diomaye Faye.
Quelle démarche adopter ? Guidé par un instinct de préservation, c'est ici que se révèle une partie importante de l’objectif politique qui sous-tend la décision du report. Plusieurs sources proches de Macky Sall indiquent que celui-ci considère que son candidat est pour le moins inapte à affronter Diomaye Faye ou encore Khalifa Sall, leader de la coalition Taxawu Senegal dans cette élection. C’est ainsi qu’il devient aisé d’utiliser Amadou Ba comme bouc émissaire pour provoquer une crise au sommet de l'État, justifiant l’ajournement de l’élection présidentielle.
Pour arriver à ce résultat, une crise est fabriquée artificiellement, exacerbée, créant les conditions d'une instabilité au sommet de l'État afin de pouvoir ainsi justifier un ajournement du rendez-vous électoral le plus important du pays.
Pour couronner le tout, Macky Sall se voit confronté à deux possibilités imprévues, celles liées à la double nationalité de Karim Wade et de Rose Wardini. Ces nouvelles circonstances offrent des justifications semblant plus pertinentes, plus crédibles et plus aisées à avancer pour parvenir au but visé, comparées à celle d’un « lynchage planifié du candidat de la coalition présidentielle », selon les mots d’un proche d’Amadou Ba. Il a judicieusement ajouté : « Parfois, même dans les méandres, les étoiles s'alignent ».
Le maintien des élections présidentielles à leurs dates prévues est un pilier fondamental de la démocratie et de la stabilité politique dans n'importe quel pays. Ce n’est pas principalement une question juridique ou de droit mais bien plus une question politique et de gouvernance. Les raisons pour lesquelles les élections présidentielles ne devraient jamais être reportées sont multiples et d'au moins cinq ordres :
Précédent dangereux : Le report d'une élection peut créer un précédent dangereux, permettant à des gouvernements de futurs reports sous des prétextes non justifiés. Cela peut ouvrir la porte à des abus de pouvoir et à l'érosion des institutions démocratiques.
Légitimité du pouvoir : La légitimité des dirigeants élus repose sur le respect du calendrier électoral. Tout retard jette un doute sur la légitimité du pouvoir en place et alimente des tensions politiques, des contestations, voire des conflits.
Respect des principes démocratiques : Les élections sont le fondement de la démocratie représentative. Elles permettent aux citoyens d'exprimer leur volonté et de choisir leurs dirigeants. Reporter une élection est une atteinte aux droits démocratiques fondamentaux et une violation de la confiance du public envers ses institutions.
Gestion des crises : Bien que des circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles, crises sanitaires) puissent présenter des défis logistiques, l'histoire a montré que les élections peuvent être adaptées plutôt que reportées. Des mesures appropriées ou l'ajustement des procédures de vote peuvent permettre la tenue d'élections même dans des contextes difficiles.
Prévisibilité et stabilité : Un calendrier électoral constant et prévisible contribue à la stabilité politique et économique. Les investisseurs, les partenaires internationaux et les citoyens eux-mêmes s'appuient sur cette régularité pour planifier leur avenir.
En somme, la décision de reporter, en réalité d’annuler les élections, prise par le président Macky Sall, ce 3 février 2024, s'apparente à une plongée dans l'inexploré qui expose le Sénégal à des turbulences extrêmes, dangereuses et indésirables.
René Lake est journaliste et analyste politique à Washington.