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24 avril 2025
International
par DIOP Blondin Ndèye Fatou
LETTRE AUX PARTENAIRES ET AMIS DU SÉNÉGAL
Dans ce Sénégal de 2023, un signal de média peut être coupé comme un robinet. Sommes-nous sous le régime du flagrant délit continu ? Entendez nos alertes quand nous disons que c’est maintenant qu’il faut agir
Chers amis et partenaires du Sénégal au moment où je vous adresse ces propos, Ousmane Sonko, tête de file incontestable de l’opposition, est sous liens de la détention depuis le 28 juillet ; les motifs et conditions de sa détention lui ont fait observé plus de 40 jours de grève de la faim et deux séjours en réanimation. C’est le seul mode de résistance qui lui reste face au rouleau compresseur judiciaire que le régime de Macky Sall a enclenché depuis mars 2021 pour l’empêcher de briguer le suffrage des sénégalais.
D’un autre côté nous apprenions il y’a une petite semaine que le titre de « Envoyé spécial du Pacte de Paris pour la Planète et les peuples » est la mission que le président du pays partenaire stratégique du Sénégal voudrait confier au nôtre dès la fin de son mandat en cours. Cela ressemble à s’y méprendre à un satisfecit pour sa décision de renoncer à une 3ème candidature.
Passons sur tout ce que cet acte symbolise de la part de l’émetteur comme du receveur et sa résonance auprès des peuples dits francophones, pour entrer dans le fond du sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.
Il s’agit d’interpeler ceux qui ont des intérêts au Sénégal mais aussi les nombreux citoyens du monde qui aiment ce pays à l’hospitalité légendaire et jadis havre de paix.
De fait, le pays traverse des moments critiques et a plus que jamais besoin de voir ses partenaires et amis s’impliquer dans la restauration de la justice, de la paix et de la démocratie.
Chers partenaires institutionnels, nous sommes sûrs que vos représentations diplomatiques vous tiennent régulièrement informés de tout ce qui se passent sous nos cieux. Permettez-nous tout de même de mettre en lumière un certain nombre de faits regrettables qui cristallisent notre inquiétude à quatre mois de l’élection présidentielle.
Au moment où nous parlons des milliers de jeunes hommes et femmes mais aussi des enfants et même des nourrissons empruntent des voies dangereuses pour quitter le pays. On nous dit qu’au moins 2000 d’entre eux sont morts de froid, de faim ou par noyade; des villages entiers sont endeuillés et des secteurs d’activité sinistrés suite à cet exode sans précédent. Parmi eux, certains ont perdu l’espoir de voir leur leader libre de participer à la prochaine élection présidentielle. Jusqu'ici aucune solution sérieuse n’a été mise en place par le gouvernement.
Nous sommes le 16 novembre et la prestigieuse université UCAD ne dispose pas de locaux adaptés aux cours en présentiel suite aux dégradations occasionnées par les manifestations de juin dernier ; la proposition de cours en ligne n’intègre pas le défaut d’électricité dans certaines zones sans compter les restrictions du réseau internet en cas de trouble politique.
Dans ce Sénégal de 2023, un signal de média peut être coupé comme un robinet et un journaliste cueilli devant ses collègues pour un post qui date de 2 ans. Sommes-nous sous le régime du flagrant délit continu ?
Etes-vous informés que la DGE, dans l’impunité la plus totale, a refusé d’exécuter une décision de justice réputée favorable à Ousmane Sonko ?
Savez-vous qu’un décret est venu fouler aux pieds le règlement, arraché après d’âpres négociations entre pouvoir et opposition en 2005, d’une institution indépendante ? Nous parlons de la CENA. De surcroît, le régime actuel a catégoriquement refusé de nommer une personnalité neutre pour organiser l’élection de février, revenant par ce geste sur un acquis obtenu de haute lutte.
Savez-vous que depuis le 12 mai toutes les manifestations politiques de l’opposition sont interdites sans motif constitutionnel.
Avez-vous remarqué les nombreux effectifs des FDS surarmés et pré positionnés comme si nous étions dans un pays en insurrection alors que des activités sportives et de loisir rassemblent régulièrement des milliers de jeunes dans une ambiance festive et que le parti au pouvoir draine des centaines de militants mobilisés pour accueillir le président de la république durant sa tournée dite économique ?
Savez-vous que depuis mars 2021 des milliers de jeunes sont en prison (étudiants, vendeurs ambulants, enseignants, journalistes, activistes, humoristes). Et que depuis cette date, les manifestations ont occasionné une cinquantaine de morts sans qu’il y ait enquête et je ne parle pas des blessés.
Leur seul tort : une supposée appartenance ou sympathie à un parti stigmatisé, le Pastef. Ce parti a d’ailleurs été dissout par décret présidentiel en dehors de tout processus judiciaire. Il faut réviser les annales des années 60 pour trouver une jurisprudence!
Savez-vous que son Leader, Ousmane Sonko, a été séquestré durant 55 jours sans aucune notification venant de la justice ? et qu’il a été jugé par contumace alors qu’il était sous les liens de la détention ?
Chers partenaires et amis du Sénégal,
A l’heure où nous parlons aucun candidat de l’opposition ne dispose du fichier ni de la carte électorale, contrairement à ceux du pouvoir qui, en plus, détiennent exclusivement le sabre du logiciel de parrainage ? Et on ne parle pas des milliers de primo votants qui n’ont toujours pas reçu leur carte d’électeur!
Ce vendredi 17 novembre, la Cour de justice de la CEDEAO rendra sa décision sur la réintégration de Ousmane Sonko sur les listes de électorales ; il se dit que la ministre de la justice a déjà donné sa position de ne pas obtempérer s’il advenait une décision favorable à Ousmane Sonko. Ce même jour, la Cour Suprême sénégalaise pourrait rendre une décision qui exclura le même Ousmane Sonko, qui porte l’espoir de millions de sénégalais, de la possibilité d’être candidat pour la prochaine élection ; la conséquence serait la perte définitivement tous ses droits civiques ! Excusez du peu !
Penchez-vous dans les dossiers judiciaires de Ousmane Sonko et vous y verrez des charges toutes plus fallacieuses et loufoques les unes que les autres ; vous y verrez la main du parquet qui parfois alourdit les charges, parfois fait appel alors qu’il n’est pas le plaignant ; vous constaterez une accélération ou un retard inexpliqué des procédures.
La liste des maux est longue et l’on se demande comment en est-on arrivé à ce niveau de déconfiture de nos institutions et de manque de fair-play politique ? Sans avoir les chiffres fiables, on peut aussi parier que ce climat délétère a un impact économique dans le pays qui figure parmi les 25 les plus pauvres du monde sans compter son attractivité.
Alors, la CEDEAO, l’UA, l’UE, l’ONU et ses agences mais aussi les centaines d’ONG vont-elles ignorer tout ce parcours subi par l’opposition, le traitement ignoble infligé à Ousmane Sonko, le mépris en amont des règles consensuelles du processus électoral et féliciter les organisateurs au soir du 25 février 2024 ?
Non, mesurez ce qui se joue ici et maintenant.
Entendez nos alertes quand nous disons que c’est maintenant qu’il faut agir et créer les conditions de retour de la justice et de l’état de droit. Il arrive un moment où le silence devient mensonge et complicité. Vous détenez en partie la solution. Les avocats sont sur le pied de guerre et usent de tous les recours judiciaires dont Ousmane Sonko peut se prévaloir. L’opposition et la société civile sénégalaise s’activent pour contrer tous les pièges tendus par le régime en place. Nous attendons de la communauté internationale qu’elle joue sa partition.
Madame Diop Blondin Ndeye Fatou Ndiaye est Coordonnatrice adjointe de la plateforme Avenir Sénégal Bii Ñu Bëgg, membre du LACOS.
SONKO MAL AVISÉ
Souleymane Jules Diop brosse le portrait trouble de certaines influences gravitant dans l'entourage du leader de Pastef. L'ancien chroniqueur du pouvoir pointe des conseillers qui auraient poussé l'opposant dans ses retranchements
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 16/11/2023
L'ancien chroniqueur et diplomate sénégalais Souleymane Jules Diop accuse l'entourage d'Ousmane Sonko de mauvais conseils. Invité de l'émission "Tolluway" sur le site d'information Seneweb, il a critiqué certaines personnes influentes auprès du maire de Ziguinchor et leader de l'opposition.
"Lors du lancement du Dialogue national, j'avais personnellement tenté de convaincre ses proches pour qu'il y participe, de même que pour son procès face à Adji Sarr", a déclaré M. Diop. Selon lui, "le jugement par contumace allait lui causer beaucoup de problèmes". Il soupçonne aujourd'hui "qu'il y a des gens dans son entourage qui l'ont poussé à commettre de graves erreurs politiques", estimant qu'à 46 ans, Ousmane Sonko "est un jeune homme sans beaucoup d'expérience".
Plus fondamentalement, Souleymane Jules Diop met en garde contre deux influences néfastes autour du leader de Pastef. "Il y a une aile nationaliste, radicalisée, qui s'attaque aux étrangers, notamment les Peuls, allant jusqu'à consulter les noms sur les listes électorales", a-t-il dénoncé. Mais aussi "une aile islamiste, islamisante, salafiste", même s'il précise ne "pas dire que Sonko ou tous les membres de Pastef le sont".
Pour l'ancien chroniqueur, certaines personnes pensent à tort "qu'imposer un rapport de force peut pousser le pouvoir à céder". Or selon lui, "ce n'est pas forcément le cas". Jules Diop estime enfin qu'Ousmane Sonko "pouvait mobiliser les meilleurs de la jeunesse sénégalaise pour le bien du pays", mais qu'il "a cédé à un moment donné" à de mauvaises influences.
Des accusations circonstanciées retranscrites à partir de l'émission "Tolluway" diffusée sur le site d'information sénégalais Seneweb, où Souleymane Jules Diop était l'invité.
UN AN DE PRISON AVEC SURSIS REQUIS CONTRE ÉRIC DUPOND-MORETTI
Eric Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir usé de ses fonctions pour régler des comptes avec des magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, ce qu’il conteste fermement
Eric Dupond-Moretti est soupçonné d’avoir usé de ses fonctions pour régler des comptes avec des magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, ce qu’il conteste fermement.
Après une semaine d’audiences, le réquisitoire s’est tenu mercredi 15 novembre dans l’après-midi au procès inédit d’Eric Dupond-Moretti, devant la Cour de justice de la République (CJR). A l’issue de ce réquisitoire à deux voix, avec l’avocat général Philippe Lagauche, Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, a demandé à la CJR « de déclarer Eric Dupond-Moretti coupable des faits de prise illégale d’intérêts qui lui sont reprochés ». Tous deux ont requis une peine d’un an de prison avec sursis contre le ministre de la justice.
Rémy Heitz a demandé à la CJR de déclarer M. Dupond-Moretti « coupable », mais concernant la peine d’inéligibilité, normalement obligatoire en cas de condamnation, il a déclaré à la Cour qu’elle pouvait « s’en dispenser » en s’en remettant à sa « sagesse ».
« Ce n’est pas n’importe quel ministre prévenu devant vous, c’est le gardien du droit, qui doit veiller plus que tout autre au respect des standards éthiques » et « de l’indépendance de la justice », a-t-il continué, notant que le conflit d’intérêts reproché au ministre « sautait aux yeux », malgré le « déni persistant ». « Je ne vous demande pas de faire un exemple, je vous demande d’appliquer la loi, a déclaré le haut magistrat. Votre décision rappellera solennellement la frontière entre ce qui est admis et ce qui ne l’est pas. »
Plus de 144 heures de procès
Le ministre français de la Justice, garde des sceaux est jugé pour « prise illégale d’intérêts ». Il est soupçonné d’avoir usé de ses fonctions pour régler des comptes avec des magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, ce qu’il conteste fermement.
Le réquisitoire s’est tenu à l’issue de 144 heures de procès. M. Heitz a pris la parole en premier, peu après 14 heures, assurant que « c’est bien des valeurs de la République et des règles qu’elle se donne qu’il est question devant cette cour ». « Jamais en prêtant mon serment de magistrat il y a trente-cinq ans je n’aurais imaginé » devoir requérir contre « un ministre de la justice en exercice », a déclaré le haut magistrat.
« Je mesure, monsieur le ministre, l’épreuve que cela représente pour vous, qui êtes très habitué aux prétoires », a continué Rémy Heitz à l’adresse de l’ancien avocat. « Vous voir là, en civil, parmi nous, alors que nous sommes en robe, ne fait plaisir à personne », a-t-il assuré, avant d’ajouter : « C’est un exercice difficile pour moi, et je n’en tire aucune satisfaction personnelle. »
A l’audience, dans la matinée, en marge de l’audition de deux derniers témoins, le président, Dominique Pauthe, avait de nouveau interrogé sur le sujet Eric Dupond-Moretti. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus », a lâché le ministre, ajoutant : « Je me suis longuement exprimé, je ne vais pas répéter. (…) j’ai toujours dit que je n’ai pas eu le sentiment d’être dans un conflit d’intérêts, que je n’avais aucune envie de régler des comptes avec qui que ce soit. »
Le garde des sceaux avait envisagé de ne pas comparaître en matinée devant la Cour de justice de la République (CJR) pour se rendre au conseil des ministres, mais il n’a finalement pas raté une journée d’audience.
Au cours de ce procès, Eric Dupond-Moretti est revenu à ses habitus d’avocat, ne laissant rien passer et faisant subir aux témoins à charge un fond sonore de grommellements et de soupirs exaspérés. « Pardon, je suis un peu bouillonnant », s’est-il excusé auprès de la cour. Même traitement pour l’accusation et ses « questions orientées » : « tout est à charge », a déclaré l’ex-avocat vedette aux trente-six années de barreau.
La défense du ministre aura la parole jeudi.
BACHAR AL-ASSAD DANS LE VISEUR DE LA JUSTICE FRANÇAISE
Premier mandat d'arrêt international contre le président syrien. La justice française le soupçonne d'être impliqué dans les attaques chimiques ayant fait plus d'un millier de morts il y a 9 ans
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/11/2023
Selon des informations obtenues auprès de l'Agence France-Presse (AFP), la justice française a émis un mandat d'arrêt international contre le président syrien Bachar al-Assad. Ce mandat a été annoncé le 15 novembre par des plaignants qui accusent le dirigeant syrien de complicité de crimes contre l'humanité pour les attaques chimiques perpétrées à l'été 2013 en Syrie.
Une source judiciaire a confirmé à l'AFP l'émission par la justice française de quatre mandats d'arrêt, dont un vise Bachar al-Assad. Sont également visés son frère Maher al-Assad, chef de la Quatrième division de l'armée syrienne, ainsi que deux généraux, Ghassan Abbas et Bassam al-Hassan. Tous sont accusés de complicité de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre pour les attaques au gaz sarin du 21 août 2013 dans la Ghouta orientale, qui auraient fait plus de 1 000 morts selon les renseignements américains.
Depuis avril 2021, des juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du Tribunal judiciaire de Paris enquêtent sur ces attaques imputées au régime syrien, dans le cadre de la compétence extraterritoriale de la justice française. L'enquête a été ouverte à la suite d'une plainte déposée par le Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression (SCM), Open Society Justice Initiative (OSJI) et Syrian Archive.
"Cette décision constitue un précédent judiciaire historique", a déclaré Mazen Darwish, directeur du SCM, cité dans un communiqué. Il souligne que la plainte s'appuyait sur "des témoignages de première main de victimes" et "des centaines de documents".
Le régime syrien fait l'objet de plusieurs procédures judiciaires en Europe, dont un premier procès qui se tiendra à Paris du 21 au 24 mai 2022 concernant la mort de deux Franco-Syriens. Après plus de dix ans de conflit en Syrie, le nombre des victimes est estimé à plus d'un demi-million de morts.
par Jacques Habib Sy
QUELQUES REPÈRES DANS LA PENSÉE POLITIQUE DE CHEIKH ANTA DIOP
EXCLUSIF SENEPLUS - La question coloniale en Afrique noire française est, quant au fond, une question paysanne. Le phénomène de l'aliénation culturelle est une donnée effroyable caractéristique des élites africaines de l'après-guerre (2/5)
Dans les colonies, ayant à peine formulé une ligne d'action toute tournée vers la satisfaction des "besoins matériels et moraux" de ses adhérents, le syndicalisme autochtone est pris au piège du réformisme qui gangrène la conscience de classe et la combativité des syndicats métropolitains. Les syndicats africains ne sont en général qu'une excroissance, plus précisément l'appendice des syndicats métropolitains dont ils épousent les mots d'ordre et les priorités stratégiques.
La Confédération Générale des Travailleurs (CGT) contrôlée par le PCF parraine la création d'unions territoriales syndicales qui lui sont affiliées. Presque immédiatement après, la Confédération Française des Travailleurs Croyants (CFTC) voit le jour. Force Ouvrière impose sur le terrain la création d'un syndicat (CGT-FO) qu’il contrôle étroitement. L'enjeu de ce formidable jeu de quilles sur l'échiquier syndical, c'est l'encadrement, autant dire la tentative de récupération et parfois de manipulation d'une centaine de milliers de militants en Afrique Occidentale Française. Sur ce total, et devant la faiblesse chronique de l'industrialisation légère mise sur pied dans les colonies, la classe ouvrière proprement dite ne représente qu'environ 25 000 personnes, cependant que les "fonctionnaires" ou employés de l'administration en constituent l'écrasante majorité. La perte de vitesse enregistrée par les partis politiques rend alors d'autant plus aiguë la nécessité de la radicalisation de la lutte et la question du rôle de l'avant-garde prolétarienne dans la lutte de libération nationale.
Dans les années 1950, les syndicats manifestent pour leur autonomie vis-à-vis des centrales syndicales métropolitaines. Sékou Touré se fait leur chantre avec succès non seulement en Guinée mais dans la plupart des territoires de l'Union. Convoquée en 1957, la Conférence syndicale de Cotonou consacre l'avènement de l'Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire (UGTAN).
Aux origines du panafricanisme
Sur le plan africain, la décennie des années cinquante est marquée par l'entrée en scène de nouvelles nations qui arrachent leur indépendance à l'hydre colonial. La Lybie est eh tête (1951), suivie par l'Égypte (1954), la Tunisie et le Soudan (1956), le Maroc (1956) et le Ghana dont l'année d'indépendance (1957) coïncide avec la tenue de la Conférence Afro-asiatique de Bandœng, un événement d'une portée considérable pour les peuples du Tiers monde.
Le non-alignement s'impose à l'échelle internationale comme une force imposante face à la montée des périls engendrée par la Guerre Froide et la bipolarisation de relations internationales désormais dominées par les Etats-Unis et l'Union Soviétique. La réalité du capitalisme et l'essor du camp socialiste deviennent les variables-clé à partir desquelles se définissent le développement économique et les alliances internationales contrôlées par deux géants du monde occidental. L'existence du Rideau de Fer consacre la fracture de l'Europe en deux entités satellisées à l'ombre des superpuissances.
Entre les années de l'après-guerre et la fin des années 1950, le schisme au sein du mouvement communiste international, particulièrement dans le mouvement ouvrier, s'aggrave. La Troisième puis la Quatrième Internationales sont profondément divisées au sujet des questions stratégiques relatives à la nature de l'impérialisme et des forces qui doivent en venir à bout. Staline et Trotski croisent déjà le fer avant la mort de Lénine. En Allemagne, Kautsky, déjà mis au banc des accusés du temps de Lénine, a eu le temps de jeter les germes de la discorde au sein du mouvement ouvrier. En Espagne, la guerre civile finit de consacrer la défaite du mouvement ouvrier espagnol qui joue perdant devant Franco et le fascisme décadent européen. En France, Marius Moutet, un socialiste, préside aux destinées du ministère de la France d'Outre-Mer et inscrit à l'ordre des priorités une forte reprise en main de la situation potentiellement explosive dans les colonies. Le conflit sino-soviétique met à nu les "contradictions au sein du peuple" et les relations entre partis communistes aux aspirations et aux stratégies fondamentalement différentes. Mao prêche l'encerclement des villes par les campagnes, une hérésie féconde qui sape les fondements du dogme stalinien basé sur l'affirmation intangible que le moteur de la révolution socialiste reste pour tous les pays la lutte des classes à l'initiative de l'avant-garde prolétarienne ouvrière unie à la petite-bourgeoisie des villes et des campagnes.
Au Sénégal, les chances de création d'un ensemble fédéral africain sont dilapidées dès octobre 1946 lorsque, se soumettant aux injonctions des socialistes et des forces réactionnaires de la métropole, Léopold Sédar Senghor et Lamine Guèye boycottent le Congrès de Bamako qui devait sceller l'unification des forces politiques en Afrique noire. Dans une "autocritique" rendue publique au Congrès constitutif de la Convention Africaine (janvier 1957), Senghor reconnait que son "tort a été d'obéir à des ordres qui (lui) étaient imposés de l'extérieur". La section sénégalaise du RDA s'active dans les rangs de l'Union Démocratique Sénégalaise (UDS) animée par Doudou Gueye, Abdoulaye Gueye et la délégation permanente du R.D.A. à Dakar que dirigent Gabriel d'Arboussier, Charles Guy Etcheverry, un Français propriétaire de l'hebdomadaire "Réveil" devenu par la suite l'organe officiel du RDA., et des communistes français comme Jean Suret-Canale qui s'opposera violemment par la suite aux thèses de Cheikh Anta.
Malgré son échec et en dépit des succès idéologiques incontestables parmi les jeunes surtout, l'UDS pose déjà dès 1948 les fondements d'une véritable doctrine politique s'inspirant des valeurs africaines. Dans un ouvrage intitulé "Forces politiques en Afrique Noire", Bakary Traoré souligne le rôle précurseur de l'UDS. qui affirme dans un Manifeste d'Union, "la justesse du principe selon lequel la lutte ne peut se mener efficacement contre le colonialisme qu'au sein d'une organisation spécifiquement africaine rigoureusement indépendante de tout parti métropolitain unissant toutes les couches de nos populations contre leur oppresseur commun".
Cette prise de position sans équivoque n'est pourtant pas vraiment originale. Elle émane après tout des structures du RDA qui s'est mobilisé durant ses années les plus combatives, et, à travers son aile la plus radicale, autour d'un programme similaire. Bakary Traoré identifie comme suit les prémices idéologiques à partir desquelles se développe le RDA :
"Du fait du retard économique considérable des territoires africains, le prolétariat de ces pays est extrêmement faible. Par conséquent, plus encore que dans les autres pays coloniaux, la question coloniale en Afrique noire française est, quant au fond, une question paysanne. De plus (...) toutes les classes, y compris la jeune bourgeoisie de nos pays, et les cadres traditionnels, supportent plus ou moins impatiemment le joug impérialiste qui pèse sur eux.
"D'où, en Afrique noire, les objectifs essentiels actuels sont communs à toutes les classes et couches de la société.
"De plus, il ne serait pas juste de vouloir imposer au Mouvement de libération anticolonialiste une organisation ferme et une discipline stricte.
"Ces considérations justifient pour la réalisation des objectifs actuels des masses africain :
"a. L'organisation de l'union de toutes les classes, et non d'un parti politique, expression de telle ou telle classe ;
"b. La création d'un mouvement de masse très large qui soit à la fois l'expression de la masse et la masse elle-même et non d'un parti politique d'avant-garde.
« La finalité de la lutte anticoloniale réside dans l'émancipation des divers pays africains du joug colonial par l'affirmation de leur personnalité politique, économique, sociale et culturelle, et l'adhésion librement consentie à une union de nations et de peuples, fondée sur l'égalité des droits et des devoirs".
Cette prise de position programmatique constitue en soi déjà une source potentielle de rupture avec le Parti Communiste Français auquel est apparenté le RDA pendant quelques années. Elle constitue un regard lucide posé sur l'avenir africain dans une arène internationale marquée par la domination bipolaire des Super-Grands et la montée des égoïsmes nationaux.
Instruit par les échecs de la plupart des partis communistes dans les pays anciennement sous tutelle coloniale, et face au dogmatisme marxisant, le RDA fonde son analyse sur les réalités profondes du terroir africain. L'importance de la paysannerie comme force principale du mouvement de libération nationale est affirmée sans compromission.
La jonction des masses et des cadres des villes constitue l'autre axe de la tactique de lutte du RDA Toutes les classes ont intérêt au changement dans la phase de lutte pour le Salut national. Dans ces conditions, il est parfaitement illusoire de vouloir rééditer en Afrique la création de partis politiques rigides, dirigés selon les principes organisationnels d'un autre âge et d'un contexte socio-culturel fondamentalement différent.
La problématique de la lutte des classes et son corollaire, la nécessité de la création de l'avant-garde prolétarienne révolutionnaire, est en fait au cœur du débat. Les marxistes africains de cette période érigent le problème ainsi posé en un axiome, une donnée intangible, une notion irréfragable. Le Parti Africain de l'indépendance, créé en 1957, et l'un des partisans du "Non" au référendum organisé par le Général de Gaulle, hérite de cette maladie infantile du communisme qu'est le dogmatisme sous forme de gauchisme.
Aujourd'hui encore, plus d'une génération après ces instants privilégiés de l'histoire anti-impérialiste africaine, le débat reste posé dans son principe mais selon de nouveaux termes instruits par le virage chinois dans la voie du capitalisme, la décrispation albanaise, la politique de "restructuration" et d’« ouverture » des nouveaux maîtres du Kremlin, l’essoufflement du modèle Nord-coréen enlisé dans un culte prononcé de la personnalité, etc.
Quoi qu'il en soit, le RDA reste marqué, sur la notion de lutte de classes ainsi d'ailleurs que sur celle d'indépendance des territoires d'Outre-Mer, par le parlementarisme petit-bourgeois de leaders comme Félix Houphouët Boigny. Après la rupture avec les communistes français, le discours du RDA est franchement hostile au principe de la lutte de classes en tant que moteur de la révolution. En outre, la question de l'indépendance nationale ou dans le cadre d'une fédération africaine totalement indépendante de la France reste une pomme de discorde dont l'impact ira s'élargissant au fil des ans.
Partisan de l'union avec la France et ouvertement hostile au principe de l'indépendance en dehors de l'ensemble fédéré aoefien et aefien, le RDA reste encore confus sur des problèmes aussi graves pour le destin des peuples africains. Mais le caractère progressiste du Rassemblement et son impact organisationnel dans les différents territoires de l’“Union” en fait une force politique majeure sinon la plus importante de son temps.
C'est vers lui que vont tourner leurs regards les jeunes étudiants africains en France. Ce faisant, le RDA va assister à la radicalisation de sections importantes de ses militants sur l'indépendance immédiate, l'analyse des contradictions de classe au sein de la société coloniale et le projet de fédérer sur des bases solides les territoires africains morcelés sous toutes les formes possibles depuis leur partage par les puissances coloniales réunies à Berlin.
Le phénomène de l'aliénation culturelle est une donnée effroyable caractéristique des élites africaines de l'après-guerre. En ce sens, on peut dire que la capitulation du mouvement de la négritude senghorienne devant les problèmes centraux de la libération nationale africaine favorise sinon annonce une recrudescence de l'aliénation culturelle parmi les "évolués".
Les manifestations de cette infirmité culturelle chez I' Africain sont l'absence de confiance en soi et dans la culture négro-africaine, le scepticisme sur la capacité de dompter les forces de la nature de manière autonome et avec le secours avisé de la science et de capacités organisationnelles supérieures, la croyance dans le fait que l'Afrique aurait toujours été absente du mouvement culturel mondial et n’aurait qu'une histoire du néant dominée par des siècles obscurs, l'acceptation du présupposé que sans l'Occident, l'Afrique ne pourrait rien entreprendre de tangible dans le domaine de l'industrialisation et de la recherche de pointe et finalement, le manque de foi dans l'unité culturelle africaine doublé d'un manque de perspectives historiques claires sur l'origine du peuplement africain et les bases historiques de l'intégration du passé africain à son présent.
Restaurer la conscience historique
C'est dans ces circonstances que Cheikh Anta Diop arrive à Paris après de solides études sanctionnées par le Baccalauréat, une sorte de rite de passage imposé par le système colonial en vue de créer au compte-goutte une élite francisée à souhait et loyale aux intérêts du maître colonial. Nous sommes en 1945. Le jeune étudiant est âgé de 23 ans. Il s'investit immédiatement dans un militantisme réfractaire à l'aliénation culturelle sous quelque forme qu'elle soit. Muni d'un Bac de la série scientifique et d'un Bac littéraire, il projette de se spécialiser dans les sciences exactes, une aspiration presque impensable parmi les étudiants de l'époque davantage portés sur les études en sciences humaines, l'enseignement des mathématiques et des sciences exactes étant jugé hors de portée de la "mentalité prélogique africaine" (cf. Lévy-Bruhl).
Plongé dans l'univers parisien fait d'asphalte et de béton, de monuments anciens et d'hymnes muséologiques à la gloire du triomphe occidental, Cheikh Anta Diop reste branché sur les réalités socio-culturelles dont il est issu. Il reste hanté par l'image de la Médina, un quartier populaire de Dakar, sorte de microcosme des contradictions nationales, un réceptacle de l'exode rural où s'activent dans une promiscuité presque générale ouvriers des huileries avoisinantes et mendiants occasionnels, lumpen prolétaires et Maures commerçants, marabouts et dignitaires lébous, etc. Avant son aventure parisienne c'est dans cette Médina qu'il habite avec sa famille, et c'est d'ici que sa mère lui adresse des lettres pleines de bons conseils et l'informant des tournures de la vie quotidienne.
Il a suffi de quelques mois à ce jeune talent pour éclore d'une personnalité politique fermement rattachée au substrat culturel nègre. Il se forge surtout une vision culturelle nouvelle dans le paysage politique africain de l'époque.
Combattre l’aliénation culturelle
A ses yeux, le politique se définit et ne s'épanouit qu'au travers du culturel. Le culturel ne rejoint le politique pour en constituer le vivier central qu'à travers la réhabilitation culturelle africaine, non pas une culture morte, une délectation sans discernement sur le passé, mais un regard viril, sans complexe sur la culture vivante, la langue notamment et tout le génie créateur dont elle est la matrice naturelle.
Il faut donc « s'armer de science jusqu'aux dents » pour accomplir la mission prométhéenne de décoloniser les mentalités asservies par le recours à l'autorité des faits. Ces faits se confondent pour l'heure en une gerbe de contradictions, où se diluent les meilleures volontés. Pourtant les matériaux de recherche sont là, omniprésents. Là n'est pas le problème. Pour que s'opère la rupture avec les catégories d'analyse et de comportement de l'idéologie dominante, il convient d'abord de se déterminer par rapport aux faits. Il faut les maîtriser en étant capable de débusquer les pièges subtils, les mensonges énormes, le jeu de dupes auquel se livre la puissante machine coloniale.
Cheikh Anta réalise alors que seule une descente vertigineuse dans l'immensité du champ historique mondial et le rôle véritable qu'y a joué l'Afrique peut débloquer la recherche historique africaine, et donc la lutte de libération nationale. Dans cette perspective, il ne saurait y avoir de dichotomie ou antinomie entre l'histoire et l'action politique. L'un et l'autre se fécondent réciproquement. Leur symbiose constitue le socle naturel, le ciment logique de toute prise de conscience culturelle. La culture nationale désaliénée, purifiée des scories artificiellement greffées sur elle par l'impérialisme, retrouve ainsi sa fonction de moteur des changements de cap historiques et de catalyseur de la conscience de lutte contre l'oppression, quelle qu'elle soit, d'où qu'elle vienne.
Cette nouvelle vision de la lutte anti-impérialiste se fonde sur la relation du culturel au politique dans le développement de la conscience historique africaine.
Comme le reconnaît Cheikh Anta Diop dès le début des années 1950, la conscience de lutte d'un peuple, conscience inséparable du substrat culturel qui en constitue le soubassement, est déterminée par trois facteurs. Ceux-ci sont d'ordre psychique, historique et linguistique. Il y a, dit-il, un mouvement permanent de va-et-vient entre ces facteurs que cimentent la conscience historique d'un peuple. Lorsque l'un de ces facteurs est ébranlé par une variable externe en l'occurrence le colonialisme et l'impérialisme, il s'ensuit nécessairement l'apparition de leur antithèse : l'aliénation culturelle. Ainsi tout en se plaçant au pôle opposé des trois facteurs constitutifs de la conscience anti-impérialiste, l'aliénation culturelle représente aussi un puissant révélateur de l'oppression et de l’exploitation.
L'aliénation est toujours d’essence culturelle compte tenu de la prégnance des éléments de civilisation, de l'impact des traditions socio-culturelles à l'échelle de la conscience historique du peuple. Mais l'aliénation peut se manifester sur les plans psychique (voir l'œuvre de Fanon à cet égard), historique (par la négation de l'histoire du peuple colonisé et la tentative de destruction de ses assises historiques) et linguistique (par le dépérissement des langues nationales comme supports naturels des rapports sociaux, politiques et culturels à l'échelle de la nation, au sens large).
L'aliénation mot dérivé du latin alienus, "qui appartient à un autre", est défini par le Petit Robert comme un "trouble mental, passager ou permanent, qui rend l'individu comme étranger à lui-même et à la société où il est incapable de se conduire normalement". L'autre sens donné de ce terme dans son acception philosophique « est l’état de l'individu qui, par suite des conditions extérieures (économiques, politiques, religieuses), cesse de s'appartenir, est traité comme une chose, devient esclave des choses et des conquêtes même de l'humanité qui se retournent contre lui ». Dans les deux cas, le phénomène d'aliénation implique la destruction ou l'altération significative de tout ou partie des composantes essentielles de la culture autochtone, de la conscience historique, de l'être psychique, des racines linguistiques chez l'individu.
Autant donc dire que la conscience politique, religieuse et idéologique du colonisé est ébranlée par "l'impérialisme (qui), tel le chasseur de la préhistoire, tue d'abord spirituellement et culturellement l'être, avant de chercher à l'éliminer physiquement" (voir les pages introductives de Civilisation ou Barbarie, ouvrage de synthèse décrit par Cheikh Anta lui-même comme "un matériau de plus du travail qui a permis d'élever l'idée d'une Égypte nègre au niveau d'un concept scientifique opératoire").
Étant donné que le meurtre spirituel et culturel annonce le génocide africain et qu'il précède la destruction de l'espace physique du nègre colonisé, il faut d'abord restaurer la conscience historique du peuple, lui restituer l'appareil conceptuel idéologique dont il a besoin pour ressusciter en une conscience collective capable de résister victorieusement à la destruction.
Par conséquent, la conscience de classe dans la phase anti-impérialiste de la lutte est accessible à toutes les composantes sociales. La ligne de démarcation au niveau de cette conscience de classe va s'opérer sur le terrain de la lutte contre l'impérialisme entre les consciences aliénées (économiquement et culturellement, car l'aliénation économique est inséparable de l'aliénation culturelle) et celles qui rétablissent un équilibre satisfaisant entre les différents facteurs constitutifs de la conscience historique du peuple tout entier. Toute l'œuvre politique, culturelle et scientifique de Cheikh Anta est tendue vers cet absolu, l'équilibre culturel, un absolu toujours relatif à l'échelle du continuum historique et de l'interaction des règnes humain, végétal et animal.
L'armée malienne a pris la ville de Kidal (nord) aux rebelles séparatistes touareg. Des données pour comprendre la signification de cette victoire pour la junte au pouvoir.
L'armée malienne a pris la ville de Kidal (nord) aux rebelles séparatistes touareg. Des données pour comprendre la signification de cette victoire pour la junte au pouvoir.
Kidal occupe une place spéciale dans la géographie et les consciences sahéliennes. Ancien poste militaire français du début du XXème siècle, cette mosaïque à angles droits de rues et de bâtiments plats posée sur la poussière du désert est une étape cruciale entre le Mali et l'Algérie, à plus de 1 500 km et de 24 heures de route de la capitale Bamako, à des centaines de km des autres grandes villes du nord, Gao et Tombouctou.
Kidal, où vivent quelques dizaines de milliers de personnes, et sa région sont le foyer historique des insurrections indépendantistes successives qu'a connues le Mali depuis son indépendance vis-à-vis de la France en 1960. Le chef de la junte actuelle, le colonel Assimi Goïta, a servi à Kidal dans le passé.
Kidal, quel enjeu ?
Kidal était depuis 2013 sous le contrôle de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), une alliance de groupes armés à dominante touarègue. Cette insoumission était un coin dans la souveraineté de l'Etat sur l'intégralité du territoire, encore plus pour les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020 à Bamako. Ils ont fait de cette souveraineté leur mantra.
La région de Kidal a été l'une des premières à tomber aux mains des rebelles, les uns indépendantistes, les autres salafistes, quand a éclaté en 2012 l'insurrection dont les prolongements ont plongé le Mali dans la tourmente qu'il connaît aujourd'hui encore. Elle est ensuite passée sous la seule coupe des salafistes, et été reprise par les séparatistes en 2013 dans le sillage de l'intervention française.
Avant mardi, l'armée et l'Etat maliens n'avaient quasiment pas repris pied à Kidal depuis mai 2014. Les forces maliennes en avaient alors été chassées quand une visite du Premier ministre de l'époque, Moussa Mara, avait donné lieu à des affrontements avec les rebelles touareg, qui avaient causé de lourdes pertes dans les rangs de l'armée.
Un gouverneur exerçait depuis une présence symbolique. En juin, les rebelles avaient empêché la tenue dans la région du référendum constitutionnel.
Kidal était aussi un abcès de fixation des tensions entre Bamako et Paris. Pour certains, tel le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, la France y a créé une enclave d'où le terrorisme s'est propagé au reste du pays en permettant aux seuls indépendantistes de la reprendre en 2013 et en empêchant l'armée malienne d'y entrer. Paris réfute ces affirmations.
Comment Kidal est-elle tombée ?
En mai 2014, quelques jours après la venue de Moussa Mara, les rebelles ont accepté un cessez-le-feu. En 2015, ils ont signé avec le gouvernement un accord de paix, renonçant à leurs projets indépendantistes contre plus d'inclusion dans la société malienne, y compris dans une armée dite reconstituée, et plus d'autonomie.
Pour beaucoup de Maliens, cet accord entérinait une partition du Mali, et reprendre Kidal c'était y remédier.
L'accord était déjà mal en point avant l'avènement des colonels. Les crispations n'ont cessé d'augmenter après. La rébellion a repris les hostilités en août. Le retrait de la mission de l'ONU sur ordre de la junte a déclenché entre les acteurs armés du nord (armée, séparatistes, djihadistes) une course au contrôle du territoire et des camps d'où partaient les Casques bleus.
Dans la reconfiguration sécuritaire en cours, Kidal s'annonçait comme la prise ultime.
Quand la MINUSMA a quitté son camp de Kidal le 31 octobre, les rebelles ont été prompts à en prendre possession, au grand dam de la junte. Mais l'armée avait déjà depuis des semaines une colonne prête à faire mouvement vers la ville.
DES FOOTBALLEURS PRIS AU PIÈGE DES ESCROQUERIES DE MARABOUTS
Alors que l'affaire Pogba a révélé les dérives du maraboutisme dans le football, de nouveaux témoignages éclairent l'ampleur du phénomène. D'anciens joueurs racontent comment ils ont été abusés financièrement et psychologiquement par des charlatans
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/11/2023
"C'est un engrenage où on peut être esclave et ça peut être très destructeur": tel est le terrible témoignage de Gilles Yapi Yapo, ex-footballeur professionnel ivoirien aujourd'hui entraîneur de foot en Suisse, rapporté par l'AFP. Il y raconte comment il a été victime d'une emprise mentale de la part d'un marabout parisien pendant deux ans, l'escroquant de 200 000 euros au total.
Selon ses dires, tout a commencé lorsqu'à 23 ans et alors qu'il évoluait au FC Nantes, il a traversé une période sportive difficile et a décidé de consulter ce marabout dans la capitale, recommandé par son oncle. "Le marabout consultait la nuit dans son appartement, je faisais souvent le trajet Nantes-Paris...", témoigne-t-il. Les premiers "sacrifices" réclamés par le charlatan étaient de 500 euros mais les sommes ont rapidement grimpé jusqu'à "des sommes colossales", toujours sans aucun résultat.
Piégé dans un "engrenage" où il avait "perdu toute lucidité", l'ex-footballeur affirme avoir déboursé au total 200 000 euros sur deux ans avant de parvenir, grâce à sa rencontre avec le Christ, à couper les ponts avec ce "marabout" qui s'est avéré être un simple escroc. D'autres témoignages comme celui de Cissé Baratté, ancien joueur ivoirien passé par la France, rapportent des phénomènes similaires d'emprise mentale et de dépendance financière.
Des révélations qui font suite à l'"affaire Pogba" et mettent en lumière l'ampleur prise par ce fléau au sein du football professionnel français. Comme l'alerte Joël Thibault, aumônier des sportifs de haut niveau, "des joueurs sont dépendants à ces marabouts qui en profitent" au point que certains n'acceptent plus d'être piqués par des médecins sans leur accord. Si certains marabouts dénoncent une "stigmatisation", ces témoignages prouvent les dangers réels qu'ils font peser sur les carrières et la santé psychologique des joueurs.
JUAN BRANCO AU SÉNÉGAL POUR LA DERNIÈRE CHANCE DE SONKO
Juan Branco devrait plaider vendredi devant la plus haute juridiction sénégalaise pour permettre à Ousmane Sonko, principal rival du pouvoir, de concourir à la présidentielle de février malgré sa détention, dans un climat tendu
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/11/2023
L'avocat français Me Juan Branco a annoncé ce mercredi sur le réseau social X avoir été convoqué par le président de la Cour suprême du Sénégal pour une audience capitale vendredi prochain. Cette audience déterminera si l'opposant Ousmane Sonko, actuellement emprisonné, pourra se présenter à l'élection présidentielle de février 2024.
Agé de 46 ans, M. Sonko est décrit par son avocat comme "le principal opposant du pouvoir en place et de la Françafrique". Il prône notamment « la fin du Franc CFA, des bases militaires françaises et des accords de coopération ». Selon Me Juan Branco, il s'agit de "l'homme politique le plus populaire et espéré du Sénégal".
Un pays marqué par les violences politiques
Cette audience intervient dans un contexte de tensions extrêmes au Sénégal. Me Juan Branco évoque des « massacres, meurtres, tortures et privations arbitraires de liberté » touchant des milliers de personnes ces derniers mois.
Le pays reste traumatisé par les violences sur les campus universitaires il y a six mois, qui ont entraîné leur fermeture prolongée. L'avocat met en garde contre une "jeunesse qui menace à tout instant de se réveiller".
La rue pourrait se mobiliser
Me Juan Branco prévient que des "mobilisations massives" sont en préparation dans tout le pays si M. Sonko se voyait interdire de se présenter à la présidentielle. Objectif : "assurer le soutien du peuple" à l'opposant et "exiger que la souveraineté du peuple sénégalais soit respectée".
La France accusée de soutenir le pouvoir
Dans son message, l'avocat français pointe du doigt le soutien de Paris aux autorités sénégalaises. Il dénonce un "pacte" entre la France et le président sortant, à qui l'immunité aurait été accordée.
Me Juan Branco affirme que « le gouvernement français, qui accompagne d'une main la répression politique au Sénégal, [...] voit avec anxiété la situation se développer » et « s'effilocher le dernier lien avarié qui, sur le continent, lui aura permis, des siècles durant, de piller, esclavagiser, exproprier".
PAR Demain Sénégal
RÉVOLTE CONTRE LES ATTAQUES À L'ÉTAT DE DROIT
EXCLUSIF SENEPLUS - 83% des Sénégalais sont insatisfaits de la gouvernance. Une administration électorale qui refuse sans conséquence d'appliquer une décision judiciaire. La justice et la démocratie doivent prévaloir
À travers une étude menée depuis près d'un an par l'association DEMAIN SENEGAL (« DS »), couvrant l'ensemble du territoire national ainsi que la diaspora sur la base d'un échantillon représentatif, les Sénégalais ont exprimé que « l'État de droit et la bonne gouvernance » constituent leur principale priorité aux côtés de la Santé et de l’Éducation.
Cette étude a révélé qu'une très large majorité (83%) des Sénégalais sont insatisfaits de la situation de l'État de droit et de la gouvernance, qu'ils considèrent comme le socle de notre paix sociale et de notre développement. Elle a également mis en évidence des préoccupations liées à l'accès à des soins de santé et à une éducation de qualité, ainsi qu'à des opportunités d'emploi valorisantes et à des conditions d’habitat décentes.
En cette période critique pour la démocratie au Sénégal, cet attachement aux principes de l'État de droit et de la bonne gouvernance prend tout son sens face aux récents événements que nous traversons.
En effet, à cent jours d'une élection présidentielle décisive pour l'avenir du Sénégal, voir une administration électorale qui refuse sans conséquence d'appliquer une décision de justice et constater la nomination surprise dans des conditions discutables de nouveaux membres de la Commission Électorale Nationale Autonome (« CENA »), sont autant de faits qui nous interpellent en tant que citoyens soucieux de la préservation des valeurs démocratiques.
À l'image de la forte majorité des Sénégalais, nous affirmons avec force notre attachement au respect des lois de notre pays, condition indispensable pour préserver la stabilité et la paix sociale à la veille d'élections dont la régularité, la transparence et la fiabilité nous tiennent particulièrement à cœur.
Cela signifie également que nous devons aborder les maux profonds qui rongent notre société et parmi lesquels figurent les préoccupations liées à la situation de l'Université fermée depuis cinq mois et dont la rentrée d’Octobre 2023 a été repoussée à janvier 2024, les drames de la migration par voie maritime ou les différences dans le traitement et la liberté de mouvement des candidats déclarés.
La justice et la démocratie doivent prévaloir, et il est de notre devoir de veiller à ce que chaque citoyen ait le droit de participer librement au processus électoral, conformément aux lois de notre pays. C’est dans ces conditions que la liberté des citoyens de choisir librement leur Président sera garantie.
Nous rappelons à l'administration électorale son devoir d'impartialité, de respect des décisions de justice et de loyauté envers les citoyens sénégalais.
Nous appelons l'ensemble des citoyens sénégalais à se mobiliser pour défendre les principes démocratiques et garantir l'intégrité du processus électoral au Sénégal.
Enfin, nous invitons les leaders politiques de tous bords et en particulier les futurs candidats à l'élection présidentielle de 2024, à s'engager devant les Sénégalais, autour de la charte citoyenne de la démocratie issue des Assises nationales de 2009.
La Présidente : Thiaba Camara Sy
Le Vice-président : Meïssa Tall
La Secrétaire générale : Fatoumata Cissé
Le Trésorier : Ahmet Fall
Ont signé :
Liste des 84 signataires de la déclaration de l’Association DEMAIN SENEGAL
Membres du Comité consultatif de DEMAIN SENEGAL, signataires
DEMAIN SENEGAL est une Association non partisane de la société civile. Elle est fondée en décembre 2021 à Dakar par une trentaine de sénégalaises et sénégalais basés au Sénégal et dans la Diaspora (France, Etats Unis, Suisse, Côte d’Ivoire, Emirats Arabes Unis, ...).
Notre mission :
A l’image des Assises Nationales, DEMAIN SENEGAL vise à contribuer à sortir le Sénégal de la pauvreté, à reconstruire les fondements du bien-être et à améliorer la qualité de vie des Sénégalais, en particulier des jeunes.
Nous sommes motivés par les défis rencontrés par la population sénégalaise au regard de plusieurs piliers de développement identifiés :
1. Etat de droit et bonne gouvernance
2. Santé
3. Education et formation
4. Emplois et entreprenariat
5. Habitat et cadre de vie
Notre démarche :
DEMAIN SENEGAL souhaite porter la voix des citoyens à l’attention des futurs candidats à la présidentielle de février 2024. DEMAIN SENEGAL souhaite se donner les moyens pour que les engagements pris par les candidats soient effectifs dans la pérennité.
Pour ce faire, DEMAIN SENEGAL a mené une étude sur toute l’étendue du pays pour recueillir la demande citoyenne sur les 5 piliers.
DEMAIN SENEGAL a organisé 5 débats citoyens avec des experts sénégalais sur chaque pilier. Les résultats de ces débats et recommandations seront consignés sur un livre blanc qui sera vulgarisé et qui servira de base aux discussions avec les candidats.
Modèle fragilisé ou ancrage durable ? La Harvard International Review analyse la résilience démocratique du Sénégal alors que manifestations, réformes électorales controversées et répressions se multiplient dans le pays
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 14/11/2023
Depuis plusieurs mois, le Sénégal, longtemps considéré comme un modèle démocratique en Afrique de l'Ouest, traverse une zone de turbulences. Entre tensions politiques, interpellations d'opposants et réformes électorales controversées, certains observateurs s'interrogent sur la capacité de ce pays à préserver ses acquis démocratiques.
Pourtant, selon la revue universitaire Harvard International Review, qui a étudié la situation dans son édition du 25 octobre dernier, tout n'est pas encore perdu. "Le Sénégal demeure une anomalie démocratique dans la région, où des militaires dirigent encore des pays comme le Burkina Faso, la Guinée ou le Mali", analyse le magazine.
Mais les Sénégalais sont conscients que leur modèle politique est fragilisé. Depuis plusieurs années, "la corruption et la répression de la dissidence ont délégitimé les institutions aux yeux de la jeunesse", précise l'article.
La mobilisation populaire contre le pouvoir de Macky Sall, incarnée notamment par les manifestations massives de l'opposant Ousmane Sonko, montre que les citoyens restent attachés aux valeurs démocratiques. Malgré les tensions, "le Sénégal n'a pas basculé dans la violence ou le chaos", souligne la Harvard International Review.
Pour cette revue, il serait réducteur de ne voir que les dérives actuelles et d'oublier les acquis du pays. Les Sénégalais ont encore la capacité de "choisir la démocratie plutôt que ses alternatives", à condition de "regarder au-delà des sirènes d'alarme pour voir les coups discrets portés à la démocratie".
En somme, le Sénégal se trouve à la croisée des chemins. Saura-t-il préserver son statut de phare démocratique ouest-africain ou sombrera-t-il dans l'autoritarisme comme certains de ses voisins ? L'issue de cette épreuve aura un écho dans toute la région, selon de nombreux observateurs de l'Afrique.