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23 novembre 2024
Opinions
Par Ibou FALL
LA CAVERNE DE PASTEF ET SES 4000 AUTEURS
C’est bien au moment où personne n’attend plus le fameux «Projet» seriné par les pontes de Pastef depuis une décennie, qu’il nous sort du chapeau de… Victor Ndiaye, smart patron du cabinet Performance.
C’est bien au moment où personne n’attend plus le fameux «Projet» seriné par les pontes de Pastef depuis une décennie, qu’il nous sort du chapeau de… Victor Ndiaye, smart patron du cabinet Performance. Ce brave homme aurait déjà travaillé sur le Pse de Macky Sall dont l’horizon ambitieux fixe ses limites en 2035, avant de caler malencontreusement en 2024.
Ça tombe bien, le Président Diomaye Faye et son inévitable Premier ministre, d’un optimisme béat, poussent le bouchon bien plus loin, jusqu’en 2050, et c’est toujours ce bon Monsieur Victor Ndiaye, dans le même élan aussi républicain que patriotique, qui s’y colle.
Il y en a qui sont nés sous une bonne étoile…
Le hic est que le document en question, présenté au Centre international de conférences Abdou Diouf, Cicad -un des éléphants blancs de ce faussaire sanguinaire de Macky Sall-, représenterait le condensé de la réflexion profondément patriotique que produisent en dix ans de travail acharné les quatre mille cadres de Pastef…
Sur internet, au constat de ce petit chef d’œuvre d’une vingtaine de pages de romantisme désuet, de banales généralités et de rêveries champêtres rassemblées sous l’apparence d’un robuste baobab, un esprit chagrin se permet ce commentaire mesquin : «Chacun des cadres de Pastef doit avoir cotisé une syllabe…»
Je ne sais pas vous mais pour moi, le Référentiel Sénégal 2050 a quelque chose de surréaliste : pour une vision, vingt-cinq ans, c’est court, et pour un programme, c’est bien long…
Cette semaine sera l’occasion que ne manquera pas le Premier ministre pour illustrer ses désaccords avec les accords et les liaisons interdites. Après ses retentissantes déclarations devant l’ambassadeur du Japon et le président de l’agence de coopération nipponne, Jica, au sujet des «déclinaisons quinquennaux», ou «décennaux», il enchaînera devant le parterre des invités au Cicad, pour nous présenter les «quatre z’axes» du Référentiel Sénégal 2050…
Après «France dégage», c’est français fousle-camp ?
Si les électeurs renvoient Pastef et son gourou dans l’opposition parlementaire le 17 novembre 2024, le futur ex-Premier ministre Ousmane Sonko, qui n’aura alors gouverné que sept mois et demi, pourra se retrancher au Parlement, au mieux à la tête de son groupe parlementaire où il pourra siéger aux côtés du truculent Guy Marius Sagna, mais surtout du pittoresque Bara Ndiaye, voyant extralucide à ses heures perdues, négociant en redoutables poudres de perlimpinpin et ceintures cabalistiques qui vous évitent les inexplicables revers du sort.
Avec pareille équipe, le contrôle de l’action gouvernementale est assuré.
Un retour à la case départ, là où son irrésistible ascension commence, alors qu’il dénonce les errements du régime de Macky, depuis les enveloppes clandestines aux députés, jusqu’aux titres fonciers valsant de proprios illégitimes en proprios illégaux.
J’en vois qui sursautent, rien qu’à cette idée saugrenue : le Premier ministre Ousmane Sonko de retour dans l’opposition parlementaire dès le 17 novembre 2024… C’est pourtant la mission que Macky Sall se fixe en renonçant à son fromage parisien des «Quatre P» et sans doute quelque autre strapontin onusien récemment annoncé. A-t-il vraiment le choix ? Au micro des confrères de Bloomberg Tv, ce serait un élan disons, euh, patriotique, qui le pousserait à revenir en politique pour «renforcer» l’opposition.
Faut-il en rire ou en pleurer ?
La vérité est bien plus triviale : depuis que Pastef est au pouvoir, les attaques ne cessent pas sur sa gestion, sa probité, voire sa cruauté. L’agression dont il est victime de la part d’une certaine Aïssa Camara dans le vol de la Royal Air Maroc, n’en est qu’un avant-goût…
L’ancien Président serait responsable du carnage des quatre-vingts jeunes défenseurs des libertés, en plus d’impardonnables malversations, et autres crimes inavouables qui pourraient relever de la haute trahison. D’ailleurs, l’une des figures de proue de l’actuel régime, El Malick Ndiaye, qui n’a pas peur des mots, plaide pour la mise sur pied d’une haute cour de justice pour faire expier à Macky et son gang, leurs forfaitures.
Il n’y a qu’une majorité absolue au Parlement qui serait en mesure de les mettre en accusation, lui et ses sbires, avant de les traîner devant un peloton d’exécution après rétablissement de la peine de mort, sans doute. Au mieux, Ousmane Sonko et son gouvernement passeraient leur temps à révéler ses méfaits de telle sorte que plus aucune institution internationale ne souhaiterait mêler le nom de Macky Sall à son image et sa réputation. La preuve, quand une Sénégalaise mal mouchée l’agresse, c’est du côté de l’insolente que le gouvernement manifeste sa solidarité.
Dans l’opposition actuelle, Macky Sall sera en bien agréable compagnie : Bougane Guèye Dany, Barthélemy Dias, Serigne Moustapha Sy, Thierno Alassane Sall, pour les plus virulents… On les voit d’ici échanger des accolades et se faire des mamours, moins d’un an après leurs désamours pétaradants. Il y aura également les retrouvailles torrides avec ses anciens camarades de régiment et des années de bohème, le Pds, dont la séparation douloureuse alimentera les faits divers et fera les choux gras des journaux à sensation.
Et puis, cerise sur le gâteau, il croisera sans doute son ancien Premier ministre et candidat à sa succession au Palais, Amadou Ba, avec lequel les relations sont passées de chaleureuses à polaires ; il leur faudra bien s’expliquer, si besoin, sur les courts-circuits de la Présidentielle de 2024, pour enrayer les dangers qui les guettent tous deux. Si Pastef contrôle la majorité à l’Assemblée nationale, ils iront tous les deux devant une haute cour de justice acquise à la vérité des vainqueurs, avant d’aller au purgatoire, bras dessus, bras dessous de préférence…
Entre-temps, ces sept derniers mois, il faut reconnaître qu’on ne se sera pas ennuyé une minute : par exemple, les nominations hautes en couleurs dont les dernières concernant quarante-cinq militants de Pastef qui poussent le sacrifice suprême du patriote jusqu’à lâcher de brillantes carrières pour s’essayer à l’ingrate fonction de chargés de mission à la Présidence.
Pour mettre de l’ambiance, on peut aussi relever les controverses étalées sur la place publique dans la gestion de l’Onas dont le Dg sortant accuse publiquement le ministre de tutelle de l’avoir viré pour refus de passer un marché de gré à gré avec ses protégés ; on a beau tendre l’oreille du côté du ministre, même pas un soupir…
Les grandes douleurs sont muettes, c’est connu.
Si ce n’était que ça : à l’Agence d’électrification rurale, Aser, également, on a le sentiment que c’est devenu, non pas la caverne de Pastef et ses quatre mille auteurs, mais une auberge espagnole avec des questions gênantes à propos de plusieurs milliards de francs Cfa que des Hispaniques auraient déjà versés pour l’exécution d’un contrat et demandent quel sort est réservé à leurs investissements.
Une zizanie qui voit le limogeage du gendarme suprême de la Commande publique, le patron de l’Arcop, et que couronne la sortie de la ministre de la Femme. Maïmouna Dièye, qui n’a pas froid aux yeux, prend le relais de Yassine Fall cette semaine, question déclarations rigolotes : «même si tu avais détourné cet argent, yâ tèye !», défend-elle publiquement Abasse Fall, le patron de Pastef à Dakar, au cœur de la polémique que le journaliste Adama Gaye, vachement énervé ces dernières années, alimente depuis son exil.
Comme si ça ne suffisait pas, ne voilà-t-il pas que Abdoul Mbaye, qui voit la fin du régime de Macky avec un plaisir non feint, se fait du mouron pour un prêt de l’actuel Exécutif en eurobonds, soit quatre-cent-cinquante milliards de francs Cfa. Une opération que le Fmi trouve sans objet, à laquelle personne ne fournit de réponse concernant l’absence d’appel d’offres et le paiement d’éventuelles commissions que devraient percevoir ses initiateurs…
C’est au beau milieu de cette ambiance de cabaret que le Président Bassirou Diomaye Faye prononcera quelques mots sur leur obligation d’exemplarité et les risques de désenchantement des Sénégalais. Il mettra en garde les contrevenants qui ne devront pas compter sur une quelconque solidarité gouvernementale…
La campagne pour les Législatives, qui démarre le 27 octobre, est presque lancée : dans cette auberge espagnole aux allures de caverne d’Ali Baba qui nous sert de scène politique, il ne manque que la touche féministe… Par exemple, une p’tite vidéo sympa de Adji Sarr en sulfureux déshabillé rouge sang, pour motiver les candidats, ça en jetterait !
Par Patrice Serge SYLVA
A PROPOS DE LA SUPPRESSION DES SUBVENTIONS PRECONISEE PAR LE FMI
Suite à la sortie du Fonds monétaire international (FMI), il est nécessaire de définir un cadre de réflexion sur la demande quelque peu exorbitante de l’institution de Bretton Woods, surtout à un moment où les populations subissent une paupérisation...
Suite à la sortie du Fonds monétaire international (FMI), il est nécessaire de définir un cadre de réflexion sur la demande quelque peu exorbitante de l’institution de Bretton Woods, surtout à un moment où les populations subissent une paupérisation accrue et insoutenable.
Est-il pertinent d'éliminer les subventions dans les énergies comme l'électricité, le carburant au Sénégal ?
L'élimination des subventions dans le secteur de l'énergie au Sénégal est une question complexe avec des arguments pour et contre.
A. Arguments pour l'élimination des subventions
1. L'Impact budgétaire des subventions
Les subventions énergétiques représentent une charge significative pour le budget de l'État, avec plus de 800 milliards de FCFA en 2023 et 750 milliards de FCFA en 2022.
Cela limite les marges de manœuvres budgétaires pour des dépenses sociales et infrastructurales essentielles.
Le FMI recommande de réduire ces subventions pour reconstituer les marges budgétaires et placer la dette publique sur une trajectoire descendante à moyen terme (remarquons qu'ils ne font pas ces mêmes propositions dans leurs pays surendettés).
2. Efficience et utilisation des ressources
L'application du principe de vérité des prix pourrait favoriser une utilisation plus efficace des ressources énergétiques et encourager une consommation plus rationnelle, ainsi que la réduction du gaspillage énergétique.
Cela pourrait également stimuler l'innovation et l'adoption de technologies énergétiques plus propres et plus efficaces.
LIRE LE COMMUNIQUÉ : Les services du FMI achèvent leur visite au Sénégal
3. Ciblage des subventions
Le FMI souligne que les subventions actuelles sont non ciblées et bénéficient à tous, y compris aux organismes internationaux et aux entreprises qui n'en ont pas besoin. Des subventions ciblées sur les ménages vulnérables seraient plus efficaces.
B. Arguments contre l'élimination des subventions
1. Impact social
Les subventions ont permis de stabiliser les prix de l'électricité et du carburant, rendant ces services essentiels plus accessibles à une grande partie de la population.
La suppression de ces subventions pourrait entraîner une hausse des prix, affectant directement le coût de la vie des Sénégalais, particulièrement les ménages vulnérables.
2. Mesures d'atténuation nécessaires
Pour éviter des impacts sociaux négatifs, le gouvernement doit mettre en place des mesures compensatoires, telles que des transferts monétaires ciblés, pour atténuer l'impact de la hausse des prix sur les ménages à faible revenu.
3. Transition progressive
Le gouvernement a défini une stratégie en six étapes pour supprimer progressivement les subventions d’ici 2025, ce qui inclut des ajustements tarifaires, des études pour réviser la structure des tarifs, et le renforcement de la situation financière de la SENELEC.
En conclusion, bien que l'élimination des subventions énergétiques puisse être économiquement justifiée pour améliorer la gestion des finances publiques et favoriser une utilisation plus efficace des ressources, elle nécessite une gestion prudente et des mesures d'atténuation pour protéger les ménages vulnérables.
Une transition progressive et ciblée, accompagnée de mesures compensatoires, est essentielle pour minimiser les impacts sociaux négatifs.
Par Khady Gadiaga
DE L'UTOPIE MOBILISATRICE ET REALISATRICE POUR BATIR LES CHANTIERS DU MIEUX-VIVRE
L'avènement d'un nouveau régime qui se veut patriotique, souverainiste et anti-systémique issu des élections de mars 2024 nous a placés sur un nuage. Nous vivons un moment important, un moment heureux de retour à une forme de vie normale...
L'avènement d'un nouveau régime qui se veut patriotique, souverainiste et anti-systémique issu des élections de mars 2024 nous a placés sur un nuage. Nous vivons un moment important, un moment heureux de retour à une forme de vie normale, loin des turpitudes et turbulences politiques qui ont émaillé le pays pendant plus de trois années consécutives.
Happés par l’euphorie de ce magistère inédit sous la houlette du tandem, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko résolument engagé dans un quinquennat prometteur de ruptures structurelles d'envergure, celui-ci aujourd’hui pourrait se résumer après l'élaboration du référentiel de gouvernance à un guichet ouvert sur une jungle d’opportunités.
Les chantiers du bien-vivre, ces chantiers qui permettent de passer de politiques de survie à des politiques de vie, fécondes et créatrices en dépit des écueils que nous percevons sont nombreux et plusieurs doivent être menés conjointement.
Co-construire le futur derrière un imaginaire collectif
Toutefois, il manque à notre Sénégal désenchanté et fracturé une utopie mobilisatrice, édifiée grâce à l’apport de tous. Le futur mérite d’être co-construit car il nous appartient à toutes et tous. En fédérant la population derrière un imaginaire, un désir et une vision commune, ce travail collectif renforce les projets d’aménagement urbain, de mobilité durable, de refondation éducative et culturelle, de résilience alimentaire locale… Il est ainsi intéressant de développer cette approche de participation positive et engageante pour proposer des politiques territoriales efficaces, bienveillantes et inclusives.
À l’aune des élections législatives de novembre 2024, censée donner à la nouvelle équipe dirigeante une majorité confortable qui permet de transformer les aspirations des citoyens en réalité concrète et tangible, la communication gouvernementale doit véhiculer des programmes constitués de puissants leviers de la transition environnementale et sociétale grâce à de nouveaux récits qui rendent désirables les changements nécessaires.
La communication gouvernementale attendue sur les chantiers du mieux-vivre
Un des chantiers du mieux-vivre et non des moindres est d'apprendre à vivre mieux avec moins: «Moins de biens, plus de liens».
L’épuisement des ressources, l'inflation galopante, la cherté de la vie, la nocivité de la croissance (qui en fait, si elle est un simulacre de bonheur, est cause de malheur pour ceux qui en sont les victimes) doivent nous conduire à une simplicité de vie. Il nous faut retrouver la ferveur des joies simples. Se nourrir, se vêtir, avoir un toit, se réjouir ensemble, prendre soin les uns des autres, doivent être autant de repères qui balisent les chemins à parcourir.
Un autre chantier majeur est l’Éducation. Il urge de refaire de l’école un lieu d’apprentissage de l’entraide, de l'éthique et de la citoyenneté et non plus de la réussite des trajectoires individuelles et concurrentes. C’est peut-être là la clef de voûte de l’édifice à reconstruire.
De ce chantier doivent émerger des pratiques culturelles délivrées des impératifs d’une société marchande qui restreint les aptitudes à l’imagination et à la création tout en occasionnant une diarrhée de productions parfois dénuées de tout intérêt, sinon celui de répondre au besoin compulsif de saturer l’espace public pour écarter tout véritable renouveau.
Pour conclure, nous dirons que le choix que nous avons à faire désormais, à l’instar du titre de cette contribution, est de vivre et non pas de survivre.
Vivre dans la confiance qu’un avenir demeure ouvert et non pas survivre sans joie dans la méfiance et les sécurités aliénantes.
L’imaginaire a donc une place centrale dans la fabrique urbaine et territoriale. Il est à la fois une source d’inspiration pour les politiques publiques mais aussi parfois une justification et corollaires d'une vision politique qui prône un développement durable et maîtrisé..
La communication gouvernementale est attendue sur ces terrains.
Par Mamadou NDAO
PDS : LE CHANT DU CYGNE ?
Le parti navigue aujourd’hui comme un bateau ivre et aura du mal à se positionner avec intelligence à court terme, traversé qu’il est, par de nouvelles fractures béantes. L’après élections législatives sera lourd de danger
Le chant du cygne est une expression en usage en France depuis le milieu du XVIII e siècle. Il désigne la plus belle et dernière chose réalisée par quelqu'un avant de mourir. Pour les férus de l’art, il s'agit de la dernière œuvre remarquable d'un poète ou d'un artiste. Le parti démocratique sénégalais (PDS) fondé par Me Abdoulaye Wade en 1974 qui, après 26 ans d’opposition farouche au régime plus que trentenaire du parti socialiste, a réalisé la première alternance démocratique au Sénégal, n’est-il pas en train d’entonner son chant du Cygne ?
Cette métaphore choisie à dessein pose la véritable question sur l’avenir d’un parti qui a, son leader en tête, dirigé le pays pendant douze ans de 2000 à 2012, et qui a merveilleusement passé le témoin à Macky Sall, son « disciple » alors nouvellement élu.
Douze ans plus tard, le parti navigue dans les eaux troubles de l’intrigue politicienne, pour survivre à son leader très âgé, en s’arc boutant, vaille que vaille à son Fils Karim Wade en exile depuis 7 ans au Qatar. Chemin faisant, il est vrai le parti a perdu de sa superbe, en se séparant tour à tour de vieux et moins vieux compagnons du père/ leader charismatique Abdoulaye Wade. Les raisons quoique variées selon les anciens « frères » (c’est comme ça qu’ils s’appelaient), tournent principalement autour de la question lancinante du « leadership fantôme imposé ».
En effet le père a souhaité, avec sa conception patrimoniale de la chose politique, que son fils lui succède à la tête du PDS, en pesant de tout son poids et de son autorité. Il a été suivi en cela par un cercle de fidèles qui se sont vite démarqués, suite au raté de l’élection présidentielle de 2019, qui fit que Karim ne fut pas candidat en raison de ses déboires judiciaires qui le rendaient inéligible, et de son exil doré organisé par Macky Sall.
Le PDS n’eût pas de candidat et refusa de soutenir un des siens, Me Madické Niang Beaucoup de cadres et responsables du PDS ont pendant cette période quitté le parti, les uns pour rejoindre leur ex-camarade libéral Macky Sall arrivé au pouvoir, d’autres ont pris leur destin en main en créant leur propre formation politique, qui toutefois allait sans tarder rejoindre la mouvance présidentielle. L’un dans l’autre, ils sont tous dans la temporalité de leur projet de conserver le pouvoir pendant 50 ans. Que s’est-il passé entretemps ?
Il s’est passé que la longue traversée du désert a fait que le parti s’est délesté de l’essentiel de sa matière grise. La liste est longue, même si on peut rétorquer que la saignée était beaucoup plus vive sous Wade et pourtant le PDS a tenu. Mais Wade n’a pas son égal dans son parti ! Le peu de cadres qui restaient sont en majorité des membres de la génération du concret, une organisation parallèle qui à l’époque, crée par Karim Wade, était destiné à faire une OPA sur le PDS, avec de nouvelles figures inconnues au bataillon des irréductibles du Pape du SOPI, Abdoulaye Wade. Ce dernier ne se privait pas d’ailleurs comme dans une « entreprise » de nommer et de limoger qui il voulait, non sans provoquer de nouvelles frustrations, qui ont fini de plomber le parti qui n’était plus aux affaires. La suite on la connait.
En raison de mauvais choix stratégiques et de mauvaises options, le parti traversera difficilement les élections locales avec des résultats médiocres, et avec sa bannière « Wallu », ne dû son salut aux législatives, que par la magie de l’inter-coalition qu’il a mis en place avec la coalition « Yewwi Askan Wi ». Erreur de stratégie, où volonté d’émancipation, une fois au parlement avec un groupe parlementaire, en main, le PDS s’éloigne de ses alliés d’hier pour faire cavalier seul. Pis, il pactise avec la coalition Benno Bokk Yaakaar pour faire face à ses mêmes alliés sans états d’âmes.
A les entendre, les responsables actuels semblent vivre sur les « trentaines glorieuses » du PDS de Wade, croyant certainement être suffisamment régénérés pour imposer un candidat en 2024. L’existence supposée du protocole de Rebeuss à l’origine de l’exile de Karim Wade à Doha, voire du protocole de Conakry « parrainé » par Alpha Condé ne suffit pas pour expliquer cette volte-face. L’élimination de Karim Wde par le conseil constitutionnel à la suite d’un recours intenté par le candidat Thierno Alassane Sall, concernant sa double nationalité avérée, a étalé au grand jour un amateurisme, qui jure avec l’expérience supposée d’un parti qu’on nous brandit fièrement, et qui risque de le précipiter dans la catégorie des « partis historiques » comme le PAI, juste parce qu’il y a un bilan du Président Wade.
Le PDS a perdu son aura à cause d’un manque de lisibilité criard des ses orientations stratégiques. Il faudra bien qu’un jour qu’il s’explique, d’une part, sur son alliance ex nihilo avec Benno Bokk Yaakaar, mais aussi sur son alliance opportuniste avec les recalés du parrainage, au point de porter un projet de loi pour proroger le mandat du président Macky Sall, rejeté par le Conseil constitutionnel, et d’autre part, sur la substance du recours en annulation du décret de convocation du corps électoral, qui avait in fine le même objet, et que la Cour Suprême a bien entendu déclaré irrecevable, le vendredi 15 Mars 2024. Ces péripéties ont finalement perdu ce parti, qui aujourd’hui s’arc-boute à un Karim Wade comme seul et unique alternative à son père, abandonné par ses cadres et suspecté par les coalitions en compétition, d’avoir voulu d’abord saper l’élection du 24 Mars, ensuite plomber la candidature du PDS aux législatives de novembre prochain, par son alliance avec l’APR et Macky Sall leurs ennemis irréductibles d’hier.
Le PDS navigue aujourd’hui comme un bateau ivre et aura du mal à se positionner avec intelligence à court terme, traversé qu’il est, par de nouvelles fractures béantes. L’après élections législatives sera lourd de danger. En cas de défaite de sa coalition Takku Wallu Sénégal qu’il forme avec l’APR en perte de vitesse, sa survie au parlement ne sera qu’une question de « meilleurs délais » pour parler comme l’autre.
La nature du scrutin qui comprend à la fois une dose de proportionnelle et de majoritaire à un tour, crée un énorme risque de dispersion, qui pourrait sonner le glas d’une longue aventure portée en triomphe à l’époque par des figures de proue, comme Abdoulaye Faye, Boubacar Sall, Coumba Ndiaye Kane, Joseph Ndong, Doudou Wade, Woré Sarr, Coumba Ba, Ousmane Ngom, Awa Diop, Pape Samba Mboup, Jean Paul Dias eh oui ! et j’en oublie !
Par Mamadou Oumar NDIAYE
ESPERONS QUE CE N’EST QU’UN AU REVOIR
J’ai dit tout ce qui m’a lié aux deuxième, troisième et quatrième président de ce pays. Et voilà que c’est le cinquième d’entre eux, celui que je ne n’ai connu ni d’Adamni d’Eve, qui me promeut
Je souhaite que ce soit un aurevoir mais, sait-on jamais ? cela peut être tout aussi bien un adieu ! Car, pour que ce soit un aurevoir il faudrait d’abord que Dieu me donne longue vie jusqu’à ce que je puisse arriver au terme de mon mandat non renouvelable de six ans à la tête du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA). Sinon, bien sûr, cet éditorial que je signe ce jour serait peut-être le dernier, un chant du cygne. S’il advenait que je sois encore là jusqu’à la fin de 2030, encore faudrait-il que je n’aie pas perdu la main et que je conserve intactes toutes mes facultés intellectuelles. Surtout, surtout, il faudrait que la presse écrite, qui vit ses derniers jours, existe encore à ce moment-là, elle qui est réduite aujourd’hui à sa plus simple expression, pour ne pas dire à peau de chagrin, et n’en finit pas d’agoniser tuée à petites doses qu’elle est par le numérique. Si toutes ces conditions sont réunies, peut-être bien que, par la grâce du Seigneur, je pourrais encore, un jour lointain, écrire de éditoriaux. A la condition (encore une !), bien sûr, qu’il y ait encore des lecteurs de la presse ! Car après tout, Jean Daniel et Béchir Ben Yahmed, deux grands éditorialistes, ont écrit pratiquement jusqu’à leur mort intervenue aux âges respectifs de 100 et 93 ans…
En tout cas, au terme d’une formidable aventure de 34 ans à la tête du journal « Le Témoin » — depuis le temps où sa périodicité était bimensuelle jusqu’à ce qu’elle devienne quotidienne en passant par l’époque glorieuse de l’hebdomadaire —, voilà que je dois à présent tourner sans doute définitivement cette longue page pour en ouvrir une autre. Institutionnelle celle-là. Moi qui n’ai fait toute ma vie professionnelle que le journalisme, qui ai effectué toute ma carrière dans les salles de rédaction ou sur les théâtres d’événements pour des reportages, moi qui n’ai connu que ce métier qui était le moteur qui me faisait carburer et me maintenait en vie, moi qui n’ai jamais imaginé faire autre chose, voilà que je suis presque contraint de me mettre au service de la République mais du côté institutionnel cette fois-ci. Ce au terme de 44 ans d’exercice du métier de journaliste sous le harnais duquel j’ai blanchi et où j’ai gravi tous les échelons. De jeune reporter au quotidien national « Le Soleil » où je devais effectuer les reportages les plus ingrats, ceux dont les autres ne voulaient pas, les « chiens écrasés » comme on dit dans le métier, les séminaires, les meetings syndicaux, les événements nocturnes ou dominicaux, les déplacements en brousse etc. Le plus souvent de ma propre poche car les pigistes n’avaient droit ni aux frais de reportage ni celui d’être transportées par les véhicules du journal. Mais parfois, par charité chrétienne ou plutôt musulmane, on nous faisait l’honneur de nous transporter et même parfois de venir nous chercher chez nous et de nous transporter sur les lieux de reportage !
Néanmoins à quelque chose malheur étant bon, cette rude école m’a permis, en ce qui me concerne, de bénéficier de l’encadrement de grands journalistes — dont certains ne sont plus de ce monde, hélas — qui m’ont aidé à devenir ce que je suis. C’était du temps où un monument nommé Bara Diouf dirigeait avec talent et panache le quotidien de Hann. Par la suite, avec une poignée d’autres journalistes du « Soleil », des parias comme moi, nous avions répondu à l’appel de l’alors opposant Me Abdoulaye Wade qui voulait lancer un quotidien « indépendant » pour briser l’hégémonie du quotidien national. Ainsi était né « Takusaan » faussement intitulé « Le quotidien du soir » — il ne put malheureusement jamais atteindre cette périodicité du fait d’une imprimerie sous-dimensionnée — mais qui réussissait des tirages fabuleux. Ce journal avait pour directeur de publication un homme élégant, racé, brillant intellectuel aux idées plus que modernes à l’époque, je veux parler de Fara Ndiaye qui était le numéro deux du Pds (Parti démocratique sénégalais) et le président de son groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. Le rédacteur en chef en était Pathé Mbodj, une excellente plume à la culture académique et qui rentrait justement du Canada où il était parti faire un doctorat de journalisme. Sous la houlette de ce grand red-chef, l’équipe de jeunes journalistes que nous étions — elle était complétée par de jeunes confrères très talentueux frais émoulus du Cesti à savoir Mademba Ndiaye, Tidiane Kassé et feu Abdourahmane Kamara qui ont eux aussi fait de brillantes carrières — avait secoué le cocotier, fait bouger les lignes, ébranlé le vieil édifice socialiste. Carle simple fait qu’il y ait eu une information autre, relativement indépendante et qui venait offrir un son de cloche différent et contredire la propagande des médias d’Etat était déjà en soi une révolution ! Bien évidemment, en ces temps de quasi parti-Etat, de toute-puissance du Parti socialiste, c’était presque suicidaire de vouloir faire du journalisme « libre ». Nous avions tout l’appareil de l’Etat, au premier rang duquel les redoutables services de renseignement, derrière nous mais jeunes, idéalistes, intrépides, croyant au journalisme, nous n’en avions cure. Cette belle aventure ne dura qu’une année, hélas, du fait de graves problèmes de gestion survenus au niveau de l’imprimerie surtout. Alors que la formidable équipe se dispersait, chacun d’entre nous cherchant du travail de son côté — c’est juste à ce moment qu’un intellectuel arabisant du nom de Sidy Lamine Niass lançait un bimensuel islamique du nom de « Wal Fadjri » ! —, Me Abdoulaye Wade me fit appeler un jour pour me demander de bien vouloir rester avec lui pour aider Me Ousmane Ngom — à l’époque secrétaire national à la presse et à l’information du Pds — à animer « Le Démocrate », organe central de l’alors premier parti de l’opposition. Par la suite, je fus prié de m’occuper du « Citoyen », un journal d’éducation civique publié par l’Isefi (Institut sénégalais d’Education par la Formation et l’Information) crée parle Pds et bénéficiant du financement de la Fondation Friedrich Neumann du Parti libéral allemand. Un beau jour de la fin de l’année 1987, à quelques mois de la présidentielle de février 1988, Me Wade m’invita dans son bureau pour me demander de lui concevoir un journal de campagne qui s’appellerait « Sopi » et aurait une durée de vie de trois mois c’est-à-dire de la pré-campagne à l’après-campagne. Initialement, Me Ousmane Ngom devait en être le directeur de publication mais, étant donné que l’ancien directeur de la FNASS (Fondation nationale d’Action sociale du Sénégal qui se trouvait à la présidence de la République), un certain Jean-Paul Dias, venait d’adhérer au Pds après s’être brouillé avec le tout-puissant Jean Collin, Wade décida finalement de lui confier la direction de ce journal qui atteignit les tirages les plus élevés de l’histoire de la presse sénégalaise et dont j’étais le rédacteur en chef. A la suite d’une brouille retentissante avec le père de Barthélémy Dias, il me licencia. Tollé au Pds ! Finalement, et au terme de péripéties que je n’évoquerais pas ici, le Secrétariat exécutif national du parti libéral me donna raison, ordonna ma réintégration et nomma l’avocat Me Cheikh Koureyssi Ba, un grand ami avec qui j’ai bourlingué et qui fut mon colocataire à la cité Derklé où vivait aussi en location un certain Macky Sall, comme directeur de publication. L’aventure « Sopi » (qui ne devait durer que trois mois!) prit fin en 1990 lorsque, à la suite d’une grève déclenchée par la rédaction contre la direction du parti pour revendiquer le paiement d’arriérés de salaires, Boubacar Sall alias le « Lion du Cayor », devenu entretemps n° 2 du Pds, nous a tous licenciés.
Le début d’une formidable épopée !
C’est alors que, en avril 1990, nous avons lancé le journal « Le Témoin ». L’équipe initiale était composée, outre votre fidèle serviteur, de Mohamed Bachir Diop, Serigne Mour Diop, Mbagnick Diop (que de Ndiobènes !), Ibou Fall et notre regretté doyen Mamadou Pascal Wane. Depuis lors, 34 ans se sont écoulés au cours desquels ce journal a joué les premiers rôles au sein de la presse sénégalaise et contribué à en faire ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Malgré les procès en diffamation — nous en détenons incontestablement le record même si on a assisté à une décrue ces dernières années —, malgré les atteintes physiques à notre intégrité parfois, malgré les saisies effectuées par des huissiers, les blocages de nos comptes bancaires, les périodes de disette publicitaire comme celle que nous vivons depuis quelques mois caractérisées par des arriérés de salaires, malgré les menaces, les intimidations, les pressions, nous avons tenu bon. Et même réussi à lancer deux stations de radios. Contrairement à d’autres grands groupes, nous n’avons jamais été riches, au « Témoin », mais avons toujours eu foi en ce métier. Comme dans la fable « Le loup et le chien » de La Fontaine, nous n’avons jamais voulu d’une laisse, fût-elle en or, et avons préféré vivre heureux, libres et sans-loi plutôt que fortunés mais asservis. Au moment où je m’apprête à passer le…témoin, après avoir été le timonier pendant plus d’un tiers de siècle, le journal est dans le creux de la vague comme toute la presse nationale du reste. Je souhaite donc beaucoup de courage à l’équipe qui va me succéder et en particulier au futur directeur de publication.
Cet éditorial d’au-revoir (ou d’adieu…) ne saurait en aucun cas constituer un bilan de ma vie journalistique que je retracerai peut être, si l’occasion m’en est donnée, dans mes Mémoires. Celles d’un enfant de la banlieue, qui a grandi à Diamaguène, où il a fait ses études primaires, avant de fréquenter le lycée Blaise Diagne durant une période qui fut incontestablement la plus belle de ma vie puis d’effectuer des études inachevées au Cesti car interrompues en deuxième année non pas parce que j’étais un cancre mais plutôt du fait que j’étais trop rebelle et trop communiste en un temps où, je l’ai déjà dit, il n’était pas de bon ton de l’être. J’avais été classé deuxième au concours d’entrée auquel s’étaient présentés en 1978 plus de 700 candidats dont les sept seulement avaient été retenus, après avoir été double lauréat au Concours général…
Journaliste un jour, journaliste toujours…
Un journaliste, donc, qui a débuté au bas de l’échelle pour se retrouver au sommet et qui ai connu personnellement les trois derniers présidents de la République du Sénégal qu’il s’agisse d’Abdou Diouf qui m’adorait et prenait plaisir à discuter avec moi — et qui, d’ailleurs, jusqu’à ces dernières années, à chaque fois qu’il venait au Sénégal demandait à son fils Habib, un de mes meilleurs amis, de me faire venir — en passant par Abdoulaye Wade aux côtés duquel j’ai beaucoup appris et qui est incontestablement celui qui m’a le plus formé. Que de combats j’ai menés avec lui au cours de ce qu’on appela les années de braise ! Quant à Macky Sall, il fut véritablement un petit frère pour moi, gentil, généreux, attentionné, respectueux. Pendant ses 12 ans au pouvoir, bien que je ne l’aie jamais raté, surtout durant son second mandat, malgré mes attaques virulentes contre lui, il a toujours demandé à ses fédayins de ne pas riposter, leur répétant inlassablement en parlant de moi que « quoi qu’il puisse écrire, il est et restera mon grand-frère ». Parmi les trois, c’est celui dont j’ai été le plus proche. Hélas, à l’épreuve du pouvoir, on sait ce qu’il est devenu. J’ai tenté de l’alerter parmes écrits quand j’ai vu que les choses commençaient à dériver, on lui a dit que j’étais son ennemi !
En 44 ans de journalisme, j’ai été témoin de l’histoire de ce pays durant presque un demi siècle et même, parfois, acteur. Encore une fois, seuls des Mémoires permettront de restituer tout cela
Pour ne pas faire des frustrés, je ne citerais pas de noms mais je tiens à remercier chaleureusement tous ceux nous ont accompagnés durant ces 34 dernières années, à commencer par nos fidèles lecteurs sans qui nous aurions mis la clef sous le paillasson depuis longtemps. Des lecteurs qui ont constitué nos plus sûrs soutiens par beau temps comme par intempéries et qui, en achetant ce journal, nous ont permis de vivre. Des lecteurs qui ont tendance à se réduire du fait de l’âge, beaucoup d’entre eux n’étant plus en vie malheureusement. Merci aussi à nos annonceurs, même s’ils ont tendance à se raréfier, à nos soutiens financiers anonymes, à nos informateurs, à nos avocats, à nos imprimeurs, à nos distributeurs, aux confrères, à tout le monde… Merci surtout à nos braves épouses, au premier rang desquelles la mienne, ma Première dame qui ont supporté de nous voir rentrer tout les jours à quatre heures voire cinq heures du matin, passer les weekends sur les théâtres d’événements, les fins du mois difficiles avec la dépense quotidienne qui n’a pas toujours — pour ne pas dire n’a jamais — été au rendez-vous. Merci également à nos merveilleux enfants que nous n’avons pas vu grandir. Pardon à ces braves collaborateurs particulièrement mal payés — quand ils le sont —, abonnés aux retards voire aux arriérés de salaires, aux loyers impayés de mon fait, habitués à voir leurs enfants renvoyés de l’école pour cause de non-paiement des frais de scolarité…
Si je n’ai pas voulu personnaliser les remerciements, qu’on me permette quand même de réserver une mention particulière à l’actuel président de la République, Son excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye, et à son Premier ministre, Ousmane Sonko, eux qui m’ont nommé généreusement aux fonctions de président du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel sans même me connaître. J’ai dit tout ce qui m’a lié aux deuxième, troisième et quatrième président de ce pays. Et voilà que c’est le cinquième d’entre eux, celui que je ne n’ai connu ni d’Adamni d’Eve, qui me promeut! Donc après 44 ans au service de l’Information, je serai désormais au service de la Nation. Je sollicite les prières et les soutiens de tout le monde pour la réussite de ce nouveau et redoutable challenge pour moi. Pour le reste, encore une fois merci à tout le monde, pardon aux innombrables personnes que j’ai offensées, en espérant que ce n’est qu’un au-revoir…
Par Pape Bocar DIALLO
PSE VS PROJET SENEGAL 2050, L’ETERNEL RECOMMENCEMENT ?
L’évaluation des politiques publiques au-delà de son caractère stratégique, permet d’avoir une méthode d’action, «the one best way» qui assure une bonne continuation de l’action publique quel que soit le régime en place.
Lundi 14 octobre dernier, le nouveau régime a finalement présenté le «bébé» tant attendu par le peuple Sénégalais. Ce projet Vision Sénégal 2050 serait le remplaçant du PSE (Plan Sénégal Émergent) du président Macky Sall. Il est celui qui «enterre» définitivement la vision 2035 de l’ancien régime. Nous pouvons donc nous réjouir qu’en fin, nous avons un nouveau référentiel des politiques publiques, et désormais, nous pouvons le critiquer, l’amender ou émettre nos observations de citoyen soucieux de la bonne marche de notre cher pays.
Pour ma part, je ne m’attarderai pas sur une comparaison PSE/Vision Sénégal 2050. Point besoin de longue dissertation pour relever les similitudes entre ces 2 projets ou visions. D’ailleurs, ils ont le même géniteur. S’ils ne sont pas de même « mère », nous osons dire, sans risque de nous faire confondre, que ces 2 projets sont de même « père », Monsieur Victor Ndiaye du cabinet Performances Group. D’ailleurs, c’est assez frappant d’entendre les mêmes éléments de langages, aux mots près, lors de la présentation du projet à Diamniadio. Un autre point commun, PSE et Vision Sénégal 2050 ont suivi la même logique d’élaboration. Ces projets ont été concoctés suivant la méthode obsolète «top down» (du sommet vers le bas) alors qu’il aurait fallu se mettre dans une dynamique plus démocratique et participative, en adoption la démarche «bottom up», c’est-à-dire du bas vers le haut, avec une réelle prise en compte des avis des destinataires des politiques publiques. La coconstruction. C’est la clé de réussite des politiques publiques, associer les citoyens dans l’élaboration au lieu de chercher de faire leur bonheur sans eux.
C’est dire à quel point la similitude est évidente.
Aussi, je relève qu’il est temps pour nos politiques de sortir de cette opposition stérile et vindicative, et s’inscrire dans une démarche plus inclusive, surtout lorsqu’il s’agit de parler de l’avenir de notre pays. Parce que, si nous nous étions mis dans une posture de continuité de l’État et dans une démarche d’évaluation des politiques publiques, peut-être que nous arriverions à nous mettre d’accord autour de l’essentiel, notamment en matière de prise en charge des besoins de nos compatriotes et du développement de ce pays. Tout ne saurait être négatif dans le PSE, il en est d’ailleurs de même pour les programmes qui l’ont précédé
Parlons d’ailleurs de l’évaluation des politiques publiques.
Les politiques publiques sont considérées comme un ensemble d’actions coordonnées mises en place, avec pour objectif d’obtenir une modification ou une évolution d’une situation donnée (par ex : le chômage de masse de la jeunesse, l’iniquité territoriale…). Elles doivent donc jouer un rôle de redistribution, notamment lorsque l’égalité des chances n’est pas assurée initialement. Pour ce faire, des objectifs sont fixés et des moyens sont mis en place par les pouvoirs publics afin de les atteindre.
Au regard des éléments cités plus haut, il va de soi que l’évaluation des politiques publiques, qui consiste à une démarche ayant pour objet de juger (de la valeur) de l’efficacité, de l’efficience et de la pertinence des programmes publics, doit être intégrée dans notre façon de faire dans le cadre de l’action publique. C’est une démarche de bonne gouvernance (optimisation des dépenses publiques, mise en place de nouvelles formes de gouvernance…).
Par conséquent, si le précédent régime s’était sincèrement inscrit dans cette démarche et que les actuels tenants du pouvoir avaient fait preuve de dépassement, nous ne nous serions pas installés dans la polémique, cherchant à savoir si Vision Sénégal 2050 était oui ou non un plagiat du PSE. Nous devons dépasser ce genre de débat pour les seuls intérêts du Sénégal. Nous ne pouvons pas perdre du temps dans des joutes verbales stériles, alors que de nombreux défis (sécuritaire, chômage, autosuffisance et souverainement alimentaire, changement climatique…) nous attendent au tournant. Dans un temps troublé où chaque nation se recroqueville, dans un système d’échanges sous domination néolibérale, une compétition économique de plus en plus féroce, nous ne devrions pas nous distraire. Il nous faut avoir le sens des priorités. C’est pourquoi, je me permets de suggérer aux nouvelles autorités de rapidement mettre en place un dispositif d’évaluation des politiques. Plus encore, la future assemblée nationale qui sortira des élections législatives du 17 novembre prochain, devra pleinement assumer ses pouvoirs d’évaluation des politiques publiques.
C’est cette démarche qui permettra aussi de rendre compte de l’utilisation de l’argent public. L’évaluation des politiques publiques au-delà de son caractère stratégique, permet d’avoir une méthode d’action, «the one best way» qui assure une bonne continuation de l’action publique quel que soit le régime en place. Également, elle nous permet d’éviter cet éternel recommencement qui voudrait qu’un nouveau régime arrivant balaie tout du précédent, sans discernement
par Ibrahima Élimane Kane
DRAGUER LE FLEUVE
L’OMVS perd l’équilibre écologique. Diama et Manantali ne font pas barrage, désarmés, inondent la tine du général. L’omerta est d’Or. L’alerte jaune est frappée Sec. Une calamité prévue confond le duo
insuffle une saine synergie. Une salvatrice riposte s’organise.
qui optimise l’Anacim,
prévient les dégâts structurels ,
résoud les difficultés conjoncturelles.
La mode emporte le succès.
En l’honneur du Japon,
le Petit Prince brûle de l’encens ,
suscite un engouement passager.
En matière de gestion des catastrophes,
l’expérience nippone inspire.
Il est temps d’agir.
par kRISTIAN LAUBJERG
LE MYTHE DE LA DÉCOLONISATION
Il vaut la peine de spéculer sur la façon dont le développement aurait pu progresser et apporter du bien-être aux populations d'Afrique de l'Ouest si la France n'avait pas interféré avec les véritables intérêts nationaux de ces anciennes colonies
Comment la France maintient ses anciennes colonies africaines piégées dans une servitude éternelle
« La France sans l'Afrique, c'est comme un véhicule sans carburant. »[1]
L'histoire prédominante de la France concernant l'Afrique s'affiche dans ses efforts inlassables pour défendre les intérêts de l'Afrique au Conseil de sécurité de l'ONU ; il s'agit de la France qui promeut la civilisation parmi les tribus primitives d'Afrique dans le contexte d'une culture européenne supérieure, promouvant la démocratie et les droits de l'homme. Le discours de Nicolas Sarkozy devant des étudiants sénégalais en 2007 suggère que cette perception est encore forte. Il a conclu ses déclarations à la génération des futurs dirigeants du Sénégal en déclarant que l'Afrique ne s'est pas encore développée ni entrée dans l'histoire, montrant ainsi son ignorance du patrimoine culturel de l'Afrique.
Nous entendons rarement les nombreux récits de dirigeants assassinés qui ont donné la priorité au bien-être et au développement de leur peuple et de leur nation plutôt qu'à la France. Jamais on n'entend parler de la manipulation des campagnes électorales en faveur des candidats pro-français, et rarement on entend parler du carcan du système monétaire mis en place par la France pour maintenir ses anciennes colonies dans une servitude éternelle. Le colonialisme a surtout été présenté comme un acte humanitaire commis par des Européens civilisés et cultivés, alors que le fait est que des nations entières ont été déchirées par le colonialisme, poursuivant ainsi la destruction de l'Afrique qui a commencé avec l'asservissement des Africains des siècles plus tôt. Ce que l'esclavage et le colonialisme n'ont pas détruit est aujourd'hui la cible de l'impact économique puissant des économies occidentales promues au nom d'une idéologie néolibérale par les institutions financières internationales, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, et les agences d'aide bilatérale.
En dehors de l'Afrique, la France a l'image d'une nation qui défend le meilleur de la civilisation humaine, en particulier dans les arts, y compris la littérature, la cuisine, la mode, le vin et la philosophie. La France est également fortement associée à l'élaboration de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Elle se vante d'être le berceau de la démocratie et expose les valeurs fondamentales de la démocratie dans sa devise nationale : liberté, égalité et fraternité. C'est l'une des destinations touristiques les plus populaires au monde. Mais rares sont les visiteurs de ce pays attrayant qui connaissent l'oppression et l'exploitation continues de ses anciennes colonies africaines par la France et, dans de nombreux cas, sa neutralisation d'individus perçus comme une menace pour les intérêts français.
Contexte
L'exploitation européenne de l'Afrique a commencé dès le XVIe siècle, lorsque les Africains réduits en esclavage ont commencé à arriver dans les Amériques. Depuis lors, il y a eu de nombreux récits de rébellion contre les commerçants et les propriétaires de plantations européens. Ces rébellions, qui témoignent de la résilience et de la volonté des Africains à déterminer leur destin, se sont souvent poursuivies sur le sol africain lorsque les dirigeants locaux se sont sentis menacés par les envahisseurs européens. L'assujettissement de l'Afrique par l'Europe ne s'est pas arrêté à l'asservissement de son peuple. Il s'est étendu à l'extraction des ressources naturelles telles que le sucre, le café, l'huile de coton, le pétrole, le cuivre, le chrome, le platine, le tabac, l'or et l'uranium. L'industrialisation des pays européens dépendait en grande partie du raffinage des matières premières importées d'Afrique.
Jusqu'à la fin du 19ème siècle, l'Afrique était à la portée de tout le monde sur le principe du premier arrivé, premier servi. Les puissances européennes ont convenu que diviser l'Afrique entre elles serait une meilleure solution. La conférence de Berlin en 1884, un événement charnière qui a eu un impact significatif sur l'Afrique, a facilité la colonisation de l'Afrique et a ouvert la voie à l'exploitation extensive de ses vastes ressources. Quatorze pays ont participé à la conférence. Les grands « gagnants » ont été la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Portugal. Les États-Unis y ont participé, ainsi que plusieurs petits pays européens, comme le Danemark et les Pays-Bas. Les frontières ont été définies sans tenir compte des caractéristiques nationales et ethniques, provoquant ainsi des frictions et des guerres qui se poursuivent jusqu'à ce jour.
La France prend possession de la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest et centrale. Dans le même temps, l'Angleterre a colonisé les pays d'Afrique de l'Est et australe, le Nigeria et le Ghana en Afrique de l'Ouest. L'Allemagne prend le contrôle de la Tanzanie, du Togo, du Cameroun et de la Namibie, tandis que le Portugal prend le contrôle du Mozambique, de l'Angola, de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert.
Après la création des Nations Unies à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les mouvements d'indépendance ont balayé l'Afrique. Les élites africaines éduquées ont facilité la diffusion d'idées sur le droit à l'indépendance nationale, libre de l'exploitation et du contrôle des puissances coloniales européennes. Ainsi, dans les années 1960, la plupart des colonies africaines sont devenues nominalement indépendantes, à l'exception de celles gouvernées par le Portugal, qui a obtenu son indépendance au milieu des années 1970 lorsque la dictature de Salazar au Portugal a pris fin en 1974. Avec sa défaite dans deux guerres mondiales, l'Allemagne a perdu ses colonies à la fin de la Première Guerre mondiale. La Société des Nations a transféré la responsabilité de ces anciennes colonies allemandes à d'autres puissances européennes, à l'exception du Sud-Ouest africain (Namibie), qui a été remis au pouvoir par la population de la minorité blanche de l'Union d'Afrique du Sud.
Dans de nombreux cas, en particulier dans les territoires sous domination française, la décolonisation a évolué vers un état permanent de néocolonialisme. Depuis 2021, cela s'est traduit par des coups d'État militaires dans les trois pays d'Afrique de l'Ouest que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où les nouveaux dirigeants, avec un soutien important des populations, ont exigé une rupture totale de l'influence néocoloniale de la France, qui ont formé depuis septembre 2023 une Alliance des États du Sahel (ASS). L'ancien président sud-africain Thabo Mbeki qualifie les putschistes de patriotes africains luttant contre le néocolonialisme français. Les trois pays rebelles à l'ingérence française dans les affaires des pays souverains ont été rejoints par le Sénégal en mars 2024, lorsque le Parti Pastef.[2], qui s'était jusque-là opposé au président soutenu par la France, a accédé à la présidence. Pastef a mené la campagne électorale en exigeant la renégociation de tous les contrats conclus avec la France et ses entreprises transnationales et la mise en place d'un système monétaire national, rompant ainsi avec celui mis en place par la France, lorsque les territoires étaient encore des dépendances de la France.
Notre argument
Dans cet essai, c'est un point significatif de notre argumentation que la France n'a jamais accordé d'indépendance réelle à ses anciens territoires africains. Les observations sur les efforts de la France pour décoloniser les territoires africains au cours des 60 dernières années suggèrent que Paris, avec le soutien de ses alliés occidentaux et agissant souvent comme un instrument pour les intérêts occidentaux, continuera son opposition à tout gouvernement africain qui accorde plus d'attention au bien-être de son peuple et aux intérêts nationaux qu'à la coopération avec la France telle que définie par les accords de coopération signés au moment de l'octroi du statut d'indépendance. Le statut international de la France et les gains financiers de ses entreprises transnationales dépendent du maintien du contrôle de ses anciens territoires africains. La France s'appuie également sur ses anciens territoires pour justifier son adhésion permanente au Conseil de sécurité, où l'Occident considère la France comme l'ambassadrice de l'Afrique.
Fini le temps où la France, impunément, assassinait impunément des dirigeants nationalistes et entreprenait des interventions militaires pour assurer son autorité. Aujourd'hui, nous remarquons une tendance croissante de la France à changer sa stratégie de contrôle, passant d'une ingérence ouverte dans les élections, de l'élimination des dirigeants nationalistes et des interventions militaires à une exploitation plus subtile de ces pays par son contrôle du système monétaire. Par le biais d'accords avec l'ensemble des pays du CFA, la France contrôle l'ensemble des liens financiers entre les pays du CFA et l'extérieur.
Au cours des soixante dernières années, depuis que l'indépendance a été accordée aux colonies africaines, nous avons remarqué peu d'amélioration dans leur développement. La principale différence est que pendant la domination coloniale, ces pays étaient dirigés par des représentants du gouvernement français, mais aujourd'hui, les élites nationales ont pris le relais en tant qu'agents de la domination et de l'exploitation étrangères.
Des rêves de coopération panafricaine à la dépendance néocoloniale
L'indépendance des colonies africaines est rarement venue de soi. La résistance armée, en particulier en Afrique occidentale française, a souvent précédé l'octroi de la souveraineté nationale. L'indépendance comportait l'attente et la promesse de l'autonomie politique et économique, de l'autosuffisance et de l'africanisation des affaires, du panafricanisme et du non-alignement. Malgré cela, la France a souvent réussi à faire gouverner ces nouvelles nations par ses candidats malgré une résistance intense et généralisée organisée par des groupes d'opposition. Le Cameroun illustre bien la difficulté de la transition vers l'indépendance nationale. Ruben Um Nyobé a été tué dans la brousse par l'armée française en 1958. La lutte pour une véritable autonomie s'est poursuivie au Cameroun tout au long des années 1960 contre un gouvernement considéré comme une marionnette de la France. Le dernier chef de l'opposition a été condamné et exécuté en 1971.
Les puissances coloniales des pays d'Europe occidentale ont justifié leur conquête et leur domination des pays africains par leur impact « civilisateur » sur les sociétés africaines primitives. L'impact civilisateur était destiné à justifier leur massacre et leur assujettissement pour les rendre conformes aux valeurs occidentales, prétendant soutenir le bon ordre, la liberté, l'égalité et la justice. Les avantages pour l'Europe de l'exploitation des ressources naturelles de l'Afrique ont été rarement mentionnés, bien qu'ils aient joué un rôle très important dans le contrôle continu de la France sur les anciennes colonies. Les atrocités commises sous l'égide de la culture et de la civilisation européennes ont été soigneusement documentées au cours des nombreux siècles où l'Europe a gouverné le monde, imposant son ordre de patriarcat misogyne, d'esclavage et de racisme, de colonialisme, d'intolérance religieuse, de répression de la pensée et de destruction de l'environnement au service de l'exploitation économique.[3].
Mise en œuvre des politiques de décolonisation de la France
Dès le début de la présidence du général Charles de Gaulle en 1958, il est devenu évident qu'il pensait que la France n'avait rien à gagner à accorder l'indépendance à ses colonies en Afrique et ailleurs. Le continent africain constitue un fournisseur indispensable de ressources naturelles pour les industries manufacturières en France. Au début des années 1980, les importations de minéraux critiques d'Afrique vers la France se répartissaient comme suit : Uranium 100 % (Gabon et Niger), 90 % de bauxite (Guinée), 76 % de manganèse (Gabon et Afrique du Sud), 59 % de cobalt (Zaïre, Zambie), 57 % de cuivre (Zaïre et Zambie), Phosphate 56 % (Maroc et Togo). Par ailleurs, 70 % de l'essence est extraite dans le monde par Total en Angola, au Cameroun, au Congo et au Gabon. Il n'est donc pas étonnant que le président de Gaulle ait choisi comme principal conseiller pour les affaires africaines une personne qui ne s'est pas abstenue de commettre des assassinats pour promouvoir les intérêts économiques et politiques de la France. L'homme chargé d'assurer la domination continue de la France sur l'avenir de ses anciennes colonies était Jacques Foccart. Sous sa supervision directe, on estime que la France, de la manière la plus brutale et la plus inhumaine, a été directement responsable de l'assassinat de sept dirigeants sur un total de seize. La principale préoccupation de Foccart était d'assurer des ressources pour les sociétés transnationales françaises. Il a développé des contacts personnels avec tous les présidents africains des anciennes colonies françaises. Il a su manipuler quelques-uns d'entre eux – comme les présidents du Gabon et de la Côte d'Ivoire – pour servir d'intermédiaires avec leurs collègues présidentiels dans l'intérêt de la France. Celle-ci est devenue connue sous le nom de Françafrique, qui est définie comme la sphère d'influence de la France sur ses anciennes colonies d'Afrique subsaharienne. De cette manière, la Françafrique est devenue un instrument dans la mafia des affaires française et son exploitation des ressources naturelles de l'Afrique. Pendant près de 40 ans, jusqu'à sa mort en 1997, Jacques Foccart a eu une influence directe sur la politique de la France dans ses territoires africains. Son impact se fait encore sentir aujourd'hui.
En examinant l'approche de la France pour rester au pouvoir, nous pouvons détecter plusieurs procédures qui se chevauchent parmi les mesures privilégiées par Foccart pour assurer son leadership. La première serait d'influencer le choix du chef de l'État et des individus aux postes clés du gouvernement.[4]. Si la France ne parvenait pas à obtenir le soutien populaire pour son choix de leadership, elle avait recours à un contre-plan, consistant souvent en un complot visant à éliminer le dirigeant national concerné. Un tel complot était exécuté dans le plus grand secret et de préférence présenté comme résultat de conflits locaux, comme ce fut le cas lorsque Thomas Sankara du Burkina Faso a été tué par son « ami » et compagnon d'armes, Blaise Campaoré, en 1987. Dans quelques cas, Focccart n'a pas réussi à obtenir l'approbation présidentielle pour ses plans visant à éliminer un président déloyal. C'est ce qui s'est passé avec le président Touré en Guinée après qu'il ait demandé à la population guinéenne si elle souhaitait conclure un accord de coopération avec la France. Le résultat du référendum a été un rejet clair de la proposition. Touré développa alors un système monétaire national. Foccart a d'abord conseillé au président de Gaulle de le tuer, mais de Gaulle a eu une autre idée, ce fût de mettre le pays à genoux. La France a imprimé des millions de faux billets du jour au lendemain et en a inondé la Guinée.
L'impact a été catastrophique et se fait encore sentir aujourd'hui en Guinée. La réaction de la France a servi d'avertissement aux autres pays en quête de souveraineté nationale. Sékou Touré jouissait d'une reconnaissance positive parmi les dirigeants africains. Le président du Togo, Sylvanus Olympio, l'a désigné comme l'un de ses principaux conseillers. Olympio n'a pas vécu assez longtemps pour le regretter. Il a été tué et éliminé devant l'ambassade des États-Unis à Lomé.
Accords de coopération et de défense avec les anciennes colonies africaines
Avant d'obtenir l'indépendance, Foccart exigeait que tous les pays signent un accord de coopération couvrant les questions culturelles, économiques et de défense. Au début de 1957, la France conçoit la création d'une organisation qui assurerait la gouvernance française des régions africaines. Le rêve d'établir un Sahara français a subi un coup final avec l'issue de la guerre d'Algérie en 1962, qui a conduit à l'indépendance de l'Algérie.
Sur la base des expériences de l'Algérie et de la Guinée, la France n'accorderait son indépendance qu'après avoir signé des accords de coopération et de défense garantissant un accès continu aux ressources naturelles essentielles. Lors de l'indépendance dans les années 1960, la France a conclu des accords de défense et de coopération avec 23 anciennes colonies. La formation des armées nationales a permis à la France de réduire sa présence militaire de 30 000 soldats dans les années 1960 à 15 000 dans les années 1980. De 1945 à 2005, la France a mené plus de 130 interventions militaires en Afrique, la plupart dans ses anciennes colonies. Depuis l'indépendance de ses colonies dans les années 1960, la France est intervenue militairement plus de 50 fois sur le continent.
La puissance terrorisatrice de la France
Tout dirigeant africain qui s'est montré plus intéressé par le développement de son pays plutôt que par le soutien aux politiques néocoloniales de la France a commis une grave erreur et s'est placé dans la ligne de mire des programmes d'élimination de Foccart. Il ne fait guère de doute que le succès de la stratégie Foccart repose sur la peur et la terreur. Foccart avait un pouvoir énorme et exécutait parfois des décisions sans demander l'approbation présidentielle préalable, comme dans le cas de Mamadou Dia, le chef du premier gouvernement indépendant au Sénégal. La France pensait qu'il était plus intéressé par le développement des zones rurales et le renforcement de la coopération du Sénégal avec d'autres pays africains. Le président français de la Chambre de commerce de Dakar a conseillé à Mamadou Dia de limiter tous ses discours sur le socialisme africain aux masses rurales appauvries et de céder les zones les plus rentables au secteur privé géré par les entreprises françaises. D'accord avec le président Senghor, Mamadou Dia a été accusé d'un coup d'État. Pour contrer toute résistance de Mamadou Dia, Foccart alerte les parachutistes français sur les bases sénégalaises. Des mesures similaires ont été prises au Gabon lorsque l'armée a tenté de renverser le président Mba.
Foccart a fait intervenir l'armée française parce que le président Mba était loyal aux intérêts de la France. En 1963, il fait tuer le président togolais Sylvanus Olympio. Tout en plaidant pour des liens plus forts avec le monde anglophone, en particulier avec le Royaume-Uni, les États-Unis et le Nigeria, Olympio a fait plusieurs efforts pour renforcer les forces anticoloniales entre les pays africains. En tant que Premier ministre du Togo, il a été une épine dans le pied des Français lorsqu'il a nommé Sékou Touré, de Guinée, conseiller spécial de son gouvernement. Foccart a bloqué la grâce du président Pompidou à l'égard du chef de l'opposition camerounaise Ernest Ouandié, condamné à mort et exécuté en 1971. En 1987, Foccart a orchestré l'assassinat de Thomas Sankara, le président populaire du Burkina Faso. La décision de le faire tuer aurait été prise lors de la visite du président Mitterrand en 1986. Lors d'un dîner officiel, Sankara a critiqué la France pour sa collaboration avec l'Afrique du Sud de l'apartheid. Son discours est devenu le dernier clou dans son cercueil lorsque les services de renseignement français, en collaboration avec la CIA, ont décidé de se débarrasser de Sankara. En 1994, Foccart organise la réhabilitation de Mobutu, qui, depuis l'assassinat de Patrice Lumumba, avait maintenu le Congo dans une pauvreté abjecte alors que sa richesse personnelle équivalait à plusieurs décennies d'aide financière à son pays.
On espérait que la néo-colonisation de ses anciens territoires africains aurait pris fin à la mort de Foccart en 1997. Mais cela n'a pas été le cas. La France a continué ses crimes contre les intérêts et le bien-être de populations entières de ses anciennes colonies. Sa dernière intervention militaire a eu lieu en Côte d'Ivoire en 2011, lorsque l'armée a ouvert la voie au candidat à la présidence française.
CFA : L'arme invisible
L'héritage du général de Gaulle pèse lourdement sur les efforts de la France pour adapter ses procédures de décolonisation aux évolutions de l'environnement politique. Heureusement pour la France, elle dispose encore d'un atout puissant, à savoir celui du CFA - Communauté Financière Africaine. De plus, cette carte est pratiquement impossible à tracer pour ses utilisateurs et ne laisse aucun lien entre ses victimes et la cause de leur misère. Le CFA s'est avéré être une arme aussi efficace que toutes les tentatives précédentes de contrôle des pays d'Afrique de l'Ouest et centrale. Par conséquent, la monnaie CFA a été ciblée par les dirigeants nationaux et les économistes panafricains. La question de la monnaie nationale a également fait son entrée dans la récente campagne présidentielle d'Ousmane Sonko du parti Pastef. Initialement, le CFA a été promu sous le slogan de promouvoir la stabilité économique et sociale dans les anciennes colonies, alors que la réalité est que le CFA continue de maintenir ces pays dans une pauvreté servile et sans aucun moyen disponible pour le développement des industries locales, laissant tous les bénéfices à l'État français et à ses entreprises privées, telles que Bolloré, Total, Areva, Bouygues, Auchan et bien d'autres. Un examen mondial des économies suggère que pratiquement aucun pays n'a progressé économiquement avec son système monétaire contrôlé par une puissance étrangère. C'est le cas du CFA mis en place par le ministre français des Finances en décembre 1945 pour renforcer la faiblesse du franc d'après-guerre. Contrairement à la réalité, la France a introduit le CFA avec la raison de sa garantie en l'arrimant au franc français. Même les experts tiennent pour acquis l'idée que les deux banques centrales CFA de Dakar et de Yaonde émettent le franc CFA et bénéficient d'une « garantie illimitée » du Trésor français. Dans une publication récente, un économiste sénégalais bien connu affirme que cette « soi-disant « garantie » est un mythe commode qui légitime l'ingérence continue du gouvernement français dans les affaires économiques et monétaires des pays africains dans l'ère postindépendance[5] ».
L'accord monétaire avec ses anciens territoires africains permet à la France de contrôler toutes les importations et exportations. Cet accord donne à la France le contrôle total des économies de ses anciennes colonies. Les bénéficiaires de ce système sont, en premier lieu, les entreprises françaises. Les réserves de devises étrangères appartenant aux pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre sont détenues à la Banque de France. La quantité de principe détenue par ces pays était estimée à 36,5 tonnes en 2017[6]. Les prêts obtenus en CFA pour financer des projets, comme le développement d'infrastructures, favorisent les multinationales françaises opérant sur le continent au détriment du développement des entreprises locales.
Le gouvernement français est représenté dans les conseils d'administration des deux banques centrales CFA pour l'Afrique de l'Ouest et centrale avec un droit de veto, ce qui permet à la France d'utiliser la monnaie CFA comme une arme. Cela se fait en instaurant un embargo financier : restreindre l'accès du gouvernement dissident à ses comptes bancaires à la banque centrale ou arrêter le refinancement du système bancaire national et des opérations financières avec le monde extérieur. La France a utilisé ce pouvoir efficacement pendant la guerre civile en Côte d'Ivoire, lorsque le président Gbagbo a été chassé du pouvoir. Le Trésor français a empêché la Côte d'Ivoire d'utiliser le compte d'opérations.
Lorsque cela n'a pas suffi à empêcher le président Gbagbo de faire avancer les plans de développement d'une monnaie nationale, la France est intervenue militairement pour placer le candidat préféré de la France à la tête du pouvoir. L'armée française a fait arrêter le président Laurent Gbagbo en avril 2011, puis l'a traduit devant la Cour pénale internationale de La Haye en 2011. Gbagbo était devenu trop proche du colonel Kadhafi de Libye, notamment avec les projets de développement d'un système monétaire alternatif au CFA. À la demande de la France, les forces de l'OTAN ont fait tuer le président Kadhafi moins de six mois plus tard, en octobre 2011. La France a éliminé deux menaces importantes qui pourraient entraver son utilisation continue de la monnaie CFA, maintenant ainsi la domination néocoloniale des pays d'Afrique de l'Ouest et centrale. Plus récemment, la France a utilisé le potentiel militaire de la monnaie CFA au début de l'année 2022 avec le gouvernement militaire du Mali.
Le développement humain dans les anciennes colonies françaises
Il faut s'attendre à ce que les accords de coopération avec un pays industriel européen avancé comme la France ait eu une incidence positive substantielle sur tout pays partenaire africain. Plus de 60 ans de tutelle française et de contrôle néocolonial continu auraient dû avoir un impact positif sur les pays partenaires, les faisant arriver à un niveau de développement humain plus élevé que les autres pays africains sans un tel accord.
Cependant, un coup d'œil aux statistiques du rapport sur l'indice de développement humain préparé par les Nations Unies montre que c'est loin d'être le cas. Pendant des années, l'ONU a appliqué une mesure sommaire du développement humain. L'indice de développement humain a été créé pour souligner que les personnes et leurs capacités devraient être le critère ultime d'évaluation du développement d'un pays, et non pas seulement la croissance économique. Le dernier classement publié en 2024 montre que les pays sur lesquels se concentre cet essai se classent parmi les plus pauvres du monde.
Alors que la France occupe la 28e place, le Niger, qui satisfait les besoins de la France en uranium, est classé 189e, à seulement quatre places de la dernière place occupée par la Somalie, qui connaît des années de guerre civile. Le Gabon, qui est à la base des plus grandes entreprises d'exploration pétrolière de France, occupe un nombre modeste, 124, tandis que le Mali et le Burkina Faso se classent respectivement 188e et 185e. Le Sénégal, qui a connu une période de relative stabilité depuis son accession à l'indépendance, n'est classé qu'à la 169e place.
Il est ironique et tragique que la France, qui se vante d'être à l'origine de la revendication d'un monde meilleur et plus égalitaire par ses actes d'activités néocoloniales, ait contribué à la pauvreté généralisée et à l'aggravation des inégalités mondiales.
Que serait l'Afrique aujourd'hui sans la France ?
Il vaut la peine de spéculer sur la façon dont le développement aurait pu progresser et apporter du bien-être aux populations d'Afrique de l'Ouest si la France n'avait pas interféré avec les véritables intérêts nationaux de ces anciennes colonies. Une question similaire pourrait être posée partout où une puissance coloniale a imposé sa volonté. Que serait-il arrivé à la RDC, anciennement le Congo, si Lumumba n'avait pas été tué par les Belges en connivence avec la CIA en 1961, quelques mois seulement après l'indépendance ? Quel cours l'histoire aurait-elle pu prendre si Mamadou Dia, au Sénégal, avait pu poursuivre son œuvre, et comment le Burkina Faso aurait-il pu se développer si Thomas Sankara n'avait pas été éliminé en 1987 ? Bien que la France se soit immiscée dans les intérêts nationaux de ces chefs d'État et les aspirations de leurs populations respectives, leur pensée et leurs actions ont effectivement influencé les générations futures de dirigeants.
Soixante ans se sont écoulés depuis que les idées politiques du premier Premier ministre du Sénégal, Mamadou Dia, l'ont amené sur une trajectoire de collision avec son président, Senghor, et la France. Sous l'influence de la pensée politique de Mamadou Dia, le capitaine Thomas Sankara devient président du Burkina Faso en 1983. Dia et Sankara ont grandement influencé les dirigeants actuels des quatre pays que sont le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal. Ces dirigeants expriment des relations plus étroites avec les cultures africaines qu'avec celle de la France gréco-romaine de Senghor. En tant que tels, ce sont des militants anticolonialistes. Tout comme Dia et Sankara ont recherché l'amitié et l'alliance avec le bloc soviétique et la Chine, les quatre pays cherchent à développer de nouveaux partenariats avec les gouvernements pour les aider à se libérer du piège de la France.
Compte tenu de ce contexte, il semble raisonnable de conclure que le développement souverain en Afrique de l'Ouest et du Centre a été stoppé pendant au moins un demi-siècle. Supposons que les pensées politiques de Mamadou Dia et de Sankara aient eu la chance de se développer et d'être mises en œuvre. Dans ce cas, on peut conclure sans risque de se tromper que bien des tragédies, comme en témoignent les taux élevés de mortalité infantile et maternelle ainsi que le pourcentage élevé de jeunes fuyant vers l'Europe, auraient été évitées. Les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre auraient pu jouir d'un état de bien-être semblable à celui connu dans les pays européens.
Il est donc grand temps que les trois pays de l'ASS et le Sénégal, avec d'autres pays africains, redéfinissent leurs relations avec la France.
France - Dégagez !
Un mouvement populaire fondé par Guy Marius Sagna a contribué à sensibiliser le peuple sénégalais aux problèmes liés à sa dépendance continue vis-à-vis de la France. Sagna a fondé en 2017 un mouvement populaire nommé FRAPP.[7] Ce mouvement s'est rapidement étendu à l'ensemble du pays. Guy Marius Sagna a su mobiliser des centaines de milliers de sympathisants, en particulier des jeunes, sous le slogan « France, dégage ». Il ne fait guère de doute qu'il a contribué à fertiliser le terrain pour la victoire du Pastef d'Ousmane Sonko. Son mouvement a alimenté les promesses de campagne de Sonko d'une monnaie nationale et a probablement également contribué à renforcer le soutien aux changements de régime dans les trois pays de l'ASS. FRAPP a exigé la révision des codes miniers et des contrats avec les entreprises transnationales étrangères. Depuis la création de FRAPP, son fondateur, Guy Marius Sagna, a passé un temps disproportionné en prison sur ordre de l'ancien président Macky Sall. Aujourd'hui, il est membre de l'Assemblée nationale du Sénégal, représentant Pastef, le parti au pouvoir. Comme le nom du mouvement populaire de Sagna le suggère, la France n'est pas la seule à être visée. Il se concentre sur l'autonomie politique et le développement économique de l'Afrique et, en tant que tel, son mouvement est un véritable mouvement panafricain qui va au-delà du pays d'origine. Les slogans de FRAPP ont également résonné parmi les jeunes des trois pays de l'ASS. Par conséquent, les gouvernements militaires bénéficient d'un soutien populaire pour leurs programmes d'autonomie et de souveraineté.
La blessure de la décolonisation
Cet essai montre que le développement n'est pas encore arrivé dans les anciennes colonies françaises d'Afrique. Nous avons documenté une ligne directe entre le président guinéen Sékou Touré et le chef du premier gouvernement indépendant du Sénégal, Mamadou Dia, en passant par Thomas Sankara, jusqu'à la politique panafricaine d'Ousmane Sonko en solidarité avec les trois pays ayant formé l'Alliance des États du Sahel. Ce que ces dirigeants et d'autres avaient en commun, c'était leur souhait de promouvoir le bien-être des populations africaines en collaborant avec d'autres pays africains en partenariat avec cette partie de la communauté internationale, qui respecte le droit souverain de l'Afrique au développement national. De tels droits ne peuvent être exercés que lorsque les forces impériales institutionnalisées par les grandes entreprises transnationales et les organisations financières internationales, telles que la Banque mondiale et le FMI, ont été brisées.
En tant que seule ancienne puissance coloniale européenne, la France a d'énormes difficultés à aider ses anciennes colonies à obtenir leur souveraineté. Malgré sa devise nationale « Liberté, égalité, fraternité », les inégalités ont considérablement augmenté dans ses anciennes possessions en Afrique de l'Ouest et centrale, tant en termes de comparaison avec les pays développés qu'à l'intérieur des pays. Le combattant américain contre l'inégalité raciale, Malcolm X, a décrit l'impact de l'esclavage comme une blessure qui ne peut pas être guérie parce que « le couteau est toujours dans notre dos."[8]. La métaphore de l'esclavage de Malcolm X s'applique tout aussi bien aux victimes de la colonisation. Pour réparer le mal causé, le couteau doit être retiré et la plaie doit être cicatrisée. Cela s'est avéré impossible pour la France en raison de son manque de volonté politique et de l'influence des entreprises transnationales. Le système d'asservissement du passé a trouvé de nouvelles formes d'exploitation sous le patronage du capitalisme néolibéral commercialisé auprès des pays « indépendants » comme une démocratie enveloppée dans l'habit des droits de l'homme.
Le système capitaliste reste plus que jamais dépendant de l'exploitation du monde. Supposons que l'Afrique puisse exiger un prix équitable des ressources ; Le système implose. L'inégalité mondiale néocoloniale est une condition préalable au maintien du niveau de vie de l'Occident. Par conséquent, le capitalisme néolibéral n'accordera jamais la liberté aux nations africaines car cela entraînerait une perte de profit. La liberté, l'égalité et la justice fraternelle ne seront jamais données à l'Afrique puisque la richesse et le bien-être de l'Europe et de l'Occident dépendent de l'appauvrissement continu des masses africaines.
La seule solution est donc de faire comme les quatre pays d'Afrique de l'Ouest : exiger que la France se retire et coupe toutes les conditions à Paris, ce qui bloquerait leur développement souverain. Ces quatre pays ne sont pas seulement menacés par le bloc des pays occidentaux, mais aussi par leur jeune électorat. Nous pensons que la période électorale de cinq ans ne suffira pas à remplacer les structures coloniales établies au cours du siècle dernier, y compris plus de 60 ans de gouvernance néocoloniale, renforçant la dépendance vis-à-vis de la France et de l'Occident. Des mesures doivent être prises pour permettre aux pays africains de développer des structures économiques et politiques qui soutiennent des pays et des administrations souverains, mettant ainsi fin aux injustices commises depuis le début de l'esclavage. Le monde ne s'améliorera pas tout seul.
Kristian Laubjerg a passé la majeure partie de sa vie professionnelle dans le domaine du développement, d'abord pour l'Agence danoise de développement, puis pour l'UNICEF. En 2008, il a créé la première association de soins à domicile au Sénégal - Keur Baax -, qui fournit des soins aux personnes en perte d'autonomie. Il a obtenu un doctorat en psychologie sociale à l'Université de Copenhague en collaboration avec les Universités de Glasgow et de Dar es Salaam.
[1] Déclaration attribuée au président gabonais Oumar Bongo Ondimba dans une interview accordée à Antoine Glaser (citée from AfricaFrance, Quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu. Fayard 2014.).
[2] Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité.
[3] Pierre Vespirini : Que faire du passé. Article publié par New Left Review, n° 146 (2024)
[4] Fanny Pigeaud, Ndongo Samba Sylla: De la Démocratie en Françafrique. Une Histoire de l’Impérialisme électoral, La Découverte, 2024,
[5] Enjeux contemporains du commerce africain et du financement du commerce, CIAT Volume 8 • Numéro 1, décembre 2023
6 La « garantie » française de la convertibilité du franc CFA : aspects politiques et économiques d'un mythe, par Ndongo Samba Sylla.
7. Fanny Pigeaud et Ndongo Samba Sylla : la dernière monnaie coloniale de l'Afrique. L'histoire du franc CFA, 2020
[7] Le front révolutionnaire pour un panafricanisme populaire et anti-impérialiste.
[8] Le couteau est toujours dans notre dos : le lavage des réparations et les limites des campagnes de justice réparatrice par Kehinde Andrews, publié dans Développent and Change, 16 août 2024.
par l'éditorialiste de seneplus, Amadou Elimane Kane
UN HYMNE POUR UN NOUVEAU TYPE DE CITOYEN SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Il ne suffit pas de montrer du doigt l’élite politique qui n’honorerait pas les règles républicaines. C’est en chacun de nous que le cœur citoyen doit battre sans faiblir
Amadou Elimane Kane de SenePlus |
Publication 17/10/2024
Incarner un nouveau type de Sénégalais, c’est bâtir une attitude comportementale juste qui soit en rupture avec un système obsolète qui ne produit que de l’immobilisme et un enfermement dénué de créativité.
Cette démarche de rupture doit s’accompagner d’une véritable prise de conscience de notre dimension sociale, culturelle et humaine. La civilisation africaine porte des valeurs de justice, de démocratie et d’unité qu’il convient aujourd’hui d’exploiter pour mener le développement continental. Il s’agit de remettre au centre l’ensemble des valeurs que nous portons dans notre patrimoine culturel, social et d’en faire un atout pour la croissance et la renaissance africaine. Ces richesses culturelles doivent nous aider à construire un nouveau type d’individus, des êtres conscients de leur potentiel, des hommes qui ne regardent plus seulement vers le passé, des hommes qui s’emparent de la science et des nouvelles technologies, des hommes qui croient aux valeurs panafricaines sans se replier, des hommes et des femmes responsables de leur destin. Il s’agit de mettre à terre certains comportements misérabilistes qui sont nos propres ennemis et nous empêchent de nous développer. Les Etats africains sont de jeunes États et nous avons beaucoup à construire pour enfin réaliser ce en quoi nous croyons depuis fort longtemps : l’indépendance économique, l’unité politique et culturelle, le développement par l’exploitation de nos richesses naturelles, la valorisation de notre patrimoine historique qui doivent nous servir à l’émergence de la dynamique de la renaissance africaine. Ces exigences doivent être au cœur de nos actions et cela passe aussi par un changement radical du fonctionnement de notre société et des individus qui la constituent.
Les leviers pour conduire la renaissance africaine sont nombreux et il en est un qui est essentiel pour la réussite de cette dynamique. Je veux parler de l’exercice de la citoyenneté qui concerne l’ensemble des citoyens d’une nation, d’une sous-région et au-delà de tout un continent.
Si l’on regarde la définition de la citoyenneté, c’est « la qualité de citoyen » d’un Etat ou d’un ensemble d’États, « qui s’ajoute à celle des citoyens de chaque pays membre ». La citoyenneté se définit aussi par l’appartenance à une communauté politique et par l’allégeance à un État. En 1236, dans la Charte du Mandé, la Charte de Kouroukan Fouga, par exemple, elle est liée à l’idée de respect de la vie humaine, de droit à la vie, de sécurité alimentaire, de paix sociale dans la diversité, les principes d’égalité, de justice cognitive, d’équité, de solidarité et de démocratie, et elle s’inscrit dans l’histoire de la construction de la nation. Dans une démocratie, chaque citoyen est détenteur d’une part de la souveraineté politique ; directement ou par ses représentants, il participe aux choix et aux décisions qui concernent l’intérêt général. Le citoyen est titulaire de droits et d’obligations, qui obéissent au principe d’égalité, indépendamment de ses appartenances particulières ou de ses convictions. Dans chaque État, la loi détermine les conditions qui définissent le statut de citoyen.
Ainsi, c’est bien un ensemble de valeurs qui unit une population, et plus largement ce qui rassemble les peuples au-delà des frontières géographiques. Chaque nation doit s’inspirer de son processus historique pour inscrire ses principes de citoyenneté et bâtir ses propres symboles qui permettent une unité et un comportement commun.
Être un bon citoyen, c’est faire respecter ses droits mais également observer ses devoirs de manière absolue. Autrement dit, c’est adopter une attitude comportementale qui est en adéquation avec les règles républicaines.
Le citoyen a le droit d’exprimer ses idées, de manifester contre une politique mise en œuvre, par exemple, mais il doit également faire preuve de civisme et de loyauté à l’égard de l’appareil public et ce dans les moindres détails de son existence.
Être un bon citoyen, c’est être capable de s’approprier la notion de citoyenneté au sens plein en s’alliant à une volonté politique républicaine et exemplaire.
L’esprit citoyen, c’est le respect de la chose publique, c’est le civisme à l’égard du bien commun, c’est partager l’espace construit d’une nation qui respecte un ensemble de valeurs défendues par tous.
Ainsi, nous sommes tous concernés par l’exercice de la citoyenneté dans chacun des actes de notre vie. Il ne suffit pas de montrer du doigt l’élite politique qui n’honorerait pas les règles républicaines. C’est en chacun de nous que le cœur citoyen doit battre sans faiblir.
Le Sénégalais d’aujourd’hui doit combattre autour de lui, et à l’intérieur de lui-même, la corruption, le népotisme, les attitudes miséreuses qui consistent à ne penser qu’à remplir son assiette personnelle alors que l’enjeu est celui d’un pays tout entier.
Il faut absolument sortir des fonctionnements misérabilistes qui déséquilibrent le développement. Sans la conduite de ces valeurs, le continent tout entier continuera sur le chemin de la famine, sur la terre des guerres et de la destruction.
L’exemple de la citoyenneté républicaine doit d’abord, bien entendu, s’inscrire dans la sphère des dirigeants politiques et économiques, c’est la condition sine qua non d’une nation saine.
Celui qui est en charge des affaires publiques doit aussi avoir à l’esprit qu’il est fondamental d’adopter une conduite irréprochable à l’égard du bien commun, l’espace rassemblé de la nation. Il doit combattre la corruption, le népotisme et garantir les droits et les devoirs de chacun. Celui qui est aux responsabilités et qui s’octroie une fortune considérable pour sa réussite personnelle, et qui s’étale dans un luxe injustement acquis, n’est pas un citoyen.
Celui qui détourne un centime des deniers publics condamne un citoyen à mourir devant l’hôpital. Il condamne un citoyen qui n’ira pas à l’école et qui demeurera analphabète toute sa vie. Celui qui détourne l’argent public condamne tout un peuple à la misère et à la mort.
Ainsi, nous devons combattre toutes les postures criminelles qui n’ont pas la priorité citoyenne dans la conduite politique et économique.
Mais il en va de même pour chaque Sénégalais. Le policier doit exercer son métier sans chercher à arrondir ses fins de mois en taxant injustement le contrevenant, pour encaisser de l’argent qui ne lui revient pas de droit. L’enseignant doit seulement se soucier de la réussite des jeunes qu’il a en charge sans tenter de faire des compromissions qui lui permettraient d’améliorer son train de vie. Le juge ne doit pas accepter des pots de vin pour construire sa villa s’il veut faire respecter la loi et seulement la loi. Le promoteur immobilier doit tenir ses engagements contractuels jusqu’au bout sans calculer comment il pourrait voler le contribuable ou encore alourdir malhonnêtement des charges inventées de toute pièce. L’agent public doit respecter son temps de service et observer le règlement lié à ses fonctions sans chercher, par de multiples combines, à augmenter son salaire illégalement.
Oui, les droits et les devoirs sont l’affaire de tous et sont les mêmes pour chaque citoyen. Il n’y a pas d’exception pour construire une belle nation, une république modèle.
Le Sénégalais d’aujourd’hui doit bien comprendre cela s’il veut que son pays soit un exemple de démocratie citoyenne.
L’apprentissage de la citoyenneté doit être au cœur de l’éducation. Tout comme les sciences, les langues ou l’histoire, la citoyenneté est une discipline à apprendre. L’éducation à la citoyenneté doit s’appuyer sur les programmes d’éducation civique qui doivent s’inscrire tout au long du cursus scolaire. L’appropriation de l’exercice de la citoyenneté pour les jeunes générations passe par une éducation forte et modèle. C’est le rôle des dirigeants politiques en charge de l’éducation nationale, c’est le rôle des recteurs, c’est le rôle des inspecteurs, c’est le rôle des parents et celui des enseignants. Transmettre les bases fondamentales de l’éducation à la citoyenneté, voilà le défi qu’il faut engager. Il s’agit ici de former de véritables citoyens et non pas des consommateurs dans un système défaillant et usurpé.
Ne craignons pas de nous élever dans des comportements qui nous honorent, avec force et courage. Il ne faudrait pas céder à la puissance de l’immédiateté et du plaisir personnel. Car comme dit le proverbe, à vaincre sans honneur, on triomphe sans gloire. Et c’est à nous de repenser notre système de valeurs.
Le nouveau Sénégalais est celui qui croit en lui-même et qui n’a pas besoin d’ourdir pour réussir. Il œuvre de manière collective en exploitant ses compétences et ce pas seulement pour des raisons personnelles et matérielles. Les possibilités aujourd’hui sont nombreuses. Beaucoup de Sénégalais sont honnêtes, compétents mais ils sont rongés par des méthodes corrompues qui ne les protègent pas, qui ne les défendent pas.
Aujourd’hui, tout réside dans le travail, dans la solidarité entre les uns les autres, dans la loyauté, dans la considération des valeurs communes, dans le civisme au quotidien, dans le ménagement à l’égard de l’espace public qui appartient à tous mais qui est construit par chacun d’entre nous.
Il faut en finir avec les démarches égocentriques, illégales et véreuses qui ne mènent qu’au chaos, à la luxure et à l’effondrement des valeurs et de l’éthique.
Le nouveau type de Sénégalais doit assumer son humanité. Il ne doit plus ressentir de complexe d’infériorité, les valeurs qu’il porte sont universelles, celles de construire un monde juste. La science, les éléments positifs de l’humanité, les nouvelles technologies appartiennent au monde, ils sont le résultat des êtres humains rassemblés. Il n’existe pas de frontières pour s’approprier ce qu’il y a de beau, ce qu’il y a d’équitable, ce qu’il y a de moral.
Le Sénégalais d’aujourd’hui doit œuvrer dans l’intérêt de son peuple, dans l’intérêt de la jeunesse et des générations à venir, dans l’intérêt de la nation, dans l’intérêt du schéma collectif et du vivre ensemble sous une bannière unitaire et légitime.
Notre pays est une grande nation qui porte des valeurs de justice, de fraternité et de solidarité, alors soyons fiers de ce que nous sommes et portons ensemble le bel espoir d’une république citoyenne.
Ainsi, on voit bien que l’exercice de la citoyenneté est l’affaire de tous. Elle est un élément fondateur de la construction de la dynamique de la renaissance africaine.
C’est une démarche qui doit s’engager au Sénégal mais aussi un peu partout sur le continent si l’on veut réussir le développement.
La renaissance Africaine qui exige l’exercice d’une citoyenneté intègre et debout, c’est l’assurance de la croissance continentale qui constituera un poids international et permettra un rayonnement africain sur le monde, rassuré par l’équité et la justice défendues par nos peuples.
Amadou Elimane Kane est enseignant et chercheur en sciences cognitives, poète écrivain.
Par Khady Gadiaga
UN REFERENTIEL POUR INSTAURER UNE COMMUNAUTE QUI S'INVENTE
Faire société, c’est apporter sa pierre au projet de restauration de notre souveraineté à l'instar d'un président et de son premier ministre qui veulent aller "chercher la croissance avec les dents", et qui rêvent d’indexer à leur bonheur personnel ...
Faire société, c’est apporter sa pierre au projet de restauration de notre souveraineté à l'instar d'un président et de son premier ministre qui veulent aller "chercher la croissance avec les dents", et qui rêvent d’indexer à leur bonheur personnel celui de leur pays. C'est dire que le Sénégal peut espérer enfin avec l'agenda du nouveau référentiel Sénégal 50, se positionner sur une véritable rampe de lancement !
Encore faudrait-il redonner du souffle à la politique et instaurer une communauté qui s’invente.
Les urgences foisonnent dans un État où tout est à refonder. Les chantiers de la souveraineté doivent comme préconisé dans le référentiel privilégier la révolution écologique et agricole : adapter l’appareil industriel à la conversion écologique, abandonner les projets pharaoniques, les constructions d'infrastructures budgétivores, et s'attaquer à cette lancinante demande sociale et instaurer de véritables politiques de jeunesse axées sur une éducation citoyenne et patriotique et une adéquation métiers/emplois..
On peut le faire tout de suite. Ce serait déjà énorme!
Se muer en État partenaire plus ouvert
La piste de refondation de l’État semble trouver la panacée dans celle d’un État partenaire plus ouvert au secteur privé national, à l'expertise de la décision privée. Une telle métamorphose des comportements politiques et des attitudes culturelles marquerait un approfondissement de la démocratie elle-même.
La classe détentrice du capital veut un périmètre étatique et responsabilités réduits quand ce nouveau régime anti-système et redistributeur veut un État à responsabilités accrues. Dans le premier cas, le moins d’État contribue à la déchirure sociale, au risque d’une explosion sociale. Dans le second cas, le plus d’État correcteur voit ses « marges » d’intervention se réduire face au pouvoir du marché et des autres États, et aussi en raison d’une tendance à la sclérose de l’action publique.
Le risque est alors le coma. En fait, dans les deux hypothèses l’Etat s’affaiblit, parce qu’enfermé dans une logique profonde de délégation des pouvoirs.
Fonder le lien politique dans une communauté transversale
Nous sommes habitués à une conception de l’Etat où le politique — c’est-à-dire les centres ministériels — prétend savoir de source sûre ce qui doit nous réunir et impose, en conséquence, sa vision et ses solutions, alors que des exemples proches, au Ghana ou au Cap-Vert, révèlent une conception plus humble du travail étatique dans une démocratie où la principale responsabilité du politique n’est pas d’imposer, mais de créer les conditions de reconnaissance du bien commun.
C'est un sujet qui interpelle citoyens ou gouvernants. L'enjeu est également de greffer l'expertise à la décision. L’ère de l’expertise doit donc aussi être celle de la divulgation et de la dissémination des informations.
Et l’implication des citoyens, aidés des experts dans les décisions collectives apparaît comme le moyen privilégié de créer une véritable
« société de la connaissance », où existe encore la politique, c’est-à-dire la maîtrise du cours des choses et le nécessaire impact positif sur la vie des bénéficiaires.
Ce n’est pas assez de critiquer son temps, écrivait Albert Camus, il faut encore essayer de lui donner une forme, et un avenir. »
L'Avenir se pense, l'avenir se prépare, l'avenir se prévoit, l'avenir s'anticipe, l'avenir s'oriente, l'avenir se voit, l'avenir se fonde. Le lien politique doit donc s’instaurer en relation avec les autres acteurs, dans une communauté transversale, autour d’un espace de visibilité, et se renforcer par un dialogue continu, à l’œuvre aussi bien dans la réflexion politique que dans la mise en pratique quotidienne des normes.