J’aime beaucoup Meïssa Fall, artiste singulier à Saint-Louis, qui recycle des pièces de vélos en œuvres d’art. En 2022, une exposition à la galerie Le Manège rappelait les influences de Picasso dans son œuvre. Un tour à son atelier est un passage obligé à chaque fois que je séjourne dans la belle ville de Saint-Louis dont le blues m’inspire et m’apaise. J’aime y admirer ses œuvres magnifiques dans ce beau repaire semblable aux cabinets de curiosités apparus notamment durant le siècle de la Renaissance.
La dernière fois que j’ai vu Meïssa Fall, maître des lieux, c’était pour lui témoigner ma solidarité après la disparition de son épouse. Je suis arrivé le soir, il avait sa théière posée sur un petit fourneau dont les braises sommeillaient et renseignaient à suffisance sur le temps qu’avait duré cette séance de rituel du thé qui orne nos conversations. Le temps était doux en ce début de soirée d’un week-end d’été ; quelques légers vents secouaient l’atmosphère et transportaient les secrets des résidences attenantes à nos oreilles.
Le soleil avait déjà pris congé des berges du fleuve et la lune pleine caressait le temps, le rendant propice aux douceurs de la ville tricentenaire. Je suis arrivé comme toujours sur la pointe des pieds dans cette antre du rêve et de l’évasion. On rentre dans le studio ou l’atelier d’un artiste avec gravité et prudence pour rester fidèle aux égards que l’on doit aux arts, surtout dans un pays qui a vibré au rythme de la créativité dans un passé flamboyant.
Meïssa était au fond de son atelier, comme toujours, au milieu des vestiges des vélos qui égaient les gamins de l’île. Il s’est levé avec la gentillesse habituelle, les yeux qui pétillent et le regard si profond qu’il pénètre les multiples sensibilités de l’âme humaine. Sa voix douce me touche tellement… S’en est suivie une étreinte longue et puissante, comme celles qui disent davantage que les mots et rappellent la préciosité de la relation, ainsi que la profondeur du lien. Les mots de compassion, les échanges de civilités diverses et tendres ornent ces moments. Chez nous, on dit à la personne éplorée de relever la tête, de savoir que l’on partage sa peine, qu’elle est nôtre… Il s’agit des symboles pudiques d’une commune humanité. A la fin de la conversation, nous avons échangé quelques brefs mots sur la volonté de la «dame» de reprendre ce qu’elle considérait être son dû… La niche fabuleuse de Meïssa risquait de disparaître, au profit d’un énième projet immobilier sur l’île merveilleuse. L’art devait à nouveau céder à «l’utile»…
Des mois plus tard, je reviens sur les lieux du crime capitaliste. Cette fois au milieu de l’après-midi, dans une chaleur suffocante qui embrase SaintLouis. Les enfants ne jouaient plus au football dans la rue. Elle était déserte et calme. Quelques passants qui ne s’arrêtaient guère, mais jetaient un regard sur le chantier avant de filer. L’atelier de Meïssa, lieu onirique dont j’ai toujours dit qu’il avait un souffle pasolinien, avait disparu de l’île. Les maçons s’affairaient, gilets jaunes sur le dos, pour composer le requiem de la vie et inscrire de nouvelles lettres au fronton ; ces lettres du béton armé qui désenchantent et défigurent, et effacent. Les marteaux croisent les truelles, l’odeur du ciment agressait l’air. Qu’allaient-ils sortir de terre sur les ruines de tant de souvenirs et de créations ? Les figures qui accouchaient de l’inspiration fondamentale de Meïssa avant de se disséminer partout dans le monde cédaient la place aux ingénieurs du chaos.
C’était attendu, mais j’espérais encore une résistance des arts face à la fatalité du monstre de béton et de fer dont la furie déshumanisait et réduisait les rêves des artistes au silence.
L’atelier de Meïssa est mort. Des années de fertilité et de multiples fantaisies aboutissent au silence brutal devant l’indifférence de tout le monde. Où sont les citoyens de la République des arts ?
Mais la vie est plus intelligente que nous, me disait-on. Ces mots, désormais appartiennent aux reliques d’un temps suspendu, mais dont l’évocation rappelle que le miracle est une possibilité de la vie. Le miracle est même souvent à la lisière des désastres. Quand tout s’est effondré, quand l’espoir s’est anéanti, un surgissement demeure possible. Les personnages de Meïssa Fall reprennent souffle… en face de l’ancien lieu outragé, martyrisé et finalement effacé. Comme pour narguer l’ancienne demeure, une nouvelle émerge sur les décombres d’un monde révolu. Les lieux meurent. Les hommes meurent, mais «la vie l’emportera, l’amour, la créativité, la réforme politique l’emporteront»
L’histoire continue et Meïssa Fall, Ndar Ndar élégant et raffiné, de son antre des rêves, l’observe dérouler son fil.
Par Magaye GAYE
ET SI UNE PARTIE DE LA SOLUTION PASSAIT PAR UNE SUR-TAXATION DES GRANDES ENTREPRISES INSTALLEES LOCALEMENT ?
Les niveaux mirobolants de chiffres d’affaires et de rentabilité annoncés par les grandes entreprises installées au Sénégal ne cessent de m’étonner, surtout au regard des énormes besoins sociaux et de lutte contre la pauvreté.
Le Sénégal fait face à une situation d’endettement critique, un problème qui touche de nombreux pays tant au niveau africain que mondial. Dans ce contexte, il est essentiel de réfléchir à des solutions économiques et sociales justes, capables de rétablir les équilibres macroéconomiques dans le cadre d’un sursaut national de solidarité.
Les niveaux mirobolants de chiffres d’affaires et de rentabilité annoncés par les grandes entreprises installées au Sénégal ne cessent de m’étonner, surtout au regard des énormes besoins sociaux et de lutte contre la pauvreté.
La question est de savoir s’il est admissible, voire tolérable, dans un contexte mondial et national de pauvreté absolue, d’assister à de telles super performances brandies avec ostentation.
Je demeure convaincu que ces gros profits annoncés révèlent des dysfonctionnements dans la manière dont l’économie nationale, sous-régionale et mondiale est dirigée par le capitalisme.
Contrairement à de nombreux économistes du 19ème siècle, nous considérons que l’économie fonctionne comme un système de vases communicants et un jeu à somme nulle.
Si de grosses entreprises, qu’elles soient installées au Sénégal ou ailleurs, parviennent à réaliser de tels super profits, c’est sans doute en raison d’imperfections observées dans le système. Parmi les explications probables, on peut supposer qu’elles ne rémunèrent pas suffisamment les facteurs de production situés en amont (achats de marchandises ou de matières, consommations intermédiaires, salaires, impôts et taxes). Cette anomalie peut également dissimuler des stratégies de facturation inadéquates concernant les prestations fournies aux consommateurs (par exemple, les conditions de crédit appliquées à la clientèle ou les marges réalisées sur le litre de carburant et sur les prix de vente facturés aux officines de pharmacie).
Dans la mesure où ces entreprises utilisent l’infrastructure locale de soutien à l’activité économique, construite grâce aux efforts de la collectivité nationale, il me semble normal qu’en période de difficultés économiques, elles contribuent au sursaut national.
Propositions
Dans le cadre de cette nouvelle dynamique de nos finances publiques axée sur une souveraineté budgétaire affirmée, il est crucial de lever des ressources supplémentaires auprès des grandes entreprises. Voici nos propositions :
1. Instituer un impôt de solidarité et de soutien aux Pme et au secteur informel.
2. Entreprises ciblées : Les grands groupes installés au Sénégal, évoluant dans des secteurs de rente tels que la banque, les télécommunications, l’industrie pharmaceutique, la minoterie, la cimenterie, l’assurance. Les entreprises détentrices de concessions au port et dans les aéroports, les mines et hydrocarbures, ainsi que les sociétés gestionnaires d’autoroutes, de dépôts d’hydrocarbures ; les entreprises actives dans la logistique, le tabac, les jeux, etc.
3. Taux : - Taxe supplémentaire d’1% sur le chiffre d’affaires. - Relèvement temporaire de l’impôt sur les bénéfices à 35, voire 40%, contre 30% actuellement.
4. Durée limitée de cette contribution exceptionnelle à 2 ans.
5. Conditions : - Etudier la faisabilité de la proposition, notamment par rapport au principe d’égalité devant l’impôt.
- Engager des concertations responsables avec les entreprises concernées, qui sont parfaitement conscientes des défis à relever et de leur devoir citoyen.
A moyen terme, il sera nécessaire de mener des réflexions opportunes en vue d’introduire une discrimination fiscale. L’objectif est d’établir au moins trois taux d’imposition, à savoir pour les grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises, et pour le secteur informel.
Cette discrimination est justifiée en ce sens que c’est la fonction financière de l’impôt qui le prévoit. Les impôts à caractère discriminatoire servent à corriger les externalités négatives tout en générant des ressources.
Cette piste a déjà été expérimentée ailleurs
En septembre 2022, le gouvernement russe avait décidé de mettre fiscalement à contribution les entreprises pétrolières et gazières, avec pour objectif de récupérer 628 milliards de roubles dès 2023. Votée en août 2023, une taxe supplémentaire de 10% sur les profits a ainsi été instaurée pour les entreprises réalisant plus de 10 millions de dollars de chiffre d’affaires en Russie, y compris les entreprises étrangères.
En France, la Commission des finances a approuvé, le vendredi 18 octobre dernier, un effort de 8 milliards d’euros demandé aux grandes entreprises en 2025, suivi de 4 milliards en 2026. Dans le détail, la contribution temporaire –d’une durée de deux ans- correspond à 20, 6% de l’impôt sur les sociétés dû pour 2024 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre un milliard et moins de trois milliards d’euros. Pour celles dont le chiffre d’affaires atteint ou dépasse trois milliards d’euros, la contribution s’élève à 41, 2% de cet impôt.
Risques de délocalisation et de frein aux investissements directs étrangers limités
La mesure étant temporaire et s’inscrivant dans une logique de solidarité nationale, elle ne devrait pas avoir de conséquences négatives à court terme pour le Sénégal, en termes de réduction des flux d’investissement. Par ailleurs, le pays présente des atouts certains en termes de stabilité géopolitique, dans un contexte préoccupant d’insécurité sous-régionale.
Sans oublier sa nouvelle posture de producteur de gaz et de pétrole, ainsi que sa gouvernance basée sur la souveraineté et la transparence. Ces considérations étant posées, l’idéal aurait été que la problématique de la participation des grandes entreprises soit traitée au niveau sous-régional de l’Uemoa
Autres compléments d’économie
Les revenus perçus de ces contributions de solidarité devraient être complétés par d’importantes économies potentielles à tirer des chantiers suivants :
- Audit des subventions versées par l’Etat, notamment celles liées à l’importation, afin d’obtenir une meilleure justification de leur bien-fondé économique et d’améliorer la lisibilité des bénéficiaires.
- Audit de la Senelec dans laquelle il existe certainement de nombreuses poches d’économies à réaliser.
- Restructuration de la dette du Sénégal auprès des partenaires financiers, en collaboration avec les autres pays de l’Uemoa, dans le cadre d’un plaidoyer communautaire. Cette demande est devenue un impératif.
Par Bachir FOFANA
CE CINEMA QUI NOUS A VALU TANT DE MORTS
«L’os de Mor Lam» est une pièce de théâtre, un conte à la fois tragique et comique de Birago Diop.. Cette tragicomédie s’est encore jouée, en 2023, au Sénégal avec cette fois Ousmane Sonko en acteur principal
«L’os de Mor Lam» est une pièce de théâtre, un conte à la fois tragique et comique de Birago Diop. Cette pièce met en scène l’histoire de Mor Lam, un homme qui fut enterré vivant à cause de son avarice. Un jour, le village de Mor Lam, alors en manque de viande, reçoit un bœuf en entier. Les villageois l’égorgent et se partagent la viande. Mor Lam reçoit sa part : un os. Pendant que sa femme Awa était en train de le cuisiner, son ami, son plus que frère, son Mbokki mbaar, Moussa lui rendit visite. Envahi par l’odeur de l’os, Moussa décida alors de rester. Il comptait sur l’honneur et l’hospitalité pour se faire inviter. Ne voulant pas partager son os avec son ami Moussa, Mor Lam demanda à sa femme d’annoncer sa mort. Il croyait ainsi que Moussa allait partir, sauf que Moussa décida de rester aux funérailles de son ami. Faisant le mort, Mor Lam fut enterré vivant. Son fidèle ami Moussa épousa la veuve et dégusta l’os. Cette tragicomédie s’est encore jouée, en 2023, au Sénégal avec cette fois Ousmane Sonko en acteur principal, les leaders de l’opposition de l’époque, de la société civile et des médias jouant les seconds rôles, et le peuple sénégalais en figurant abusé et berné.
Tout commence pourtant en mars 2021 quand une jeune fille de 20 ans accuse le leader de Pastef de viol répété et de menaces de mort. Les faits se sont déroulés dans un lupanar (Sweet Beauty) qu’on a voulu présenter comme un lieu de soins thérapeutiques. Après les péripéties de l’instruction (audition où il refuse le test Adn, muet comme une carpe devant la plaignante lors de la confrontation), place au procès. La date retenue, en effet le Mor Lam des temps présents qui s’est entre-temps essayé à tous les langages que ne doit pas tenir un homme politique respectable (Gatsa-Gatsa, trainer le président de la République comme Samuel Doe, Thiooky fin, …) se rend à Ziguinchor pour prendre la population dont il est le premier magistrat comme bouclier humain, après avoir distillé la rumeur d’une arrestation imminente. Tout ça, pour se débiner lâchement et ne pas faire face aux accusations de la jeune fille dans un procès.
La fabrique du mensonge avait tourné à plein régime
Le verdict rendu, le Sénégal connait une vague de violence aussi destructrice que son arrestation en mars 2021. Après avoir été arrêté pour d’autres faits (terrorisme, atteinte contre la sureté de l’Etat, Association de malfaiteurs en lien avec des organisations terroristes,…), Mor Lam qui est incarcéré à la prison de Sébikhotane, entame une grève de la faim. Dans une de nos chroniques sur la chaine «CnmAfrica7» le 25 octobre 2023, nous nous montrions très sceptique sur les informations diffusées sur le malade imaginaire. Nous disions en substance, pointant la responsabilité des médias dans la grande manipulation de Pastef : «Une bonne partie de la presse a repris l’information sur la grève de la faim de Sonko sans prendre le plus élémentaires des précautions de vérification auprès de l’administration pénitentiaire ou de l’hôpital».
En effet, la fabrique du mensonge avait tourné à plein régime. Ses avocats, Ciré Clédor Ly en tête, ameutent l’opinion quand le ministre Ismaila Madior Fall avait informé que Sonko avait été «admis à l’hôpital suite à sa demande». L’avocat s’était même permis d’annoncer le pire : «La déshydratation a provoqué un début d’insuffisance rénale et d’hypoglycémie, du fait de sa diète prolongée»
Les organisations des droits humains et les rentiers de la tension s’y mettent. Alioune Tine, dans un tweet, alerte sur la gravité de la situation d’Ousmane Sonko. «Les informations qui me parviennent de proches de Sonko, de ses avocats et même de médecins sur l’état de santé de Ousmane Sonko sont très préoccupantes et pourraient si des décisions urgentes ne sont pas prises, mettre en danger sa vie. Il faut libérer Sonko et les détenus politiques pendant qu’il est encore temps», faisait-il savoir. Et son acolyte Seydi Gassama de renchérir : «Les nouvelles que nous recevons des avocats et proches des détenus politiques en grève de la faim prolongée sont inquiétantes. Après les nombreux morts par balles lors des manifestations, le pays pourrait connaître des décès de détenus suite à des grèves de la faim», avait-il posté sur son réseau social X (ex-Twitter).
Ceux qui avaient entretenu ce mensonge doivent aujourd’hui des excuses au peuple
Les alliés politiques entrent en jeu, avec d’abord une lettre ouverte demandant l’arrêt de la grève de la faim imaginaire. Non sans entamer une tournée auprès des autorités religieuses pour les sensibiliser sur le cas Sonko. L’on se rappelle leur visite auprès du guide spirituel de la communauté Mouride, qui avait même remis des dattes à Sonko en lui intimant l’ordre d’arrêter sa diète. De retour de l’hôpital, Aida Mbodj, en larmes (de crocodile ?), alerte : «Nous aimerions être éconduits aujourd’hui comme nous le fûmes mardi que de le voir dans cet état. Ousmane Sonko ne peut rien, ne reconnait personne. Nous n’avons même pas pu lui donner les dattes du Khalife général des Mourides. Nous interpellons tout le monde. Si on m’annonce son décès, je ne serais pas surprise». Habib Sy de renchérir Habib Sy : «J’aurais aimé ne pas le voir»
Les épouses de Sonko, sous la houlette de Pape Alé Niang qui agissait plus comme un manipulateur qu’un journaliste, ont également joué leur partition dans ce cinéma. Le Directeur général de la Rts, dans une de ses publications cette semaine sur sa page Facebook, rapportant les propos de Kaccor Bi Le Témoin, s’est pris un malin plaisir à se présenter en professeur de vertu en politique, après avoir été agrégé en manipulation et propagande. Il appelle à la restauration de l’ordre public après avoir été un des grands artisans du chaos de 2021 à 2024. Pour Sonko, il a relayé des mensonges sans gêne et sans scrupule, insulté publiquement nos guides religieux en ces termes : «Les autorités religieuses, censés guider et protéger les valeurs morales, sont complices d’une dérive Avers l’autoritarisme.» Pape Alé peut être amnésique, nous pas !!
L’association «Wa Sanar» qui regroupe les anciens de l’Université Gaston Berger, s’est même fendu d’un «appel pour la préservation de la vie de Ousmane Sonko». Il se trouve malheureusement que tout relevait d’une sordide mascarade ; l’acteur principal ayant passé aux aveux. Sans gêne, il avoue avoir tout orchestré dans le seul but de se soustraire à la justice.
Ce cinéma de Sonko est la cause de la mort de plus de 80 personnes (selon le décompte de Pastef), de la mutilation d’énormément de personnes, de la destruction de la Bibliothèque universitaire, de la Faculté de Droit, du Cesti, d’une centaine d’édifices publics, de la destruction de nombreux biens privés, de la mise en chômage de beaucoup de travailleurs, de la dégradation de l’image du Sénégal à l’international… Acteurs politiques, membres de la société civile, universitaires, journalistes, chroniqueurs qui avaient entretenu ce mensonge, doivent aujourd’hui des excuses au peuple Sénégalais. Abdoulaye Wade a toujours dit qu’il ne marcherait pas «sur des cadavres pour accéder au pouvoir». Ousmane Sonko pourrait-il le dire ?
PS: Des citoyens Sénégalais ont mis en place une plate-forme dénommée Devoirs, Démocratie et Liberté (2DL). Votre serviteur en fait partie, de même que le chroniqueur Ameth Ndoye. Ce dernier a été interpellé à la fin de la conférence de presse de présentation de la plate-forme. Il a été immédiatement placé en garde à vue. C’est le lieu de lui apporter tout notre soutien face ce qui semble être une tentative de museler l’opposition et les acteurs de la presse.
Par Fadel DIA
LE MONDE A VAU-L’EAU, OU QUAND LA RAISON DU PLUS FORT…
Il y a dans le monde un bout de terre d’une demi-douzaine de kilomètres de large sur 40 de long, sans armée, sans ouverture sur l’extérieur et qui, depuis plus d’un an, reçoit sans arrêt des bombardements, de nuit comme de jour.
Il y a dans le monde un bout de terre d’une demi-douzaine de kilomètres de large sur 40 de long, sans armée, sans ouverture sur l’extérieur et qui, depuis plus d’un an, reçoit sans arrêt des bombardements, de nuit comme de jour. Ces bombardements y ont tué 1000 personnes en moyenne chaque semaine, fait dix fois plus de blessés, dont certains, souvent des enfants, handicapés à vie.
C’est un territoire sans eau, sans électricité, où les écoles et les hôpitaux ont été détruits, où les populations sont volontairement réduites à la famine et maintenues prisonnières à ciel ouvert. Ce qui se passe à Gaza depuis un an, car c’est bien de Gaza qu’il s’agit, est tout simplement indigne de notre humanité, c’est le plus grand massacre de populations civiles par une armée étrangère que le monde ait connu en temps de paix depuis la dernière guerre mondiale…
Dans toute autre région du monde, les voisins d’un territoire qui aurait subi un tel martyr, ses « proches parents » comme on dirait chez nous, se seraient mobilisés pour le défendre, au prix de leur vie, mais dans le cas de Gaza, ils se bouchent les yeux et les oreilles, aucun pays arabe n’a remis en cause les accords signés avec son agresseur et comme s’il ne se passait rien à leurs portes, ils festoient, car beaucoup d’entre eux sont devenus les lieux de débauche et les terrains de jeu des pays qui soutiennent et arment les responsables de ce massacre. Pendant que les Gazaouis agonisent, leur voisin le plus puissant, l’Arabie Saoudite, organise des réjouissances hors normes, comme le Six Kings Slam, tournoi d’exhibition de tennis auquel sont conviés de vieux chevaux de retour et doté de primes vertigineuses, bien au-delà de celles du Grand Chelem, dans un pays qui ne compte aucun joueur de classe internationale (4 milliards CFA pour le vainqueur,1 milliard minimum pour chaque participant) ou un autre gala aussi dispendieux ,un combat de MMA, une discipline non reconnue aux JO, critiquée par sa violence et qui sert de fanion à beaucoup de suprémacistes blancs !
Il y a dans le monde, un homme qui est candidat à l’élection présidentielle de la nation la plus puissante, la plus riche, la plus développée dans tous les domaines, la plus influente, et cet homme est considéré dans le monde entier comme une brute inculte, un homme grossier, outrancier et vulgaire, qui ment à toutes les occasions, qui est poursuivi pour fraude fiscale et dans des affaires de mœurs, un misogyne à la rhétorique raciste, un fasciste anti humaniste et anti démocrate puisqu’il annonce déjà qu’il ne reconnaitra les résultats des élections que s’ils lui sont favorables. Cet homme représente une menace pour la paix dans le monde et la sauvegarde de notre environnement.
Si un homme de cet acabit se présentait à une élection présidentielle en Afrique, dans ce que lui-même considère comme des pays de m…, car l’essentiel de son vocabulaire est composé de mots de ce genre, il y aurait partout une levée de boucliers et les « Grandes Puissances » n’hésiteraient pas à s’immiscer dans les affaires internes de ce pays et à le menacer de sanctions et de boycott, au cas où il accorderait sa confiance à cet horrible monstre.
Pourtant si Donald Trump, car il s’agit de lui, est élu, et il peut l’être, il sera accueilli avec tous les honneurs dans les pays qui se sont érigés en gardien de la démocratie et de l’humanisme dans le monde. On déroulerait le tapis rouge sous ses pieds tout en sachant qu’il les souillerait de ses chaussures maculées de boues et d’insultes !
Il y a dans le monde des nations dont la prospérité a longtemps reposé sur l’exploitation des richesses et de la main-d’œuvre d’autres pays qu’elles avaient autrefois conquis et occupés et dont elles avaient quelquefois exterminé les populations pour s’installer sur leurs terres. Elles ont, à une époque plus récente, fait appel aux forces vives de ces mêmes pays pour assurer la défense de leurs frontières ou préserver leur liberté, ou encore pour exercer des emplois pénibles dont leurs populations ne voulaient plus. Aujourd’hui l’Europe, car il s’agit d’elle, construit des murs pour arrêter le flot d’immigrés qui fuient leurs pays pour échapper à la misère ou à la guerre et la lutte contre ce qui est, aux yeux de ses dirigeants, le seul fléau qui menace leur bien-être, le seul thème sur lequel ceux-ci s’accordent. Alors ils votent à tour de bras des lois anti immigration de plus en plus coercitives (plus de 30 en France sous la Ve République !), ils interdisent à leurs navires de prêter secours aux naufragés, ils condamnent des gens pour délit d’assistance humanitaire, ils sous traitent les immigrés comme s’il s’agissait de vulgaires marchandises ! Et comme il est difficile de se défaire de ses mauvaises habitudes, ils continuent à nous faire des leçons de morale !
Il y a dans le monde, un pays qui tire sur tout ce qui bouge, et même sur ce qui ne bouge pas puisqu’il tire sur les mosquées, les hôpitaux et les écoles, les abris de réfugiés, les usines et les ateliers et jusqu’aux dépôts d’archives. Dans les douze mois qui viennent de s’écouler il a bombardé quatre capitales étrangères, un peu comme si le Sénégal, après avoir mitraillé Banjul puis Bissau, bombardait Monrovia et Niamey. Il a fait ce que peu de pays ont osé faire : il a mitraillé les Casques Bleus de l’ONU. En tirant sur la Finul, force d’interposition et de paix, Israël, a commis une forme de parricide car ce n’est pas la Bible qui l’a créé mais l’Assemblée Générale des NationsUnies, comme l’ont reconnu ses premiers dirigeants en proclamant son indépendance.
Je ne suis pas Mme Soleil, mais je crois bien que c’est parce que les hommes ont perdu le réflexe de l’indignation face à l’injustice et que leur règle c’est désormais le deux poids deux mesures, que la nature a piqué une sainte colère. Jamais de mémoire de météorologue elle ne s’était montrée aussi capricieuse et imprévisible puisque partout dans le monde se succèdent des catastrophes naturelles hors normes, typhons, inondations, raz de marée…
Pourtant quand la nature parle, il faut prendre les choses au sérieux, elle était déjà passée à l’acte en rayant les dinosaures de la surface de la terre !
par Thierno Alassane Sall
PAUVRE DIOMAYE
Après avoir été l'exécutant de son Premier ministre sur la dissolution de l’Assemblée, le président est maintenant sommé de se renier une nouvelle fois devant les Sénégalais, après la nomination de Samba Ndiaye
Après avoir été l'exécutant de son Premier ministre sur la dissolution de l’Assemblée nationale, le président Diomaye est maintenant sommé de se renier une nouvelle fois devant les Sénégalais, après la nomination de Samba Ndiaye, pourtant membre de la coalition Diomaye Président.
Qui pour croire à une vague d'indignation spontanée qui viendrait des militants de base outrés, et non à une cabale montée par des voix autorisées de la Pastefie. Ces mêmes voix étaient muettes devant des nominations autrement plus scandaleuses et d'autres ralliements bien plus honteux. Où étaient ces "indignés de la 25e heure" lors des nominations de présumés trafiquants de visa, des personnalités impliquées par des rapports de l’IGE ? Ou encore de ceux qui désertent les listes de l'opposition et appellent à voter pour le régime à trois jours de la campagne ?
Diomaye, en agissant enfin comme un président sans consulter son mentor, s’est attiré un rappel à l’ordre public. Une humiliation inutile, si tant est qu’il accepte de se plier.
Où va la République ?
Par Makkane
DANGER CLAIR ET PRÉSENT
Installé dans la logique d'intimidation des citoyens exerçant leur liberté d'expression, le gouvernement Sonko ne rassure pas sur le chapitre de la gouvernance transparente, inclusive
S'il ne dépendait que des politiciens sans doute, la flamme du patriotisme et la démocratie qui gêne leurs accointances accoutumées aux combinaisons de la compromission et de la trahison eût été bien vite éteinte.
Mais la vigilance citoyenne des organisations de la société civile, les femmes et les jeunes se dressent en rempart, ne cessant pas d'entretenir et d'aviver la vigilance collective par l'observation attentive, active et résolue d'une population facile à embobiner, également prompte à se ressaisir.
Triste, le populisme a de beaux jours devant lui.
Mais il y a plus grave que le populisme, c'est le séparatisme. La trahison éhontée du sieur Déthié Fall, surnommé "Gathié" Fall sur les réseaux sociaux est la forfaiture la plus récente qui interpelle sur la problématique de l'éthique dans l'action politique.
L'histoire du Sénégal est émaillée de ces revirements spectaculaires, les reniements outrageants, ôtant à l'art de la gestion de la cité toute sa noblesse.
En 1968, Doudou Ngom arrimait le mouvement syndical au char du gouvernement pour un strapontin ministériel au nom de la "participation responsable" concoctée par notre poète-président.
Il y avait naguère une formalité à l'action par la théorie. Mais aujourd'hui, c'est seulement du " mbeukk rideau". Rires !
La rue des illicitement nantis, adeptes du gain facile vers les nouveaux locataires du pouvoir n'étonnent guère les Sénégalais désabusés, habitués qu'ils sont aux turpitudes d'une classe frauduleuse et parasitaire de la société, obligée de prêter allégeance à tous les corrompus soucieux de se maintenir par un système huilé de la concussion et de la dépravation.
La richesse de notre société est avant tout constituée d'un ensemble de valeurs immatérielles, des codes de conduite, non écrits, intériorisés dans la conscience collective. Lorsque ces valeurs se déprécient, c'est comme si les vannes des barrages cédaient sous la poussée de la puissance des courants de l'opulence mal distribuée, du trop plein mal géré.
Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'un ingénieur procède au lâchage des eaux qui devraient servir au développement.
La société sénégalaise oscille, proche d'un précipice car les partis politiques ont depuis longtemps atteint leurs limites. Notre loi fondamentale, la Constitution, doit être revue en ses termes de représentation nationale.
Le mode de fonctionnement des partis politiques est anti-démocratique, ils sont des facteurs de corruption, puisque leurs dirigeants ne peuvent pas respecter leurs engagements auprès des électeurs et ne peuvent justifier le financement de leurs activités. L'agitation est le seul fonds de commerce. Les situations d'urgence pour les secours sont sujettes aux discours démagogiques, les consensus durables sont impossibles du fait de la permanence des compétitions électorales.
Il s'en suit une dégringolade de la toiture humaine, l'éclatement des fondements de l'édifice. Le Sénégal en est arrivé là. Les sages maîtres sont défiés par leurs disciples immatures, les aînés pacifiques sont déshérités par les cadets extravagants, les employés de l'État décident des dates d'ouverture des classes et les insulteurs publics sont porteurs de voix.
Autour des situations concrètes, les démarches rationnelles et scientifiques sont rangées derrière les émotions et les potions distillées par les prédicateurs-chroniques.
Les actes de violence et la dissimulation ont porté le bonheur au sieur Ousmane Sonko devenu Premier ministre. Le culte de l'occulte et la fabulation agressive sont en train de devenir un mode opératoire accepté, ancré pour réussir en politique. L'ex-fonctionnaire radié, présomption violeur, reconnu coupable de corruption de la jeunesse est aux manettes.
Il n'est pas élu du peuple, mais il s'est approprié des prérogatives non conformes au régime présidentiel consacré par la Constitution de notre pays. Par le jeu de la manipulation et la mobilisation de ses inconditionnels chauffés à blanc, il est parvenu à isoler et réduire l'influence du chef de l'État, à son profit personnel.
Si ce n'était pas la nature des forces cachées derrière cette nébuleuse pastefienne victorieuse, acceptant son droit au peuple de se tromper, nous laisserions Sonko et compagnie se dérouler jusqu'au prochain scrutin.
Aujourd'hui rien n'indique que cette forme d'État unitaire et républicain que nous chérissons tant survivra jusqu'à cette date au regard de la tendance pernicieuse de déconstruction en cours.
Les attaques répétées à l'endroit de la presse libre et des leaders d'opinions, la banalisation des institutions religieuses et la répression de l'opposition, sont autant de signes d'intolérance annonciateurs du déclin progressif de la démocratie.
Tout ceci pouvait encore être rangé sur le registre d'un déficit de culture étatique lié au noviciat du début de la période d'apprentissage si les corps constitués que sont l'armée et la justice n'étaient pas mêlés à l'empressement destructeur.
Nos vaillantes et loyales forces de défense et de sécurité ont consenti des sacrifices énormes pour le maintien de l'intégrité territoriale de notre pays, au prix de nombreuses pertes humaines et matérielles.
N'est-ce pas une haute trahison à vouloir faire reculer ces acquis pour la pacification des zones de conflits ? Le silence des chacals depuis sept mois après qu'ils aient descendu les couleurs nationales dans certaines écoles du sud ne pouvait pas être ignoré par les citoyens consciencieux.
Est-ce un hasard de calendrier ou suivi d'agenda, la cérémonie avortée de dédicace au plein cœur de la capitale d’un ouvrage pro-MFDC ? Les démocrates sincères souhaitaient se tromper sur les allégations de connivence Pastef-rebellion, mais les actes posés commencent à éveiller les soupçons légitimes.
Installé dans la logique d'intimidation des citoyens exerçant leur liberté d'expression, le gouvernement Sonko ne rassure pas sur le chapitre de la gouvernance transparente, inclusive. S'il veut bâillonner les Sénégalais, ce sera alors au prix d'un sacrifice plus élevé que celui consenti pour l'accession au pouvoir.
Le danger est clair et présent, le président Diomaye Faye que nous pouvons créditer de bonne foi puisqu'il a prêté serment devant Dieu et la Nation pour la défense de l'intégrité territoriale et l'unité nationale est appelée à la rencontre avec son destin solitaire, solidaire des armées dont il est le chef.
Par El Hadji Moustapha DIOP
REGARDS D’UN ANCIEN SUR LA MARCHE DE L’AGRICULTURE ET SUGGESTIONS DIVERSES
Mon souhait unique est de partir de mon expérience de près d’un demi-siècle (48 ans exactement), passée dans deux instituts de recherches, notamment Irho (Institut de recherches pour les huiles et oléagineux) 1965-1974 et Isra 1974-2013
Mon souhait unique est de partir de mon expérience de près d’un demi-siècle (48 ans exactement), passée dans deux instituts de recherches, notamment Irho (Institut de recherches pour les huiles et oléagineux) 1965-1974 et Isra (Institut sénégalais de recherches agricoles) 1974-2013, pour proposer les nouvelles orientations qui me semblent plus à même d’apporter des avancées significatives au secteur agricole.
Durant ma carrière où j’ai dirigé pendant trente années une station de recherches, dès la création de l’Isra, j’ai particulièrement apporté au secteur semencier, auquel je me suis par la suite spécialisé des avancées telles :
• La production de l’essentiel des semences de pré-base d’arachide nécessaire pour la reconstitution de son capital semencier de 1997 à 2013 ;
• La production des semences de premiers niveaux de riz pour la région du fleuve ; ainsi que celles de la région sud durant toute la crise casamançaise, pour la même période ;
• L’introduction de 10 variétés de blé depuis le Royaume du Maroc, suivie de leurs tests d’adaptation agronomique, de 2001 à 2013 ;
• La mise sur pied et le fonctionnement, de 1983 à 1989, d’une ferme de 150 ha (Serpa), irriguée par pivomatic à Louga dont le promoteur était feu El Hadji Djily Mbaye ;
• La participation en qualité d’expert à l’opération Semir (Semences irriguées) initiée par la Sonagraines en 1996 pour la multiplication de semences d’arachide dans le delta et la moyenne vallée du fleuve Sénégal
• La conduite en qualité d’expert désigné par l’Isra du programme Suneor de multiplication de semences d’arachide d’origines américaine et chinoise au niveau des grands périmètres irrigués de la vallée du fleuve et de la zone de Keur Momar Sarr (2008) ;
• L’introduction directe des semences de pré-base dans les exploitations des gros producteurs, des khalifes généraux, grands marabouts agriculteurs pour sécuriser les semences de base et accélérer la reconstitution du capital semencier ;
• La production de semences de pré-base d’espèces diverses : oignon, piment, jaxatu, maïs, niébé fourrager et grain, sésame ;
• La coordination d’un groupe pluridisciplinaire chargé par le ministère de l’Agriculture de la valorisation des résultats de la recherche en milieu paysan, au niveau de 5 régions : Thiès, Diourbel, Kaolack Fatick et Louga ;
• L’élaboration de guides pratiques de production pour différentes espèces cultivées, à l’attention des grandes sociétés, des formateurs et des agriculteurs de pointe ;
• Formation d’agents de sociétés nationales de développement agricole, d’Ong, de privés et de contrôleurs semenciers, etc.
En guise de reconnaissance et de sanction positive, les autorités ont décidé d’ériger la station expérimentale de Ndiol (mon principal centre d’activités) comme vitrine de l’institut et en la baptisant : «Station Serigne Moustapha Bassirou Mbacké», grand marabout et entrepreneur agricole, frère aîné de l’actuel Khalife général des Mourides. (9 septembre 2008- Google).
DIAGNOSTIC DES GRANDES FILIERES AGRICOLES ET PISTES POSSIBLES D’AMELIORATION
L’arachide : une filière arachidière aux résultats mitigé
Malgré une longue présence au Sénégal, cette culture atteint rarement des performances satisfaisantes. Plusieurs explications pourraient être évoquées :
*Les besoins réels en eau des différentes variétés restent toujours insatisfaits sous pluie stricte (bassin arachidier) ;
*Les lots de semences sont le plus souvent des mélanges de variétés dégénérées, de cycles différents. Ils sont dans l’impossibilité d’atteindre les densités requises pouvant donner un rendement payant : celui-ci étant déterminé d’abord par le nombre de pieds (densité/ha) et leur rendement individuel ;
*L’absence réelle d’un capital semencier suffisant et organisé, suivant les législations en vigueur et les règlements techniques particuliers de l’arachide.
L’Isra, qui est l’unique obtenteur et détenteur de l’espèce, n’a pas tous les moyens de satisfaire la demande en pré-base, malgré l’existence de son service semencier. Il se contente de produire les deux premières générations qui sont toujours de faible quantité, en station, pour ensuite se tourner vers de grands exploitants privés, mieux équipés. Ceci, pour pouvoir produire la génération 3 qui est la semence de départ vers l’exécution du programme national semencier.
Les acteurs de ce programme, après l’Isra, sont les privés semenciers agréés et contrôlés par la Division des semences. Les activités de chacun de ces 2 groupes sont soumises à l’application stricte du règlement C/REG.4/05/2008, portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’espace Cedeao.
Malheureusement, il y a à la fois à déplorer l’absence d’un encadrement technique rapproché et de contrôleurs au champ officiellement reconnus. Seule la région du fleuve compte une présence véritable de contrôleurs privés semenciers agréés. Ces derniers étaient destinés à la filière riz au départ, mais ont fini par élargir leur champ d’activité aux nouvelles cultures telles que l’arachide qui y prend place petit à petit, sous l’impulsion de l’Isra.
C’est d’ailleurs dans cette zone que les rendements de l’arachide ont atteint des niveaux de rendement de loin supérieurs à ceux prévus par les fiches techniques pour l’ensemble des variétés homologuées. Sur fleur 11 par exemple, le rendement a été même triplé : 6 t/ha, avec un poids aux 100 gousses augmenté de 11 grammes et un rendement au décorticage de l’ordre de 65%.
L’arachide a réellement changé de comportement dans les conditions irriguées du fleuve. Voilà pourquoi la région devrait jouer le rôle de zone de sécurité pour la multiplication de toutes les semences de base, en laissant au bassin arachidier dont le régime hydrique est aléatoire, les niveaux R1, R2 et suivants. Mon article du 31 mars 2018, sur Google (écrit en période de difficultés d’écoulement de la production), intitulé : «Pourquoi l’arachide du Sénégal ne se vend pas», donne plus d’éclairages sur le sujet.
La riziculture, futur levier de la souveraineté alimentaire ?
Il demeure depuis toujours le produit alimentaire le plus importé. Son autosuffisance ne sera possible qu’après une profonde réorganisation de l’ensemble du système de production.
• Amélioration de la qualité des aménagements, baisse de leur coût, ainsi que celui de l’irrigation. La pratique d’une irrigation par déversement devrait être étudiée partout où c’est possible. Les régions de Pavia et de Vercelli, en Italie, premiers producteurs de riz d’Europe, utilisent cette technique depuis l’aube des temps (Voir dans le net mon article intitulé «Autosuffisance en riz en 2017, par devoir d’éclairage : El-Hadji Moustapha Diop : novembre 2014»).
• Reprofilage des cours d’eau, accompagné de la suppression des adventices envahissantes pour en optimiser les débits, souvent insuffisants à des moments cruciaux (exemple récent de Diawel).
• Mettre le paquet pour renforcer les capacités de l’ensemble des producteurs de la moyenne et de la haute vallée, de loin moins performants que ceux du delta. L’île à Morphil, qui fait 1250 km2, sur une longueur de 200 km, pourrait en même temps sortir de son extrême pauvreté, inexplicable.
• Révision du nombre pléthorique de variétés homologuées en circulation. En décembre 2017, l’Isra homologuait 15 nouvelles variétés, alors qu’il en existait déjà trente disponibles. Ceci, loin d’aider à l’atteinte de l’autosuffisance en riz, comme d’aucuns pourraient le penser, ne fait que compliquer les choix et contrôles à tous les niveaux. Quel est le semencier qui peut faire la différence entre 45 variétés de riz, chacune avec ses propres caractéristiques déterminées par la génétique ?
Cette prolifération de variétés nécessite des arbitrages raisonnés pour des choix plus opérationnels.
L’oignon : un exemple de réforme à engager pour une agriculture sénégalaise compétitive
Cette culture dont l’écoulement et la conservation posent le plus de difficultés à l’Etat, aux commerçants et aux producteurs. La source du problème provient essentiellement de la qualité des semences utilisées.
L’oignon est une culture bisannuelle, qui comprend 2 phases.
An 1 : Une semence certifiée de pré-base (matériel de l’obtenteur) est plantée en vue d’obtenir des bulbes mères matures, qui sont ensuite triés suivant leur forme, taille, coloration et nature, après élimination totale de tous ceux qui sont montés en fleurs. Le lot obtenu (semence de base) est conservé en séchoir ou par d’autres moyens jusqu’à la saison suivante de production.
An 2 : Les bulbes mères sont plantés pour monter en fleurs et produire uniquement des semences de base. La poursuite du même processus mènera aux semences standards qui limitent le processus de certification légale. Les semences standards sont utilisées pour la grande production destinée à la consommation.
Seul ce processus peut permettre l’obtention d’un oignon de consommation identique à celui de l’importation
L’inaptitude à la conservation des oignons du Sénégal vient de la montée systématique de la culture en fleurs, alors que le phénomène ne doit pas dépasser les 15%. Ces fleurs sont portées par une hampe florale sortie du cœur des bulbes où elle laisse une galerie centrale. Cette «plaie» est la porte d’entrée de l’humidité et des bactéries. C’est ainsi qu’on remarque chaque année une aggravation des pertes par pourrissement dès la montée de l’hygrométrie de l’air (début d’hivernage).
Comprenons définitivement qu’un produit d’une telle mauvaise qualité ne peut être conservé par aucun moyen, même par les chambres froides qu’on évoque souvent. Les producteurs professionnels sont nombreux au Sénégal à mettre sur le marché des oignons répondant aux normes (Sénéguindia, Scl, Socas, projet de Diobass, qui a même exporté en Europe, etc.).
La solution passera nécessairement par une réorganisation profonde du secteur où on observe :
Un vide causé par le manque de moyens de l’Isra pour produire les pré-base de violet de Galmi, la principale variété cultivée au Sénégal. Par ricochet, son autoproduction a entraîné la dégénérescence de la variété, qui explique les difficultés actuelles.
La place laissée a créé une affluence d’importateurs semenciers privés qui introduisent de façon anarchique toutes sortes de matériel végétal, vendu à des prix exorbitants. L’introduction incontrôlée de ces variétés est souvent à l’origine de la venue de maladies et de divers parasites (mouche blanche, cochenille farineuse, pucerons sur le niébé, etc.).
A ce stade, le service semencier est officiellement mandaté pour faire appliquer le décret 97-602 instituant un catalogue des espèces et variétés de plantes cultivées au Sénégal, ainsi que le décret 97-616 portant réglementation de la production, de la certification et du commerce des semences et plants.
Cette réglementation a été renforcée par le règlement Cedeao cité plus haut. La résolution de ces difficultés pourra à terme arriver à l’émergence de producteurs professionnels, dans un circuit bien organisé.
En définitive, il y a une nécessité d’un meilleur éclairage des décideurs afin d’engager des réformes structurelles et basées sur des évidences scientifiques
Le Sénégal possède un Institut de recherches (Isra), qui est le prolongement direct des anciens instituts français depuis 1923 (Cnra de Bambey). Ces instituts (Irat, Irho, Irct) ont conçu l’essentiel des programmes de développement agricole de l’Afrique de l’Ouest à partir du Sénégal.
L’Isra lui-même est devenu cinquantenaire depuis cette année. C’est dire que le pays peut être fier de son organe de recherche, qui a mis au point de nombreuses technologies de pointe capables de booster le développement national de façon significative.
Malheureusement, ces connaissances sont insuffisamment valorisées, pour ne pas dire sont restées dans les tiroirs. Les sociétés de développement et autres acteurs qui devaient transférer les acquis n’en sont pas suffisamment informés, mais développent des stratégies purement maison dans un cadre d’appui-conseil, de renforcement de capacités, etc. Recommandés par les institutions de Bretton Woods… Si pour la campagne agricole 1965- 1966, le pays a obtenu une production contrôlée (et non surestimée comme actuellement) d’1 million de tonnes, c’est parce que derrière se trouvait une bonne organisation qui liait solidement la recherche, la vulgarisation et le producteur. Les sociétés de vulgarisation (Satec, puis Sodeva) étaient arrimées à la recherche et traduisaient en thèmes digestibles les acquis de la recherche. Si après toutes ces années de progrès scientifiques réalisés, le monde rural continue encore à chercher sa voie, le constat implique obligatoirement des réformes. Ces réformes s’avèrent nécessaires au vu de la conception ou de la réalisation de projets très coûteux, sans véritable maîtrise ou même vision prospective :
On peut citer les deux grands projets agricoles étatiques de Keur Momar installés non loin de l’ancienne ferme israélienne qui a fini par disparaître pour cause de salinité des sols.
Les mêmes causes y sont en train de produire les mêmes effets. L’eau du lac est chargée en chlorures provenant du drainage des parcelles de canne à sucre de la Css, cultivées sur des sols salés. Les concentrations suivent un gradient nord-sud et varient avec l’évaporation. «Gogels & Gac : 1986.» La Sepam (Société d’exportation de fruits et légumes), qui possédait deux grandes exploitations dans la zone, a fini à l’abandon.
Dans la même veine, on peut déjà s’inquiéter de la plantation de manguiers à Touba, alimentée par des forages dont la qualité de l’eau est affectée par un taux de salinité supérieur à 2000 mg/l. C’est seulement vers la partie est (Touba-bogo) qu’on trouve une meilleure qualité, avec des taux de 650 mg/l. (source : Ecole supérieure polytechnique/Dpt Génie civil «Projet de fin d’études : M. Ndiaye & S. Ngom-2006».
Le problème est posé si on sait que le manguier est sensible à l’accumulation de sel et qu’une teneur supérieure à 1200ppm entraîne des symptômes menant vers la mortalité. L’inexistence de plantation de manguiers dans la ville sainte, qui pourtant compte 42 forages et une gratuité de l’eau, devait être source de questionnements.
La plus grande difficulté des périmètres irrigués par les forages captés dans le maestrichtien est la gestion de l’irrigation à partir d’une eau chargée. Dans les régions de Kaolack, Fatick et Diourbel, cette nappe renferme de l’eau salée et/ou fluorée, avec une teneur en chlorure variant entre 750 et 3500mg/l.
C’est ainsi que même avec une concentration d’1g/l, si on apporte 2000 m3 dans l’année (soit 5 à 6 mm/jour), on provoque une accumulation de 2 tonnes de sel par hectare. Voilà la raison qui fait que beaucoup d’exploitations agricoles initiées par l’Etat (plus particulièrement celles irriguées par aspersion) ont périclité dès leurs premières années de fonctionnement. Il y a déjà une douzaine d’années, il m’avait été demandé d’installer des parcelles de production de semences de pré-base dans certains de ces périmètres. Mais une simple visite des lieux m’a immédiatement fait reculer et abandonner l’idée.
Des groupes différents : «Le Maroc, qui l’a réussi avec l’ensemble Inra/Sonacos, nous fournit des fruits et légumes frais au quotidien. De nombreux autres exemples d’approches inopérantes, toujours coûteuses, pourraient être évoqués. Voilà pourquoi une grande unité d’action susceptible de garantir la réussite de l’objectif final doit être pensée, car si l’on veut faire du concret, si l’on veut faire du vrai, il faut pouvoir faire travailler ensemble des groupes différents.»
El Hadji Moustapha DIOP
Spécialiste en semences et productions végétales
Alors que le Nord et l'Est du pays sont submergés par les eaux, le Premier ministre préfère orchestrer son show à Dakar Arena, niant la gravité des inondations et inventant des secours fantômes
J’aurais pu ne pas écrire une seule ligne de cette chronique du jour et partager de nouveau un papier d’octobre 2023 qui s’intitulait «L’enfant gâté de la République et son univers dystopique». Ousmane Sonko, en se présentant devant ses ouailles et partisans pour chauffer à blanc une meute politique et préparer du bétail électoral pour lui confier pieds et mains liés la majorité à l’Assemblée nationale, au moment où une partie de nos compatriotes voyait au Nord et à l’Est tous leurs espoirs noyés dans les eaux, s’est illustré en parfait scénariste de réalités alternatives. Il a commencé à réfuter les inondations à Bakel avec le débordement du fleuve Sénégal, et a poussé le vice jusqu’à confier que des vivres en quantité et l’assistance nécessaire étaient déjà distribués dans les zones sinistrées. La spontanéité des réseaux sociaux aidant, des vidéos de populations sinistrées étaient montées dans la foulée de son intervention, avec en fond sonore son discours. De la tragédie en cours de Bakel à Podor, en passant par Matam, Tambacounda et Kédougou, il dira qu’elle a sûrement des origines criminelles avec des investigations menées pour identifier les fautifs. On ne peut pas faire pire dans l’insensibilité et surtout la désinvolture, à une station aussi importante de l’appareil d’Etat.
Dans la chronique que j’évoquais plus haut, je disais ce qui suit : «Depuis mars 2021, consécration par la violence aveugle de notre glissement en tant que société dans une séquence folle qui est le fruit d’un activisme sans limite d’entrepreneurs politiques, d’une passivité coupable et criminelle des services d’Etat et d’une abdication de la pensée critique chez les faiseurs d’opinions (intellectuels et médias) pour laisser place à la partisannerie primaire, l’absurde a pris le dessus sur tout. Le Sénégal ressemble au bout du compte à un univers dystopique où tout marche à l’envers. Rien de ce qui devrait se passer dans un pays normal ne s’effectue maintenant dans les règles de l’art. Les agressions contre la Justice dont certains magistrats «encartés» s’accommodent, ou les flagrants partis-pris dans la presse à la cause d’un homme qui devrait être poursuivi pour trahison et désigné ennemi domestique, après tous les actes qu’il a posés pour fragiliser la République, ont de quoi nous pousser à nous pincer pour nous sortir de ce fichu cauchemar. J’irai plus loin en disant que nous nous trouvons tous prisonniers d’une dystopie dont Ousmane Sonko est le metteur en scène. Il aura voulu par tous les moyens se faire roi, en usant de tous les stratagèmes, pour finir par se rendre omniprésent dans le débat public. Et cela, dans toutes les postures incongrues possibles. Il se sera imposé comme un Léviathan des consciences, une sorte de Big Brother boulimique quémandant sympathie et attention partout, en faisant de l’opinion le relais privilégié de toutes ses viles ruses. Beaucoup de monde, par mimétisme et effet d’entraînement, s’accommodent de tous ses caprices, pardonnent tous les abus à sa meute, se courbent face au poids de l’insolence de ses soutiens.»
Je ne pensais pas si bien dire, car Ousmane Sonko himself confessera à ses partisans lors de son meeting du 19 octobre 2024, qu’il n’a jamais été malade pour plonger dans un état comateux, encore moins à l’article de la mort lors de son internement au Pavillon spécial de l’hôpital Principal de Dakar. Il faudrait peut-être penser à rembobiner tous les événements qui se sont passés dans cette terrible fenêtre et voir ce qui était vrai et ce qui reposait d’une comédie tragique. De façon bancale, il dira qu’il aura usé de ruses pour gagner du temps et de stratagèmes pour contrer un pouvoir qui voulait sa peau. Après tous les dégâts, toute l’indignation et tous les troubles qui sont nés de la maladie imaginaire du patriote en chef et toutes les péripéties qui ont entouré sa détention, on est en droit de se dire que cet homme n’a jamais respecté ses compatriotes, et encore moins ses militants. Le lot de morts, les vies détruites dans le sillage de ses démêlés avec la Justice, la manipulation des masses et élites politico-religieuses, tout cela aura contribué à paver un chemin royal pour accéder au pouvoir et continuer tel un ogre à exister dans l’espace public. Je lui concéderai une finesse maligne pour berner autant de monde et les embarquer de façon aveugle dans sa cause pour endosser tous ses dires, au point de se battre corps et âme contre toute personne qui y opposera une pensée contraire ou une lecture lucide. Les interventions alarmistes de plusieurs personnalités politiques, de la Société civile et des médias sont encore fraîches dans nos mémoires. Les «requiems» à coup de chaudes larmes pour sensibiliser les chefs religieux sont assez drôles quand on les regarde aujourd’hui avec du recul et les révélations du principal intéressé.
Une connaissance avec laquelle j’ai eu des échanges musclés et rompu les liens à la suite de mes chroniques sur la maladie imaginaire du chef du parti Pastef et de sa logique d’entraîner les Sénégalais dans des réalités alternatives, m’a écrit suite aux confessions du tout-puissant Ousmane. Il aura l’honnêteté de ravaler sa fierté et de dire qu’il aura été dupé par un politique pour qui il nourrissait de l’affection, et s’offusquait à ce que toute une machine d’Etat soit mise en branle pour lui faire souffrir le martyre. Je me rappellerai qu’il m’avait maudit à l’époque en me disant que j’aurai la mort de son héros sur ma conscience et que mes mains seront tachées de sang. Il est ridicule de voir à quel point le jeu d’un politique qui n’hésite devant rien pour atteindre ses buts peut impacter sur des relations humaines au point où nous devenons des adversaires, voire des ennemis, prompts à prêter à autrui les pires intentions. Cela, du moment qu’on ne partage pas les mêmes opinions. Je reste pour ma part très à l’aise sur tout ce que j’ai pu dire et analyser sur Ousmane Sonko. Déconstruire les faits politiques et gestes populistes, je m’en donne à cœur joie, et avec Sonko, il y a de la matière. Le temps, qui reste le meilleur des juges, rétablira tout le monde dans sa vérité. Ce qui est doux avec le metteur en scène de la dystopie ayant cours au Sénégal est qu’il profite de toutes les tribunes où l’audience est importante pour mettre à nu, de son propre chef, tous les schémas qu’il met en œuvre. Quand c’est de sa bouche qu’il confirme tout ce que nous avons démontré, on ne peut que dormir tranquille et se dire que le sillage que nous laissons est le bon.
Jean-Paul Krassinsky avait publié en 2019 un excellent roman graphique intitulé La fin du monde en trinquant. Pour faire court, il s’agit d’un cochon qui est un éminent astronome œuvrant sous le règne de l’impératrice Catherine II de Russie. Nikita Petrovitch, brillant scientifique, est un cochon peu amène qui découvre qu’une comète va s’écraser en Sibérie. Il communique sa découverte au trône, mais il n’est guère pris au sérieux et est contraint de prendre sous son aile Ivan, un chien fou et maladroit, pour donner la mauvaise nouvelle aux populations. Comme tous les veilleurs, ils sont chahutés et rencontrent des villageois pas trop reconnaissants. Ceux-ci idéalisent la Russie du 18e siècle et sont d’une crédulité sidérante face aux agissements du pouvoir royal. Ce roman graphique est un récit sarcastique mettant au centre le triomphe de la crédulité, la bêtise politique et l’obscurantisme, surtout quand les ficelles sont tirées par ceux à qui les populations offrent leur pleine confiance. Quand je relis cet ouvrage, je vois beaucoup de similitudes avec notre pays, qui tournent le rire en inquiétude.
Une vieille dame s’est permis dans le spectacle comique qui se tenait à Dakar Arena, de mimer un malaise et de se lever d’un brancard pour saluer son héros Ousmane Sonko. La mise en scène est d’un grotesque, qu’il n’aura pas fallu plus d’une journée pour que des gens retrouvent cette sacrée comédienne et déconstruisent la supercherie qui visait à toucher les masses par l’émotion. Son jeu d’actrice sera tourné en dérision sur les réseaux sociaux et des révélations suivront sur sa partition au grand cirque. On ne peut pas faire mieux en matière de dystopie. Ce Sénégal est un cas tragique. En fin de soirée hier, le journaliste Ahmed Ndoye a été appréhendé par les services de police après une conférence de presse qu’il tenait. Tout est mis en œuvre pour faire taire toutes les voix contraires. Je ne pense pas que ceux qui criaient au changement partout ont voté pour de telles régressions. Bonjour autocratie, rebonjour égocratie, le Sénégal est un paradis d’humanité et de liberté perdu ! J’oubliais, le Premier ministre nous disait qu’il a hérité d’un pays en ruine. Trinquons donc, c’est sur des ruines que se bâtissent les empires !
Par Henriette NIANG KANDÉ
LA SOCIÉTÉ CIVILE AU SÉNÉGAL, PROCESSUS HISTORIQUES ET CONTRAINTES SOCIALES
De l'ère du parti unique à l'alternance de 2000, la société civile sénégalaise a joué un rôle crucial dans l'approfondissement de la démocratie, tout en devenant parfois le refuge d'acteurs politiques en quête de reconversion
L’évolution récente des Etats africains traduit un élargissement important des possibilités pour les peuples, de participer en tant que citoyens, à la réalisation de leur progrès économique et social en influençant les décisions des gouvernants. Ces possibilités qui sont énoncées dans la plupart des Constitutions, sont largement mises en œuvre à travers les groupes de citoyens plus ou moins organisés qui ne cherchent pas à conquérir et à exercer le pouvoir, mais à exprimer la liberté et les besoins légitimes des citoyens. Le concept de société civile est mis en avant pour désigner cette catégorie intermédiaire entre l’Etat et les citoyens ordinaires..
La conception de la société civile en tant qu’espace de médiation entre l’Etat et les citoyens n’évacue en rien sa complexité et sa variabilité, notamment dans le contexte africain où l’institutionnalisation et la stabilisation des principes démocratiques rencontrent beaucoup de contraintes liées à l’origine occidentale (et donc étrangère) des notions de démocratie et de société civile, ainsi que de leur déclinaison dans les langues et les modes de vie locaux, et de leur rencontre avec d’autres principes qui aspirent aussi à gouverner la vie sociale, telle que la religion et les valeurs culturelles. Cependant, les analyses les plus pertinentes démontrent que les manifestations communautaires, religieuses et culturelles ne s’opposent pas à la promotion de la démocratie. En principe, la société civile exprime une diversité de formes de culture civique, conformes à une véritable vie démocratique et plurielle. Toutefois, dans le contexte africain, et selon l’état de la démocratie dans le pays concerné, elle peut être confrontée à des contraintes institutionnelles, techniques ou organisationnelles ainsi qu’à la manipulation politicienne et/ou à la frilosité de l’Etat, qui voit à travers les organisations civiques ou citoyennes, des instruments de contrôle et de contestation des politiques mises en œuvre par les gouvernements.
La société civile représente un maillon important dans la réalisation du progrès social et économique et un objet de recherche et d’action pour les chercheurs, les activistes, les Etats et les organisations internationales d’appui au développement. Après avoir considérablement contribué à la transition démocratique dans de nombreux états africains au cours des années 1990, la société civile a bénéficié d’une attention considérable au niveau global, national et local qui indique que les élections régulières à elles seules n’épuisent pas l’expression des libertés individuelles et collectives et ne constituent pas le seul fondement de la légitimité des décisions politiques. En effet, la société civile est un espace où différents groupes de citoyens se rencontrent, se mobilisent, échangent sur leurs préoccupations et apportent des solutions à leurs problèmes, ce qui la met nécessairement en relation avec les institutions internationales, les Etats, les collectivités locales et le marché.
Au Sénégal, le champ d’intervention de la société civile reste l’espace non gouvernemental et ce, depuis l’époque coloniale. UN PEU D’HISTOIRE Historiquement, l’avènement des indépendances en Afrique et la diffusion massive des sciences humaines dans toutes les représentations de la réalité économique et sociale dès les années 1950 contribuent à transformer la problématique du sousdéveloppement en problématique de la modernisation. Cependant, dans la plupart des contextes nationaux, cette problématique du développement et de la modernisation reposait sur le rôle majeur de l’Etat dans la mise en œuvre et le contrôle du processus de croissance, aussi bien au niveau des ressources nationales que de la mobilisation des soutiens populaires. Au cours des années 1970, le déclin des modèles idéologiques a libéré un espace théorique progressivement occupée par les thèmes et les productions intellectuelles stimulées par les organisations internationales telles que le PNUD, l’UNESCO, la Banque mondiale, l’OCDE, etc., qui sont devenus de facto les bailleurs de la recherche sur le développement, de plus en plus structurée en recherche-développement et en recherche-action. Ces deux approches ont permis de mettre en exergue la contradiction entre le dynamisme de la population et le manque d’efficacité de la bureaucratie étatique, avec, dans le cadre de l’expansion du nemo liberalis, des sollicitations de plus en plus précises à l’endroit de la société civile et du secteur privé, considérés comme des agents incontournables dans le processus de développement. Une trilogie se met de progressivement en place sous le concept de Consensus de Washington, avec l’Etat (le premier secteur), le secteur privée (le deuxième secteur) et la société civile (troisième secteur). C’est dans ce contexte que furent fondés ENDA Tiers-monde en 1972 comme programme des Nations-Unies pour l’Environnement, l’Institut Africain pour le Développement Economique et la Planification, et de l’Organisation Suédoise pour le Développement International, avant de se constituer en ONG en 1978.
Durant les années 1980, les programmes d’ajustement structurels (PAS) préconisés par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) ont contraint les Etats Africains à se retirer progressivement de plusieurs domaines du développement économique et social. En fait, la décennie 1980- 1990 est une période de crises économiques et politiques, marquée par le désengagement de l’Etat. C’était le « moins d’Etat, mieux d’Etat » d’Abdou Diouf. Face à l’avènement de l’Etat minimaliste et à l’approfondissement des inégalités sociales, les classes moyennes développent des stratégies de réponse qui contestent d’une manière ou d’une autre les systèmes autocratiques établis depuis l’indépendance, à travers l’Etat-Nation et sa version exclusiviste, le PartiEtat. Ce contexte engendre ou aggrave les conflits, la pauvreté de masse et les famines, et accélèrent les migrations forcées ou volontaires, l’urbanisation spontanée et la dégradation de l’environnement, laissant ainsi un vide que les Organisations de la Société Civile (OSC), devaient combler. En 1984, le CONGAD émerge comme consortium des Organisations Non Gouvernementales (ONG) sénégalaises. Les décennies 1980-90 ont constitué une période d’expansion des ONG locales qui vont de plus en plus se constituer en une société civile, avec la constitution de la RADDHO, du Forum Civil, du COSEF, du CNCR et de beaucoup d’autres organisations à vocation sous-régionales, telle que la FRAO, CARITAS, TOSTAN, l’AFAO, etc.
Les analystes s’entendent aussi à considérer que si les ONGs constituent une part importante de la société civile, celle-ci ne peut se composer uniquement d’elles. Une conception plus large de la société civile inclut les organisations syndicales néo-traditionnelles, les organisations communautaires de base (comme les Associations Sportives et Culturelles (ASC) et les Groupements de Promotion Féminines (GPF)), les organisations de ressortissants, les associations confrériques et religieuses.
Ces différentes formes d’organisations ont joué leur rôle en fonction de leur spécificité, de leurs objectifs mais aussi et surtout de leurs moyens matériel, humain et technique. Dans ce cadre général, les syndicats se sont faits remarquer par les différents combats menés non seulement pour l’amélioration des conditions de travail de leurs membres mais, en plus, pour la mise en place d’une organisation politique (au niveau de l’Etat) respectueuse des principes républicains. C’est ainsi que les syndicats tout comme les organisations de la société civile ont apporté une contribution importante à l’avènement de l’alternance au Sénégal en 2000.
La société civile sénégalaise a été particulièrement active dans la provision de services aux groupes marginalisés. Cependant, malgré leurs bonnes intentions, les organisations de la société civile n’ont toujours pas eu ni les ressources nécessaires, ni la capacité de faire des économies d’échelle pour offrir ces services de manière significative. C’est pourquoi, la société civile est plutôt attendue dans sa capacité de renforcer l’Etat afin de lui permettre de faire face à ces responsabilités en direction des populations pauvres.
L’une des opportunités qui a été offerte à la société civile de supporter les efforts de l’Etat en direction des couches pauvres a été le processus de rédaction du Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté (DRSP) pour lequel, la Banque mondiale et la communauté des bailleurs souhaitaient une appropriation effective par les bénéficiaires. La société civile devait assurer cette appropriation par son implication effective tout au long du processus d’élaboration du DRSP et dans la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de lutte contre la pauvreté. La participation de la société civile dans ce processus a été jugée largement insuffisante, pour cause d’obstruction de la bureaucratie étatique, du manque de ressources financières et techniques, et des délais étroits fixées par la Banque mondiale.
La société civile sénégalaise a été active dans les activités de lobbying en direction des pouvoirs, que quand il s’est agi de sujets qui ne représentaient pas de grands enjeux pour les tenants du pouvoir. Deux exceptions méritent d’être soulignées à ce niveau : il s’agit des efforts du Collectif des ONG pour des élections transparentes qui a fortement contribué à un processus électoral transparent en 1999- 2000, sans pouvoir rééditer ce succès en lors des 2007. Puis des efforts ont été enregistrés pour une plus grande transparence dans la gestion des affaires publiques. L’analyse des attitudes de l’Etat post-alternance envers ces initiatives, et envers la société civile en général (considérée comme des groupes de politiciens « encagoulés » par les Présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall), indique que l’influence de la société civile sur l’Etat a considérablement grandie.
La société civile a évolué vers la fin des années 2000 en intégrant de nouvelles formes d’organisation qui se veulent être des représentations d’ONG internationales mais elle va surtout s’emparer de problématiques nouvelles comme la gouvernance et les droits humains. Un tournant majeur va s’amorcer, certes en lien avec le contexte socio-politique marqué par les effets des politiques libérales, et se traduire par une exigence de plus en plus accrue des OSC pour une bonne gouvernance des ressources du Sénégal et une représentation des acteurs de la société civile dans les instances de représentations gouvernementales.
L’organisation des Assises Nationales en juin 2008, constitue une bifurcation importante dans les trajectoires des OSC et va consacrer cette exigence de la société civile à engager le gouvernement dans la gouvernance participative où le citoyen serait au cœur. Ces larges concertations ont donné lieu à la production d’une Charte de bonne gouvernance démocratique censée engager le président de la République, Macky Sall, alors signataire. Cette charte sera remise au gout du jour lors des dernières élections présidentielles après avoir largement inspiré les travaux de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI). Dans le même temps, des missions locales d’observation des élections seront mises en place par les OSC. Ce qui fera émerger ou renforcer le rôle et les missions des OSC (COSCE) attachés aux idéaux d’une République démocratique, aux enjeux de bonne gouvernance et des droits humains faisant de leurs représentants, des acteurs incontournables du jeu démocratique local. Ces OSC vont également (se) nourrir de nouvelles ambitions de souveraineté africaine et s’inscrivent dans une perspective dé-coloniale qui émerge ou est présentée comme une volonté des populations africaines. Des cadres de réflexion autonome sous forme de think tanks, des ONG spécialisées dans la gouvernance des ressources naturelles, vont produire des évidences scientifiques qui viendront alimenter les échanges entre État, citoyens et société civile. Leur rôle de médiateurs et leur reconnaissance par les citoyens vont se sédimenter au point que ponctuellement des initiatives, des formes d’engagement citoyen, regroupant les acteurs de la société civile dans leur diversité et leur pluralité émergent, se développent, se redéfinissent, se redéployent au gré des contextes… politiques notamment en temps de crises. L’exemple le plus récent en date reste la plateforme « Aar Sunu Election » lors des dernières élections présidentielles qui est née de la volonté du report de l’élection présidentielle de 2024, par le Président sortant, Macky Sall.
Cartographie
D’une manière générale, les organisations formelles de la société civile sénégalaise sont largement basées dans les centres urbains, dans la mesure où elles sont souvent l’émanation des organisations de citadins et de lettrés produits par l’école occidentale. Selon les moyens dont elles disposent et les vocations qu’elles se donnent, elles interviennent à l’intérieur du pays et en milieu rural et contribuent au renforcement des associations communautaires de base qui sont leurs principaux bénéficiaires. Cependant, beaucoup d’organisations ethniques et religieuses se sont rapidement modernisées pour répondre aux exigences légales qui leur permettent de fonctionner en conformité avec les lois en vigueur, tout en utilisant les médias et les outils technologiques pour faire passer leurs messages, mobiliser leurs partisans et influencer les décisions.
Dans ce contexte, la différence entre OSCs formelles et OSCs traditionnelles tend à s’amenuiser, au profit de la différence dans les domaines d’interventions. Ainsi, la plupart des OSCs réunies au sein du CONGAD sont actives dans les différents secteurs sociaux du développement (santé, éducation, assainissement et autres services sociaux de base) et s’intègrent tant bien que mal dans un schéma relationnel avec l’Etat et le marché qui correspond aux orientations dégagées par le Consensus de Washington. Les programmes qu’elles mettent en œuvre visent surtout à contrôler et à influencer les politiques mises en œuvre par l’Etat, à renforcer les capacités des bénéficiaires à défendre leurs intérêts à travers des approches participatives, et à appuyer les initiatives de projet de développement à l’échelle locale.
Les contraintes et limites
La société civile sénégalaise a contribué à l’amélioration de la bonne gouvernance au niveau central comme au niveau local. Elle a travaillé dans le sens de l’approfondissement de la démocratie, de la construction d’un Etat de droit et de la protection des Droits de l’Homme. Cependant, dans certains cas, elle présente un profil de fonctionnement semblable à des organisations politiques : faible renouvellement des instances de gouvernance et conquête du pouvoir. Certains responsables des Organisations de la Société Civile se servent de tels appareils pour accéder à des stations du pouvoir ou pour contrôler et s’accaparer des ressources. D’autres ont emprunté la voie inverse : après avoir été politiques, ils se sont « réfugiés » dans la société civile. Pour ces cas précis, il est nécessaire de reconfigurer la société civile au Sénégal en en faisant des entités neutres dont la mission est de veiller à un exercice régulier et équitable du pouvoir.
Du fait de la diversité de ses acteurs, les contours de la société civile sont difficiles à tracer. Ce qui peut en faire une entité traversée par la confusion avec des pratiques bureaucratiques nébuleuses, plutôt orientés dans le sens des préoccupations d’une certaine élite et non vers une prise en charge de la forte et réelle demande des populations. Toutefois, il se manifeste une nouvelle conception de la Société Civile avec les nouvelles générations, qui veulent jouer leur rôle dans l’équilibre du climat politique, la distribution équitable des ressources, la prévention et la gestion des conflits, l’installation d’un Etat de droit, la réforme des mécanismes de désignation des représentants du peuple et la participation effective des citoyens dans le management des affaires qui les concernent.
Le concept de société civile se caractérise en Afrique et au Sénégal par le flou sémantique qui l’entoure. Cela se traduit par la difficulté à en définir ses contours, ses composantes et son contenu. Longtemps incarnée par une élite en déconnexion avec les réalités sociales sénégalaises, elle a eu du mal à se démarquer de la gouvernance politique et à s’imposer comme un véritable contre-pouvoir. Bien sûr l’émergence de nouveaux mouvements dits de société civile peuvent laisser envisager que celle-ci va contribuer à l’éveil d’une nouvelle conscience citoyenne du fait de la diversité des profils d’acteurs se positionnant comme défenseurs de la cause civile ou plutôt citoyenne.
PAR l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
ÉTHIQUE, CULTURE, ÉDUCATION ET RENAISSANCE AFRICAINE
EXCLUSIF SENEPLUS - La moralisation politique doit guider tous les projets de changement. C’est un des grands défis du XXIe siècle que de bâtir ensemble les piliers républicains africains qui permettent des gouvernances saines
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 25/10/2024
Quand on considère la dynamique de la renaissance africaine, on voit que les leviers fondamentaux sont multiples. La renaissance africaine est une démarche qui propose un ensemble de valeurs en rupture avec les représentations afro-pessimistes.
Cette démarche de rupture doit s’accompagner d’une unité africaine avec pour pilier plusieurs articulations qui permettent d’œuvrer pour la renaissance :
une unité culturelle avec la réappropriation du patrimoine historique qui soit transmise par le biais de l’école ;
une unité économique et monétaire avec une réelle exploitation des richesses naturelles du continent ;
une unité politique d’où doivent émerger une véritable démocratie, la défense des droits humains fondamentaux et la lutte contre les corruptions.
Mais ce projet panafricain ne pourra s’accomplir sans l’idée forte selon laquelle chaque africain doit recouvrer une image juste de soi, avec l’estime et la confiance nécessaires à la réhabilitation de ses valeurs humaines, sociales, culturelles et éducationnelles. Cette prise de conscience est un élément fondamental pour comprendre la nature plurielle des enjeux majeurs du XXIe siècle pour le continent africain.
L’éthique, valeur de changement
Cependant, il existe un facteur décisif qui peut assurément mener aux valeurs républicaines qui nous préoccupent, je veux parler de l’éthique face à la responsabilité publique, à la conduite des États et à une gouvernance équitable.
Tout d’abord, qu’est-ce que l’on entend par le terme « éthique » ? Observer une éthique est défini comme une « science de la morale » ou un « art de diriger la conduite ». Dans le domaine médical, il existe une éthique professionnelle, ou « bioéthique », qui permet de mettre au premier plan les objectifs de la recherche, de la médecine, au mépris des intérêts financiers et/ou personnels que représentent les divers lobbyings.
Et bien je dirais que l’éthique professionnelle et humaine doit habiter tout l’espace citoyen et républicain du continent africain. C’est une condition nécessaire si l’on veut parvenir au développement, à la croissance réelle, et si l’on souhaite se relever dignement à travers les principes de la renaissance africaine. Ces deux attitudes doivent coexister de manière forte.
L’éthique est une valeur intrinsèque du changement politique, économique, social et culturel que l’on attend. Un professeur possède une éthique face à ses élèves. Il se doit de considérer chaque apprenant en capacité de réfléchir, de progresser, et il doit les respecter dans leur singularité et leur unité. Son principal objectif est d’aider ses élèves à apprendre. Un véritable artiste possède aussi une éthique dans ce qu’il exprime, ce en quoi il croit viscéralement. Il peut faire des compromis, mais pas de compromissions, car il ne doit pas se défaire de sa déontologie au risque de perdre son art, ou son âme. Celui qui céderait, par exemple, à une opération financière où l’art serait secondaire, bafoue la moralité dans laquelle il s’est engagé. Le journaliste possède une éthique qui est celle de transmettre l’information le plus justement possible, et ce au plus grand nombre. S’il s’associe aux puissants des États, s’il accepte de rendre public des évènements maquillés, il viole les valeurs de son métier. Et il en va ainsi naturellement pour tous les domaines professionnels.
De la sorte, on voit bien que la plupart des sociétés sont constituées d’une éthique, qui est un ensemble de codes moraux régis par les institutions qui garantissent l’équité et la justice.
Il en va de même pour l’exercice politique. L’éthique doit être au centre de tous les programmes politiques, au cœur de toutes les organisations qui forment les États africains, nos régions et nos nations. C’est le cadre moral qui doit prévaloir sur tout autre aspect au sein de nos institutions, et ce au plus haut niveau des responsabilités.
L’intégrité politique, pierre angulaire de la renaissance africaine
L’éthique doit s’inscrire dans le code des valeurs républicaines et ne jamais céder aux enjeux financiers et aux réussites matérielles et personnelles. L’intégrité doit être le premier engagement pour les hommes et pour les femmes qui sont destinés aux plus hautes responsabilités.
Au XXIe siècle, il n’est plus acceptable de voir à la tête des États africains, la corruption, le népotisme, l’impunité, et d’agir comme si cela était tout à fait normal. Ces pratiques immorales et injustes sont tellement courantes que l’on n’y prend plus garde ; et cela est grave car elles se banalisent.
Moi, je dis que c’est un fléau qui doit cesser ; c’est une gangrène croissante qui empêche à la fois le développement et la véritable démocratie.
Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est bâtir les valeurs républicaines africaines et les garantir durablement. Comment est-il possible que certains hommes politiques des pays en voie de développement soient plus riches que les chefs d’États qui exercent en Occident ? Ceci est inacceptable et conduit assurément à la faillite économique et morale.
Il faut construire un pacte vertueux qui assure que :
celui qui dirige les affaires publiques s’engage à une conduite honnête et une éthique à toute épreuve ;
celui qui a en charge les deniers publics a des comptes à rendre à chaque moment de sa carrière administrative ou politique.
C’est un changement radical qui doit s’opérer dans la conduite des États, et chaque homme, chaque femme, tous les acteurs intègres doivent lutter contre toutes les formes de profits. La moralisation politique doit guider tous les projets de changement. Sans cela, l’échec perdurera et la misère grandira encore.
Chacun doit avoir à l’esprit qu’il faut combattre inlassablement ce qui mène à la « banqueroute » : la corruption, le népotisme, l’impunité. Voici les trois grands coupables des États africains et du continent tout entier qui conduisent à l’immobilisme culturel.
C’est un des grands défis du XXIe siècle que de bâtir ensemble les piliers républicains africains qui permettent des gouvernances saines et de la justice sociale.
Mais les solutions pérennes pour anéantir l’effondrement des nations africaines sont aussi la fraternité, la solidarité, l’intégrité, l’unité et la transmission de ces valeurs par l’éducation et la formation des élites.
Ainsi, si nous partageons ces valeurs éthiques et républicaines, que nous les inscrivons au patrimoine culturel africain et que nous les mettons en place comme un rempart indestructible, nous pourrons contribuer à l’émergence de notre continent et à la renaissance africaine. Nous pourrons enfin entrer sur le grand échiquier économique et politique mondial qui mène assurément à la créativité.
Amadou Elimane Kane est enseignant et chercheur en sciences cognitives, poète écrivain.