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7 mars 2025
Opinions
par Jean Pierre Corréa
LA RÉUNION HOULEUSE DU CNP
EXCLUSIF SENEPLUS - Face au tollé suscité par ses récents propos sur la gouvernance des organisations patronales, Amadou Seck, président de l'UPIC est resté ferme sur ses positions, appelant à un renouvellement des instances
Les propos tenus lors d’une émission de la TFM par Amadou Seck, évoquant un déficit de démocratie à l’interne des organisations patronales, avaient abouti à une convocation d’une réunion du CNP, plaçant ce fait au premier rang d’un ordre du jour aux allures de règlement de comptes. Selon des sources concordantes, ce fut le cas.
En effet, plusieurs participants eurent à reprocher au président de l’UPIC ses propos jugés comme dissidents, alors que « l’accusé », a, selon nos sources, avec tranquillité, rétorqué que ses propos étaient d’une part, généraux, mais qu’il les maintenait, même si certains s’étaient sentis visés par sa sortie, appelant à un renouvellement de plusieurs instances patronales. Tous les reproches faits à Amadou Seck ont semble-t-il été balayés par le président de l’UPIC, devant un président du CNP, Baïdy Agne, quelque peu gêné aux entournures, face à la direction que prenait ce débat d’un autre temps. Car, l’évidence semble être de constater l’importance prise par l’UPIC et sa gestion, qui aura valu à Amadou Seck d’être du voyage en Gambie en compagnie du Premier ministre Ousmane Sonko, et surtout les nouvelles orientations du pouvoir en place, dans sa collaboration avec le secteur privé, désorientant un peu les personnalités d’un patronat devenu archaïque dans son fonctionnement, lequel paralyse ses objectifs d’accompagnement du pouvoir en place dans les mécanismes notamment de mise en place de stratégie liées à l’emploi, des jeunes en particulier.
Le débat fut donc houleux, même si Amadou Seck, est resté droit dans ses mocassins, avant d’être orienté sur des objectifs de changer de politiques, comme à l’IPRES ou à la Caisse de Sécurité Sociale, qui faisaient partie du même ordre du jour.
Il faut maintenant espérer que les observations de Monsieur Amadou Seck soient prises en considération pour une meilleure et plus efficace participation de nos organisations patronales aux politiques publiques qui mettront notre pays sur la voie définitive du progrès et du développement.
Par Habib Demba FALL
L’APOLOGIE D’UNE IRRESPONSABILITE FATALE
«La roue tourne » ! Un jour, on fait fortune et un autre, on fait faillite. C’est la loi de la roulette. Pour autant, le renoncement ne doit jamais être le tombeau de l’espoir. Vivre, c’est marcher gaillardement, tomber et se relever, fier d’avoir vaincu
«La roue tourne » ! Un jour, on fait fortune et un autre, on fait faillite. C’est la loi de la roulette. Pour autant, le renoncement ne doit jamais être le tombeau de l’espoir. Vivre, c’est marcher gaillardement, tomber et se relever, fier d’avoir vaincu la fatalité. Endurant comme le cycliste qui, en montée de col, pédale. Sculptant l’effort dans la douleur, il gagne chaque mètre sur le bitume, en un tour de roue, dans la souffrance. Une souffrance rédemptrice.
Les dents serrées avant l’effusion de joie, les deux mains levées en signe de victoire. Aucune victoire sur la vie ne s’acquiert en ayant le dos sur un lit douillet. Dos au mur, peut-être. Dans cette posture, certaines âmes écorchées vives se rebellent et entament la remontée victorieuse de la pente. Rien à voir avec les prisonniers de la fatalité. Ceux-ci ligotent leur volonté au pied de leur propre défaitisme. Ils rendent leurs armes avant d’avoir engagé le combat de la vie. Pas le seul que nul gagnera, la mort. Mais celui si simple de la (sur)vie quotidienne. Il est des gens, pour peu que la vie les égratigne, gardent les bras ballants, le moral dans les chaussettes, le courage flasque.
L’effort du cycliste est un tableau de maître. Il est le cousin valeureux du « Thiak-Thiak », baroudeur devant l’Éternel pour sa dignité. Il est à la table du « Jakartaman » qui s’attaque à un quotidien difficile pour une vie meilleure. « Thiak-Thiak » résonne comme efficacité « en deux temps trois mouvements », pour reprendre le parler dans nos quartiers. Au-delà de la désignation d’un groupe de travailleurs sur deux roues, ce mot nomme une habitude. Celle-ci pourrait également s’appeler « Taf-taf », « Rak-tak ». Tenez, souvenez-vous des âmes qui ont la bougeotte, flagellés par la vie et qui, dans le quartier, vont d’un bout à l’autre… sans but. Elles bâclent tout et attendent tout du hasard d’une chance qui ne sourit que trop peu aux résignés de l’effort. La vie est un journal du gain facile. Sur une page, l’apologie de « Jooni jooni ». Sur une autre, « Xobbet ».
Dans une autre encore et parfois tout en images et tintamarre, « Melax », « Meless » ou l’amulette-miracle et « Boy Djinné », le mythe du prisonnier perce-muraille. Ce n’est pas sorcier ! Il est aisé de comprendre l’apologie de la facilité et du mysticisme défaitiste. « Jaap ci rek » pour dire « juste un coup de pouce » alors qu’en fin de compte, la main charitable s’engourdit et, franchement, se ramollit à force de tenir la roue ou la courte échelle pour des fainéants fondamentaux. C’est la même histoire pitoyable que celle d’un étudiant qui quémande deux points pour avoir la moyenne ; ce qui a dégoûté un éminent professeur d’université. Pour lui, un point, c’est un point et cela se mérite. Je peux dire, pour risquer une répétition teintée de cynisme si vous voulez : « un point et c’est tout ! ». Le point d’honneur pour certains jeunes, c’est le slogan d’un économiste en politique : « Tekki ».
La relation à la réussite n’est pas que matérielle. Elle revêt une charge psychologique qui valorise aux yeux des autres. Un baume au cœur et un bol d’air à l’esprit. Entendons-nous bien : la réussite n’est pas forcément du « Barça wala Barzack ». Un espoir à flot vaut mieux qu’un espoir englouti par les flots dans la gueule de l’Atlantique ou du Pacifique. L’espoir d’un quotidien meilleur habite le cœur des « Jakartamen » qui ont élu domicile à maints coins de rue. Ils se reconnaissent à leur attitude de chasseurs de clients tranquillement assis sur leur moto. Ils paraissent si doux qu’on les imagine mal dans une défiance à l’autorité. Ils sont si différents des conducteurs de « deux roues » qui arrachent les sacs de dames, lancent une embuscade aux paisibles citoyens sortis d’une banque ou d’un point Money, à la manière d’un aigle sur sa proie, s’emparent du téléphone d’un monsieur, piquent le greffage d’une midinette ou le sac d’une passante, etc.
Le tableau des démesures et d’une impunité apparente. Les rafles périodiques ne suffisent pas pour donner un nom et un prénom à ces distributeurs de désarroi à deux roues. Le visage d’un « deux roues », c’est une carte grise, un permis de conduire et une assurance. Le tout consigné sur une plaque d’immatriculation : « Monsieur, voici votre certificat de responsabilité ! » L’apologie de l’immobilisme voire du laxisme est véritablement la cinquième roue de la charrette. Il importe d’identifier ces « Jakartamen » qui ont la capacité de nous braquer et de nous dépouiller en plein jour.
Ils ne peuvent pas bénéficier du privilège de se fondre dans la masse alors que de paisibles gens voient le fruit de leurs efforts partir en pétaradant. La révolte ne suffit pas à excuser le désordre. Ces coups de sang cycliques arrêtent la roue du progrès. Les manifs ? Hier les ambulants, aujourd’hui les motos. Un petit café, une vendeuse de beignets, des stationnements très limites, un « Parc Lambaye » à tout bout de champ… Trop souvent, la finalité est utilisée pour justifier tous les abus dans la quête de moyens de subsistance : « dañuy dàan suñu doolé ». Comme pour dire que pour faire des omelettes, il faut casser des œufs. Dans la poêle, doit-on dire, pas en chemin, revenant de la boutique ! Sinon, il n’y a simplement pas d’omelette…
par Birane Diop
« LE LAMBEAU » DE PHILIPPE LANÇON EST UNE ŒUVRE MAJEURE
Il incarne une conscience universelle dans un monde sous tension, marqué par le terrorisme et les menaces fascistes. De sa "gueule cassée" à sa renaissance, son récit est un monument de dignité et de résilience
Le 7 janvier 2025, la France a commémoré le dixième anniversaire des attentats contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Cette date, gravée dans la mémoire collective de la République, ravive des souvenirs douloureux et des cicatrices toujours béantes dans le corps social. Des vies ont été fauchées au nom d’une idéologie meurtrière. Cette barbarie inqualifiable, perpétrée par les frères Kouachi, deux ennemis des joies simples et du bonheur fugace, a coûté la vie à douze personnes et en a blessé plusieurs autres.
Parmi les survivants de ce drame figure Philippe Lançon. J’ai beaucoup pensé à lui le jour de la cérémonie d’hommage aux victimes. Depuis que j’ai lu son livre Le Lambeau, d’une traite, un après-midi d’été 2018 sur les berges du Rhône, son récit me hante et me bouleverse.
Né en 1963 à Vanves, Philippe Lançon est à la fois journaliste et romancier. Il exerce son métier au quotidien Libération et en tant que chroniqueur à Charlie Hebdo. Il a été grièvement blessé lors de cet attentat, tout comme Coco et Riss. C’est cette histoire tragique que Philippe Lançon raconte dans son roman autobiographique Le Lambeau. Un ouvrage dans lequel chaque mot célèbre la liberté, l’intimité, l’universalité, la fraternité, mais aussi la fragilité de la vie. Cette vie qui ne tient parfois qu’à un fil, le tout bercé par la musique de Bach et les textes de Proust.
Philippe Lançon retrace, à cœur ouvert et avec une grande dignité, les quelques minutes qui ont bouleversé sa vie et celle de ses collègues, ainsi que les deux années de convalescence médicale qui ont suivi l’attentat, marquées par des opérations chirurgicales de six à huit heures. Pourtant, la veille de l’attentat, il s’était rendu au théâtre avec Nina. Le lendemain, Philippe Lançon se réveille de mauvaise humeur, fait des exercices tout en écoutant l’interview de Michel Houellebecq sur France 2. Partagé entre Libération et Charlie Hebdo, il décide de se rendre à la réunion de rédaction de Charlie. Était-ce un signe du destin ?
Philippe Lançon dresse un panorama dont il est le centre, à la fois acteur et metteur en scène de son propre drame. Avec son visage défiguré et sous l’emprise des hallucinations provoquées par la morphine, Lançon mène un combat acharné. Il va réapprendre à affronter sa « gueule cassée » dans le miroir, de sa nouvelle maison, à la Salpêtrière. Il écrit : « Mon corps entier devenait ma mâchoire, cette inconnue qui m’écartelait et semblait parcourue par des courts-circuits. »
Cet événement lui fera cependant comprendre l’importance de la famille. Pendant ces moments extrêmement douloureux, c’est son frère qui resta à son chevet, l’aidant et répondant à ses moindres besoins. En une phrase : Le Lambeau est une ode à la famille et à l'amitié sans faux-semblants.
Ce texte de 512 pages dégage une profonde humanité. C’est un ouvrage dont la plume a été trempée dans l’encre de l’humanisme et de la vulnérabilité. Malgré tout ce qu’il a vécu, Philippe Lançon n’a exprimé ni haine, ni désir de vengeance. Il distille de l’amour et de l’empathie dans toute sa complexité humaine et avec ses failles assumées. Le Lambeau nous interroge, nous bouleverse et, par moments, nous réduit au silence. Tous les mots de ce récit de vie sont d’une justesse incroyable.
J’ai été terriblement frappé par le bel hommage qu’il a adressé au personnel soignant qui était à son chevet, pendant cette longue et douloureuse période de réparation. Passer trois mois, alité à hôpital est une épreuve considérable. Je n’ai jamais lu une page de Charlie, mais jamais je ne cautionnerai la mort d’un journaliste ou d’un dessinateur pour ses écrits ou ses dessins. Écrivain de talent, Philippe Lançon incarne une grande conscience universelle dans un monde sous tension, marqué par le terrorisme et les menaces fascistes. Il fait partie de ces grands écrivains qui occupent une place spéciale dans mon panthéon personnel, celui de la littérature et de l’humanisme. Le livre de Philippe Lançon nous montre encore magnifiquement cette vérité implacable : Quand tout sera perdu, ou presque, il ne restera que la littérature, la musique, l'art, le cinéma et les liens tissés avec ceux que nous aimons d'un amour pur et désintéressé.
Post-scriptum : voici les mots que j’avais écrits sur ma page Facebook le jour où il a reçu le prix Femina, le 5 novembre 2018 : « Le prix est amplement mérité. Félicitations à Philippe Lançon pour ce récit bouleversant et poignant, écrit avec une grande dignité et un courage admirable. Je suis vraiment heureux pour lui. »
PAR OUMAR NDIAYE
UNE NOUVELLE CONFLICTUALITÉ VICIEUSE ET PERNICIEUSE
"Les attaques du réseau informatique de la Banque de l’Habitat du Sénégal et plus loin de chez nous de la Réserve fédérale américaine à quelques jours de la fin de l’année, remettent encore au jour la cyberguerre et la guerre informationnelle".
Les attaques du réseau informatique de la Banque de l’Habitat du Sénégal et plus loin de chez nous de la Réserve fédérale américaine à quelques jours de la fin de l’année, remettent encore au jour la cyberguerre et la guerre informationnelle qui sont les marqueurs et curseurs de la nouvelle conflictualité dans le monde.
Ce nouveau paradigme est tellement plus dangereux, vicieux et pernicieux qu’il n’y a ni symétrie et asymétrie. Tous les États du monde sont logés à la même enseigne. Avoir des hackers qui lancent des cyberattacks ou des officines qui fabriquent des fake news ne nécessite pas beaucoup de moyens, juste des jeunes talentueux, audacieux et véreux. Au-delà des cyberattacks qui sont quotidiens dans les structures financières, il y a lieu de craindre que cela soit étendu aux structures informatiques des infrastructures vitales. Les attaques de terrorisme international, notamment depuis 2001, à New York, sont venues rappeler l’existence de risques auxquels sont soumises différentes infrastructures et le besoin de les protéger et de les défendre selon les normes actuelles.
Sur le plan international, la résolution 2341 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies en février 2017 exhorte les États membres à définir et à organiser la protection des infrastructures vitales dans le cadre d’une coopération générale. Jusqu’ici, la dimension informatique n’est pas totalement prise en compte dans ce que les études stratégiques appellent la protection des infrastructures vitales ou critiques.
Ces infrastructures sont définies comme étant l’ensemble des établissements et des équipements qui jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de la société et dont la paralysie ou la destruction fragiliserait la sécurité nationale et compromettrait les intérêts économiques et sociaux d’un État. Ainsi, dans cette classification, se trouvent les structures en charge des services comme l’eau, l’électricité, les télécommunications, les transports, ports, aéroports, structures de santé, etc. D’où le relèvement des niveaux de sécurité et de sûreté sur le plan physique dans la protection des infrastructures vitales depuis quelques années. Ce paradigme de la nouvelle conflictualité a tellement évolué qu’il est devenu l’apanage de certains pays qui s’en servent davantage en créant des groupes de hackers servant ainsi de proxy war, c’est-à-dire des hackers prêts à lancer des cyberattaks par procuration. Dans ce domaine, la Russie est pointée du doigt comme étant le pays qui use le plus de cette tactique dans sa stratégie de containement des ambitions des autres puissances en Afrique ou dans d’autres parties du globe.
Ainsi, sur ce terrain, l’Afrique gagnerait à avoir une stratégie d’ensemble afin de se prémunir de ce nouveau fléau des nouvelles technologies. Plus de formation en cybersécurité et développer une souveraineté numérique pourraient être des prémices pour avoir les astuces nécessaires de ne pas être dépassés. Avec l’aide de la coopération dans le domaine sécuritaire, plusieurs initiatives ont pu voir le jour comme la création, depuis 2020, au Sénégal, d’une nouvelle école consacrée à la formation des cadres africains aux enjeux de cybersécurité.
Cette école, unique en son genre en Afrique, fruit de la coopération avec la France, a vocation à devenir un pôle de référence en la matière. Les réponses à ce nouveau paradigme ne doivent pas être seulement nationales tant les défis sont transnationaux. Il faudra ainsi, dans la nouvelle doctrine sécuritaire que le Sénégal compte adopter, y intégrer cette dimension cybersécurité ou cyberguerre comme l’ont compris beaucoup de pays occidentaux.
Il faudra aussi créer une synergie entre les acteurs privés nationaux, africains surtout, de la finance, afin de développer une cyberarchitecture de sécurité qui pourra aider à anticiper sur les risques de cyberattack. Cela pourra ainsi permettre de se prémunir de cette nouvelle conflictualité vicieuse et pernicieuse…
Par Sidy DIOP
LE GLAIVE DE MANSOUR
« Je n’ai pas peur », a-t-il affirmé. Ces mots, simples en apparence, résonnent dans un climat politique où le fracas des enquêtes et des accusations enflamme les débats. Mais de quoi aurait-il peur ?
Dans la torpeur d’un après-midi sénégalais, Mansour Faye, ancien ministre et beau-frère de l’ex-président Macky Sall, a fait une déclaration qui, si elle n’a pas surpris, a néanmoins retenu l’attention.
« Je n’ai pas peur », a-t-il affirmé. Ces mots, simples en apparence, résonnent dans un climat politique où le fracas des enquêtes et des accusations enflamme les débats. Mais de quoi aurait-il peur ? Des accusations évoquant des irrégularités sous son ministère ? Des appels incessants à rendre des comptes lancés par un pouvoir galvanisé par les dernières élections ? Mansour Faye semble, en tout cas, lire l’avenir : « Il apparaît clairement que ce régime et ses sbires ont prévu de surpeupler davantage les prisons ».
Son assurance, certains la lisent comme de l’arrogance. D’autres y voient une posture d’homme politique aguerri, qui a appris à naviguer dans les eaux troubles du pouvoir. En tout cas, sa déclaration a le mérite de souligner un contraste frappant dans le paysage politique sénégalais : entre ceux qui esquivent et ceux qui affrontent, Mansour Faye choisit la ligne droite. Reste à savoir si cette audace lui servira ou si elle précipitera sa chute. Car en politique, comme dans la vie, l’absence de peur n’a jamais été une garantie d’immunité.
par Mamadou Adje
PLAIDOYER CONTRE UNE DETTE SANS PROVISION PAR UNE PIQÛRE DE RAPPEL À PANAME
EXCLUSIF SENEPLUS - Vous ne ferez pas moins que l'Amérique, qui a libéré la France, soutenue par le sang des Africains, versé aux son des canons, en acceptant de bonne foi, notre choix de souveraineté clairement exprimé par nos dirigeants
Monsieur le président, les Africains ne vous ont pas remercié ou pas suffisamment, pour avoir débarrassé le continent du "terrorisme".
Je ne sais si j'en ai l'envergure, ce dont je doute fort, mais je voudrais, au nom de tous les "Africains libérés" par la France des griffes du terrorisme et offerts en victimes expiatoires à la gueule des "djiadhistes", vous dire merci d'avoir plié bagages, ou d'être en train de le faire, en vous rappelant toutefois, quelques formules de politesse que vous avez oublié de rendre à l'Afrique.
Vous avez oublié de dire merci aux "tirailleurs" pour avoir participé à sauver la France du "Lieber Straume" que lui promettait un homme à la moustache légendaire.
Vous avez oublié pendant longtemps, de faire amende honorable pour vos grands-pères, quand ils ont "blanchi" les combattants à la lisière de Paris, trop noirs à leur goût pour l'ultime parade et massacré leurs frères d'armes à Thiaroye pour une poignée de francs.
Vous avez oublié de dire merci à l'Afrique équatoriale, d'avoir ouvert les bras à la "France libre" à Brazzaville quand, sans domicile fixe, elle écumait les océans à la recherche d'un pied à terre.
Vous avez aussi oublié de dire merci au Niger pour avoir éclairé la France depuis Arlit, elle-même plongée dans le noir.
Vous avez oublié de dire merci aux 2400 soldats de "l'opération Fatim" (Forces Armées Tchadiennes au Mali) quand les combattants tchadiens, ayant attaqué les djiadhistes retranchés dans la vallée d'Amatetai, difficile d'accès, à Kidal et Gao, pour reduire les résistances dans la profondeur ont facilité les opérations de ratissage de "Serval".
C'est une foultitude de remerciements, dont je n'ai cité que les plus flagrants, que vous avez oublié de présenter à l'Afrique qui a tout donné à la France, au prix de sa propre survie et de celle de ses fils, qu'il me plait, si besoin était, de vous rappeler.
Au demeurant la nécessité de sécurité, ne peut racheter cette impératif de souveraineté, qui souffle sur votre ancienne chasse gardée. Celle-ci a été à bonne école, pour apprendre de vous, que l'on pouvait éconduire son libérateur au nom de la souveraineté.
En effet, n'avez -ous pas demandé, dès 1958, aux libérateurs Américains ayant débarqué en Normandie et en Provence, de plier bagages, malgré la nécessité de faire face au spectre de la destruction nucléaire grondant depuis l'Est ?
Ainsi paré de votre souveraineté, comme d'une armure d'airain, vous avez su faire face aux risques inhérents à la "guerre froide".
Ce faisant vous avez su réorganiser votre défense autour de la "suffisance nucléaire" par une "dissuasion" portée par la Triade, Sous Marins Nucléaires Lanceurs d'Engins (SNLE), Force Océanique Stratégique (Fost) et Forces Aérienne Stratégique (Fas).
Ainsi aujourd'hui, la France est la seule puissance nucléaire de l'Union européenne, car "ne voulant dépendre de personne dès lors que sa survie pourrait être mise en cause par un adversaire".
Au nom de cette souveraineté, vous vous êtes aussi retiré du Commandement Allié Intégré de l'OTAN, pour conserver votre liberté d'action et votre indépendance dans le choix de l'emploi de vos capacités militaires.
Les Américains vous ont ils exigé des remerciements et des courbettes ? J'en doute fort puisque dès 1961, le président Kennedy a fait une visite officielle historique en France avec Jacqueline, ayant mis Paris à ses pieds, accueillis en grandes pompes par le "souverainiste" De gaulle, avant même de lancer son fameux "Ich bin ein Berliner" en 1963 dans l'ancienne capitale du 3eme Reich divisée.
Ce fairplay américain face à De gaulle, aurait dû vous inspirer face aux Africains ne réclamant que le droit de "dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché à un autre, et de prendre parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit", dixit Thomas Jefferson (La Déclaration d'indépendance).
Ainsi après ce plaidoyer, j'ose espérer que vous nous accepterez ce droit, sans réclamer outre mesure des remerciements "sans provision", tout en acceptant de faire amende honorable pour tout ce que votre pays a fait subir au continent.
En définitive, vous ne ferez pas moins que l'Amérique, qui a libéré la France, soutenue par le sang des Africains, versé aux son des canons, en acceptant de bonne foi, notre choix de souveraineté clairement exprimé par nos dirigeants.
Nous pourrons peut être ainsi un jour, dans le respect mutuel, faire le choix souverain, de danser ou pas, ensemble, aux sons des violons !
PAR MANSOUR FAYE
J'AI PEUR !
"Pas pour moi puisque je ne connais pas la peur; mais j'ai peur pour mon pays! Une République construite avec tant de sacrifices qui risquent de se révéler vains juste parce que notre cher pays est malheureusement tombé entre des mains d'amateurs"
Pas pour moi puisque je ne connais pas la peur; mais j'ai peur pour mon pays!
Une République construite avec tant de sacrifices qui risquent de se révéler vains juste parce que notre cher pays est malheureusement tombé entre des mains d'amateurs sortis de nulle part par la magie d'un aveuglement orchestré d'un peuple qui s'est réveillé brutalement pour constater son erreur.
Conscient de cet état de fait, nos gouvernants veulent trouver un prétexte a leur médiocrité et leur "échec avant l'heure" en tournant ce même peuple vers des incongruités mesquines mettant en cause des sénégalais qui n'ont commis d'autres fautes que de se battre et de donner un sens à leur vie.
Demain le rouleau compresseur du régime Pastéfien, en accélération, va indubitablement, s’abattre sur des responsables ciblés de l’APR et ses alliés, suite à une commande faite par le « demi-dieu »: le pharaon de la Cité Keur Gorgui. Les courageux Amath Suzanne Camara, Lat Diop, Moustapha Diakhaté et autres ne sont que les premières victimes. Farba Ngom et d’autres, sont dans le couloir, et certainement seront les prochaines victimes.
Ils ont tous comme point commun de s'être vaillamment opposé au Pastef et d'alerter le peuple.
Il apparaît clairement que ce régime et ses sbires ont prévu de « surpeupler » davantage les prisons nationales par d’innocents et dignes fils et filles de ce pays. À ces apprentis dictateurs, je voudrais tout simplement dire que c’est peine perdue. Leur entreprise est vouée à l’échec.
Pour la première fois de l'histoire, un pouvoir décline avant même de finir à prendre ses marques.
Au lieu que les alertes et déceptions exprimées du peuple leur suffisent pour réorienter leurs actions, ils s'entêtent à vouloir encore justifier leur incompétence en mettant en cause d'honnêtes et braves citoyens.
J'allais dire que le réveil sera brutal mais il me semble qu'ils sont plongés dans un sommeil tellement profond que ce sont les clairons de lassitude et de regrets du peuple qui les réveilleront quand il sera trop tard. Les promesses fallacieuses et mensongères faites, aux sénégalaises et sénégalais, ne trouveront jamais réponses. Donc inutile de créer des contrefeux pour masquer leurs carences et leurs incompétences. Le peuple saura répondre et il répondra dans pas longtemps. Ces marchands d'illusions ont manipulé, trompé et tourné en bourrique un peuple assoiffé de paix et de bien être qu'il avait ressentis sous Macky Sall.
Ils ont tenté vainement de mettre en mal d’éminentes personnalités de ce pays aussi bien politiques que privées avec leurs populations par de fausses accusations malicieusement fabriquées de toutes pièces. Tout ça, rien que pour assouvir une soif de pouvoir, de revanche et de vengeance! Quelles qu’en soient les conséquences, nous ferons face et nous vaincrons, parce que la vérité finit toujours par triompher!!!
Mamadou Bodian
L’ÉTAT DOIT-IL ACCELERER SUR LA ROUTE CHAOTIQUE DES DEUX-ROUES ?
Lorsqu’une autorité étatique décide d’agir, elle doit maîtriser tous les paramètres en jeu et avancer avec détermination, car toute hésitation ou rétropédalage peut être perçu comme un aveu d’impuissance, fragilisant sa crédibilité et son autorité.
Lorsqu’une autorité étatique décide d’agir, elle doit maîtriser tous les paramètres en jeu et avancer avec détermination, car toute hésitation ou rétropédalage peut être perçu comme un aveu d’impuissance, fragilisant sa crédibilité et son autorité.
La régulation des motos non immatriculées au Sénégal, initiée par le ministère des Infrastructures et des Transports terrestres et aériens (MITTA), illustre cette exigence. Inscrite dans une démarche ambitieuse et complexe, cette initiative vise à structurer un secteur à la fois dynamique, précaire et profondément enraciné dans l’informalité.
Annoncée le 2 janvier 2025, elle accorde un délai de trois mois aux conducteurs de deux-roues non conformes pour se régulariser, avec une échéance fixée au 13 mars 2025. La gratuité temporaire des démarches d’immatriculation, effective dès le 6 janvier, traduit une tentative audacieuse de conjuguer fermeté réglementaire et pragmatisme socio-économique. Cette approche hybride reflète une volonté d’adaptation aux multiples réalités d’un secteur essentiel pour des millions de Sénégalais.
Ces deux-roues, initialement présents dans des villes comme Kaolack et Thiès, ont progressivement envahi Dakar, malgré des restrictions réglementaires. Dans un contexte où environ 300 000 nouveaux demandeurs d’emploi, majoritairement des jeunes, affluent chaque année sur le marché du travail, les motos « Jakarta » sont devenues une véritable bouée de sauvetage.
En 2024, le taux de chômage élargi atteignait 21,6 %, contre 18,6 % l’année précédente, révélant l’incapacité structurelle du secteur formel à absorber cette main-d’œuvre croissante. Dans cette situation, l’« économie de débrouille » s’impose comme une réponse pragmatique, et les motos « Jakarta », estimées à plus de 500 000 en circulation, en sont le symbole. Offrant des opportunités d’emploi informel dans le transport de personnes et de marchandises – notamment à travers des services de livraison express (Thiak-Thiak) –, elles comblent les lacunes béantes d’un marché de l’emploi en crise.
Face à ces réalités, l’autorité étatique se trouve confrontée à un dilemme complexe : comment structurer et réguler un secteur aussi désorganisé sans briser sa fonction sociale essentielle ? La réponse à cette question exige une gestion stratégique et équilibrée, afin de préserver la légitimité de la régulation tout en répondant aux besoins économiques et sociaux des populations concernées.
1. Les motos « Jakarta » : un enjeu entre innovation populaire et quête de régulation par l’État
Les motos « Jakarta » ne sauraient être réduites à de simples moyens de transport. Elles constituent le fragile point d’ancrage qui relie des milliers de jeunes à une forme de dignité économique, dans un contexte où l’accès à un emploi stable demeure une utopie pour une large partie de la population. En desservant des zones où les infrastructures de transport public sont déficientes, ces deux-roues se sont imposées comme une réponse pragmatique aux lacunes structurelles. Elles incarnent un microcosme où l’ingéniosité individuelle se conjugue avec des besoins collectifs urgents, illustrant ainsi l’économie informelle en tant que palliatif face aux insuffisances d’un État souvent perçu comme distant et déconnecté des réalités quotidiennes.
Toutefois, cette dynamique socio-économique n’est pas sans failles. L’augmentation des accidents de la route met en lumière l’absence criante de formation, de régulation et de respect des normes de sécurité. En 2019, l’Agence nationale de la Sécurité routière (Anaser) a recensé 4 000 accidents de la circulation, dont 745 ont entraîné des décès. Ces chiffres, bien qu’austères dans leur présentation statistique, traduisent une urgence sociale où les fragilités de l’économie informelle pourraient se muer en crises nationales.
Dans ce contexte, l’État tente de reprendre le contrôle sur un secteur échappant depuis longtemps à toute régulation formelle. L’instauration de l’immatriculation obligatoire, le renforcement des contrôles routiers et l’application de sanctions traduisent une volonté manifeste de rendre visible et compréhensible une activité jusqu’alors insaisissable. Cependant, ces mesures dépassent largement le cadre technique de la régulation : elles reflètent une bataille symbolique, celle d’un État cherchant à réaffirmer son autorité face à une économie informelle souvent perçue comme incontrôlable.
Cette situation met également en lumière un enjeu fondamental : la marginalité administrative des acteurs du secteur. Une part importante des conducteurs se trouve dépourvue de pièces d’identité en raison des lacunes de l’état civil, les privant ainsi de l’accès aux documents officiels indispensables tels que le permis de conduire ou la carte grise. Cette exclusion administrative aggrave leur précarité et limite leur intégration dans le cadre légal, renforçant ainsi les inégalités systémiques.
Dans ces conditions, les initiatives actuelles doivent impérativement s’inscrire dans une démarche plus large, visant à combler ces lacunes structurelles. Sans une prise en compte globale des réalités vécues par ces acteurs, l’efficacité des mesures réglementaires risque d’être sérieusement compromise, alimentant davantage les poches d’exclusion et fragilisant encore la relation entre l’État et ses citoyens. Par ailleurs, la tentative de formalisation soulève des interrogations légitimes : comment intégrer un secteur fondé sur la débrouille sans en altérer l’essence ?
La gratuité temporaire des démarches d’immatriculation, en vigueur jusqu’au 13 mars 2025, constitue certes une initiative louable, mais demeure insuffisante si elle n’est pas accompagnée d’un accompagnement concret et d’une simplification administrative. Les longues files d’attente, la centralisation des services à Dakar, et les coûts annexes liés aux prestataires privés complexifient davantage le quotidien des conducteurs, déjà en situation de précarité.
L’expérience démontre qu’une régulation imposée sans concertation avec les populations concernées est vouée à échouer, suscitant des résistances, qu’elles soient explicites ou plus diffuses. Ainsi, une réflexion s’impose : l’État peut-il réguler sans aliéner ? Peut-il imposer la visibilité sans opprimer ? Une gouvernance adaptée, conciliant fermeté et inclusion, pourrait alors transformer ce défi en une opportunité de structurer un secteur vital tout en renforçant la légitimité de l’État auprès de ses citoyens.
2. Réguler l’informel : entre résistances discrètes et opportunités de transformation durable
Toute tentative de contrôle d’un secteur informel porte en elle le risque de résistances. Les motos « Jakarta » ne se limitent pas à leur fonction utilitaire ; elles incarnent une forme d’autonomie et de survie économique pour leurs propriétaires et conducteurs.
Dès lors, toute mesure perçue comme restrictive ou punitive est susceptible de provoquer des résistances, qu’elles soient passives — contournement des règles, évasion administrative — ou actives, sous forme de tensions sociales visibles.
Les initiatives précédentes, souvent empreintes d’une approche coercitive, illustrent bien cette dynamique. Les arrestations massives et les amendes disproportionnées n’ont fait qu’accentuer le sentiment d’exclusion et la méfiance envers les autorités publiques.
Si l’État veut éviter que cette nouvelle tentative de régulation ne devienne un catalyseur de conflits, il est essentiel d’adopter une posture d’écoute et de dialogue. Cela passe par l’implication active des acteurs du secteur — conducteurs et propriétaires — dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques.
Pour réussir, cette régulation doit s’inscrire dans une vision globale de transformation sociale et économique. Elle ne peut se limiter aux contrôles et sanctions, mais doit se muer en un levier d’intégration et de modernisation. Une telle démarche exige des réformes structurelles, notamment la simplification et la déconcentration des démarches administratives, ainsi que l’introduction de plateformes numériques pour en faciliter l’accès.
Des initiatives comme des subventions pour l’acquisition d’équipements de sécurité (casques, vêtements de protection), accompagnées de campagnes de sensibilisation ciblées, sont également indispensables. Mais au-delà des mesures techniques, cette transformation repose avant tout sur une gouvernance participative. L’État doit percevoir les conducteurs et propriétaires de motos non comme des contrevenants potentiels, mais comme des partenaires essentiels dans la construction d’un secteur plus sûr, plus organisé et capable de contribuer à un développement économique inclusif.
La régulation des deux-roues au Sénégal représente une opportunité de repenser la gouvernance en conciliant fermeté étatique et pédagogie de l’inclusion. L’État doit affirmer son autorité en garantissant le respect des normes de sécurité publique, mais sans se limiter à des mesures coercitives susceptibles de susciter des résistances.
Pour désamorcer ces résistances, une gouvernance participative est indispensable. Elle doit s’appuyer sur la concertation avec les acteurs concernés pour co-construire des solutions adaptées. L’inclusion intelligente, quant à elle, repose sur des incitations et une pédagogie proactive : simplification des démarches, décentralisation des services, subventions pour les équipements de sécurité, et campagnes de sensibilisation ciblées. En impliquant les usagers, l’État peut transformer ce secteur informel en un moteur d’intégration sociale et économique. Les motos « Jakarta », vitales pour l’emploi et la mobilité, doivent être reconnues pour leur impact et intégrées dans une économie modernisée.
Ainsi, cette régulation ne doit pas être perçue comme une simple réponse administrative ou une tentative de contrôle, mais comme un véritable levier de transformation sociale. En alliant fermeté, pédagogie et inclusion, le Sénégal peut non seulement désamorcer les tensions liées au changement, mais également poser les bases d’un modèle exemplaire de gouvernance, où l’autorité de l’État s'exerce dans une logique de coopération et de co-construction. Cette démarche offrirait non seulement une solution aux défis immédiats, mais aussi une vision à long terme pour un développement harmonieux et inclusif.
Par Moussa SARR
LE MENSONGE, ENTRE INTERDIT SPIRITUEL ET DÉFI SOCIOLOGIQUE
Le mensonge, phénomène omniprésent dans les interactions humaines, occupe une place particulière dans les enseignements de Serigne Touba
Le mensonge, phénomène omniprésent dans les interactions humaines, occupe une place particulière dans les enseignements de Serigne Touba. Dans ses khassida, il ne se contente pas de le condamner, il lui attribue une gravité exceptionnelle en affirmant que le mensonge est pire que le fait de ne pas étudier le Coran. Cette déclaration interpelle par sa force : pourquoi un tel jugement sur le mensonge, un acte souvent banalisé dans les relations sociales ?
Pour comprendre cette hiérarchisation, il est nécessaire de plonger dans les écrits de Serigne Touba, qui ancrent cette condamnation dans une perspective spirituelle et morale profonde. Le mensonge est décrit comme une rupture fondamentale avec l’ordre divin, une entrave à la lumière spirituelle que représente la vérité. Dans le poème Jawhîratul Kâmil, Serigne Touba souligne que la vérité est une lumière qui guide l’homme vers le chemin de Dieu, tandis que le mensonge obscurcit cette lumière et plonge l’âme dans les ténèbres. Cette vision va au-delà d’un simple impératif moral : elle fait du mensonge une attaque directe contre l’harmonie spirituelle et sociale voulue par Dieu. Ainsi, Serigne Touba élève la vérité au rang de condition première pour établir un lien véritable avec le divin, mais aussi pour garantir la cohésion entre les hommes.
En examinant le mensonge à travers le prisme de la sociologie, on découvre qu’il ne se réduit pas à une transgression morale individuelle. Dans l’approche interactionniste de Erving Goffman, le mensonge apparaît comme un outil utilisé pour préserver l’image sociale ou éviter des conflits dans des interactions spécifiques. Cette perspective ouvre une question essentielle : peut-on considérer certains mensonges comme nécessaires au maintien d’une certaine cohésion sociale, ou représentent-ils invariablement une menace pour le tissu collectif ?
Au-delà des interactions quotidiennes, Niklas Luhmann, dans sa théorie des systèmes sociaux, insiste sur le fait que la confiance est la pierre angulaire des institutions. Lorsque le mensonge devient systémique, par exemple dans les discours politiques ou les médias, il érode profondément cette confiance, fragmentant la société et favorisant l’individualisme méfiant. Cette dynamique est particulièrement visible dans les institutions modernes, où la perte de crédibilité peut entraîner des crises majeures. Dans le champ philosophique, la condamnation du mensonge est également analysée sous des angles variés.
Emmanuel Kant, dans Fondements de la métaphysique des mœurs, adopte une position radicale en affirmant que le mensonge est moralement injustifiable, quelles que soient les circonstances. Pour Kant, l’impératif catégorique nous oblige à agir comme si notre comportement pouvait devenir une loi universelle. Un monde où le mensonge est universel détruirait toute possibilité de communication et de confiance. A l’opposé, Friedrich Nietzsche, dans Par-delà bien et mal, offre une réflexion plus nuancée, affirmant que la vérité elle-même est une construction humaine, une illusion utile façonnée par nos perspectives et nos besoins. Cette remise en question de la vérité absolue nous invite à réfléchir : tous les mensonges sont-ils également nocifs, ou certains peuvent-ils avoir une fonction protectrice dans des situations spécifiques ? Enfin, Hannah Arendt, dans Vérité et politique, examine le mensonge comme un outil de pouvoir. Elle met en garde contre les dangers des mensonges politiques qui, lorsqu’ils deviennent dominants, détruisent la réalité partagée et empêchent tout effort collectif.
Face à ces multiples perspectives, les enseignements de Serigne Touba offrent une boussole morale et spirituelle d’une grande pertinence. En plaçant la vérité au cœur des valeurs humaines, il ne propose pas seulement une condamnation du mensonge, mais un appel à une transformation intérieure et collective. Il s’agit de reconnaître la vérité comme une pratique quotidienne, un effort conscient pour aligner ses paroles et ses actes avec une réalité transcendante. Cette posture, si elle est adoptée à l’échelle individuelle et sociale, pourrait restaurer la confiance dans les relations humaines et les institutions. Une telle éthique exige également une pédagogie adaptée, qui valorise la transparence, la responsabilité et le courage d’assumer la vérité, même lorsqu’elle est inconfortable.
En somme, le mensonge, tel qu’il est abordé dans les khassida et analysé à travers les lunettes de la sociologie et de la philosophie, dépasse la simple question morale pour devenir un enjeu fondamental de la vie spirituelle et sociale. Il n’est pas seulement un acte isolé, mais un miroir des failles ou des forces d’une société. En réaffirmant l’importance de la vérité, Serigne Touba et les grandes traditions de pensée nous rappellent que la confiance, la justice et l’harmonie reposent sur cette lumière fragile, mais essentielle, qu’est la vérité.
Moussa SARR, Ph.D.
Socioticien, sociologue, communicateur et chercheur transdisciplinaire
Par DIAGNE Fodé Roland
BASES MILITAIRES FRANÇAISES ET ETRANGERES : RETRAIT CONCERTE OU DECISION SOUVERAINE ?
Les patriotes panafricains se sont réjouis à juste titre de l’expulsion des troupes françafricaine, eurafricaine et usafricaine du Mali, du Burkina et du Niger, trois pays qui ont ensuite souverainement fondé la Confédération des Etats du Sahel (Aes). Le Tchad puis le Sénégal ont par la suite annoncé le départ des bases militaires françaises.
Jusque-là, il n’y avait que des raisons de se réjouir de ces décisions souveraines de mettre fin à l’occupation militaire française qui perdure depuis les années 60 sur la base des «accords de défense militaire», partie intégrante des «accords de coopération», incluant la pérennisation du franc colonial Cfa, le monopole de l’exploitation par les Multinationales que De Gaulle avait imposé aux renégats de la lutte anticoloniale faisant passer nos pays de colonies en néo-colonies.
Mais voilà que celui qui a été fait Président de la Côte d’Ivoire sur les chars du 43ème Bima et du bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët, piliers de l’armada occupante française, vient de jeter le trouble lors de son message de fin d’année en déclarant : «Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire … Ainsi, le camp du 43ème Bima, le bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët, sera rétrocédé aux Forces armées de Côte d’Ivoire dès ce mois de janvier 2025.»
Nos camarades du Parti communiste du Bénin (Pcb) attire l’attention sur l’audition parlementaire, en janvier 2024, du Chef d’Etat-major français des Armées (Cema), le Général Thierry Burkhard, qui recommandait la nécessité d’invisibiliser l’occupation militaire de l’Afrique par l’impérialisme françafricain, eurafricain et usafricain ainsi : «Nous avons des bases au Sénégal, au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Elles sont installées dans les capitales, et même parfois enclavées dans des aires urbaines en expansion. Leur empreinte et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer. Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités.» Et le Président Macron de préciser aux «armées françaises» à Djibouti le 20 décembre 2024 que «notre rôle change en Afrique […] parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent… vis-à-vis desquels nous devons aider à la formation, à l’équipement, en renseignement, pour des opérations spécifiques».
Nos camarades du Parti communiste révolutionnaire de Côte d’Ivoire (Pcrci) informent que «créé en 1914, le 43ème Régiment d’Infanterie (RI) est un détachement de l’armée coloniale qui a servi de poste pour les deux guerres mondiales, la guerre d’Indochine, celle d’Algérie.
Il a été rebaptisé en 1978, 43ème Bima (Bataillon d’Infanterie de la Marine à Abidjan), sans changer la mission principale à lui assignée, à savoir, veiller sur les intérêts des puissances impérialistes, en particulier français, surveiller les pouvoirs néocoloniaux et intervenir militairement si nécessaire pour imposer l’ordre néocolonial».
Nos camarades communistes de Côte d’Ivoire précisent : «Il ne s’agit pas d’une décision de Ouattara de faire partir l’Armée française, mais d’une rétrocession du patrimoine foncier de la France à la Côte d’Ivoire. Pour que le Peuple de Côte d’Ivoire considère que c’est une décision de faire partir le 43ème Bima, il eut fallu d’abord rompre les accords de défense de 1961, qui octroient la propriété de cette terre à la France.»
Ils ajoutent : «Basée à Port Bouet, cette armée française, selon les accords de défense entre la Côte d’Ivoire et la France de 1961, a le droit d’importer et d’exporter tous matériels sans autorisation de la douane. Elle a le droit de faire des opérations militaires sur toute l’étendue du territoire, sans autorisation des autorités militaires et politiques nationales ou régionales… L’Armée française a créé une école internationale de lutte contre le terrorisme à Jacqueville. De même, les militaires américains chassés du Sahel ont eu l’autorisation de créer une base militaire dans la région d’Odienné, une région près de la frontière avec le Mali et la Guinée. La décision de récupération du 43ème Bima ne mentionne pas ces autres bases militaires.»
Le Pcrci mentionne que «le mot d’ordre du départ sans condition des Armées françaises de Côte d’Ivoire est devenu, depuis 2011, un mot d’ordre du Peuple de Côte d’Ivoire en lutte pour sa souveraineté totale. En effet, les combats contre la rébellion de 2002 à 2011, armée par la France, le bombardement du Palais présidentiel par l’Armée française pour déloger Gbagbo et installer Ouattara, ont mis à l’ordre du jour cette revendication longtemps propagée par les communistes et les panafricanistes».
Important le rappel suivant du Pcrci : «En 1958, Houphouët a dit oui à la communauté pour tuer le désir d’indépendance et le panafricanisme. Aujourd’hui, ce combat reste entier en Afrique et en Côte d’Ivoire où il s’exprime par la violence avec des millions de morts. Les pays membres de la Cedeao ont décidé en 2014, de mettre en place une monnaie unique non arrimée à une quelconque monnaie. En 2019, Alassane Ouattara propose en grande pompe avec Macron la création de l’Eco-Cfa. Le projet Eco, tel que voulu par les peuples, est mort… Hélas pour ces charlatans, les peuples ont largement gagné en maturité dans le combat contre l’impérialisme. Le verdict dans les rues d’Abidjan est sans appel ; cette décision est du pipeau (une sorte d’arnaque politique) disent les Ivoiriens.»
Il apparaît donc que la sortie de l’actuel Président ivoirien est une conséquence des mobilisations populaires pour dire Non à l’occupation de nos pays par les bases militaires françafricaine, eurafricaine et usafricaine. Mais c’est là aussi un stratagème partie prenante de la nouvelle manœuvre néocoloniale qui ressemble fort à une tentative de transformer nos armées africaines en une nouvelle «force noire de tirailleurs» au service du maintien de la domination et de l’hégémonie de l’impérialisme françafricain, eurafricain, usafricain. Ils partent tout en restant tout comme L.S. Senghor voulait «l’indépendance immédiate mais pas immédiatement» avant 1960.
Le nouveau pouvoir souverainiste du Sénégal doit clairement adosser sa décision de faire partir les bases militaires françaises et étrangères à la rupture donc à l’annulation, y compris par voie parlementaire, «des accords de défense» de 1960.