Le soft power est le nouveau hard power. Selon l’Unesco, le secteur créatif pourrait créer 20 millions d’emplois et générer 20 milliards de dollars de revenus par an en Afrique. Le continent a besoin de la création de 18 millions d’emplois par an pour combler le déficit d’emploi qui ne cesse de s’aggraver suite à l’explosion démographique. Les industries culturelles et créatives, devenant un marché économique en plein essor, pourraient y prendre une part précieuse. Le patrimoine culturel africain était déjà partout, influençant le blues, la salsa, le rap, le reggae et même le disco. Son influence était visible dans la peinture de Picasso, les pyramides d’Egypte et les sculptures de la Grèce antique. Ce qui est plus nouveau, c’est la reconnaissance croissante du public. Une nouvelle visibilité et des opportunités économiques émergent.
Aux sources de l’essor des industries culturelles et créatives
Deux phénomènes sont à l’origine de cette révolution. D’abord, la croissance démographique sur un continent qui, en engageant le doublement de sa population d’ici 2050, voit arriver une classe moyenne plus éduquée, consommatrice, et surtout une jeunesse innovante dont les moins de 15 ans constituent 40% de la population africaine. Nés avec l’internet, le mobile et les plateformes telles qu’Instagram, Twitter, TikTok, Youtube, Facebook, et Snapchat où ils peuvent euxmêmes créer et promouvoir leurs propres contenus, ces jeunes ne regardent pas le monde de la même manière que les générations précédentes.
Ensuite, la plus grande révolution digitale de ces vingt dernières années qui s’est produite en Afrique s’est traduite par une croissance exponentielle du marché de la téléphonie mobile. Selon l’Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile (Gsma), le taux d’adoption des smartphones devrait passer de 51 à 87% entre 2022 et 2030, avec un quadruplement du trafic des données mobiles en Afrique subsaharienne. Ces changements s’opèrent dans tous les secteurs, dans la banque à distance, les cryptomonnaies, les paiements et, bien sûr, l’arrivée de l’Intelligence artificielle accélèrent ces phénomènes. La culture de l’entrepreneuriat, déjà présente en Afrique, s’en trouve considérablement encouragée à travers le phénomène croissant des startups.
La conjonction de ce double phénomène démographique et technologique a fortement impacté le secteur culturel.
Nollywood plus fort qu’Hollywood
Prenons l’exemple du Nigeria, qui est devenu la plus grande économie africaine après l’inclusion de Nollywood dans la mesure de son Pib en 2016. Aujourd’hui, le marché du divertissement au Nigeria est devenu l’industrie culturelle la plus dynamique au monde. Chaque année, 150 millions de téléspectateurs regardent plus de 2500 films produits au Nigeria, dépassant de loin Hollywood si bien que, selon la Nigerian Entertainment Conference, le marché du divertissement et des médias du Nigeria devrait atteindre un chiffre d’affaires de 14, 82 milliards de dollars en 2025, contre 4 milliards de dollars de revenus enregistrés en 2013. Dans les cinq années qui viennent, l’organisation annonce une croissance annuelle de 16, 5% du secteur grâce à une connectivité en hausse et une hausse des abonnés.
Et il n’y a pas que Nollywood : le nombre de sociétés de production au Kenya, en Afrique du Sud, au Maroc, en Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi important. Au Sénégal, à quelques semaines de la Biennale de Dakar, le succès se renforce à chaque édition avec, selon les organisateurs, «ses 250 000 visiteurs dont plus de 50 000 proviennent de l’étranger, 11 000 professionnels, plus de 3000 créateurs, artistes de la matière, manufactures, galeries, maisons d’excellence, fondations et institutions», et que le New York Times qualifiait de «l’un des plus grands -et certainement le plus vibrant événements d’art contemporain sur le continent africain» dans un article de juin 2022.
Comme souvent, en particulier dans un continent où les enjeux de développement sont massifs, artistes et créateurs déploient une réflexion qui, faisant écho aux défis de l’époque, évoque le changement climatique, la résolution des conflits ou encore les questions de gouvernance.
Un nouveau récit africain
Avec la mode, le cinéma, les arts visuels, les sites culturels, les médias, le design, les jeux vidéo, la musique, les livres et même le sport, les industries créatives changent le récit africain. Au-delà des opportunités économiques croissantes, c’est sans doute leur plus grande force. Enfin, les Africains parlent d’eux-mêmes, décrivent leur réalité comme dans la série à succès Maîtresse d’un homme marié et leur vision de l’avenir avec le joyeux et futuriste Iwaju. La diaspora a aussi un rôle important dans ce nouveau narratif partagé avec le reste du monde, à l’image du succès mondial de Black Panther : Wakanda Forever, qui mettait en vedette des acteurs africains primés à Hollywood comme Lupita N’yongo ou Daniel Kaluuya. Dans ce film, les Dora Milaje rappelaient les Amazones du Benin, les boubous violet des membres de la famille royale la tenue des Touaregs et la coiffure de Ramonda celle des femmes Mangbetu du Congo.
Ce secteur sert également à amener le monde en Afrique. Fidèle à une vieille tradition qui a vu les films de Hitchcock jusqu’à la série Mission impossible y être tournés, le Maroc, par exemple, accueille de nombreux studios de cinéma hollywoodiens à Casablanca et Ouarzazate, et su faire de ses événements culturels comme le Marathon des Sables ou le Festival de Fez des musiques sacrées du monde, des rendez-vous internationaux.
Entraînées par ces succès, les plateformes occidentales ont considérablement enrichi leurs portefeuilles africains : la comédie musicale Black is King, produite par Disney, célébration de l’Afrique par Beyonce, produite par Disney, tandis que Netflix et Amazon développent à la fois des licences et du contenu original de sociétés de production locales africaines ayant l’ambition d’une distribution mondiale. Les services de streaming africains sont également en plein essor, comme Boomplay et ses 60 millions. Côté luxe, des maisons telles que Dior et Louis Vuitton, qui se sont toujours inspirées des créations africaines, organisent des défilés dans les capitales africaines désormais. Les marques de prêt-àporter comme H&M et Zara intègrent des inspirations africaines aussi. Les Fashion Week, de Johannesburg à Lagos, sont fréquentées par des célébrités internationales. Dans l’industrie musicale, le lauréat nigérian d’un Grammy Award, Burna Boy, a été le premier artiste africain à faire salle comble dans un stade américain après la sortie de son album en 2022, et le premier artiste nigérian tête d’affiche du Madison Square Garden. Il a été nommé parmi les 100 personnes les plus influentes de 2024 par le Time.
Des artistes africains laissés à eux-mêmes
Cependant, en dehors de quelques artistes africains cotés, les artistes africains ne vivent pas bien de leurs créations. Ils sont laissés à eux-mêmes. Pour des Irma Stern, Marlene Dumas, Mahmoud Said, William Kentridge, y compris des crypto-artistes reconnus comme la Franco-Sénégalaise Delphine Diallo ou le Nigérian Osinachi qui vend ses NFT à plus de 200 000 dollars chez Christie’s, combien d’artistes africains, peintres, sculpteurs, danseurs ne bénéficient d’aucune reconnaissance et vivent même dans la pauvreté ?
Un coup d’œil rapide sur le prix auquel se vendent les peintures des artistes dans les rues des capitales africaines pour réaliser à quel point leur travail ne fait l’objet d’aucune reconnaissance, et d’abord financière. Dans la musique, les artistes africains tirent beaucoup moins de valeur de leurs créations que leurs homologues occidentaux. Par exemple, sur Spotify, alors que le paiement moyen pour 1000 streams aux Etats-Unis se situe entre 5 et 10 dollars, il est inférieur à 0, 5 dollar dans les pays africains. Malgré quelques événements phares tels que le Fespaco de Ouagadougou et la Biennale de Dakar qui, elle-même, a dû être reportée cette année pour des problèmes de financement, les industries créatives africaines ne sont pas beaucoup soutenues par les gouvernements en Afrique : seulement 1, 1% du Pib africain leur est consacré et elles constituent moins d’1% de l’économie créative mondiale évaluée à 2, 2 milliards de dollars. La plupart des gouvernements africains n’ont pas ratifié la Charte pour la renaissance culturelle africaine adoptée en 2006, dans le but de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel africain. Les quelques bourses qui existent proviennent des instituts français, Goethe, ou du programme Acp-Union européenne. Les banques d’Etat chinoises sont de plus en plus impliquées, participant au financement de l’Opéra d’Alger et du Palais des Congrès de Yaoundé. Du côté africain, il n’y a guère que la Banque panafricaine d’import-export (Afreximbank) qui a pris la première initiative d’envergure avec une enveloppe de 500 millions de dollars destinée à soutenir les industries créatives et culturelles en décembre 2020. Malgré quelques déclarations d’intention regroupées dans l’aspiration numéro 5 de l’Agenda de l’Union africaine promettant «une Afrique dotée d’une forte identité culturelle, d’un patrimoine commun et de valeurs et d’éthique partagées» et quelques projets à concrétiser comme le Grand Musée de l’Afrique à Alger, l’organisation panafricaine n’a pas encore pu faire coïncider ses ambitions avec les engagements constatés de la part des Etats.
L’enjeu crucial de la propriété intellectuelle
Les besoins sont énormes : le manque d’infrastructures (espaces de production, salles de cinéma et de concerts), le faible nombre de maisons d’édition et la faible capacité de formation (administrateurs, managers, techniciens, experts numériques etc.). Néanmoins, la vulnérabilité des industries créatives africaines n’est pas que financière, elle est aussi légale et tient à la faiblesse de la réglementation en matière de droits de propriété intellectuelle. Cette question affecte considérablement la protection des créateurs, notamment les droits d’auteur, la négociation des contrats, la production, la distribution et l’accès aux marchés internationaux et, au final, la rentabilité financière des créations.
De nombreuses institutions financières et investisseurs n’étant pas familiers du secteur créatif, ils ne comprennent pas comment évaluer et tarifer les risques, ce qui rend l’accès au capital difficile et coûteux malgré les opportunités pour les investisseurs. En plus de cela, la piraterie, les pratiques de contrebande et le trafic illicite rendent le marché africain difficile à lire. D’une certaine manière, ces enjeux font écho à la question de la restitution des œuvres d’art africain spoliées. Il s’agit encore et toujours d’avoir la pleine souveraineté sur la création africaine.
Une réflexion stratégique sur les droits de propriété intellectuelle est la première mesure urgente à laquelle les Etats devraient s’atteler. La monétisation d’un secteur économiquement prometteur est la seconde. De l’économie du textile au tourisme, ce sont des chaînes de valeur qu’il convient de créer tout en démocratisant l’accès à cette industrie. Le terreau est fertile : en Côte d’Ivoire, les femmes possèdent 80% de l’économie du textile.
L’Afrique a toujours été une terre de création dont l’influence a essaimé partout, mais sans la reconnaissance qui aurait dû aller avec. Le bouleversement technologique actuel, en redistribuant les cartes, offre une occasion unique aux artistes de briller sans se cantonner aux limites de leurs frontières nationales. Cette révolution culturelle est en train de modifier considérablement le paysage créatif mondial. Il revient désormais aux Etats de prendre les mesures règlementaires qui s’imposent pour faire de cette industrie une véritable politique publique et même un puissant outil de politique étrangère.
Rama Yade est Directrice Afrique Atlantic Council.
TOUJOURS PAS D'ACCORD
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a quitté le Proche-Orient mardi 20 août sans réussir à obtenir un accord de trêve entre Israël et le Hamas. Malgré plusieurs jours de négociations intensives, sa neuvième visite dans la région depuis le début
Antony Blinken a entrepris une tournée diplomatique en Israël, en Égypte et au Qatar, trois acteurs clés dans la médiation du conflit. Ces rencontres se sont déroulées dans un climat tendu, marqué par des accusations mutuelles entre Israël et le Hamas, chacun rejetant sur l'autre la responsabilité du blocage, rapporte notre envoyé spécial à Jérusalem, Nicolas Falez.
L'objectif du chef de la diplomatie américaine était clair : obtenir une trêve à Gaza, la libération des otages israéliens et celle des prisonniers palestiniens, en échange. Bien qu'Israël ait donné son accord de principe au plan de cessez-le-feu proposé par le président américain Joe Biden, le Hamas a refusé de le valider, laissant la situation dans l'impasse. Le mouvement palestinien s'est dit « désireux de parvenir à un cessez-le-feu », mais a protesté contre les « nouvelles conditions » posées par Israël dans cette dernière proposition américaine.
Antony Blinken, visiblement frustré, a averti que « le temps était compté ».
Divergences persistantes avec Israël
Lors de sa visite à Jérusalem, Antony Blinken a laissé entendre que le gouvernement israélien était prêt à accepter la proposition américaine de trêve, bien que le Premier ministre Benyamin Netanyahu n'ait pas confirmé cet engagement. LIRE PLUS ICI
MALI : LES REFUGIES BURKINABE DANS DES CONDITIONS DESASTREUSES
Le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) déplore « les conditions » dans lesquelles vivent les burkinabés, classant le Mali à la quatrième position dans la liste des crises de déplacement les plus négligées dans le monde en 2023.
Le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) déplore « les conditions » dans lesquelles vivent les burkinabés, classant le Mali à la quatrième position dans la liste des crises de déplacement les plus négligées dans le monde en 2023.
Confronté aux violences terroristes au même titre que d’autres pays du Sahel, le Mali est devenu la terre d’accueil de plusieurs milliers de burkinabè qui ont fui les violences en cours dans leur pays. Dans un communiqué transmis mercredi à APA, le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) a alerté sur la situation « intenable » de ces personnes au centre du Mali, notamment dans le cercle de Koro, en raison de la période de soudure.
Le NRC a classé le Mali à la quatrième position dans la liste des crises de déplacement les plus négligées dans le monde en 2023 alors que plus de 180 000 réfugiés burkinabè vivent dans ce pays.
Depuis janvier 2024, « plus de 20 000 réfugiés burkinabés » ont été enregistrés à Koro alors que de nombreux autres de leurs compatriotes attendent encore d’être enregistrés, selon une évaluation conjointe menée par NRC et d’autres partenaires. Cet afflux important de réfugiés et de demandeurs d’asile en provenance du Burkina, principalement du nord du pays, a commencé depuis octobre 2023, précise le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations Unies.
C’est une « pression énorme » qui s’exerce alors sur les ressources limitées des communautés locales qui accueillent déjà un grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays. « La période de soudure est la plus difficile de l’année pour les familles et la situation est alarmante pour des milliers de réfugiés dans le centre du Mali. La communauté internationale doit agir maintenant pour éviter de nouvelles souffrances », a déclaré Maclean Natugasha, directrice du NRC au Mali, ajoutant que le déplacement et l’insécurité alimentaire pendant cette période critique sont le « double fardeau » qui handicape les réfugiés burkinabés.
À Koro, l’organisation note que les autorités locales ont fait preuve d’une « générosité remarquable » en offrant à ces derniers des terres arables, mais beaucoup d’entre eux n’ont pas pu cultiver faute de ressources. Ils dépendent donc de l’aide humanitaire, qui reste insuffisante compte tenu de l’ampleur de la crise. De nombreuses familles déplacées restent également sans abri ou vivent dans des conditions de surpeuplement avec des familles d’accueil elles-mêmes vulnérables, a souligné du NRC.
« Nous avons fui nos maisons dans le village de Nodin, dans le nord du Burkina Faso, sans rien, et maintenant nous luttons pour trouver même les produits de première nécessité ici au Mali. Nous espérons que ceux qui peuvent nous aider ne nous oublieront pas », a confié Hamidou, un réfugié burkinabé vivant à Koro, au NRC.
Mme Natugasha fait savoir ainsi que le manque de financement, combiné aux difficultés liées à l’enregistrement et à l’assistance des réfugiés dans les zones reculées et difficiles d’accès, continue d’entraver la réponse humanitaire. Elle appelle la communauté internationale à « redoubler d’efforts » pour fournir de la nourriture, des abris et des services essentiels aux réfugiés et aux communautés d’accueil qui ont fait preuve d’une telle générosité.
PARLEMENT DE LA CEDEAO EN MODE SEDUCTION
Alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé, le 06 juillet 2024, la création de la Confédération des États du Sahel (AES), la Cédéao continue de mener des actions pour qu’ils demeurent dans l’organisation régionale.
Alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé, le 06 juillet 2024, la création de la Confédération des États du Sahel (AES), la Cédéao continue de mener des actions pour qu’ils demeurent dans l’organisation régionale.
Une mission du Parlement de la Cédéao va bientôt séjourner au Burkina, au Mali et au Niger pour mener des négociations avec les autorités de l’AES, a indiqué l’Agence de presse du Nigéria (NAN).
Cette mission a pour objectif de dissuader l’AES de quitter la Cédéao avant le 28 janvier 2025. « Nous allons leur ouvrir les portes pour qu’ils reviennent dans la famille, nous avons besoin d’eux », a déclaré le vice-président du parlement de la Cédéao, Benjamin Kalu, par ailleurs président de la Chambre des représentants du Nigéria.
Au cours d’une réunion du comité conjoint du Parlement de la Cédéao tenue à Abidjan, en Côte d’Ivoire, Benjamin Kalu a déclaré que le départ du Burkina Faso, du Mali et du Niger de l’institution régionale risque d’augmenter les problèmes de sécurité dans la région.
Le dernier sommet des chefs d’État de la Cédéao avait déjà désigné le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son homologue togolais, Faure Gnassingbé pour dissuader ces pays de quitter l’organisation.
par Yamar Samb et Ousmane Mané Kane
LE 26 AOÛT 1958, VALDIODIO NDIAYE ET L’ACTE 1 DE L’INDÉPENDANCE DU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Son discours face à Gaulle, empreint de courage et de conviction, a marqué un tournant dans la lutte pour la souveraineté nationale. Il est temps de réhabiliter la mémoire de cet homme d’État qui a osé dire « non » au colon
Yamar Samb et Ousmane Mané Kane |
Publication 21/08/2024
L’œuvre de Valdiodio Ndiaye très décisive, pour l’indépendance du Sénégal mérite une place privilégiée dans les annales de l’histoire des luttes pour la décolonisation des peuples d’Afrique et l’accession des États concernés à la souveraineté internationale. Le 26 août marque l’anniversaire de son discours mémorable qu’il eût à prononcer devant le Général De Gaulle, pour défendre l’opposition du Sénégal au projet de Communauté française qui devait être approuvé par le référendum du 28 septembre 1958.
À la veille de l’indépendance, l’avant-projet constitutionnel du référendum a créé un désaccord entre les deux futurs chefs du premier exécutif de l’État du Sénégal indépendant, Mamadou Dia, qui deviendra le Premier ministre, chef du gouvernement et Léopold Sédar Senghor, président de la République[1]. Le premier souhaite la rupture avec l’ancienne puissance coloniale, alors que le second propose le maintien du Sénégal dans une communauté avec la France, autrement dit une « indépendance immédiate mais pas immédiatement ». Le désaccord entre les deux hommes s’accentuera au lendemain de l’indépendance du Sénégal, en outre, sur la manière de gouverner le pays par un exécutif bicéphale.
Dans ces rapports conflictuels entre Mamadou Dia et Léopold Sédar Senghor, Valdiodio Ndiaye a été un soutien de taille pour le premier. On peut même remarquer que dans son allocution historique devant le Général De Gaulle, il n’a pas mentionné Léopold Sédar Senghor absent de cette rencontre, alors qu’il s’est donné la peine d’évoquer les motifs d’absence de Mamadou Dia. Il n’est donc point étonnant que Valdiodio Ndiaye soit plus tard co-inculpé avec Mamadou Dia pour tentative de coup d’État contre le président de la République, Léopold Sédar Senghor. Ils seront arrêtés en même temps que trois autres ministres, puis traduits devant la Haute Cour de justice.
En effet, arrivé le moment d’accueillir le Général de Gaulle, les deux hommes qui devaient porter la voix du peuple sénégalais ont brillé par leur absence. Léopold Sédar Senghor est allé passer ses vacances en Normandie comme d’habitude, à une période de l’année où il ne veut pas les manquer. Parti en Suisse pour se soigner, Mamadou Dia y serait retenu pour une cure que ses médecins lui auraient déconseillé d’interrompre. Auraient-ils vraiment pratiqué la politique de la chaise vide ? La réponse à cette question divise les témoins de cette histoire.
Telles sont les péripéties qui ont amené Valdiodio Ndiaye à prononcer son mémorable discours du 26 août 1958 devant le Général de Gaulle, en qualité de ministre de l’intérieur devant assuré l’intérim en l’absence du président du Conseil du gouvernement, Mamadou Dia. L’histoire l’aura à jamais retenu comme étant celui qui a eu le courage d’affronter le Général de Gaulle, pour lui signifier en des termes clairs, la position du peuple sénégalais en faveur du "non" au référendum qui devait se tenir (I). Contrairement à ce que certains pensaient, ce "non" n’avait rien d’irréfléchi, de spontané ou de populiste ; il avait bien un sens dans la pensée de Valdiodio Ndiaye (II).
La défense du "non" au référendum du projet de « Communauté française »
Valdiodio Ndiaye est du nombre des grands artisans de l’indépendance de la République sénégalaise qui n’avaient pas manqué au rendez-vous de l’histoire en étendant leur influence lors de la campagne du "non" relatif au projet de référendum. Son opposition à ce projet (1) s’inscrit en droite ligne avec le mot d’ordre du congrès de Cotonou (2).
L’opposition claire de Valdiodio Ndiaye au projet de « Communauté française »
Depuis la Loi-cadre du 23 juin 1956 et le nouveau statut applicable en 1957, il y avait un régime de semi-autonomie dont l’existence n’avait ni assise souveraine, ni reconnaissance internationale. Son positionnement ne valait que par rapport à la métropole et au sein de l’Afrique occidentale française. Certains leaders africains considèreront cette Loi-cadre comme une supercherie. D’ailleurs, le président d’alors du Conseil du gouvernement sénégalais, Mamadou Dia, dénonçait cette supercherie dans un entretien paru dans l’hebdomadaire Afrique Nouvelle du 8 janvier 1957 en ces termes :
« nous sommes contre les décrets d’application de la Loi-cadre tels que le gouvernement les a préparés […] d’une part, ils n’apportent aucune satisfaction aux Africains qui aspirent à gérer leurs propres affaires, et d'autre part, ils arriveront à désorganiser les services communs et à rendre impossible leur fonctionnement. Il ne s'agit pas d'une décentralisation mais d'une désorganisation. Quant au Conseil de gouvernement, d'après les projets de décrets, il comprend non seulement des membres désignés mais le Gouverneur en est le président et cela nous apparaît inacceptable, alors que nous nous attendions à un véritable exécutif local. »
Valdiodio Ndiaye était au nombre de la frange de l’élite africaine qui voyait le projet de Communauté française comme une volonté inavouée de maintenir la tutelle métropolitaine sur les futurs indépendants États africains.
Les absents les plus présents que furent Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia lors de l’évènement historique pour des raisons encore discutées, n’ont pas empêché Valdiodio Ndiaye de tenir un discours que Mamadou Dia qualifiera plus tard de « raide ». Dans son mémoire, Mamadou Dia, reconnut que Valdiodio Ndiaye, « (…) en accueillant De Gaulle en des termes assez raides, a fait un discours conforme à (ses) positions, celles du "non" au référendum »[2].
Mbaye Jacques Diop quant à lui disait à propos de ce fameux discours « (…) le contenu de chaque mot et la tonalité de chaque phrase avaient été conçus avec habileté et pesés pour exprimer au mieux la persuasion. Ces propos furent prononcés avec un brio et un art oratoire qui traduisaient le talent et la conviction de notre porte-parole. Il était visiblement ému, très conscient de porter la légitime aspiration du peuple sénégalais, voire des peuples d’Afrique » [3].
Valdiodio Ndiaye adressa au Général de Gaulle un discours d’accueil dont certains passages sont entrés dans l’Histoire et demeure d’actualité :
"Nous disons indépendance d’abord et, en nous fixant ce préalable, nous ne faisons qu’interpréter l’aspiration profonde de tous les peuples d’Afrique noire à la reconnaissance de leur personnalité et de leur existence nationale. L’indépendance est un préalable, elle n’est pas une fin en soi. [...] Nous disons indépendance, et nous disons ensuite unité africaine" ».
Une telle déclaration démontre à quel point Valdiodio Ndiaye incarnait la figure de l’anticolonialisme, contrairement à Léopold Sédar Senghor qui manifestait encore un certain attachement à la puissance coloniale et qui aurait promis à de Gaulle un "oui" du Sénégal au référendum. On se souvient des propos louangeurs par lesquels le quotidien de l’extrême droite, l’action française, avait décrit Senghor comme « le type de ces élites indigènes dont la France a le droit d’être fière »[4].
Une position en phase avec le mot d’ordre du congrès de Cotonou
Le congrès de Cotonou tenu du 25 au 27 juillet 1958, auquel avait pris part des leaders sénégalais, aura pour intérêt de dévoiler à la face du monde que l’Afrique française avait la ferme volonté de s’affranchir de tous les complexes coloniaux. Ce faisceau d’énergies individuelles et de volonté collective s’était cristallisé le 26 août 1958 dans ce qui est resté dans l’Histoire comme la « Journée des Pancartes »[5], même si le héros du jour était un certain Valdiodio Ndiaye avec son fameux discours.
Les congressistes de Cotonou perçoivent le projet de "Communauté française" comme une démarche qui s’inscrit de nouveau dans le sillage des sagas de la mythologie de la décolonisation ; un projet qui n’était rien d’autre qu’un réaménagement de l’ordre colonial en y associant des africains relais de la métropole.
À y voir de près, on peut considérer le "non" défendu par Valdiodio Ndiaye, comme une opposition au "oui" porté par des « élites de compromis » défendant une indépendance sous tutelle métropolitaine. Valdiodio Ndiaye était au nombre de ceux qui avaient la conviction que ces élites de compromis, en s’installant à la tête des États africains dont l’indépendance devenait certaine, allaient être les nouvelles garantes de la domination de la puissance coloniale. Il fallait donc se prémunir contre les risques de connivence entre les leaders africains qui prendraient la direction du pouvoir et les autorités métropolitaines qui perpétueraient le projet colonial, après les indépendances, sous d’autres formes. Le héros du 26 août 1958 a su transmettre à de Gaulle, la position du gouvernement du Sénégal conforme aux résolutions du congrès de Cotonou.
L’on peut se souvenir de son discours lorsqu’il déclarait :
« Nous, gouvernement et Assemblée territoriale, sommes tous membres de l’Union progressiste sénégalaise, section sénégalaise du Parti du regroupement africain, donc fidèles aux décisions du congrès de Cotonou ».
Valdiodio Ndiaye, brillant avocat occupant les fonctions de ministre de l’Intérieur au sein du gouvernement territorial et secrétaire général adjoint de l’Union progressiste du Sénégal (UPS), avait déjà affiché clairement sa position sur le projet de « Communauté française » proposée par le gouvernement français. À la différence de Senghor qui était plutôt favorable à une indépendance « retardée » d’après les confessions de Mamadou Dia, Valdiodio Ndiaye avait publiquement marqué son opposition au projet de « Communauté française ».
Valdiodio Ndiaye et son compagnon Mamadou Dia avaient peaufiné leurs idées et stratégie en s’inscrivant dans la logique de leurs précurseurs anticolonialistes.
Le sens du "non" sénégalais dans la pensée de Valdiodio Ndiaye
Le "non" sénégalais avait un sens dans la pensée de Valdiodio Ndiaye. En effet, la fusion du mouvement panafricain anti-impérialiste avec celui de la lutte pour l’indépendance des colonies africaines en un bloc devait mener vers les États-Unis d’Afrique. La richesse de son discours réside dans le fait qu’il exprime avec l’éloquence qui sied les aspirations des peuples africains qui voulaient autant leur indépendance immédiate (1) que leur projet d’unité africaine (2).
L’expression des aspirations africaines à l’indépendance
Le brillant avocat que Valdiodio Ndiaye était, le prédestinait à plaider les causes légitimes exprimées par ses compatriotes et frères africains pour qui, la liberté de s’associer est une chose et le droit de se séparer d’un compagnonnage en est tout aussi une autre. On rapporte que lors de la visite du Général De Gaulle, il n’a pas manqué de transmettre courageusement et fidèlement les aspirations africaines indépendantistes exprimées au sortir du Congrès de Cotonou tenu du 25 au 27 juillet 1958 à travers les trois mots d’ordre ci-après :
1- Indépendance immédiate,
2- Nation fédérale africaine, c'est-à-dire Unité africaine sous forme d’une nation fédérale,
3- Confédération de peuples libres et égaux.
Les peuples africains aspiraient à plus d’autonomie vis-à-vis des puissances étrangères et le combat pour y parvenir demandait, pour le cas du Sénégal, le concours de ses élites et de celui de sa jeunesse. La mise en œuvre des résolutions du congrès de Cotonou demandait de l’organisation et de l’engagement et Valdiodio Ndiaye en avait pris la pleine mesure lorsque qu’il appelait les Sénégalais à une manifestation dans l’ordre et la dignité.
De Gaulle et les officiels à ses côtés affichaient de larges sourires face à l’accueil chaleureux auquel ils ont eu droit à Dakar. Certes, étaient au rendez-vous les drapeaux tricolores, les enfants des écoles, et les costumes traditionnels habillant des « figurants » bienveillants. Mais la rumeur contestataire était tout aussi perceptible, mêlée aux vivats et les couvrant parfois. Ce fond de protestation sonore était ponctué par des slogans indépendantistes très audibles. Le tapage ne s’apaisa pas dans la foule amassée entre l’aéroport et la ville, tout au long du trajet prévu. Par prudence, les autorités préférèrent changer au dernier moment de trajet. Plutôt que de passer par la Médina, les voitures officielles (le général se tenait comme à l’accoutumée dans une limousine décapotée) empruntèrent la corniche.
Tout a été savamment orchestré pour accompagner le discours de Valdiodio Ndiaye avec les actes qui siéent. Mbaye Jacques Diop jugeait l’approche sénégalaise astucieuse dans la mesure où, disait-il : « Elle se fondait sur une complémentarité : aux hommes politiques, notamment ceux déjà en place dans le gouvernement interne, la mission de porter le verbe jusqu’aux plus hautes tribunes. Aux jeunes, une action de terrain qui devrait être la plus visible possible. Les seconds devaient en quelque sorte être le bras armé, dans les rangs du peuple, de notre revendication nationale. Ils soutenaient les premiers »[6]. La stratégie avait bien fonctionné d’autant plus que la présence des jeunes porteurs de pancartes sur lesquelles étaient mentionnées des réclamations pour l’indépendance immédiate n’avait pas laissé le Général de Gaulle sans état d’âme. »
En réponse aux cris de ces jeunes, de Gaulle visiblement énervé lance les paroles ci-dessous demeurées célèbres :
« Je veux dire un mot d’abord, aux porteurs de pancartes. Je veux leur dire ceci : "Ils veulent l’indépendance. Qu’ils la prennent le 28 septembre". Oui, l’indépendance, que les porteurs de pancartes la prennent le 28 septembre prochain. »
La défense du projet d’unité africaine
À Cotonou, les congressistes démontrèrent à quel point la proposition française s’inscrivait en faux avec l’air du temps, et la liberté de se confédérer entre États africains fut leur mot d’ordre. Pas que l’indépendance immédiate des territoires africains sous domination coloniale, le congrès de Cotonou avait préconisé la création des États-Unis d’Afrique conformément à la conférence panafricaine de Manchester du 13 au 21 octobre 1945 dont la résolution affirmait que « les divisions et frontières territoriales artificielles créées par les Puissances impérialistes son des mesures délibérées visant à empêcher l’unité politique des nations ouest-africaines »[7].
À Dakar, l’option pour l’unité africaine sera réitérée par le Mouvement de Libération Nationale (MLN) dans un manifeste signé et publié à la veille de l’accueil du Général de Gaulle. Les signataires du manifeste soutinrent la proposition des « États-Unis d’Afrique Noire comme idéal collectif moteur pour l’ensemble des Africains »[8] et appelèrent à répondre « NON au référendum du général de Gaulle, en hommes libres et fiers »[9].
Pour la France devenue moins hostile à l’indépendance, la nouvelle stratégie devait consister à éviter que les territoires déjà morcelés ne se reconstituent en de vastes structures fédérales dont elle perdrait le contrôle. D’ailleurs, c’est pour cette raison que le Général de Gaulle a soumis aux colonies françaises la proposition d’une autonomie à l’intérieur d’une communauté française.
Valdiodio Ndiaye est un panafricaniste convaincu de la nécessité d’un État fédéral africain. Mais il savait sans doute qu’en prononçant son discours devant le président de la toute puissante France, il prenait un risque à la fois pour sa carrière politique personnelle et pour l’avenir du Sénégal. Il se trouve ainsi pris dans un étau, pas seulement constitué du peuple sénégalais, mais surtout, entre les tenants des résolutions du congrès de Cotonou et la France coloniale hostile au panafricanisme indépendantiste. Toutefois, il a choisi de porter la voix de plusieurs générations de panafricanistes ayant toutes soutenu la création des États-Unis d’Afrique à l’occasion de diverses rencontres tenues en Europe et en Afrique.
Étant du nombre de la frange de l’élite africaine qui partageait l’idée selon laquelle l’indépendance immédiate devait être suivie d’actes tendant vers la réalisation de l’unité africaine pour le salut africain, Valdiodio Ndiaye défendait, non sans conviction, cet idéal d’unité africaine puisque c’en était un. Il semblait comprendre que la concrétisation d’une nation africaine fédérale demandait du temps et que les peuples devaient d’abord aspirer à une indépendance immédiate avant de se lancer dans le projet qui était à tout le moins noble et ambitieux. C’est ce qu’on pourrait comprendre dans les propos de son discours lorsqu’il dit :
« L’indépendance est un préalable, elle n’est pas une fin en soi. [...] Nous disons indépendance, et nous disons ensuite unité africaine (…) Nous disons Indépendance d’abord, mais en nous fixant ce préalable, nous ne faisons qu’interpréter l’aspiration profonde de tous les peuples d’Afrique Noire à la reconnaissance de leur existence nationale. »
La figure de ce grand homme mérite d’être réhabilitée à l’aune d’une histoire que les Sénégalais doivent se réapproprier.
Yamar Samb est Professeur agrégé des Facultés de Droit
Université Gaston Berger de Saint Louis.
Ousmane Mané Kane est Enseignant-Chercheur / Assistant en Droit public
[3] DIOP (Mbaye-Jacques), Une vie de combat, Dakar, L’Harmattan, 2013, p. 68.
[4] QUEVENEY (Claude), « Les élites indigènes et la culture », L’Action française, 04 octobre, 1937, p. 6.
[5] L’un des faits marquant de la journée du 26 août 1958 au Sénégal a été aussi la présence de porteurs de pancartes où étaient mentionnées les réclamations d’indépendance immédiate. Les porteurs de pancartes étaient à la traque du Général de Gaulle dont le convoi avait changé d’itinéraire pour éviter de les rencontrer. Depuis ce jour, la date du 26 août est considérée au Sénégal comme la « Journée des pancartes ».
LE GOUVERNEMENT OUVRE LA CHASSE AUX ACCORDS LÉONINS
Une commission d'experts vient d'être mise en place pour passer au crible les contrats stratégiques du pays. Son objectif ? Redonner au Sénégal la maîtrise de ses ressources stratégiques, selon le Premier minsitre
Dans une démarche audacieuse, le gouvernement vient de dégainer son arme contre les contrats léonins : une commission d'élite composée des meilleurs experts du pays.
Sous la houlette d'Ibrahima Diop, cette dream team de hauts fonctionnaires s'apprête à passer au crible chaque virgule des conventions existantes. Leur mission ? Traquer les déséquilibres, débusquer les failles juridiques et redonner au Sénégal la place qui lui revient dans ses partenariats économiques.
"Nous ne sommes pas là pour faire table rase", prévient le Premier ministre Ousmane Sonko, "mais pour rééquilibrer intelligemment". Une approche qui promet de secouer le cocotier des habitudes bien ancrées dans les secteurs pétroliers, miniers et autres domaines stratégiques.
Alors que certains craignaient une nationalisation à tout-va, c'est une véritable opération commando qui se dessine. Avec pour mot d'ordre : rigueur, méthode et efficacité. Le message est clair : le Sénégal ne bradera plus ses richesses.
Cette initiative, fruit d'une promesse électorale longtemps attendue, marque un tournant dans la gouvernance économique du Sénégal.
par Amina Grâce
UNE RÉPUBLIQUE POUR LES SUBSTANTIFIQUES MÂLES
EXCLUSIF SENEPLUS - Le patriarcat est d'une perversité inouïe. Il ensevelit dans les tréfonds de l'histoire les efforts politiques des femmes, puis leur demande de prouver leur mérite, leurs efforts. Le Sénégal c'est : Des mâles-Un but-Une foi
Quelle surprise : "après l'élection de Diomaye-Sonko", plus rien n’est comme avant. Or tout est pareil, en pire. L'éclat de leurs discours et projets pré-électoraux auraient dû forcer les reconsidérations politiques les plus profondes, les débats exceptionnels et les mesures politiques drastiques, bref renverser le système une fois au pouvoir. Le système non pas en tant que mécanisme lointain dont des individus ténébreux et invisibles tirent les ficelles, mais comme des éléments de pouvoir de changer les choses, entre les mains d'un président élu par un peuple surtout composé de femmes assoiffées de justice et d'équité sociales, rêvant de voir une ère poser au moins les premières pierres de l'égalité sociale, économique et politique (les deux premiers s'intègrent dans le dernier) entre les hommes et les femmes.
Au lieu de ça, le système, il se maintient à l'identique et va très bien, merci. La suprématie mâle, le sexisme d'Etat vivent des jours ensoleillés sous le duo Diomaye-Sonko, malgré les caprices du climat politique qui concède aux femmes des morceaux de droits de temps en temps en leur disant :"Tenez, on vous a criminalisé le viol !". Comme pour leur demander de fermer leur gueule une bonne fois pour toutes. L'aumône offerte aux femmes par cette criminalisation devra couvrir et étouffer tous les forfaits moraux et physiques que les hommes commettront sur les femmes pendant au moins un siècle à venir et effaceront les précédents. La vengeance du féminin est actée par la loi 2020-05, qui n’a toujours pas transcendé les supports juridiques.
J'ai commencé cet article au mois d'avril, mais j'ai attendu comme toutes les filles et femmes sénégalaises qui s'intéressent à la politique, comme les femmes de la sous-région qui savouraient avec nous cette nouvelle promesse d'une nouvelle ère. J'ai attendu l'espoir au ventre que les nominations suivantes ne soient pas comme les premières : un club de phallus. J'ai attendu la révolution politique que Diomaye-Sonko faisait miroiter aux femmes dans leurs programmes et discours.
Hélas, elle ne viendra pas, du moins pas sous les coutures promises et souhaitées par les femmes. Diomaye-Sonko leur inflige une première gifle le 5 avril 2024 en nommant 25 ministres dont 4 femmes ; et 5 secrétaires d’État dont aucune femme. Le pire n'est pas tant cela, mais la suppression du ministère de la Femme et de l'égalité des genres. Ces phallocrates ont supprimé ce qui aurait pu servir à tenir leurs promesses électorales quant à un pan de l'équité sociale. Des féministes outragées et quelques femmes, quoique ces dernières un peu frileuses de devoir s'adresser à son éminence le nouveau jeune président, ont adressé un communiqué ou une tribune en y allant avec le dos de la cuillère pour d'abord ne pas froisser l'ego inviolable du duo, ensuite pour s'indigner, tendrement surtout, et quémander de maigres parcelles de visibilité. Je ne suis pas en train de jouer sur des tournures grammaticales pour vous émoustiller par la lecture. Non, j'étais dans un groupe de plusieurs centaines de personnes où se décidaient comment envelopper les phrases du communiqué dans un voile doucereux et un ton édulcoré pour ne pas offenser le duo et les hommes de ce pays. Des expressions aussi simples qu'une quête de visibilité claire et nette se sont vues rejetées par un groupe de femmes fébriles qui désiraient courber l'échine pour obtenir grâce. J'ai failli gerber plusieurs fois puis j'ai balancé un message et me suis retirée du groupe. J'ai appris à foutre le camp quand c'est nécessaire.
Des prises de position du même ordre de tendresse ont été observées sur les réseaux sociaux par des femmes et 2-3 hommes souffrants de crises de conscience. Tout de suite après, ces derniers pouvaient par conséquent se désintéresser après nous avoir offert une pensée, une émotion. La conscience claire des causalités de cette exclusion n'est pas suffisante pour combattre les tentacules du patriarcat. Ne parlons même pas de ces hommes qui abattent leurs écoutilles, mettent toutes leurs forces à ce que cette conscience ne leur parviennent pas ; persisteront à tenir ces décisions du duo pour un élément exogène, un coup du hasard ; s'esclaffent à l'idée que le sexisme et la misogynie auraient quoique ce soit à voir là-dedans. Mais alors, il faut bien que ces grands mâles justifient la domination et l'exclusion des femmes des cercles de pouvoir. La tautologie "un homme est un homme est un homme" ne saurait survivre en prétexte dans ce cas-là. Alors, ils nous ont distribué un mot sous nos posts et positions outragés, l'hostie, le corps du christ à avaler, l'assurance symbolique multirisques du pouvoir masculin, le mot censé dissoudre toute critique : la compétence. Il ne faut surtout pas laisser les femmes, présumées incompétentes depuis toujours, mais surtout depuis les faibles écarts à l'Assemblée nationale conquise par la loi sur la parité, souiller ce nouveau gouvernement par leur "incompatibilité crasse". Les hommes ont beau s'enchâsser dans la médiocratie générale et généralisée des indépendances à aujourd'hui, deux femmes qui faisant un Snap à l'Aassemblée actent pour eux l'incompétence et la non-compatibilité avec le pouvoir de toutes les femmes sénégalaises. Et puis enfin, ce nouveau duo ne va pas faire capoter le Projet en s'adonnant à la discrimination positive.
Mais la discrimination positive est celle qui permet aux hommes d'obtenir des postes. Elle est même très poussée. Jusqu'à la fin des années 1990, l'Etat sénégalais majoritairement masculin, tergiversait avec les organismes à l’origine du financement de l'éducation des filles. Les fonds internationaux passaient ailleurs, dans l'entretien de leur troisième proéminence inférieure et de sa sacralité.
Tous les jours, depuis des siècles, des hommes sont nommés à des postes parce qu'ils sont des hommes, ils accèdent aux études supérieures et autres strates de la société parce qu'ils sont des hommes. Faites semblant de l'ignorer, messieurs, mais bien souvent, si vous êtes en place, c'est parce que vous posséder un phallus. Elle est là, la discrimination positive. S'autoriser à l'exercer, à en bénéficier et à la nier, c'est toute la perversité du système sexiste. La preuve de ce que j'avance est d'autant plus manifeste que, le duo dans l'allégresse et l'ébriété du discours, avait promis placer les hommes et les femmes qu'il faut à la place qu'il faut en lançant des appels à candidature pour des postes importants. L'on se demanderait alors d'où leur vient l'audace de nommer un directeur de la société des mines qui bégaie en appelant Diomaye, père de la nation, s'énerve lorsqu'on lui demande de dresser à la télé le bilan des 100 jours de Diomaye. On se demanderait également d'où viennent ces nominations d'hommes dont les postes n'ont rien à voir avec leurs qualifications. Oon se demanderait que viennent faire ces hommes au casier judiciaire douteux dans les instances importantes du pouvoir même les moins essentielles.
Il n’est plus à prouver que de savoir-faire technique et intellectuel, il n’en a jamais été question. Ils commencent petit à petit à l’admettre publiquement pour les plus hardis et discrètement pour les plus couards, à commencer par les deux têtes présidentielles. Oui, maintenant que la fête est terminée, adieu les saints. Il faut à présent affubler d’un autre mensonge ces nominations hasardeuses - quoiqu’elles suivent toutes une logique propre - à ceux qui posent des questions. Il faut leur mettre quelque chose entre les dents, à ceux qui revendiquent. Alors “accidentellement”, ce qui se disait dans le secret des confidences intimes, exprimées ou tues, mais qu’ils savent lire dans tous les cas dans à travers l’esprit de leurs complices ;, ce qui fait leur stupidité commune, sort de la bouche de l’un de leur bête de portage, un ancien exilé politique sous Macky Sall. Le même qui bafouillait sur TV5 en s'énervant hystériquement pour une simple question, a lâché la semaine dernière lors d'un évènement du parti au pouvoir Pastef, sur une chaine de télévision sénégalaise : " Ce sont uniquement les gens du parti qui ont cru au Projet, alors ce sont eux que nous mettrons aux postes de moindre ou de grande envergure. Donc les appels à candidature se feront uniquement pour les postes de chef de quartier ou de météo. Il faut qu'on assume que c'est Pastef qui sera au coeur de l'Etat dans toute la chaîne..." Il n'a rien dit que le pouvoir en place ne soit en train d'appliquer au forceps. Ils sélectionnent sur des critères conformément à ceux qui qui auraient plus "souffert/milité" pour les mettre au pouvoir. La rupture donc dans la perpétuation du népotisme et du favoritisme. Tout copinage politique mérite salaire ; le dépeçage, loin d’être sur-mesure, des postes. Mais le patriarcat est d'une perversité inouïe. Il ensevelit dans les tréfonds de l'histoire hégémonique les efforts politiques des femmes puis leur demande de prouver leur mérite, leurs efforts. Depuis les années d'indépendance, les hommes politiques dès qu'ils sont élus, foutent aux calendes grecques leurs promesses faites aux femmes qui ont milité/souffert avec eux et celles qui ont voté pour eux. L'une des premières victimes meurtrières de la guerre entre Macky et Sonko est Mariama Sagna, violée et assassinée après un meeting de ce dernier. Je la cite pour la mémoire, mais je ne jouerai pas le jeu de ces charognes convaincus de leur propre sottise que les femmes ne méritent que d'exister dans la sphère privée. Parce que dans un Etat qui se veut démocratique et aspirant à l'égalité sociale dans tous les sens de l'expression, il n'est pas nécessaire de citer toutes les anonymes ayant souffert et voté pour un projet politique, pour prouver leur droit d’existence dans les positions de décision.
Ces hommes ministres, secrétaires d'Etat, secrétaires généraux, présidents d'administration entre autres, n'ont jamais eu besoin de se tremper dans la boue pour obtenir leurs postes. Si ces centaines d'hommes sont là où ils sont, actuellement, c'est parce que quelque part au Sénégal, des milliers de femmes, se sont vues refusées l'accès à l'école, aux études supérieures, aux places centrales dans les entreprises, aux positions d'envergure dans les mouvements politiques. C'est parce que quelque part, des pères et des mères ont éduqué leurs fils dans la pensée qu'avoir un phallus fait de facto mériter la part du loin dans cette société et qu'ils sont censés dominer les femmes et les enfants. Si ces hommes sont à ces postes actuels, c'est parce que le tamis social les as épargnés par des tris successifs de femmes qui sont/auraient pu être des rivales intellectuelles de taille.
D’ailleurs, la couardise masculine brille de mille feux sur ce coup-là ; elle fait les règles du jeu pour les mâles et s'étonne, puis les congratule d'être les seuls à gagner. Malgré tous les obstacles sociaux et politiques que les femmes vivent ou peuvent vivre, il y en a des milliers qui écrabouillent intellectuellement ces bons messieurs. Menteurs, Tricheurs, Incompétents...
Il pleut des nominations depuis qu'ils sont là et le bilan est fort décevant, mais pas surprenant pour certaines féministes : 65 femmes pour 356 hommes. Ce sont les chiffres et le visage du sexisme d'Etat. C'est ce qui est visible mais au fin fond des ministères et administrations, ces hommes s'entourent également d'hommes et laissent aux femmes les "postes alimentaires" et précaires, donc invisibles. La misogynie du premier prédateur, je veux dire du Ppremier ministre n'est plus à prouver. L'espoir porté sur le chef de l'Etat, qui au passage est d'une tendresse poétique envers ce dernier, c'est ce qui inspirait aux femmes de retenir leur souffle pour voir les nominations suivantes. Nous sommes de plus en plus au clair, et même à un degré qui frise le point de certitude. Le Sénégal c'est : Des mâles-Un but-Une foi.
L’AVENIR DES ECOLES CATHOLIQUES EN QUESTION AU MALI
Le gouvernement malien a récemment décidé de suspendre les subventions accordées aux écoles catholiques à partir de janvier 2025, Les subventions aux écoles catholiques représentent 80% des salaires des enseignants
Le gouvernement malien a récemment décidé de suspendre les subventions accordées aux écoles catholiques à partir de janvier 2025, Les subventions aux écoles catholiques représentent 80% des salaires des enseignants.
La mesure de leur suspension, annoncée par le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga, intervient dans un contexte de crise financière et sécuritaire aiguë. Elle est justifiée par la nécessité de garantir l’équité dans l’utilisation des ressources publiques tout en respectant la laïcité, comme le stipule la nouvelle Constitution.
« Ce qu’il faut retenir, c’est que l’avenir des enfants doit primer sur tout », a déclaré Dr Maïga lors d’un Conseil de Cabinet restreint le 19 août 2024, soulignant que la décision est motivée par la nécessité de rationaliser les ressources, particulièrement en cette période où le Mali est en guerre et fait face à une réduction significative des financements internationaux.
Le Premier ministre a également mentionné la prolifération des établissements scolaires de tous genres, y compris ceux créés sur la base de documents falsifiés, ce qui complique la gestion des ressources. Les écoles catholiques, qui comptent 138 établissements et plus de 40 000 élèves, ont réagi en menaçant de suspendre leurs activités pédagogiques dès la rentrée de septembre 2024. Cela pourrait mettre des milliers d’élèves en difficulté et entraîner le chômage pour de nombreux enseignants.
Sans compter le risque de déstabiliser davantage un système éducatif déjà fragile. En fait, les incidences peuvent être multiples : déscolarisation d’élèves, chômage pour les enseignants et une pression supplémentaire sur les autres institutions éducatives du pays.
En réponse à cette situation, le gouvernement a promis de formuler des recommandations pour minimiser l’impact de cette décision, tout en respectant les principes constitutionnels et en veillant à l’avenir des enfants maliens.
PEDRO SANCHEZ EN VISITE AU SENEGAL, EN MAURITANIE ET EN GAMBIE, A PARTIR DU 27 AOÛT
Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, va effectuer du 27 au 29 août une visite officielle au Sénégal, en Mauritanie et en Gambie, dans l’objectif de renforcer la coopération avec ces trois pays sur les questions d’immigration irrégulière
Dakar, 19 août (APS) – Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, va effectuer du 27 au 29 août une visite officielle au Sénégal, en Mauritanie et en Gambie, dans l’objectif de renforcer la coopération avec ces trois pays sur les questions d’immigration irrégulière, a appris l’APS de source officielle, lundi.
A Nouakchott, Dakar et Banjul, M. Sánchez rencontrera respectivement les chefs d’Etat de ces trois pays en vue d’un renforcement de la collaboration dans la lutte contre la migration irrégulière, annoncent ses services.
Le chef de l’exécutif espagnol entend réitérer, lors de cette visite, son engagement à aider les pays d’origine et de transit des candidats à l’émigration irrégulière.
Au total, 22.304 migrants irréguliers sont entrés aux îles Canaries (Espagne) par voie maritime entre début janvier et mi-août, contre 9.864 en 2023, soit une hausse de 12.440 personnes (+126,1%), selon un rapport publié par le ministère de l’Intérieur du royaume d’Espagne.
Ces migrants irréguliers sont arrivés sur l’archipel espagnol à bord de 340 embarcations contre 152 en 2023, soit une augmentation de 80,9%.
Par Amadou Lamine SALL
QUELLE EST DONC CETTE TENACE QUERELLE TANT ENTRETENUE ENTRE SENGHOR ET CHEIKH ANTA DIOP ?
Enivrons-nous de leur héritage. Enseignons leurs œuvres à nos enfants. Méditons leurs pensées et servons-nous en, quand arrive la nuit de la peur et de l’angoisse. Ils ont, tous les deux, laissé la plus belle et la plus haute des pyramides dans la mémoire
Nous ne connaissons en Afrique, en son temps, exerçant une aussi profonde influence, aucun nom qui soit plus grand, plus doué, plus cultivé et plus étoffé que Senghor et Cheikh Anta Diop !
Comme Tocqueville en parlait pour le 18ème siècle, nous pouvons avouer aussi pour le 20ème siècle, qu’un immense homme de lettres et un savant, homme de pensées et de sciences de la recherche, Sédar Senghor et Cheikh Anta, sont «devenus les principaux hommes politiques du pays, et des effets qui en résultèrent.» Deux hommes qui ont forgé leur légende et « qui par le commerce de la pensée et de la plume, combiné avec l’intervention dans les affaires publiques, ont exercé la plus grande influence dans leur temps.» Cela relève de leur génie propre !Ils ont fait l’éclat du Sénégal !
Entre Senghor et Cheikh Anta, une «famille d’esprit» opposée, «mais au-delà de la diversité de leurs opinions, un esprit de famille qui fait de la politique, non une profession, mais un prolongement naturel de la vie intellectuelle et artistique d’une époque.» N’ont suivi et succédé à ces deux icônes que des «hommes politiques professionnels» et raides !»Avec eux, le Sénégal «a changé et nous a changés !» Il aurait même changé Dieu ! Nous semblons ne plus être doués que pour le malheur, l’inculture, la haine, l’indiscipline, l’insulte, l’indignité ! Nombre d’entre nous ont renoncé à nos valeurs ! Le peu qui nous sort encore la tête de l’eau, c’est cette honte de ne plus être les premiers, comme hier Senghor et Cheikh Anta l’étaient en Afrique ! Le Premier ministre du Mali, Choguel Kokalla Maïga, à sa manière, nous l’a rappelé en s’adressant à son petit frère, homologue du Sénégal, venu à Bamako leur rendre visite en ce mois d’août 2024. Son hommage à Senghor avec cette reconnaissance au pré-panafricaniste qui a inventé la Fédération du Mali et l’a mise en place avec Modibo Keïta, inaugurant ainsi l’unité régionale avec ses «cercles concentriques» avant l’unité panafricaniste à hauteur de tout le continent et aujourd’hui encore si lointaine, presque utopique. Choguel Maïga s’exprime devant Ousmane Sonko installé au pouvoir 65 ans après. Émouvant. Puisse Choguel Maïga, étiqueté brillantissime intellectuel à qui, vrai ou faux, Sédar avait attribué une bourse d’étude en France, lutter de toutes ses forces et au-delà, pour rendre aux Maliens la liberté des urnes etle chant de la démocratie.
Oui, certes Senghor n’a pas tout réussi, mais la démocratie sénégalaise tant chantée par le monde et qui a permis par des alternances apaisées à grandir le Sénégal, on la doit, si infime soit-elle, d’abord à Senghor qui a commencé par instituer des courants politiques au-delà du parti unique, courants qu’Abdou Diouf a ouvert et amplifié et qui ont fini par donner une République ouverte à tous, jusqu’à Diomaye aujourd’hui. Il fallait bien commencer par quelque chose ! Ne raccourcissons pas l’histoire ! Pour encore demain, la jeunesse doit savoir et ne rien ignorer de notre histoire démocratique ! «Le Noir est une couleur, le Nègre une culture. Il y a des Nègres qui ne sont pas des Noirs», dit-on. Depuis l’Égypte, les fils de l’Afrique prodigieuse n’ont pas encore construit plus grand que les pyramides ! Cheikh Anta Diop attend ! Puisse son mausolée à Thieytou être reconstruit sous forme de pyramide. Pour la mémoire et le symbole ! «Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents (…) et arrachez votre patrimoine culturel (…) La plénitude culturelle ne peut que rendre un peuple plus apte à contribuer au progrès général de l’humanité…» nous dit Cheikh Anta Diop ! «Accéder à la modernité sans piétiner notre authenticité», recommande Senghor. Sachons une fois pour toute que Senghor et Cheikh Anta Diop, sans l’affrontement politique de deux hommes différents de camp, mais intellectuellement «enflés » et complémentaires, se rencontrent, quelque part, dans leur théorie. Quand «l’humanisme de Senghor consiste à affirmer la complémentarité des cultures et des civilisations», Cheikh Anta Diop «rêvait d’une synthèse entre ancrage et métissage culturel ». Comme Sédar, il était à la fois marié avec l’Afrique et avec une française admirable. Cessons donc de les opposer, deux haches à la main, et prions pour avoir dans ce pays en mutation d’autres Cheikh Anta Diop à venir, d’autres Senghor à venir.
Les deux hommes s’appréciaient et se respectaient. Je les ai vu arriver au mariage de maître Boucounta Diallo. Ensemble, verre à la main, ils échangeaient. En paix et en fraternité. Sembene Ousmane, le rebelle, était là, lui aussi. Il fêtera Senghor au CICES, en maître de cérémonie, le recevant en grande pompe avec les écrivains membres de la section sénégalaise du Pen Club International. Sembene, ce jour-là, habilla Senghor, pour le symbole, d’un soyeux boubou de «maître des circoncis» Ramenons les choses au beau et pas toujours au laid et à la division !
Allez donc prendre connaissance également de l’émouvante dédicace de Cheikh Anta Diop à Senghor, en lui offrant un exemplaire de son mythique ouvrage : « Nations nègres et culture. » Lisez la touchante lettre de condoléance de Senghor à Madame Diop. Vous serez alors ému par le respect et l’affection qui unissaient les deux hommes ! C’est sur la ligne de feu de la politique pour accéder au pouvoir, qu’ils se sont opposés et avec un respect mutuel. Normal que Senghor défende son trône que Cheikh Anta Diop voulait conquérir. Normal que Cheikh Anta Diop marquât sa différence de programme politique avec Senghor pour conquérir et convaincre son propre électorat. Ce qui est la nature même de la lutte politique et de la conquête du pouvoir. D’ailleurs, à la vérité, que faisait Cheikh Anta Diop en politique ? Il était déjà entré dans l’histoire, grand dans l’histoire et plus grand encore que la politique !
Autre fait admirable que nous raconte feu Bara Diouf, patron du quotidien national Le Soleil, que je rapporte dans mon ouvrage «Senghor : ma part d’homme», édition 2006. C’était lors de sa conférence sur Senghor le 29 décembre 2006, à l’hôtel Novotel. Bara Diouf témoigne : « Cheikh Anta Diop me téléphone et me dit qu’il se rend au Caire, en Égypte, et qu’il souhaiterait être accompagné par la presse. Je lui réponds que je n’ai pas d’argent pour faire partir un journaliste pendant un mois. Voyez avec les Arabes s’ils ne peuvent pas faire un geste. – «Cela me sera difficile», me répond Cheikh Anta. Alors je prends mon téléphone et j’appelle Madame Alexandre la secrétaire du Président Senghor au Palais. Il me reçoit et je lui rends compte de la requête de Cheikh Anta. Il me remet cinq millions de Francs et me dit ceci : «Il faut couvrir son voyage et le faire accompagner. Je ne veux pas qu’il y ait des traces de mon intervention, donc je n’en parle pas à notre ambassadeur. Que tout soit discret. Vois-tu, mon cher Bara, je ne laisserais jamais seul Cheikh Anta sur les bords du Nil.»
En lieu et place de ceux qui, à longueur de cœur et de pensée, sont ensevelis dans la partialité, la rancœur et la revanche, et qui tentent, sans se lasser, de mettre en duel Senghor et Cheikh, de les opposer, de les séparer, de les diviser, prions plutôt pour que le Sénégal, ce grand petit pays dont la renommée dépasse ses frontières, voie naître d’autres Senghor et d’autres Cheikh Anta Diop. Enivrons-nous de leur héritage. Enseignons leurs œuvres à nos enfants. Méditons leurs pensées et servons-nous en, quand arrive la nuit de la peur et de l’angoisse. Ils ont, tous les deux, laissé la plus belle et la plus haute des pyramides dans la mémoire des hommes. Leur héritage est comme un puits inépuisable. Leur nom et leur contribution à la marche de l’humanité, sont entrés d’un même pas cadencé dans l’histoire et la postérité. Les opposer pour en faire un fonds de commerce intellectuel, ne conduit qu’au ridicule, à la petitesse, à l’oubli et au néant.
M’inspirant de l’enseignement de Al Makhtoum, évitons ce qui est malencontreusement arrivé au Dieu unique ! Il nous a donné le prophète Mohamed. Il ne peut plus nous en donner un autre d’identique ou de plus grand. Le voudrait-il, il ne le pourrait ! Dieu ne peut plus le faire et ne le fera plus jamais, jusqu’à la fin des temps ! Comme Jésus ! C’est acté. C’est écrit ! C’est ainsi ! Par contre, nous ses si humbles, si fragiles, si éphémères sujets, avons, de par sa grace et sa Générosité sans fin, la force de prier pour que naissent d’autres Senghor, d’autres Cheikh Anta Diop. Il s’agit de grandir son pays, l’Afrique, le monde et de laisser un héritage digne de l’humanité comme celui de ses deux fils étoiles du Sénégal !
Bien des idées reçues et qui perdurent hélas encore, nous trompent et montrent du doigt tant de mensonges et de manipulations ! Tenez, comment par ailleurs interpréter cette posture de Mamadou Dia, qui, dès sa sortie de ses très longues années de prison par grâce présidentielle de Senghor, est allé de lui-même rencontrer «son ami» qui l’avait ainsi fait punir. Dia embrassa Senghor et le remercia. Mamadou Dia est un saint ! Cet acte émouvant et d’infinie humanité de sa part, dépassa un Senghor surpris ! Il ne peut exister plus touchante grandeur ! Et pourtant on en a voulu à Dia d’être allé au Palais embrasser Senghor «qui l’a poignardé dans le dos avec la complicité de la France», comme l’a craché, odieusement, en direct à la RTS, tel quel, bave et haine à la bouche, l’invité habile, hostile et vengeur du courtois et pudique journaliste d’une RTS pourtant si professionnelle, respectueuse et éthique qui, en ce douloureux dimanche du 28 juillet 2024, ne méritait pas de faire subir à son public, sur sa chaine, la diffusion d’une telle sortie haineuse et si violemment sectaire ! Feu Mamadou Dia ne serait pas d’accord !
L’invité délirant rempile de plus belle face au journaliste de la RTS, presque médusé, en vomissant encore ceci : «Il faut cesser d’avoir à la tête de nos pays des hommes d’État comme Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall… Senghor est une calamité, un dictateur, un grand Blanc… Senghor et tous les autres, c’est kif-kif bourico !» Un être normalement constitué ne peut pas ainsi s’exprimer sur la chaine nationale, face aux Sénégalais ! Cela ne doit plus arriver !
De cette émission de la RTS du dimanche 28 juillet 2024, si suivie par attachement à un journaliste solide et humble, nous en avons rapporté ici, par respect et pudeur, le moins pénible, le moins reptilien, le moins tragique et gluant, le moins répulsif et lépreux, le moins déshonorant et indigne, le moins indécent des propos de l’invité récidiviste ! Il creuse toujours, sans se lasser, pour déterrer Senghor et brûler ses os ! Mais la tombe de Sédar est un puits au fond inatteignable ! N’insulte pas Senghor qui veut pour aller dormir ensuite en ronflant ! Et dire que des liens de sang ont scellé par la volonté de Dieu les Senghor à sa famille ! Nul n’est un chef-d’œuvre achevé, hormis Dieu ! Senghor est déjà «mémorisé», «mémorialisé» avant toute mémoire. Il est «Onussisé». Il est «panafricanisé». Il est mondial Il est une histoire ineffaçable, une grande et très belle histoire. Comme Cheikh Anta Diop !
Nous nous inclinons respectueusement devant la famille de ce cruel et hérétique pourfendeur de métier, une famille où veille un homme hors du commun, un immense, intense et bel esprit. Il est dans l’ombre. Il est dans le silence, la paix, la méditation, la prière et la lumière des livres. Il est bon et affectueux. Et nous l’aimons de tout notre cœur. La revanche et les insultes aux morts, ne sont dignes d’aucune créature humaine, à moins de s’être éloigné et des hommes et même des bêtes, loin, très loin du divin ! Que le Seigneur veille sur cet homme pierreux, à l’âme sèche. Qu’Il lui ôte ce poison du cœur. Qu’il éteigne en lui cet incendie qui l’habite et le consume ! En paix, revenons à Senghor et à Cheikh Anta Diop ! On peut facilement penser que «Les deux hommes n’étaient pas faits pour se rencontrer, ni même pour s’estimer.» Et pourtant, c’est ce qui est arrivé. Cela est dû à un seul mot, une seule soif, une seule quête : la culture ! Senghor, poète et homme d’État, «homme du destin et de l’Histoire.» Cheikh Anta : «la permanence de l’intelligence», l’énergie et la rage du chercheur chevillé à rendre à l’Afrique prodigieuse son éclat et sa grandeur. Un temps jadis gouverné par deux grands penseurs et chercheurs ! Ce printemps si rare, à la fois ensoleillé et givré quelque part, reviendra-t-il ? Nous en sommes profondément nostalgique ! Le futur vaudra-t-il ce passé si rempli, si puissant, si nourrissant ? Nous en doutons au regard de la course folle des hommes vers l’argent, l’inculture, le pouvoir.
Par-dessus les générations, ce que nous avons vu et vécu au Sénégal avec Senghor, Cheikh Anta Diop, Pathé Diagne, Birago Diop, Sembene Ousmane, Majmouth Diop, Abdoulaye Ly, Amadou Mokhtar Mbow, Assane Seck, Alioune Diop de Présence africaine, Alioune Sène, Bara Diouf, Moustapha Niasse, Djibo Ka, Mame Less Dia, Doudou Sine, Abdou Anta Ka, le sociologue Pierre Fougeyrollas, le mathématicien Souleymane Niang, Sémou Pathé Guèye le philosophe, le Professeur Alassane Ndao, et tant d’autres, comme époque d’un foyer ardent de culture et d’esprit de révolte et de contestation, jusque dans l’arène politique aujourd’hui si rabougrie et miséreuse, ne peut être comparé à nul autre temps. Senghor resta intraitable avec ses brillantissimes opposants, intellectuels émérites. Répressif - au sens où on laisse l’individu exercer sa liberté tout en lui assignant des limites dont la transgression entraîne une sanction pénale prononcée par une juridiction-il ne lâcha rien. Les opposants non plus. Ce fut un temps de belles et grandes gueules, de «grandes plumes, de rigueur, de mentorat, de grande exigence !» Les têtes étaient pleines, les acteurs charismatiques et brillants, cultivés jusqu’à la moelle et rebelles. Nul n’entendait parler d’argent, de corruption, de manque d’éthique et de dignité ! Seules les idées portées par une immense culture, l’engagement intellectuel, le courage politique, dominaient. Respect !
Sous Senghor et Cheikh Anta, les relations, les luttes et les combats entre l’élite intellectuelle et le pouvoir, étaient une délicieuse confiture. Senghor prenait sa plume, comme intellectuel et non comme chef d’État, pour répondre directement par presse interposée, à ses détracteurs. Ce fait est rare et unique ! Il ne serait pas inintéressant de se poser aujourd’hui, depuis le départ de Senghor, la question du «rapport des intellectuels et des ‘écrivains’ au pouvoir, et quel est le rapport du pouvoir aux intellectuels, ‘aux écrivains ‘» Ne serait-il pas utile que « les intellectuels et les écrivains empêchent que la direction du changement soit exclusivement l’affaire des hommes au/du pouvoir ?»
Toujours ou très souvent, partout, «Les intellectuels mettent en cause l’ordre établi et contestent la gestion de la vie sociale en dénonçant le manque de démocratie et de liberté, l’injustice sociale, la domination extérieure acceptée selon eux par le pouvoir. Exclus des lieux des décisions nationales, ces intellectuels réagissent à cette exclusion en se repliant sur des idéologies ou des positions doctrinales…»
Cheikh Anta Diop restera Cheikh Anta Diop. Senghor restera Senghor. Immortels et éternels tous les deux. Prions pour Sédar et Cheikh Anta. Qu’ils reposent en paix. Apprenons à nous élever, à grandir et à servir le beau ! Seul le beau rend beau ! Août 2024.