SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
25 novembre 2024
International
LE DÉFI DU SOUVERAINISME AFRICAIN POUR LA FRANCE
Paris doit réinventer en urgence son approche, privilégiant l'humilité et le respect, selon François Soudan. Pour ce dernier, le maintien de l'influence française passe par l'abandon de "chiffons rouges" devenus des symboles d'ingérence
(SenePlus) - Un vent de souverainisme et de rejet envers l'ancienne puissance coloniale souffle sur l'Afrique francophone, menaçant l'influence séculaire de la France sur le continent. Comme l'explique François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans une analyse récente, Paris doit faire face à "la résistible montée du sentiment anti-français en Afrique francophone".
Cette tendance néosouverainiste, qui gagne en ampleur auprès des jeunes et des classes moyennes, voire certaines sphères dirigeantes, trouve son origine dans l'échec des mouvements citoyens des années 2000 et l'impasse des transitions démocratiques. Alimenté par les réseaux sociaux et les "analphabètes numérisés" issus de deux décennies de déscolarisation, ce phénomène populiste mêle le rejet de la France, bouc émissaire de proximité, à une dénonciation de certains aspects du mode de vie occidental.
Un événement marquant à l'origine de cette défiance est "l'assassinat de Mouammar Kadhafi au terme d'une sordide chasse à l'homme téléguidée depuis Paris, Londres et Washington", comme le souligne Soudan. Le théoricien Achille Mbembe évoque également "l'asymétrie des connaissances" qui fait que les partenaires africains "connaissent beaucoup mieux" la France que l'inverse.
L'offensive russe et la stratégie du "french bashing"
Dans cette lente érosion de l'influence française, la Russie joue un rôle opportuniste en amplifiant la rhétorique anti-occidentale et anti-française à travers une stratégie de "french bashing". Depuis le sommet de Sotchi en 2019, Moscou soutient et amplifie les acteurs et influenceurs locaux déjà en place, actualisant un récit anticolonial hérité de la guerre froide.
Selon l'ambassadeur français Sylvain Itté, cité par Soudan, cette "machine infernale" recourt aux fermes à trolls et de plus en plus à l'intelligence artificielle, produisant un "effet magnétique immédiat" dès qu'un drapeau russe est brandi lors d'une manifestation.
Face à cette offensive, la France semble "totalement aphone sur le terrain de la communication", note Soudan, en panne de solutions malgré une prise de conscience de la nécessité d'une remise à plat.
Les recommandations d'Achille Mbembe
Pour juguler cette montée du sentiment anti-français, Achille Mbembe, théoricien du post-colonialisme, préconise que la France se débarrasse rapidement de trois "chiffons rouges" : ses bases militaires sur le continent, le franc CFA, et sa pratique restrictive de délivrance des visas.
Ces prérequis sont indispensables, selon Mbembe, pour fonder une "politique de la France en Afrique, sans ingérences ni leçons". Associés à "une bonne dose d'humilité et de respect", ils permettraient d'atteindre la "juste distance" susceptible d'"éteindre les braises d'un sentiment anti-français privé de carburant".
En somme, face au vent de souverainisme qui souffle sur l'Afrique francophone, la France doit répondre par une nouvelle approche, dénuée d'ingérence et empreinte d'humilité, tout en s'attaquant aux symboles devenus des "chiffons rouges". Seule une telle stratégie pourra endiguer le rejet croissant dont elle fait l'objet et préserver son influence sur un continent où, comme le rappelle Soudan, "l'âge médian est de 19 ans" et qui constituera "le premier réservoir de main-d'œuvre disponible pour l'économie mondiale" d'ici 2050.
LA GRANDE DISTRIBUTION FRANÇAISE À L'ASSAUT DU SÉNÉGAL
L'implantation massive d'Auchan, Carrefour et consorts bouscule les habitudes de consommation et cristallise tensions économiques et débats identitaires sur la souveraineté alimentaire du pays
(SenePlus) - La grande distribution française connaît un essor fulgurant au Sénégal ces dernières années, révolutionnant les habitudes de consommation dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Comme le rapporte un article du Monde Diplomatique, des géants tricolores tels qu'Auchan, Carrefour, Super U et Casino se sont lancés dans une conquête agressive du marché sénégalais, multipliant les ouvertures de magasins dans la région de Dakar mais aussi dans d'autres villes comme Thiès, Mbour et Saint-Louis.
Ces enseignes ne se cantonnent plus aux quartiers aisés des capitales, mais s'implantent désormais au cœur des quartiers populaires, proposant des produits frais à des "prix compétitifs voire moins chers", comme l'admettait Xavier Desjobert, ancien directeur général de CFAO Retail, dans les colonnes du Monde Diplomatique. Pour y parvenir, elles réduisent le nombre d'intermédiaires en traitant directement avec les producteurs locaux et importent certains produits, court-circuitant ainsi les circuits traditionnels.
Ousmane Sy Ndiaye, directeur exécutif de l'Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal, déplorait en 2018 cette capacité des multinationales à "accumuler les bénéfices du grossiste, du demi-grossiste et du détaillant", les plaçant "en tête de course pour pratiquer les prix qu'elles souhaitent".
Une menace pour le commerce traditionnel
Face à cette concurrence féroce, des petits commerçants sénégalais se sont regroupés dès 2018 au sein de la coalition "Auchan dégage !" pour réclamer des mesures de protection. Certains, comme cette détaillante du marché Kermel à Dakar, voyaient leur gagne-pain menacé : "Sachant qu'on achète à 700 francs et qu'Auchan arrive à vendre à 400, voire 300, ce n'est pas normal. Nous, on ne gagne rien. On est pauvres maintenant".
Ce mouvement comptait parmi ses rangs le Front pour la révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (Frapp), dénonçant l'inconcevable concurrence d'"un des groupes mondiaux les plus importants" avec "les commerçantes tabliers d'un des pays les plus pauvres du monde".
Auchan affirme de son côté "valoriser et encourager les produits locaux" et "tisser des liens avec les acteurs locaux", mais l'ONG GRAIN met en garde: si l'implantation des grandes surfaces offre des débouchés, elle "vise particulièrement les agriculteurs en capacité de fournir d'importants volumes" répondant à des normes draconiennes.
Un débat de société
Au-delà des enjeux économiques, l'arrivée en force de la grande distribution soulève des questions de souveraineté alimentaire et de modèle sociétal. L'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs au Cameroun s'inquiète d'un changement des habitudes alimentaires, la population délaissant "les mets traditionnels" au profit de produits ultra-transformés.
Le Frapp dénonce quant à lui "une perte de souveraineté du Sénégal sur son commerce intérieur". Son coordinateur Guy Marius Sagna, désormais député, demande une étude d'impact et l'organisation d'assises nationales.
Réaction a minima des autorités
Face à l'ampleur de la contestation, le président Macky Sall a signé en 2018 un décret réglementant l'implantation des grandes surfaces. Mais cette mesure, qui ne concerne pas les supermarchés déjà établis, autorise la vente au détail, laissant une marge de manœuvre conséquente aux distributeurs.
Des alternatives émergent malgré tout, comme l'enseigne Senchan lancée par Rijaal Holding, une société d'investissement mouride. On assiste aussi à des efforts pour moderniser les marchés traditionnels, à l'image du projet soutenu par l'OMS au marché de Grand Dakar.
Cette offensive de la grande distribution française en Afrique de l'Ouest, et particulièrement au Sénégal, cristallise ainsi les attentes et les craintes d'une société en pleine mutation. Un enjeu économique certes, mais aussi un profond débat de société.
LA CPI EMET UN MANDAT D’ARRÊT CONTRE BENJAMIN NETANYAHU
La Cour pénale internationale a émis lundi un mandat d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et du ministre de la Défense Yoav Gallant, pour leur responsabilité pénale présumée de crimes de guerre ...
La Cour pénale internationale (CPI) a émis lundi un mandat d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et du ministre de la Défense Yoav Gallant, pour leur responsabilité pénale présumée de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur le territoire palestinien de Gaza à partir du 8 octobre 2023.
Dans un communiqué rendu public le même jour, le procureur de la CPI, qui siège à La Haye, aux Pays Bas, estime que sur la base des éléments de preuve recueillis et examinés par son bureau, le Premier ministre israélien et le ministre de la Défense de l’Etat d’Israël, portent la responsabilité pénale de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur le territoire de l’Etat de Palestine à partir du 8 octobre 2023.
Il s’agit de développements liés à des suites judiciaires sur lesquelles bon nombre d’observateurs s’étaient accordés plus de sept mois après le déclenchement de l’opération militaire israélienne en riposte à une attaque meurtrière du mouvement palestinien le Hamas sur le sol israélien.
Près de 40.000 personnes, en majorité des femmes et des enfants, ont perdu la vie dans la bande de Gaza soumise à des bombardements, raids de l’armée israélienne, sur fond de combats avec des combattants du mouvement palestinien.
Huit mois après le début de l’intervention militaire israélienne, la quasi totalité des infrastructures hospitalières et d’autres essentielles à la survie des population sur place ont été détruites dans cette enclave palestinienne.
IRAN: LE PRÉSIDENT EBRAHIM RAÏSSI EST MORT
Âgé de 63 ans, l'ayatollah était considéré comme un ultraconservateur et un partisan assumé de l'ordre. S'étant présenté comme le champion des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption…
Le président iranien Ebrahim Raïssi est mort dans un accident d'hélicoptère, dimanche 19 mai, dans le nord-ouest de son pays, a annoncé ce 20 mai un représentant iranien à Reuters. Le président iranien avait inauguré dans la province un barrage, en compagnie de son homologue à la frontière avec l’Azerbaïdjan. Il menait depuis 2021 l'Iran dans un contexte troublé à l'international et de contestation interne.
D'intenses recherches étaient en cours depuis dimanche 19 mai en fin de journée dans le nord-ouest de l'Iran pour retrouver l'hélicoptère qui le transportait et qui a été victime d'un « accident », selon des responsables et des médias officiels. Le ministre des Affaires étrangères Iranien, Hossein Amir-Abdollahian, était aussi à bord de l’appareil.
Âgé de 63 ans, l'ayatollah Ebrahim Raïssi était considéré comme un ultraconservateur et un partisan assumé de l'ordre. S'étant présenté comme le champion des classes défavorisées et de la lutte contre la corruption, Ebrahim Raïssi avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d'un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle, et l'absence de concurrents de poids.
Il avait succédé au modéré Hassan Rohani, qui l'avait battu à la présidentielle de 2017 et ne pouvait plus se représenter après deux mandats consécutifs.
Ebrahim Raïssi est sorti renforcé des législatives tenues en mars et à la mi-mai, premier scrutin national depuis le mouvement de contestation qui a secoué l'Iran fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict de la République islamique. Le président iranien s'était alors félicité d'« un nouvel échec historique infligé aux ennemis de l'Iran après les émeutes » de 2022.
Le Parlement, qui entrera en fonction le 27 mai, sera très largement sous le contrôle des camps conservateurs et ultraconservateurs, qui soutiennent son gouvernement.
Adversaire résolu d'Israël
Ces derniers mois, Ebrahim Raïssi s'est présenté comme un adversaire résolu d'Israël, l'ennemi juré de la République islamique, en apportant son soutien au mouvement islamiste palestinien Hamas depuis le début, le 7 octobre, de la guerre qu'Israël lui livre dans la bande de Gaza.
Il a ainsi justifié l'attaque inédite lancée par l'Iran le 13 avril contre Israël, avec 350 drones et missiles, dont la plupart ont été interceptés avec l'aide des États-Unis et de plusieurs autres pays alliés.
Ebrahim Raïssi figure sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés pour « complicité de graves violations des droits humains », accusations balayées comme nulles et non avenues par les autorités de Téhéran.
Né en novembre 1960 dans la ville sainte chiite de Machhad, dans le nord-est, Ebrahim Raïssi a monté durant trois décennies les échelons du système judiciaire, après avoir été nommé procureur général de Karaj, près de Téhéran, à seulement 20 ans, dans la foulée de la victoire de la Révolution islamique de 1979.
Il a ensuite été procureur général de Téhéran de 1989 à 1994, puis chef adjoint de l'Autorité judiciaire de 2004 à 2014, année de sa nomination au poste de procureur général du pays. En 2016, le guide suprême Ali Khamenei l'a placé à la tête de la puissante fondation caritative Astan-é Qods Razavi, qui gère le mausolée de l'Imam-Réza à Machhad ainsi qu'un immense patrimoine industriel et immobilier. Trois ans plus tard, il prend la tête de l'Autorité judiciaire.
Sans grand charisme et toujours coiffé d'un turban noir de « seyyed » (descendant de Mahomet), M. Raïssi, barbe poivre et sel et fines lunettes, a suivi les cours de religion et de jurisprudence islamique de l'ayatollah Khamenei.
AFRIQUE 50, LE CRI ANTICOLONIALISTE DE RENÉ VAUTIER
À travers une vision courageuse et une caméra au poing, le réalisateur breton né en 1928 dénonce les crimes du colonialisme français et le pillage des ressources en Côte d'Ivoire
À travers une vision courageuse et une caméra au poing, Vautier dénonce les crimes du colonialisme français et le pillage des ressources en Côte d'Ivoire.
Témoin de son époque, René Vautier a rejoint la Résistance à quinze ans, recevant des décorations pour son engagement. Diplômé de l'Institut des Hautes Études Cinématographiques (IDHEC) en 1948, il a réalisé des documentaires en Algérie, dont "Avoir 20 ans dans les Aurès".
Militant communiste et pionnier d'un cinéma engagé, populaire et indépendant, il demeure un cinéaste de combat jusqu'à sa mort en 2015.
LE PRÉSIDENT IRANIEN VICTIME D’UN ACCIDENT D’HÉLICOPTÈRE
Ebrahim Raissi effectuait un déplacement en Azerbaïdjan, où il a procédé, la veille, à l’inauguration d’un barrage à la frontière entre les deux pays avec son homologue Ilham Aliyev.
Un hélicoptère, avec à son bord le président de la République islamique d’Iran, Ebrahim Raissi, a été impliqué, dimanche, dans un accident dans le nord-ouest du pays, a-t-on appris de l’agence de presse iranienne, IRNA.
Le président effectuait un déplacement en Azerbaïdjan, où il a procédé, la veille, à l’inauguration d’un barrage à la frontière entre les deux pays avec son homologue Ilham Aliyev, indique la même source.
Elle précise qu’outre le président Raissi, le ministre des affaires étrangères, Hossein Amirabdollahian et le chef de la prière du vendredi à la ville de Tabriz, l’ayatollah Mohammad Ali Al-e-Hashem, se trouvaient également à bord de l’hélicoptère.
Les recherches, retardées par des “conditions météorologiques défavorables” se poursuivent dans la zone de l’accident pour retrouver l‘appareil , renseigne-t-on.
SITUATION CONFUSE EN RDC
Dans la matinée de ce dimanche, des coups de feu ont retenti dans certaines zones de la capitale, notamment vers la résidence de Vital Kamerhe. L’armée parle d’une tentative de coup d’Etat.
En République démocratique du Congo (Rdc), la situation est confuse. Dans la matinée de ce dimanche, des coups de feu ont retenti dans certaines zones de la capitale, notamment vers la résidence de Vital Kamerhe. L’armée parle d’une tentative de coup d’Etat.
Les forces de défense et de sécurité de la République démocratique du Congo disent avoir déjoué une tentative de putsch ce dimanche. «Une tentative de coup d’Etat a été étouffé dans l’œuf par les forces de défense et de sécurité», a annoncé le Général Sylvain Ékenge, à la télévision nationale.
Le patron de l’armée déclare que cette tentative a impliqué des étrangers et des congolais qui ont été mis hors d’état de nuire, leur chef y compris. Il assure que l’armée a, actuellement, une parfaite maitrise de la situation et que les populations peuvent aller vaquer tranquillement à leurs occupations.
A DUBAÏ, LE PARADIS FISCAL DES BIENS MAL ACQUIS AFRICAINS
Une fuite de données révèle l'ampleur du patrimoine immobilier détenu par les proches de nombreux chefs d'État africains dans cette oasis du Golfe. Des villas de luxe, des gratte-ciel huppés, des biens dont la valeur atteint des dizaines de millions
(SenePlus) - L'enquête "Dubai Unlocked" menée par Le Monde a révélé une fuite de données confidentielle exposant le patrimoine immobilier substantiel détenu par les proches de nombreux chefs d'État africains dans l'émirat de Dubaï. Ces acquisitions de biens de luxe, souvent en décalage avec leurs fonctions officielles, soulèvent des interrogations sur l'origine douteuse des fonds utilisés.
Au Gabon, l'influente Marie-Madeleine Mborantsuo, ex-présidente de la Cour constitutionnelle, fait l'objet d'une enquête française pour "blanchiment de détournement de fonds publics". Selon Le Monde, "3M" et ses enfants auraient dépensé près de 6 millions d'euros en 2013 pour acquérir plusieurs propriétés à Dubaï.
En Guinée équatoriale, les fils du président Teodoro Obiang, Pastor et Teodorin, ainsi que le beau-frère Candido Nsue Okomo, disposent d'un riche patrimoine immobilier à Dubaï, évalué à plus de 14 millions d'euros pour ce dernier. Une enquête espagnole soupçonne M. Nsue Okomo de blanchiment dans une affaire de corruption.
Au Congo-Brazzaville, la belle-fille de Denis Sassou-Nguesso, Nathalie Boumba-Pembe, a acheté une villa de 3,5 millions d'euros en 2018. Son mari, le puissant ministre Denis Christel Sassou-Nguesso, surnommé "Kiki le pétrolier", est soupçonné de détournements liés à la société pétrolière nationale. Le ministre de l'Intérieur Raymond Zéphirin Mboulou a également investi plus de 5 millions d'euros dans l'immobilier dubaïote.
Au Tchad, l'ex-beau-frère du président Idriss Déby, Mahamat Hissein Bourma, a acquis des biens d'une valeur de 14 millions d'euros à Dubaï, coïncidant avec des acquisitions suspectes au Canada. Incarcéré, il dénonce d'autres hauts responsables propriétaires à Dubaï.
L'angolaise Isabel Dos Santos, fille de l'ancien président et première milliardaire africaine, confirme avoir acheté un appartement à Dubaï il y a plus de 10 ans. Accusée de corruption, elle vit désormais dans l'émirat sous le coup d'un mandat d'arrêt international.
Pour les ONG, Dubaï sert de "base arrière" pour ces personnalités cherchant à contourner les réglementations européennes sur les biens mal acquis, grâce à un cadre juridique plus laxiste. La lutte contre ces pratiques reste un défi majeur malgré les progrès réalisés.
par Francis Laloupo
PURE HAINE
Comment expliquer l’interminable maintien en détention du président Mohamed Bazoumr enversé par le coup d’Etat du 26 juillet 2023 ? Ne pas le laisser sombrer dans l’oubli. Il faut réclamer sa libération. Maintenant
Le 10 mai dernier, la Cour d’Etat du Niger a rendu une décision, concernant la levée de l’immunité du président Mohamed Bazoum, en détention depuis le putsch de juillet 2023 dirigé par le commandant de la garde présidentielle, Abdourahamane Tiani. A la demande de ses avocats, l’audience a été renvoyée au 7 juin prochain, afin que «le droit à la défense puisse être pleinement assuré», selon Kadri Oumarou Sanda, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Niger.Mohamed Bazoum, dirigeant nigérien élu en 2021, qui n’a toujours pas formulé sa démission, est invariablement accusé par la junte au pouvoir, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), de haute trahison, complot contre la sécurité de l’Etat et soutien au terrorisme (sic). Des accusations jugées fantaisistes par nombre d’observateurs et destinées à justifier un coup d’Etat dépourvu de tout motif concevable. Rappelons que le putsch est intervenu en réaction à un éventuel limogeage du commandant de la garde présidentielle, dans un climat de querelle de palais, sur fond de conflit autour de la gestion de la manne pétrolière. Parmi les acteurs de cette guéguerre, l’ex-président Mahamadou Issoufou qui, malgré son départ de la présidence en 2021, n’a cessé de multiplier des manœuvres d’immixtion inappropriée dans les décisions de son successeur…
Une prise d’otage. Comment qualifier autrement le traitement auquel est soumis Mohamed Bazoum? L’homme et sa famille sont séquestrés, à l'intérieur d'une dépendance de la résidence présidentielle, sous haute surveillance, dans des conditions inquiétantes. Après la libération de son fils en janvier dernier, Mohamed Bazoum a été maintenu en détention avec son épouse Hadiza. Coupé de tout contact, à l’exception de son médecin, il connaît, au fil des mois, une détérioration continue de son quotidien. En décembre 2023, la Cour de justice de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) a, en pure perte, ordonné sa libération. Ses avocats, qui ne peuvent avoir accès à leur client, redoutent un possible désintérêt de la communauté internationale à l’égard cette situation. Un sentiment confirmé par l'un d'entre eux, Reed Brody, qui constate que « Mohamed Bazoum pourrait être imperceptiblement oublié dans les évolutions géopolitiques de la région ». Pour conjurer le risque de l’oubli, le New York Times, dans son édition du 4 mai 2024, décrit, sous la plume d’Elian Peltier, la situation actuelle du désormais ancien président du Niger : « Pendant ses premiers mois de captivité, M. Bazoum a été détenu avec sa femme, leur fils de 22 ans, Salem, et deux travailleurs domestiques, dans la résidence présidentielle. Ils n’avaient pas d’électricité mais pouvaient se promener à l’extérieur de la maison pendant que des gardes et d’autres personnes juchées sur des camionnettes armées les entouraient. D’après un proche de Mohamed Bazoum, la pièce est rapidement devenue un four gigantesque. Les températures qui ont dépassé les 40 degrés à l’extérieur, ont fait peler la peau des captifs. Mme Bazoum a également souffert d’un grave épisode de paludisme. (…) Désormais, les soldats sont postés à l’intérieur de la maison et ont retiré les clés des portes, afin que M. Bazoum ne puisse pas les verrouiller et garantir son intimité. Selon les personnes interrogées dans son entourage, il y a de l’électricité, mais les soldats ont confisqué tous les téléphones… »
Une entreprise de persécution
La séquestration de Bazoum s’est avérée, au fil des mois, une entreprise de persécution. Aux lendemains du coup d’Etat, l’équipe de putschistes a orchestré une campagne de diabolisation du président renversé, l’affublant des pires accusations au point de le présenter, aux yeux d’une opinion intérieure, comme l’auteur de tous les périls nationaux. Dans ce contexte critique, ceux qui, dans le pays n’ont jamais accepté l’élection de Mohamed Bazoum, ont trouvé l’occasion d’assouvir de ténébreuses revanches… Le discours officiel des nouveaux maîtres de Niamey s’est transformé en une chronique de la haine extraordinaire. Une logique de la haine, instaurée après le coup d’Etat, avec la volonté affichée de détruire un homme, et d’effacer le souvenir d’un dirigeant qui avait à peine accompli la moitié de son mandat jugé prometteur sur la scène internationale. A cet égard, rappelons quelques faits marquants de sa présidence, cités par le New York Times : « M. Bazoum a rapidement fait du pays l’un des bénéficiaires les plus privilégiés de l’aide étrangère en Afrique de l’Ouest. Il s’est attaqué à la corruption et a promis d’envoyer plus de filles à l’école, en partie pour limiter les grossesses précoces dans un pays où le taux de natalité est le plus élevé au monde. Il a travaillé en étroite collaboration avec la Chine pour construire un oléoduc qui est le plus long d’Afrique, que la junte a inauguré cette année… » On pourrait ajouter d’autres mérites, tels que la mise en œuvre de mécanismes innovants de lutte contre l’insécurité et l’extrémisme violent, ainsi que de pertinentes projections socio-économiques. Pour ceux qui, depuis longtemps, ont connu Mohamed Bazoum, l’ont vu agir et militer dans l’espace politique nigérien, difficile de comprendre et d’admettre le sort qui lui est fait actuellement.
Quelques mots suffisent pour qualifier cet ancien professeur de philosophie : Fidélité, droiture, loyauté, humilité, sens de l’engagement, haute idée de la chose politique et du service de l’Etat. Militant attaché à ses convictions, aimant les partager, avec un réel souci de la tolérance et de l’écoute de l’autre. Cet homme a toujours manifesté son amour des siens et ses contemporains. C’est donc ce serviteur de l’Etatque des putschistes projettent de supprimer, avec un rare acharnement. Mohamed Bazoum refuse de démissionner. Non pas du fait d’un attrait immodéré pour le pouvoir, mais en raison de l’idée qu’il se fait de l’Etat, de la raisond’Etat, et, partant, de la fonction qu’il a incarnée. En se gardant de démissionner, il continue de représenter la sauvegarde des intérêts collectifs d’un pays où une majorité devenue silencieuse de la population lui a confié les clés de la gestion du pouvoir. Comment alors admettre qu’un petit groupe d’officiers, mus par des motifs inavouables, et agissant au nom de honteuses conspirations, puissent se prévaloir exclusivement du droit de confisquer le patrimoine commun de l’Etat nigérien ?
Alors que l’intention du CNSP de s’installer durablement au sommet de l’Etat ne fait plus de doute, la procédure judiciaire engagée à l’encontre de Mohamed Bazoum a pour seul but de le soustraire durablement de l’espace public. Au regard des accusations alléguées, l’ancien président encourt la peine perpétuelle. La hantise de ses preneurs d’otages : que Bazoum retrouve sa liberté de parole, et livre sa vérité sur les véritables ressorts du coup d’Etat. Quels sont donc ces secrets si bien gardés qui ont amené ses geôliers à ordonnancer cette forme de violence à son encontre ? A en croire Amadou Ange Chekaraou Barou, l’un de ses proches conseillers, « le pouvoir de Tiani repose, en partie, sur lance de la libération immédiate de Mohamed Bazoum, auquel aucun crime ne peut être imputé. Il ne s’agit plus simplement de libérer un homme, mais de le sauver. Par-delà l’indignation que suscite cette affaire, il faut continuer de dire simplement, en tous lieux : libérez Mohamed Bazoum. Maintenant.
Francis Laloupo est journaliste, enseignant en Géopolitique.
L'OMBRE DES ÉTATS-UNIS D'AFRIQUE PLANE SUR LA CRISE BÉNINOISE-NIGERIÉNNE
Jean-Baptiste Placca rappelle l'immense gâchis de l'unité africaine perdue en 1963. Plutôt que de s'unir, les dirigeants choisissent trop souvent "d'écraser leur peuple à huis clos" par cynisme ou cupidité
(SenePlus) - La récente crise diplomatique et économique entre le Bénin et le Niger est un sombre rappel du rendez-vous manqué de mai 1963, lorsque les dirigeants africains auraient dû s'engager sur la voie des "États-Unis d'Afrique". Comme le souligne Jean-Baptiste Placca de RFI, "Voilà pourquoi certains dirigeants, au gré de leurs humeurs, écrasent leur peuple à huis clos et se jouent de la Constitution."
Les deux voisins ont frôlé une guerre économique paralysante pour les exportations pétrolières du Niger, qui transitent par le territoire béninois. Seule l'intervention de la Chine en tant que médiateur a permis de désamorcer un conflit aux répercussions potentiellement continentales. "N'est-ce pas à toute l'Afrique de remercier la Chine?", s'interroge Placca, tout en précisant que Pékin défendait surtout ses propres intérêts financiers colossaux dans les infrastructures pétrolières nigériennes.
Au cœur de cette crise se trouve un schisme ancien et profond entre les deux pays. Comme le décrit Placca, "Comme toujours, sur ce continent, chaque partie s'entête à imputer à l'autre les causes de ses malheurs." Le Bénin accuse la junte militaire au Niger de faire fi de sa souveraineté, tandis que les putschistes nigériens campent sur leur conception de "l'honneur" national.
Cette situation désespérante rappelle la fragmentation post-coloniale de l'Afrique. "Le véritable drame de ce continent est que les États-Unis d'Afrique n'existent même plus en projet", déplore l'éditorialiste. À l'inverse des 50 États sans frontières des États-Unis d'Amérique, l'Afrique reste morcelée en 54 "susceptibilités" nationales prêtes à s'embraser au nom de "la fierté nationale".
Dans une métaphore saisissante, Placca compare les relations entre États africains à celles entre voisins de village, obligés de traverser les cours d'autrui: "La bienséance impose de saluer ceux dont, par nécessité, l'on viole ainsi l'intimité." Cette "bienséance de l'interdépendance" fait cruellement défaut actuellement.
Pourtant, le Bénin a de légitimes griefs face au "mépris" nigérien envers le passage du pipeline pétrolier vital sur son sol. Et inversement, le Niger peut invoquer la sécurité nationale pour restreindre les mouvements à ses frontières. Dans ce climat de "suspicion" mutuelle, l'avenir s'annonce orageux.
En somme, cet éditorial percutant rappelle l'immense gâchis de l'unité africaine perdue en 1963. Plutôt que de s'unir, les dirigeants choisissent trop souvent "d'écraser leur peuple à huis clos" par cynisme ou cupidité. La Chine a pu temporairement éteindre ce feu de brousse béninois-nigérien. Mais jusqu'à quand ?